France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer (n° 1226, 1351).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l'article 107-3 du règlement, nous entendrons tout d'abord les interventions du Gouvernement et du rapporteur de la commission, puis les explications de vote des groupes ; nous passerons ensuite directement au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
Depuis la crise financière de 2008, de très nombreuses règles ont été adoptées, principalement au niveau européen, en matière de régulation financière. Ainsi, à l'instar des dispositions métropolitaines du code monétaire et financier, les dispositions relatives à l'outre-mer se sont multipliées, ce qui rendait nécessaires une réorganisation et une clarification.
Les services du ministère de l'économie et des finances ont envisagé un code spécifique à l'outre-mer ; dans un souci de simplification et d'intelligibilité des règles juridiques, nous avons finalement préféré opter pour une nouvelle présentation et une réécriture de la quasi-totalité des articles afin de rendre le livre VII du code monétaire et financier, relatif aux territoires d'outre-mer, plus accessible, tant du point de vue de l'État que pour répondre aux besoins des usagers – en particulier ultramarins – et faciliter l'activité des opérateurs financiers comme des entreprises.
Pour mémoire, le projet de loi s'appliquera de plein droit aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, qui sont régies par le principe d'identité législative : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte. Ce sera également le cas dans celles relevant de l'article 74 de la Constitution, donc du principe de spécialité législative, mais dont les statuts prévoient que les lois et règlements y sont applicables de plein droit : Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans les territoires du Pacifique – Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Nouvelle-Calédonie –, le texte sera applicable sur mention expresse, le domaine bancaire et financier faisant partie des matières qui relèvent statutairement de la compétence de l'État. Un point à noter : toujours dans le souci de rendre le droit plus directement lisible par les citoyens, par les entrepreneurs, l'emploi de tableaux dits compteurs Lifou, qui constituent des grilles de lecture, a été adoptée pour tous les articles applicables dans le Pacifique.
Ce texte, qui parachève plus de trois années de travaux de recodification, vise notamment à la ratification des ordonnances relatives à la partie législative du code monétaire et financier. Celle du 15 février 2022, prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, prévoit ainsi une habilitation permanente à étendre outre-mer les dispositions législatives existantes qui ressortissent à la compétence de l'État – sous la condition d'une ratification effective, impliquant un vote du Parlement dans les dix-huit mois suivant sa publication. La future loi doit donc impérativement, sous peine de caducité, être adoptée avant le 26 août, d'où son examen selon la procédure accélérée. Un certain nombre de dispositions ont fait l'objet de consultations des collectivités concernées, notamment l'article 5, qui a trait au retrait de billets aux distributeurs automatiques, et les articles 7 et 8, relatifs à la modernisation des missions de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (Iedom) et de l'Institut d'émission d'outre-mer (Ieom).
Ce serait bien de ratifier aussi les autres ordonnances, monsieur le ministre délégué. Il y en a qu'on ne ratifie jamais !
L'adoption de ce projet de loi permettra ainsi d'achever la refonte du livre VII, dont l'intitulé austère recouvre, je le répète, un objectif essentiel pour les territoires d'outre-mer : rendre plus lisible, plus intelligible, le droit bancaire et financier.
Applaudissements sur les bancs des commissions, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
En tant qu'élu de la circonscription où se situe le village d'Artolsheim, commune française la plus éloignée de la mer, peut-être étais-je le moins disposé d'entre vous à traiter des territoires ultramarins : la vie parlementaire est riche de telles surprises.
Absolument ! Il me revient donc de vous présenter ce projet de loi, au sujet duquel la conférence des présidents a décidé, lors de sa réunion du 6 juin, de recourir à la procédure de législation en commission – je remercie Éric Coquerel d'avoir bien voulu soutenir notre requête en ce sens. Cette procédure, pour laquelle le Sénat a également opté, est en effet particulièrement appropriée aux textes techniques, qui se prêtent bien au travail en commission. Dans toutes les collectivités ultramarines, Nouvelle-Calédonie incluse, le droit monétaire, bancaire et financier relève de la compétence de l'État : ce projet de loi constitue l'aboutissement de plusieurs années de travail de nos administrations en vue de le recodifier, le Parlement ayant habilité le Gouvernement à légiférer en la matière dès la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, puis renouvelé cette habilitation dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte. C'est donc un long cheminement qui touche aujourd'hui à sa fin.
Derrière la technicité des dispositions, il y a, de la part des pouvoirs publics et du législateur, un objectif simple : rendre le droit monétaire, bancaire et financier plus lisible pour les acteurs des territoires d'outre-mer. L'article 1er du texte vise ainsi à ratifier deux ordonnances – l'ampleur du travail était telle qu'une seule n'y a pas suffi – de recodification du livre VII du code monétaire et financier, la première prise dans le cadre de l'habilitation conférée au Gouvernement par la loi Pacte, la seconde en vertu de l'article 74-1 de la Constitution, lequel dispose : « Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l'organisation particulière de la collectivité concernée ». Or les ordonnances relevant de cet article doivent faire l'objet d'une ratification expresse dans les dix-huit mois suivant leur publication, et ce délai expire le 26 août.
Encore une fois, ce serait bien de ratifier aussi les autres ordonnances !
En outre, cette deuxième ordonnance a également rendu applicable outre-mer une ordonnance du 22 décembre 2021 modernisant le cadre relatif au financement participatif : d'accord avec le Sénat, nous l'avons conservée dans le texte. L'article 1er bis, inséré par les sénateurs, vise du reste à prolonger de deux ans l'expérimentation concernant le financement participatif, ce qui donnera aux collectivités une chance de se saisir de ce dispositif méconnu – au point de n'avoir encore jamais été utilisé, comme nous l'avons observé en commission. L'article 2 tend à rendre expressément applicables outre-mer les modifications de certains articles du code monétaire et financier par des textes postérieurs aux ordonnances précitées ; l'article 5 tend à corriger une disposition relative aux retraits d'espèces aux distributeurs en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ; les articles 7 et 8 visent à moderniser les missions de l'Iedom et de l'Ieom, qui sont en quelque sorte les petites banques centrales des collectivités ultramarines.
La commission a créé le 14 juin, par voie d'amendement, deux articles supplémentaires. Le premier, l'article 3 bis, rendra applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna le règlement du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués ; le second, l'article 4 bis, vise à corriger des erreurs de rédaction commises, au cours de la recodification du livre VII, lors de la transposition des dispositions relatives à l'encaissement des chèques en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Surtout, la commission a rétabli l'article 9, que le Sénat avait supprimé et qui prévoit, dans un objectif de sécurité juridique, qu'un nouvel article du code monétaire et financier précise les fondements législatifs du fichier des comptes outre-mer (Ficom), qui centralise les données relatives aux comptes de toute nature émanant des deux instituts d'émission, par analogie avec les fondements du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), lequel concerne l'Hexagone.
La question des personnes habilitées à accéder aux données du Ficom, renvoyée par le texte au domaine réglementaire – « un arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'outre-mer » –, a suscité le débat en commission : je précise qu'il a été fait droit aux demandes de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et que celle-ci sera de nouveau consultée par la suite. Quant à la question du parallèle avec le Ficoba, j'y répondrai en trois points. Premièrement, étant donné les dispositions du code général des impôts et l'obligation faite aux organismes teneurs de comptes, depuis la loi de finances pour 1981, de les déclarer à l'administration fiscale, on peut considérer que le Ficoba a des fondements légaux. Deuxièmement, l'accès n'en est pas déterminé seulement par la loi : l'arrêté du 14 juin 1982 énumère une vingtaine de catégories de personnels habilités. Troisièmement, le code de procédure pénale, et par conséquent l'habilitation des magistrats ainsi que celle des officiers de police judiciaire, s'applique outre-mer de plein droit. L'article 9 vise donc bien à établir un parallèle entre le Ficoba et le Ficom. Pour toutes ces raisons, je vous appelle, chers collègues, à vous prononcer en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le texte que nous sommes amenés à examiner clôt trois années de recodification visant à clarifier les dispositions applicables outre-mer du code monétaire et financier. Ce long et fastidieux travail s'est révélé plus que nécessaire, le contenu du livre VII étant devenu à la fois illisible – structure désordonnée, conditions d'application des dispositions souvent réparties entre plusieurs chapitres, voire plusieurs titres – et inadapté – depuis la crise financière de 2008, les évolutions normatives en matière de régulation financière ont été nombreuses, si bien que beaucoup d'articles avaient perdu en clarté et en cohérence. Face à cette situation, le Gouvernement, par voie d'ordonnances, a procédé à une totale refonte, à une rénovation en profondeur de ce livre : nous saluons la qualité de ce travail, et je tiens d'ailleurs à souligner que la commission supérieure de codification, dans son rapport annuel de 2021, « a tenu à saluer le travail considérable de l'administration et de son rapporteur particulier et s'est félicitée du progrès que constitue la réécriture proposée ».
Au-delà du caractère technique qu'il semble revêtir, ce texte contribuera à améliorer la loi en la rendant plus accessible, intelligible et protectrice, tant pour l'administration et la justice que pour les usagers.
C'est pour toutes ces raisons qu'il est nécessaire de ratifier les ordonnances qui le composent et de leur donner une valeur législative afin qu'elles ne deviennent pas caduques car, dans ce cas, nous perdrions le fruit d'un travail aussi fastidieux qu'essentiel.
Je salue également la modernisation de l'Ieom et de l'Iedom. L'article 7, en particulier, permettra à ce dernier d'échanger des données statistiques avec l'Insee, ce qui améliorera la qualité des analyses économiques et financières portant sur ces territoires.
L'article 8 mérite d'être noté : ses dispositions contribueront à prévenir les faillites en accordant à l'Ieom la possibilité de noter la situation financière des entreprises volontaires et de partager ces informations avec les acteurs impliqués dans la prévention et le traitement de leurs difficultés. Nous serons ainsi plus vigilants à l'égard des entreprises en difficulté, dont l'accompagnement sera renforcé.
En somme, ce projet de loi qui rendra plus lisible le droit bancaire et financier applicable outre-mer grâce à la ratification des ordonnances de recodification. De plus, la modernisation de l'Ieom et de l'Iedom renforcera leur rôle dans ces territoires, notamment en matière de prévention des faillites. C'est pourquoi le groupe Démocrate votera résolument pour ce texte.
La refonte du livre VII du code monétaire et financier, qui adapte aux territoires ultramarins des dispositions en matière d'émission de monnaie et d'activités bancaires et financières, était nécessaire.
Cependant, nous sommes toujours vigilants lorsqu'il s'agit de ratifier des ordonnances, lesquelles ont pour effet d'éloigner le Parlement de la prise de décision, au détriment de la transparence et de la publicité des débats. Nous préférerons toujours débattre des sujets qui intéressent nos territoires d'outre-mer, dont les spécificités imposent de travailler en lien avec ses représentants.
S'agissant de l'article 1er , beaucoup de marge est donnée au Gouvernement et peu d'informations à la représentation nationale. Ainsi, les ordonnances du 15 septembre 2021 et du 15 février 2022 ont réorganisé le livre VII du code monétaire et financier, mais elles en ont également réécrit certaines dispositions ; or l'étude d'impact est muette à propos de ces modifications.
Nous saluons l'extension bienvenue des missions de l'Iedom et de l'Ieom, de nature à renforcer l'information économique et le contrôle prudentiel dans les territoires ultramarins, tout en permettant à l'Inspection générale des finances de s'assurer que la mission de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est menée à bien. La question se pose toutefois de savoir pourquoi cette mission revient historiquement à l'IGF plutôt qu'à la Banque de France.
En revanche, permettez-moi de vous faire part d'un profond regret au sujet des frais bancaires. À l'article 5, vous êtes revenus sur la gratuité de tous les retraits d'espèces dans les distributeurs automatiques de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Nous pensons que c'est une erreur et nous avons donc déposé deux amendements visant à rétablir cette disposition et même à l'étendre à l'ensemble des distributeurs des territoires d'outre-mer. D'après le dernier rapport annuel de l'observatoire des tarifs bancaires pour les départements et collectivités d'outre-mer de la zone euro de l'Iedom, les tarifs bancaires ont augmenté et les frais bancaires sont plus élevés aux Antilles que dans l'Hexagone. Dix pour cent : tel est le surcoût que les Français d'outre-mer doivent payer à leur banque par rapport à l'Hexagone ! C'est ce que dévoile une étude menée par l'association de consommateurs CLCV – consommation, logement, cadre de vie. Quelles raisons justifient de tels écarts ? Cette situation, qui ne date pas d'hier, entraîne toujours autant d'incompréhension de la part des ultramarins. Pour un compte courant, une carte bancaire et deux retraits déplacés par mois, il faut compter, à services exactement équivalents, une cotisation moyenne de 72 euros en outre-mer contre 66 euros dans l'Hexagone.
Les inégalités entre les tarifs des banques dans l'Hexagone et en outre-mer sont une réalité bien connue des pouvoirs publics. Il est important de faire participer les banques à l'effort collectif visant à redonner du pouvoir d'achat aux populations des territoires ultramarins sinistrés. Les mouvements contre la vie chère et les grèves qui ont traversé les outre-mer ces dernières années – en Guyane en 2017, à Mayotte en 2018 ou encore en Guadeloupe en 2021 – soulignent la persistance, voire l'aggravation des fragilités économiques et sociales dans les territoires ultramarins. Les différences que nous constatons dans nos territoires s'agissant du secteur bancaire ne font qu'aggraver les choses.
Nous voterons donc pour ce texte,…
…tout en invitant le Gouvernement et sa majorité relative à prendre en considération, dans les prochaines semaines et les prochains mois, nos propositions pour lutter contre la vie chère dans les territoires d'outre-mer.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Je serai brève car l'ordre du jour est chargé et le rapporteur a déjà parfaitement résumé les enjeux de ce projet de loi.
Ce texte est d'abord nécessaire compte tenu des contraintes calendaires auxquelles nous sommes soumis pour ratifier les ordonnances en question. Il permet également de mettre à jour et de corriger le cadre juridique applicable à certaines de nos collectivités d'outre-mer. Enfin, nous nous réjouissons de la modernisation des missions de l'Iedom et de l'Ieom.
Vous l'aurez compris, ce projet de loi permet d'améliorer l'intelligibilité du droit bancaire et financier pour tous les acteurs établis dans les collectivités d'outre-mer. Je tiens à remercier et à féliciter sincèrement les services administratifs pour leurs travaux de recodification, aussi importants que précieux.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Horizons et apparentés voteront naturellement pour ce texte.
D'apparence très technique, ce projet de loi pose la question majeure du principe d'égalité entre tous les citoyens. Comme l'a dit M. Baptiste, il est notamment mis fin à la règle de la gratuité totale des retraits d'espèces en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Dans ces territoires où les temps de trajet sont démultipliés, trouver un service de retrait agréé est parfois impossible, tout simplement. La précarité y est encore plus élevée que dans l'Hexagone ; il faut donc accorder une attention particulière aux dispositions qui enlèvent du pouvoir d'achat – ou du pouvoir de vivre –, si modestes soient-elles.
Disons les choses : ces territoires sont les grands oubliés de la République et les premiers affectés par le bouleversement climatique. Ils méritent donc qu'on aborde l'outre-mer dans cet hémicycle sous un angle autrement plus concret. Comment agrandir la seule maternité de Mayotte ? Comment financer massivement les services publics aux Antilles ? Comment éviter la surpopulation de la seule prison de Polynésie, celle de Faa'a Nuutania, alors que les décisions judiciaires y sont encore plus rudes qu'ailleurs ? Voilà les questions dont nous devrions nous saisir. Le code monétaire et financier est certes important mais nous voudrions pouvoir parler de santé, de perspectives d'emploi, de lutte contre le réchauffement climatique et de services publics dans ces territoires où une personne sur dix est au chômage et où la pauvreté est cinq fois plus répandue que dans l'Hexagone.
En outre, n'adoptons pas toutes les dispositions par ordonnance. C'est nécessaire sur certains sujets très techniques mais tout ne peut pas passer par cette voie : le Parlement doit se saisir des grands sujets.
Nous voterons pour ce texte tout en restant vigilants sur la question de l'égalité territoriale. Plus généralement, de grâce, parlons enfin des outre-mer pour que leurs habitants, selon le mot d'Aimé Césaire, soient des citoyens à part entière plutôt que des citoyens entièrement à part.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot, à qui je souhaite la bienvenue dans l'hémicycle en notre nom à tous.
Applaudissements sur tous les bancs.
Ia ora na ! Bonjour ! Ma première prise de parole dans l'hémicycle concerne un texte qui touche directement les collectivités d'outre-mer, notamment la Polynésie française. Elle portera sur la forme, d'abord, pour contester la méthode utilisée par le Gouvernement, et sur le fond, pour soulever une disposition qui illustre sa méconnaissance de la réalité ultramarine.
Sur la forme, voici quelques constats formulés dans l'avis rendu par l'Assemblée de Polynésie le 10 février 2022 : « Il est utile de souligner une fois de plus que ces saisines à répétition, parfois dans l'urgence, et ces changements de méthodologie sont extrêmement chronophages pour les administrations polynésiennes qui doivent, à chaque fois, analyser des projets lourds, sur une matière très technique, dans des délais très contraints. […] [L]a méthodologie employée par l'État continue de nuire gravement à l'intelligibilité du droit en matière monétaire et [financière] car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d'évaluer les effets des modifications proposées. »
Sur le fond, l'article 5 du projet de loi tend à corriger une prétendue erreur matérielle au 14
Ainsi, sur les soixante-seize îles habitées de Polynésie, une douzaine seulement ont au moins un distributeur. Imposer des frais bancaires sur les retraits, comme le prévoit l'article 5, aurait non seulement des conséquences sur le coût de la vie, déjà très élevé dans ces territoires, mais imposerait aussi aux administrés le choix forcé d'un établissement bancaire. Deux solutions s'offriraient alors à eux : accepter de payer ces frais pour rester dans leur établissement bancaire ou en changer pour ne plus avoir à les supporter.
Notre avis sur les articles 7 et 8 relatifs à la modernisation des missions de l'Iedom et de l'Ieom et sur l'article 9 relatif au fichier des comptes outre-mer est favorable.
Toutefois, pour les raisons que je viens d'exposer, le groupe GDR – NUPES votera contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
Les dispositions relatives à l'outre-mer du code monétaire et financier devaient être adaptées. Les ordonnances que nous ratifions permettent, à droit constant, de réorganiser le code et le projet de loi adapte également certaines dispositions bancaires et financières aux territoires ultramarins.
Je dirai un mot, cependant, de la ratification de l'ordonnance du 15 février 2022. Elle a été prise en application de l'article 74-1 de la Constitution, qui offre au Gouvernement une sorte d'habilitation permanente à légiférer par ordonnance pour étendre des dispositions législatives de droit commun aux territoires ultramarins régis par l'article 74. Cette ordonnance doit impérativement être ratifiée avant le 26 août sous peine de caducité. Les délais de ratification sont donc très contraints ; nous tenions à le signaler.
S'agissant de l'article 2, nous ne nous opposons pas à la prolongation de l'expérimentation relative au financement participatif des services publics mais nous restons vigilants. Sur le plan théorique, le financement de certains services par les citoyens concernés laisse imaginer, dans le pire des scénarios, des services publics à la carte. En pratique, cependant, aucune collectivité n'a encore utilisé cette possibilité.
Nous nous félicitons de l'article 3 bis, qui adapte aux territoires ultramarins le contrôle légal opéré sur les cryptoactifs.
Bien que l'article 5 relatif au coût des retraits d'argent aux distributeurs rectifie une erreur rédactionnelle survenue durant la recodification, il est défavorable à nos concitoyens du Pacifique et nous le regrettons.
L'extension des missions de l'Iedom et de l'Ieom est par ailleurs la bienvenue ; elle renforce en effet l'information économique et le contrôle prudentiel dans les territoires ultramarins.
Je terminerai par deux regrets. Le premier concerne le contrôle des comptes de l'Iedom, qui sera désormais assuré par un commissaire aux comptes au lieu de deux actuellement. Il nous semble que ce changement devrait être mieux justifié et, surtout, évalué dans les prochaines années. Il serait regrettable que la qualité des comptes de l'Institut ne se détériore en raison d'économies de bouts de chandelle. Mon second regret concerne l'absence de réflexion globale sur les frais bancaires, qui ne font pas exception dans un contexte ultramarin marqué par un coût de la vie exorbitant.
Compte tenu de la nécessité de disposer d'un cadre, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiendra néanmoins ce texte.
Je voudrais tout d'abord saluer l'arrivée dans cet hémicycle de ma collègue de Polynésie française, à qui je souhaite la bienvenue. J'espère que nous pourrons défendre ensemble l'intérêt du Pacifique. Je voudrais aussi vous remercier pour votre travail, monsieur Sitzenstuhl ; vous êtes un député de la nation et, à ce titre, vous êtes aussi un député de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
De ce fait, soyez à l'aise dans vos fonctions de rapporteur !
Ce texte peut paraître technique, froid, voire rigide, mes chers collègues, mais il est à mes yeux essentiel. C'est en effet l'uniformité de nos codes et de notre droit qui nous permet de garder une République une et indivisible ; vous savez combien cela est important pour les collectivités d'outre-mer. Le projet de loi que nous nous apprêtons à voter revêt une grande importance pour les collectivités qui ont été confrontées, ces dernières années, à la multiplication des dispositions du code monétaire et financier. La ratification de ces ordonnances vise à rendre plus intelligible le droit bancaire et financier dont les dispositions, dans les territoires d'outre-mer, sont devenues souvent illisibles et parfois même obsolètes. La mise en application du texte tiendra compte de l'évolution des contextes locaux et des réglementations européennes.
Le projet de loi comporte notamment des avancées s'agissant de la modernisation des missions de l'Iedom et de l'Ieom, dont il renforce le rôle de véritable banque centrale pour les collectivités du Pacifique – ce qui dépasse l'objectif initial du code monétaire et financier.
Je voudrais saluer en particulier le travail réalisé pour moderniser l'Ieom et améliorer la gestion des données, dans le but de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale. C'est un enjeu important pour nos îles et nos territoires. À titre personnel, je considère qu'il faut aller plus loin dans l'uniformisation monétaire. Le franc CFP, qui a en cours en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française – le franc des colonies françaises du Pacifique, de son ancien nom –, est à mes yeux archaïque. Indexé sur l'euro, il n'a qu'un rôle identitaire et complique grandement les échanges. Il faudrait donc se pencher sur la question de l'adoption de l'euro dans les collectivités d'outre-mer.
Chers collègues, nous avons devant nous un texte de raison, d'uniformisation, de simplification et de modernisation. Pour ces raisons, le groupe Renaissance votera en sa faveur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Nous sommes invités à nous prononcer sur un dossier très technique. Sur le fond, il s'agit principalement de recodifier les dispositions du code monétaire et financier applicables en outre-mer, rendues illisibles par la multiplication des mesures de régulation financière adoptées après la crise de 2008. De ce point de vue, certains éléments du texte, fruit d'un effort de simplification et de clarification, vont dans le bon sens : ils se traduisent par une meilleure lisibilité du droit et ne soulèvent aucune difficulté d'ordre politique.
D'autres dispositions, en revanche, sont sources de confusion ou, pire, d'inégalités. L'article 1er bis, tout d'abord, prolonge l'expérimentation visant à permettre aux collectivités territoriales de recourir au financement participatif. Ajouté par le Sénat, il a tout du cavalier législatif : on ne comprend pas très bien ce que vient faire dans ce texte un sujet à part entière qui n'est pas spécifique aux outre-mer. D'autant que le financement participatif n'intéresse visiblement pas les collectivités : lors de l'examen du texte en commission, nous avons appris que pas une ne s'était portée candidate. À quoi bon prolonger un dispositif jugé inutile par ceux-là même qu'il concerne ? Le financement participatif des collectivités est d'ailleurs une mesure discutable, rendant possible un mélange des genres entre collectivités publiques et intérêts privés.
Deuxièmement, ce texte met fin à la gratuité de tous les retraits d'espèces dans les distributeurs automatiques de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Certes, cette gratuité résultait d'une erreur technique. Mais dès lors que nos concitoyens en ont bénéficié, la remettre en cause est un choix politique – d'autant plus que les frais bancaires restent plus élevés en outre-mer qu'en métropole. Avant de revenir éventuellement sur cette gratuité, il faudrait d'abord baisser le niveau des frais dans ces collectivités. Quitte à uniformiser les frais de retrait aux distributeurs automatiques – ce qui semble être votre volonté –, pourquoi ne pas les supprimer en métropole ?
Un troisième point critiquable est le recours à la procédure de législation en commission, qui nous empêche de proposer des amendements en séance. Or un certain nombre d'articles additionnels, très peu motivés, ont été ajoutés à l'initiative du rapporteur pendant l'examen du texte en commission, sans que nous en connaissions les tenants et les aboutissants. Certes, le texte est technique et les amendements adoptés le sont tout autant. Mais dans ces conditions, il est difficile pour nous, parlementaires, d'avoir une vision claire du texte sur lequel nous sommes invités à voter, à défaut d'étude d'impact portant sur les articles additionnels.
Le dernier point critiquable concerne la réintroduction de l'article 5, qui avait pourtant été supprimé par le Sénat pour de bonnes raisons. L'accès aux données bancaires est en effet un sujet sensible dans l'ensemble du territoire. Or, en la matière, le projet de loi prévoit d'appliquer un régime juridique différent en métropole et en outre-mer, sans que nous ne comprenions bien pourquoi. La Haute Assemblée avait jugé cette disposition inutile et contre-productive ; c'est également notre avis.
Pour toutes ces raisons, le groupe RN s'abstiendra sur le texte à ce stade. Nous attendrons les résultats de la commission mixte paritaire, dont nous espérons qu'ils tiendront compte de ces différentes critiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cela a été dit par ma collègue polynésienne : ce texte illustre parfaitement les difficultés des gouvernements successifs à prendre en considération les réalités des territoires dits d'outre-mer. Le toilettage des textes qui leur sont applicables est une nécessité. Le caractère illisible et inadapté aux réalités actuelles des dispositions qui nous occupent est tellement évident qu'elles ne pouvaient rester en l'état. Cependant, on nous demande une fois encore de ratifier des ordonnances déjà prises et, pire, on nous demande de réparer un oubli du Gouvernement, qui n'a pas pris les ordonnances dans les délais fixés.
Cette méthode a été dénoncée par l'Assemblée de la Polynésie française. Très critique à l'égard du Gouvernement sur ce dossier, celle-ci a regretté les saisines multiples et en urgence du Gouvernement, alors même que les travaux de recodification ont duré plus de trois ans. Cela prouve le peu de considération que les gouvernements successifs ont pour les outre-mer et leur faible connaissance du sujet, et explique l'avis défavorable rendu par l'Assemblée de la Polynésie sur le projet d'ordonnance de février 2022 du fait, je cite, de « la méthodologie employée par l'État, qui nuit gravement à l'intelligibilité du droit en matière monétaire et financière, car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d'évaluer les effets des modifications proposées. »
Enfin, le Gouvernement veut nous faire croire qu'il prend des dispositions correspondant spécifiquement aux réalités ultramarines. C'est le cas par exemple s'agissant de l'ordonnance de septembre 2022, qui vise à moderniser le cadre relatif au financement participatif. Or cette disposition n'est pas spécifique aux outre-mer et, cela a été dit, aucune collectivité ne s'est saisie de cette possibilité. La disposition prévue à l'article 1er bis, visant à porter de 3 à 5 ans la durée de l'expérimentation permettant aux collectivités le recours au financement participatif obligataire pour leurs projets non commerciaux, n'est pas davantage spécifique aux outre-mer.
Si la modification des missions de l'Ieom constitue en tout état de cause une vraie avancée, le groupe La France insoumise votera contre ce texte, en soutien à nos camarades polynésiens.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Bienvenue à l'Assemblée, chère collègue Reid Arbelot. Je vous souhaite plein succès et beaucoup de bonheur dans cette enceinte où vous représentez la France du bout du monde – merci.
Ce projet de loi d'apparence très technique vise à ratifier plusieurs ordonnances dans un délai maximal de dix-huit mois, comme l'a dit notre rapporteur, ce qui nous laisse jusqu'au 26 août. Déposé et examiné au Sénat selon la procédure accélérée, il arrive à l'Assemblée nationale sans bouleversement majeur. Le groupe LR le votera, mais s'interroge sur certains sujets relatifs plus spécifiquement au monde océanien – Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna.
J'insisterai en particulier sur l'article 9 sur lequel il convient, sinon de s'inquiéter, du moins de s'interroger. Il prévoit en effet de donner une base législative à l'existence du Ficom, qui repose aujourd'hui sur un fondement réglementaire. Le problème est qu'en légiférant de cette façon, on introduit une différence sensible entre le Ficom – qui concerne essentiellement le Pacifique – et son équivalent pour la métropole et les départements d'outre-mer des Antilles et de l'océan Indien, le Ficoba. On ne voit pas bien la pertinence de faire ainsi se conjuguer deux systèmes. Si l'on avait pu éviter cette difficulté, ce n'aurait pas été plus mal.
Des difficultés ont également été signalées par la Cnil. Vous nous avez indiqué, monsieur le rapporteur, qu'elles avaient été levées. Je ne demande qu'à vous croire, mais est-ce bien le cas ?
L'article 5 enfin, qui concerne plus particulièrement le grand public, restreint la garantie de la gratuité des retraits. La zone Pacifique a en effet une singularité : le nombre de guichets permettant de retirer de la monnaie fiduciaire est relativement restreint, du fait essentiellement de l'insularité. Cette difficulté était jusqu'à présent atténuée par la possibilité d'effectuer des retraits gratuitement dans les différents guichets bancaires, quelle que soit la carte dont on était porteur. Ce ne serait plus le cas demain, ce qui pose un problème : on renchérirait ainsi le prix de l'argent dans ces différents territoires, ce qui affecterait le pouvoir d'achat de nos compatriotes de la zone Pacifique dont la situation, on le sait, n'est déjà pas la plus favorable.
Telles sont les quelques réserves sur lesquelles le groupe LR souhaitait attirer l'attention. En tout état de cause, nous voterons le texte afin que les ordonnances puissent être ratifiées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 112
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 71
Contre 17
Le projet de loi est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant l'article 8 bis .
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, pour soutenir l'amendement n° 409 .
Il s'agit d'un amendement de coordination avec la rédaction proposée par M. Belhamiti dans son amendement n° 368 portant article additionnel après l'article 12, qui vise à intégrer le délit douanier commis en bande organisée dans le régime renforcé du code de procédure pénale.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à laquelle la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire a délégué l'examen des articles 1er à 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, 11 ter et 11 quater, pour donner l'avis de la commission.
L'amendement n° 409 est adopté.
L'article 8 bis, amendé, est adopté.
Ils concernent tous les deux le processus par lequel le procureur de la République est tenu informé du placement en retenue douanière d'une personne. L'amendement n° 86 précise que celui-ci devra en être informé « préalablement », ce qui n'empêchera pas pour autant les douaniers de travailler ; l'amendement n° 102 , de repli, indique qu'il devra en être informé « sans délai » car la rédaction actuelle peut laisser place à une information tardive, alors que la retenue touche à sa fin ou même après qu'elle a eu lieu.
La parole est à Mme Nadia Hai, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Monsieur Bouloux, je partage la philosophie générale de vos amendements, dont nous avons déjà débattu en commission. Toutefois, loin d'apporter de simples précisions, ils aboutissent ni plus ni moins à modifier la procédure même de la retenue douanière et soulèvent des difficultés opérationnelles.
L'article 9 instaure un dispositif permettant aux agents des douanes de prendre connaissance de certains documents ou objets et, le cas échéant, de les saisir dans le cadre d'une retenue douanière, laquelle ne peut être mise en œuvre qu'en cas de flagrant délit douanier. Ils ne peuvent pas toujours anticiper le moment où elle aura lieu et ne disposent que d'un temps contraint pour mener à bien leurs investigations puisqu'elle est limitée à vingt-quatre heures. Il ne me semble donc pas raisonnable de subordonner le début des opérations à l'information préalable du procureur qui sera de toute façon « informé par tout moyen », comme l'indique l'article 9, et dans les meilleurs délais. Par ailleurs, l'article 323-3 du code des douanes prévoit qu'il doit être informé « dès le début de la retenue douanière », sans pour autant que cela constitue une condition préalable.
Pour ces raisons, vous comprendrez que j'émettrai comme en commission un avis défavorable sur ces deux amendements.
Même avis pour les mêmes raisons.
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir l'amendement n° 55 .
Comme ceux que j'ai défendus à l'article 2, cet amendement vise à rendre la douane indépendante et autonome vis-à-vis du procureur de la République. Dans sa rédaction actuelle, l'article 9 prévoit en effet que ce dernier est immédiatement informé de la saisie, à laquelle il peut s'opposer en temps réel. Nous voulons, par cet amendement, supprimer cette possibilité d'opposition, en cohérence avec l'objectif poursuivi par la nouvelle procédure. Actuellement, l'exploitation et la saisie de téléphones portables, par exemple, ne sont pas possibles sur la seule base de la procédure douanière, puisqu'il revient au procureur de la République de saisir le service judiciaire pour qu'il procède aux investigations nécessaires. Or tout l'intérêt de la nouvelle procédure est que les agents des douanes puissent disposer d'une plus grande souplesse vis-à-vis du procureur. L'amendement proposé va dans ce sens, sans toutefois remettre en cause le rôle du procureur, qui reste informé par tout moyen et qui demeure, une fois les investigations matérielles menées, gardien de la procédure.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Cet amendement a été rejeté en commission et j'y suis toujours défavorable. La procédure de saisie créée par l'article 9 doit être encadrée par le juge. La constitutionnalité du dispositif, comme celle de toutes les mesures permettant une intrusion dans la vie privée des personnes, est garantie par le haut degré de contrôle assuré par le juge.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Nous sommes évidemment opposés à cet amendement qui traduit une logique contraire à la nôtre. Nous voulons conforter les moyens attribués aux douaniers tout en faisant en sorte que les droits soient préservés. Vous, collègues du Rassemblement national, vous voulez toujours accorder les pleins pouvoirs à ceux qui dépendent de l'exécutif – en l'occurrence les douaniers – et aucun pouvoir à ceux qui relèvent de la justice. Vous estimez suffisant de prévenir le bras judiciaire, sans lui donner de possibilité d'action, mais pour garantir les droits des citoyens, la séparation des pouvoirs doit s'appliquer dans toutes ses dimensions.
Finalement, vous n'avez pas d'argument à nous opposer, madame la rapporteure, puisque vous vous cachez derrière le Conseil constitutionnel. La vérité, c'est qu'il ne s'agit pas d'une proposition anticonstitutionnelle. Dans un arrêt de la Cour de cassation de 2016, sur lequel vous vous fondez d'ailleurs pour créer cette nouvelle procédure, il est indiqué que la saisie matérielle des indices est possible pour les agents des douanes à certaines conditions ; mais il n'est pas question d'une quelconque opposition qui émanerait du procureur de la République.
Par ailleurs, la saisie des objets prévue à l'article 323 du code des douanes a été jugée conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel en 2010. Or cette procédure ne prévoit pas, en l'état, une capacité explicite d'opposition du procureur de la République : elle prévoit simplement que ce dernier est informé, qu'il contrôle la procédure et assure la sauvegarde des droits. L'amendement proposé va donc dans le même sens.
L'amendement n° 55 n'est pas adopté.
Il vise à limiter les cas dans lesquels la saisie du support physique des données est possible, dans la mesure où un disque dur, un téléphone ou un ordinateur peuvent contenir des données sans lien avec la potentielle infraction, mais pouvant être importantes pour la personne qui, à ce stade, n'est encore que suspectée.
C'est pourquoi nous proposons de limiter la saisie aux cas suivants : premièrement, lorsque la copie n'est pas possible ; deuxièmement, si la saisie permet d'éviter la commission d'une infraction. L'objectif est de mieux encadrer la saisie douanière.
Il convient de laisser aux agents des douanes le choix dans la manière de procéder, qu'il s'agisse de saisir le support ou de le copier. Comme vous l'aurez remarqué, le dispositif est déjà bien encadré. Avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 84 n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir l'amendement n° 56 .
La procédure proposée par le Gouvernement prévoit que les agents des douanes peuvent, à l'issue de la retenue douanière, dans un délai de trente jours à compter de la saisie du matériel informatique, effectuer une copie des données qu'il contient. Toutefois, la disposition ajoute une lourdeur procédurale inutile pour les douaniers, à savoir la nécessité d'obtenir une autorisation écrite et motivée du procureur de la République.
Je me réjouis d'ailleurs que M. Reda, vice-président du groupe d'études relatif à la simplification administrative, soulève le même problème dans son amendement n° 161 . Il faut libérer les douaniers de toutes les lourdeurs qui entravent leur action afin de les rendre plus réactifs.
M. Pierrick Berteloot applaudit.
Votre amendement me semble aller trop loin dans l'assouplissement du dispositif. Nous parlons d'une copie de données informatiques effectuée après la retenue douanière, alors que la personne a été remise en liberté. Une telle procédure est certes très utile pour poursuivre les investigations sur certains dossiers, mais elle est dérogatoire et doit, à ce titre, être encadrée.
Vous évoquez l'amendement que M. Robin Reda présentera dans un instant ; celui-ci connaîtra un tout autre sort que le vôtre, sur lequel j'émets un avis défavorable.
Nous sommes tous favorables à la simplification. Je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Sabatou, au profit de celui de M. Reda qui supprime en effet l'exigence d'une autorisation écrite et motivée, simplifiant ainsi la procédure, alors que votre amendement substitue à l'autorisation une simple information, ce qui n'est pas conforme à nos intentions.
Je ne vois pas en quoi informer le procureur poserait problème, monsieur le ministre délégué. L'article 9 prévoit non seulement une autorisation expresse du procureur de la République mais aussi l'obligation de la motiver ; j'imagine que le défaut de motivation du procureur pourra donc constituer un vice de procédure. Nous risquons de créer une usine à gaz, qui dissuadera les agents des douanes comme les procureurs à recourir au dispositif.
L'amendement n° 56 n'est pas adopté.
L'idée n'est pas de simplifier pour simplifier. Dans le cadre d'une retenue douanière, il est procédé à une saisie de matériels, dont le procureur de la République est déjà informé par tout moyen, comme l'indique très clairement l'article 9, et à laquelle il peut s'opposer.
Dès lors que la personne est placée sous main de justice, il ne s'agit pas d'ajouter un fait procédural supplémentaire mais de permettre que des données soient saisies dans le cadre de l'enquête.
Vous avez parfaitement raison, monsieur Reda. Solliciter une autorisation écrite et motivée pour chaque cas risquerait de donner lieu à un engorgement des tribunaux. L'autorisation simple me semble être suffisante, respectueuse des données de la vie privée qui pourraient être saisies. Avis favorable.
Avis très favorable à cet amendement bienvenu, qui permet de revenir sur un formalisme excessif.
L'amendement n° 161 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 342 .
Tirant les conséquences de la réponse du Conseil constitutionnel à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) n° 2016-600 du 2 décembre 2016, laquelle concernait des données saisies au cours d'une perquisition administrative effectuée lors de l'état d'urgence, le présent amendement vise à préciser les modalités de conservation et de suppression de données copiées dans le cadre de la procédure ultérieure à la retenue douanière.
Aux termes de l'amendement, si l'analyse des données copiées permet de constater des infractions douanières, les données et leurs supports sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés. Les autres données sont détruites à l'expiration d'un délai maximal de trois mois.
Je veux saluer la célérité avec laquelle la rapporteure, de son œil avisé, a identifié une lacune du texte en ce qui concerne les modalités de destruction des données non retenues pour l'enquête. Avis favorable.
Je ne peux qu'être favorable à cette proposition puisque j'ai déposé un amendement similaire, lequel devait venir en examen juste après mais tombera sans doute si celui-ci est adopté. Nous avions parlé de ces précisions en commission ; je constate donc que le texte s'améliore.
Je précise simplement que l'adoption du présent amendement ne fera pas tomber le vôtre, monsieur Bouloux.
L'amendement n° 342 est adopté.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement n° 385 .
Puisqu'il n'est pas tombé, je vais le défendre. Il vise à prévoir les modalités de destruction des données copiées par les agents dans le cadre d'une retenue douanière. En effet, en l'état, l'article ne prévoit aucune modalité de suppression de ces données, qui pourraient donc potentiellement être conservées indéfiniment. L'amendement se calque sur les modalités de restitution des supports physiques saisis. Ces modalités pourront être précisées et aménagées lors de la navette parlementaire.
Même avis pour les mêmes raisons.
Dans votre amendement, madame la rapporteure, vous mentionnez que les données sont « détruites ». Détruire ne veut pas dire supprimer. Or l'amendement de notre collègue Bouloux, présenté par M. Naillet, fait bien référence à la « suppression » des données. Des traces peuvent subsister, liées à des traitements opérés par les douanes. Il faudra peut-être clarifier ce point au moment de la commission mixte paritaire. Détruire n'est pas supprimer, j'y insiste, en matière de traitement des données. D'ailleurs, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ne place pas ces termes dans la même catégorie juridique.
Lorsque les données sont détruites, elles n'existent plus. Cela a un sens et les mots ont été choisis à dessein. Je comprends cette petite nuance sémantique, mais il s'agit bien d'une destruction des données.
L'amendement n° 385 n'est pas adopté.
L'article 9, amendé, est adopté.
L'amendement n° 345 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à réduire à trois semaines, plutôt que quatre, le gel des données stockées sur un serveur informatique de type cloud. Ce délai nous semble suffisant pour effectuer toutes les opérations de recherche.
Les deux amendements vont dans des sens opposés : le premier vise à prolonger la durée du gel des données, le second à le réduire. J'estime quant à moi qu'il faut laisser aux services de la douane le temps nécessaire pour effectuer le travail de saisie et de copie. Pour cela, un délai de trente jours me semble raisonnable. Avis défavorable sur les deux amendements.
L'amendement n° 357 est retiré.
Comme Mme la rapporteure vient de l'indiquer, le délai de trente jours nous semble tout à fait raisonnable ; c'est un compromis utile pour permettre l'exploration des données. Cependant, dans certains cas, cette dernière nécessitera plus de temps. Le présent amendement vise donc à permettre, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, l'octroi d'un délai de trente jours supplémentaires aux agents des douanes pour explorer les données se rapportant à l'infraction, tout en réduisant de moitié le délai maximal à l'issue duquel ces agents devront détruire les données ne s'y rapportant pas – je reprends là une partie de la rédaction de l'amendement n° 359 de Mme la rapporteure.
J'ai retiré mon amendement au profit du vôtre, monsieur Reda, car il répond à deux exigences : réduire le délai de destruction des données sans lien avec l'infraction et proroger la durée d'exploration des données lorsque les sujets sont plus techniques. En d'autres termes, votre amendement est plus complet. Avis favorable.
Par ailleurs, je retire l'amendement n° 359 , également au profit de l'amendement n° 207 .
L'amendement n° 207 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache, pour soutenir l'amendement n° 394 .
Proposé par le groupe Renaissance, il vise à permettre des visites domiciliaires lorsque ces actes d'enquête s'inscrivent dans le cadre d'enquêtes douanières conjointes entre les administrations des États membres, en cohérence avec le dispositif d'assistance administrative mutuelle en vigueur au sein de l'Union européenne. Il a donc pour objet le renforcement de la coopération avec les autres services de douane européens.
Je suis favorable à cet amendement, qui autorisera les visites domiciliaires dans le cadre des enquêtes douanières conjointes. C'est une évolution très pertinente, qui permet également d'adapter nos outils juridiques à la nature internationale des trafics.
Cet amendement très important permettra de mener des enquêtes sur des réseaux paneuropéens de trafic – de tabac, notamment – beaucoup plus poussées qu'aujourd'hui. Les douaniers seront ainsi en mesure d'effectuer des perquisitions à la demande d'autres États membres de l'Union. Cette mesure permettra la réalisation de véritables enquêtes européennes, alors même que le caractère tentaculaire des réseaux auxquels nous faisons face, qui interviennent dans de nombreux États membres, implique une coopération renforcée entre leurs services douaniers.
L'amendement n° 394 est adopté.
L'amendement n° 350 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 363 .
Il est de cohérence avec l'amendement n° 207 de M. Reda, que nous avons adopté, puisque l'article 10 prévoit un dispositif décliné dans deux codes différents.
L'amendement n° 363 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 361 .
Il s'agit à nouveau d'un amendement de cohérence, puisque l'article 10 se rapporte à deux codes différents.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir le sous-amendement n° 787 .
Le sous-amendement n° 787 , accepté par la commission, est adopté.
L'amendement n° 361 , sous-amendé, est adopté.
L'article 10, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache, pour soutenir l'amendement n° 127 portant article additionnel après l'article 10.
Il tend à clarifier l'application du dispositif d'anonymisation des procédures prévu à l'article 55 bis du code des douanes. Il s'agit de permettre expressément l'anonymisation de l'ensemble des actes de procédures établis par les agents des douanes lors de la conduite des pouvoirs de recherche et de constatation, mais aussi lors de poursuites prévues par le code des douanes, y compris dans le cas du contrôle de l'argent liquide, ou encore dans le cadre de l'application du code des douanes de l'Union, ainsi que lorsqu'ils agissent sous couvert d'une réquisition judiciaire au titre du code de procédure pénale.
Cet amendement très important vise à préciser et à élargir l'usage du dispositif d'anonymisation permis par l'article 55 bis du code des douanes. Il permet également d'étendre le champ de ce dispositif aux réquisitions effectuées par les douaniers en application du code de procédure pénale ou de certaines dispositions du code monétaire et financier. Plusieurs auditions nous ont révélé que les douaniers menaient des missions excédant celles dont le code des douanes dresse la liste. Le code monétaire et financier, ainsi que le code général des impôts les concernent également au titre de certaines infractions, notamment celles qui ne sont pas sanctionnées d'une peine de prison. En élargissant l'anonymisation à de nouvelles missions exercées par les douaniers, cet amendement permet de sécuriser leur cadre d'exercice. Avis favorable.
Les douaniers luttent contre des réseaux mafieux tentaculaires, armés et très organisés, qui ne reculent devant aucune méthode, aucune intimidation ni aucune menace. Dans ce contexte, il est extrêmement important de leur apporter toute la protection nécessaire. À ce titre, cet amendement, défendu par la députée Agresti-Roubache et par le groupe Renaissance, est bienvenu : il permettra d'anonymiser les douaniers dans l'intégralité des procédures qu'ils effectuent, notamment le contrôle d'argent liquide à la frontière, ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant. Avis très favorable.
L'amendement n° 127 est adopté.
La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l'amendement n° 287 .
Comme celui de Mme Agresti-Roubache, c'est une sorte d'amendement d'appel. L'anonymisation des procédures, réclamée par les douaniers, est devenue une nécessité absolue. L'article 55 bis du code des douanes prévoit que l'anonymat est autorisé par la hiérarchie, mais l'anonymisation doit désormais se faire à la demande de l'agent : c'est une question de sécurité. Les filières criminelles emploient des individus de plus en plus virulents ; dans ce contexte, la protection des agents doit être une priorité.
Mme Christine Engrand applaudit.
C'est en effet une priorité : c'est pourquoi nous avons adopté l'amendement n° 127 de Mme Agresti-Roubache, plus précis et de portée plus large que le vôtre s'agissant de la protection des douaniers. Je demande donc le retrait de votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
C'était un amendement d'appel, madame la rapporteure. Nous devrions mener une réflexion sur l'anonymisation de l'ensemble des procédures impliquant des agents douaniers.
L'amendement n° 287 n'est pas adopté.
Cet amendement du groupe Renaissance vise à remédier à l'absence, dans le code des douanes, du principe général d'assimilation des prérogatives du procureur européen délégué à celles exercées par le procureur de la République français – principe pourtant essentiel. Les procédures spéciales d'enquête du code des douanes ne sont guère accessibles au procureur européen délégué, puisqu'elles ne font référence qu'à l'autorité judiciaire nationale. Or le règlement sur le parquet européen pose un principe général d'assimilation des prérogatives des procureurs européens délégués à celles des procureurs nationaux.
Cet amendement approfondit et rend mieux applicable l'article 344-2 du code des douanes, qui permet déjà au parquet européen de mener des investigations conformément aux dispositions de ce code. Avis très favorable.
Il s'agit à nouveau d'un amendement important et utile du groupe Renaissance, défendu par la députée Agresti-Roubache que je tiens à remercier. Le parquet européen est compétent pour intervenir sur un champ très large, y compris douanier. Il est donc important qu'il ait une place dans le code des douanes. Avis très favorable.
L'amendement n° 395 est adopté.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l'amendement n° 376 .
En raison des risques qu'ils prennent dans le cadre des procédures de contrôle, de recouvrement et de contentieux prévues au livre des procédures fiscales, les agents des finances publiques peuvent bénéficier d'un dispositif d'anonymisation. C'est également le cas des douaniers, mais seulement lors de leurs missions traditionnelles, pas lorsqu'ils agissent en matière de contributions indirectes. L'amendement tend donc à étendre à ces procédures les possibilités d'anonymisation des douaniers.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il est en effet important de permettre l'anonymisation des douaniers lorsqu'ils effectuent des contrôles en matière de contributions indirectes. Leur donner cette possibilité lorsque la révélation de leur identité est susceptible de mettre en danger leur vie et leur intégrité physique, ou celle de leurs proches, est une démarche protectrice qui relève du bon sens. Avis très favorable.
Les menaces auxquelles peuvent faire face les douaniers sont de nature diverse et sont liées à différents types d'intervention, y compris celles qui concernent les contributions indirectes. L'amendement n° 127 de Mme Agresti-Roubache a permis de franchir une nouvelle étape en matière d'anonymisation ; le présent amendement, qui vise à étendre cette procédure, est évidemment bienvenu. J'y suis très favorable.
L'amendement n° 376 est adopté.
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir l'amendement n° 163 .
Il s'inscrit dans la droite ligne des amendements précédents. Les députés du groupe Rassemblement national estiment important d'anonymiser les douaniers pour leur propre sécurité. La situation observée en Belgique ou en Hollande, où des narcotrafiquants en sont venus à menacer des ministres, voire à assassiner, en 2019, un avocat s'intéressant de trop près au trafic de drogue, montre que l'anonymat est essentiel à la sécurité des agents.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Votre amendement est satisfait, pour moitié grâce à l'adoption des amendements n° 127 et 163 et pour moitié grâce aux dispositions du code de procédure pénale relatives à la police judiciaire. Il ne me paraît donc pas utile de modifier comme vous le proposez le code de procédure pénale, d'autant que l'article 15 renforcera l'objectif de centraliser dans le code des douanes les dispositions applicables aux douaniers. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
C'est tout de même extraordinaire ! Amis de la majorité, enseignez-nous vos secrets de rédaction, car nous ne comprenons pas pourquoi vos amendements sont toujours acceptés et les nôtres toujours repoussés, alors que nous défendons à peu près la même chose et que nous l'écrivons à peu près dans les mêmes termes. Arrêtez donc ce cirque !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 35
Contre 57
L'amendement n° 163 n'est pas adopté.
Monsieur le ministre délégué, votre plan ambitieux de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques transformera le service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF) en un nouvel organisme, l'Office national antifraude (Onaf), dont le domaine de compétence inclura toutes les escroqueries ayant trait aux finances publiques. Or les officiers de douane judiciaire (ODJ), contrairement à leurs collègues officiers de police judiciaire (OPJ) de la police nationale et de la gendarmerie nationale, ne sont pas habilités à effectuer des enquêtes d'office.
La douane française, par exemple celle du Jura, réalise des saisies exceptionnelles de stupéfiants, de contrefaçons et de trafic, ce qui témoigne des compétences et du courage des douaniers. Toutefois, les trafics sont de plus en plus structurés et organisés. Par conséquent, il convient d'adapter le mode opératoire de la douane pour la rendre plus réactive face à la criminalité. Aussi est-il nécessaire de permettre aux ODJ de procéder à des enquêtes d'office, ce qui faciliterait leur action quotidienne et aurait d'autant plus de sens que les besoins auxquels ils doivent répondre et les menaces auxquelles ils font face sont divers, inattendus et multiples, que ce soit lors des enquêtes ou lors des visites domiciliaires.
L'amendement n° 367 de M. Mounir Belhamiti est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements tendent à permettre aux ODJ de procéder à des enquêtes d'office. Le pouvoir d'enquête judiciaire que détiennent les ODJ constitue une exception, résultant, pour ainsi dire, d'une délégation du pouvoir des OPJ pour certaines enquêtes entrant dans le champ douanier. Lors de la création de ce dispositif en 1999, Christian Sautter, alors secrétaire d'État chargé du budget, soulignait ici même deux avantages de cette réquisition par le pouvoir judiciaire : le maintien d'une séparation nette entre les procédures douanières et les procédures pénales et la garantie d'une surveillance étroite des magistrats. Je suis donc consciente de l'intérêt de votre proposition.
Cela dit, les agents du SEJF ne peuvent se saisir d'eux-mêmes d'un dossier sans passer par le juge. Cette procédure relève d'un travail interministériel entre la Chancellerie et le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Pour rendre opérationnel le dispositif que vous proposez, il faudrait une coordination beaucoup plus poussée. Pour cette raison, je vous propose de retirer vos amendements, faute de quoi mon avis sera défavorable.
J'ai annoncé il y a plusieurs semaines le lancement d'un plan visant à lutter contre toutes les fraudes aux finances publiques – fraude fiscale, fraude sociale ou fraude douanière. Dans ce cadre, j'ai indiqué que le SEJF serait transformé en Onaf. Je tiens d'ailleurs à saluer les équipes du SEJF – dont le directeur est ici présent –, qui accomplissent un travail remarquable, qu'il s'agisse des officiers fiscaux ou encore des ODJ.
L'amendement n° 398 du Gouvernement, que je m'apprête à présenter, tend à étendre le champ de compétence des officiers fiscaux et des ODJ. En outre, le plan ministériel de lutte contre la fraude permettra aux ODJ de se saisir d'office d'une affaire ; en somme, vos amendements visent à anticiper cette mesure en l'inscrivant dans le présent texte.
Madame Brulebois, je connais votre engagement en faveur de la douane. Je vous ai rendu visite récemment à Baume-les-Messieurs, dans votre circonscription du Jura, où nous avons discuté avec le directeur régional des douanes. Néanmoins, je ne retiendrai pas votre amendement à ce stade, car nous devons encore travailler avec les services du ministère de l'intérieur, notamment avec les services de police judiciaire, pour définir les modalités d'organisation de l'autosaisine. Il paraît donc prématuré d'inscrire dès maintenant dans la loi cette mesure que nous prévoyons d'inclure dans un texte ultérieur.
Par ailleurs, les modalités d'autosaisine que M. Belhamiti – lui-même très engagé en faveur des douanes – et vous-même proposez vont plus loin que celles que nous prévoyons à ce stade. En effet, vous proposez de donner aux ODJ la faculté de procéder à une enquête d'office dans toutes les matières fiscales et douanières, alors que nous envisageons de limiter cette procédure à un champ plus restreint incluant notamment le blanchiment d'argent et la fraude aux aides publiques. Je vous invite donc à retirer ces amendements, car nous aurons l'occasion de poursuivre ce débat dans le cadre d'un texte ultérieur.
Compte tenu des propos de M. le ministre délégué, je retire l'amendement.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 398 .
Comme je viens de l'expliquer, il vise à élargir le champ d'action des officiers fiscaux et des ODJ pour y inclure notamment la lutte contre la fraude aux aides publiques.
L'amendement permettra aux ODJ de rechercher les escroqueries commises à l'encontre d'une personne publique, ce qui est parfaitement cohérent avec les missions de l'Onaf, qui sera chargé de lutter contre toute fraude aux finances publiques. J'émets donc à titre personnel un avis très favorable sur cet amendement qui n'a pas été examiné en commission.
Monsieur le ministre délégué, l'exposé des motifs de votre amendement mentionne que « le champ d'attribution de l'Onaf sera précisé par voie réglementaire de façon à assurer sa bonne articulation avec les autres services de police judiciaire ». Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par là ? Par ailleurs, étant donné l'importance de cette décision, ne pensez-vous pas qu'elle relève davantage du domaine législatif que du décret ?
Effectivement, la transformation du SEJF en Onaf sera actée au moyen d'un décret. Celui-ci précisera que l'Onaf interviendra pour lutter contre les fraudes les plus graves et les plus complexes, sans empiéter, bien sûr, sur l'action des offices centraux existants, qui conserveront leur domaine de compétence.
La transformation du SEJF en Onaf semble constituer un premier pas vers la coordination de différentes agences. Je regrette d'ailleurs que le Gouvernement n'aille pas plus loin : dans le rapport relatif à l'évasion fiscale que j'ai rédigé en tant que rapporteure spéciale de la commission des finances dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, j'ai recommandé la création d'une véritable direction interministérielle destinée à combattre ce type de fraude.
Néanmoins, certaines de vos annonces m'inquiètent. Ainsi, vous avez déclaré vouloir doubler les effectifs du SEJF dans le cadre du plan ministériel de lutte contre la fraude, mais, avant même d'avoir procédé à ces recrutements, vous élargissez considérablement les missions de l'organisme. Vous courez ainsi le risque de submerger d'emblée ces nouveaux services.
En outre, les compétences que vous vous proposez de donner aux officiers de douane concernent les infractions « commises au préjudice d'une personne publique, d'un organisme de protection sociale ou d'un organisme chargé d'une mission de service public pour l'obtention d'une allocation, d'une prestation, d'un paiement ou d'un avantage indu ». Il s'agit donc de fraude sociale. Or il convient de rappeler que la fraude sociale coûte dix fois moins à l'État que l'évasion fiscale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je regrette donc que le SEJF, avant même sa transformation en Onaf et le renforcement promis de ses effectifs, soit déjà détourné de sa mission prioritaire de lutte contre l'évasion fiscale.
Je vous remercie d'avoir rappelé le doublement des effectifs d'officiers du SEJF que j'avais annoncé dans le cadre du plan de lutte contre la fraude. Je sais que de nombreux députés soutiennent cette mesure importante.
Pour répondre à votre inquiétude, je vous indique que nous soutiendrons également l'amendement n° 262 de M. Jolivet à l'article 11 ter, qui vise à créer le statut d'agent de police judiciaire des finances. Ces agents soutiendront les officiers fiscaux et les officiers de douane judiciaire en les déchargeant de certaines missions administratives, ce qui leur permettra de se concentrer sur leurs missions d'enquête. Il me semble que cette mesure est de nature à vous rassurer.
L'amendement n° 398 est adopté.
Par cet amendement de clarification, nous proposons de remplacer le mot « agents » par le mot « services » à l'alinéa 2. Cela permettra de clarifier que le transfert de données a lieu entre les services, et non entre les agents, indépendamment de tout encadrement.
Ce n'est pas un amendement de clarification, puisqu'il tend à donner aux services un rôle qui revient aux agents. La modification que vous proposez ne reflète aucunement la réalité du texte : les transferts d'information auront bien lieu entre agents, non entre services. Avis défavorable.
L'amendement n° 85 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous souhaitons apporter des précisions à cet article soutenant la Convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction des armes chimiques. En effet, s'il est essentiel de garantir la transmission d'informations dans le cadre de ces enquêtes, il est tout aussi vital qu'elle soit documentée, afin de prévenir tout risque de fuite indue d'informations et d'assurer la traçabilité du travail d'enquête effectué par les douanes. Les agents pourront ainsi accomplir leur travail avec fluidité, grâce à la transmission d'informations, mais également avec responsabilité, en permettant le suivi de l'enquête.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l'amendement n° 260 .
Il vise à ce que la transmission d'informations entre les agents des différents services soit consignée dans un registre à des fins de traçabilité. Cela sécurisera toutes les personnes concernées et évitera les demandes abusives.
Si on en venait à les adopter, on créerait un flou quant aux modalités de communication des informations.
Je vous demande donc de les retirer, sans quoi j'émettrai un avis défavorable pour préserver l'équilibre prévu par l'article.
L'article 10 bis A est adopté.
L'article 10 bis est adopté.
L'article 11 propose d'expérimenter, pendant une période de trois ans, une durée de conservation plus longue, à savoir quatre mois au maximum, des données de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation (Lapi).
Ces dernières heures de débats ont montré qu'au-delà des clivages, nous étions nombreux à vouloir donner plus de moyens à nos douaniers. Si la création d'un tel système interministériel de lecture automatisée des plaques d'immatriculation a constitué une première réponse des pouvoirs publics face aux risques associés à l'usage des véhicules routiers par les organisations criminelles, l'évolution du contexte criminel impose en effet un élargissement du dispositif.
Cette mesure répond à deux urgences opérationnelles : rendre le dispositif Lapi plus efficace pour identifier les convois d'acheminement des marchandises illicites, en particulier des stupéfiants, et améliorer la capacité de la douane à entraver le développement de ces transports illégaux.
Plusieurs amendements déposés ont révélé les craintes de certains, que je comprends, quant à l'installation d'un tel dispositif. Celui-ci est cependant assorti de plusieurs garanties. Son utilisation est réservée à des agents de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). La photographie des occupants des véhicules ne peut être exploitée. Il ne sera possible ni de procéder à une mise en relation automatisée avec des traitements de données à caractère personnel, ni de recourir à la sous-traitance, sauf dans le cadre de la conception des outils de traitement de ces données. Dès lors que nous partageons tous l'objectif de donner plus de moyens à nos douaniers, adoptons cet article.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'article 11 autorise les douanes à exploiter des données collectées par la lecture automatisée des plaques d'immatriculation, ce qui nous semble une bonne initiative, à titre expérimental. Les amendements du groupe Rassemblement national visent à donner davantage de prérogatives aux douaniers pour cette expérience en allongeant le délai de conservation des données en fonction des besoins de la procédure. Si nous sommes conscients de l'utilité que présente l'exploitation de telles données, qui a démontré son efficacité pour les services de police, nous invitons cependant à la prudence quant à leur manipulation. Nous émettons des réserves sur le recours par l'État à un tiers pour le traitement et la conservation des données provenant de lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation. En effet, l'ajout d'un tiers intervenant dans la collecte est une porte supplémentaire ouverte au piratage des données. Rappelons que 5,6 millions de données personnelles sont piratées ou perdues chaque année, ce qui représente 232 644 vols par heure ou 65 par seconde. Nos amendements tendent donc à conditionner l'intervention de ce tiers acteur aux critères utilisés par le référentiel SecNumCloud développé par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Nous examinons à présent le dispositif de lecture automatisée des plaques d'immatriculation. Nous avons deux réserves sur l'article 11, qui sont celles que nous a communiquées la Cnil, car nous suivons ses recommandations. Pour une fois, il y aura peut-être un accord entre M. Latombe et notre groupe – je l'espère, en tout cas.
Premièrement, vous limitez actuellement à quatre mois la durée de conservation des données, et nous sommes d'accord avec le choix d'un dispositif d'expérimentation ; néanmoins la Cnil recommande de fixer d'abord cette durée à deux mois. Nous vous proposerons donc de nous conformer à cette recommandation en commençant à deux mois, et d'allonger éventuellement cette durée par la suite si vous considérez qu'elle est insuffisante. Connaissant votre tendance à transformer les expérimentations en règles absolues, nous préférons commencer par la règle qui protège le mieux les droits.
Deuxièmement, nous avons eu des débats intéressants en commission des lois sur la vie privée, et nous en aurons encore – je l'ai promis à Mme Agresti-Roubache. Nous avons notamment évoqué la possibilité que ces dispositifs Lapi discernent les visages. On nous dit qu'ils ne photographient que les plaques d'immatriculation et qu'il est donc impossible que les visages apparaissent. Cependant nous souhaitons suivre toutes les recommandations de la Cnil et flouter les visages ; si des photographies les laissaient apparaître, elles devraient être supprimées de manière à protéger la vie privée. J'y reviendrai plus tard, car je pense que mes explications vous intéresseront davantage que ce que je pourrais dire dans les dix secondes qui me restent.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Je ferai moi aussi une intervention liminaire, ce qui me permettra d'être plus bref sur les différents amendements.
D'abord, je tiens à souligner que l'article 11 est important. En effet, les dispositifs Lapi sont très utilisés par les douaniers. Nous voulons les développer : j'ai moi-même décidé d'une commande importante dans le cadre du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (COM) avec la douane.
Cette expérimentation est importante car elle permettra une nouvelle utilisation des données collectées grâce aux dispositifs Lapi. Concrètement, les douaniers collectent actuellement les numéros d'immatriculation des véhicules qui traversent la frontière et les comparent à des fichiers existants, par exemple à celui des véhicules volés, pour établir si les véhicules qui traversent notre frontière ont bien le droit de circuler. Cette expérimentation permettra de travailler sur les données issues des dispositifs Lapi pour établir, par exemple, si deux plaques d'immatriculation se succèdent régulièrement.
Si elles reviennent chaque semaine, peut-être participent-elles à un trafic organisé avec une voiture ouvreuse et une voiture suiveuse. Ces dispositions sont donc très attendues par les douaniers, car elles seront utiles pour lutter contre les trafics, de stupéfiants ou de tabac, par exemple.
Afin de répondre à M. Léaument, rappelons que l'article 11 prévoit de nombreuses garanties. Par la délibération 2023-026 du 23 mars 2023, la Cnil a donné son accord pour l'expérimentation de quatre mois. Elle nous a simplement demandé – et c'est bien ce qui est prévu dans le cadre de cette expérimentation – de tester différentes durées de conservation. En gros, la durée maximale de conservation des données est fixée à quatre mois mais, dans le cadre de l'expérimentation, on examinera s'il est vraiment nécessaire de les garder durant ce temps ou s'il est possible d'atteindre les mêmes résultats en ne les conservant que deux ou trois mois. Cela répond à votre préoccupation : encore une fois, la Cnil a validé le texte, donc il ne faut pas chercher de difficultés là où il n'y en a pas.
Le deuxième sujet que vous avez évoqué est l'identification du visage. Premièrement, le projet de loi interdit déjà formellement toute utilisation de la photo des passagers des véhicules prise pour procéder à la Lapi. Deuxièmement, si vous avez déjà regardé des données issues d'un lecteur automatisé de plaques d'immatriculation, vous aurez constaté que, de toute façon, on ne voit jamais le visage parce que les conditions dans lesquelles les photos sont faites, notamment les conditions d'éclairage pour que la plaque soit lisible, font qu'on n'arrive quasiment jamais,…
…voire jamais à discerner les visages.
On n'y arrive jamais. Pour le prouver, on a communiqué à Mme la rapporteure, qui en avait fait la demande, des photos issues de dispositifs Lapi : elles ont montré que les visages n'étaient pas reconnaissables. Du reste, comme je l'ai dit, cette identification est interdite par le projet de loi.
J'appelle donc vraiment à l'adoption de cet article et au maintien des conditions d'expérimentation telles qu'elles sont prévues par la rédaction actuelle.
Si vous en êtes d'accord, monsieur le ministre délégué, je donnerai la parole à M. Charles de Courson qui souhaite s'exprimer sur l'article : il avait levé la main mais je ne l'avais pas vu. Cela vous ennuie-t-il si on lui donne la parole ?
Sourires.
Monsieur de Courson, vous n'aurez pas de faveur… Ah, si ! M. le ministre délégué vous accorde la faveur du jour.
Une faveur par groupe et par jour ! C'est la vôtre, profitez-en ! La parole est à M. Charles de Courson.
Sourires.
Je voulais simplement dire que nous sommes tout à fait favorables à cette disposition, dès lors qu'elle est prévue à titre expérimental. Mais, comme l'ont dit plusieurs orateurs, passer du droit existant, où la consultation de ces données est limitée entre quinze et trente jours, à quatre mois d'abord, puis à trois, nous paraît légèrement excessif. Vous soutenez que c'est un test et qu'on réduira éventuellement cette durée à la fin de l'expérimentation. Je veux bien l'entendre, mais nous avions déposé un amendement pour réduire ce temps de consultation à deux mois, soit une durée deux fois plus longue que la durée maximale actuelle – ce n'est déjà pas mal. Voilà la petite réflexion que je voulais présenter à M. le ministre délégué.
Il vise non à raccourcir mais à allonger la durée de conservation des données dans le cadre de l'expérimentation prévue en autorisant à les garder un an pour offrir davantage de recul sur l'utilisation des données.
Après avoir effectué cette expérimentation d'un an, il sera possible de juger quel est le délai optimal de conservation entre deux mois et un an, cette durée constituant un maximum et non un objectif. Qui peut le plus peut le moins. Rappelons qu'il s'agit d'une expérimentation : il s'agit non de fixer un délai qui deviendra la norme, mais d'expérimenter pour fixer ensuite un délai qui ménage un équilibre entre l'utilité de conserver des données et le respect des libertés individuelles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La nécessité de conservation pour les besoins d'une procédure pénale ou douanière ne concerne pas toutes les données collectées. Par conséquent, sous réserve de la nécessité de leur conservation, il est souhaitable d'étendre le délai de quatre à six mois afin d'observer sur cette durée si elles sont toujours utiles durant un temps prolongé, et à quels moments elles le sont le plus.
L'amendement vise donc à pousser l'expérimentation en la prolongeant afin d'avoir une vision plus globale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 356 .
Il s'agit d'un amendement de repli qui tend à fixer cette durée à six mois, comme l'amendement n° 26 .
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 221 .
Il procède d'une logique inverse de celles des députés du groupe Rassemblement national, mais finalement c'est assez logique, étant donné que nous sommes opposés en tout point en matière de droits.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet, nous voulons les préserver, tandis que le Rassemblement national prône l'absence de droits et des pleins pouvoirs pour l'exécutif.
Collègues macronistes, vous devriez vous inquiéter. En observant ce que fait le Rassemblement national sur ce projet de loi sur les douanes, vous devriez reconnaître les différences qui existent entre eux et nous. Retenez cette leçon : vous essayez de mettre sur le même plan LFI – NUPES et Rassemblement national, mais ce débat montre nos différences. L'amendement n° 306 qu'a défendu hier Mme Lelouis distinguait deux types de nationalité : une forme de nationalité pure qui serait la nationalité unique et une forme de nationalité impure qui serait la double nationalité. Voyez donc à quel point ils sont dangereux.
« Vous radotez ! » sur les bancs du groupe RN.
Pour revenir aux dispositifs Lapi, vous avez à présent la possibilité d'aller contre ce que propose le Rassemblement national et de diminuer la durée de conservation des données. Nous en avons discuté avec les douaniers qui sont favorables à ce qu'on commence par une durée de deux mois, que l'on pourrait allonger ensuite.
Monsieur le ministre délégué, j'ai bien entendu vos propos. Il est bon qu'ils figurent au compte rendu. Toutefois, nous préférons commencer par la durée la plus brève pour l'allonger éventuellement par la suite, à l'occasion d'un texte de loi. Si vous faites le serment devant l'Assemblée nationale que vous commencerez par une durée de conservation de deux mois, puis que vous reviendrez devant nous pour faire le point, après une expérimentation d'un an, par exemple, nous pourrons éventuellement reconsidérer notre amendement. Pour l'instant, nous avons préféré déposer une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 221 , je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission des finances ayant délégué au fond l'examen des articles 11 à 11 quater, à la commission des lois, je vous indique, monsieur le président, que je donnerai l'avis de la commission sur les amendements à venir.
Ces quatre amendements visent à réduire ou à allonger la durée de l'expérimentation. M. le ministre délégué ayant très clairement exposé les arguments en faveur de l'article il y a quelques instants, j'ajouterai simplement que ce régime dérogatoire est très attendu par les agents des douanes puisqu'il leur permettra de s'adapter aux différents modes opératoires des trafiquants.
Je tiens également à rassurer MM. Léaument et de Courson : la Cnil, qui a validé l'expérimentation du dispositif pour quatre mois, nous a confirmé lors de son audition que cette durée ne posait pas de problème eu égard à la protection des données. En outre, le Sénat a tenu à préciser dans le texte que les données pouvaient être conservées entre deux et quatre mois, ce qui permettra, comme M. le ministre délégué l'a expliqué, de déterminer la meilleure durée possible. Il s'agit donc bien uniquement d'une expérimentation.
La rédaction actuelle, fruit du compromis obtenu au Sénat, me semble garantir le bon équilibre du texte. Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur les quatre amendements.
Il est toujours délicat de détailler dans le cadre d'un débat public l'intégralité des arguments sur des sujets sensibles, comme la lutte contre les réseaux mafieux et le trafic, puisque cela pourrait nuire à l'efficacité de nos services.
Néanmoins, sachez que la durée d'expérimentation a été fixée à quatre mois suite au travail réalisé par les agents de la DNRED et les agents du renseignement, qui ont constaté que les trafiquants utilisant des go fast avaient tendance à fractionner leurs déplacements. Conserver les données durant quatre mois nous permettra donc d'être plus efficaces dans la lutte contre le trafic – je n'en dirai pas plus car je ne veux pas que des trafiquants, à la lumière des informations que je pourrais vous communiquer, adaptent leur mode d'action.
En outre, la Cnil ayant validé l'expérimentation visant à porter à quatre mois la durée de conservation des données, je suis défavorable à l'allonger à six mois ou à un an – la Cnil n'ayant pas pu rendre d'avis sur cette proposition –, non plus qu'à le réduire à deux mois – pour des raisons d'efficacité.
Enfin, je tiens à répéter que nous avons besoin de développer des Lapi. Pas moins de 120 sont déjà connectés au réseau interministériel, et je signerai dans les prochains jours un bon de commande pour 80 appareils supplémentaires, qui seront progressivement installés et connectés au réseau interministériel. Nous plaçons beaucoup d'espoirs dans cette expérimentation pour porter un coup d'arrêt au trafic à nos frontières.
Sur l'amendement n° 220 , je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l'adoption 28
Contre 108
L'amendement n° 221 n'est pas adopté.
L'article 11 prévoit que les douanes peuvent, à titre expérimental, utiliser les données collectées par les Lapi pour rassembler les preuves de plusieurs infractions – notamment la contrebande, l'importation et l'exportation commises en bande organisée – et rechercher leurs auteurs. Il précise en outre que le traitement des données exclut toute exploitation de la photographie des occupants des véhicules.
Or, s'il n'est pas nécessaire de connaître le visage des passagers, il peut être pertinent de connaître leur nombre afin d'adapter au mieux l'intervention des douanes. La rédaction actuelle me paraît trop réductrice, et il me semble amplement suffisant de prévoir en lieu et place que les visages seront masqués grâce à un procédé technique.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 220 .
Nous en arrivons à une partie piquante des débats. On nous a dit en commission des lois que les images captées par les Lapi ne permettaient « quasiment pas » de voir les visages des occupants des véhicules, pour reprendre les termes utilisés il y a quelques minutes par M. le ministre délégué. Si, conformément à l'avis de la Cnil, le texte exclut toute exploitation de la photographie des occupants des véhicules, nous préférons préciser que, dans le cas où des visages seraient visibles, ils doivent être floutés ou supprimés. En effet, identifier un visage dans un véhicule pourrait poser un problème pour le respect de la vie privé, comme je vais vous l'illustrer à travers un exemple piquant, qui a beaucoup fait rire mes collègues en commission.
Imaginons qu'en tant qu'agent des douanes, vous tombiez sur la photographie d'un véhicule dans lequel vous pouvez voir votre compagne ou votre compagnon en train d'embrasser une autre personne que vous : si les occupants du véhicule n'ont évidemment rien à se reprocher au regard de la loi, la situation pourrait tout de même être problématique d'un point de vue purement personnel. Il faut donc toujours s'assurer du respect de la vie privée lors de l'utilisation de ce type de dispositifs technologiques : c'est l'objet de cet amendement, que j'ai voulu présenter de manière plaisante pour vous convaincre de son importance. S'il n'y a aucune raison que ce soit votre cas, pensez à celles et ceux qui pourraient, d'aventure, se retrouver dans une situation embarrassante.
Sourires. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne sais pas si cet exemple, que vous avez effectivement déjà utilisé en commission des lois, est « piquant », mais en tout état de cause, il n'est pas réaliste. En effet, les Lapi photographient les véhicules soit par l'avant – auquel cas la réverbération de la lumière sur le pare-brise empêche de voir les visages –, soit par l'arrière – et les occupants du véhicule sont de dos, ce qui rend difficile, vous en conviendrez, leur identification. Même si ma démonstration n'est pas très « piquante », comme vous dites – et je m'en excuse
Sourires
–, je peux vous confirmer, pour avoir eu accès aux clichés, que les visages ne sont pas visibles.
En outre, la rédaction actuelle de l'article 11 rappelle à deux reprises l'interdiction de recourir à la reconnaissance faciale et de procéder au traitement de l'image de l'usager – c'est dire l'importance de cette disposition, clairement soulignée par le Conseil d'État. Le texte permettrait néanmoins de recourir au floutage si cela se révélait nécessaire et utile : l'analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD) – je suis certaine que vous l'avez lue, monsieur Léaument – et l'avis de la Cnil, dont nous allons encore beaucoup parler, permettraient alors de désigner le meilleur dispositif technique pour empêcher l'identification des visages des occupants du véhicule.
Dernier argument : si, pour une raison ou une autre, le décret d'application venait à méconnaître l'interdiction d'exploiter les photographies, il pourrait être attaqué devant le juge administratif.
Comme vous pouvez le constater, l'expérimentation a été encadrée de toutes les garanties nécessaires. Pour toutes les raisons évoquées, j'émettrai un avis défavorable sur les deux amendements.
Sur des sujets de cette importance, toutes les questions et tous les débats sont justifiés. Néanmoins, ne créons pas de problèmes là où il n'y en a pas : les Lapi sont utilisés par la police, la gendarmerie et les douanes depuis quinze ans déjà et à l'époque, en 2009, la Cnil avait émis un avis favorable à leur utilisation, notamment au motif que « les occupants des véhicules photographiés ne seront pas reconnaissables, seul le nombre de passagers et éventuellement leur sexe pourront être déterminés grâce aux images ».
L'identification des passagers est d'ailleurs techniquement impossible, le plus souvent parce que les photos sont prises par l'arrière, et lorsqu'elles sont prises par l'avant, le lecteur se concentre sur la plaque d'immatriculation en raison de l'éclairage. De plus, dans l'avis qu'elle a rendu sur ce projet de loi, la Cnil a validé le dispositif, accueillant favorablement les garanties qu'il prévoit en matière de protection des données, en particulier l'interdiction d'exploiter les photographies des occupants des véhicules.
Il n'y a donc pas de problème : comme lors de la création des Lapi, en 2009, les droits des personnes sont évidemment garantis ; la Cnil l'a d'ailleurs confirmé à nouveau en mars dernier. Ne donnons pas le sentiment que la confidentialité des données n'est pas assurée, car ce n'est pas vrai. Par conséquent, avis défavorable sur les deux amendements.
J'ai plusieurs demandes de prise de parole. J'en prendrai une pour, une contre.
La parole est à M. Philippe Latombe.
À titre individuel – j'insiste, car mes propos n'engagent pas le groupe Démocrate –, je regrette que la définition des mesures concrètes empêchant l'exploitation des images soit renvoyée à un décret qui, pour des raisons de sécurité, ne sera pas publié, alors qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, une telle prérogative relève davantage du domaine législatif. Même si nous aurons le sens de l'avis rendu par la Cnil sur le décret, l'alinéa 15 de l'article 11 me semble poser un problème en matière de libertés publiques.
Pour rassurer nos concitoyens sur le fait qu'il ne sera pas possible d'exploiter les images, il aurait été pertinent que l'alinéa 5, sur lequel portent les deux amendements en discussion, prévoie, par exemple, une anonymisation des images. En effet, vous affirmez qu'il ne sera pas possible d'exploiter les images, sans expliquer comment vous allez vous en assurer. Le stockage pendant quatre mois des images – dont une partie ne sera pas exploitée par les douanes – pose un problème en matière de protection des données à caractère personnel. Si la Cnil estime que les modalités d'interdiction d'exploiter les photos et les conditions d'une éventuelle anonymisation des visages peuvent être prises par décret après réalisation de l'AIPD, il me semble que la définition de ces modalités revient plutôt au législateur.
Il est assez rare que nous tombions d'accord avec M. Latombe en matière d'utilisation des images numériques. Notez donc que nous partageons les mêmes préoccupations quant à la durée de conservation de ces images.
Vous assurez qu'il n'y a aucun risque de dérive. Le Sénat vient toutefois d'adopter un texte prévoyant, à titre expérimental, la possibilité de recourir à la reconnaissance faciale, ce qui rend vos arguments caducs : les personnes figurant sur ces images, dont le droit permet actuellement la conservation pour une période longue, si elles sont peut-être difficilement reconnaissables par l'œil humain, le sont potentiellement par un algorithme. Voilà pourquoi nous demandons que la collecte de ces images soit un tant soit peu encadrée : il est de notre devoir, en tant que législateurs, de définir un cadre offrant des garanties à la population quant à l'application qui sera faite des dispositions soumises à notre vote.
Il se fonde sur l'article 54, alinéa 5, qui permet à plusieurs orateurs de s'exprimer sur un amendement. Nous abordons ici un des thèmes importants du texte. Je constate qu'en plus de moi-même, M. Reda et Mme Ménard souhaitent prendre la parole. Il me semble qu'à titre exceptionnel, sur cette question, il serait préférable de laisser plusieurs orateurs s'exprimer.
Plusieurs députés s'étant effectivement manifestés, je laisserai deux personnes s'exprimer : M. Reda et Mme Ménard.
Certes, mais les députés qui se sont exprimés précédemment ont tous deux exprimé la même position. M. le ministre délégué répondra ensuite, puis nous procéderons aux votes.
Je remercie M. Léaument de vous avoir incité à me donner la parole, monsieur le président – c'est trop aimable !
Comme le ministre délégué l'a souligné, nous avons suffisamment de recul sur le dispositif Lapi. D'abord, ces lecteurs sont constitués de caméras infrarouges, lesquelles ne sauraient, madame Regol, être utilisées à des fins de reconnaissance faciale : elles captent avant tout les plaques d'immatriculation des véhicules. Quiconque a visionné des vidéos produites par un système Lapi sait qu'il est impossible d'y distinguer les visages des personnes photographiées.
Par ailleurs, ces dispositifs sont déjà employés, notamment, pour le contrôle du stationnement – d'autant que, depuis la réforme du stationnement payant, certains maires ont installé dans leur ville des systèmes Lapi permettant de sanctionner quasi systématiquement les véhicules à l'entrée ou à la sortie des parkings municipaux. La situation vaudevillesque décrite par Antoine Léaument serait donc susceptible de se poser à chaque maire de France ayant déployé cet outil. Il est évident que la Cnil s'est penchée depuis longtemps sur cette question et qu'elle contrôle très rigoureusement les Lapi installés dans les communes. Il y a donc tout lieu de croire que le dispositif est sécurisé – la Cnil le confirme d'ailleurs – et qu'aucun des problèmes que vous évoquez ne se posera.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
M. le ministre délégué a répondu à M. Léaument, mais pas à moi. Nos deux amendements n'ont pourtant pas le même objet et nos buts sont différents.
L'alinéa 5 de l'article 11 prévoit que le traitement des données « exclut toute exploitation de la photographie des occupants des véhicules ». Comme je l'ai clairement expliqué, je souhaite donner davantage de moyens à nos amis douaniers en supprimant cette mention pour la remplacer par une disposition prévoyant que le traitement « devra obligatoirement inclure un procédé technique masquant les visages », ce qui permettrait d'exploiter la photographie des occupants des véhicules. En effet, même sans reconnaître les visages, le fait de savoir combien de personnes se trouvent à l'intérieur du véhicule, de voir si la voiture contient des armes ou que sais-je encore, permettrait aux douaniers de mieux prévoir et adapter les interventions qu'ils effectueront par la suite. Je propose donc que l'exploitation de la photographie soit possible.
Ayant accordé tout à l'heure une faveur au groupe LIOT en permettant à M. de Courson de s'exprimer, et dans un souci d'équité entre les différents groupes, je permets à M. Léaument de reprendre la parole.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Sourires.
En revanche, les nuits du 4 août le sont toujours !
Mme la rapporteure pour avis a expliqué que le dispositif Lapi permet de photographier le pare-brise de la voiture, mais pas de voir ses occupants. Vous êtes plusieurs à assurer que quiconque ayant vu des photos prises par un Lapi sait qu'elles ne permettent pas de reconnaître les personnes présentes dans le véhicule. Je l'entends bien, mais il se trouve que nous n'avons pas vu ces images. Le ministre délégué a précisé que l'identification des individus à partir de ces photographies est « quasiment » impossible. Nous préférons donc considérer qu'une telle reconnaissance est envisageable et qu'il faut donc prévoir dans la loi des dispositions protégeant la vie privée.
Ensuite, vous avez rappelé, monsieur le ministre délégué, que le système Lapi a été déployé pour la première fois en 2009 et que la Cnil avait alors rendu un avis validant le dispositif, qu'elle jugeait parfaitement correct. Seulement, à l'époque, les appareils photos des téléphones standards pouvaient capter jusqu'à 3,2 mégapixels. Désormais, un téléphone de bonne qualité peut atteindre 48 mégapixels. Vous comprenez donc bien que l'évolution même des technologies risque de rendre vos propos caducs : il pourrait être possible, à l'avenir, de distinguer les visages sur les images captées par les nouveaux dispositifs. Nous proposons donc – cela ne coûte rien – de préciser dans la loi que les visages ne seront pas visibles, comme le demande la Cnil et comme vous le faites d'ailleurs, d'une certaine façon, en prévoyant qu'il est interdit d'exploiter les photographies des occupants du véhicule.
J'irai plus loin en répétant qu'indépendamment de la volonté de rendre les dispositifs Lapi plus efficaces en vue d'arrêter des criminels, les dispositions dont il est question pourraient constituer une atteinte à la vie privée : certains comportements non criminels pourraient faire l'objet d'un traitement problématique au regard du respect de ce droit.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je tiens à revenir sur deux points. D'abord, certains ont affirmé que le texte n'offre aucune garantie. L'alinéa 5 de l'article 11 dispose pourtant que le « traitement exclut toute exploitation de la photographie des occupants des véhicules ».
Ensuite, vous expliquez, monsieur Léaument, qu'il ne coûterait rien d'adopter votre amendement. En réalité, cela nous empêcherait, pendant un temps assez long, d'utiliser les Lapi pour traquer les trafiquants, pour la simple et bonne raison que nous devrions modifier complètement le logiciel.
Non ! Seulement, si vous voulez que les visages soient floutés, il faut bien que les Lapi photographient les personnes. Adopter votre amendement nous imposerait donc de les modifier, afin qu'ils soient capables de photographier les personnes, dont les visages seraient ensuite floutés. Nous prendrions ainsi un ou deux ans dans la vue avant de pouvoir à nouveau utiliser cette technologie pour traquer les trafiquants !
À force, nous en viendrions presque à nous interroger sur votre objectif. Ce que nous voulons, c'est agir efficacement…
…contre les convois de trafiquants de stupéfiants,…
…grâce au dispositif Lapi, qui ne pose actuellement aucun problème.
Monsieur Latombe, si nous appliquions à la lettre l'article 34 de la Constitution qui définit la répartition entre domaine réglementaire et domaine législatif, nous obtiendrions le résultat inverse à celui que vous escomptez, puisque nous considérerions que l'article 11 comporte de très nombreuses garanties relevant en réalité du domaine réglementaire.
Vous estimez par ailleurs que le fait de renvoyer à un décret fixant les modalités d'application de l'article pose problème. Or, dans l'état actuel du droit et de la Constitution, ces modalités pourraient être définies par arrêté ministériel. C'est d'ailleurs ce qui a été fait lorsque le système de contrôle automatisé a été créé en 2004 : les garanties entourant son utilisation ont été fixées par arrêté. C'est précisément parce que nous voulons un encadrement beaucoup plus étroit que nous avons prévu dans le texte un décret en Conseil d'État, qui ne pourra être pris qu'après la remise d'une AIPD – outil que vous connaissez bien pour être un spécialiste du règlement général sur la protection des données (RGPD) – de plusieurs centaines de pages, dans laquelle nous expliquerons comment les garanties seront apportées techniquement ; puis après un avis favorable de la Cnil. Toutes les garanties nécessaires existent donc. Elles sont même plus nombreuses que ne l'exigent la Constitution et le droit applicable.
Encore une fois, j'appelle à ne pas inventer des problèmes là où il n'y en a pas : les Lapi sont utilisés par les policiers, les gendarmes et les douaniers depuis quinze ans et les garanties en matière d'utilisation des données collectées seront nettement renforcées, puisque le texte en prévoit vingt. En fin de compte, je crois que nous souhaitons tous rendre la lutte contre les trafiquants plus efficace. Cette mesure est attendue par les douaniers qui combattent sur le terrain, à nos frontières, des phénomènes de trafic et de contrebande malheureusement croissants.
L'amendement n° 39 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 149
Nombre de suffrages exprimés 149
Majorité absolue 75
Pour l'adoption 31
Contre 118
L'amendement n° 220 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 76 .
J'espère, cette fois, recevoir une réponse sur le fond ! L'amendement vise à compléter l'alinéa 7, lequel prévoit que le traitement des données collectées « procède exclusivement à un signalement d'attention, strictement limité à la détection des mouvements de véhicules qu'il a été programmé à détecter. » Je souhaite ajouter que « ces décisions incombent uniquement aux agents mentionnés au quatrième alinéa du présent article » – c'est-à-dire « aux agents des douanes affectés au sein d'un service spécialisé de renseignement, individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre chargé des douanes » – et que ces derniers « peuvent, si besoin, missionner les agents des douanes d'autres services suite à cette détection. »
Cette simple précision permettrait de poser quelques garde-fous, tout en donnant – et c'est là tout l'objet de l'amendement – les moyens aux douaniers d'accomplir leurs missions le plus efficacement possible.
Il est défavorable, pour deux raisons. D'abord, il excède largement le champ de l'article, à savoir l'expérimentation d'un élargissement du recours au dispositif Lapi par les agents de la DNRED. Ensuite, comme M. le ministre délégué le soulignait à l'instant, une telle disposition ne me semble pas relever du domaine de la loi.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 76 n'est pas adopté.
Je vous invite à examiner avec attention la question de la gestion des données sensibles que les dispositifs Lapi permettent de recueillir. L'alinéa 8 prévoit en effet que le stockage ou le traitement desdites données pourrait être assuré par un tiers autre que l'État. Cela nous semble poser un réel problème. C'est pourquoi nous proposons de supprimer la mention « ou la confie à un tiers » et de nous en tenir strictement au principe selon lequel seule l'autorité publique sera habilitée à collecter, gérer, stocker et traiter ces données, que nous jugeons sensibles. En effet, elles pourraient être utilisées à d'autres fins que celles mentionnées dans le texte, à savoir repérer un véhicule en mouvement dont les occupants sont susceptibles de commettre tel ou tel délit.
Chacun sait en effet qu'il arrive parfois – les scandales qui ont émaillé l'actualité ces dernières années l'ont bien montré – que des données soient utilisées à des fins détournées. Je pense par exemple à l'affaire Cambridge Analytica, au cours de laquelle les données du groupe Facebook ayant fuité vers cette entreprise ont été, incontestablement, utilisées pour influencer le résultat de l'élection présidentielle aux États-Unis. Aussi estimons-nous, au vu du caractère sensible des données, que seule la puissance publique doit pouvoir les traiter et les stocker.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Puisque vous avez le texte sous les yeux, je me permets de vous renvoyer à l'alinéa 8 de l'article 11 : il dispose que « L'État assure la collecte, le traitement et la conservation des données à caractère personnel ainsi recueillies ; il assure la conception du traitement ou la confie à un tiers. »
C'est donc bien uniquement la conception, autrement dit la façon dont le logiciel est fabriqué, qui pourrait éventuellement être confiée à un tiers. Cette précision devrait vous rassurer – nous avons d'ailleurs déjà eu ce débat en commission – d'autant plus qu'au-delà même de la phrase limpide inscrite noir sur blanc dans le projet de loi, le Conseil d'État comme la Cnil ont relevé que la sous-traitance était limitée à la seule conception des outils de traitement ; ils ont considéré qu'il s'agissait là d'une garantie de proportionnalité du dispositif et non d'une faiblesse.
Pour toutes ces raisons très claires, l'avis est défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 223 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 224 , je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 375 , je suis saisi par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements, n° 224 , 360 et 375 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l'amendement n° 224 .
Nous estimons qu'il faut être vigilant s'agissant du choix du tiers, et ce quelle que soit la tâche qu'on lui confie car il est question de traitement de données ; incontestablement, les différentes étapes sont liées.
Par cet amendement de repli, nous demandons de faire appel, pour le stockage des données, à des entreprises françaises, dont les serveurs se trouvent dans notre pays. En effet, 70 % des données françaises sont stockées aux États-Unis alors que les garanties en matière de protection des données y sont moins fortes qu'en Europe. C'est d'ailleurs pour cette raison que des accords tels que le Privacy Shield – le bouclier de protection des données Union européenne-États-Unis – ont été rejetés par la Cour de justice de l'Union européenne.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 360 .
Nous ne voterons pas pour l'amendement n° 224 de la NUPES car, s'agissant de la conception et du développement de la solution, il est parfois indispensable de faire appel à une entreprise.
En revanche, si l'on confie à une entreprise le soin de développer une solution de traitement des données liée au dispositif Lapi, elle doit répondre aux règles contenues dans le chapitre 19.6 du référentiel d'exigences dit SecNumCloud.
Inspiré de l'amendement transpartisan n° 757 adopté lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, cet amendement prévoit un dispositif équivalent.
L'objectif est d'assurer que les entreprises tierces qui développent la solution d'intelligence artificielle soient établies dans l'Union européenne. Concrètement, le capital social et les droits de vote dans l'entreprise du fournisseur ne doivent pas être détenus individuellement à plus de 24 % et collectivement à plus de 39 % par des entités tierces ayant leur siège social ou leur principal établissement dans un pays non-membre de l'Union européenne.
Pour des raisons de sécurité nationale, il nous semble judicieux de confier la mission stratégique de traitement des données personnelles à des entreprises françaises ou européennes. On limitera ainsi très fortement le risque de vol ou de détournement.
Cet amendement de bon sens prévoit que le traitement et la conservation des données ne peuvent être confiés qu'à une entreprise française ou européenne.
Je propose à nos collègues de La France insoumise de retirer leur amendement qui prévoit de faire appel uniquement aux entreprises françaises alors que le nôtre, plus large, inclut les entreprises européennes.
Dans la mesure où le dispositif recueillera des données relatives aux enquêtes de la douane – donc particulièrement sensibles –, il faut, par cette garantie supplémentaire, éviter toute ingérence étrangère. Nous proposons donc que les données soient collectées, traitées et conservées en Europe.
Les risques d'ingérence étrangère, lorsqu'on a recours à une entreprise extraeuropéenne, sont trop graves pour qu'on se permette de les ignorer. Je donnerai l'exemple du Cloud act – Clarifying lawful overseas use of data act – qui permet aux autorités américaines d'obtenir des données stockées à l'étranger sans décision de justice ni information des utilisateurs.
En favorisant une entreprise européenne – une manière de mieux orienter la commande publique –, nous lui offrons l'occasion de se développer et de faire valoir ses compétences, nous montrons que nous croyons en elle et nous encourageons notre écosystème tech. Tel était justement le sens des annonces du ministre délégué Jean-Noël Barrot au salon VivaTech la semaine dernière. Il est temps de passer à l'action !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Pour des raisons légistiques, il ne semble pas pertinent d'indiquer dans la loi le nom d'un logiciel spécifique.
Vous avez parlé de stockage et de recueil de données à l'étranger. Or – peut-être n'ai-je pas été claire tout à l'heure, je vais vous le répéter car je ne sais pas comment le dire autrement – c'est bien la conception du logiciel qui pourrait être confiée à un tiers. Le recueil et le stockage ne peuvent être sous-traités. Vos inquiétudes devraient donc s'envoler. Avis défavorable.
Comme l'a dit Mme la rapporteure pour avis, vous confondez deux sujets : la conception de la solution technique et le stockage des données. Il est question ici uniquement du sous-traitant chargé d'élaborer le logiciel ou l'algorithme qui permettront d'utiliser les données. Le problème de l'hébergement des données en France ne se pose pas.
D'ailleurs, les données utilisées actuellement par les Lapi – de façon limitée dans le temps – sont stockées sur des serveurs de la douane. Votre préoccupation n'a pas lieu d'être.
Je veux tout d'abord dire notre émotion à la suite de l'explosion, vraisemblablement au gaz, qui vient de se produire rue Saint-Jacques. Je tiens à apporter notre soutien aux services de secours, à la police et aux pompiers qui interviennent actuellement sur les lieux.
Applaudissements sur tous les bancs.
J'en viens à l'amendement. Monsieur le ministre délégué, lorsque vous nous dites que les données sont stockées sur les serveurs des douanes – donc des serveurs nationaux –, nous sommes rassurés.
Néanmoins notre proposition est de nature à garantir que les données recueillies par le dispositif Lapi restent sur le territoire national. En effet, il est écrit à l'alinéa 8 : « […] il assure la conception du traitement ou la confie à un tiers. » Comme vous n'avez pas souhaité supprimer la mention du tiers, nous proposons simplement d'ajouter que l'entreprise doit se situer sur le territoire national.
Je précise aux collègues du Rassemblement national que, pour le coup, nous préférons faire appel à une entreprise française plutôt qu'à une entreprise établie dans un autre pays de l'Union européenne. Car on assure mieux la sécurité des données dès lors que l'on a les moyens de prendre, si c'est nécessaire, des mesures contraignantes pour l'entreprise – ce que nous ne pourrions pas faire si celle-ci est établie dans un autre pays de l'Union européenne.
Hier, vous avez déposé un amendement visant à préciser que les douaniers ne pouvaient pas avoir la double nationalité. Vous posiez la question du lien entre la nationalité et le droit d'exercer la profession de douanier alors que je pose celle, très différente, de données matérielles qui pourraient être conservées sur des serveurs qui se trouvent dans un autre pays, situation face à laquelle nous n'aurions pas de moyen d'action.
J'invite à voter notre amendement n° 224 et à laisser de côté les autres.
Je serai toujours là pour défendre la protection de la souveraineté. Toutefois les amendements dont nous parlons passent à côté de l'objectif de l'article. De façon très claire, il est prévu de confier à un tiers la conception…
…et absolument pas le stockage ni l'utilisation des données – ni même, a fortiori, la collecte qui s'opère forcément sur le territoire national.
Ce qui est rassurant, c'est que non seulement les données utilisées actuellement par les Lapi sont stockées sur les serveurs des douanes mais que si jamais l'on voulait faire appel à un prestataire pour la fourniture de cloud, l'actualisation il y a quelques jours de la doctrine « cloud au centre », présentée par Jean-Noël Barrot lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire constitue un vrai changement puisqu'elle impose désormais que les données sensibles soient stockées dans des conditions garantissant une immunité face aux règlementations extraterritoriales.
Cette demande étant satisfaite à ce stade, je n'ai pas déposé d'amendement sur cette question…
…et ne m'associerai pas à ceux qui ont été déposés. Pour une fois, grâce à la rédaction actuelle, il est possible d'éviter le risque d'exposition à des règles extraterritoriales.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 144
Nombre de suffrages exprimés 143
Majorité absolue 72
Pour l'adoption 56
Contre 87
L'amendement n° 224 n'est pas adopté.
L'amendement n° 360 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 115
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 28
Contre 84
L'amendement n° 375 n'est pas adopté.
Sur l'article 11, je suis saisi par le groupe Renaissance et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 44 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
L'amendement n° 44 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 222 de Mme Élisa Martin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous avons déjà eu ce débat en commission. La publication du décret ne paraît pas opportune car elle fournirait des informations aux personnes contre lesquelles nous souhaitons lutter, ce qui viendrait fragiliser l'expérimentation.
Voilà pourquoi, dans le respect des dispositions de la loi dite informatique et libertés, il a été décidé – au Sénat, je le rappelle – que le décret ne serait pas publié mais que le sens de l'avis de la Cnil serait rendu public. La commission des lois n'a pas souhaité revenir sur cette évolution du texte et, à titre personnel, je ne le souhaite pas non plus. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Il nous semble souhaitable et raisonnable de procéder, au terme de cette expérimentation, à une évaluation qui inclue l'avis de la Cnil. Jusqu'ici, nous sommes donc d'accord.
Cependant la publication de l'avis de la Cnil nous semble nécessaire parce que, même s'il ne s'oppose pas à ce dispositif, le Conseil d'État considère qu'il s'agit d'un outil de surveillance généralisée – ce n'est donc pas nous qui le disons.
Dès lors, il faut créer les conditions de la transparence et de la confiance en expliquant comment le dispositif fonctionne, quels éléments sont détectés ou encore combien de dispositifs Lapi sont utilisés. Si l'on veut gagner la confiance des citoyens – un souhait que vous répétez souvent, du côté de la minorité présidentielle –, il faut remplir cette condition, c'est ainsi.
Notre amendement reflète la crainte que ces outils, qui restent incontestablement des gadgets, viennent se substituer à des moyens humains en matière de recrutement ou de formation de nos douaniers.
L'amendement n° 222 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 148
Nombre de suffrages exprimés 128
Majorité absolue 65
Pour l'adoption 124
Contre 4
L'article 11, amendé, est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.
Cet article, ajouté par les sénateurs, est très important car il permet de créer un dispositif d'échange d'informations, spontané ou sur demande, entre les agents des douanes et la police aux frontières (PAF). C'est une source d'informations que d'échanger les données, notamment en matière migratoire, et cela permettra de renforcer le contrôle aux frontières et la lutte contre l'immigration illégale. Rappelons que la douane a aussi une compétence de garde-frontière et qu'elle participe à ce titre au contrôle migratoire.
Évidemment, la NUPES propose trois amendements de suppression. Cela revient à empêcher les douanes, lorsqu'elles interceptent, par exemple, un individu sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou un individu en situation régulière qui transporte de la marchandise illicite, de transmettre l'information à la police aux frontières. Chers collègues de la NUPES, vous êtes complètement contre-productifs lorsque vous cherchez à empêcher cet échange d'informations et on voit bien que vous ne soutenez pas les douanes.
Avec vous, c'est toujours pareil : il y a quelques mois, on savait très bien que vous n'aimiez pas la police ; lors du débat sur la Lopmi, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, on a appris que vous n'aimiez pas non plus la gendarmerie ; lors du débat sur les Jeux olympiques, on a appris que vous n'aimiez pas plus les caméras de vidéoprotection ; et avec ce texte, on apprend que vous n'aimez ni la police aux frontières ni les douanes… Vous n'aimez pas ceux qui protègent les Français, alors que nous, nous les soutiendrons toujours ! Nous voterons contre vos amendements de suppression et pour cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur l'article 11 bis, je suis saisi par les groupes Renaissance et Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, n° 74 , 202 et 225 , tendant à supprimer l'article 11 bis .
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l'amendement n° 74 .
Ne vous méprenez pas sur le sens de l'amendement de suppression de notre groupe GDR – NUPES sur l'article 11 bis . Il s'agit avant tout de protester contre le fait que la mission de police aux frontières soit dévolue aux agents des douanes, en lieu et place des forces de sécurité intérieure.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Comme je l'ai indiqué lors de mon intervention dans la discussion générale, nous sommes inquiets du détournement des missions qui incombent aux agents des douanes alors que leur cœur de métier est le contrôle des marchandises ! Monsieur le ministre délégué, ne vous servez pas d'eux comme d'un outil contre ces femmes et ces hommes qui fuient la misère, la crise climatique et la guerre, et qui sont nos frères.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela est d'autant moins justifié que les effectifs ont fondu quand, dans le même temps, les trafics s'accroissaient largement. Il est insupportable qu'avec 5 500 agents en moins en trente ans, les douanes doivent assumer des missions supplémentaires ! Que les agents qui effectuent des contrôles aux frontières puissent coopérer et se transmettre des renseignements spontanément ou sur demande, c'est une évidence, mais nous voulons par cet amendement souligner que la dérive des missions des agents des douanes doit maintenant cesser.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Pas grand-chose à ajouter à ce que vient de dire mon collègue Sansu ; cet article, ajouté à la hâte au Sénat, est peu bordé et assez flou. Il serait tout de même dommage de buter sur des questions de mauvaise rédaction quand il s'agit de réécrire une partie du code des douanes jugée inconstitutionnelle !
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 225 .
Nous sommes opposés à la création d'un système de transmission d'informations entre les agents des douanes et les services de police et de gendarmerie chargés de la police aux frontières, dans le cadre de leur mission de contrôle des personnes. Plus que jamais, nous refusons que, que par ce dispositif, les effectifs des douanes deviennent les auxiliaires de la police aux frontières sous couvert d'une gestion des flux migratoires aux frontières de l'espace Schengen et du développement d'une communauté du renseignement.
Les missions de service public des douanes doivent être resserrées autour de la lutte contre les trafics et la criminalité organisée, l'accompagnement personnalisé des entreprises évoluant à l'international et le contrôle des marchandises à l'import et à l'export.
L'article 11 bis met l'accent sur la lutte contre l'arrivée de personnes migrantes sur notre territoire, renvoyant ainsi à l'idée totalement xénophobe d'une submersion. Ce projet de loi n'a pas vocation à servir de tract à la droite dans sa course à l'échalote avec l'extrême droite sur la thématique de l'immigration. Voilà pourquoi notre amendement tend à supprimer cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.
Vous souhaitez supprimer la possibilité de transmission d'informations en matière de surveillance des frontières entre les douanes et les agents de la police aux frontières. Aujourd'hui, les douaniers sont tenus au secret professionnel. Ils peuvent dans certains cas y déroger, mais pas dans celui de la surveillance aux frontières. Comme l'a expliqué la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), d'ailleurs représentée dans les tribunes de l'hémicycle, cette absence de dérogation a soulevé des difficultés sur le plan opérationnel. C'est pour cette raison que le Sénat a introduit l'article 11 bis, lequel a été approuvé par la commission des lois de notre assemblée. Permettez-moi de rappeler que 1 654 douaniers sont d'ores et déjà positionnés à des points de passage frontaliers et sont considérés comme garde-frontières, au sens de l'accord de Schengen, ce depuis près de vingt ans – c'est un fait !
Dans ce contexte, l'article 11 bis vient corriger une carence, dans le sens du renforcement des prérogatives de nos douaniers, auxquels je crois que nous sommes tous attachés. Je suis forcément défavorable à ces amendements de suppression.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Bien évidemment, le groupe Rassemblement national votera contre ces amendements de suppression : ils démontrent que les députés de la NUPES ne sont plus du tout connectés avec la réalité que vivent nos douaniers, qui travaillent déjà avec efficacité au contrôle des flux migratoires, mais aussi avec les attentes des Français.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet, 63 % de nos concitoyens jugent que la politique migratoire est trop laxiste et ils sont seulement 8 % à considérer qu'elle est trop dure. Cela signifie que l'opinion que vous défendez est extrêmement marginale. On peut même aller plus loin, madame Regol :…
…51 % des écologistes et 52 % des socialistes estiment qu'il y a trop d'immigration. Mesdames et messieurs les députés de la NUPES, laissez donc les douaniers faire leur travail aux frontières : c'est ce que demandent les Français en grande majorité, y compris vos électeurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous parlez de déconnexion, mais c'est vous qui êtes complètement déconnectés lorsque vous vous opposez à l'augmentation des salaires,…
Vous rigolez ? Vous avez voté contre le projet de loi sur le pouvoir d'achat !
…alors qu'il s'agit d'une revendication exprimée par le peuple de France.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Par ailleurs, ce que vous dites n'est pas juste : les informations peuvent bel et bien circuler dès lors que leur transmission s'effectue sous le contrôle des magistrats !
Mêmes mouvements.
Il est certain que nous avons trop peu de douaniers ; nous vous l'avons expliqué à plusieurs reprises. Il faut donc qu'ils concentrent leur travail sur la lutte contre l'ensemble des trafics – de stupéfiants et d'armes, entre autres –, mais aussi contre la traite d'êtres humains. Cet article est démagogique et vise toujours les mêmes : ceux qu'on a laissés mourir en Méditerranée il y a quelques jours !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 95
Contre 21
L'article 11 bis est adopté.
L'article 11 ter prévoit d'étendre le champ des agents pouvant être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires. Bien qu'il y soit mentionné que les agents des douanes devront suivre une formation avant d'être habilités, il n'y est pas précisé si celle-ci équivaut à la formation des agents de police judiciaire (APJ). L'aptitude à exécuter les missions prévues doit être évaluée de manière rigoureuse ; les agents des douanes doivent posséder les compétences nécessaires pour mener des enquêtes judiciaires de manière efficace et respectueuse des droits fondamentaux.
J'ajouterai que les agents des douanes que nous avons rencontrés se sont montrés particulièrement sceptiques quant aux capacités d'une telle proposition à améliorer leur travail au quotidien.
Il conviendrait au minimum de présenter une étude d'impact sur les effets de cette extension des prérogatives à d'autres catégories d'agents et de consulter les premiers concernés – cela peut aider, quelquefois. Il me semble que cet article a été ajouté un peu rapidement par le Sénat…
Les membres de la commission ont discuté de ces amendements, avant d'adopter l'article 11 ter . Ils savent bien que les officiers de police judiciaire et de douane judiciaire souffrent d'une surcharge administrative, au détriment de leur temps d'enquête. Les services d'investigation estiment que les deux tiers des procès-verbaux composant une procédure pénale répondent à des exigences uniquement formelles. Pour des raisons de bonne administration, il conviendrait de décharger les officiers de douane judiciaire. C'est ce que nous avons souhaité faire pour les officiers de police judiciaire en leur permettant de déléguer une partie de leurs tâches aux agents de police judiciaire et en créant, dans la Lopmi, la catégorie d'assistants d'enquête.
La création des agents de douane judiciaire (ADJ) ne porte aucune innovation juridique. Depuis le premier jour de nos travaux, lundi, j'ai fait le parallèle entre ce que nous faisons à travers ce texte et ce vers quoi nous nous rapprochons. En l'occurrence, il s'agit de recruter des douaniers qui disposeront des mêmes prérogatives et obligations que celles qui sont dévolues aux agents de police judiciaire.
Pour l'ensemble de ces raisons, j'émets un avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
En effet, madame la rapporteure pour avis, nous avons déjà eu cette discussion en commission. Comme pour la police et les hôpitaux, on propose la même chose : recourir à des agents administratifs pour réduire la charge de travail. En un sens, vous avez raison. Mais en réalité, nous avons besoin d'agents qui suivent les dossiers ; ils consacreront un temps équivalent à expliquer aux personnes les tâches de report administratif, personnes dont les horaires ne seront pas nécessairement adaptés à la charge de travail. Encore une fois, nous avons besoin d'agents des douanes : c'est peut-être pour eux qu'il faut consacrer des moyens, et non pour des agents intermédiaires dont le recrutement ne changera rien au quotidien de travail.
La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l'amendement n° 262 .
Le service d'enquêtes judiciaires des finances, tels qu'il est organisé aujourd'hui, réunit les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires (OFJ). A l'initiative du Gouvernement, le Sénat a créé un statut d'agent de douane judiciaire.
Il paraissait nécessaire, par parallélisme, de créer un statut d'agent fiscal judiciaire. Nous proposons de créer un statut mixte d'agent de police judiciaire des finances (APJF). Ces agents des douanes et des services fiscaux travailleront auprès des ODJ et des OFJ au sein du SEJF, qui deviendra l'Office national antifraude.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir le sous-amendement n° 401 .
En effet, dans le cadre de mon plan contre la fraude, j'ai annoncé que nous allions renforcer l'action de l'actuel SEJF. Je veux de nouveau rendre hommage à ses agents à ses équipes, qui réalisent un travail absolument remarquable
Applaudissements sur tous les bancs.
Vous avez raison, nous pouvons les applaudir ! Leur directeur, présent dans les tribunes, doit apprécier votre geste.
Nous tenons à renforcer les moyens qui leur sont alloués – c'est pourquoi j'ai annoncé le doublement du nombre d'officiers fiscaux judiciaires –, ainsi que leur action, dont j'ai annoncé l'élargissement du périmètre : c'est la raison pour laquelle le SEJF deviendra l'Onaf. Nous souhaitons que les officiers fiscaux judiciaires et les officiers de douane judiciaire, déchargés de leurs tâches administratives, puissent se concentrer davantage sur leur mission d'enquête. C'est dans cette logique que le Sénat a introduit une disposition portant création d'agents de douane judiciaire.
L'amendement de François Jolivet et très utile puisqu'il permet d'élargir le champ des agents sollicités et de décharger les officiers fiscaux judiciaires, tout en renforçant leur action. Les agents de police judiciaire des finances auront vocation à travailler à la fois auprès des officiers fiscaux judiciaires et des officiers de douane judiciaire. Je remercie le député Jolivet et son groupe pour cet apport.
Ce sous-amendement tend à apporter aux futurs APJF des garanties d'anonymisation, que chacun peut comprendre, compte tenu de la matière sur laquelle ils travailleront.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Bien évidemment, j'émets un avis favorable sur le sous-amendement du Gouvernement et sur l'amendement de M. Jolivet, qui vise à élargir le champ des agents. Madame Regol, vous vous interrogez sur les missions spécifiques de ces agents : je peux vous assurer qu'il s'agit de véritables agents qui prêtent assistance en rédigeant des procès-verbaux et en procédant à des constatations, à la fois sous le contrôle des officiers de douane judiciaire, ce qui était prévu initialement, mais aussi sous le contrôle des officiers fiscaux judiciaires, ce que précise l'amendement de notre collègue Jolivet.
Le sous-amendement n° 401 est adopté.
Le groupe Rassemblement national soutiendra l'article 11 quater, qui permettra aux douanes d'utiliser des drones pour lutter contre le trafic de tabac et l'immigration illégale. Je profite de mon intervention pour dénoncer l'irresponsabilité des députés de la NUPES, qui souhaitent supprimer ce dispositif. La contrebande de tabac explose dans notre pays. Représentant 20 à 25 % de la consommation de cigarettes sur notre territoire, elle prive l'État de 3 milliards d'euros de recettes fiscales par an.
Députés de la NUPES, vous demandez toujours plus d'argent, toujours plus d'impôts !
Ces 3 milliards d'euros pourraient servir à la rénovation énergétique, à l'éducation ou au système de santé, notamment aux hôpitaux. Par vos amendements de suppression, vous refusez, en définitive, de donner aux douanes les moyens de lutter contre les trafiquants, qui volent à la fois l'État et les Français.
Il en est de même sur l'immigration : vous refusez de lutter contre les réseaux de passeurs. La politique migratoire laxiste fait rêver les migrants d'un eldorado qui n'existe pas, et ces migrants sont victimes de mafias. Certains risquent leur vie pour franchir nos frontières par les mers ou par les montagnes. Dès lors, une question se pose : refusez-vous que les douanes utilisent des drones pour localiser des personnes même lorsque celles-ci mettent leur vie en danger ? Vous êtes les complices des passeurs, dont les migrants, comme les Français, sont les victimes !
Chers collègues des autres groupes, votons l'article 11 quater ! Votons en faveur de l'utilisation des drones pour lutter à la fois contre le trafic de tabac et contre le trafic d'êtres humains.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mesdames et messieurs du Rassemblement national, vous faites la démonstration que vous n'êtes pas du côté des douaniers.
« Ah ! » et rires sur les bancs du groupe RN.
Ils ne demandent pas à devenir des policiers aux frontières. Ils ne sont pas satisfaits du fait que cela soit ajouté petit à petit à leurs missions.
Cela fait vingt ans que c'est le cas, nous dit-on. Eh bien, nous sommes pour que l'on revienne en arrière sur ce point.
Nous sommes pour que les douaniers soient associés au contrôle de la contrebande, du trafic d'armes, du trafic de drogue, de la fraude et de l'évasion fiscales.
La drogue circule-t-elle toute seule ? Derrière, il y a des trafiquants !
Nous pensons que les douaniers doivent demeurer des agents rattachés au ministère de l'économie et des finances ; ils ne doivent pas devenir des policiers aux frontières rattachés au ministère de l'intérieur.
C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 11 quater, qui vise à étendre l'usage des drones par la douane. D'une manière générale, nous ne sommes pas favorables à ce que l'on utilise des drones partout. Néanmoins, nous avons aussi déposé un amendement n° 232 , sur lequel nous avons demandé un scrutin public, et qui tend à supprimer uniquement l'extension du dispositif au contrôle des migrations. Utiliser des drones pour le contrôle du tabac, pourquoi pas ! Même si nous avons toujours quelques inquiétudes chaque fois que l'on ajoute une possibilité de recourir à de la technologie.
Vous nous parlez sans cesse de l'argent que pourrait rapporter le contrôle de l'immigration. Vous ne dites jamais rien des 160 milliards d'euros de cadeaux fiscaux qui sont faits chaque année aux entreprises.
Avec cet argent, pourtant, on pourrait faire beaucoup de choses, notamment doubler l'effectif des douaniers ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES
de telle sorte que l'on puisse ensuite accroître les moyens consacrés à la lutte contre le trafic de drogue et le trafic d'armes.
Je veux le répéter à ce micro, ici, à l'Assemblée nationale, les 8 500 agents des douanes qui sont sur le terrain en uniforme parviennent à réaliser, à eux seuls, 70 % des saisies de cannabis et 64 % des saisies de cocaïne.
Je conclus. Nous aurions bien fait d'augmenter leurs effectifs, car cela aiderait toute la chaîne de sécurité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'extension de l'usage des drones ouvre la porte à des abus potentiels et à une surveillance excessive. À défaut de garanties appropriées et de mesures de contrôle strictes, l'utilisation généralisée des drones pourrait entraîner une surveillance disproportionnée. Qui plus est, il ne faut pas que les moyens techniques remplacent les moyens humains, auxquels devraient être allouées davantage de ressources.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit aussi.
Nous avons un joli panel de techno-solutions pour surveiller tout et n'importe quoi : la vidéosurveillance algorithmique, la possibilité d'expérimenter la reconnaissance faciale et, ici, la possibilité d'utiliser des drones afin de pourchasser les personnes aux frontières. Je ne sais pas si nous sommes dans un épisode de Game of Thrones ou de Minority Report.
Murmures sur les bancs des groupes RE et RN.
En tout cas, cela va assez loin : on retire des moyens aux douanes pour en investir beaucoup dans la technologie. Or cette technologie ne nous grandit pas en tant que démocratie, pas plus qu'elle ne fait progresser le travail des douanes, alors que c'est l'objectif. En application des dispositions que nous venons d'adopter, la douane, la police et la gendarmerie pourront déjà se communiquer des informations et des données. Dès lors, je m'interroge : pourquoi cette obsession de traquer, traquer et traquer encore à l'aide de la vidéosurveillance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous proposons la suppression de l'article 11 quater . D'une part, les douaniers manquent de moyens. C'est pour cette raison qu'ils ne sont pas favorables à une extension de leurs missions. Ils ont bien assez à faire, d'une façon générale, pour lutter contre le crime organisé.
D'autre part, le recours aux drones donne à la surveillance un caractère particulièrement intrusif. C'est une remise en cause de la liberté d'aller et venir, du respect de la vie privée, ainsi que de la libre expression pacifique d'une opinion. Vous l'avez compris, je fais référence au délit de solidarité, en raison duquel un certain nombre de personnes sont enfermées au motif qu'elles ont aidé d'autres êtres humains.
Si l'on voulait traiter ces questions avec sérieux, et non avec démagogie, il faudrait tirer les leçons, de façon honnête, des logiques hypersécuritaires qui ont guidé l'action jusqu'à présent. Elles sont, du reste, absolument inefficaces.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit aussi.
Le recours aux drones permettrait de repérer des manœuvres d'évitement des contrôles douaniers, par exemple sur une aire d'autoroute avant un point de contrôle à un péage. Il permettrait aussi de repérer des mouvements suspects, qui échapperont sinon à la vigilance de l'administration douanière.
Je ne veux pas laisser penser à la représentation nationale que le dispositif n'est pas encadré. Je tiens à citer quelques-unes des dispositions prévues à cette fin. D'abord, le recours aux drones doit faire l'objet d'une autorisation écrite et motivée du préfet, et celle-ci ne vaut que pour une durée limitée.
Ensuite, les caméras aéroportées ne peuvent pas procéder à une captation du son, ni comporter de traitement automatisé de reconnaissance faciale – c'est précisé expressément, madame Regol, et je le dis au sein de cet hémicycle. Ces dispositifs ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisée avec d'autres traitements de données.
Enfin, hors le cas où les drones sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les images sont conservées pendant une durée maximale de sept jours à compter de la fin du déploiement du dispositif.
En outre, je le rappelle car manifestement je ne parviens pas à vous en convaincre, les agents de la police aux frontières comme ceux des douanes sont considérés comme des garde-frontières au sens de l'Union européenne ; ils ont pour mission d'assurer la surveillance des frontières. D'ailleurs, ces deux administrations se répartissent les points de passage à contrôler.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur les amendements.
D'abord, j'invite chacun à se garder de parler au nom des douaniers.
J'ai entendu certains orateurs de la NUPES affirmer que les douaniers ne voulaient pas ceci ou cela. Les douaniers n'ont pas besoin de vous comme porte-parole. Nous en rencontrons tous, au quotidien.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes LR, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Si jamais vous souhaitez vous faire l'écho des positions d'une organisation syndicale, vous pouvez le dire tout simplement en ces termes.
Je rencontre des douaniers toutes les semaines. Or les douaniers du terrain me demandent plutôt de pouvoir davantage utiliser des drones,…
…notamment pour lutter contre le trafic de tabac à la frontière avec Andorre ou effectuer des opérations de contrôle, l'hiver sur certaines routes de montagne, qui sont dangereuses.
Mme Émilie Bonnivard applaudit.
Il leur serait utile, dans leur action au quotidien, de recourir à des drones dans certains endroits risqués. Si nous défendons l'article 11 quater, c'est avant tout pour les aider et les accompagner.
Par ailleurs, nous n'avons pas nécessairement les mêmes priorités. Nous, nous voulons lutter contre la contrebande de tabac. Elle constitue un fléau non seulement pour la santé des Français, mais aussi pour leur sécurité, car elle finance des réseaux mafieux qui sont responsables d'un net accroissement de la criminalité. Elle est aussi un fléau pour notre réseau de buralistes, dont nous avons besoin parce qu'ils créent du lien social et assument des missions de service public.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – MM. Ian Boucard et Antoine Léaument applaudissent aussi.
Il faut donc lutter contre la contrebande de tabac.
Que se passe-t-il aujourd'hui ? Lorsque l'on veut lancer une opération à la frontière pour lutter contre la contrebande de tabac, on n'a pas le droit d'utiliser un drone, car ce n'est pas autorisé par la loi. En l'état actuel du droit, si l'on contrôle un convoi suspect identifié par un drone et si l'on découvre alors du tabac de contrebande dans ce convoi, la procédure risque de tomber, parce que les drones ne peuvent pas être utilisés pour lutter contre la contrebande de tabac.
Avant de prendre des positions, il faut savoir de quoi l'on parle et se rendre compte des réalités vécues par nos douaniers sur le terrain.
L'article 11 quater tend également à autoriser le recours aux drones pour le contrôle migratoire. Nos douaniers travaillent déjà avec la gendarmerie et la police aux frontières sur des questions migratoires à la frontière – l'ignorer, c'est méconnaître leur action. Il n'y a pas de nouveauté : les douaniers utilisent déjà des drones, notamment les douaniers garde-côtes pour les opérations de secours en mer.
Si c'est déjà le cas, pourquoi nous demande-t-on de voter cet article ?
Nous souhaitons simplement étendre l'utilisation des drones à la lutte contre la contrebande de tabac et au contrôle migratoire. Et nous le faisons pour nos douaniers. Avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre délégué, votre réponse était vraiment parfaite ! Les douaniers, avez-vous dit, demandent des drones pour lutter contre le trafic de tabac. Or, je l'ai dit tout à l'heure : s'il s'agit de cela, pourquoi pas ! Nous sommes prêts à ouvrir cette possibilité. Nous avons déposé un amendement, sur lequel nous avons demandé un scrutin public, qui vise à étendre l'utilisation des drones uniquement à la lutte contre le trafic de tabac.
Vous avez dit en outre que vous rencontriez des douaniers toutes les semaines et que personne ne pouvait se faire leur porte-parole. Toutefois, j'attends que vous me présentiez un douanier qui me dira, droit dans les yeux, qu'il souhaite faire du contrôle des migrations, que c'est son rêve dans la vie !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Jusqu'à présent, les douaniers que j'ai rencontrés m'ont dit que cela faisait partie de leurs missions, mais qu'ils n'avaient pas envie de le faire et qu'ils ne voulaient en aucun cas devenir des policiers aux frontières. Jamais aucun douanier ne m'a dit qu'il avait envie de faire du contrôle des migrations !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En revanche, ils souhaitent effectivement lutter contre celles et ceux qui organisent des trafics d'êtres humains, ce qui n'est pas la même chose – vous en conviendrez assurément.
Vous ne pouvez pas nous reprocher d'être incohérents à ce sujet. Vous affirmez que le contrôle des frontières fait partie des missions des douaniers, en vertu des règles relatives à l'espace Schengen et à l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex).
Or, hier ou avant-hier, nous avons proposé de supprimer l'article 67 quater du code des douanes, précisément parce que nous sommes opposés à cela. Nous ne souhaitons pas que les douaniers soient des policiers aux frontières. Pour votre part, vous dites, avec le Rassemblement national, que vous souhaitez créer, petit à petit, une sorte de grand corps composé de la douane et de la police aux frontières. Nous n'en voulons pas. Il s'agit de deux métiers différents, qui doivent rester séparés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit aussi.
Je suis bien évidemment opposé à ces amendements de suppression : il faut donner tous les moyens nécessaires à nos services de douane pour lutter contre la contrebande de tabac. En 2022, nos douanes ont saisi 640 tonnes de tabac, soit une augmentation de 20 % par rapport à l'année précédente.
Étant élu d'un département frontalier – c'est le cas de nombreux collègues du groupe Les Républicains –, je peux vous assurer que la contrebande de tabac est un fléau. Nous avons besoin de nos buralistes, moins pour vendre du tabac – même si c'est leur gagne-pain – que pour assurer des services publics dans nos communes. En réalité, quand on ne lutte pas contre la contrebande de tabac, on fait disparaître nos bureaux de tabac. Ce premier point semble faire consensus.
Pour ce qui est du deuxième point, je pense, comme 70 % des Français, qu'il faut mieux contrôler nos frontières, y compris contre l'immigration illégale.
Je suis tout à fait favorable à ce que l'on permette aux douanes d'utiliser des drones pour éviter que des flux migratoires illégaux entrent sur le territoire national.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
Monsieur Léaument, j'ai parlé hier de votre incohérence sur d'autres sujets, mais je vous reconnais aujourd'hui une forme de cohérence. Toutefois, contrairement à vous, nous ne sommes pas des no border, qui considèrent qu'il ne doit pas y avoir de frontières et qu'il ne faut pas faire en sorte de contrôler ce qui s'y passe. Ce sont deux approches totalement différentes.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Deuxièmement, vous vous dites d'accord pour contrôler le trafic de tabac, mais vous proposez, avec d'autres, de supprimer l'article. Nous, nous sommes conscients des difficultés que traversent nos buralistes et nous voulons nous donner les moyens de mieux lutter contre la contrebande de tabac, un fléau pour la santé et la sécurité des Français et pour le réseau des buralistes que nous chérissons. Nos discours et nos actes sont cohérents.
Il se fonde sur l'article relatif aux faits personnels. M. le ministre délégué, qui désigne les oppositions comme tenantes d'une ligne no border – je ne sais d'ailleurs pas trop, en français dans le texte, ce que cela veut dire –…
…est à nouveau en train de caricaturer ceux qui posent des questions et qui s'intéressent à la spécificité des métiers.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. le président coupe le micro de l'orateur.
Monsieur le député, c'est moi qui vais vous citer l'article relatif aux mises en cause personnelles : c'est l'article 70 du règlement ; en règle générale, c'est à vous de le faire. Vous aurez la parole en priorité sur l'amendement suivant, qui traite du même domaine, si vous le souhaitez.
Sur l'amendement n° 232 , je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Sur l'article 11 quater, je suis saisi par les groupes Renaissance et apparentés et Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 155 de Mme Anaïs Sabatini est défendu.
La parole est à M. Thomas Portes, pour soutenir l'amendement n° 232 .
Cet amendement de repli vise à supprimer la possibilité d'utiliser des drones pour contrôler les flux migratoires. Vous l'avez dit, monsieur le ministre délégué : les douaniers n'ont pas besoin d'un porte-parole. Ils ont besoin d'un ministre qui réponde à leurs préoccupations et qui ne transforme pas leur mission pour faire d'eux des policiers des flux migratoires. Je reprends les propos de mon collègue Léaument : personne, chez les douaniers, n'a demandé à contrôler les flux migratoires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez évoqué l'efficacité du dispositif. Je rappelle qu'un drame s'est produit il y a quelques jours, en Méditerranée. Nous avions proposé une minute de silence, qui nous a été refusée par la présidence.
Frontex avait été alertée ; l'agence n'est pas intervenue. Ces gens sont morts au large ; les sauveteurs grecs parlent de meurtre et de laisser-faire. Ce qui se passe est absolument inacceptable.
Nous avons déposé cet amendement de repli car ce débat nous oppose profondément : pour nous, la douane est une police de lutte contre le trafic de marchandises et contre la contrebande de cigarettes, pas une police qui contribue à lutter contre les flux migratoires. Il est vrai que vous subissez la pression d'un ministre de l'intérieur qui se fait le porte-parole de l'extrême droite
« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et LR
et qui a reçu, hier, la Première ministre italienne fasciste Meloni à l'Élysée. Cela donne le ton du débat sur l'immigration que nous aurons dans quelques jours !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ? Ils ne sont pas en discussion commune ; je suis allé trop vite.
Pour ce qui est de l'amendement n° 155 , il ne paraît pas opportun d'élargir le dispositif à l'ensemble des marchandises qui peuvent traverser nos frontières, sauf à encourir un risque de censure. En outre, et je laisserai M. le ministre délégué compléter, il ne nous a pas été fait part d'un besoin opérationnel qui justifierait une telle extension.
En ce qui concerne l'amendement n° 232 , même si nous avons déjà eu la discussion, je rappelle que 1 654 douaniers sont garde-frontières, chargés de contrôler les points de passage frontaliers. C'est une réalité.
Mêmes avis, pour les mêmes raisons.
À ce moment du débat, je voudrais préciser notre position, qui est loin de correspondre à la caricature que vous en faites.
J'ai été maire de Dieppe, ville qui a une frontière importante avec la Grande-Bretagne ; mon successeur – il était mon premier adjoint – est douanier. C'est vous dire si j'aime les douaniers. L'expérience que j'ai retirée de la gestion d'une frontière avec un pays qui a quitté l'Union européenne, c'est que la spécificité des métiers, avec leurs compétences et leur expertise, est un gage de sécurité et de qualité pour le service public de contrôle aux douanes. La PAF mérite de voir ses effectifs renforcés et ses spécificités reconnues ; les douaniers méritent d'obtenir les moyens de mieux contrôler les marchandises, la fraude fiscale et tous ceux qui ne respectent pas les normes sociales ou environnementales et qui font entrer des produits en toute impunité dans le port chinois du Havre. C'est cela que nous défendons.
Par ailleurs, vous expliquez que les drones permettront de lutter efficacement contre la fraude du tabac. Il n'y a qu'un camion scanner pour toute la Normandie, et je sais, pour avoir passé une nuit entière avec les douaniers, comment ils l'utilisent. Il fonctionne bien, mais quand il part du Havre pour aller à Dieppe avant de se rendre dans les Hauts-de-France, les trafiquants ont le temps de s'envoyer deux ou trois textos pour savoir dans quel port il se trouve ! Si vous équipiez l'ensemble des ports…
…et que vous donniez les moyens de lutter efficacement contre ceux qui font de l'argent sur le dos et la santé des habitants que nous protégeons, on s'en porterait mieux.
Voilà la position pragmatique du groupe GDR sur la question des contrôles aux frontières. Ce n'est pas une posture no border ; nous voulons que les fonctions régaliennes de l'État s'exercent avec humanité, dans le respect des principes fondamentaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Andy Kerbrat applaudit également.
Pour les départements frontaliers comme le Jura, département de transit, où les chiffres du trafic de tabac explosent – ils ont été multipliés par dix en un an, passant de 1,5 tonne en 2021 à 11 tonnes en 2022 –, ces mesures sur l'utilisation des drones aux frontières sont les bienvenues. Elles le sont également pour les débitants de tabac. En effet, sur 116 débits de tabac dans le Jura, cinq sont en cours de fermeture.
Je voudrais tout d'abord répondre à l'intervention de M. Portes au sujet du naufrage dramatique qui a eu lieu il y a quelques jours en Méditerranée. Les douaniers sont très régulièrement amenés à secourir des migrants qui risquent leur vie en mer.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Il y a quelques semaines, dans la Manche, les douaniers du patrouilleur Jacques-Oudart-Fourmentin ont secouru une embarcation sur laquelle se trouvaient plusieurs dizaines de migrants.
En novembre dernier, au large de la Sicile, c'est le patrouilleur DF P3 qui a secouru quatre-vingt-huit migrants : des femmes, des enfants, afghans, syriens, qui, eux aussi, risquaient leur vie. Nous pouvons rendre hommage à l'action des douaniers.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et RN.
Je ne veux pas laisser penser qu'ils ne seraient pas mobilisés sur le sujet.
Pour répondre à M. Jumel, j'ai bien identifié le besoin de renforcer l'équipement des douaniers. J'ai précisément annoncé un investissement supplémentaire de 45 millions d'euros sur les prochaines années pour des scanners supplémentaires. Ainsi, très prochainement, l'ensemble des grands ports maritimes sera doté de scanners mobiles, via camionnette, ou de scanners fixes dédiés à ces ports. Nous allons renforcer massivement l'équipement des douanes dans les ports, dans les aéroports et dans les centres de tri postaux ; en effet, on constate que le trafic de cigarettes et de tabac de contrebande passe désormais beaucoup par l'envoi massif de petits colis. À partir de 2025, nous serons en mesure de scanner 100 % des colis qui arrivent en France par le fret postal aérien en provenance de pays tiers à l'Union européenne. Nous sommes au rendez-vous du renforcement technique des douanes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 155 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 156
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 27
Contre 124
L'amendement n° 232 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 372 , je suis saisi par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je mets aux voix l'article 11 quater .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 152
Majorité absolue 77
Pour l'adoption 129
Contre 23
L'article 11 quater est adopté.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir l'amendement n° 372 , portant article additionnel après l'article 11 quater .
Il propose que les entreprises chargées de traiter et de stocker les données obtenues par l'utilisation de drones soient des entreprises européennes. Ces drones vont capter des données sensibles pour la lutte contre le terrorisme et l'immigration irrégulière, mais aussi des données personnelles, puisque l'image de chacun de nous, de chaque Français, pourra être captée. Il faut obliger l'État à recourir à des entreprises européennes, et seulement européennes, pour traiter les données personnelles de citoyens français et les données relatives à la sécurité de notre pays.
L'amendement répond à ce besoin impérieux. Nous ne pouvons pas mettre à la disposition des douanes des solutions chinoises telles que celles proposées par DJI – Da Jiang Innovation –, leader en la matière. L'armée américaine ne s'y est d'ailleurs pas trompée, puisqu'elle a banni l'utilisation de cette marque. Se reposer sur une entreprise étrangère comme celle que je viens de citer, c'est prendre le risque d'un blocage des drones en cas de conflit commercial, c'est accepter de mettre en jeu la sécurité des Français, c'est, finalement, renoncer à notre souveraineté. D'où l'utilité – mieux, la nécessité – de cet amendement qui impose le recours aux entreprises européennes. Je reviens du salon du Bourget : des dizaines d'entreprises françaises proposent des solutions de drones ; autant les privilégier.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ce sera mon dernier avis pour la commission des lois. Je passerai ensuite la parole à ma collègue Nadia Hai, pour la commission des finances.
Ne soyez pas tristes, chers collègues, je reste avec vous quand même.
Sur la forme, nous avons déjà eu ce débat. Sur le fond, je vous renvoie à l'article R. 242-10 du code de la sécurité intérieure, qui fixe le régime juridique d'accès aux données enregistrées par les drones : elles ne sont consultables par aucune entreprise tierce et seulement accessibles à un très petit nombre de personnes au sein même des forces de police et de gendarmerie, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître. La consultation des données est déjà extrêmement encadrée. Votre amendement est satisfait ; avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Décidément, j'ai du mal à comprendre ! Vous proposez pour la deuxième fois que les données soient stockées au sein de l'Union européenne et non sur le territoire de la patrie. Pourquoi cela pose-t-il problème ? Si nous voulons que les données puissent être contrôlées et que l'État puisse exercer une coercition sur l'entreprise qui les possède, il faut que celles-ci se trouvent sur le territoire national ! Si elles sont ailleurs sur le territoire européen, vous serez obligés de faire confiance aux autres États de l'Union européenne pour qu'ils ne les utilisent pas.
Or, par le passé, par exemple dans le cadre d'affaires d'espionnage révélées notamment par M. Assange, il est arrivé que l'Allemagne espionne la France. Il est donc possible que des pays de l'Union européenne utilisent les données de nos compatriotes, sans que leurs intentions soient celles, très positives, qui sont normalement garanties par l'Union européenne.
Ensuite, plus largement, s'agissant de l'usage des drones dans le cadre des migrations, je serais favorable à l'utilisation de drones français. Une entreprise française, Safran, produit le drone Patroller, que j'étais allé voir au Bourget il y a quelques années ; c'est un drone français que nous pourrions utiliser.
Sur ce sujet, quelque chose nous inquiète et je vais le répéter une nouvelle fois solennellement. Alors que les effectifs des douaniers n'ont cessé de diminuer – ils sont passés de 22 000 en 1980 à 17 000 aujourd'hui –, ceux de la police aux frontières sont passés de 8 900 en 2007 à 12 300 en 2021. Tandis que le nombre de douaniers, qui sont chargés de contrôler la contrebande, le trafic d'armes et les flux financiers, diminue, celui des policiers aux frontières augmente. Et en outre, vous êtes en train de nous dire que vous voulez mettre progressivement les premiers au service des seconds ! Ce n'est pas la logique que nous appelons de nos vœux et qui consiste, je le répète, à défendre l'intérêt général.
Il en sera question, je pense, lors du débat sur l'immigration, parce que cette vision de la France est bien éloignée de la manière dont s'est construit notre pays – et je pense ici à mes arrière-grands-parents, qui n'étaient pas français mais font finalement, quelques générations plus tard, de bons patriotes français !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
…quand vous affirmez que la loi satisfait déjà mon amendement. Mais je citerai un officier français, le vice-amiral Arnaud Coustillière, qui explique qu'« aucun matériel étranger ne peut être souverain ». N'importe quel matériel étranger peut comporter une backdoor, une porte dérobée. Sur le plan juridique, vous pouvez penser qu'un État étranger n'aura pas accès au drone qu'il a produit et que nous utilisons. Mais en réalité, si nous nous approvisionnons auprès d'une entreprise chinoise comme DJI, il est possible qu'une backdoor existe et donc que le gouvernement chinois ait accès à notre matériel. En l'espèce, l'amendement n'est donc pas du tout satisfait.
Pour répondre ensuite à M. Léaument, pourquoi proposons-nous que l'entreprise susceptible de traiter et de conserver les données soit européenne ? D'abord, il n'est pas question de toutes les données mais seulement de celles qui sont obtenues par l'utilisation de drones : le marché public présidant à l'achat d'un drone doit favoriser les entreprises européennes. Nous nous appuyons sur le référentiel SecNumCloud, qui est conventionnel et constitutionnel. Si nous avions précisé que les entreprises en question ont l'obligation d'être françaises plutôt qu'européennes, notre amendement, même adopté, n'aurait pas passé le filtre de la conventionnalité ni celui de la constitutionnalité. Parce que nous sommes des gens constructifs, nous avons donc indiqué que les entreprises doivent être européennes, et pas nécessairement nationales.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 44
Contre 79
L'amendement n° 372 n'est pas adopté.
J'approuve sincèrement le contenu de cet article : il cible les plateformes en ligne, par l'intermédiaire desquelles de trop nombreuses infractions sont commises.
Il contribuera à adapter les capacités d'action des agents, afin qu'ils puissent agir plus efficacement contre les fraudes. Si la plupart des achats en ligne sont légaux, ce commerce est aussi très utilisé pour la vente de contrefaçons, de médicaments falsifiés ou de tabac.
Comme le souligne l'étude d'impact du texte, la fraude est grandement facilitée par les spécificités du commerce en ligne, notamment l'anonymat, la volatilité des sites et l'extrême morcellement des envois. Ces trafics sont la source de risques nombreux ; ils portent atteinte à la santé des consommateurs, à l'environnement, et ils pénalisent les ressources fiscales de nos collectivités publiques.
Ainsi, il importe de responsabiliser les plateformes de commerce en ligne et tout autre opérateur rendant possible la fourniture de marchandises prohibées. En faisant disparaître le contenu permettant la diffusion de ces produits, la loi favorisera les activités commerciales légales et permettra surtout d'évincer les acteurs illégaux de ce marché.
Monsieur le ministre délégué, c'est à ces conditions que nous retrouverons de la confiance dans l'économie numérique.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 362 .
Il vise simplement à rétablir la version initiale de l'alinéa 7 du présent article, tel qu'elle était proposée avant d'être modifiée par le Sénat ; le dispositif concernerait ainsi toutes les infractions mentionnées à l'article 414 du code des douanes. En effet, la rédaction du Sénat réduit le champ d'action des douanes sans que le Conseil constitutionnel l'exige ; nous y sommes donc défavorables.
Compte tenu du fait que le groupe Rassemblement national n'est pas satisfait de ma présence en tant que rapporteure,…
Protestations sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 362 n'est pas adopté.
L'amendement n° 154 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 297 .
Contrairement aux immigrés en situation irrégulière qui bénéficient de l'aide médicale de l'État (AME), de nombreux Français ne sont plus en mesure de s'acheter des médicaments, car leur couverture sociale ne prend pas en charge l'intégralité du remboursement.
De ce fait, certains d'entre eux sont tentés de passer par des marchés parallèles. En 2022, par exemple, plus de 100 000 faux médicaments ont été saisis par les douanes. La copie de médicaments crée des produits dont la composition et les principes ne répondent pas aux normes scientifiques : ils sont au mieux inefficaces, et se révèlent la plupart du temps dangereux pour les malades.
L'amendement propose d'élargir les dispositions de l'article 12 du présent projet de loi aux infractions relatives aux marchandises contrefaisantes et aux médicaments falsifiés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Décidément, collègues du Rassemblement national, vous avez un problème avec l'humanité !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Je voudrais vous expliquer quelque chose. Les maladies ne sont pas racistes : elles se déplacent d'un individu à l'autre sans leur demander leurs papiers. Par conséquent, quand vous permettez à des gens, quelle que soit leur nationalité, d'accéder à des soins sur le territoire national, vous limitez la propagation des maladies, y compris aux personnes qui sont de nationalité française. Contrairement à vous, les maladies ne sont pas racistes : les virus concernent toute l'humanité.
M. Benjamin Lucas applaudit.
En revanche, le racisme, c'est la maladie de la République. C'est pourquoi nous le combattrons toujours.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Ensuite, s'agissant des médicaments, vous êtes encore une fois à côté de la plaque. En effet, vous ne défendez pas la souveraineté nationale en matière de médicaments, au contraire de ce que nous faisons ! Nous défendons, dans le programme de la NUPES,…
…la création d'un pôle public du médicament, car ce qui crée des problèmes d'accès aux médicaments, c'est encore une fois le capitalisme ! C'est le capitalisme qui organise le fait que certains, pour des raisons financières, vont diriger les médicaments vers certains pays plutôt que d'autres, parce qu'ils pourront les y vendre plus cher.
Eh bien nous, nous sommes du côté de celles et ceux qui disent que si nous ne voulons pas manquer de Doliprane, nous devons le produire en France : si nous voulons des médicaments, produisons-les en France ! Au passage, nous ferons faire des économies à la sécurité sociale. Voilà, vous avez avec nous un programme cohérent en matière de santé publique !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Passons outre les caricatures grotesques de notre collègue Léaument – monsieur Léaument, il faut apprendre à écouter quand on vous parle ! Je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas soigner les immigrés :
M. Antoine Léaument s'exclame
j'ai simplement dit qu'un grand nombre de Français n'ont pas les moyens de se soigner alors que les immigrés, eux, grâce à l'AME, sont soignés intégralement à la charge des Français !
M. René Pilato proteste.
Apprenez donc à écouter : nous gagnerons du temps et ce sera mieux pour tout le monde.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 297 n'est pas adopté.
L'amendement n° 355 de Mme la rapporteure est un amendement de précision.
L'amendement n° 355 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 263 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 366 .
Il vise à rendre possible la saisine du tribunal « sur simple requête » et non plus « selon la procédure accélérée au fond ».
La rédaction actuelle de l'article 12 prévoit en effet d'en passer par la procédure accélérée mentionnée dans la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, afin de demander au tribunal de supprimer des noms de domaine ou des comptes de réseaux sociaux. Une telle procédure, cependant, est lourde ; elle suppose une réquisition et n'est habituellement pas activée par les agents des douanes. Une simple requête permet de garantir l'efficacité de la saisine du juge, c'est-à-dire d'actionner un mode de saisine que les douaniers maîtrisent sans pour autant entamer le niveau de contrôle du juge.
L'amendement n° 366 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 396 .
Il vise à corriger deux oublis dans le texte, dans le cas où le tribunal judiciaire prend la décision de faire retirer des contenus. En l'état du texte, on ne visait pas tous les comptes en ligne qui peuvent être impliqués par exemple dans l'e-commerce : le dispositif se concentrait sur les réseaux sociaux. Il fallait par ailleurs préciser qui sont les opérateurs visés, en l'occurrence les plateformes.
L'amendement n° 396 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l'amendement n° 268 .
Il vise à compléter le présent article en indiquant que le décret en Conseil d'État mentionné à l'alinéa 13 « précise en outre les conditions de participation et d'information des associations agréées notamment dans le domaine de l'environnement, de la protection des consommateurs et de la protection animale ».
Les nouveaux pouvoirs de l'administration lui permettant d'obliger les plateformes à se conformer aux règles de protection douanière peuvent se révéler utiles, mais il faut pour cela qu'ils soient effectivement exercés, à l'aide des moyens humains et matériels nécessaires. C'est à cette condition que nous pourrons équilibrer les relations entre la douane et les plateformes en faveur des citoyens, qui se retrouvent souvent confrontés à de très grands opérateurs du numérique. Il s'agit ainsi de faire participer la société civile et les associations qui la représentent et l'animent à l'exercice de ce pouvoir de coercition.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je ne suis pas convaincue de la nécessité d'inclure dans le décret les modalités de participation des associations que vous venez de mentionner. La procédure vise en effet les relations entre la douane et les plateformes, et ces dernières doivent retirer ou rendre inaccessibles les contenus une fois que la douane les a informées de la commission du délit. Je ne vois pas très bien quelle serait la place des associations dans ce cadre. Avis défavorable.
L'amendement n° 268 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 153 rectifié et 383 rectifié .
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l'amendement n° 153 rectifié .
Il a été déposé par ma collègue Mme Dalloz. Il semble impératif que l'inaction des plateformes, à l'issue du signalement par l'administration des douanes, fasse l'objet d'une sanction les incitant à agir sans délai. Néanmoins, la peine de prison introduite par le Sénat semble disproportionnée et soulève des questions d'applicabilité. Le présent amendement propose de remplacer la sanction introduite lors de l'examen au Sénat par une astreinte, prononcée par la juridiction saisie, dont le montant et la durée seraient proportionnels à la gravité des faits, pour un montant maximal de 250 000 euros. En outre, cette astreinte pourrait faire l'objet d'une mesure de publicité, en cohérence avec l'esprit de l'article 12.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 383 rectifié .
Il est identique à celui défendu par Mme Bonnivard. Je pense aussi qu'il faut renforcer les sanctions à l'égard des plateformes qui s'entêtent à ne pas retirer les contenus illicites signalés. Ce sont des amendements de bon sens, que je vous invite tous à adopter.
Je tiens à saluer le travail effectué de concert par Marie-Christine Dalloz et la rapporteure, afin de rendre effectives les décisions des tribunaux judiciaires de faire retirer des contenus sur les plateformes en ligne. Le régime de sanctions adopté au Sénat était assez disproportionné parce qu'il prévoyait des peines d'emprisonnement pour des entreprises, ce qui le rendait fragile. C'est pourquoi je suis favorable à ces amendements qui garantissent l'effectivité de cette sanction.
Les amendements identiques n° 153 rectifié et 383 rectifié sont adoptés.
L'article 12, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 12.
La parole est à M. Christophe Blanchet, pour soutenir l'amendement n° 326 .
Il vise à inscrire dans le code des douanes les mesures de lutte contre les médicaments falsifiés.
Dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), je mène actuellement avec Kevin Mauvieux une mission de suivi de l'évaluation de la lutte contre la contrefaçon que j'avais effectuée il y a trois ans.
À l'aéroport de Roissy où nous nous sommes rendus récemment, nous avons visité les installations où arrivent les colis individuels. Sachez que sur la seule chaîne réservée à la Chine, où les colis défilent à la cadence de sept à la seconde, on trouve régulièrement des médicaments falsifiés, contrefaits.
Certains collègues nous expliquent que les personnes achètent des médicaments contrefaits par manque de moyens. En fait, ce n'est pas la seule raison. Parmi ces arrivages de produits falsifiés, on trouve beaucoup de ces pilules bleues que les gens n'osent pas demander au médecin ou au pharmacien, ou des anabolisants et autres produits miracles dont ils ont vu la publicité sur internet.
Il faut informer et mettre en garde les consommateurs contre ces produits qui peuvent être dangereux. Si ceux-ci ne contiennent que du sucre, leur dangerosité est limitée, hormis pour les diabétiques. C'est une autre affaire quand ils contiennent de la mort-aux-rats, du ciment ou d'autres substances nocives. Ce commerce peut donc aussi avoir des répercussions sur nos hôpitaux et notre système de santé publique.
Le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur. À une époque, ces produits ne faisaient parfois que transiter par la France. Actuellement, ils s'y stabilisent : les molécules en provenance de certains pays – que je ne vais pas citer pour ne pas en faire des exemples – sont assemblées sur notre territoire.
L'amendement n° 326 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je vais le retirer au profit du sous-amendement n° 792 , déposé sur l'amendement n° 325 : ce sous-amendement résulte du très bon travail que nous avons pu faire avec le groupe d'étude condition et bien-être des animaux et le cabinet de M. Attal, que je remercie pour ce travail transpartisan et nécessaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'amendement n° 338 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement n° 129 .
Il concerne le secret professionnel que certaines professions peuvent opposer aux agents douaniers.
Rappelons que ceux-ci ont deux moyens pour obtenir des documents. Premier moyen : l'article 65 du code des douanes habilite les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur ou, à défaut, agissant sur ordre écrit d'un agent des douanes ayant au moins le grade d'inspecteur, à solliciter de toute personne physique ou morale, la communication de documents de toute nature, quel qu'en soit le support, relatifs à l'activité d'une société faisant l'objet d'un contrôle ou d'une enquête par le service des douanes. Deuxième moyen : dans le cadre de l'article 63 ter du code des douanes, les agents des douanes ont accès, non seulement aux marchandises, mais également aux documents qui s'y rapportent et accompagnent leur cheminement.
Cependant, certaines professions, réglementées par des ordres ou des codes de déontologie, peuvent opposer aux agents des douanes, l'obligation de secret professionnel à laquelle elles sont soumises. Les douaniers ne peuvent alors pas disposer des documents nécessaires.
Nous proposons donc d'ajouter au code des douanes un article ainsi rédigé : « Le secret professionnel ne peut être opposé aux agents des douanes agissant dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés par le présent code. ». Cela permettrait d'accroître le pouvoir des agents des douanes et de faciliter leur mission.
Ne pas opposer le secret professionnel aux douaniers relève du bon sens. Avis très favorable à cet amendement, je vous invite tous à l'adopter.
Je veux remercier Véronique Louwagie de proposer une mesure qui va venir très utilement sécuriser l'action de nos douaniers lors de leurs enquêtes, en évitant qu'on leur oppose le secret professionnel. Ils seront plus efficaces dans leurs investigations et donc dans leur lutte contre les trafiquants. Avis très favorable.
L'amendement n° 129 est adopté.
Sur le sous-amendement n° 792 , je suis saisi par les groupes Renaissance et Écologiste – NUPES de demandes de scrutin public.
Sur l'amendement n° 293 , je suis saisi par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements, n° 325 , 184 et 293 , pouvant être soumis à une discussion commune. L'amendement n° 325 fait l'objet du sous-amendement n° 792 .
La parole est à M. Christophe Blanchet, pour soutenir l'amendement n° 325 .
Il est ici question de la procédure particulière du coup d'achat que les douaniers peuvent pratiquer sur certaines marchandises contrefaites, mais pas sur les médicaments falsifiés. Or ce dernier trafic a plus que triplé en l'espace de trois ans, depuis la publication du rapport sur la contrefaçon que j'avais rédigé en 2020 avec mon collègue Pierre-Yves Bournazel.
À l'époque, la première mesure que nous avions préconisée était de permettre aux douaniers de recourir à cette procédure pour les médicaments et les matières premières à usage pharmaceutique. Les douaniers nous le demandent, estimant qu'ils pourraient alors remonter les filières des médicaments contrefaits, comme ils le font déjà pour les filières d'autres marchandises. Si nous voulons vraiment aider les douaniers à atteindre les réseaux criminels qui organisent ce trafic de médicaments contrefaits, il faut les autoriser à utiliser le coup d'achat dans ce domaine. Tel est l'objet de cet amendement.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir le sous-amendement n° 792 .
En 2015, Ségolène Royal, alors ministre de l'écologie, interdisait les permis d'importation de trophées de chasse de lions. C'était un progrès à l'époque, mais depuis rien n'a bougé : les girafes, les ours blancs et les hippopotames continuent à être massacrés lors de safaris très coûteux, au bout du monde, qui ne concernent qu'un tout petit nombre de personnes désireuses de décorer – si l'on peut utiliser ce mot – leur salon avec les dépouilles et les fourrures de ces animaux pourtant en danger et protégés par nos textes.
La France est le sixième pays importateur de ces trophées parce que des exceptions sont sans cesse émises. Ces exceptions ont deux effets : elles choquent énormément la population ; elles mettent en danger les écosystèmes, la biodiversité. Alors que nous en sommes à la sixième extinction de masse des espèces, celles qui sont ciblées ici sont des espèces en danger que l'on essaye désespérément de sauver.
Comme elles l'ont déjà fait, des associations de défense des animaux nous ont proposé d'essayer de trouver des moyens pour avancer. Cette fois-ci, je suis contente qu'un travail transpartisan collectif nous a permis d'avancer, de faire un tout petit pas qui va permettre d'instaurer des restrictions dans l'importation scandaleuse, frauduleuse et pourtant légale, de ces dépouilles d'espèces protégées qui émeuvent chaque fois la population. Nous allons enfin y mettre un terme. Pour mettre un peu d'ambiance et faire un petit rappel à nos débats d'hier, j'ajouterai que c'est la fin de la chasse aux lions binationaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et RE. – M. Ian Boucard applaudit également.
J'émets évidemment un avis favorable au sous-amendement et à l'amendement. Étendre la pratique du coup d'achat sera une avancée majeure puisqu'elle n'est actuellement possible que pour les stupéfiants, des marchandises limitativement énumérées et le tabac manufacturé. Étendre cette capacité à toutes les marchandises prohibées, notamment aux trafics d'espèces protégées, est une évolution importante et heureuse. Je félicite notre assemblée de ce travail transpartisan qui conduit à une évolution très attendue par des associations et autres structures actives sur ces sujets. Bravo à vous. Adoptons ces mesures.
J'émets un avis favorable au sous-amendement de madame Regol. Vous nous aviez exprimé votre souhait de prendre des mesures supplémentaires pour lutter plus efficacement encore contre le trafic d'espèces protégées. Je ne trahis aucun secret en disant, puisque vous l'avez fait vous-même, qu'il y a eu de nombreux échanges entre vous et mon équipe pour parvenir à la rédaction de ce sous-amendement.
Cette mesure vient très utilement renforcer notre efficacité contre le trafic d'espèces protégées, cause qui doit nous rassembler. J'ai bien conscience que vous souhaitez vous investir encore davantage sur ce sujet. En parlant avec vous, on se rend compte que certaines de vos propositions concernent plutôt le code de l'environnement et n'ont pas leur place dans ce texte où elles prendraient l'allure de cavalier législatif. Je suis sûr que vous trouverez d'autres textes et d'autres occasions de parvenir à les faire adopter.
Nous poursuivons cette discussion commune. La parole est à Mme Michèle Martinez, pour soutenir l'amendement n° 184 .
Je suis députée d'un territoire transfrontalier, les Pyrénées-Orientales. Monsieur le ministre délégué, vous étiez venu au Perthus et au Boulou pour parler des trafics de cigarettes. Ce soir, je voudrais parler du trafic de médicaments qui est tout aussi important que celui des stupéfiants, au point que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait en 2020 qu'un médicament en circulation sur dix était frauduleux.
Cela représente un danger pour la santé publique puisque les médicaments falsifiés ne répondent pas aux normes scientifiques en vigueur et que leur consommation peut entraîner de graves séquelles dues à leur composition et à leur dosage. Il serait donc judicieux de donner des moyens supplémentaires à nos douaniers, afin qu'ils puissent lutter efficacement contre la prolifération de ces médicaments frauduleux.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il fait écho à l'intervention de mon collègue Blanchet puisqu'il s'inspire du suivi de son rapport sur la lutte contre la contrefaçon.
La contrefaçon de médicaments constitue une menace globale, mettant en péril la santé et la vie des consommateurs. L'ONU estime que jusqu'à 10 % de tous les médicaments en circulation peuvent être contrefaits. Ces produits non réglementés, potentiellement dangereux et inefficaces, représentent donc un risque significatif.
Le présent amendement envisage d'élargir la portée des interventions des douanes en incluant explicitement les médicaments falsifiés et les matières premières à usage pharmaceutique dans la liste des produits pour lesquels ils sont habilités à effectuer des coups d'achat, pratique déjà mise en œuvre pour les stupéfiants. En permettant aux douaniers d'acquérir de manière contrôlée ces produits, cette modification législative offre un nouvel instrument pour lutter contre la contrefaction de médicaments.
En bonne logique, cet amendement et celui de mon collègue Blanchet devaient être adoptés tous les deux car ils ont le même but. Nous verrons dans la suite des débats si une rédaction est meilleure que l'autre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je rappelle que les amendements n° 325 , 184 et 293 faisant l'objet d'une discussion commune, l'adoption du premier ferait tomber les deux autres. Madame Martinez, je vous invite à retirer le vôtre au profit de celui de M. Blanchet, qui permettrait de prohiber davantage de marchandises ; à défaut, avis défavorable. Quant au Mauvieux, il est également en partie couvert par le Blanchet, et son autre partie, c'est-à-dire la mention « des matières premières à usage pharmaceutique »… Monsieur Mauvieux, si ce que je dis ne vous intéresse pas, je peux m'en tenir là ! Je vous réponds, vous ne voulez pas m'écouter : avis défavorable.
Murmures sur les bancs du groupe RN.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Je voudrais soutenir le sous-amendement de Mme Regol, que je suis très satisfaite d'avoir entendu présenter dans cet hémicycle. Entre 2014 et 2018 ont été importés en France, qui occupe le sixième rang européen en la matière, 752 trophées issus de trente-six espèces menacées, dont certaines – l'éléphant d'Afrique, le léopard ou l'hippopotame – figurant sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ! Tout cela, en pleine sixième extinction de masse, pour le bon plaisir de quelques riches amateurs qui, afin d'exhiber au-dessus de leur cheminée la tête naturalisée d'une girafe ou d'un lion, contribuent à la crise de la biodiversité
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Sabrina Agresti-Roubache applaudit également
car, non contents de mettre en péril ces espèces, ils bouleversent les écosystèmes dont elles font partie. Par pitié, finissons-en avec cette aberration en interdisant l'importation de ces prétendus trophées !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous voterons pour le sous-amendement de Mme Regol, car nous partageons sa volonté de protéger les espèces menacées. Par ailleurs, madame Hai, puisque j'ai pour ma part la décence de vous appeler « madame », c'est précisément parce que je vous écoutais me répondre que j'ai eu l'instant d'inattention auquel vous avez réagi : désigner un député par son seul nom de famille, en l'occurrence « le Mauvieux » ,…
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RN
…c'est faire preuve de hauteur et d'arrogance, surtout lorsqu'on se permet, quelques secondes plus tard, de donner au même député des leçons de morale et de politesse.
Exclamations. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mêmes mouvements.
Il est d'usage de désigner les amendements par le nom de leur premier signataire…
…ou par celui de l'orateur qui les soutient. Par « le Mauvieux », il fallait entendre l'amendement Mauvieux ! Si vous y voyez un manque de respect, premièrement, je m'en excuse ; deuxièmement, n'en concluez pas que ma propre attention était détournée de la séance. J'espère du moins que vous aurez autant de respect pour moi que j'en ai pour vous !
« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 113
Contre 1
Le sous-amendement n° 792 est adopté.
Applaudissements sur les bancs de tous les groupes.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l'amendement n° 377 .
Il est dû à Mathieu Lefèvre, qui a été contraint de s'absenter quelques instants. Les règles de procédure douanière sont obsolètes et font obstacle à la nécessaire dématérialisation : afin d'accompagner les travaux du Gouvernement en vue de la création d'une procédure numérique, cet amendement vise à aménager le cadre légal pour permettre, au profit des usagers, l'établissement ou la conversion dans un format numérique des actes de procédure, ainsi que leur conservation et leur transmission par voie électronique dans toutes les situations. Il s'agit d'un amendement important qui permettrait à l'administration des douanes de devenir encore plus moderne.
En effet, monsieur Sitzenstuhl, cet amendement est important, puisqu'il vise à développer la numérisation des procédures douanières, ce à quoi je ne peux être que favorable. Je laisse le soin à M. le ministre délégué de vous répondre de manière plus détaillée.
Avis très favorable. Je salue le travail de Mathieu Lefèvre, car cet amendement va nous permettre de créer une procédure douanière numérique, c'est-à-dire de dématérialiser énormément de pièces – procès-verbaux, actes juridiques –, ainsi que leur transmission à la justice. Le passage du papier au numérique permettra un gain de temps considérable : dans cette recherche permanente de la simplification, des économies de temps, pour les agents publics, je reconnais la patte de Mathieu Lefèvre, la vôtre, celle du groupe Renaissance en général.
L'amendement n° 377 est adopté.
Il vise à compléter l'article 389 du code des douanes, qui prévoit dans certains cas la vente avant jugement des véhicules ou objets saisis, en y ajoutant la possibilité qu'ils soient mis gratuitement à la disposition des services des douanes. Un tel dispositif, qui existe déjà dans le cadre pénal, permettrait aux douaniers d'utiliser ces véhicules sans qu'il soit nécessaire d'en transférer la propriété à l'administration, ce qui accroîtra leurs moyens et leur capacité d'action ; pour autant, il ne sera pas porté d'atteinte excessive aux droits du propriétaire, qui pourra former un recours suspensif contre l'ordonnance de mise à disposition et, si la confiscation n'est pas prononcée, obtenir la restitution de son bien ainsi qu'une indemnité compensant la perte de valeur entraînée par l'usage de celui-ci.
En tant que rapporteure spéciale pour la partie de la mission budgétaire Sécurités consacrée à la police, la gendarmerie et la sécurité routière, je ne peux que vous remercier, monsieur Vincendet, compte tenu des bienfaits et des avantages que nos forces de sécurité intérieure trouvent dans la mise à leur disposition des véhicules saisis – possibilité que vous souhaitez étendre aux douaniers. Avis favorable.
Je remercie M. Vincendet de son travail, car la possibilité d'utiliser les véhicules saisis sans attendre que l'affaire soit jugée contribuera également à renforcer les services des douanes. Cette mesure est attendue et positive : avis très favorable.
L'amendement n° 118 est adopté.
La parole est à M. Mounir Belhamiti, pour soutenir l'amendement n° 368 . Monsieur Belhamiti, pourriez-vous soutenir également, par la même occasion, le n° 369 ?
S'il vous plaît, je soutiendrai uniquement, dans un premier temps, le n° 368.
Sourires.
La criminalité organisée en matière douanière se développe, se structure, se professionnalise ; elle emprunte désormais les techniques et les méthodes des trafiquants de stupéfiants, ce qui impose en retour des techniques et méthodes d'investigation, de recherche, analogues à celles utilisées dans ce domaine, notamment des gardes à vue qui puissent être prolongées jusqu'à quatre-vingt-seize heures. Les douanes ne disposent pas de cette possibilité : il y a là une anomalie que cet amendement vise à corriger, afin que leurs agents soient en mesure de mieux enquêter sur les méfaits commis en bande organisée et donc de lutter plus efficacement contre la contrebande de tabac, entre autres activités de ces réseaux.
M. David Valence applaudit.
Votre amendement, monsieur Belhamiti, vise à étendre la procédure pénale aux « délits réprimés au troisième alinéa de l'article 414 du code des douanes lorsqu'ils sont commis en bande organisée ». C'est là une mesure de bon sens ; d'ailleurs, comme vous le rappelez au sein de l'exposé sommaire de l'amendement, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2013-679, exceptait ces faits de son considérant en vertu duquel les infractions « de corruption et de trafic d'influence ainsi que de fraude fiscale et douanière […] constituent des délits qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes » et ne justifient donc pas que la garde à vue puisse durer jusqu'à quatre-vingt-seize heures. Néanmoins, cette nuance n'a pas été traduite en droit, puisque l'article 706-73 du code de procédure pénale n'inclut pas les délits mentionnés par le dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes : par conséquent, cet amendement, qui vise à y remédier, est essentiel. Avis favorable ; j'ajoute, afin de gagner un peu de temps, que je serai en revanche défavorable au n° 369, qui est en effet un amendement de repli, moins bien rédigé.
Je remercie le député Belhamiti de cet amendement fort utile, puisqu'il tend à doter de pouvoirs étendus les officiers de douane judiciaire du SEJF, qui deviendra bientôt l'Onaf ; les gardes à vue, notamment, pourront être plus longues et les perquisitions effectuées de nuit, puisque les délits douaniers – par exemple la contrebande – commis en bande organisée relèveront dorénavant du régime renforcé prévu par le code de procédure pénale. Avis très favorable.
Je soutiens bien sûr l'excellent amendement de notre collègue. La contrebande et la contrefaçon de cigarettes, activités qu'il importe de distinguer l'une de l'autre, constituent un réel problème, car elles attirent des réseaux jusque-là cantonnés dans le trafic de stupéfiants : le tabac est peu contrôlé, facile d'accès, d'autant qu'il circule massivement sous forme de colis individuels, facile à revendre, hélas, par l'intermédiaire de personnes en souffrance, souvent étrangères, vivant dans la rue et n'ayant que cette ressource. Il s'agit de surcroît d'un trafic très rentable : 4 euros suffisant à acquérir un kilo de tabac, soit la quantité nécessaire à cinquante paquets de vingt cigarettes, autant dire que cet achat est rapidement amorti. Les dernières usines clandestines démantelées, en Normandie, produisaient par heure 700 paquets, de quoi réaliser un bénéfice de 3 000 euros ! En outre, le réseau de consommation est impressionnant : partout, même autour du Palais-Bourbon, aux Invalides, on trouvait il y a quinze jours des vendeurs à la sauvette. Pour vaincre le trafic d'êtres humains, le trafic criminel, qui sous-tend celui du tabac, il faut donner aux douanes les moyens d'enquêter au même titre que les autres services !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 91
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 91
Contre 0
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Christophe Blanchet, pour soutenir l'amendement n° 98 .
Cet amendement d'appel vise à faciliter la possibilité, pour les douaniers, de supprimer les noms de domaine de façon groupée – une possibilité qui existe aux États-Unis. Je l'ai travaillé avec la rapporteure, qui m'a fait part de ses observations à ce sujet, et souhaitais qu'il soit évoqué aujourd'hui.
Je voudrais ajouter, à l'intention de mon collègue Kévin Mauvieux, que Mme Hai a évoqué tout à l'heure « le Blanchet » en parlant de mon amendement et que je ne l'ai pas mal pris. Je sais très bien qu'il s'agit d'un usage dans l'hémicycle et qu'il ne s'agit aucunement de malveillance. Je tiens donc à le rassurer.
Sourires sur plusieurs bancs des groupes RN et Dem.
Ce qui est assez drôle, c'est que nous faisons découvrir les usages de l'Assemblée aux nouveaux entrants – et ce n'est pas plus mal de le faire dans la bonne humeur ! Votre amendement, monsieur Blanchet, renverse en quelque sorte la logique de l'article 12 et vous comprendrez que je ne puisse y être favorable. Il permettrait en effet au détenteur du droit de faire un signalement en amont de la commission d'une infraction. Mieux vaut s'en tenir à la logique du dispositif d'incitation qui prévaut à l'article 12.
Votre amendement me semble par ailleurs discutable au regard du régime de responsabilité limitée des plateformes, entérinée par le droit européen et par le droit national depuis 2004, car il permettrait d'engager une action en justice contre des plateformes qui ne sont pas tenues de contrôler les contenus et ne peuvent matériellement pas le faire. Nous avons eu un débat assez constructif en commission à ce sujet avec les députées Véronique Louwagie et Marie-Christine Dalloz et sommes convenus, pour inciter les plateformes à retirer les contenus illicites signalés, d'aggraver les sanctions. C'est ce que proposait l'amendement présenté par Émilie Bonnivard tout à l'heure, que nous avons adopté. Je vous invite donc à retirer le vôtre. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 98 est retiré.
Le commerce frauduleux de tabac représente plus de 35 % du marché des produits du tabac consommés en France. Il s'exerce en dehors du réseau des buralistes, qui sont pourtant les seuls habilités à commercialiser ces produits. Ce marché illégal mobilise de véritables chaînes parallèles de distribution sur internet et sur les réseaux sociaux. Or il menace la santé de tous les publics – plus particulièrement celle des mineurs qui sont visés par certaines plateformes – tout en privant l'État des recettes fiscales issues de la vente légale des produits du tabac aux fumeurs adultes. Il faut donc responsabiliser les plateformes. Le présent amendement vise à les obliger à repérer, retirer ou rendre inaccessibles les contenus liés à la vente illicite de produits du tabac.
Les amendements identiques n° 96 de M. Christophe Blanchet et 136 de Mme Véronique Louwagie sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Vous proposez, madame Brulebois, d'imposer une obligation de surveillance aux plateformes. Je ne suis pas favorable à ce que nous mettions directement en cause le régime de responsabilité limitée des plateformes que j'ai détaillé tout à l'heure, entériné par le droit européen comme par le droit national. Votre amendement va encore plus loin que le Blanchet de tout à l'heure – que l'amendement de M. Blanchet, pardon ! – puisqu'il prévoit une surveillance active de la part des plateformes, ainsi que la modération et le retrait des contenus à compter de leur publication. Or la Cour de justice de l'Union européenne et la Cour de cassation française ont affirmé à plusieurs reprises qu'il ne peut être demandé aux plateformes d'exercer une surveillance active des contenus, car elles sont réputées les héberger mais non agir sur eux. Comme je l'indiquais tout à l'heure, je préfère que nous aggravions les sanctions à l'encontre de celles qui ne jouent pas le jeu, qui ne sont pas regardantes et qui ne suppriment pas les contenus illicites, plutôt que de contredire la décision de la Cour de cassation ou le droit communautaire. Je demande donc le retrait des trois amendements et donnerai, à défaut, un avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Je vais le défendre pour la forme car c'était un amendement de repli de mon excellente collègue Lisa Belluco, visant à empêcher le trafic d'animaux par un autre moyen que le sous-amendement n° 792 que j'ai précédemment défendu.
Il est défavorable, l'amendement étant satisfait par l'adoption de l'amendement n° 325 de M. Blanchet sous-amendé par Mme Regol.
L'amendement n° 317 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous proposons de supprimer la tournure maximaliste désignant, dans le texte, les législations que les agents des douanes peuvent appliquer. La multiplicité des procédures, des traitements et des législations est un des premiers facteurs d'usure pour les agents des douanes. Ce n'est pas en utilisant des tournures volontairement floues et maximalistes que nous réglerons ce problème. Nos douaniers méritent une législation lisible, précise et applicable. L'alinéa 8 créerait un précédent dangereux. Si la volonté du Gouvernement est de permettre aux douanes de faire appliquer d'autres législations que le code des douanes, pourquoi ne pas simplement mentionner celles-ci ? Nous demandons la suppression de la tournure maximaliste utilisée à l'alinéa 8, au profit d'une tournure incluant et nommant la totalité des législations que les agents des douanes sont chargés d'appliquer à ce jour.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 272 de M. Mickaël Bouloux est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est défavorable : vous proposez de supprimer une évolution introduite par le texte qui permettra d'appliquer le délit de blanchiment douanier aux sommes issues d'infractions à l'ensemble des législations appliquées par les douanes, et non plus seulement au code des douanes. Vous comprendrez que je ne puisse émettre un avis favorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 388 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
L'amendement n° 344 de Mme Lisa Belluco, portant article additionnel après l'article 13, est défendu.
L'amendement n° 344 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 14 vise à renforcer l'arsenal répressif. La peine d'emprisonnement sanctionnant la fabrication illégale d'alcool ou de tabac passe d'un à trois ans et, pour la fabrication frauduleuse de tabac en bande organisée, de cinq à dix ans. Le groupe La France insoumise – NUPES s'oppose, d'une façon générale, à l'alourdissement de l'arsenal répressif, qui n'est pas la solution à adopter. On retrouve ici le vieux mantra de la droite, selon lequel une répression plus sévère aurait un effet dissuasif. Les niveaux des peines ne dissuadent pas. Leur augmentation n'aura aucun autre effet que de remplir des prisons déjà saturées et d'accroître la criminalité à moyen terme. Il faut dénoncer l'absurdité du fantasme selon lequel délinquants ou criminels évalueraient le rapport coût-risque-bénéfice avant de commettre un délit. Les seuls qui font ce calcul sont évidemment les délinquants en col blanc.
D'ailleurs, on ne peut s'y tromper : la droite et l'extrême droite ont déposé sur cet article de nombreux amendements visant à durcir encore les sanctions. D'autres tendent à instaurer une double peine pour les étrangers – je ne préciserai pas de quels bancs ils émanent…
Heureusement, quelques amendements de notre collègue Bouloux proposent au contraire de réduire les peines. Nous les voterons évidemment. Il faut rappeler ici que ce n'est pas une répression plus sévère qui contribuera à réduire les trafics mais l'augmentation des effectifs de douaniers car elle leur permettra de faire leur travail correctement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Mickaël Bouloux applaudit également.
Je vous ai écoutée attentivement, madame la députée Leduc, et nous avons déjà évoqué ce sujet en commission. Je crois réellement que vous ne réalisez pas les effets du trafic de tabac.
Vous ne vous rendez pas compte des guerres de territoire qui sont liées à ce trafic.
MM. David Valence et Bruno Millienne applaudissent.
En ne prenant pas le sujet à bras-le-corps et en ne traitant pas les trafiquants comme ils devraient l'être, c'est-à-dire comme des criminels, nous leur laisserions la porte ouverte.
Mme Ségolène Amiot s'exclame.
Il faut évidemment renforcer les sanctions actuelles qui, n'étant pas assez lourdes, ne sont pas assez dissuasives. J'espère que certains amendements seront adoptés et que d'autres ne le seront pas. Quoi qu'il en soit, acceptez que nous souhaitions mettre un terme à ces trafics de tabac, qui doivent être considérés comme le fait de réseaux criminels.
La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache, pour soutenir l'amendement n° 403 .
Cet amendement du groupe Renaissance a pour objet de réévaluer les sanctions applicables en vertu de l'article 412 du code des douanes. Celui-ci sanctionne « tout fait de contrebande ainsi que tout fait d'importation ou d'exportation sans déclaration lorsque l'infraction ne porte ni sur des produits du tabac manufacturé, ni sur des marchandises prohibées à l'entrée, ni sur des marchandises soumises à des taxes de consommation intérieure, ni prohibées ou taxés à la sortie. »
Comme vous venez de le préciser, l'article 412 du code des douanes liste un certain nombre d'infractions. L'alourdissement de l'amende applicable que vous proposez me semble évidemment cohérent avec l'article 14, qui vise à renforcer les sanctions douanières, et avec la nécessité de s'adapter à de nouvelles pratiques commerciales reposant parfois sur l'absence de déclaration douanière. Avis favorable.
Je remercie la députée Agresti-Roubache pour son amendement. Concrètement, pour importer du tabac, il faut procéder à des formalités de dédouanement et se présenter au bureau de douane. Le montant des amendes n'ayant pas été réévalué depuis longtemps, il est relativement faible, et certains opérateurs préfèrent payer l'amende plutôt que d'accomplir certaines formalités.
Une fois l'amendement adopté, nul ne sera plus tenté de payer l'amende, dont le montant sera beaucoup plus élevé. Avis très favorable.
C'est un débat que nous avons souvent en commission des lois, et dont il faut bien dire qu'il nous divise. Une analyse comparative menée sur plus d'une centaine d'études a été menée pour déterminer si l'augmentation des peines d'amende ou d'emprisonnement a un effet sur la commission d'actes délictuels ou criminels. Or elle a montré que l'augmentation des peines ne permet jamais de diminuer la criminalité.
C'est précisément la bonne question à se poser. Puisque l'augmentation des peines ne sert à rien, que fait-on ?
Ce que l'on peut faire, c'est augmenter les moyens de celles et ceux qui luttent contre la fraude ; nous proposons en l'occurrence d'augmenter le nombre d'agents des douanes. Plus nombreux, ils pourront atteindre davantage de trafics et couper le mal à la racine. C'est une première possibilité. La deuxième passe évidemment par la prévention. Quant à la troisième, elle concerne la justice : il faut que les peines, notamment la privation de liberté, servent non seulement à punir mais à modifier les comportements et à réinsérer les auteurs d'infractions. Le placement en extérieur, par exemple, est une alternative aux peines de prison bien plus efficace pour lutter contre la récidive voire – puisque la prison est parfois l'école de la délinquance – contre la commission de crimes plus graves. Ces méthodes ne font certes pas la une des journaux ou des plateaux télé, mais elles sont en réalité plus efficaces que l'aggravation des sanctions. Je vous invite, sur ces sujets, à vous intéresser aux moyens réellement efficaces plutôt qu'à ceux qui sont impressionnants.
L'amendement n° 403 est adopté.
Il vise à augmenter la peine sanctionnant le trafic de tabac. M. Léaument connaît sans doute peu les problèmes de trafic ; pour les avoir combattus en tant que maire pendant quelques années, je peux vous dire ceci. Le problème est simple. Les nombreux dealers se rendent compte qu'ils encourent des sanctions bien inférieures en trafiquant du tabac qu'en trafiquant de la drogue.
C'est ainsi que les points de deal de tabac se multiplient, qui sont en quelque sorte le carburant de la délinquance. Les voyous mesurent un ratio très simple entre les bénéfices et les risques. Le trafic de cigarettes, moins risqué que celui de stupéfiants, génère pourtant des bénéfices importants. C'est contre ces trafiquants qu'il faut lutter.
Vous n'écoutez pas ! M. Léaument vient de vous expliquer qu'on ne le fait pas !
Prétendre que plus la peine est élevée, moins elle est efficace est totalement faux ; c'est tout le contraire ! C'est la première fois qu'on entend dire que les prisons sont un danger pour les délinquants !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Il est défendu.
Les Français ont compris depuis longtemps que ce n'est pas avec le petit manuel de sociologie de La France insoumise qu'ils seront mieux protégés !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Souffrez que notre société ait besoin de sanctions dissuasives et que les criminels soient emprisonnés ou expulsés afin que nous soyons tous en sécurité !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'entends et je respecte l'intention des auteurs de ces amendements mais je rappelle que le projet de loi aggrave déjà la sanction, puisque la peine d'emprisonnement pour trafic de tabac passe à trois ans. Nous avons précisément voulu réduire l'écart entre les peines encourues pour trafic de stupéfiants et celles qui punissent le trafic de tabac. On ne saurait toutefois aligner celles-ci sur celles-là. Il faut conserver un écart raisonnable entre elles et les distinguer selon leur gravité.
Ce qui nous différencie en matière de politiques de sécurité, monsieur Léaument, c'est que vous souhaitez mettre l'accent sur la prévention – et elle seule.
Or la politique de la sécurité du quotidien est une politique globale qui comporte évidemment une dimension préventive, mais privilégie également l'autorité et l'ordre, ainsi que la justice – et donc les sanctions applicables selon le degré de gravité des actes commis.
Pardonnez-nous d'avoir une vision un peu plus globale, moins rétrécie et beaucoup plus efficace que la vôtre.
Pour rester fidèle au texte, fruit d'un bon compromis trouvé entre le ministère de l'économie et des finances et celui de la justice, j'émets un avis défavorable aux amendements.
J'entends moi aussi l'intention des auteurs des amendements. Beaucoup d'entre vous, notamment dans la majorité, ont exercé des mandats locaux et ont eu à connaître de près les trafics qui pourrissent la vie de nos concitoyens. À entendre certaines interventions, on se dit que leurs auteurs sont rarement allés à la rencontre des Français qui, chaque jour, sont victimes de trafics et subissent la présence de points de deal, ni à la rencontre de buralistes qui ne supportent plus que du tabac de contrefaçon soit vendu à deux pas de leur commerce pour la moitié du prix !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La réalité, c'est que certains trafiquants passent des stupéfiants au tabac, conscients qu'ils prendront ainsi moins de risques – et pour cause : on ne leur fait pas assez peur.
Il faut donc renforcer notre arsenal. Le projet de loi prévoit d'ores et déjà de tripler la durée d'emprisonnement, qui passe d'un à trois ans, et même de cinq à dix ans quand le trafic se fait en bande organisée. L'alourdissement est important ; il est le fruit d'une négociation avec le garde des sceaux. Comme la rapporteure, je préfère en rester là. J'ajoute que M. Dupond-Moretti et moi-même prendrons une circulaire pour que le durcissement soit appliqué – souhaitons-le – par les juridictions qui devront se prononcer sur ces affaires. Demande de retrait.
En règle générale, j'essaie de convaincre par des arguments précis. J'ai cité des études…
…selon lesquelles l'augmentation des peines ne sert à rien. Il ne s'agit pas d'études sociologiques mais criminologiques.
Permettez-moi de vous fournir plusieurs éléments supplémentaires. Vous parlez d'autorité et d'ordre : nous sommes ceux qui les défendent.
Pour s'exprimer, l'autorité de l'État a besoin de moyens. Pour être respecté, l'ordre public doit être juste. Or l'un des problèmes en cause en cas de désordre, ce sont les méthodes d'organisation de la société. Vous n'aimez pas Robespierre…
…mais Robespierre disait que lorsqu'il y a désordre, les responsables sont au gouvernement. Je vous invite à réfléchir de cette manière-là, comme nous le faisons.
Vous caricaturez beaucoup nos positions…
…en les cantonnant à la seule prévention ; c'est faux. Nous prônons le triptyque suivant : prévention, dissuasion, sanction. La sanction ne doit pas faire oublier les deux autres éléments, prévention et dissuasion. La prévention, j'en ai parlé à l'instant. La dissuasion consiste à donner à l'État les moyens nécessaires pour agir.
La sanction, enfin, doit aussi permettre d'éviter la récidive. Les sanctions que vous nous proposez omettent le plus souvent cet objectif. Au reste, vous nous faites la leçon en prétendant que nous provoquerions une catastrophe, mais qui est au pouvoir depuis des années ? Nous ? Non.
Ce n'est pas nous qui faisons adopter des lois sécuritaires et sur l'immigration les unes après les autres. Pourtant, les prisons sont toujours plus pleines et cette situation, c'est vous qui l'avez créée, pas nous ! Peut-être serait-il temps d'examiner nos propositions…
…en matière de sécurité afin d'assurer concrètement la sécurité de nos concitoyens car pour l'instant, elle est lacunaire !
Je prendrai une fois de plus la défense de M. Blanchet puisque nous faisons les mêmes constats et menons les mêmes auditions.
Aux députés de La France insoumise je dirai d'abord ceci : oui, la sanction doit être augmentée car elle fait partie de la réponse, et non, la câlinothérapie ne fonctionne pas.
Ensuite, Mme la rapporteure nous explique qu'il ne faut pas augmenter la sanction pour trafic de tabac au point de la rapprocher de la sanction pour trafic de stupéfiants.
Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit ; j'ai dit qu'il ne fallait pas les aligner.
Il est vrai que la cigarette n'est pas un stupéfiant, mais il faut bien distinguer entre la contrebande et la contrefaçon. La contrebande consiste à vendre un produit certes illégal mais pas forcément plus toxique que certains produits autorisés. La contrefaçon, en revanche, peut consister à vendre des produits très dangereux, voire plus nocifs que certains stupéfiants – nous ne disposons pas toujours du recul et des études nécessaires sur cette question. Autrement dit, la lutte contre le tabac de contrefaçon s'apparente en tout point à la lutte contre le trafic de stupéfiants, puisqu'il est produit de façon illicite au moyen de substances dangereuses, qu'il provoque des addictions et des trafics et qu'il génère autour de ces trafics une insécurité qui gangrène de plus en plus le territoire. N'ayant pas les moyens d'acheter des stupéfiants, certaines personnes se rabattent en effet vers le tabac mais, n'ayant pas non plus les moyens d'acheter du tabac licite, finissent par se replier sur les produits de contrefaçon.
Il faut donc absolument consacrer les moyens nécessaires à la lutte contre la contrefaçon de cigarettes – et contre la contrebande, tout en distinguant bien les deux. Je peux comprendre que vous ne souhaitiez pas aligner les peines pour contrebande avec celles qui sanctionnent le trafic de stupéfiants mais encore une fois, la contrefaçon est un problème différent qui est non seulement économique mais aussi sanitaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'amendement n° 309 est retiré.
Il vise à alourdir la peine encourue pour contrebande, importation ou exportation de tabac manufacturé. Le ministre délégué nous disait tout à l'heure qu'il faut lutter contre la vente illicite de tabac. C'est vrai, mais pour ce faire, il faut aller plus loin. J'ai d'ailleurs déposé il y a quelques semaines une proposition de loi en ce sens et je vous l'ai transmise ; je n'ai toujours pas obtenu le rendez-vous que je vous ai demandé mais je ne désespère pas que vous vous empariez du sujet. Nos buralistes, en effet, maillent le territoire sur lequel ils jouent un rôle très important, comme vous le dites vous-même. Or ils sont malheureusement en danger de mort. On estime à 35 %, voire 40 % la part des paquets de cigarettes vendus par des circuits illégaux.
Nous voterons bien entendu les quelques mesures positives que contient ce texte mais encore une fois, il faut aller plus loin. Pour lutter contre la vente de tabac illicite, il faut aussi prendre des mesures de fermeture administrative – je pense aux épiceries de nuit, qui s'adonnent abondamment à la vente illégale de cigarettes partout en France, en particulier dans les grandes villes. La ville de Nîmes, par exemple, compte quarante-cinq bureaux de tabac et quatre-vingt-dix épiceries ; 90 % d'entre elles vendent illégalement du tabac !
Il faut aussi déléguer le pouvoir de fermeture administrative aux maires. C'est essentiel, car ce sont les élus locaux qui sont les plus proches de leur territoire et qui savent très bien ce qui s'y passe. Un nombre important d'établissements vendant illégalement du tabac parviennent à contourner les mesures de fermeture administrative – voire ne les respectent pas – en changeant de société, par exemple.
Il y a donc bien des mesures à prendre, monsieur le ministre délégué, et je serai ravi de vous les présenter !
Votre intention est louable mais il faudra revoir la rédaction de votre amendement. En l'état, il se limite au code des douanes. La peine de prison qui y serait ainsi prévue serait plus élevée d'un an que celle que prévoit le code général des impôts. Cet écart ne me paraît pas justifié car il créerait une différence de traitement entre des situations pourtant très proches.
En réalité, votre intention est satisfaite par l'amendement n° 128 que défendra plus tard Mme Agresti-Roubache. Il vise à doubler la durée de fermeture administrative des lieux qui commercialisent des marchandises prohibées. Je vous inviterai naturellement à l'adopter.
Je me tourne maintenant vers vous, monsieur Mauvieux, pour vous dire que je ne crois pas que nous soyons faits pour nous entendre.
Soit vous n'avez pas très bien écouté, soit vous n'avez pas très bien compris l'argumentaire que j'ai opposé à M. Blanchet. Je n'ai jamais dit qu'il fallait éviter un rapprochement avec les peines appliquées pour le trafic de stupéfiants – le texte lui-même alourdit les peines d'emprisonnement pour trafic de tabac en les portant d'un à trois ans. J'ai simplement souligné que nous ne devions pas aligner les sanctions si nous voulions respecter une certaine proportionnalité selon le trafic concerné.
Je demande donc aux auteurs des amendements de bien vouloir les retirer au profit de celui de Mme Agresti-Roubache. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Notre collègue cite des chiffres qui ne sont pas exacts. Sous la précédente législature, j'ai mené avec Zivka Park une mission d'information sur l'évolution de la consommation de tabac pendant le confinement, période pendant laquelle la fermeture des frontières rendant quasiment impossibles les ventes à la sauvette, les consommateurs se sont dirigés vers les buralistes, dont nous saluons à notre tour le travail. Le marché parallèle représente entre 16 % et 20 % des ventes de tabac réalisées dans le réseau des bureaux de tabac, sachant que les volumes de tabac à rouler ont augmenté, et entre 12 % à 14 % des ventes de cigarettes. Ces proportions restent importantes mais nous sommes loin des 40 % que vous évoquiez, monsieur Gillet. Dans certaines zones frontalières, cette part peut certes aller jusqu'à 40 % mais il ne s'agit pas à proprement parler de marché illicite : les consommateurs se rendent simplement dans le pays voisin pour acheter des produits moins chers. Cela renvoie avant tout à un problème de différence de prix et de fiscalité entre les pays européens, problème que connaît bien le ministre délégué.
La fraude doit bien sûr être combattue de manière inflexible. L'augmentation des quantums de peines est à cet égard absolument nécessaire, contrairement à ce que j'entends dire sur les bancs du groupe La France insoumise.
Pouvez-vous citer des études qui prouvent que cette augmentation des sanctions est efficace ?
Gabriel Attal a déclaré que des usines clandestines de fabrication de cigarettes de contrefaçon avaient été récemment découvertes sur le territoire français. D'après les douanes, c'est un phénomène qui n'existait pas il y a deux ou trois ans. Ce trafic, qui risque de prospérer, entraîne pour l'État des pertes de recettes s'élevant entre 2 milliards et 3 milliards d'euros. Les enjeux, nous le voyons, sont considérables.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous vous faites plaisir en décidant d'appliquer des peines toujours plus sévères, or plusieurs études montrent que l'alourdissement des sanctions ne résout aucun problème. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur a durci les sanctions contre les refus d'obtempérer, qui n'étaient punis jadis que par une contravention, en créant une peine d'emprisonnement puis en la portant d'un à trois ans. Leur nombre a-t-il diminué ? Absolument pas ! Un juge d'application des peines du tribunal de Créteil – écoutons le témoignage de ceux qui sont au plus près du terrain – constatait sur France Inter que votre politique répressive consistant à augmenter les sanctions n'était pas une solution.
Vous feriez mieux de permettre aux douanes d'embaucher davantage de personnel et d'aller plus loin dans les enquêtes. Ce n'est pas en alourdissant les peines que vous réussirez à lutter contre ces trafics.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 339 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces ;
Discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'accompagnement des élus locaux dans la mise en ?uvre de la lutte contre l'artificialisation des sols.
Je vous souhaite une belle fête de la musique.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra