La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Aujourd'hui, au petit matin, une jeune agricultrice a perdu la vie alors qu'elle s'engageait pour ses droits – son droit à vivre, son droit à nous nourrir. Son mari et sa fille sont dans un état de santé très grave. L'émotion est vive. Avec pudeur, je tiens à leur exprimer mon attachement : je suis paysan, et nous pouvons même dire que nous sommes tous paysans.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.
Ce drame nous oblige ; il nous oblige à la dignité et au refus de toute démagogie. Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je réaffirme trois principes clairs. Premièrement, la prospérité de l'agriculture française s'est bâtie dans le cadre de l'Union européenne, et c'est par l'Union européenne que l'agriculture française renouera avec la prospérité.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, Dem, HOR et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – M. André Chassaigne applaudit également.
Deuxièmement, au risque d'être impopulaires, nous refuserons toujours d'opposer l'écologie et l'économie, car notre souveraineté alimentaire dépend de la santé du vivant.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, Dem, HOR et Écolo – NUPES.
Troisièmement, la défense du pouvoir d'achat de nos concitoyens ne doit pas se faire au prix de la destruction d'emplois industriels et agricoles, mais grâce au partage de la valeur.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Les normes devront toujours être ajustées et appliquées avec humanité, mais ne nous trompons pas d'adversaire : la souffrance du monde paysan trouve sa source dans les dérégulations, les concurrences déloyales et les expressions les plus néfastes du libéralisme.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Erwan Balanant applaudit aussi.
Nous formulons cinq propositions, à commencer par l'application immédiate de la loi Egalim – la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous – et la remise en cause de l'oligarchie de la grande distribution. Deuxièmement, toutes les transitions – celle du gazole non routier (GNR), celle des engrais…
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Je suis désolée de devoir vous couper, cher collègue ; vous avez déjà largement dépassé le temps qui vous est imparti et vous n'en êtes qu'à la deuxième de vos cinq propositions…
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Je m'associe à l'hommage que vous avez rendu à la jeune agricultrice qui est décédée ce matin vers six heures, alors qu'elle défendait son travail et la dignité de son métier, et qu'elle exprimait les difficultés et les colères que le monde agricole manifeste partout en France.
Je partage les trois points que vous avez évoqués. Face à la crise actuelle, alors qu'un drame humain s'ajoute à la colère, nous ne devons céder à aucune démagogie et à aucune facilité ; ce serait la pire des choses.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Gardons-nous donc de chercher des boucs émissaires là où ils ne sont pas nécessairement, de nous en prendre à l'Union européenne. Cela étant, nous devons travailler au niveau européen pour mettre en adéquation la nécessaire transition avec notre volonté de souveraineté, en agissant sur les normes, la politique agricole commune (PAC), les accords internationaux ou encore les clauses miroirs.
Nous devons par ailleurs conjuguer la transition avec l'équilibre économique ; or reconnaissons que depuis vingt ou vingt-cinq ans, nous peinons à les concilier.
Vous êtes au pouvoir depuis sept ans ! Vous ne pouvez plus mettre ça sur le dos des autres !
Vous avez évoqué la concurrence qui s'exerce sur l'Union européenne depuis l'extérieur ; elle se double d'une concurrence intérieure due à des surtranspositions du droit européen. Ayons la lucidité de reconnaître que certaines surtranspositions, ainsi qu'une concurrence déloyale de leurs collègues européens, ont fait peser des risques sur les agriculteurs français. Cela nourrit contre l'Union européenne une colère que ni vous ni moi ne souhaitons.
Quant à la répartition de la valeur, le Gouvernement a mis la question sur la table à plusieurs reprises, notamment avec la loi Egalim.
Nous devons en assurer la mise en œuvre et le suivi ; c'est l'objet des contrôles que nous exercerons dans les semaines et les mois à venir, afin que la lettre et l'esprit de la loi soient respectés.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Le profond malaise qui règne en France affecte particulièrement le monde agricole. Celles et ceux qui ont choisi de devenir paysans, souvent par atavisme mais toujours par passion, sont profondément épris d'indépendance, voire de liberté. Or la réalité est tout autre : confrontés aux dures conditions qui leur sont réservées, ils déchantent et crient leur désarroi à la société entière.
Les causes en sont multiples et anciennes, à commencer par l'excès de taxes et de normes et par les bas revenus. Le gazole non routier (GNR) est l'arbre qui cache la forêt : les exigences européennes sont devenues insupportables car elles sont associées à des contrôles et à la crainte permanente de commettre une erreur qui aurait des conséquences financières.
M. Pierre Cordier s'exclame.
C'est la corde qui tient le pendu ! La dimension environnementale est assortie d'un cortège de réglementations, comme les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) : ces jours derniers, les directions départementales des territoires (DDT) sont allées jusqu'à demander aux agriculteurs de retirer une partie des surfaces engagées pour limiter le montant de l'aide à 8 000 euros !
Il aura fallu deux lois Egalim – la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous et la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs – pour tenter d'améliorer le partage de la valeur, mais la montagne a accouché d'une souris. C'est un échec, dont un signal faible fut le passage à la trappe électorale des rapporteurs du projet de loi. La souveraineté alimentaire ne peut pas s'accommoder d'un gaspillage estimé à 20 % du tonnage de denrées produites. Ce n'est pas acceptable !
Songez que 1,5 % des bénéficiaires de la politique agricole commune (PAC) se partagent 30 % de son enveloppe – enveloppe dont on ne dit pas à nos concitoyens qu'elle est constituée exclusivement d'argent français qui transite par Bruxelles pour nous revenir partiellement, faisant de notre pays un contributeur net du budget de l'Union.
La célèbre formule britannique des années 1980 est d'actualité : I want my money back ! Rendez-nous notre argent !
Récemment, des centaines d'agriculteurs ont été rayés des aides de la PAC au motif qu'ils cumulaient une retraite de misère avec la poursuite de leur activité agricole. C'est là une décision non pas de l'administration, mais de la profession.
Comment M. Rousseau, président du groupe Avril qui comptabilise 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, peut-il être entendu par les éleveurs de charolais du Morvan ?
Monsieur le Première ministre, venez tremper votre première paire de bottes chez nous, dans le Morvan, pays de Vauban et de la dîme royale…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et SOC. – M. Julien Bayou applaudit aussi.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Loin de moi l'intention de polémiquer, mais je tiens à le redire : nous n'avons nul intérêt à opposer les agricultures entre elles.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Nous n'avons nul intérêt à opposer les céréaliers et les maraîchers, les viticulteurs et les éleveurs, bovins ou porcins.
Ce ne serait pas rendre service à l'agriculture. La force de l'agriculture française tient à sa diversité.
Oui, nous avons des problèmes – vous avez raison, monsieur Villiers. Nous avons essayé d'en résoudre certains. Concernant les mesures agroenvironnementales et climatiques, nous avons redéployé des crédits, comme je l'avais annoncé en décembre, qui permettront de faire droit à l'ensemble des demandes des agriculteurs dans les jours prochains – Thierry Benoit l'a évoqué en Bretagne. Les mesures agroenvironnementales et climatiques visent à encourager les pratiques vertueuses : nous devons y travailler.
Enfin – et vous l'avez souligné, d'une certaine façon –, nous avons collectivement un devoir de lucidité et de vérité. Voilà vingt-cinq ans que s'accumulent les normes, concernant notamment les installations classées.
Chacun doit prendre sa part de responsabilité – j'assume la mienne. Ces sujets sont désormais sur la table, et nous devons la vérité aux agriculteurs. J'espère que nous travaillerons collectivement pour remédier à la surcharge de normes qui pèsent sur notre agriculture et sur le moral des agriculteurs.
Les normes doivent accompagner et encadrer, plutôt que de placer les agriculteurs dans une suspicion permanente. Telle est la dignité qu'ils réclament. Cela fait trente ans que cela dure, et nous devons apporter des solutions. J'espère que nous répondrons présent, dans l'hémicycle, pour voter les textes et les amendements dont nous avons besoin.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Mobilisation des agriculteurs
Au nom du groupe La France insoumise – NUPES, j'adresse nos condoléances et notre soutien à la famille et aux proches de l'agricultrice qui a tragiquement perdu la vie, ainsi qu'à son mari et à sa fille qui ont été grièvement blessés.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Les agriculteurs sont des centaines à se mobiliser pour défendre leurs droits. Depuis des mois, nous vous alertons sur le mal-être et la grogne qui montent dans les campagnes.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Alors que l'inflation alimentaire a atteint 14 % en un an, les prix payés aux agriculteurs ont baissé de 10 %. Entre les deux, le taux de marge de l'industrie agroalimentaire a augmenté de 71 %. Vous ne voyez pas le problème ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Les industriels se gavent, alors qu'au bout de la chaîne, les agriculteurs et les consommateurs se font asphyxier. Et tout ça, avec la complicité du Gouvernement !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À votre absence totale de propositions s'ajoutent des problèmes qui relèvent de votre responsabilité : Lactalis méprise ses producteurs avec des prix honteux, et vos lois Egalim – la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs et la loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs – laissent faire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le budget des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) était mal calibré, et vous avez mis des mois à réagir. Les agriculteurs bio traversent une crise sans précédent, mais vous ne leur proposez que des miettes. Les aides de la politique agricole commune (PAC) tardent à venir et les trésoreries se dégradent : que fait votre ministère ? Nos agriculteurs sont en compétition avec le reste du monde, et vous continuez de signer des accords de libre-échange.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Le monde agricole a toujours su s'adapter ; aujourd'hui encore, il y est prêt. Il suffit de lui en donner les moyens. Sans mesures ambitieuses, nos campagnes risquent de finir aussi vides que la loi que nous attendons depuis un an.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors réveillez-vous, monsieur le ministre !
Les agriculteurs disparaissent : il y a un suicide tous les deux jours. Des centaines de familles sont détruites chaque année à cause de l'incertitude et de la précarité des marchés agricoles. Ça suffit, vos discours creux et vos reculades ! Les paysans veulent vivre de leur travail !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Allez-vous enfin leur garantir des prix rémunérateurs, par l'instauration de prix planchers, comme nous l'avons proposé en novembre dernier ? Allez-vous soutenir notre proposition de moratoire sur les accords de libre-échange ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES applaudissent également.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Dans des moments aussi graves que celui que nous traversons, chacun doit faire son examen de conscience, si je puis me permettre.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À moi de vous dire ce que j'entends de la part des agriculteurs : ils en ont marre qu'à longueur de plateaux de télévision, de reportages et de prises de parole, on dénigre leur travail et on fasse accroire que notre agriculture n'est pas la plus vertueuse, la plus qualitative et la plus respectueuse de l'environnement.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, et sur quelques bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Voilà aussi ce qui leur fait du mal !
Je prends mes responsabilités et je vous invite à prendre les vôtres, pour que nous trouvions le juste prix et la juste rémunération. Prouvons aux agriculteurs que nous leur faisons confiance et que nous voulons les accompagner dans les transitions – non pas que nous allons les braquer et leur imposer un modèle qui n'existe nulle part sur Terre, sinon, dans les utopies.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est notre devoir, et c'est la vérité que nous devons aux agriculteurs. C'est ce qu'ils réclament. Allez sur le terrain, écoutez-les !
Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, auxquelles répondent des huées sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-François Coulomme forme un double zéro avec ses doigts et Mme Élisa Martin mime un nez qui s'allonge.
La colère qu'ils expriment tient à un sentiment de relégation, de mépris et de déclassement ; c'est ce contre quoi nous devons lutter.
Les exclamations et les huées se poursuivent.
Mobilisation des agriculteurs
Je veux tout d'abord réaffirmer ma solidarité envers les proches de l'agricultrice décédée ce matin en Ariège.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, partout dans le pays la révolte gronde ,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Dem
une révolte qui couvait jusque-là loin de votre ministère, davantage habitué à recevoir les capitaines d'industrie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
…et l'impossibilité de vivre de leur métier. Les écologistes sont solidaires de leur lutte pour vivre dignement.
Vives protestations et huées sur les bancs des groupes RN et LR. – Exclamations continues en retour sur les bancs Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Monsieur le ministre, depuis trente ans, ceux qui nous gouvernent ont choisi de placer notre modèle agricole sur la voie de l'industrialisation, de la compétitivité à outrance et du libre-échange dérégulé.
« Hypocrite ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Un peu de silence, s'il vous plaît ! Laissez Mme Pochon poser sa question ! Si vous souhaitez que le ministre y réponde, il faudrait d'abord qu'il puisse l'entendre.
Résultat, des inégalités immenses, avec 20 % des fermes qui captent plus de la moitié des aides européennes et un agriculteur sur cinq qui vit sous le seuil de pauvreté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Rappelons que 100 000 fermes ont disparu en dix ans. On entend qu'il faudrait simplifier les normes et accélérer les procédures au nom de la sacro-sainte compétitivité, mais voulons-nous vraiment être compétitifs par rapport aux fermes-usines brésiliennes qui détruisent l'Amazonie ?
Mêmes mouvements.
Cessons cette mise en concurrence qui ne fait que les affaires des grandes multinationales, qui fait disparaître les paysans et qui détruit les conditions mêmes de notre capacité à produire ici.
Oui, chers collègues, l'agriculture n'est rien sans écologie.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Les agriculteurs le savent, eux qui voient la disparition des pollinisateurs et les impacts du changement climatique, eux qui s'adaptent tant bien que mal à vos injonctions contradictoires.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas exiger l'excellence de nos agriculteurs sans leur donner des moyens pour l'atteindre et tout en leur imposant de produire à bas coût pour être compétitifs dans le marché mondial. Vous ne pouvez pas en même temps laisser les prix agricoles s'effondrer et refuser d'encadrer les surprofits de l'agro-industrie, qui a vu ses profits bruts passer de 3 à 7 milliards l'an dernier !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Pour notre part, nous croyons en la protection de l'excellence agricole française et européenne, celle qui garantit des revenus, celle qui nourrit notre pays, celle qui préserve nos capacités à produire demain,…
…celle qui nous rend fiers. Monsieur le ministre, protégerez-vous enfin les agriculteurs face au libéralisme débridé
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR
ou préférez-vous continuer de garantir les profits monstres de l'agrobusiness ?
Les députés du groupe Écolo – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
« Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde », disait Albert Camus.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur certains sujets, vous avez raison, nous n'avons pas encore assez avancé. C'est la raison pour laquelle nous restons mobilisés. Des mesures miroirs sont nécessaires, ainsi que des accords internationaux qui respectent davantage les standards et les normes de l'Europe. Mais, en réalité, qui s'oppose à l'accord commercial entre l'Union européenne et le Marché commun du Sud, le Mercosur ? La France !
« C'est faux ! » sur les bancs du groupe RN.
Qui s'oppose à l'accord avec l'Australie ? La France !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il faut aussi juger le Gouvernement sur ses actes.
Nous devons faire valoir notre excellence et notre capacité productive dans la concurrence internationale. Je rappelle que 50 % de nos céréales sont destinées à l'exportation, ainsi qu'une grande partie de notre production de lait et de fromages. Ne renonçons pas à notre capacité exportatrice ! Nous devons améliorer notre compétitivité et travailler sur la question des normes. Je pense, comme vous, que nous devons conjuguer les deux, mais comment expliquer qu'un éleveur qui doit agrandir son bâtiment pour améliorer le bien-être des animaux soit soumis à cinq ans de procédure ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
C'est à toi de nous répondre ! Tu n'es pas ministre depuis quinze jours !
On ne peut pas encourager le pastoralisme sans réguler la population de loups – nous avons avancé sur le sujet, mais vous êtes en désaccord avec nous.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Il est nécessaire de réviser le statut d'espèce protégée du loup et c'est ce que nous avons fait dans l'attente de la décision européenne. Voilà l'esprit dans lequel nous devons travailler :…
…évitons d'être aveugles aux problèmes et conjuguons l'écologie et les questions de souveraineté. Autrement, nous n'y arriverons pas. Il convient de bien nommer les choses pour apporter les réponses qui conviennent !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Mobilisation des agriculteurs
Au nom des députés du groupe Renaissance, je veux dire notre émotion après le drame survenu ce matin en Ariège. Nos pensées vont à la famille de l'agricultrice décédée et à tous les agriculteurs de la ferme France.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, la France est une grande nation agricole. Elle est reconnue pour la qualité et la durabilité de son agriculture et de ses systèmes. Les agriculteurs font partie de l'identité de notre pays et détiennent certaines des solutions aux défis qui nous font face. Soyez assuré que la représentation nationale est fière de ses agriculteurs, de leur engagement et de leur courage.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
En Europe, l'Allemagne, la Roumanie et les Pays-Bas connaissent des manifestations d'ampleur contre la taxe sur les carburants et la diminution des cheptels, notamment. En France, le mouvement de colère des agriculteurs nous rappelle combien le dialogue et la recherche de solutions pérennes doivent être au cœur de nos priorités. À travers ces mouvements, les producteurs expriment un sentiment mêlé de désespérance et de déclassement, celui aussi d'être emprisonnés dans un système nourri d'injonctions contradictoires, en France comme au niveau européen.
Les agriculteurs sont victimes des changements climatiques, mais ils en sont aussi la solution en tant qu'acteurs majeurs de la transition écologique, dont ils sont convaincus de la nécessité et dans laquelle ils sont engagés.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Aujourd'hui, ils nous demandent de lever les freins sur la compétitivité et de respecter les accords passés dans le cadre de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, la loi Egalim. Ils n'acceptent plus d'être entravés dans leur travail quotidien par des contraintes franco-françaises qui les mettent dans l'impasse alors que leurs voisins européens n'y sont pas toujours soumis.
Leurs revendications légitimes étaient à l'origine de la proposition de résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole que j'ai déposée en février 2023 et que nous avons adoptée à une très large majorité en mai.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Nous devons envoyer un message de confiance à l'agriculture française, car les agriculteurs ne réclament pas plus d'interdictions, mais plus de solutions et plus de liberté…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Tout à l'heure, à Pamiers, dans l'Ariège, une femme, une mère de famille, une agricultrice, a perdu la vie. Son mari et sa fille sont gravement blessés. Toute une profession est en deuil. Notre ruralité pleure une famille. Ce drame résonne en chacune et en chacun de nous et tout notre pays est touché. Au nom du Gouvernement et en notre nom à tous, je veux à nouveau rendre hommage à cette famille et lui dire notre solidarité et notre soutien.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Encore ce week-end, je rencontrais des agriculteurs dans le Rhône. J'étais hier, avec le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, auprès des représentants de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et des Jeunes agriculteurs. Je dois rencontrer les autres organisations représentatives des agriculteurs aujourd'hui et dans les prochains jours.
Parler avec les agriculteurs, c'est d'abord parler d'une passion, celle de leur métier, celle de notre terre, celle de leurs bêtes. C'est parler de transmission et de leur volonté de partager leur vocation. C'est parler de l'engagement d'une France qui se lève aux aurores chaque jour,…
…qui travaille dur et dont le seul souhait est de pouvoir faire correctement son métier et d'être reconnue. C'est aussi parler d'une crainte, celle de la disparition de notre modèle, de la perte de la qualité, de l'absence de relève. C'est enfin comprendre une blessure, celle de femmes et d'hommes qui donnent tout pour notre terre et pour nos bêtes et qui sont sans cesse dénigrés, caricaturés, acculés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Je le dis avec le plus grand calme, mais aussi avec la plus grande détermination : mesdames et messieurs les députés de la NUPES, parfois vos larmes pour nos agriculteurs ressemblent à des larmes de crocodile.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Vives protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La réalité, c'est qu'à chaque fois que les agriculteurs et les éleveurs familiaux ont un projet d'extension de leur élevage, qui s'y oppose ? Vos amis, avec votre soutien ! À chaque fois qu'un projet est lancé pour une retenue d'eau, pour lutter contre la sécheresse, ou pour le développement d'une exploitation, ce sont vos amis qui s'y opposent.
Mêmes mouvements.
À chaque problème, vous répondez par une norme. À chaque difficulté, vous pointez généralement nos agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quand certains discours présentent nos agriculteurs comme des bandits, comme des pollueurs de nos terres, comme des tortionnaires des animaux, nous aimerions entendre votre indignation et votre défense du monde agricole !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Parler avec nos agriculteurs, c'est parler avec des hommes et des femmes évidemment dans l'angoisse, mais aussi lucides sur l'importance de l'Union européenne, qu'il s'agisse des aides de la politique agricole commune (PAC) ou de notre capacité d'exportation – le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire l'a rappelé. Soyons clairs face à ceux qui butinent de colère en colère en faisant croire que l'on pourrait sortir de l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
On en parle beaucoup, les caméras ont été invitées : le président du Rassemblement national rencontre aujourd'hui les pêcheurs – nous reviendrons sur leur situation un peu plus tard avec une autre question. Le 26 décembre, quand les pêcheurs en colère et angoissés criaient leurs revendications, ce n'est pas Jordan Bardella que nous avons vu auprès d'eux, mais Lysiane Métayer, députée Renaissance. Elle n'était pas en vacances, mais sur le terrain avec eux !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
En échangeant avec les représentants de nos agriculteurs, j'ai abordé certains des grands sujets que vous avez mentionnés, monsieur Travert. Certains enjeux sont de très court terme, comme le versement des aides après les catastrophes liées aux maladies animales en 2023. Le Gouvernement est mobilisé sur le sujet avec Marc Fesneau. Il y a aussi les négociations commerciales. Bruno Le Maire, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a d'ores et déjà annoncé des contrôles et plusieurs autres mesures seront présentées d'ici la fin de la semaine. La loi Egalim doit être respectée : on ne renégocie pas les matières premières agricoles.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Nous allons également avancer sur la question des normes et de la simplification. Nous avons engagé un travail avec les représentants des agriculteurs, qui nous feront remonter toutes les propositions.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous prendrons toutes les mesures utiles et nécessaires dans le cadre du projet de loi que présentera le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Nous voulons avancer sans tabou, sans faux-semblant, avec détermination et grâce à la mobilisation de cette majorité – quant à elle, elle n'a jamais fait défaut aux agriculteurs !
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Mobilisation des agriculteurs
Je veux rendre hommage à l'agricultrice tuée ce matin par un chauffard lors d'une manifestation d'agriculteurs dans l'Ariège.
Les députés des groupes RN, RE, LR, Dem, HOR et LIOT, ainsi que plusieurs membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent. – Quelques députés des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et SOC applaudissent aussi.
Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs semaines, les agriculteurs manifestent leur ras-le-bol de votre politique incohérente, qui consiste à leur imposer toujours plus de normes tout en les mettant en concurrence avec la terre entière.
Nous vous alertons depuis des mois sur cette France rurale et du travail qui n'en peut plus et, malgré nos mises en garde, vous avez voté le traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, qui va faire venir dans notre pays des milliers de tonnes de viande, de lait et de produits qui ne respectent aucune des normes imposées à nos agriculteurs.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Vous continuez de soutenir la stratégie européenne « de la ferme à la table », cette feuille de route d'écologie punitive et de décroissance agricole dictée par les pires écologistes d'extrême gauche.
Au mois de décembre, malgré notre ferme opposition, vous avez fait voter une augmentation de la fiscalité sur le gazole non routier (GNR) alors que l'agriculture française est déjà asphyxiée par les charges.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Alors que nos agriculteurs sont à l'agonie, vous essayez de gagner du temps par vos concertations stériles et la promesse d'une loi d'orientation agricole dont la vacuité ne réglera aucun des problèmes des agriculteurs.
Monsieur le Premier ministre, cessez votre enfumage et répondez à ces trois questions essentielles : reviendrez-vous sur l'augmentation de la fiscalité sur le GNR ? Dénoncerez-vous le traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande et abandonnerez-vous les négociations avec le Marché commun du Sud, le Mercosur ? Mettrez-vous fin à l'écologie punitive et à la stratégie « de la ferme à la table » que vous avez soutenue au Parlement européen avec les écologistes ?
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur de Fournas, avec vous, on n'est jamais surpris : vous n'êtes jamais en retard quand il s'agit de démagogie et de récupération.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Oui, nous avons des problèmes. Oui, nous avons besoin, au travers des normes – le Premier ministre vient de le dire –, de la simplification et de la compétitivité, de travailler pour les agriculteurs.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Vous êtes un élu qui connaît son territoire. De quoi ont besoin les viticulteurs de Gironde ? Ils ont besoin de compétitivité. Ils ont besoin qu'on les accompagne et nous l'avons fait en 2023 avec l'aide à la distillation pour un total de 200 millions d'euros. Ils ont aussi besoin d'échanges commerciaux.
Si le bordeaux ne s'exporte pas, vous m'expliquerez comment la viticulture pourra perdurer en Gironde.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Ce dont ils ont besoin, compte tenu des grands enjeux, c'est d'être accompagnés dans la compétitivité au lieu d'être enfermés dans l'autarcie qui les condamne à disparaître.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
S'agissant du GNR, nous avons instauré avec Bruno Le Maire un mécanisme de baisse de l'avantage fiscal…
…qui représente 70 millions sur un total de 1,3 milliard. Par ailleurs, par diverses mesures fiscales, nous avons établi des compensations globales à l'euro près.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Il s'avère, et c'est ce que disent aussi les manifestants, que dans les territoires, la répartition n'est pas forcément homogène.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.
Je l'ai indiqué moi-même et nous sommes en train de travailler avec les organisations professionnelles pour voir comment équilibrer notre trajectoire fiscale avec une répartition répondant aux besoins des agriculteurs.
Monsieur de Fournas, il faut dire la vérité aux agriculteurs et répondre à leurs problèmes.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je prends ma part comme chacun doit prendre sa part…
…des choses qui n'ont pas été faites.
Il me semble qu'il faut accélérer. Si vous pouviez sortir de la démagogie, peut-être que nous pourrions avancer, au service de l'agriculture.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le ministre, vous n'êtes pas agriculteur. Moi, je suis viticulteur et mon père, âgé de 62 ans, qui l'est aussi, ne se paie plus depuis plus d'un an. Alors, arrêtez avec vos accusations ! Le vide sidéral de votre réponse est l'aveu de votre impuissance. L'agriculture française est au bord du gouffre !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mobilisation des agriculteurs
Les Républicains s'associent à la douleur du monde agricole et adressent leurs condoléances à la famille d'Alexandra.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RE et Dem.
Monsieur le Premier ministre, leur fin sera notre faim : la colère des agriculteurs qui éclate dans tout le pays frôle le point de non-retour. Ne soyez pas étonné, c'est la conséquence des promesses tombées au champ d'honneur qui ont fini de les exaspérer. Votre majorité leur promet des lois pour leur simplifier la vie pendant qu'au Parlement européen, vous votez pour la décroissance, en rang d'oignon derrière M. Canfin. Quelle imposture !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
En reportant sans cesse les réponses attendues, vous participez au déclin de l'agriculture française. Ce n'est donc pas simplement un projet de loi que vous retardez, c'est le développement de notre agriculture et de notre souveraineté alimentaire ! Juillet, mois d'automne, décembre, janvier ont passé et l'examen de la loi d'orientation agricole est désormais annoncé pour après le Salon de l'agriculture. Il y a encore quelques jours, pourtant, vous vous disiez prêt à présenter en conseil des ministres un texte bref, moins-disant, pour tenter d'acheter la paix sociale du monde agricole. Vous nous menez en bateau !
Les surtranspositions de normes et les contraintes sont toujours plus pressantes, les contrôles toujours plus inquisiteurs alors que nous accueillons en France des produits étrangers se conformant à des règles que nous ne tolérons pas chez nous. Ne soyons pas plus royalistes que le roi en matière de normes agricoles !…
Vous interdisez certains produits phytosanitaires mais vous ne donnez que des miettes à la recherche de solutions alternatives.
Vous n'assumez pas le choix courageux qu'appellent les nouvelles techniques de sélection variétales pour tenir compte des enjeux environnementaux. Les agriculteurs vous réclament des prix, vous, vous bricolez une pseudo-loi sur les négociations commerciales sans effets.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Cette assemblée vote à l'unanimité la réforme du système des retraites agricoles et vous, vous mettez douze mois à nous sortir un scénario d'entrée en vigueur. Réveillez-vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Les agriculteurs n'ont pas à choisir entre les zadistes bourgeois qui les zigouillent et le citadin Bardella opportuniste qui découvre les fermes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Les Républicains ne font qu'un choix : leur faire confiance, leur permettre de vivre et d'être bien rémunérés. Le diagnostic est posé, voici le remède : gel de la taxe sur le gazole non routier (GNR), abrogation des surtranspositions abusives, maîtrise des charges sociales, investissements et autorisations pour le stockage de l'eau, révision des règles de négociation.
Alors, monsieur le Premier ministre, quelles sont vos solutions pour maintenant et quels moyens prévoyez-vous ? Les agriculteurs méritent des réponses et non des reports sans fin !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le député, vous connaissez bien ces sujets…
…et je vais essayer de vous répondre sur plusieurs points.
Premièrement, s'agissant des négociations commerciales, je ne connais pas un agriculteur, pas une organisation professionnelle qui souhaiterait que l'on revienne sur la loi Egalim – loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Les agriculteurs voudraient même aller plus loin et nous demandent d'approfondir vérifications et contrôles. Ne dites donc pas que cette loi a été inutile.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Elle a constitué un premier pas en matière de rémunération.
Vous avez parlé des négociations commerciales, qui font partie de la loi Egalim, me semble-t-il. Nous devons aller plus loin pour nous assurer du respect de la contractualisation et pour inciter certaines filières à rentrer dans les mécanismes de cette loi.
Deuxièmement, s'agissant de la loi d'orientation, nous avions mis au point un texte centré sur la question du renouvellement des générations, mobilisant les importants moyens budgétaires que le Parlement a adoptés et dont je dirai un mot. Dans la période que nous traversons, il faut accélérer l'instauration de certaines procédures qui étaient incluses, vous le savez, dans le pacte. Si cela appelle des dispositions législatives, il faudra prendre du temps pour répondre concrètement aux demandes des agriculteurs.
J'en viens au troisième élément : l'enjeu européen. Monsieur Dive, sachez que c'est moi qui ai pris l'initiative, au nom de la France, de demander la suppression de l'obligation de laisser en jachère 4 % des champs. Alors que l'Europe importe 40 millions de tonnes de céréales, il faut cesser de laisser certaines terres non cultivées. La France a été rejointe par vingt-deux autres pays membres et nous attendons la réponse de la Commission.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous continuons à mener ce combat.
La France et une délégation française de Renaissance ont mené des négociations pour que la proposition européenne de règlement sur la restauration de la nature n'aboutisse pas à la mettre sous cloche.
Si vous avez si bien fait, pourquoi les agriculteurs sont-ils tous dans la rue ?
Oui, il y a des enjeux, oui, il y a des batailles à mener. Il faut notamment veiller à conjuguer dans le Green Deal souveraineté et transition – vous savez très bien, monsieur Dive, qu'il existe des secteurs agricoles entiers, en zone intermédiaire en particulier, qui sont confrontés à de grandes difficultés du fait du dérèglement climatique. C'est ce combat que nous poursuivrons, y compris au niveau européen.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle.
Depuis 2017, sous l'autorité du Président de la République, vous incarnez une politique économique qui libère l'activité et protège les Français des crises que nous avons connues.
Rires sur les bancs du groupe RN. – M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle, sourit.
Face à la crise sanitaire, vous étiez là. Face à la crise énergétique, vous étiez là.
Grâce au bouclier énergétique, l'État a pris en charge la moitié de la facture des Français. Grâce à cette politique qu'a soutenue la majorité, et elle seule, la facture d'électricité des Français est parmi les plus basses d'Europe.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Aujourd'hui, les oppositions s'indignent de la sortie des dispositifs de crise. Certains, par pure hypocrisie, d'autres, par paresse intellectuelle.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
À l'extrême droite, on déplore les conséquences des causes que l'on chérit, elle qui a soutenu l'agression russe en Ukraine, grande responsable de la hausse des prix.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
À l'extrême gauche, on voudrait se priver des recettes qui permettent de financer le chèque énergie pour les plus modestes et de soutenir les énergies renouvelables. Extrême droite et extrême gauche joignent leurs voix pour implorer le retour d'un bouclier contre lequel elles ont voté.
Mêmes mouvements.
Mes chers collègues, si nous vous avions attendus, la facture d'électricité des Français aurait plus que doublé ces trois dernières années, les Français doivent le savoir.
Autour de Gabriel Attal, nous formons une majorité responsable ,
Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN
une majorité qui refuse le déclassement et l'endettement car elle sait que la dette d'aujourd'hui, ce sont les impôts de demain.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous soutenons que la sortie de crise doit s'accompagner d'une sortie des dispositifs de crise.
Ma question, monsieur le ministre, est donc la suivante : comment le Gouvernement entend-il œuvrer pour continuer à faire en sorte que les prix de l'électricité soient plus bas en France qu'ailleurs ?
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le député Lefèvre, …
…quand les prix de l'électricité ont explosé, cette majorité a instauré un bouclier tarifaire sur l'électricité qui nous a permis de prendre en charge la moitié des factures d'électricité de nos compatriotes.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Ce bouclier, vous avez voté contre, de ce côté-ci
L'orateur se tourne vers les bancs du groupe RN
et de ce côté-là
L'orateur désigne les bancs occupés par les groupes de l'intergroupe NUPES
de l'hémicycle. Vous n'avez aucune leçon de pouvoir d'achat à nous donner pour la protection de nos compatriotes.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous avons toujours indiqué, avec le Premier ministre et le Président de la République, que nous sortirions progressivement de ce bouclier tarifaire.
Nous avons ramené la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) à 1 euro le mégawattheure pendant la crise et nous la faisons progressivement remonter à 21 euros, en dessous de son niveau d'avant la crise – elle s'élevait à 32 euros – pour ménager une sortie progressive, pour continuer à financer le chèque énergie des plus modestes – 6 millions de ménages toucheront 150 euros –, pour éviter la précarité énergétique ,
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
pour financer les énergies renouvelables et pour faire en sorte que nos compatriotes d'outre-mer et de Corse ne paient pas leur électricité plus cher. C'est à la fois juste et responsable, ce qui définit bien notre majorité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Si, à l'avenir, nous voulons protéger nos compatriotes aussi bien que nous l'avons fait pendant la crise du covid et pendant la crise inflationniste, il faut savoir sortir définitivement du « quoi qu'il en coûte ». C'est aussi une question de justice et de responsabilité. C'est le sens de la décision que nous avons prise sur les tarifs de l'électricité.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Je le dis avec gravité au moment où un dramatique accident de la route a endeuillé une famille d'agriculteurs en Ariège : ils veulent nourrir, pas mourir. Le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES s'associe à l'hommage rendu à cette famille qui manifestait simplement pour sa dignité. Ils veulent nourrir, pas mourir asphyxiés par des choix politiques libéraux, technocratiques qui, à Bruxelles comme à Paris, tournent le dos à la terre et à la mer nourricières.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Au sortir du confinement, le Président de la République promettait de revenir aux fondamentaux, à la souveraineté alimentaire du pays, mais le fossé n'a jamais été aussi grand entre les promesses de l'exécutif et la réalité quotidienne des artisans de notre souveraineté alimentaire,…
…pêcheurs et agriculteurs lestés de boulets.
Notre agriculture comme notre pêche vivent des crises majeures. Tout le démontre : barrages sur les routes, fermetures d'ateliers laitiers chez moi en Normandie, indignité des négociations commerciales qui réservent aux producteurs le sort de citrons pressés, accords de libre-échange qui fondent sur notre agriculture comme le loup sur l'agneau, loi d'orientation agricole vide et sans arrêt repoussée.
Pour la pêche, mêmes tempêtes : 450 bateaux assignés à quai autour du golfe de Gascogne, Brexit, plan de sortie de flotte, envolée des prix du gazole avec des aides taries pour les armements à plusieurs navires, avalanche de contraintes réglementaires et, pour couronner le tout, baisse des quotas. En Normandie, en Bretagne, dans les Hauts-de-France, partout la filière est menacée alors que nous n'avons même pas de ministre de plein exercice.
Pendant ce temps, vous supprimez la détaxe sur le gazole agricole, vous laissez filer les quotas de notre pêche artisanale, vous augmentez les prix de l'électricité de 10 % pour tout le monde !
Monsieur Marc Fesneau, pas de pipeau, pas de blabla, pas de postures.
Les réponses, vous les devez à ceux qui nourrissent la France et cela passe par des actes.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Pas de blabla ! Monsieur Jumel, vous qui appartenez à une terre d'agriculteurs et de pêcheurs, je vais vous dire exactement ce que nous essayons de faire depuis des années, avec des résultats tangibles.
J'ai parlé des lois Egalim– la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs et la loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. Elles ont permis de reposer la question de la juste rémunération. Je suis sûr que nous tomberons d'accord sur la nécessité de battre en brèche les positions de ceux qui viennent expliquer sur les plateaux de télévision que le juste prix est le plus bas prix.
L'agriculture a un coût et, comme elle a un coût, elle doit trouver son prix. C'est notre responsabilité de faire appliquer les lois adoptées au Parlement…
…et c'est notre responsabilité, collectivement, de poser la question de la rémunération des agriculteurs ou des pêcheurs chaque fois que l'on parle d'inflation.
Deuxièmement, les agriculteurs ont besoin qu'on les accompagne dans les transitions. Cette année, le budget de l'agriculture a bénéficié d'une hausse de 1,2 milliard. Et pour répondre à la question de M. Dive, 250 millions sont prévus pour trouver des solutions alternatives aux produits phytosanitaires. C'est du concret, pardonnez-moi de vous le dire. Cela permettra aux agriculteurs d'anticiper.
Troisièmement, s'agissant des négociations, nous allons discuter avec les filières laitières, comme je l'ai fait depuis mon arrivée au ministère et comme mon prédécesseur l'a fait. Nous voulons que chacun prenne ses responsabilités dans le temps qu'il nous reste.
Vous pouvez compter sur nous.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous avons agi, l'année dernière, permettez-moi de vous le dire.
Je voudrais également dire un mot des accords internationaux. Votre circonscription, que vous le vouliez ou non, est une terre laitière, et exporte donc des produits laitiers.
M. Sébastien Jumel s'exclame.
C'est pourquoi nous devons renforcer la compétitivité de cette filière, favoriser l'installation des agriculteurs et alléger les normes qui freinent leur activité davantage qu'elles ne l'encadrent.
Vous avez raison, les agriculteurs veulent nourrir, pas mourir. Ils veulent du respect et non du dénigrement, de la confiance et non de la défiance, des prix rémunérateurs et non une course à l'échalote entre les acteurs de la grande distribution pour fixer le prix le plus bas.
Nous pouvons nous accorder sur tous ces points, au sujet desquels le Premier ministre présentera des propositions concrètes dans les jours qui viennent.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le ministre de l'agriculture, je m'adresse à vous en tant que députée de l'Ariège, une terre meurtrie en ce jour sombre. Ce matin, à Pamiers, Alexandra, jeune agricultrice de 37 ans, a été fauchée alors qu'elle manifestait pacifiquement avec sa famille et avec les agriculteurs ariégeois. Ils étaient présents sur ce barrage pour exprimer leur colère et leur incompréhension vis-à-vis d'un système qui abandonne les paysans. Son mari et sa fille sont très grièvement blessés. Toutes mes pensées vont à eux. J'adresse toutes mes condoléances à la famille d'Alexandra, à ses proches et à l'ensemble du monde paysan endeuillé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des autres groupes.
J'associe à ma question mon collègue Laurent Panifous, également député de l'Ariège, qui se trouve actuellement sur place, aux côtés des agriculteurs. Cette terrible nouvelle nous bouleverse et exige de nous tous que nous y répondions.
Depuis plusieurs mois, la colère des agriculteurs éclate au grand jour. Il ne s'agit pas d'une colère épisodique, mais du résultat d'années de conditions de vie inacceptables. Les agriculteurs se sentent abandonnés, stigmatisés, caricaturés, mal-aimés. Leur colère est multifactorielle : augmentation des prix des matières premières et de l'énergie, augmentation de la taxe sur le gazole non routier (GNR), nécessité d'accomplir sans accompagnement des tâches administratives toujours plus contraignantes… Les retards de versements de la politique agricole commune (PAC) sont devenus la règle en Ariège : les demandes d'aide au titre de l'écorégime ont été faites depuis plus de deux mois, mais les versements n'arrivent toujours pas. Malgré les promesses, les lois Egalim 1 et 2 – la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous et la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs – ne sont toujours pas appliquées. Enfin, faut-il rappeler que certains travaillent jusqu'à quatre-vingts heures par semaine sans disposer pour autant de revenus décents ? Qui d'autre accepterait de travailler dans de telles conditions ?
Je vous le demande solennellement : combien d'autres drames, suicides ou accidents faudra-t-il pour que nos agriculteurs soient enfin entendus ? Monsieur le ministre, prenez la mesure du désarroi, du découragement et de la colère du monde agricole ; venez en Occitanie pour rencontrer les agriculteurs. Il n'est plus temps d'attendre, l'agriculture doit désormais être déclarée priorité nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. André Chassaigne, Mme Marie Pochon et Mme Anne-Cécile Violland applaudissent également.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Je vous remercie de votre question très digne. Les problèmes que vous mentionnez, le drame qu'a vécu l'Ariège sont réels. Je tiens à m'incliner d'abord devant la mémoire de cette jeune agricultrice de 37 ans, qui défendait son métier pacifiquement. L'enquête et la justice diront ce qu'il en est de cet événement manifestement accidentel. Je m'associe à la peine que ressentent sa famille, les agriculteurs de l'Ariège et toute la nation face à ce drame inconcevable.
Dans quelques minutes, je me rendrai dans l'Ariège pour aller à la rencontre des agriculteurs et pour leur témoigner, dans ce moment de deuil et d'émotion, le soutien de la nation, du Gouvernement, du Premier ministre et du Président de la République. Ce territoire endeuillé connaît de nombreuses difficultés. Je me souviens d'un déplacement – vous étiez à mes côtés, Mme Froger – au cours duquel nous avions évoqué plusieurs problèmes, dont la prédation, qui nourrit de nombreuses querelles et incompréhensions dans le monde agricole ; en la matière, nous devrons prendre un jour ou l'autre des mesures, comme nous l'avons fait dans le cas du loup. Nous serons à vos côtés pour faire face à ces problèmes divers.
Vous avez raison, les agriculteurs ont besoin de reconnaissance. Dans des territoires tels que l'Ariège, ils ont besoin que nous reconnaissions les difficultés spécifiques qu'ils rencontrent, qu'elles concernent l'accès à l'eau ou encore les particularités des zones de montagne. Ils ont besoin que nous reconnaissions les spécificités des petites exploitations de polyculture et d'élevage, qui doivent se diversifier et dont certaines connaissent des problèmes d'accès à l'eau. Il faut les accompagner lors des transitions ; c'est d'ailleurs la raison d'être des fonds de transition que nous leur proposons.
Outre mon déplacement de cet après-midi en Ariège, je me rendrai prochainement en Occitanie pour évoquer d'autres problèmes, car cette région souffre particulièrement. Lors de ces déplacements et des travaux qui m'attendent dans les semaines à venir, je n'oublierai pas cette jeune femme ni le combat qu'elle menait, car c'est notre combat à tous.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Comme l'ont fait nos collègues, le groupe Démocrate souhaite exprimer une pensée émue pour la jeune agricultrice décédée ce matin et pour son conjoint et sa fille qui sont dans un état grave. Nous adressons toutes nos pensées à leurs proches.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, RE et HOR et sur quelques bancs des groupes LR, SOC, Écolo – NUPES et LIOT.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, ma question concerne les négociations commerciales, qui affectent directement les agriculteurs. Comme vous le savez, il nous reste sept jours avant l'aboutissement des négociations commerciales entre les distributeurs et les industriels. C'est donc le moment d'agir, d'être auprès des entreprises et des agriculteurs, et de contrôler massivement les distributeurs et certains industriels qui contournent régulièrement la loi.
M. Laurent Croizier applaudit.
Les agriculteurs sonnent l'alarme. Ils sont victimes d'un modèle économique qui les dessert, promu par les grands distributeurs, caractérisé par la course au plus bas prix et par un partage inéquitable de la valeur. Or un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Cinq euros de l'heure, c'est ce que gagne en moyenne un agriculteur exploitant. Si nous voulons à l'avenir manger français, la question du revenu agricole est centrale.
Nous avons un patrimoine à conserver et l'agriculture la plus durable au monde. La transition agroécologique doit être menée activement, mais elle a un coût. Les agriculteurs ne doivent plus être la variable d'ajustement.
M. Jean-Paul Mattei, Mme Stella Dupont et M. Sylvain Maillard applaudissent.
La loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite loi Egalim 2, a pour objectif de sanctuariser les matières premières agricoles. Nous avons pu constater des améliorations en ce sens au cours des dernières années, mais cela n'est pas le cas cette année en ce qui concerne une grande partie des négociations.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé en novembre 2023 la formation d'une mission gouvernementale devant étudier cette question en profondeur. Dans l'immédiat, j'aimerais savoir quelles mesures vous comptez prendre pour répondre à la souffrance des agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
La loi Egalim 2 doit être intégralement et rigoureusement respectée. M. le ministre de l'agriculture, M. le Premier ministre et moi-même y veillerons.
Le volet « amont » de cette loi prévoit l'inclusion de certaines clauses dans les contrats conclus entre les producteurs et les industriels transformateurs. J'y suis d'autant plus attaché que j'ai instauré moi-même ces contrats, lorsque j'étais ministre de l'agriculture, pour protéger les revenus des producteurs agricoles.
Chaque contrat doit inclure une clause de révision des prix, chaque contrat doit inclure une clause de transparence. Enfin, un prix est un prix : quand un industriel s'est engagé auprès d'un producteur de lait à le rémunérer 390 euros la tonne de lait, il ne doit pas le payer 385 ou 380 euros, mais rigoureusement respecter les termes du contrat. Nous doublerons les contrôles des transformateurs industriels – de 120 en 2023, nous les porterons à 240 en 2024 – en augmentant le nombre d'agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) chargés de contrôler le respect des contrats entre industriels transformateurs et producteurs.
Mme Stella Dupont applaudit.
Le volet « aval » dispose l'inclusion d'une clause dite de soclage – voulue par l'ensemble des députés –, selon laquelle le revenu des agriculteurs ne doit pas être la variable d'ajustement en cas de variation du prix d'un produit dans la grande distribution.
Mme Christine Arrighi et M. Christophe Bex s'exclament.
Nous veillerons à ce qu'elle soit strictement respectée par l'intégralité des distributeurs. Là encore, nous multiplierons les contrôles nécessaires et prononcerons, le cas échéant, des sanctions exemplaires, pour faire respecter la loi Egalim 2 par les distributeurs comme par les industriels et pour protéger le revenu des producteurs.
Monsieur le ministre de l'économie, ça y est : vous avez eu la lourde charge d'annoncer au « 20 heures » la première grande mesure du gouvernement de Gabriel Attal. Vous qui nous promettiez solennellement qu'il n'y aurait pas de rattrapage des prix, vous avez pourtant confirmé qu'une nouvelle hausse de 10 % serait appliquée au tarif de l'électricité le 1er février 2024. C'est la quatrième hausse depuis la réélection d'Emmanuel Macron ; l'augmentation des prix s'élève à 45 % en deux ans. Du jamais vu !
En moyenne, il faudra compter 18 euros supplémentaires par mois pour une famille qui se chauffe à l'électricité, et 116 euros supplémentaires par mois pour les boulangers, déjà asphyxiés. Et combien de milliers d'euros à payer s'ajouteront à la détresse de nos agriculteurs ?
Les Français sont condamnés à rembourser l'argent que vous avez distribué pendant les élections, alors que 30 % d'entre eux ont froid chez eux ou renoncent à se chauffer correctement par manque d'argent – cette proportion s'élève même à 50 % chez les Français vivant à la campagne. Vous devriez avoir honte de ces résultats, après sept ans au pouvoir.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Malgré toutes vos excuses et tous vos mensonges, ces hausses sont bien le fruit des choix énergétiques erratiques de votre gouvernement et de votre choix de rétablir une taxe alors que le prix de l'électricité baisse sur les marchés. Le Rassemblement national réitère ses propositions : ramener de 20 % à 5,5 % la TVA sur toutes les énergies ; libérer la France des règles absurdes du marché européen de l'électricité ; investir massivement dans la recherche et dans le nucléaire, énergie la moins chère et la moins polluante.
Mme Anna Pic s'exclame.
La première décision du nouveau gouvernement a donc consisté à affaiblir un peu plus le pouvoir d'achat des Français. Jusqu'à quels sommets Attal le taxeur et Le Maire le menteur vont-ils continuer à faire exploser les factures des Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur Pfeffer, vous êtes un peu pingre avec les Français. Votre proposition de diminuer à 5,5 % la TVA sur l'électricité permettrait aux ménages d'économiser environ 300 euros par an, alors que nous avons pris en charge la moitié de leur facture, jusqu'à 1 000 euros par an !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Nous avons fait trois fois mieux, nous sommes trois fois plus généreux que vous lorsqu'il s'agit de défendre le pouvoir d'achat des Français.
Vous parlez de nucléaire, vous évoquez les plus précaires, mais comment financerons-nous les énergies renouvelables, le nucléaire et la protection des plus précaires, sinon par la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité ?
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Elle existe pour financer l'avenir de l'électricité française, pour assurer la souveraineté et l'indépendance de la nation en matière de souveraineté électrique.
Je croyais que le Rassemblement national était attaché à l'indépendance et à la souveraineté françaises, mais je constate que ce n'est pas le cas.
Dans le fond, cet exemple de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité illustre assez bien l'irresponsabilité totale du Rassemblement national et le type de formation politique dont il s'agit.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous n'avez aucune solution pour le passé, vous n'avez que des critiques pour le présent et vous n'avez aucune proposition pour l'avenir.
Voilà qui résume bien le Rassemblement national !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le ministre, ce qui est bien, avec vous, ce que c'est toujours de la faute des autres, jamais de la vôtre.
Qui a abandonné nos centrales nucléaires et hydrauliques face aux pressions des écologistes et de l'Union européenne ? C'est vous. Qui a fermé Fessenheim ? C'est vous. Qui a subventionné les éoliennes, rendant le pays dépendant du gaz russe de M. Poutine ? C'est vous.
Vous faites les mauvais choix. Demain, nous ferons les bons, et les Français nous feront confiance !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Qui a dit que l'énergie nucléaire était extrêmement dangereuse et qu'il fallait en sortir ? Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN. – Plusieurs députés du groupe RN miment un joueur de pipeau ou un nez qui s'allonge.
Je tiens à exprimer également ma grande émotion après ce qui s'est passé ce matin à Pamiers.
Ma question ne concerne pas les problèmes agricoles, mais un dossier auquel pourrait s'appliquer le slogan des agriculteurs : « On marche sur la tête. » En effet, le Béarn attend que l'État prenne position quant à un projet bien avancé d'injection de CO
Tous les industriels présents à Lacq, toutes les organisations syndicales, tous les élus, tous les députés béarnais sont contre. J'avais fait part de cette opposition à Roland Lescure, dont je veux saluer l'écoute et la grande disponibilité.
C'est à présent à l'État de nous dire ce qu'il veut. Je vais tâcher d'expliquer les enjeux de cette décision. Premièrement, il n'est pas possible d'injecter et d'extraire concomitamment dans une même cavité : en géologie, le « en même temps » ne marche pas.
Deuxièmement, depuis 2010, à l'initiative des industriels, des syndicats et des collectivités locales, Lacq a changé de logiciel. Le gaz extrait reste à Lacq pour être cédé, à un tarif compétitif, aux seuls industriels présents. Nous avons ainsi réussi la mutation de notre bassin industriel qui emploie 7 000 salariés.
Du fait de la très forte teneur en soufre de notre gaz, nous avons obtenu une dérogation à la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, dite loi Hulot. La thiochimie, c'est-à-dire la chimie du soufre, emploie 1 500 salariés. Or le projet Pycasso, qui créerait 80 emplois, mettrait un terme à cette activité.
L'injection de CO
M. Benoit Mournet applaudit.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Vous connaissez notre ambition : faire de la France la première nation décarbonée en Europe à l'horizon 2040. Pour cela, nous étudions toutes les solutions, y compris le stockage géologique de CO
Pour l'instant, nous n'avons pas été saisis d'une demande formelle pour le projet Pycasso ; nous attendons donc la saisine. Ensuite, l'État rendra sa décision en fonction de trois critères. Le premier réside dans l'acceptabilité du projet auprès de la population : en tant que ministre désormais en charge de l'énergie, je réaffirme que, pour tous les projets énergétiques, il faut que la population soit convaincue et accepte les projets qui ont toujours une incidence locale importante. Deuxièmement, nous examinerons si le projet répond à nos critères environnementaux. Troisièmement, nous défendons l'emploi industriel : il ne faut pas qu'en créant du stockage géologique de CO
À ces trois conditions, nous sommes ouverts à cette proposition de stockage de CO
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le Premier ministre, la ministre de l'école privée étant en situation de conflit d'intérêts, je vous adresse ma question directement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Mardi dernier, le journal Mediapart révélait le rapport caché de l'Inspection générale de l'éducation nationale concernant le collège Stanislas. L'établissement, sous contrat avec l'État, financé sur fonds publics, ne respecte pas la liberté de conscience des élèves. Il y règne un climat homophobe et une culture du viol qui les mettent en danger.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et RN.
Les programmes scolaires n'y sont pas entièrement dispensés. Manifestement, le collège Stanislas est un territoire perdu de la République où la loi ne s'applique pas.
On y croit et on y pratique le séparatisme.
Le directeur de Stanislas affirme obéir à une « double légitimité », faisant prévaloir celle de l'Église catholique sur celle de la République. Son établissement a instauré un système de contournement de la règle commune permettant à une poignée de ses élèves bien nés d'échapper à Parcoursup.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le Premier ministre, en décembre dernier, obéissant à la consigne du gouvernement, le préfet du Nord prononçait la rupture du contrat d'association entre l'État et le lycée Averroès au prétexte qu'il aurait dispensé des « enseignements contraires aux valeurs de la République ».
En toute logique, sur la base des mêmes griefs, le collège Stanislas devrait à son tour voir son contrat d'association rompu.
Mêmes mouvements.
Dans le cas contraire, chacun constaterait que les enfants de puissants sont protégés, tandis que les enfants de misérables sont maltraités, que la sévérité frappe le lycée musulman quand le silence protège le collège catholique.
Mêmes mouvements.
Monsieur le Premier ministre, sommes-nous en république ? La loi est-elle la même pour tous ? Quand allez-vous casser le contrat d'association avec le collège séparatiste Stanislas ?
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – M. Benjamin Lucas applaudit aussi.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Suite à l'envoi du rapport concernant l'établissement Stanislas, le 2 août 2023, plusieurs recommandations ont été émises.
Des actions ont immédiatement été lancées par Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Le rapport a été transmis aux autorités compétentes, des échanges ont eu lieu entre le rectorat et le directeur diocésain en septembre dernier et à nouveau en janvier.
Plus précisément, au sujet du parent d'élèves qui aurait assuré des séances de catéchèse à titre bénévole et qui aurait tenu des propos inappropriés susceptibles d'être qualifiés pénalement en raison de leur caractère homophobe, Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, a déclenché immédiatement une procédure au titre de l'article 40 du code de la procédure pénale.
En ce qui concerne Parcoursup, les recommandations ont été suivies d'effet car des vérifications et des investigations ont été menées.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est la ministre elle-même qui mène des investigations quand elle va chercher ses enfants !
Des rappels ont été adressés aux personnes concernées. La ministre de l'éducation nationale et la ministre de l'enseignement supérieur sont attentives à cette question.
Vous parlez de valeurs républicaines et de la capacité à faire république, mais en réalité, votre problème n'est pas le collège Stanislas : vous n'aimez pas l'école privée dans sa globalité.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La ministre de l'éducation nationale n'aime pas l'école publique, c'est un problème !
Vous n'aimez pas les Françaises et les Français qui ont choisi d'inscrire leurs enfants dans une école privée.
Vous faites une différence entre les enfants, selon qu'ils sont scolarisés dans un établissement public ou dans un établissement privé, alors que nous devrions être unis pour travailler à l'excellence, pour nos enfants et pour notre république.
Enfin, vous nous donnez des leçons au sujet de la République ; commencez par les appliquer. Vous portez l'écharpe tricolore, appelez à respecter les règles votées dans cet hémicycle.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame la ministre de la santé, en juillet dernier, dans cet hémicycle, nous avions alerté votre prédécesseur car 20 000 praticiens à diplôme hors Union européenne, les Padhue, concourraient pour exercer la médecine en France.
Votre administration avait alors décrété qu'on retiendrait seulement 2 700 candidats sur 20 000. Pourquoi ce chiffre ? Personne n'a jamais compris. Nous avons besoin de médecins ; avouez qu'en limiter aussi arbitrairement le nombre est assez absurde.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous vous avions dit de ne pas en prendre 2 700 mais de retenir tous ceux qui ont le niveau, autrement dit de créer un examen et non un concours. M. François Braun a ignoré notre proposition ; le concours a eu lieu, et la catastrophe annoncée n'a pas tardé. Vous avez donc dû prendre hier, dans la précipitation, des mesures de rustine, qui ne règlent rien au fond, car le concours des Padhue reste totalement inadapté.
Je vous pose de nouveau la question que j'ai posée à M. Braun : allez-vous transformer le concours de Padhue en examen, afin d'admettre tous les médecins qui ont le niveau et de les affecter là où nous en avons besoin ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Vous avez évoqué les praticiens qui travaillent dans notre système de soins et dont la présence est importante. C'est la raison pour laquelle, conformément à ce qu'a affirmé le Président de la République lors de la conférence de presse du 16 janvier dernier, il était important de répondre aux attentes de ceux qui travaillent dans les hôpitaux. C'est le sens du décret publié hier,…
…qui fait suite aux épreuves de vérification des compétences qui ont eu lieu en 2023 et qui a permis de clarifier la situation de 2 700 praticiens.
Dès lors qu'ils ont réussi ces épreuves et qu'ils exercent actuellement en France, ils peuvent conserver leur poste. D'ailleurs, depuis que je suis entrée au Gouvernement, nombreux sont les députés qui m'ont alertée au sujet de la nécessité de trouver des réponses pour ceux qui contribuent déjà à notre offre de soins.
Ensuite, il y a aussi le cas de ceux qui sont actuellement hors de France mais qui ont réussi ces épreuves. D'ici la fin du premier trimestre, ils pourront venir exercer dans notre pays.
Le troisième cas est celui de celles et ceux qui ont raté ces épreuves en 2023 et qui préparent celles qui auront lieu en 2024.
Elle est bien, la directrice de l'ARS ; si vous pouviez envoyer la ministre, ce serait mieux !
Nous continuons de travailler sur deux sujets : la situation des Padhue qui continuent à exercer à l'hôpital en 2024 et la validation des épreuves. En tout cas, 2 700 d'entre eux ont reçu une réponse concrète.
Je ne doute pas que nos concitoyens qui attendent des médecins de proximité ont déjà ainsi une part de la réponse à leurs attentes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame la ministre, vous n'avez pas répondu à la question que je vous posais sur la transformation du concours en examen.
Pour augmenter le nombre de médecins, doublez le numerus clausus, abolissez l'oral à la fin de la première année, garantissez le Smic aux externes,…
…encouragez le cumul emploi-retraite des médecins et appliquez toutes les mesures que nous avons votées dans la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation présentée par Yannick Neuder.
Mais c'est toujours pareil, madame la ministre : soit vous ignorez nos propositions, soit vous les confisquez sans reconnaître qu'elles viennent de nous – c'est la stratégie du coucou, vous savez, cet oiseau qui prend le nid d'un autre
M. Maxime Minot imite le chant du coucou
L'affaire des Padhue révèle un problème de méthode. Vous n'écoutez jamais les propositions des oppositions. Acceptez cette idée extravagante que d'autres que vous puissent avoir des idées intelligentes. Nous comptons sur vous : ne soyez pas la ministre d'un seul camp, mais écoutez le Parlement, tout le Parlement, et pas seulement vos amis.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous le savez, le drame de notre pays, c'est le manque de médecins.
Vous en connaissez comme moi l'origine, à savoir le numerus clausus. Or c'est cette majorité qui a eu le courage d'aller vers le numerus apertus.
M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit en se tournant vers M. Philippe Juvin.
Travaillons ensemble afin d'avancer.
Depuis hier, les bateaux de pêche de la façade atlantique sont à quai en application de la décision du Conseil d'État qui interdit la pêche dans le golfe de Gascogne pendant un mois.
Cette décision fait suite à une saisine de quatre associations environnementales visant à réduire les captures accidentelles de petits cétacés. Cette interdiction est un véritable coup de massue porté à nos pêcheurs, qui avaient engagé de lourds investissements, afin d'acheter des caméras ou d'instaurer des dispositifs d'effarouchement, par exemple, conformément au plan d'action pour une pêche durable élaboré par le Gouvernement et les professionnels et qui vise à faire advenir une pêche plus responsable.
J'étais aux côtés des pêcheurs artisans lorientais de ma circonscription dès le 26 décembre. Les députés Stéphane Buchou, Didier Le Gac, Liliana Tanguy et bien d'autres sont mobilisés.
La décision du Conseil d'État vient anéantir tous les efforts entrepris, alors même que la filière souffre depuis de nombreuses années de crises successives telles que le Brexit ou la hausse du gazole en conséquence de la guerre en Ukraine.
Si les pêcheurs ont toujours fait face et continuent de le faire, cette dernière décision remet cependant en cause leur savoir-faire séculaire en opposant écologie et économie, alors même que nous leur devons notre souveraineté alimentaire et que ces objectifs doivent être complémentaires.
Cette décision affecte plus de 450 navires de pêche dans le golfe de Gascogne. L'ensemble de la filière de pêche de la façade atlantique est menacé. Dans la seule circonscription de Lorient, 3 000 emplois sont concernés.
Monsieur le Premier ministre, comment rassurer nos pêcheurs, comment les accompagner dans cette nouvelle crise ? Ils ont toujours fait preuve d'un savoir-faire remarquable, indispensable à notre économie. Nous leur devons notre soutien. Alors que l'année 2024 est celle de la mer, ne devons-nous pas réarmer notre filière pêche et faire de la France une puissante nation maritime ?
C'est l'élue qui vous parle, mais aussi la fille et petite-fille de marins-pêcheurs groisillons qui a à cœur de sauver la filière pêche.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.
La pêche joue un rôle majeur pour la souveraineté de la France et la richesse de notre pays ; nous pouvons en être fiers sur la scène internationale. La filière pêche française est puissante et d'une très grande qualité.
Les pêcheurs font preuve d'une grande expertise, surtout, ils sont passionnés par leur métier. À l'occasion des assises de l'économie de la mer en décembre dernier, le Président de la République lui-même s'est engagé en prenant des mesures fortes. Un nouveau contrat stratégique de filière a été signé pour renouveler les flottes. Nous nous sommes engagés à consacrer 750 millions d'euros dans les années à venir à renouveler les flottes, à renforcer l'attractivité de ce métier et notre compétitivité.
Ensuite, je veux rappeler que le Gouvernement et la majorité ont été aux côtés des pêcheurs dans toutes les tempêtes des dernières années : au moment du Brexit,…
…puis du covid, ou des crises liées à l'inflation de l'énergie après la guerre en Ukraine. Au total, 350 millions d'euros ont été engagés pour soutenir la filière pêche pendant ces crises.
Vous me permettrez de rendre hommage au travail d'Hervé Berville, particulièrement mobilisé en sa qualité de secrétaire d'État à la mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous l'avez dit, après la décision du Conseil d'État, les pêcheurs affrontent une nouvelle tempête.
Oui, nous serons à leurs côtés ; nous avons déjà annoncé plusieurs mesures pour les soutenir. D'abord, une mesure d'équité et de cohérence : nous avons étendu aux navires étrangers la décision du Conseil d'État qui ne s'appliquait qu'aux navires français.
Nous ferons respecter cette décision : les navires étrangers ne pourront pas pêcher là où les navires français ne le peuvent pas.
Deuxième mesure, des indemnisations importantes pour la filière. Les mesures notifiées à la Commission européenne prévoient une indemnisation des pêcheurs de l'ordre de 80 à 85 % de leur chiffre d'affaires ; un soutien au mareyage, la filière en aval, de l'ordre de 75 % de la perte d'excédent brut d'exploitation ; et la possibilité de recourir au chômage partiel pour les ports, les criées et les mareyeurs. Enfin, pour soutenir la trésorerie, nous ferons en sorte que les dossiers de demande d'aide soient traités rapidement, et nous mobiliserons le secteur bancaire.
Je suis conscient que nos pêcheurs – comme nos agriculteurs – font partie de tous ces Français qui n'ont pas envie de survivre avec des aides. Ils veulent vivre de leur travail.
Nous sommes au rendez-vous pour les accompagner pendant ces coups durs, pour les soutenir financièrement. Pourtant, ils ne se lèvent pas le matin pour aller chercher les aides ; ils se lèvent le matin pour travailler, pour vivre leur passion.
Nous devons faire en sorte, aussi vite que possible, qu'ils puissent reprendre la mer sur leur navire, pour aller faire leur travail et vivre leur passion. Nous serons à leurs côtés pour les accompagner.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Situation des pêcheurs
Ma question s'adresse par défaut à monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire…
…puisqu'à ce jour, nous n'avons ni ministre ni secrétaire d'État chargé de la mer.
À l'agonie de nos agriculteurs répond désormais celle de nos pêcheurs. Dans le golfe de Gascogne, 450 navires, interdits d'activité, resteront à quai pendant un mois. Il s'agit d'une victoire des associations dites écolos – surtout antipêche ! – qui qualifient les chalutiers d'abattoirs flottants. Rester à quai, voilà la hantise de nos marins français, persécutés par la multiplication des normes et des politiques iniques de l'Union européenne que vous soutenez.
Au nom de l'écologie punitive et de la décroissance, c'est toute une filière qui est en train d'être assassinée. Dans ma circonscription, au Grau-du-Roi, deuxième port de pêche méditerranéen, le nombre de chalutiers a chuté de trente-cinq à quinze en l'espace de trente ans. Sur cette même période, la flotte de pêche française a perdu la moitié de ses navires.
Au motif de vouloir préserver la ressource halieutique, la France, qui est pourtant dotée de trois façades maritimes exceptionnelles et de la deuxième zone économique exclusive du monde, importe désormais deux tiers de ses produits de la mer. Quelle hypocrisie !
L'étau se resserre sur ceux qui ont consacré leur vie à l'un des métiers les plus importants qui soient : celui de nourrir la population. Essentiels à notre souveraineté alimentaire, exerçant dans des conditions parfois très difficiles, les pêcheurs se voient dicter une politique commune décidée à Bruxelles et totalement déconnectée des spécificités du modèle français.
Système de quotas hasardeux, concurrence déloyale, réduction du nombre de jours de sortie en mer, développement anarchique de l'éolien offshore, explosion du coût du gazole : voilà pourquoi les pêcheurs sont de plus en plus nombreux à vouloir quitter le navire, si vous me passez l'expression.
La colère monte ; elle est légitime. Allez-vous laisser disparaître notre filière de pêche française ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sourires.
Monsieur le député, vous pouvez utiliser tous les mots que vous voulez, charger l'Union européenne de tous les maux ; mais la réalité, c'est que l'événement qui a le plus mis en danger nos pêcheurs ces dernières années, c'est le Brexit, et que les premiers soutiens du Brexit, c'était vous,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Dans les quelques communes que dirigent les élus du Rassemblement national, des rues du Brexit ont même été inaugurées. C'est dire à quel point vous soutenez ce qui était la plus grande mise en danger de nos pêcheurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Dans ce contexte, si nous sommes parvenus à un accord qui sauve nos pêcheurs en les protégeant et en leur permettant de travailler, ce n'est certainement pas grâce à vous ; c'est grâce à tout le travail engagé par la majorité, le Gouvernement et, à l'époque, Michel Barnier.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Vous évoquez les risques auxquels sont confrontés nos pêcheurs ; or, quand ils ont rencontré de grandes difficultés en raison de la hausse du prix du carburant ou du Brexit, on n'a jamais entendu les élus du Rassemblement national prendre la parole pour les défendre, que ce soit au Parlement européen ou ici.
Mme Caroline Parmentier s'exclame.
Dans le cadre de la crise du carburant, un dispositif de soutien aux pêcheurs a été prolongé à cinq reprises et 80 millions d'euros ont été investis. À l'époque, on ne vous a pas entendus les défendre et réclamer ce soutien.
Aujourd'hui, les pêcheurs sont très inquiets en raison de cette décision qui, afin d'éviter la capture de cétacés, empêche 450 navires de sortir du golfe de Gascogne. Comme nous l'avons toujours été pendant les tempêtes, nous sommes au rendez-vous de l'accompagnement et du soutien – l'État indemnisera les pêcheurs, je l'ai rappelé.
Encore une fois, je suis parfaitement conscient que les pêcheurs n'attendent pas des aides ; ils attendent de pouvoir travailler. Nous sommes mobilisés pour leur permettre de reprendre la mer le plus vite possible.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Plus de deux mois et demi après les premières inondations dans le Pas-de-Calais, de nombreux concitoyens sont encore les pieds dans l'eau : de nombreux résidents ont perdu leur maison, et les solutions de relogement ne sont pas toujours adaptées ; de nombreuses entreprises peinent à retrouver leur activité ou sont définitivement perdues ; de nombreux habitants, commerçants ou artisans sont encore en attente d'une prise en charge par leur assurance ; nos agriculteurs vivent des moments particulièrement difficiles, sans véritable solution pour assurer la reprise du travail, alors que l'hiver sera encore long. Sur le terrain, au quotidien, je partage leur désarroi.
Ce quotidien est aussi marqué par de nombreuses visites ministérielles, et je remercie les membres du Gouvernement qui ont pris la mesure de la situation – comme vous, monsieur le Premier ministre, lors de votre premier déplacement, le jour même de votre nomination.
De nombreuses annonces ont été faites et des solutions d'urgence sont recherchées. Pourtant, nous sommes encore loin du bout du tunnel ; trop de sujets restent en suspens, et la détresse a fait place à la colère.
Aujourd'hui, nous devons faire face, en ayant foi en la résilience, la solidarité et la ténacité des habitants du Pas-de-Calais. Comme ces derniers me le disaient encore ce dimanche lors d'une réunion à Montreuil-sur-Mer, ils souhaitent s'engager, participer et donner leur avis sur l'avenir de leur territoire. Ils ne veulent pas être seulement les victimes de ce cataclysme ; ils veulent être pleinement acteurs afin que cela ne se reproduise plus, ici comme ailleurs.
Les élus locaux, dont je salue l'action exemplaire et dévouée, veulent également pouvoir agir, mais avec les mains libres, forts de leur expérience et de leur connaissance fine du territoire. Tout cela ne pourra se faire qu'à hauteur d'homme, au sein de comités locaux regroupant les citoyens, les élus et tous les organismes concernés. Les habitants connaissent leur territoire ; les élus locaux connaissent leur territoire : faisons-leur confiance, libérons les énergies et simplifions encore et toujours les démarches administratives qui entravent notre action collective.
Face à cette catastrophe hors normes, je lance un appel de détresse. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous rappeler les actions engagées par le Gouvernement ? Que comptez-vous faire pour l'avenir ?
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Je vous remercie de votre question, qui rappelle l'importance de rester mobilisés et de ne pas oublier ces habitants durement touchés. Ils font preuve d'une résilience et d'une ténacité remarquables. Je sais qu'une fois retourné dans votre territoire, vous pourrez leur faire part de ces paroles.
En ce moment, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui me demande de le représenter, est précisément à leurs côtés dans le cadre du premier comité interministériel de suivi de la situation des sinistrés. Cette réunion sera l'occasion de répondre aux attentes fortes – et légitimes – des habitants et des élus locaux, concernant aussi bien la simplification des procédures que le financement de la lutte contre les inondations.
S'agissant du financement, le Président de la République a assuré son soutien plein et entier aux habitants durement touchés. Un fonds de soutien de 50 millions d'euros a été immédiatement déployé. Le Premier ministre en a précisé les contours lors de son premier déplacement en tant que Premier ministre – c'était le 9 janvier. Ce fonds de 50 millions d'euros s'ajoute aux moyens déjà engagés par l'État.
Quant au versement des aides, 93 % des sinistrés ont déjà bénéficié d'une expertise, et 15 000 acomptes ont déjà été versés par les assureurs. Le Gouvernement étudie également des mécanismes supplémentaires afin de répondre plus précisément aux besoins des artisans et des commerçants.
Vous l'avez souligné, 281 communes ont déjà fait l'objet d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Un deuxième décret actualisera le premier en fin de semaine. Par ailleurs, le Gouvernement est pleinement mobilisé, et en premier lieu, le Premier ministre lui-même qui, chaque semaine, s'assure que l'ensemble des actions engagées sont bien conduites. Comme il s'y est engagé le 9 janvier dernier, il se rendra à nouveau, au début du mois février, dans ces territoires sinistrés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, vous promettiez une augmentation du prix de l'électricité inférieure à 10 % ; parole tenue, vous assénez 9,8 %. Chers pauvres, vous avez sauté 100 repas en 2023 ; grâce à la bienveillance de Bercy, vous en sauterez 109,8 au lieu de 110 en 2024. Mon bon prince, les pauvres vous remercient.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En Charente, des parents isolés – très souvent des mamans – doivent choisir entre payer la facture d'électricité ou payer la cantine ; in fine, les gosses ne mangent plus à leur faim. Vous disiez : « Vive la concurrence qui fait baisser les prix » ; ils n'ont jamais été aussi hauts, et ce n'est pas fini.
Quant aux prix de vente basés sur une centrale au gaz et totalement déconnectés des prix de production, mais qui permettent de gaver les énergéticiens européens comme jamais, vos services sont-ils au courant que l'explosion des prix de l'énergie lamine les forces vives du pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Le Maire, quelque chose en France ne tourne pas rond : la sortie des tarifs réglementés, c'est vous ; les boulangeries qui ferment, c'est vous ; les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) en difficulté, c'est encore vous ; les communes qui rognent sur le social, c'est toujours vous ; l'explosion de la pauvreté dans le pays, ça se sait que c'est vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Jusqu'où allez-vous affamer et tondre la population pour que les Arnault, Bettencourt, Mulliez et Pouyanné, les quarante-trois milliardaires qui ont doublé leur fortune en dix ans, soient protégés ? Renoncer à cette hausse de 10 % du prix de l'électricité est une décision politique : celle d'être au service du peuple et non de quelques-uns.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ma question est simple : allez-vous renoncer à votre hausse d'impôts et trouver l'argent ailleurs, en taxant les superprofits des énergéticiens, par exemple ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Ce qui, décidément, ne tourne pas rond en France, c'est la NUPES. Quelle incohérence dans vos propos ! Vous nous dites qu'il faut protéger le pouvoir d'achat de nos compatriotes contre la flambée des prix de l'électricité ; je ne peux pas être plus d'accord. Toutefois, il y avait le bouclier tarifaire sur l'électricité, instrument formidable qu'aucun autre pays européen n'a adopté, qui a représenté au total 44 milliards d'euros de dépenses publiques pour protéger tous les Français contre l'explosion des prix de l'électricité. Vous avez voté contre !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour protéger le pouvoir d'achat de nos compatriotes, il fallait revaloriser les minima sociaux et les indexer sur l'inflation ; vous avez voté contre. Pour protéger le pouvoir d'achat de nos compatriotes, il fallait revaloriser les retraites, notamment les retraites minimales ; nous l'avons fait, et vous avez voté contre.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour protéger le pouvoir d'achat de ceux qui travaillent, il fallait indexer le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation ; nous l'avons fait, et vous avez voté contre. Tout ce qui protège le pouvoir d'achat des Français, vous avez voté contre !
« C'est faux ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En revanche, vous avez proposé de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires, qui rapportent des centaines d'euros aux ouvriers, aux salariés et aux employés qui décident de travailler davantage. Dans le fond, votre conception de la France est très simple : toujours plus de taxes, d'impôts et de redistribution, mais toujours moins de rémunération du travail et de récompenses pour ceux qui travaillent.
Nous avons exactement la vision inverse : nous, nous récompensons ceux qui travaillent, ceux qui ont un emploi, ceux qui sont salariés et ceux qui font vivre la nation.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Votre politique économique est tellement bonne qu'un tiers des Français sautent un repas !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Naïma Moutchou.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 123 portant article additionnel après l'article 8.
La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour soutenir l'amendement n° 123 .
Il vise à systématiser l'interdiction, pour les marchands de sommeil, d'acheter un bien immobilier. Une seule limitation est actuellement imposée aux personnes condamnées, elle concerne la participation à une vente de biens aux enchères. Ce n'est pas satisfaisant. Pour lutter efficacement contre les marchands de sommeil, empêcher qu'ils pèsent de plus en plus au sein des assemblées de copropriétaires et, ainsi, faire reculer l'habitat indigne, il est indispensable de les empêcher, dès lors qu'ils sont condamnés, d'acquérir un bien immobilier destiné à un autre usage qu'à leur occupation personnelle.
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Je comprends l'intention qui motive cet amendement : nous sommes tous favorables à un durcissement de la législation pour lutter contre les marchands de sommeil, qui exploitent la misère humaine. Néanmoins, non seulement le caractère systématique de l'interdiction qu'il prévoit méconnaît le principe d'individualisation de la peine, l'un des grands principes généraux du droit pénal, mais en plus, il rappelle le principe de la peine plancher, que certains d'entre vous avaient, en d'autres temps, condamné – c'est surprenant. Du point de vue juridique, votre amendement n'est donc pas solide.
En outre, le juge peut déjà confisquer les biens d'un marchand de sommeil. Par exemple, un marchand de sommeil de Saint-Maur-des-Fossés a été condamné par le tribunal à trente mois d'emprisonnement avec mandat de dépôt de six mois délivré à la barre, deux ans de sursis probatoire, une amende de 30 000 euros, la confiscation du bien concerné et l'interdiction d'acheter un bien immobilier à usage d'habitation pendant dix ans. Les magistrats disposent donc déjà d'outils pour condamner les marchands de sommeil.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, pour donner l'avis du Gouvernement.
Permettez-moi d'excuser M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui s'est rendu dans le Pas-de-Calais et m'a donc demandé de le remplacer cet après-midi.
Comme l'a indiqué le rapporteur, cet amendement méconnaît le principe constitutionnel d'individualisation des peines. En outre, aux termes de l'article 225-26 du code pénal, le juge est déjà tenu de prononcer la confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction de soumission d'une personne vulnérable à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine, toute décision contraire devant être spécialement motivée. Or, pour les raisons constitutionnelles déjà mentionnées, il n'est pas possible d'aller plus loin. J'émets donc un avis défavorable.
L'amendement n° 123 n'est pas adopté.
La parole est à M. William Martinet, pour soutenir l'amendement n° 125 .
Alors que l'amendement de ma collègue visait à empêcher les marchands de sommeil d'acheter des biens immobiliers, le mien tend à confisquer systématiquement les biens des personnes qui seraient condamnées à ce titre. Il va donc dans le même sens.
J'entends les arguments du rapporteur et de la ministre déléguée, qui jugent ces sanctions excessives et leur systématisation trop radicale, mais la réalité, c'est qu'il existe dans le pays de nombreux propriétaires qui tirent des profits tout à fait déraisonnables de la location de logements insalubres, et que la justice a beaucoup de mal à faire reconnaître cette activité : aujourd'hui, pour être condamné comme marchand de sommeil, il faut vraiment faire commerce de la pauvreté et de la misère. Les marchands de sommeil sont constitués en réseau, ils sont implantés dans un territoire : il ne me paraît donc pas déraisonnable de prévoir des sanctions sérieuses, afin que la justice puisse empêcher réellement ceux qui seraient pris sur le fait et condamnés de continuer leur trafic.
Habituellement, le Gouvernement n'hésite pas à montrer ses muscles et à y aller franco dans le renforcement des peines pour lutter contre certaines formes de délinquance ; je constate qu'il est beaucoup plus réticent lorsqu'il s'agit d'être ferme face à la délinquance en col blanc …
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RE
…– car c'est bien de cela qu'il s'agit.
Soyons sévères aussi avec les marchands de sommeil, car les gens qui vivent dans la pauvreté souffrent de leurs activités.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Avis défavorable. Mêmes causes, mêmes effets : la systématisation de la peine complémentaire de confiscation des biens contrevient aux principes que j'ai rappelés il y a un instant. Comme je l'ai dit hier lors de la discussion générale, évitons, monsieur Martinet, de tomber dans des postures politiciennes. La question de l'habitat dégradé nous concerne tous. Beaucoup d'entre nous, en tant qu'élus locaux, y avons été confrontés et avons dû prendre des arrêtés de péril ou d'insalubrité. Je ne voudrais pas que vous fassiez croire qu'il y a, dans cet hémicycle, ceux qui comprennent la misère et ceux qui ne la comprennent pas.
Vouloir rejouer la lutte des classes sur un tel sujet me paraît tout à fait inadapté. Au contraire, notre rôle est de dépasser les postures politiciennes…
…pour être efficaces et produire une loi pleinement opérationnelle. Je vous rappelle que ce texte revoit le quantum de peine, afin de condamner plus lourdement les marchands de sommeil. Mais nous sommes aussi les garants des grands principes républicains et l'individualisation de la peine compte parmi ces principes qui nous guident.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que l'amendement précédent.
Depuis le début de l'examen de ce projet de loi, l'attitude du groupe La France insoumise est constructive. Nous avons voté en faveur de la plupart des articles du texte, car quelles que soient ses limites, il comporte des mesures techniques utiles dans la lutte contre le logement insalubre.
Néanmoins, ayons l'honnêteté de dire une chose : si le combat contre les marchands de sommeil est aussi peu avancé dans notre pays et si, en 2024, il faut encore, face à l'énormité du phénomène, en débattre, c'est qu'il existe encore, au sein même de cette assemblée, des résistances motivées par la défense du sacro-saint droit de propriété et des réticences à s'attaquer à la délinquance des multipropriétaires. Texte après texte, on nous a répété : n'y allons pas trop fort, allons-y doucement… On nous a rappelé les grands principes constitutionnels et républicains, mais je ne peux m'empêcher de rappeler que lors de l'examen de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, ces rappels aux grands principes n'existaient pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est sur des sujets tels que celui-ci que vous freinez des quatre fers. Nous sommes de ceux qui vous poussent à avancer. Comme vous, nous connaissons les souffrances causées par les marchands de sommeil mais nous sommes moins hésitants quand il s'agit de mener le combat avec force et fermeté !
Mêmes mouvements.
La parole est à M. Guillaume Vuilletet, rapporteur de la commission des affaires économiques.
En 2018, dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi Elan), nous avons voté – M. Stéphane Peu était là – la peine complémentaire automatique de confiscation des biens. Désormais, le juge doit motiver sa décision s'il ne la prononce pas ; la confiscation est devenue la procédure normale. Mon collègue rapporteur a été très clair en évoquant les motifs constitutionnels qui nous empêchent d'aller plus loin.
Votre argumentation repose au fond sur un procès d'intention, selon lequel la majorité serait en arrière de la main : ce n'est pas vrai. Nous tentons, dans ce texte, de définir ce qui constitue le délit de marchand de sommeil – ce qui n'est pas chose facile – de faire appliquer des règles durcies et d'accompagner la justice dans la définition des délits afin que ceux-ci soient constitués. Alors, évitons les procès d'intention !
L'amendement n° 125 n'est pas adopté.
Nous nous réjouissons de l'adoption, hier soir, de notre amendement visant à confisquer les indemnités versées aux marchands de sommeil en cas de condamnation dans le cadre de la procédure d'expropriation. C'est un progrès et nous voulons aller plus loin. Le succès des outils que le projet de loi crée ou renforce dépend de la capacité des collectivités territoriales à identifier les situations d'habitat insalubres, à les évaluer et à appliquer les procédures adaptées. Faute de moyens, les élus locaux ne pourront pas appliquer ces mesures et le texte ne sera qu'une coquille vide.
Je veux parler notamment de la police municipale ou des inspecteurs de salubrité dont les prérogatives sont limitées. Cet amendement vise à renforcer leurs pouvoirs d'enquête, tout en les plaçant sous le contrôle du procureur ou du juge, sous réserve que le service concerné ait été habilité par l'État.
Cet amendement a déjà fait l'objet d'un débat en commission. J'y répondrai de la même manière aujourd'hui, car la loi n'a pas changé depuis. Votre proposition consiste en fait à donner aux polices municipales un pouvoir d'enquête judiciaire, dont elles ne disposent pas à l'heure actuelle. Le Gouvernement s'est engagé à ouvrir ce débat, qui n'est pas sans lien avec l'efficacité et l'attractivité de la filière des polices municipales. Je salue à ce propos mon collègue Alexandre Vincendet, avec lequel j'ai produit un rapport d'information à ce sujet, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Tant que les polices municipales ne disposeront pas de pouvoir de police judiciaire, votre préconisation sera inopérante. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Votre amendement ne permet pas, en l'état du droit, de renforcer les missions de la police municipale ou des inspecteurs de salubrité. En revanche, il appelle la question de la répartition des compétences respectives des agents municipaux et de la gendarmerie ou de la police nationale. Ce projet de loi ne me semble pas le bon véhicule pour engager ce débat qui peut s'ouvrir par ailleurs. Je vous propose de retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Cet amendement ne propose pas une extension incontrôlée du pouvoir des agents municipaux ; il vise à renforcer leurs capacités d'intervention et d'enquête, sur la base d'arrêtés signés conjointement par le procureur et le maire, qui désignent des agents bien identifiés dans des communes bien identifiées. Le champ de l'amendement est circonscrit à quelques villes candidates et à quelques agents publics dûment mandatés sous le contrôle du procureur de la République. Dans des espaces où se concentrent les marchands de sommeil, cette mesure peut accroître l'efficacité des services de l'État et des communes.
Je vais rebondir sur les propos de mon collègue Royer-Perreaut puisque nous avons produit ensemble le rapport d'information sur l'attractivité et les missions des polices municipales. Le présent amendement méconnaît totalement la décision du Conseil constitutionnel qui avait censuré l'article 1er de la loi de 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, lequel prévoyait de confier aux polices municipales des compétences de police judiciaire. Il faudrait revenir sur cette disposition en incluant dans la loi un contrôle strict du parquet et en trouvant le bon véhicule législatif, mais en l'état du droit et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, cet amendement est totalement inapplicable.
Nos échanges ont été constructifs et j'ai entendu vos arguments. Je souhaite véritablement un engagement sur les bancs des ministres pour que s'amorce rapidement une réflexion relative aux moyens donnés aux polices municipales et aux inspecteurs de salubrité pour appliquer les dispositions votées dans ce texte. Si cette réflexion n'est pas lancée, ce texte sera un coup d'épée dans l'eau. Je retire donc l'amendement mais j'attends du Gouvernement un engagement qui liera le futur ministre délégué au logement.
L'amendement n° 211 est retiré.
Il vise à compléter la liste des personnes habilitées à accéder au bulletin n° 2 du casier judiciaire des personnes morales en l'ouvrant aux notaires.
Je le retire au bénéfice de l'amendement du Gouvernement. Par ailleurs, j'informe M. Echaniz que les négociations entre le Gouvernement, représenté jusqu'alors par la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, et les syndicats des polices municipales avancent. Des annonces devraient être faites dans le courant du premier trimestre. Vous pouvez compter sur moi pour être vigilant sur les engagements qui viennent d'être pris.
Je reprends l'amendement du rapporteur.
Madame la ministre, je ne sais pas si vous cumulerez votre poste de porte-parole avec le portefeuille du logement… En tout cas je vous adresse mes meilleurs vœux et vous souhaite bonne chance, car vous étiez jusqu'à présent très investie sur d'autres sujets. Si tout le Gouvernement se préoccupe désormais du logement, nous n'aurons peut-être pas besoin d'un ministre supplémentaire…
Si j'ai repris l'amendement, c'est qu'il va dans le bon sens. Le Parlement s'engage dans la lutte contre les marchands de sommeil mais les dispositions votées ne sont pas toujours opérantes. Ainsi, il existe un conflit entre le code de la construction et de l'habitation, qui permet au notaire d'intervenir, et le code de procédure pénale, qui ne le permet pas. Avec cet amendement, le notaire aura accès à des éléments qui permettront de mieux lutter contre les marchands de sommeil. C'est l'objectif qui nous rassemble.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement n° 117 .
Il vise à renforcer la lutte contre les marchands de sommeil en créant un fichier national automatisé répertoriant les personnes physiques ou morales dont les impayés de charge de copropriété dépassent un montant fixé par décret.
Ce fichier, géré par le Conseil supérieur du notariat, permettrait d'identifier les marchands de sommeil souhaitant investir dans de nouveaux biens immobiliers, alors même qu'ils refusent d'assumer les charges de copropriété des logements dont ils ont déjà la responsabilité. Il permettrait ainsi aux communes d'éviter la multiplication des habitats indignes.
Défavorable également.
Nos collègues rapporteurs semblent avoir perdu leur voix ! Permettez-moi, madame la ministre, de faire mon mea-culpa, puisque vous n'êtes pas porte-parole du Gouvernement, comme je l'ai dit à l'instant, mais ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement. Il vous faut donc boucher les trous lorsqu'il n'y a personne !
Protestations sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des commissions.
La création, par le Conseil supérieur du notariat, d'un fichier national automatisé soulève quelques questions. En effet, les informations visées par ce fichier, relatives aux situations d'impayés notamment, sont détenues par les syndics mais ne sont pas communiquées aux notaires, qui n'y ont pas accès. Certes, ces données pourraient être transmises à l'occasion de la mutation de lots de copropriété, mais elles risqueraient de ne l'être qu'imparfaitement et de se révéler difficilement exploitables.
Cette disposition pose également la question de la confidentialité des données : l'existence d'impayés est une information à caractère personnel.
Enfin, le fait d'être débiteur d'impayés de charges de copropriété ne saurait seul conduire à la qualification de marchand de sommeil. S'il faut, bien sûr, lutter contre ce délit, toute personne qui serait, à un moment donné, en situation d'impayés ne doit pas forcément être considérée comme l'ayant commis. C'est pourquoi, en l'état, nous ne pouvons pas soutenir un tel amendement.
Je rejoins l'argumentation de notre collègue Bazin : l'existence d'impayés de charges ne concerne pas seulement des marchands de sommeil, mais également des propriétaires occupants en difficulté. Je comprends l'intention, mais je crains que la cible visée par l'amendement ne soit pas la bonne.
Par ailleurs, l'idée de fichiers destinés à répertorier les impayés m'inquiète. Nous savons bien que les professionnels de l'immobilier exercent un lobbying important afin de créer un fichier des locataires qui seraient en situation d'impayés ; j'ai d'ailleurs cru déceler parfois, de la part de la majorité, une tentation d'y céder.
Si nous acceptions de créer un tel fichier, ce serait la double peine pour les locataires qui se trouvent dans une situation difficile ;…
…ils seraient définitivement écartés du marché locatif et n'arriveraient pas à trouver un logement. C'est pourquoi je suis très prudent lorsqu'il s'agit de créer des fichiers de mauvais payeurs. Je préfère m'opposer à cet amendement.
Je me suis contentée d'émettre un avis défavorable sur cet amendement, sans développer la position du Gouvernement car je pensais que le débat avait déjà eu lieu en commission et qu'il fallait avancer sur d'autres sujets.
Comme l'a très bien expliqué le député Thibault Bazin, même si ce fichier donnait accès à certaines informations, il ne permettrait pas de faire la distinction entre un propriétaire en difficulté financière et un marchand de sommeil. Par ailleurs, il n'empêcherait pas l'achat d'un nouveau bien immobilier. En pratique, son utilité ne paraît pas évidente.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour préciser à M. Echaniz que je ne prends pas d'engagement pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. Christophe Béchu, ou pour le futur ministre du logement ; je m'engage, en revanche, à relayer votre demande.
L'amendement n° 117 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement n° 119 .
Il vise à adapter la législation en vigueur aux spécificités des territoires ultramarins. Les conditions climatiques – ensoleillement, chaleur, fortes pluies, vents de type cyclonique, montée des eaux, érosion des sols et j'en passe –, aggravées par le changement climatique, font que les copropriétés s'y dégradent plus rapidement qu'en France hexagonale.
C'est pourquoi nous proposons que l'ancienneté du bâti de la copropriété justifiant un diagnostic technique global (DTG) et un plan pluriannuel de travaux (PPT) y soit ramenée de quinze ans à dix ans, avec des délais de réalisation et de mise en œuvre encadrés par la loi – respectivement d'un an pour le DTG et de cinq ans pour le PPT. Compte tenu des situations de blocage particulières aux outre-mer, résultant notamment de cas très complexes d'indivision, qui obèrent toute décision, même à la majorité simple, l'initiative serait accordée à un copropriétaire au moins.
En commission, nous avons adopté un dispositif qui vise à rendre obligatoire la réalisation d'un diagnostic de structure des immeubles bâtis, dans des secteurs déterminés par les maires, qui sont les meilleurs connaisseurs des spécificités de leur territoire. Nous leur donnons ainsi la possibilité de définir, dans le cadre de leur politique municipale, les zones dans lesquelles ce diagnostic sera obligatoire. Le dispositif s'applique bien sûr aux territoires ultramarins. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer ; à défaut, ce sera un avis défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 119 est retiré.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 338 .
Il s'agit de déplacer les dispositions de l'article prévues au livre VII du code de la construction et de l'habitation pour les intégrer au livre Ier . En effet, le livre VII ne concerne que les immeubles en copropriété, alors que les dispositions prévues à l'article 8 bis s'appliquent à tous les immeubles bâtis. Par ailleurs, l'amendement vise à compléter le dispositif du diagnostic structurel des immeubles, afin de le rendre plus opérationnel.
Le rapporteur fait preuve d'une grande souplesse par rapport à ce que nous avions voté en commission. En effet, nous avions modifié le texte et renvoyé au plan local d'urbanisme (PLU) la délimitation des secteurs visés – personnellement, j'y étais opposé, estimant préférable que le maire en décide. Vous semblez opérer, avec l'amendement du Gouvernement, une pirouette ; cela mérite quelques précisions.
Vous ne tranchez pas, madame la ministre déléguée, entre le PLU et le maire : il est bien question de la commune dans l'amendement mais il est précisé qu'un décret déterminera les conditions d'application du présent article.
Quel processus permettra de déterminer les zones dans lesquelles le diagnostic de structure sera obligatoire ? Le décret est-il en préparation et quelle est l'intention du Gouvernement ? La décision relèvera-t-elle du maire ou d'une délibération du conseil municipal ? Il faut parfois aller très vite : certaines communes ont connu des désordres structurels qui appelaient une réaction immédiate et la réalisation de diagnostics de structure sur les immeubles concernés. Dans ces conditions, on ne peut pas attendre une délibération du conseil municipal ou l'inscription au PLU ; mieux vaudrait laisser la main aux maires, qui ont le pouvoir de police.
Je crains que l'adoption de l'amendement ne fasse tomber les amendements suivants, le mien inclus.
Vous êtes un peu injuste, cher collègue. L'amendement prévoit que « la commune peut définir des secteurs d'habitat dégradé » et que « les périmètres des secteurs concernés sont indiqués sur un ou plusieurs documents graphiques » – c'est l'un des apports du présent amendement – « annexés au plan local d'urbanisme ou au document d'urbanisme en tenant lieu ou à la carte communale ». Les modalités sont donc très précises.
Permettez-moi de rappeler l'objet du diagnostic structurel, introduit par l'article 8 bis, qui vise à déterminer des périmètres d'habitat dégradé pouvant être affectés par des désordres structurels, par exemple parce qu'il s'agit d'habitats anciens. D'ailleurs, à terme, une grande partie de l'habitat construit dans les années 2000 vieillira, d'autant qu'il a parfois été réalisé selon des règles un peu permissives – dans des visées de défiscalisation notamment – et qu'il s'avère être d'une qualité toute relative. Les dispositions que nous proposons serviront tout particulièrement pour ces secteurs, mais aussi face à d'autres risques, tels que le retrait et le gonflement des argiles.
La commune définira des périmètres – le maire y sera donc pour quelque chose, si je puis dire –, qui seront accompagnés de documents graphiques annexés au PLU. Par ailleurs, l'amendement du Gouvernement apporte une précision tout à fait utile, à savoir l'articulation avec le plan pluriannuel de travaux qui sera progressivement étendu à toutes les copropriétés, en application de la loi « climat et résilience ».
L'article 8 bis, amendé, est adopté.
Je vous informe que sur l'amendement n° 158 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Manuel Bompard, pour soutenir l'amendement n° 158 , portant article additionnel après l'article 8 bis .
Cet amendement du groupe La France insoumise – NUPES propose d'instaurer dans les territoires concernés par l'habitat indigne une sorte de « permis de louer ou de vendre », après réalisation d'un contrôle technique permettant de vérifier le respect de critères de dignité, en particulier l'absence de risque pour la santé ou la sécurité des occupants.
Ainsi, dans les territoires identifiés, il deviendrait obligatoire de faire réaliser un diagnostic de dignité en vue de la vente ou de la location du bien. Ce document attesterait que le bâtiment ou la partie de bâtiment n'est pas défini comme indigne, selon les critères retenus dans la loi. Le diagnostic serait accompagné, le cas échéant, de recommandations destinées à respecter ces critères. Il serait valable dix ans.
Le « permis de louer » existe déjà dans certains territoires. Il s'agit d'étendre le dispositif à l'ensemble du territoire national et l'appliquer aussi à la vente d'un bien. Cela permettrait de lutter efficacement contre la propagation et le maintien de l'habitat indigne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le dispositif que vous proposez est satisfait par le droit existant, qui prévoit que les transactions font l'objet de la présentation d'un dossier de diagnostic technique. J'ajoute qu'un bailleur doit produire aux locataires plusieurs documents, tels que le diagnostic de performance énergétique (DPE), le constat de risque et d'exposition au plomb, l'état de l'installation intérieure de l'électricité et du gaz, l'état des risques – naturels, miniers, technologiques, sismiques, radon – et le diagnostic Bruit.
En commission, à l'article 8, nous avons ajouté à ce dossier la mention des arrêtés d'insalubrité ou de mise en sécurité dont fait l'objet le logement mis en location ou vendu. Enfin, l'article 8 bis, que nous venons d'adopter, crée un diagnostic de structure des immeubles bâtis, qui permet au PLU d'identifier les secteurs dans lesquels la réalisation de celui-ci est rendue obligatoire. Cela me paraît donc répondre à votre amendement.
Pour tout vous dire, je suis favorable à une forme de consolidation de l'ensemble de ces documents, pour qu'une personne qui entre dans un logement ait en main un dossier lui garantissant la qualité de vie à laquelle elle est en droit de prétendre en tant que locataire – ou propriétaire occupant d'ailleurs. En l'état actuel du droit et des dispositions que nous comptons adopter avec ce texte, votre amendement est satisfait. Le chemin est parfois long, mais nous avons fait les premiers pas. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Le Gouvernement accorde beaucoup d'importance à la lutte contre l'habitat indigne et a instauré de nombreuses mesures au cours des sept dernières années. Outre les mesures citées par le rapporteur, l'article 8 bis que l'Assemblée vient d'adopter donne la possibilité aux communes de définir des secteurs au sein desquels le diagnostic de l'immeuble serait obligatoire. Le présent amendement n'apporte donc pas de réelle plus-value. Avis défavorable.
Je note une contradiction dans votre argumentation, monsieur le rapporteur : vous ne pouvez pas tout à la fois estimer que l'amendement est satisfait par le droit existant, donc inutile, et appeler de vos vœux l'inscription dans la loi d'un tel dispositif.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous affirmez que cette proposition n'apporte rien par rapport aux diagnostics existants. Mais ceux-ci ne correspondent pas à la définition de l'habitat indigne donnée par la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
Mêmes mouvements.
Vous évoquez le diagnostic énergétique et l'insalubrité, mais tel n'est pas l'objet de l'amendement. Son apport, madame la ministre, n'est pas marginal : il est essentiel pour empêcher des propriétaires de louer ou de vendre tout ou partie d'un bâtiment correspondant aux critères de l'habitat indigne. Plutôt que d'affirmer qu'elle est inutile, vous devriez entendre notre proposition !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 103
Nombre de suffrages exprimés 85
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 34
Contre 51
L'amendement n° 158 n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Da Silva, pour soutenir l'amendement n° 299 .
Je tenais à présenter cet amendement, même s'il est partiellement satisfait par l'amendement du Gouvernement. Rendre obligatoire la réalisation décennale du DTG pour l'ensemble des immeubles éviterait de recourir à une sectorisation complexe, qui touchera exclusivement les monopropriétés. En effet, pour les copropriétés, le plan pluriannuel de travaux suffira à satisfaire l'obligation de diagnostic. J'alerte le Gouvernement sur les inconvénients de l'amendement adopté et je retire le présent amendement, désormais sans effet.
L'amendement n° 299 est retiré.
Cet amendement, qui reprend la proposition n° 10 du rapport Hanotin-Lutz, vise à assortir le diagnostic technique global de plusieurs obligations. Ainsi, le diagnostic devra être réalisé dans un calendrier cohérent avec le plan pluriannuel de travaux, à moins de priver celui-ci de sa pertinence et d'engendrer des surcoûts pour les copropriétaires. À défaut de réalisation du DTG dans ce délai, et en cas de dégradation apparente de l'immeuble, le maire pourra demander au juge d'ordonner la réalisation d'office du DTG. En l'absence de DTG pour les immeubles achevés depuis plus de vingt ans, le maire pourra refuser toute autorisation d'urbanisme demandée par le syndicat ou un des copropriétaires.
Il s'agit, par cet amendement, d'amplifier la dynamique de réalisation du DTG afin que chaque copropriété ait une meilleure connaissance de l'état de l'immeuble et en prévienne la dégradation. C'est une préoccupation que nous partageons tous.
Défavorable. Vous allez beaucoup plus loin en soumettant la réalisation du diagnostic technique global à des contraintes fortes. Que le maire puisse demander au juge d'ordonner la réalisation du DTG ou qu'en l'absence de DTG, il puisse refuser toute autorisation d'urbanisme est excessif et superfétatoire au regard des obligations existantes, que nous venons par ailleurs de modifier. Prenons garde à ne pas alourdir excessivement les procédures.
Par ailleurs, monsieur Bompard, le document consolidé que j'ai évoqué s'appuierait sur le décret « décence », qui est plus précis et plus détaillé que la définition de l'indignité dans la loi de 1990. Il prévoit notamment de se prémunir contre la présence de rongeurs, que ne visent pas les diagnostics.
Demande de retrait ou avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur.
L'amendement n° 212 n'est pas adopté.
L'article 8 ter est adopté.
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l'amendement n° 213 portant article additionnel après l'article 8 ter, qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Par cet amendement de cohérence, nous souhaitons poursuivre le renforcement des peines encourues par les marchands de sommeil, en tenant compte de la récidive et de la multiplicité des victimes. Nous tirons les conséquences du durcissement prévu à l'article 8 ter et proposons de porter la peine à dix ans de prison et à 300 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise à l'égard de plusieurs personnes. Sans cela, il n'y aurait plus de distinction dans le code pénal.
La parole est à M. Antoine Armand, pour soutenir le sous-amendement n° 353 .
Ce sous-amendement, là encore de cohérence, vise à élargir les dispositions aux cas où l'infraction est commise envers des mineurs ou envers plusieurs personnes, y compris des mineurs – des circonstances aggravantes.
Étant donné que le quantum de peine a été fixé à sept ans, il est important qu'il y ait une gradation et que la peine soit portée à dix ans en cas de circonstance aggravante. Je suis donc favorable à l'amendement. S'agissant du sous-amendement, je n'en perçois pas la plus-value. Avis défavorable.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée pour ce sous-amendement, qui tient compte des travaux en commission – un délit dédié a été créé, avec une peine d'emprisonnement portée à sept ans et une amende fixée à 200 000 euros. Il est favorable à l'amendement, et préférerait qu'il soit ainsi sous-amendé.
Le sous-amendement n° 353 est adopté.
L'amendement n° 213 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour soutenir l'amendement n° 186 rectifié .
Par cet amendement, nous voulons qu'une peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine soit appliquée aux marchands de sommeil condamnés. Le principe d'égale dignité humaine fonde l'obligation de remise d'un logement décent – que ces sinistres individus ne respectent pas.
Lutter contre l'habitat indigne ne semble pas faire partie des priorités du Gouvernement. Cet été, un décret a rendu accessibles à la location des surfaces jusqu'ici considérées comme impropres à l'habitation. Ainsi, un logement présentant une hauteur sous plafond de 1,80 mètre peut désormais être considéré comme habitable. Chers collègues, face à la crise du logement, la dérégulation est la pire des réponses.
Demande de retrait ou avis défavorable. L'amendement est satisfait par le droit existant : le code pénal prévoit déjà la possibilité pour le juge de confisquer les biens des marchands de sommeil. Je vous ai lu plusieurs décisions de tribunaux qui vont dans ce sens et où les peines de confiscation prononcées sont sévères.
Même avis.
L'amendement n° 186 rectifié n'est pas adopté.
Plusieurs collègues ont partagé des expériences vécues. Je défendrai cet amendement en racontant une histoire, celle de ce marchand de sommeil qui, à peine sorti du tribunal où il avait été condamné, a acheté un immeuble dans la même rue… j'ai même vu des individus changer de salle, au tribunal, pour acquérir des immeubles mis aux enchères, en vue de répéter leurs méfaits.
De la même façon que le juge peut, pour un délit routier, prononcer une amende et la suspension, voire l'annulation, du permis de conduire, le juge pourrait, à titre de peine complémentaire, interdire au marchand de sommeil de faire l'acquisition d'un bien immobilier autre que sa résidence principale, et ce pendant quinze ans.
Vous faites référence à des situations très concrètes et tous les élus, ici, peuvent apporter des témoignages semblables. Il est important que des peines complémentaires puissent être prononcées pour durcir les sanctions et éviter ce type de situation. Sagesse.
Même avis. Nous partageons l'objectif de cet amendement, qui porte à quinze ans la durée de l'interdiction. Il serait néanmoins plus cohérent de modifier l'article 225-26 du code pénal, afin que cette mesure s'applique aux personnes physiques et morales.
L'amendement n° 173 est adopté.
L'article 8 quater est adopté.
L'article 9 introduit une obligation d'information des copropriétaires et des occupants lorsqu'un immeuble est concerné par des procédures de lutte contre l'habitat indigne afin de garantir la connaissance des risques et des droits liés à ces procédures.
Il est en effet essentiel de mieux informer les copropriétaires des risques auxquels sont exposés les occupants de ce type de logement. La commission a fait preuve de bon sens en ajoutant l'obligation d'inclure les arrêtés de police spéciale relatifs à la lutte contre l'habitat indigne dans le dossier technique remis à l'acquéreur lors d'une transaction immobilière. Après les incendies de Vaulx-en-Velin de décembre 2022, je ne peux que saluer la volonté d'imposer plus de transparence pour garantir la sécurité des acheteurs et des occupants des logements soumis à des procédures de lutte contre l'habitat indigne.
Nous en venons aux amendements à l'article 9.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement n° 121 .
Dans le droit fil de ce que vient de dire notre collègue, il prévoit qu'une copie de l'information avisant les copropriétaires et occupants que leur logement est concerné par une procédure de lutte contre l'habitat indigne soit obligatoirement transmise par le syndic au parquet près du tribunal judiciaire territorialement compétent.
La commission a considéré qu'une telle disposition aurait des conséquences excessives et qu'elle créerait une charge inutile pour le ministère public, sans que les procédures visant à lutter contre l'habitat insalubre ou dangereux en soit améliorées. L'avis de la commission est donc défavorable mais le retrait de l'amendement pourrait être une solution bienvenue.
Même avis que la commission, pour les mêmes motifs.
Il ne faut certes pas alourdir les procédures, mais il est important de garantir la bonne information des copropriétaires et des occupants. Parfois, les adresses ne sont pas bonnes et si l'on se contente d'afficher l'arrêté dans l'immeuble, il ne sera pas lu par les copropriétaires non occupants. Il arrive même – c'est rare – que ces derniers ne sachent pas qu'ils y détiennent un bien, par laisser-aller ou parce qu'ils ignorent en avoir hérité.
Faute d'information, les procédures risquent de durer, malgré les avancées apportées par ce texte. Comment s'assurer que chacun aura été bien informé ? C'est un défi, auquel la navette permettra peut-être de répondre.
L'article 9 prévoit précisément que le syndic doit informer les copropriétaires et les occupants que leur immeuble fait l'objet d'une procédure de lutte contre l'habitat indigne.
La proposition de Mme Bassire rendrait obligatoire l'information du parquet. Je ne pense pas que cette mesure soit susceptible d'améliorer la situation. C'est pourquoi je confirme mon avis défavorable ou ma demande de retrait.
L'amendement n° 121 n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 339 portant article additionnel après l'article 9.
Cet amendement vise à compléter une disposition qui fixe les conditions dans lesquelles les commissaires de justice – autrefois les « huissiers » – peuvent accéder aux parties communes d'un immeuble, dans le cadre de leur mission de signification et d'exécution. Le Gouvernement propose qu'ils utilisent cette possibilité pour exercer des missions d'affichage, qu'il s'agisse de notifier le non-paiement d'une facture de fluides ou une procédure de lutte contre l'habitat indigne.
L'amendement va dans le bon sens mais il arrive que les occupants et les copropriétaires ne passent pas par les lieux d'affichage. Il faudra profiter de la navette pour compléter ce point.
Mon intervention précédente portait bien sur l'article 9. Dans certains quartiers, l'affichage ne suffira pas à informer les personnes qu'on veut toucher. Je pense qu'il faudrait aller au-delà, y compris en mandatant les commissaires de justice pour notifier la procédure.
L'amendement n° 339 est adopté.
J'ai préparé ces deux amendements avec le maire de Grigny, Philippe Rio, élu « meilleur maire du monde » il y a un an. Sur le territoire de sa commune se déroule l'une des plus grandes opérations de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (Orcod-in), à la cité de la Grande-Borne.
Les Orcod sont de création assez récente et entraînent une dépense publique. Il est donc normal que, au vu de l'expérience, on fasse évoluer un certain nombre de choses. L'amendement n° 175 vise à modifier l'article L. 615-2 du code de la construction et de l'habitation pour que les syndics soient obligés de valider une feuille de route en matière de gestion, notamment en matière de recouvrement, et pour que la signature de cette convention avec le syndic soit un préalable au versement des aides publiques.
Dans la suite logique, l'amendement n° 176 prévoit l'annulation du contrat avec un syndic qui ne satisferait pas à ses obligations, notamment en matière de recouvrement, et n'exercerait pas la mission attendue de lui dans le cadre des plans de sauvegarde. Il ne s'agirait plus seulement du blâme prévu par l'article L. 615-4-2 du code de la construction et de l'habitation. La copropriété serait placée sous mandat d'administrateur judiciaire, de façon à suppléer sans délai le syndic.
L'avis de la commission est défavorable, parce que les termes de l'article L. 615-2 du code de la construction et de l'habitation sont suffisamment prescriptifs. Pour vous en convaincre, je vais vous donner lecture de l'article : « Le plan de sauvegarde fait l'objet d'une convention de mise en œuvre entre les personnes de droit public compétentes, l'administrateur provisoire, si l'immeuble fait l'objet de la procédure prévue aux articles 29-1 et suivants de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, et, le cas échéant, les personnes privées intéressées aux fins, notamment, de préciser l'échéancier de ces mesures ainsi que les conditions de leur financement, les modalités d'intervention des différents opérateurs mandatés par les signataires et leur articulation avec la mission de l'administrateur provisoire. La convention précise également les modalités d'évaluation du plan de sauvegarde ainsi que les modalités de suivi de la copropriété au terme du plan. »
Je comprends que vous souhaitiez être plus prescriptif encore, parce que les enjeux que vous avez évoqués sont réels. Mais à force de trop corseter, on va finir par affaiblir les dispositifs. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.
Après la réponse très complète du rapporteur, je donne le même avis que la commission.
Peut-être n'aurais-je pas dû présenter les deux amendements en même temps…
Sourires.
Je ne trouve pas que l'amendement n° 175 soit si prescriptif. Nous demandons simplement que le versement d'argent public soit lié à une convention. Je considère toujours que l'octroi d'argent public à des acteurs privés doit s'accompagner de contreparties ou, au moins, d'engagements. J'entends bien ce que dit le rapporteur sur la précision du texte actuel, mais cet amendement ne vient pas de nulle part, il a été rédigé à partir d'un cas réel. Pour avoir tiré les leçons de l'expérience, notamment de l'Orcod de Grigny – mais je suppose que c'est valable ailleurs –, il nous paraît nécessaire de demander au syndic de signer une convention, moyennant quoi les aides pourront être allouées. Ainsi, chacun aura sa part de responsabilité et devra rendre des comptes.
La question que vous soulevez est à la fois très simple et très importante. Je ne doute pas un seul instant que votre proposition parte d'une bonne intention et de situations auxquelles vous avez été confronté mais encore faut-il la transcrire dans la loi.
Je réaffirme – mais vous qui êtes un élu expérimenté le savez – que l'article L. 615-2 du code de la construction et de l'habitation comporte bien la notion de convention, que vous appelez de vos vœux, qu'il précise les modalités d'évaluation du plan de sauvegarde ainsi que les modalités de suivi au terme du plan, ce qui implique forcément le syndic, acteur incontournable du dispositif. Peut-être le maire de Grigny et vous-même avez connu une expérience malheureuse ? Je ne pense pas qu'il faille pour autant généraliser et toucher à l'esprit de la loi, telle qu'elle est rédigée.
L'amendement n° 175 n'est pas adopté.
Il vise à sanctionner les syndics qui, dans le cadre d'un plan de sauvegarde, manqueraient à leur obligation de communication des documents et persisteraient après une mise en demeure. Leur contrat serait alors immédiatement annulé et la copropriété placée sous administration judiciaire.
Avis défavorable. L'amendement prévoit que l'absence de communication des documents nécessaires à l'élaboration, à la mise en œuvre et à l'évaluation d'un plan de sauvegarde par un syndic de copropriété entraîne de droit la rupture du contrat le liant au syndicat des copropriétaires. Si on comprend bien l'intention de l'auteur, la mesure, me semble-t-il, aurait des conséquences disproportionnées, même si elle n'a vocation à s'appliquer que dans des hypothèses circonscrites.
La rupture du contrat et le placement sous administration judiciaire obéissent à d'autres motifs que ceux visés par l'amendement. Qui plus est, l'article L. 615-4-2 du code de la construction et de l'habitation dispose déjà que le défaut de communication des documents engage la responsabilité du syndic. Je demande donc le retrait des amendements, sans quoi mon avis sera défavorable.
Nous comprenons l'objectif des deux amendements. Néanmoins, nous considérons que la réponse proposée n'est pas la bonne : elle reviendrait à priver la copropriété de son représentant et à la placer sous administration provisoire alors même que les difficultés ne sont pas encore constatées. D'autre part, une telle mesure ne peut être envisagée sans un contrôle du juge judiciaire, seul habilité à placer une personne physique ou morale sous administration forcée. J'émets donc un avis défavorable.
Nous proposons de compléter la loi du 10 juillet 1965 : aux termes de l'amendement, en cas de faute commise par le syndic ayant entraîné un préjudice pour le syndicat des copropriétaires, le président du conseil syndical serait habilité à déclarer un sinistre auprès de la compagnie d'assurance de responsabilité civile du syndic, afin que le syndicat soit indemnisé. S'il a commis une faute ayant entraîné un préjudice, le syndic va-t-il déclarer le sinistre ? On peut en douter. Il faut donc traiter ce cas.
En commission, monsieur le rapporteur, vous avez rappelé que le président du conseil syndical n'était pas doté de la personnalité juridique et estimé qu'il fallait éviter tout glissement en ce sens – nous n'y sommes pas favorables non plus –, car sa responsabilité pourrait alors être mise en jeu. Il appartient à l'assemblée générale des copropriétaires d'autoriser le syndicat à ester en justice. Toutefois, c'est généralement le syndic qui organise la réunion de l'assemblée générale, et les délais peuvent être longs. Or il est souvent urgent de déclarer le sinistre, d'autant que certaines procédures induisent des délais, pour des raisons internes ou externes, ou suscitent des réactions.
L'amendement vise à combler une véritable lacune. Il est susceptible d'être sous-amendé. La rédaction pourra aussi être modifiée au cours de la navette.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l'amendement n° 41 .
En cas de faute commise par le syndic, aucune personne n'est habilitée à engager la responsabilité de celui-ci. Or il importe que le syndicat puisse être indemnisé par la compagnie d'assurance. L'amendement vise donc à habiliter le président du conseil syndical à déclarer un sinistre. Il a été rédigé avec l'Association des responsables de copropriété (ARC).
À l'évidence, il y a une lacune dans la loi du 10 juillet 1965. Ces amendements identiques visent tout simplement à la combler. Nous ne pouvons pas laisser le conseil syndical démuni lorsque le syndic a commis une faute qui porte préjudice à la copropriété.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 86 .
Sa rédaction n'est pas tout à fait identique à celle des amendements précédents, mais l'esprit est le même : il s'agit de combler le vide juridique qui a été détecté dans la loi du 10 juillet 1965. En l'état du droit, en cas de faute commise par le syndic ayant entraîné un préjudice pour la copropriété, personne ne peut engager la responsabilité du syndic. Grâce à l'amendement, le président du conseil syndical pourrait déclarer le sinistre auprès de la compagnie d'assurance de responsabilité civile du syndic.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
C'est un sujet important et nous voyons bien la situation à laquelle vous faites référence : il est nécessaire de déclarer un sinistre – par exemple un dégât des eaux – auprès de la compagnie d'assurance, mais le syndic n'accomplit pas cette démarche. Dès lors, le président du conseil syndical pourrait se substituer au syndic, afin de gagner de temps. Autrement dit, il saisirait la compagnie d'assurance sans attendre que les éventuels contentieux soient purgés.
Donner une telle possibilité au président du conseil syndical pourrait avoir du sens. Néanmoins, il est nécessaire d'y réfléchir plus avant, à la faveur de la navette, pour plusieurs raisons.
D'abord, l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit qu'en cas de carence ou d'inaction du syndic, le président du conseil syndical peut, sur délégation expresse de l'assemblée générale, exercer une action contre le syndic, en réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires. Cette disposition permet à la copropriété de faire valoir ses droits en cas de défaillance du syndic.
Venons-en aux situations d'urgence, auxquelles vous vous intéressez. Qui peut déclarer un sinistre auprès de la compagnie d'assurance dans ce cas de figure ? Lorsque nous en avons débattu en commission, ma première réaction a été d'évoquer le risque d'une mise en jeu de la responsabilité du président du conseil syndical dans l'hypothèse où nous lui confierions un tel rôle. Rappelons que celui-ci est bénévole et ne dispose pas de la personnalité juridique ; c'est le syndicat de copropriétaires ou le syndic de copropriété qui exerce une responsabilité.
Nous n'avons pas pu progresser à ce sujet depuis la semaine dernière. À ce stade, mon avis est défavorable. Je suis néanmoins conscient du message que vous souhaitez faire passer. Le Parlement doit trouver une solution ; je pense qu'il sera en mesure de le faire au cours de la navette.
Je vais tenter d'être aussi convaincante que le rapporteur. L'avis est défavorable sur l'ensemble des amendements, car leur rédaction nous semble aller trop loin.
Le sujet n'est pas tant la possibilité de déclarer un sinistre auprès de l'assureur du syndic. Cela provoquerait l'indemnisation d'une copropriété pour une faute commise par le syndic…
Mme la ministre déléguée hésite.
Merci.
L'indemnisation par l'assurance du syndic serait automatique, alors même que la responsabilité du syndic ne serait pas démontrée. En principe, cette responsabilité doit être établie par le juge. Les amendements auraient pour effet d'attacher une indemnisation au seul fait que le sinistre a été déclaré et non au fait que le préjudice et le lien de causalité ont été établis par une décision de justice.
Il existe dans notre droit une lacune qu'il convient de combler. Vous en êtes convenu, monsieur le rapporteur, et je vous en remercie. La rédaction que nous proposons n'est peut-être pas opportune. Néanmoins, madame la ministre, je ne pense pas que la déclaration du sinistre emporterait l'obligation d'indemniser. Les membres de votre équipe font des signes de dénégation, et certains sont des juristes plus aguerris que moi, mais j'appelle votre attention sur la rédaction de l'un des amendements : il est écrit « afin que le syndicat puisse être indemnisé », non pas « soit indemnisé ». Il n'y a donc pas de caractère automatique : l'assurance aurait la faculté d'indemniser ou non, après examen de la déclaration de sinistre.
Si l'indemnisation était automatique, certaines collectivités territoriales seraient très heureuses ! Nous savons bien que les choses ne fonctionnent pas de la sorte : il y a des contre-expertises, et il faut parfois saisir la justice pour obtenir une indemnisation, sans garantie de succès.
J'ignore à quelle date le Sénat examinera ce texte, et je crains que notre mémoire ne nous fasse défaut.
Cela n'arrive jamais !
C'est pourquoi je propose que nous adoptions l'un des amendements, pour prendre date, et que le dispositif soit revu à la faveur de la navette. Comme le montrera le procès-verbal établi par la direction des comptes rendus – je la remercie –, nous avons conscience que la rédaction n'est pas parfaite et qu'il convient de la corriger. Je formule cette proposition car je crains que le Sénat ne lise pas les comptes rendus de tous nos débats et, dès lors, ne reprenne pas la présente mesure.
Je prends note des difficultés évoquées par le rapporteur et par la ministre, mais je ne suis pas entièrement convaincu par leurs arguments. Nous avons mis le doigt sur une lacune qu'il faut corriger : en cas de défaillance du syndic – loin de moi l'intention de jeter l'opprobre sur l'ensemble des syndics, mais cela peut arriver –, le conseil syndical est démuni.
Pour la bonne intelligence de nos débats, je précise que les amendements ont été déposés par un grand nombre de groupes politiques. On peut dès lors considérer qu'ils renvoient à des réalités tangibles et qu'ils sont inspirés par le bon sens, lequel devrait prévaloir. Je suis assez séduit par la proposition de notre collègue Thibault Bazin : adoptons l'un des amendements et mettons à profit la navette – ce ne serait pas la première fois – pour améliorer le dispositif et le rendre pertinent.
J'ai bien entendu les explications de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Ils sont conscients qu'il existe une lacune et qu'il faut trouver une solution. Je leur fais confiance pour que tel soit le cas au cours de la navette. La rédaction des amendements n'étant pas satisfaisante du point de vue juridique, je retire mon amendement n° 41 .
Vous le reprenez, monsieur Bazin, bien qu'il soit identique au vôtre…
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut, rapporteur.
Vous avez posé les uns et les autres les termes du débat. Je relis néanmoins le dispositif de la série d'amendements identiques : « En cas de faute commise par le syndic ayant entraîné un préjudice pour le syndicat des copropriétaires, le président du conseil syndical est habilité à déclarer un sinistre auprès de la compagnie d'assurance de responsabilité civile du syndic afin que le syndicat soit indemnisé. »
« Soit indemnisé », et non « puisse être indemnisé » : vous partez donc du postulat que le syndicat doit être indemnisé. Cela suscite une première interrogation.
Une deuxième interrogation découle de l'expression « en cas de faute commise par le syndic ». Qui détermine que le syndic est en faute ? Est-ce le président du conseil syndical, est-ce un copropriétaire ? Ce que vous considérez comme une faute, d'autres pourraient le considérer comme de la négligence ou de l'inaction. En supposant que le président du conseil syndical a l'autorité nécessaire pour intervenir en cas de faute, sans définir qui a la capacité d'établir cette faute, vous créez un nid à contentieux. Je crains que le dispositif tel que vous le présentez, bien que découlant d'une volonté bienveillante et inspiré par des cas précis, soit de ce fait inopérant.
Je me permets d'insister sur le fait que nous sommes ici pour faire la loi. Bien que l'histoire parlementaire soit, comme on dit à Marseille, cafie de lois inopérantes par certains aspects, il est essentiel de faire preuve d'intelligence collective sur un dispositif aussi concret que celui-ci.
Applaudissements sur les bancs des commissions.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 102
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 49
Contre 53
L'amendement n° 86 n'est pas adopté.
Il vise à améliorer et à rendre plus efficace la procédure de recouvrement accéléré des provisions créée par la loi du 10 juillet 1965, laquelle permet l'exigibilité immédiate des provisions de l'exercice en cas d'impayé d'un copropriétaire. C'est un bon dispositif, qui a été renforcé par la loi Elan de 2018. Il a toutefois l'inconvénient d'être limité par la durée de l'exercice comptable. Un rapport parlementaire de 2012, le rapport Braye, proposait de revoir cette limitation dans le temps en préconisant d'étendre la procédure de recouvrement accéléré par anticipation aux provisions du budget voté de l'année n + 1. Cet amendement de cohérence a pour but de rendre effectif un dispositif unanimement salué.
L'amendement a été repoussé par la commission des affaires économiques. La mesure comporte des inconvénients au plan comptable et pourrait créer des situations où l'appel des charges pèserait inutilement sur les copropriétaires. Je rappelle que la loi du 10 juillet 1965 comporte des procédures a priori éprouvées pour assurer le recouvrement des sommes exigibles au titre des charges de copropriété. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 341 du Gouvernement, qui a été adopté, a ouvert au syndic l'accès à la procédure de saisie conservatoire sans autorisation judiciaire préalable pour le recouvrement des impayés. C'est un moyen d'action qui va au-delà de ce que vous proposez. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 214 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement n° 267 , qui fait l'objet d'un sous-amendement du Gouvernement.
Je veux bien défendre mon amendement en même temps que le sous-amendement du Gouvernement, qui me paraît bienveillant.
Sourires.
L'amendement vise à garantir un droit de regard des autorités publiques sur les copropriétés en difficulté à compter du moment où elles ont fait l'objet d'une procédure relevant de l'exercice de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations prévue au titre Ier du livre V du code de la construction et de l'habitation. Le maire, ou le cas échéant le préfet, pourra ainsi participer aux assemblées générales de la copropriété.
Le sous-amendement du Gouvernement prévoit d'y ajouter les intercommunalités. Il prévoit aussi un décret d'application fixant les modalités pratiques de la mesure.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir le sous-amendement n° 364 .
Il vise en effet à ajuster l'amendement n° 267 afin d'inclure toutes les autorités pouvant être amenées à signer des arrêtés de police de lutte contre l'habitat indigne, lesquelles peuvent être, selon les cas, l'État, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Les modalités de cette mesure seront précisées par décret en Conseil d'État.
J'émettrai un avis favorable à l'amendement n° 267 , sous réserve de l'adoption du sous-amendement du Gouvernement.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Nous avons eu ce débat en commission. Est-il nécessaire d'inscrire dans la loi la possibilité qu'a le maire d'une commune d'assister à une assemblée générale de copropriété et d'informer les copropriétaires des dispositions qu'il a pu prendre au titre de son pouvoir de police ? Il est déjà arrivé à certains d'entre nous, lorsqu'ils étaient maires, d'assister à des assemblées générales de copropriété quand des situations d'urgence l'imposaient, sans que cela soit prévu dans la loi.
Ceci étant, nous avons bien pris connaissance des préoccupations qui guident l'amendement. Le Gouvernement a souhaité le sous-amender pour intégrer toutes les autorités exerçant des compétences de police liées au logement, qu'il s'agisse du maire, du président de l'EPCI ou du représentant de l'État.
Je laisse le soin à l'Assemblée de se prononcer sur cet enjeu et j'émets un avis de sagesse sur l'amendement et le sous-amendement.
Le sous-amendement n° 364 est adopté.
L'amendement n° 267 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement n° 230 .
Il vise à améliorer l'information des collectivités locales quant aux travaux réalisés dans les copropriétés en difficulté. Il prévoit ainsi que « lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une procédure relevant de l'exercice de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations […], le syndic adresse au maire de la commune dans laquelle sont situés les immeubles ou les droits réels immobiliers le procès-verbal d'assemblée générale des copropriétaires », pour une meilleure information des autorités compétentes en matière de salubrité.
Nous venons d'adopter un amendement que vous avez présenté, qui permet au maire, à son adjoint ou au représentant de l'EPCI de participer aux assemblées générales de copropriété. Nous pouvons dès lors considérer que celui-ci sera informé des mesures prises par l'assemblée générale. Je comprends que vous souhaitiez rendre le dispositif le plus complet possible, mais il me semble que l'Assemblée a déjà accompli une avancée significative. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'en rester là. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Avis de sagesse.
L'amendement n° 230 est adopté.
Il vise à ajuster la disposition du texte prévoyant d'uniformiser les avis d'appels de fonds envoyés par les syndics en renvoyant à un décret les modalités de fixation du contenu de ces documents.
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir le sous-amendement n° 354 .
L'article 9 bis est issu de nos travaux en commission. Il insiste sur la nécessaire lisibilité des documents fournis par les syndics aux copropriétaires. Sans jeter la pierre à une majorité des syndics, qui respectent la règle et font en sorte que les documents soient compréhensibles par tout un chacun, force est de constater que d'autres, sans faire preuve de malhonnêteté, ont tendance à brouiller les pistes en délivrant des informations parcellaires, à l'exception des cas où la répartition de tantièmes est différente en fonction des charges supportées. Une telle présentation ne permet pas d'apprécier le détail des charges communes ou générales ni de mesurer leur évolution ou leur bien-fondé. Pour garantir une certaine transparence, nous appelons à ce que le décret impose certaines précisions.
Même si son adoption ferait tomber les suivants, je veux dire à quel point je suis d'accord avec l'amendement du Gouvernement. Certes, beaucoup de syndics font des efforts ; il n'en reste pas moins que parfois, la seule chose compréhensible dans un appel de fonds est le montant du chèque à signer. Cela n'aide ni à la transparence, ni à la responsabilisation des copropriétaires. C'est la raison pour laquelle la CLCV – Consommation logement cadre de vie –, avec d'autres associations de consommateurs, demande qu'un cadre uniforme soit fixé par décret pour les appels de fonds.
Il vise à imposer un modèle type d'appel de fonds, défini par arrêté, afin que ces documents soient plus lisibles et plus compréhensibles. Actuellement, reconnaissons-le, les bordereaux d'appels de fonds – qui sont d'ailleurs très hétérogènes – ne sont guère compréhensibles.
Avis défavorable au sous-amendement de M. Echaniz. Il vise à préciser que le contenu du modèle d'appel de fonds « doit être détaillé » ; or une telle précision n'emporte pas véritablement, vous le savez, de conséquences pratiques, et la formalisation du modèle incombera de toute manière au pouvoir réglementaire.
Je suis en revanche favorable à l'amendement du Gouvernement, qui répond d'ailleurs aux objectifs fixés par les amendements n° 174 et 70 .
Avis de sagesse concernant le sous-amendement de M. Echaniz. Comme je l'ai déjà dit, les modalités d'application de l'amendement du Gouvernement seront fixées par décret. Ce que propose le sous-amendement apparaît donc superflu, puisque le décret viendra détailler les éléments qui devront obligatoirement figurer dans les avis d'appels de fonds.
S'agissant des autres amendements, demande de retrait au profit de celui du Gouvernement.
Le sous-amendement n° 354 n'est pas adopté.
Il vise à allonger le délai de convocation d'une assemblée générale appelée à se prononcer sur la résiliation du contrat du syndic de quinze jours à deux mois, pour permettre la désignation d'un nouveau syndic et la négociation de son contrat. Même s'il s'agit d'une urgence, un délai de quinze jours semble trop court pour ne pas agir dans la précipitation ; l'allonger permettrait de faire les choses correctement.
Avis favorable. Nous avons débattu de ce délai de quinze jours lors de nos travaux en commission, la semaine dernière : dans la pratique, il paraît totalement inopérant. Le délai de deux mois proposé par M. Cosson nous semble beaucoup plus pertinent.
L'amendement n° 350 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
En l'état du droit, le conseil syndical peut demander au syndic la tenue d'une assemblée générale pour mettre fin à son contrat dans le cas où il lui reproche une inexécution suffisamment grave. Néanmoins, la loi ne fixe pas de délai pour la convocation de cette assemblée générale, ce qui permet au syndic de faire perdurer la situation.
L'amendement propose de combler ce vide en imposant au syndic de convoquer l'assemblée générale dans les huit jours à compter de la notification du conseil syndical ; à défaut, il donne la possibilité au président du conseil syndical de la convoquer.
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l'amendement n° 142 .
Identique à celui de ma collègue Valentin, il donne la possibilité à un conseil syndical de contraindre le syndic à convoquer une assemblée générale dans un délai de huit jours. Il arrive qu'un syndic se fasse tirer l'oreille pour procéder à une telle convocation, notamment lorsque lui-même est mis en cause par le conseil syndical.
Nous considérons que l'amendement de M. Cosson satisfait ceux qui viennent d'être présentés par Mme Valentin et M. Rolland ; nous émettons donc un avis défavorable.
L'article 9 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l'amendement n° 218 portant article additionnel après l'article 9 bis.
Il a trait aux majorités nécessaires pour adhérer à une union de syndicats de copropriétaires et pour en sortir. D'après la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l'adhésion à une union de syndics est décidée à la majorité absolue des voix des copropriétaires, telle que prévue à l'article 25 de ladite loi, afin de faciliter de telles unions.
En revanche, pour en sortir, c'est la majorité prévue à l'article 26 qui prévaut, c'est-à-dire la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix. Cette différence entre l'adhésion et le retrait ne se justifiant pas, nous proposons d'uniformiser le dispositif et de le rendre plus lisible en soumettant la décision de sortie à la majorité prévue à l'article 25, c'est-à-dire à la majorité absolue des voix. C'est d'autant plus nécessaire s'agissant de copropriétés dégradées, qui doivent faire l'objet d'une rénovation.
Votre amendement, monsieur Echaniz, vise à soumettre la sortie d'une union de syndicats de copropriétaires à la majorité prévue à l'article 25 de la loi précitée. J'ai moi-même déposé un amendement n° 240 qui va un peu – et même beaucoup – dans le sens de ce que vous préconisez, mais qui réserve cette mesure aux copropriétés en difficulté. Il est d'ailleurs identique à un autre de vos amendements, le n° 219.
Lors de mon intervention liminaire, hier, j'ai défendu le principe selon lequel, sur le sujet des copropriétés dégradées, nous devions travailler de façon transpartisane et parvenir à surmonter les oppositions qui se manifestent quelquefois entre nous dans l'hémicycle. Nous avions débattu de cette question en commission, et je m'étais engagé à y retravailler avant l'examen du texte en séance. Dans cet esprit de consensus, je retire mon amendement n° 240 au bénéfice de votre amendement n° 219 et vous demande de faire de même avec l'amendement n° 218 .
L'amendement n° 240 est retiré.
Compte tenu de la position du rapporteur, je demande le retrait de l'amendement n° 218 au profit du 219, qui nous paraît mieux rédigé.
L'amendement n° 218 est retiré.
Oui, pour préciser de quoi il s'agit. Il est similaire au précédent, mais réserve aux copropriétés en difficulté la décision de sortie à la majorité absolue des voix. Je remercie M. le rapporteur d'avoir fait preuve de diplomatie en retirant son amendement au profit de celui déposé par le groupe Socialistes.
L'amendement n° 219 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Lors de nos débats en commission et des auditions que nous avons menées au préalable, nous avons clairement identifié un enjeu relatif à la formation des syndics, notamment sur les sujets ayant trait aux copropriétés dégradées. Il est vrai que les procédures sont complexes. Nos débats en témoignent, les outils sont délicats à manier et on peut comprendre que tous n'aient pas la capacité de bien s'en saisir et de bien les utiliser.
Vous le savez, la profession est déjà soumise à des obligations de formation, notamment en matière de déontologie et sur d'autres sujets ; le présent amendement vise à compléter ce dispositif par des formations spécifiquement consacrées aux problèmes que rencontrent les copropriétés dégradées, afin d'aider les syndics concernés à se saisir des outils qui sont mis à leur disposition.
L'amendement n° 83 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l'amendement n° 193 .
Nous regrettons que le présent article ait été ajouté en commission : il comporte des considérations relatives aux économies d'énergie et à l'émission de gaz à effet de serre, alors que l'objet de ce projet de loi est la résorption – souhaitable – de l'habitat indigne ou dangereux. Un tel ajout nous éloigne de cet objectif, comme nous le craignons depuis que nous avons commencé à examiner le texte.
Tous nos amendements – sachez-le, chers collègues – visent à éviter que la lutte contre l'habitat indigne ou dangereux ne devienne le prétexte à l'expropriation abusive de logements ayant fait l'objet d'un mauvais DPE : ces deux catégories ne doivent pas être confondues. En effet, si tous les logements indignes ou dangereux ont un mauvais DPE, on ne peut affirmer l'inverse :…
…des logements dont le DPE est mauvais ne sont pas nécessairement des logements indignes, dégradés ou dangereux. Nous devons nous prémunir contre cette confusion. Nous ne cessons d'ailleurs d'interpeller le Gouvernement à propos de la faible fiabilité de ces DPE, sur lesquels se fonde pourtant sa politique du logement. Je ne reviendrai que rapidement sur les conclusions des études menées par l'université de Cambridge, par la Cour des comptes et encore récemment par Hello Watt, car je les mentionne à chacune de mes interventions, mais elles déplorent cette faible fiabilité en constatant que 70 % des DPE aboutissent à une note qui ne correspond pas à la réalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Défavorable. Nous en avons débattu en commission et nous en restons à la position qui était alors la nôtre.
Vous évoquez la question des décisions de l'assemblée générale relatives aux travaux d'économies d'énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Traditionnellement, ces travaux sont votés selon les modalités définies à l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, c'est-à-dire à la majorité absolue de l'ensemble des copropriétaires – étant entendu qu'un dispositif dit de passerelle permet, le cas échéant, de procéder à un second vote, cette fois à la majorité prévue à l'article 24, soit à la majorité des personnes présentes, représentées ou s'étant prononcées par correspondance. Le texte adopté en commission vise à appliquer purement et simplement les modalités de vote fixées à l'article 24 aux travaux d'économies d'énergie. Il me semble qu'une telle mesure pourrait créer des difficultés au sein des copropriétés.
Les amendements identiques n° 68 , 228 et 235 tendent à rétablir le dispositif de passerelle, en prévoyant la tenue d'une nouvelle assemblée générale lorsqu'une résolution n'a pas recueilli au moins le tiers des voix des copropriétaires. Cette proposition me semble de nature à faciliter l'adoption de décisions de travaux d'économies d'énergie, tout en écartant le risque que comporterait le fait de les soumettre d'emblée à un vote à la majorité simple.
Je demande donc le retrait de l'amendement n° 193 au profit des amendements identiques n° 68 et suivants, à condition que ces derniers soient modifiés par l'adoption d'un sous-amendement du Gouvernement.
Mais je n'ai pas encore présenté l'amendement n° 68 , madame la ministre !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 22
Contre 82
L'amendement n° 193 n'est pas adopté.
Mme la ministre ayant déjà évoqué cet amendement, j'imagine qu'elle y sera favorable, sous réserve de l'adoption de son sous-amendement. J'émettrai donc quant à moi un avis favorable à son sous-amendement, en espérant garantir ainsi un sort favorable à l'amendement !
Chacun aura compris que nous rencontrons une difficulté liée à la gouvernance dans les copropriétés et qu'il convient d'améliorer le dispositif de la manière la plus équilibrée possible. Les travaux d'économies d'énergie – que nous soutenons – sont des opérations d'envergure, qui entraînent des frais considérables. Si leur accélération dans les copropriétés est un enjeu important, il est aussi nécessaire de s'assurer que les copropriétaires s'engagent en connaissance de cause et ne se voient pas imposer, en leur absence – qui peut être fortuite –, le paiement de sommes qu'ils ne pourraient finalement pas débourser. La copropriété se trouverait alors en difficulté, ce qui serait contraire à l'objectif du présent projet de loi. Nous devons lutter contre l'habitat dégradé avec les copropriétaires – sauf ceux qui abusent de la situation –, en les accompagnant du mieux possible.
Ainsi, s'il convient de faciliter la prise de décision en matière de réalisation de travaux d'économies d'énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut concilier cette évolution avec le droit de propriété des copropriétaires.
Le recours au mécanisme de la passerelle, que la ministre a évoqué, permet de concilier ces deux objectifs et de lutter contre les effets dilatoires de l'abstentionnisme en s'assurant qu'une décision sera prise si une proportion significative des copropriétaires en est d'accord. Pour renforcer le texte, il est proposé de permettre, pour l'ensemble des travaux relevant de l'article 25 de la loi de 1965 – même si les sous-amendements viennent restreindre ce champ –, la convocation d'une nouvelle assemblée générale si le projet concerné n'a pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires. Un second vote interviendrait alors dans un délai bref – car l'objectif est bien d'accélérer le processus, monsieur le rapporteur –, à la majorité simple prévue à l'article 24.
Le rétablissement de cette possibilité, supprimée par l'ordonnance du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis, permettrait de prendre une décision rapidement après l'échec de la première assemblée générale. Il préserverait ainsi les intérêts des copropriétaires et de la copropriété, tout en facilitant l'adoption de décisions de travaux.
La parole est à M. Christophe Plassard, pour soutenir l'amendement n° 228 .
Il s'inscrit dans la même logique que le précédent. L'objectif est que l'absentéisme des propriétaires ne puisse pas bloquer une décision visant à faciliter la rénovation d'une copropriété : permettre la convocation d'une nouvelle assemblée générale dans un délai restreint et baisser le seuil de la majorité nécessaire permettra de dénouer le processus, non pas en faisant abstraction de la démocratie, mais en décalant légèrement le vote dans le temps.
Comme je l'avais annoncé précédemment, il vise à préciser que seuls les travaux de rénovation énergétique seront concernés par ce dispositif.
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir le sous-amendement n° 377 .
Ce n'est pas tous les jours que je m'exprime ainsi, mais le sous-amendement a été très bien défendu par le Gouvernement.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements et les sous-amendements identiques ?
Il diverge légèrement de ce qui vient d'être dit, eu égard aux travaux de la commission. Celle-ci a adopté un amendement de Lionel Causse visant à soumettre les travaux de rénovation énergétique à la procédure d'adoption prévue à l'article 24 de la loi de 1965, c'est-à-dire une adoption à la majorité simple des personnes assistant à l'assemblée générale de copropriété. Plusieurs d'entre vous ont souhaité élaborer un dispositif un peu différent, en deux étapes : les travaux de rénovation énergétique seraient d'abord soumis au vote conformément à l'article 25 de la loi de 1965, qui suppose d'obtenir la majorité simple des copropriétaires. Dans l'hypothèse où aucune majorité ne serait recueillie, un nouveau vote aurait ensuite lieu sous le régime de l'article 24, grâce à la convocation d'une nouvelle assemblée générale dans un délai bref – j'ai parfaitement entendu l'exposé qui en a été fait.
Personnellement, je pars du principe que nous avons, d'une certaine manière, l'ardente obligation de susciter les vocations en matière de travaux de rénovation énergétique. À ce titre, il paraît pertinent de faire voter ces travaux conformément aux dispositions prévues à l'article 24, comme c'est d'ailleurs le cas lorsqu'il s'agit de réaliser des rénovations de façade classiques. Je trouve d'ailleurs assez surprenant l'argument selon lequel ce qui est vrai pour le ravalement d'une façade ne pourrait pas l'être pour des travaux de rénovation énergétique.
La correction du dispositif initialement proposé paraît toutefois faire l'objet d'une volonté partagée. Je l'entends, mais à titre personnel, je m'en tiens aux travaux de la commission et à ce qu'elle a décidé. Très sincèrement, il me semble qu'une copropriété engage rarement des travaux de rénovation énergétique sans que ces derniers aient fait l'objet de débats au sein du bureau du conseil syndical – les copropriétaires ne découvrent pas leur existence lors de l'assemblée générale. En outre, ils mobilisent quelquefois des fonds de travaux déjà existants, qui sont plus ou moins abondés en amont. J'estime donc que l'application de l'article 24 aux travaux d'économies d'énergie serait un signe fort de notre volonté d'accélérer en la matière.
Ceci étant dit, les débats en commission se sont tenus la semaine dernière ; entre-temps, le Gouvernement a souhaité apporter des précisions. J'ai également entendu les interventions des différents groupes. L'Assemblée décidera donc en son âme et conscience.
J'en déduis que vous émettez des avis de sagesse sur les amendements et les sous-amendements ?
Pour ce qui me concerne, j'y suis défavorable, madame la présidente. Je me fais l'interprète des travaux de la commission, qui a adopté un amendement soumettant les décisions relatives à l'engagement de travaux de rénovation énergétique à la procédure prévue à l'article 24 de la loi de 1965. J'en reste là : la commission n'ayant pas eu l'occasion de débattre à nouveau de cette question, je me tiens à la position qu'elle a arrêtée la semaine dernière. J'émets donc des avis défavorables.
Le rapporteur donne ici son avis à titre personnel, madame la présidente.
J'entends le plaidoyer du rapporteur. Si nous sommes favorables au Bazin sous-amendé par le Gouvernement,…
…c'est parce que nous craignons que la suppression du dispositif consistant à appliquer les modalités de vote prévues à l'article 25 avant de recourir à l'article 24 permette à une minorité de copropriétaires, dans des copropriétés de taille importante, de se réunir et de faire adopter des travaux – que l'on sait particulièrement onéreux lorsqu'il s'agit de rénovation énergétique – sans que les autres disposent d'aucune voie de recours. Voilà pourquoi nous souhaitons retenir une voie intermédiaire.
Je suis donc favorable aux amendements, sous réserve de l'adoption des sous-amendements identiques du Gouvernement et de M. Echaniz.
Je me réjouis d'entendre que la ministre est « favorable au Bazin » sous réserve qu'il soit sous-amendé !
Je tiens à revenir sur les travaux de la commission : son président pourra témoigner du fait que la semaine dernière, nous avons souvent rappelé la nécessité de rechercher en permanence l'équilibre entre le respect du droit de propriété et la volonté d'intervenir au nom de l'intérêt général. Il me semble qu'à cette fin d'équilibre – notamment dans l'exercice de la démocratie au sein des copropriétés –, il faut adopter ces amendements tels qu'ils seront sous-amendés, car les travaux dont il est question présentent la spécificité d'avoir un impact potentiellement très fort.
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois, monsieur le rapporteur, que nous corrigeons en séance un article adopté en commission. Cette modification ne bouleversera pas l'équilibre global du texte, mais elle permettra de mieux respecter le droit des copropriétaires, qu'ils aient assisté ou non à la première délibération. Je rappelle en effet que les copropriétaires qui seraient reconvoqués très rapidement pour participer à la nouvelle assemblée générale pourront se prononcer même s'ils avaient été absents la première fois. L'idée reste de permettre aux copropriétés de s'engager dans des travaux de rénovation énergétique pour lutter contre l'habitat dégradé : c'est l'objectif qui nous rassemble. Si nous pouvons le faire avec le consentement de la majorité, ce sera encore mieux.
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques.
Je soutiens pleinement le dispositif adopté en commission des affaires économiques à l'initiative de Lionel Causse : en prévoyant un vote à la majorité des présents, il permettra de faciliter l'engagement par les copropriétés de travaux de rénovation énergétique et d'accélérer le processus. Je comprends donc la défense qu'en fait le rapporteur, qui se montre ainsi fidèle au résultat de nos débats en commission.
Néanmoins, en rediscutant de ce point avec le Gouvernement, avec des acteurs extérieurs et aussi avec vous, chers collègues, nous nous sommes rendu compte que cette disposition pourrait parfois poser quelques difficultés et qu'un petit verrou supplémentaire ne serait peut-être pas inutile. Il est donc proposé, à travers ces amendements, de prévoir que si moins d'un tiers des copropriétaires sont présents, se font représenter ou prennent part au vote par correspondance, une nouvelle assemblée générale pourra être convoquée. Il me semble que cette sécurité permettra de prévenir tout quiproquo et d'empêcher que des décisions soient prises par un très faible nombre de copropriétaires. Elle pourrait se révéler utile et éviter quelques dérapages dans la prise de décisions susceptibles d'engager des montants très élevés et d'entraîner des travaux significatifs pour l'ensemble de la copropriété.
Tout en restant fidèle à l'esprit qui nous a animés en commission, il me semble donc plutôt sage de suivre l'avis du Gouvernement sur ce point, quitte à en débattre dans le cadre de la commission mixte paritaire (CMP) avec les sénateurs, qui voudront eux aussi examiner le dispositif. La sagesse me pousse à suivre l'avis du Gouvernement en faveur du dispositif proposé, qui sécurise mieux l'opération, tout en saluant le travail de Lionel Causse et de tous nos collègues de la commission en la matière.
Voilà l'avis de la commission des affaires économiques, qui diffère donc de celui exprimé par le rapporteur.
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l'amendement n° 109 .
Même si 25 à 30 % de la chaleur d'une habitation s'échappe par la toiture, celle-ci n'est pas l'unique source de déperdition thermique. Les murs, les sols ou encore les fenêtres des parties communes de l'immeuble y contribuent également ; des murs mal isolés peuvent par exemple occasionner 20 à 25 % des pertes thermiques d'un logement. Il est donc proposé d'étendre la possibilité offerte à un copropriétaire de « faire réaliser, à ses frais, des travaux d'isolation thermique » à d'autres endroits que sur la toiture.
Il est défavorable, pour la simple et bonne raison que cet amendement est en partie satisfait par mon amendement n° 99 , plus global, que nous examinerons dans un instant. Vous évoquez uniquement l'isolation des toitures. Or, lors des débats en commission des affaires économiques la semaine dernière, M. Bazin a rappelé qu'il existe des problèmes d'isolation au niveau des caves ou dans d'autres parties communes. Traiter uniquement les enjeux de toiture réduit le champ du dispositif.
Je vous propose donc de retirer votre amendement au profit de l'amendement n° 99 que j'ai déposé avec Guillaume Vuilletet après y avoir travaillé avec Stéphane Peu, lui-même à l'origine d'un amendement sur ce sujet en commission. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Avis défavorable. L'amendement n° 99 nous semble plus clair et plus précis quant aux travaux qui peuvent être réalisés par les copropriétaires.
L'amendement n° 109 n'est pas adopté.
Le rapporteur a fait un peu de publicité à cet amendement. À la suite de l'adoption en commission de l'amendement n° CE224 de Stéphane Peu, l'alinéa 6 de l'article 9 ter prévoit qu'un propriétaire peut faire réaliser, à ses frais, des travaux d'isolation thermique de la toiture affectant les parties communes de l'immeuble. L'amendement n° 40 tend à compléter cet alinéa en précisant que les travaux peuvent également porter sur le sous-sol de l'immeuble. En effet, les propriétaires de logements en rez-de-chaussée situés au-dessus d'une dalle non isolée peuvent souffrir de problèmes d'isolation. Or les copropriétés ne votent pas en priorité l'isolation de ces parties en sous-sol. Il est donc important d'ouvrir cette possibilité.
Votre amendement n° 99 et le mien ne sont pas en discussion commune, monsieur le rapporteur, mais ils ne s'excluent pas mutuellement. Le vôtre permettra d'isoler d'autres éléments des parties communes que la toiture et le sous-sol, par exemple des cages d'escalier ou des locaux techniques jouxtant des logements. De même que nous avions soutenu l'amendement de Stéphane Peu en commission, je vous propose de soutenir le mien afin de ne pas oublier les propriétaires de rez-de-chaussée, qui pourraient de cette façon eux aussi réaliser, à leurs frais, ces travaux d'isolation.
L'amendement de M. Bazin s'inscrit dans le droit fil de nos débats en commission et vient en quelque sorte compléter l'initiative de M. Peu. Bien que nous ne soyons pas dans une discussion commune, l'amendement n° 99 vise à apporter des réponses à l'ensemble des préoccupations évoquées en commission, y compris celle-ci.
Vous suggérez en effet, monsieur Bazin, d'insérer à l'alinéa 6, après le mot « toiture », les mots « ou du sous-sol », pour insister sur cette préoccupation dont vous aviez déjà fait part en commission. L'amendement que j'ai déposé avec le concours de Stéphane Peu, à qui je l'avais transmis, évoque les travaux affectant les parties communes de l'immeuble, sous réserve qu'ils soient nécessaires à la conservation, à l'isolation – de la toiture ou du sous-sol, peu importe, nous ne traitons pas de la spécificité du bâti –, à la salubrité ou à la sécurité des parties privatives définies à l'article 2 de la loi de 1965. Le dispositif me semble beaucoup plus large que celui envisagé par votre amendement, sur lequel j'émets donc un avis défavorable.
Nous ne faisons pas œuvre de bonne législation en multipliant les dispositifs de précision. Il est préférable d'en rester à ce que propose l'amendement n° 99 .
L'amendement n° 40 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous ne voyons pas d'objection à ce qu'un copropriétaire puisse réaliser certains travaux d'isolation à ses frais lorsque le syndicat de copropriétaires ne s'y oppose pas. Pour prendre sa décision, ce dernier doit toutefois disposer d'informations utiles sur la nature du projet allant au-delà du simple descriptif des travaux. Compte tenu des nuisances susceptibles d'être occasionnées, et afin que les copropriétaires puissent s'exprimer en conscience, il serait judicieux de joindre au détail des travaux envisagés une estimation de leur durée ainsi que des économies d'énergies qu'ils sont censés permettre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
L'amendement n° 276 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Engrand, pour soutenir l'amendement n° 277 .
Cet amendement rédactionnel a pour objet de préciser si la majorité visée par l'alinéa 8 est celle de l'ensemble des copropriétaires ou celle des copropriétaires présents. Sur un tel sujet, l'opposition de la majorité des copropriétaires présents devrait suffire pour empêcher la réalisation de l'isolation de la toiture au frais d'un autre copropriétaire.
Les amendements n° 333 du Gouvernement et 99 du rapporteur viendront apporter les précisions requises. Avis défavorable.
L'amendement n° 277 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Engrand, pour soutenir l'amendement n° 278 .
Les assemblées générales de copropriétaires demeurent l'une des rares enceintes dans lesquelles les discussions des citoyens sont régies par les principes démocratiques. L'Assemblée nationale se doit de préserver ces oasis sans jamais orienter à l'avance les débats qui peuvent s'y tenir.
En imposant aux copropriétaires de motiver leur opposition à l'isolation de la toiture aux frais d'un autre copropriétaire, vous faites une entorse à l'expression de la volonté générale que vous vous targuez si souvent de respecter. Quel syndicat de copropriétaires s'opposerait sans raison à ce qu'un copropriétaire engage de tels travaux sur ses deniers ?
À ma connaissance, rien ne permet d'affirmer que les copropriétés seraient infiltrées par un vaste réseau militant opposé à l'isolation des toitures qu'il conviendrait de contourner. Cette précaution est donc ridicule. Je vous invite à reconnaître que l'expression d'une opposition majoritaire constitue en elle-même un motif valable de rejet des travaux, en votant cet amendement.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 21
Contre 71
L'amendement n° 278 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Engrand, pour soutenir l'amendement n° 279 .
Il a pour objet d'imposer à la majorité s'opposant à la réalisation de travaux d'isolation thermique aux frais d'un copropriétaire de justifier cette opposition sans écarter d'office l'opportunité de certains motifs. J'ajoute aux raisons déjà évoquées qu'avec la rédaction actuelle, le législateur risque d'exclure certains motifs valables d'opposition à ce type de projet qu'il n'a pas envisagés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
L'amendement n° 279 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 9 ter, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 333 .
Cet amendement complète l'alinéa 8 de l'article 9 ter . Au nombre des motifs pouvant être invoqués par l'assemblée générale des copropriétaires pour s'opposer à la réalisation par un copropriétaire de travaux d'isolation de la toiture, il ajoute « l'atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives d'autres copropriétaires » et « la programmation de ces travaux dans le cadre du plan pluriannuel de travaux adopté par le syndicat des copropriétaires ».
L'amendement n° 333 , accepté par la commission, est adopté.
L'article 9 ter nous donne l'occasion d'évoquer l'habitabilité des logements dans les îlots de chaleur urbains qui existent notamment à Paris. Pendant la canicule de 2003, habiter sous les toits multipliait le risque de mortalité par quatre. Les habitations des derniers étages concentrent en effet 75 % de la chaleur. Il s'agit donc d'un enjeu majeur de santé publique pour les propriétaires et les locataires qui habitent ces derniers étages.
En instituant pour les copropriétaires un droit à faire réaliser des travaux d'isolation, cet article 9 ter répond à ces problématiques. Cet amendement vise à faciliter la réalisation des travaux par les copropriétaires prêts à en supporter le coût dans le cas où ce point ne serait pas inscrit à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale des copropriétaires.
Nous partageons bien sûr votre préoccupation. Dès lors qu'un copropriétaire est autorisé à intervenir sur les parties communes, en particulier pour traiter les enjeux que vous évoquez, il convient d'être attentif aux questions de responsabilité et aux possibles conséquences juridiques, notamment dans l'hypothèse d'une mauvaise réalisation des travaux. Nous devons donc imaginer un dispositif complet, ce que fait, je crois, l'amendement n° 99 que nous examinerons juste après celui-ci. Je vous propose donc de retirer l'amendement n° 320 au bénéfice de l'amendement n° 99 , qui a fait l'objet d'un travail transpartisan.
Demande de retrait, pour les raisons évoquées plus tôt.
L'amendement n° 320 est retiré.
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 99 .
Il résulte des échanges que nous avons eus en commission la semaine dernière lors de l'adoption de l'amendement présenté par Stéphane Peu. Comme vous le savez, je m'étais engagé à retravailler sur cette disposition. Dans le cadre du débat, Thibault Bazin a exposé un certain nombre de situations, complétant ainsi le constat fait par Stéphane Peu, ce qui nous a permis de rédiger cet amendement.
Je me propose de vous donner lecture des cinq alinéas que nous souhaitons ajouter à l'article 9 ter : cela me permettra de vous exposer la procédure de la manière la plus claire qui soit.
Le premier alinéa est le suivant : « […] Un ou plusieurs copropriétaires peuvent effectuer, à leurs frais, des travaux qui affectent les parties communes de l'immeuble, sous réserve que ceux-ci soient nécessaires à la conservation, à l'isolation, à la salubrité ou à la sécurité des parties privatives définies à l'article 2 [de la loi de 1965], et qu'ils ne mettent pas en cause la structure de l'immeuble, sa destination ou ses éléments d'équipements essentiels ou la sécurité des occupants. » Cela permet de fixer précisément le cadre de l'intervention. Je rappelle que notre objectif est de permettre à des copropriétaires de se substituer au syndicat des copropriétaires pour réaliser des travaux dans les parties communes ou dans les parties collectives.
Deuxième alinéa : « À cette fin, le ou les copropriétaires notifient au syndic une demande ayant pour objet l'inscription, à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale, d'un projet de résolution, accompagné d'un descriptif détaillé des travaux envisagés. » Vous le voyez, la notion de notification est bien présente.
Troisième alinéa : « L'assemblée générale peut autoriser la réalisation des travaux à la majorité des voix des copropriétaires prévue à l'article 25. »
Quatrième alinéa : « Jusqu'à la réception des travaux, le ou les copropriétaires exercent les pouvoirs et assument la responsabilité dévolus au maître d'ouvrage. » En effet, il est nécessaire d'indiquer à qui incombe la responsabilité dans l'hypothèse où les travaux se passeraient mal.
Cinquième et dernier alinéa : « Les copropriétaires qui subiraient un préjudice du fait de l'exécution des travaux peuvent réclamer une indemnité. »
Nous avons là un dispositif complet, qui permet d'accompagner les copropriétaires tout au long du processus et de sécuriser les uns et les autres.
Favorable.
J'avais en effet déposé en commission un amendement fondé sur un argumentaire proche de celui de Mme Gatel à propos des appartements situés au dernier étage. Je l'avais finalement retiré en échange de l'engagement qu'une rédaction plus satisfaisante – en tout cas plus cohérente avec le reste du projet de loi – serait proposée. Cet engagement a été tenu. Je tiens donc à remercier M. le rapporteur, et voterai son amendement des deux mains.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Écolo – NUPES. – M. Philippe Gosselin applaudit également.
L'amendement n° 99 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 107
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 107
Contre 0
L'article 9 ter, amendé, est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.
La parole est à M. Sébastien Rome, pour soutenir l'amendement n° 160 , portant article additionnel après l'article 9 ter .
Le projet de loi cible surtout les grandes copropriétés dégradées. Avec cet amendement, je m'intéresse plutôt aux centaines de milliers de petites copropriétés mal en point situées dans le centre de petites villes ou de villages.
Si vous proposez des procédures pour les zones urbaines, vous ne prévoyez en effet rien pour les zones rurales. Mon objectif est donc, si j'ose dire, de ruraliser un peu le projet de loi. Je veux qu'il puisse être utile à des communes qui ne disposent ni de moyens financiers et techniques, ni de bailleurs sociaux, ni de sociétés publiques locales.
Je m'intéresse aussi au sort des copropriétaires évincés. Comment vivent-ils ensuite ? Que deviennent les petites économies qu'ils avaient investies dans un logement devenu un gouffre financier ?
Cet amendement vise donc à compléter les dispositions que nous avons adoptées à l'article 3 en ouvrant des voies intermédiaires d'intervention, tout en empêchant d'exproprier en bloc tout le terrain ou les parties communes.
Il prévoit ainsi la possibilité de dissocier les parties privatives et communes d'un logement pour permettre de réaliser les interventions les plus coûteuses pour les ménages pauvres. Le bon état de l'ensemble immobilier au cœur des petites villes présente aussi un intérêt pour la collectivité, notamment du point de vue de la rénovation énergétique.
Ainsi, on garantit mieux le droit de propriété des ménages pauvres, qui restent responsables de leur logement tout en préservant leur modeste épargne.
La copropriété est envisagée de façon nouvelle : non plus comme une propriété individuelle et absolue, assortie de responsabilités collectives pour les parties communes, mais plutôt comme une propriété individuelle centrée sur l'usage privatif et comme une vraie propriété collective des communs – qui incluraient le foncier, le gros œuvre, l'enveloppe thermique et les installations communes – à travers des sociétés foncières.
Cet amendement permet de prendre en considération les besoins des habitants qui s'expriment dans les petites villes et dans les villages, mais il peut aussi être utile aux grandes copropriétés.
Il est défavorable. Votre amendement s'adosse, en quelque sorte, à l'amendement n° 283 du rapporteur Guillaume Vuilletet, portant article additionnel après l'article 3, visant à proroger une expérimentation instaurée, pour une durée de dix ans, par la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur, et qui consiste à dissocier les parties privatives des parties communes. Cette mesure ayant été adoptée, votre amendement est satisfait.
J'observe d'ailleurs que les copropriétés, et surtout les organismes chargés des projets de rénovation urbaine, de sauvegarde, de requalification des copropriétés dégradées ou autres, se sont assez peu saisis de ce dispositif. Nous avons donc opté pour une prorogation de celui-ci afin que certains acteurs, par exemple la SPLAIN – la société publique locale d'aménagement d'intérêt national – de Marseille, puissent y recourir.
Même avis : je n'aurais pas dit mieux.
Le dispositif prévu par l'amendement de M. Vuilletet répond surtout aux besoins des grandes copropriétés. Or je défends avec mon amendement une mesure en faveur des petites copropriétés. Dans une petite ville, on peut en effet trouver des copropriétés de plusieurs bâtiments, ce qui pose d'autres types de difficultés.
Le dispositif prévu par mon amendement offre davantage de souplesse. On peut même imaginer de faire contribuer les personnes propriétaires d'un logement, tandis que les parties communes seraient expropriées pour être transférées à une société foncière. Avec le dispositif que vous proposez, l'expropriation et la dissociation se font en bloc.
Mon amendement permettrait au contraire à des personnes propriétaires de leur logement et qui disposent d'économies de contribuer à la copropriété.
L'amendement n° 160 n'est pas adopté.
La parole est à M. William Martinet, pour soutenir l'amendement n° 149 .
Il s'inscrit dans la démarche que nous défendons depuis le début de l'examen de ce texte, à savoir mieux contrôler l'activité des syndics. En l'occurrence, il s'agit de prévoir une amende administrative dans deux situations : lorsque le syndic ne répond pas à ses obligations en matière d'entretien des bâtiments et lorsqu'il n'assume pas ses responsabilités en termes de transparence des comptes. Vous l'aurez compris, le groupe LFI – NUPES estime que l'activité de syndic doit être mieux surveillée et mieux contrôlée pour éviter, dans les cas les plus graves, la dégradation de la copropriété, et plus généralement pour assurer de meilleures relations entre les copropriétaires et leur syndic.
Avis défavorable. Au cours des débats qui nous réunissent depuis maintenant deux jours, nous nous sommes efforcés d'améliorer la formation des syndics – nous venons par exemple de voter des amendements concernant la formation liée à la problématique des copropriétés dégradées. Il s'agit par ailleurs de mieux responsabiliser les syndics, en témoignent plusieurs articles dans ce projet de loi. À cet égard, nous avons évoqué hier soir la création d'un ordre des syndics pour accompagner la profession, sachant que des dispositions de la loi Hoguet permettent déjà de les rappeler à leurs responsabilités. Nous considérons qu'il faut en rester là.
L'amendement n° 149 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet article prévoit un régime de réorganisation forcée des copropriétés en redressement au sein des opérations de requalification des copropriétés dégradées. En l'état, ce dispositif existe déjà du fait des dispositions combinées de la loi de 1965 et de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur, mais à condition que la copropriété soit placée sous administration provisoire, donc que son avis ne soit plus sollicité. Le régime de réorganisation forcée proposé par cet article constitue une atteinte importante qui peut s'assimiler à une privation du droit de propriété des copropriétaires et contrevient donc à notre bloc de constitutionnalité. De même, il constitue une atteinte à la liberté d'association, autre principe constitutionnel, puisque les prérogatives du syndic en place pourraient alors être redéfinies et divisées pour mieux correspondre aux attentes de l'opérateur. Tant que la copropriété n'est pas placée sous administration provisoire, il s'agit donc d'une prise de pouvoir au sein de la copropriété par une personne qui lui est extérieure, et cela contre l'avis des copropriétaires. J'attire votre attention sur le fait que l'étude d'impact conduit à s'interroger sur la nécessité de certaines dispositions permettant au Gouvernement d'aller plus vite dans les procédures au détriment des propriétaires.
Il ne semble pas y avoir de propositions de solutions durables pour aider les copropriétaires d'un habitat dégradé à sortir de leur situation, mais seulement des outils écartant les acteurs locaux et les principaux concernés pour appliquer la politique insipide du Gouvernement. Ce texte ne prend pas en compte les particularités locales ou historiques. Le Rassemblement national ne s'oppose pas à ce que le Gouvernement vienne en aide à nos concitoyens propriétaires en difficulté, mais aux atteintes directes à nos libertés garanties par la Constitution et aussi – normalement – par le Président de la République. Pour protéger les droits de propriété et d'association, nous voterons donc contre cet article.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'article 10 vise à accélérer les procédures de recyclage et de transformation des copropriétés, et donc les opérations d'aménagement stratégique. Je tiens à le dire à nos collègues du Rassemblement national, celui qui n'a pas mené d'opérations de renouvellement urbain, notamment en présence de copropriétés construites dans les années 1950 à 1970, ignore combien il est difficile de lancer de telles opérations. Ce sont en général des ensembles très importants, comportant parfois une dalle. Chers collègues, je vous invite à vous rendre à Marseille ou dans ma circonscription, dans la périphérie lyonnaise, voire pas très loin d'ici, dans le 13
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RE.
L'amendement n° 7 de M. Frédéric Falcon, tendant à supprimer l'article 10, est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est tout à fait défavorable. Comme vient de le dire excellemment Alexandre Vincendet, qui n'a pas été en responsabilité ne peut malheureusement pas comprendre combien il peut être nécessaire, dans certains cas, de soustraire des bâtiments de la copropriété existante. Le texte a prévu que ce soit possible au titre des opérations de requalification des propriétés dégradées – les Orcod –, possibilité que nous avons étendue aux plans de sauvegarde grâce à un amendement adopté en commission. Un autre amendement va proposer de faire de même au titre des opérations programmées d'amélioration de l'habitat. Cet amendement de suppression est donc hors-sol. Vous ne connaissez pas, chers collègues, la réalité des copropriétés dégradées et des opérations de rénovation de l'habitat. Votre opposition à ce dispositif démontre une nouvelle fois que vous ne connaissez pas le sujet. Nous avons bien compris que quand c'était le cas, vous préfériez en nier l'existence en déposant un amendement de suppression de l'article. Je tiens d'ailleurs à vous faire remarquer que si nous avions adopté tous vos amendements de suppression, le projet de loi n'existerait déjà plus ! Autant dire que la politique du Rassemblement national en matière de copropriétés dégradées se résume au néant !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Même avis.
Pour compléter ce qui vient d'être dit par le rapporteur, permettez-moi de rappeler qu'hier, le Rassemblement national s'est opposé à l'article 6 qui permet de créer des concessions pour la rénovation des copropriétés dégradées. Aujourd'hui, ses députés veulent empêcher la scission des copropriétés dégradées et donc laisser les choses filer. Il y a deux possibilités, mes chers collègues : soit vous ne connaissez pas les problématiques et vous êtes alors des incompétents notoires ,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN
soit vous voulez sciemment laisser les gens dans leurs difficultés pour pouvoir en vivre en jouant sur les peurs. Je crains que les deux possibilités se cumulent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Monsieur, j'ai moi aussi la faculté de penser et de dire ce que je veux. En écoutant vos propos, je pense que vous devriez changer de place dans l'hémicycle. Ne vous inquiétez pas, ils vont dérouler le tapis rouge pour que vous les rejoigniez ! En tout cas, nous disons aux Français et à la France, dans cette assemblée et ailleurs, ce que nous voulons !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Écolo – NUPES.
Mêmes mouvements.
Ayez un peu de respect pour ceux qui représentent des millions d'électeurs ! Nous, nous vous respectons !
Vives exclamations sur les bancs du groupe RE.
L'amendement n° 7 n'est pas adopté.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 124 .
Bonne année à toutes et tous, dans la bonne humeur et la bienveillance.
Sourires.
Par cet amendement, nous revenons à la question centrale du texte : comment lutter plus et mieux contre les copropriétés dégradées ? Dans cet article qui nous semble, au groupe LIOT, aller dans le bon sens, nous proposons, comme vient de l'évoquer M. le rapporteur, d'élargir le dispositif des scissions aux opérations programmées d'amélioration de l'habitat. Je pourrais reprendre les propos tenus par le collègue Vincendet il y a quelques instants : celles et ceux qui parmi nous ont eu des responsabilités locales et ont conduit à ce titre des opérations urbaines, particulièrement dans le cadre de la rénovation urbaine, savent bien que les obstacles à la transformation d'un certain nombre de nos quartiers sont aujourd'hui nombreux. Il s'agit d'opérations d'envergure où la scission peut être une condition nécessaire à la réussite. C'est la raison pour laquelle il est légitime que la portée de cet article soit élargie aux opérations programmées d'amélioration de l'habitat ayant pour objet la rénovation urbaine.
Je suis pleinement favorable à cet amendement. Je redis en effet que le dispositif proposé dans cet article mérite d'être élargi. Initialement prévu pour les Orcod, il a été ouvert aux plans de sauvegarde et les Opah-RU – opérations programmées d'amélioration de l'habitat et de renouvellement urbain – peuvent, elles aussi, avoir besoin de procéder à des scissions de copropriétés. Je tiens à rappeler qu'il n'y a pas, dans cet hémicycle, d'un côté ceux qui défendraient la sacro-sainte propriété et, de l'autre, ceux qui ne la défendraient pas. Le dispositif proposé dans cet article a reçu l'aval du Conseil d'État, une institution qu'on ne peut suspecter d'exprimer des positions politiques : elle prend des positions juridiques. L'amendement de M. Saint-Huile s'inscrit pleinement dans le sens de cet article. C'est un excellent amendement auquel j'apporte un soutien total.
Sagesse.
Les opérations programmées d'amélioration de l'habitat consistent plutôt à apporter un soutien technique en amont du traitement des difficultés. Elles ne me semblent donc pas nécessiter l'emploi de l'outil de scission de copropriétés. L'avis du rapporteur est cependant tout à fait recevable. Quoi qu'il en soit, ce sera amélioré à l'occasion de la navette.
L'amendement n° 124 est adopté.
Je retire mon amendement au bénéfice de celui de M. Echaniz, sous réserve de l'adoption du sous-amendement que j'ai déposé. Cela s'inscrit dans le travail que nous avons mené en commission et fait suite à l'engagement que j'ai pris vis-à-vis du groupe Socialistes et apparentés.
L'amendement n° 195 est retiré.
Dans les conditions actuelles, les copropriétés, notamment en zone urbaine, sont souvent constituées de plusieurs immeubles d'habitation, de locaux commerciaux, de parkings, de dalles, d'équipements collectifs et de voirie, tout cela étant réuni au sein de structures juridiques parfois trop complexes et à la gouvernance par trop éloignée des intérêts immédiats des copropriétaires en termes de rénovation ou de réhabilitation des immeubles.
Nous proposons donc, dans l'esprit de l'article et en complément du dispositif prévu, de faciliter la sortie des immeubles concernés par une opération de requalification des copropriétés dégradées ou par un plan de sauvegarde du périmètre d'une association syndicale libre ou autorisée, y compris d'une association foncière urbaine libre. Un décret en Conseil d'État viendrait fixer plus précisément les modalités de cette sortie.
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 372 .
Le sous-amendement vise à améliorer le dispositif de distraction ou de dissolution forcée proposé. Il s'agit de le rendre opérationnel en prévoyant expressément que le juge prononce la distraction de l'immeuble ou la dissolution de l'association syndicale.
D'autre part, les associations syndicales autorisées, qui sont des établissements publics administratifs, relèvent d'un régime spécifique prévoyant d'ores et déjà des cas de dissolutions d'office. Le régime de dissolution judiciaire paraît par conséquent inutile, voire incompatible avec le statut d'établissement public.
Tout comme la scission forcée de copropriété, certaines garanties sont dues aux autres membres de l'association syndicale. C'est pourquoi il est prévu une transmission du rapport d'expertise, ainsi qu'une prise en charge des frais induits par le changement des statuts en cas de distraction.
La commission émet un avis favorable sur l'amendement sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
Avis favorable sur l'amendement sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Le sous-amendement n° 372 est adopté.
L'amendement n° 217 , sous-amendé, est adopté.
L'article 10, amendé, est adopté.
La parole est à M. Romain Daubié, pour soutenir l'amendement n° 287 portant article additionnel après l'article 10.
Je propose d'étendre aux opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah) menées au titre du traitement des copropriétés dégradées et du renouvellement urbain, telles que définies par les circulaires ministérielles du 7 juillet 1994 et du 8 novembre 2002, la possibilité de recourir à la procédure de scission forcée des grandes copropriétés instituée par le projet de loi.
Cet amendement est assez proche du n° 124 que nous venons d'adopter. Il me semble donc satisfait.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Même avis.
N'étant pas responsable de l'organisation de la discussion, je le retire.
L'amendement n° 287 est retiré.
L'article 11 est adopté.
Il convient de tenir compte du fait que l'immeuble insalubre n'est pas toujours à démolir.
En apportant la précision proposée, qui peut paraître superfétatoire, on préviendrait des contentieux relatifs à l'inclusion des frais de démolition alors que l'immeuble n'est pas à démolir – des juridictions saisies d'une contestation en la matière ont parfois rendu des décisions étonnantes.
Il s'agit d'une réponse à des retours du terrain, notamment à Marseille.
Avis défavorable ou demande de retrait.
L'article 12 vise à sécuriser la procédure prévue par la loi Vivien pour les immeubles faisant l'objet d'un arrêté de démolition ou d'interdiction définitive d'habiter. Il précise qu'elle concerne aussi les locaux commerciaux, car le fait que l'interdiction d'habiter et la méthode de récupération foncière – qui vise à indemniser le propriétaire au prix du terrain nu – s'appliquent à de tels locaux ne va pas de soi.
D'autre part, nous avons complété le texte initial par la création d'un mécanisme de lutte contre la vacance organisée et d'une méthodologie nationale d'évaluation des biens pour l'indemnisation – qui est la question la plus sensible.
Enfin, a été introduit le critère de la décence dans une perspective de comparaison des coûts. En effet, on ne peut prendre un arrêté de démolition que si le coût de la démolition et de la reconstruction de l'immeuble est inférieur à celui de sa réhabilitation. En prévoyant l'application de normes en matière de décence – ce qui est normal puisque le bâtiment devra de nouveau accueillir des locataires –, on augmente le coût de la rénovation, ce qui permet de réaliser les opérations de recyclage.
S'il est adopté, votre amendement risque d'avoir pour effet d'augmenter l'indemnité due à la personne expropriée, alors même que le bien doit être démoli ou fera l'objet d'une interdiction d'habiter définitive. La puissance expropriante paierait ainsi plus cher un bien pourtant impropre à l'habitation, ce qui me semble contraire à l'esprit même de l'article, qui est de faciliter le recours à la procédure.
L'amendement n° 221 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il porte sur les normes environnementales et le DPE.
L'idée est, en cas de travaux, de prendre en considération les normes environnementales en visant une remise en état au niveau le plus élevé possible, sans se contenter d'un DPE de classe E, facile à obtenir.
Avis défavorable. Nous avons introduit en commission le critère de la décence, qui comprend bien évidemment le DPE. L'amendement est donc satisfait.
J'abonde dans le sens du rapporteur. En commission a été ajouté le critère du coût de la remise en état du bien aux normes de décence pour évaluer si un immeuble est ou non en état d'insalubrité irrémédiable. Grâce à cet apport, on pourra comparer le coût de la démolition de l'immeuble et celui de sa rénovation globale, rénovation énergétique incluse. L'amendement semble par conséquent satisfait.
Certes, le DPE a été intégré, mais il s'agit là d'accroître les exigences en la matière. Comme ces immeubles ne feront pas l'objet de travaux de réhabilitation avant de longues années, autant fixer dès le départ le seuil le plus élevé possible, sans se contenter du calendrier actuel.
L'amendement n° 222 n'est pas adopté.
Cet amendement tend à préciser que le coût de la reconstruction de l'immeuble s'entend coûts de démolition et, le cas échéant, de dépollution inclus.
Dans la pratique, en effet, l'intégration de ces coûts, sans laquelle la comparaison avec la remise en état serait faussée, n'est pas systématique. Une telle précision permettrait de lever toute ambiguïté et de garantir une comparaison éclairée.
Il ne s'agit cependant pas de privilégier, par principe, une option par rapport à l'autre. Par d'autres amendements, nous proposerons, dans le même esprit, de préciser le champ de ce qui relève de la remise en l'état. L'objectif est d'assurer la comparaison la plus pertinente possible de manière à sélectionner l'option la mieux adaptée.
La parole est à Mme Christine Engrand, pour soutenir l'amendement n° 71 .
L'inclusion des coûts de démolition dans les coûts de reconstruction crée des complications majeures pour l'application des dispositifs prévus par la loi Vivien de 1970.
Cette loi autorise les collectivités territoriales à exproprier des bâtiments insalubres, mais les règles spécifiques qui l'accompagnent sont mises à mal. En effet, la rédaction actuelle encourage l'emploi des solutions techniques moins onéreuses plutôt que la reconstruction complète. Une telle approche, bien que visant à limiter les coûts, ne permet pas d'évaluer adéquatement la pertinence d'un projet de démolition-reconstruction, en particulier dans les zones urbaines densément peuplées, où les coûts de démolition sont susceptibles de grimper rapidement.
C'est pourquoi l'amendement tend à distinguer les coûts de démolition et ceux de reconstruction. Une telle mesure faciliterait le renouvellement des bâtiments irrémédiablement insalubres ou menaçant ruine, tout en permettant une évaluation plus précise des investissements nécessaires.
Il est dix-neuf heures quarante, et nous nous trouvons dans une situation assez particulière, à front renversé. Il s'agit de comparer le coût d'une démolition-reconstruction par rapport à celui d'une rénovation, étant entendu que si le premier est supérieur au second, on rénovera plutôt qu'on recyclera.
Le RN suggère de ne pas tenir compte des frais de dépollution, afin de diminuer le coût du recyclage et de favoriser les démolitions-reconstructions. À l'inverse, M. Echaniz préconise d'intégrer dans le coût de la démolition les frais de dépollution – bien qu'on ne les connaisse pas avec précision ; cela renchérira le coût du recyclage, et privilégiera en conséquence le maintien en l'état des bâtiments.
Or je vous rappelle qu'on se trouve dans le cas d'une interdiction définitive d'habiter, c'est-à-dire qu'on risque de conserver des carcasses vides dont on ne pourra rien faire. Bizarrement, l'amendement de Mme Engrand ferait au contraire office de boutefeu pour accélérer les démolitions.
Je pense qu'en l'état de la rédaction, nous avons atteint un équilibre. C'est pourquoi j'émettrai un avis défavorable sur les deux amendements.
Comme l'a souligné le rapporteur, les divergences de point de vue entre les deux amendements montrent que la rédaction actuelle est équilibrée. Avis défavorable sur les deux.
L'amendement n° 224 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il vise à instaurer une méthodologie nationale de calcul des postes de travaux mobilisés à l'occasion d'opérations de réhabilitation ou de remise en état des biens dans le cadre des procédures d'insalubrité ou de mise en sécurité. Alors qu'il avait été rejeté en commission, une proposition procédant du même esprit mais plus lourde a été retenue au III de l'article pour l'évaluation des biens. Il serait donc cohérent – la cohérence, toujours la cohérence ! – de l'adopter.
Avis défavorable : cela me paraît redondant avec ce que nous avons adopté.
L'amendement n° 225 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 12, amendé, est adopté.
Sur les amendements identiques n° 184 et 227 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 182 , 192 et 252 .
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir les amendements n° 182 et 192 .
Si des arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité peuvent comporter des prescriptions, le respect de celles-ci ne permet pas toujours de rendre le logement décent. Le locataire qui avait été relogé doit ainsi réintégrer son logement dans des conditions qui n'apparaissent pas normales.
Nous souhaitons que les arrêtés puissent prescrire explicitement la remise en décence du logement.
Comme les précédents, il vise à faire en sorte que les arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité puissent désormais prescrire explicitement la remise en décence du logement. C'est une mesure de bon sens. Il est en effet paradoxal qu'il ne soit pas permis qu'un logement, alors même qu'il a fait l'objet des travaux nécessaires à une remise aux normes de salubrité et de sécurité, accueille à nouveau un occupant s'il n'a pas été rendu décent, au sens juridique du terme.
Ces amendements semblent reposer sur une confusion. La mise en sécurité ou le traitement de l'insalubrité renvoient à des arrêtés qui prescrivent la réalisation des mesures suivantes : la réparation, la démolition, la cessation de la mise à disposition à des fins d'habiter, l'interdiction d'habiter ou d'utiliser, temporaire ou définitive. La décence, elle, relève d'un décret qui détermine les conditions dans lesquelles un logement peut être mis en location. Depuis sa publication, en 2002, il a été modifié quatorze fois. Une des dernières fois, c'était à la suite de l'ordonnance du 16 septembre 2020 relative à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations par laquelle le nombre de polices administratives est passé de treize à deux et le nombre de procédures de vingt et une à quatre. C'est ainsi qu'ont été supprimés les règlements sanitaires départementaux, qui sanctionnaient le non-respect des dispositions à la décence par une simple amende de troisième catégorie, de l'ordre de 450 euros si ma mémoire est bonne.
En outre, les modifications que vous appelez de vos vœux sont d'ordre réglementaire. Avis défavorable.
La loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi du 23 décembre 1986 et le décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, que vient de citer le rapporteur, régissent les rapports locatifs entre le locataire et son bailleur et précisent les conditions de décence à respecter. Celles-ci sont opposables aux propriétaires bailleurs mais pas aux propriétaires occupants. Les arrêtés de police spéciale de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité portent sur des situations beaucoup plus difficiles et concernent potentiellement tous les propriétaires, qu'ils soient occupant ou bailleur. Ils ouvrent un régime d'obligation plus contraignant, avec travaux d'office et sanctions pénales, et sont plus protecteurs pour l'occupant auquel est garanti un droit au relogement.
Le Gouvernement veut respecter cette gradation : il entend conserver deux régimes distincts afin d'assurer la sécurité opérationnelle et juridique des procédures. Avis défavorable.
Nous constatons que dans certaines copropriétés dégradées, malgré les arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité, les logements continuent à être loués, bien évidemment par des marchands de sommeil. Un cercle vicieux s'installe alors : l'état des immeubles se dégrade et le public qui l'occupe est de plus en plus fragile et vulnérable. Pour clarifier les choses, nous voulons que les biens faisant l'objet de tels arrêtés ne puissent être loués.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il s'agit d'un amendement de cohérence qui rend effective la lutte contre l'habitat insalubre.
Une même volonté nous guide dans la défense de l'intérêt général, mais je vous demanderai de bien vouloir retirer vos amendements car ils sont satisfaits. L'article L. 551-18 du code de la construction et de l'habitation prévoit en effet qu'« à compter de la notification de l'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité, les locaux vacants ne peuvent être ni loués, ni mis à disposition, ni occupés pour quelque usage que ce soit. ».
Ils sont en effet satisfaits. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 30
Contre 47
Avec cette intervention, j'espère pouvoir démasquer une certaine hypocrisie.
D'un côté, les macronistes nous disent qu'avec ce projet de loi, ils sont déterminés à mener un combat acharné contre le logement indigne mais, de l'autre, le ministère du logement a pris des décisions objectivement favorables au développement de ce même logement indigne. Je fais référence à un décret publié au cœur de l'été dernier, le 29 juillet 2023, prétendument destiné à harmoniser des normes. Comme souvent, malheureusement, avec la Macronie, harmoniser signifie tirer les droits vers le bas.
En l'occurrence, ce décret modifie la hauteur minimale sous plafond en dessous de laquelle un logement ne peut être mis en location, la faisant passer de 2,20 mètres à, tenez-vous bien, 1,80 mètre ! Cette décision politique vise objectivement à aider les marchands de sommeil.
Autrement dit, l'activité des marchands de sommeil, auparavant illégale, a été rendue licite par ce décret : des taudis – comment appeler autrement des logements dont la hauteur sous plafond n'excède pas 1,80 mètre ? – peuvent désormais être loués à des personnes, généralement vulnérables. Les associations, qui nous ont alertés sur ce sujet, nous indiquent que jusqu'à un tiers des procédures lancées au titre de l'insalubrité à l'encontre de marchands de sommeil seraient susceptibles d'être annulées après la publication de ce décret. La régression générale, ça suffit ! Retraite à 64 ans, hausse de 10 % des prix de l'électricité, plafond à 1,80 mètre, cela commence à faire beaucoup.
Les conséquences se font déjà sentir sur le terrain. Depuis que le décret a été publié, …
…des annonces proposant la location de caves ou de greniers se multiplient. À Lyon, des propriétaires ont même divisé en deux, dans le sens de la hauteur, de grands appartements qu'ils possèdent.
Avec cet amendement, nous entendons corriger par la loi ce que vous avez fait par le règlement en revenant sur une disposition intolérable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement n° 190 .
Il vise à simplifier et à stabiliser dans la loi les règles générales définissant ce qu'est un logement décent. C'est un préalable essentiel car, compte tenu du caractère flou des règles actuelles relatives à la décence, les discussions sur la nécessité et la configuration des travaux à effectuer pour aboutir à un habitat décent ne peuvent que s'éterniser, retardant de fait le lancement des nécessaires travaux dans les habitats dégradés.
Cette nouvelle rédaction permettrait, en outre, de clarifier l'action de l'État, des communes et des intercommunalités dans le cadre de la lutte contre l'habitat indigne. Elle fixe notamment à 2,20 mètres la hauteur sous plafond minimale.
Je ne sais pas qui sera nommé ministre du logement dans quelques jours – je vous rassure, ce ne sera pas moi
Sourires
– mais ce qui est important, madame la ministre, c'est que vous puissiez relayer nos demandes.
Les dispositions relatives à la décence sont dispersées dans plusieurs décrets et codes, ce qui donne lieu à des interprétations différentes. Une clarification s'impose. Bien évidemment, les modifications qu'elle appelle relèvent davantage du domaine réglementaire mais, par cet amendement, j'invite le Gouvernement à s'engager à élaborer une définition homogène, qui est très attendue. Je vous vois hocher la tête, madame la ministre, et je vais retirer cet amendement en espérant que notre message aura été entendu.
L'amendement n° 254 est retiré.
Ces dispositions relèvent en effet, monsieur Bazin, du domaine réglementaire. Ce n'est pas un hasard si les caractéristiques qui définissent le logement décent relève d'un décret car, en ce domaine, la souplesse propre à ce niveau de normes est nécessaire. La meilleure preuve en est que le décret de 2002 a été modifié quatorze fois.
Il y a fort longtemps, j'ai été étudiant. Et lorsque je participais à des assemblées générales, il y avait toujours des gens pour soupçonner le gouvernement en place d'avoir des intentions cachées et de garder en sous-main un décret secret qui, un jour, serait publié pour mettre en œuvre toutes sortes de mesures épouvantables. Ne faites pas de procès d'intention : il ne s'agit nullement, par ce décret, d'avantager les marchands de sommeil mais de mettre en cohérence des textes….
Pourquoi ne pas abaisser la hauteur minimale à 1,50 mètre tant que vous y êtes ? Ce sera cohérent avec la hauteur des niches.
…qui ont connu des modifications à la suite de la simplification des polices administratives et des procédures relatives à l'insalubrité que j'évoquais.
Il s'agit donc d'être plus efficace dans la lutte contre le logement dégradé, je laisserai le Gouvernement en faire la démonstration. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Ne faites pas comme si vous n'aviez rien fait : vous avez bel et bien modifié les règles relatives à la hauteur minimale, la faisant passer de 2,20 mètres à 1,80 mètre !
Moi, je passe !
Si vos amendements étaient adoptés, ils contribueraient à durcir le droit en vigueur. Cela reviendrait à imposer une obligation de hauteur sous plafond minimale de 2,20 mètres, laquelle n'existe pas actuellement. Par ailleurs, comme le rapporteur l'a rappelé, le décret relatif à la décence, qui relève de l'exécutif, a été modifié à de nombreuses reprises. Les dispositions définissant un logement habitable comme étant d'un volume habitable d'au moins 20 mètres cubes ont été initialement mises en place par un décret d'un gouvernement socialiste, au sein duquel Marie-Noëlle Lienemann, aujourd'hui sénatrice, était ministre déléguée au logement. Le débat a déjà eu lieu.
Comme le rapporteur, j'estime que nous avons besoin d'une certaine souplesse s'agissant des critères définissant le logement décent. Ceux-ci relèvent de la compétence du Gouvernement et nous ne passerons pas par la loi pour les modifier. Nous sommes donc défavorables aux amendements mais je réitère la proposition du ministre Vergriete qui s'était engagé à rouvrir les discussions autour du décret de 2002 si des cas particuliers de logements lui étaient soumis.
Votre position n'est pas raisonnable. Hier, au nom de la résorption de l'habitat indigne, vous défendiez la possibilité de détruire plus facilement les bidonvilles à Mayotte et en Guyane, sans décision de justice et sans relogement ; ce soir, au nom de la décence et de la souplesse, vous voulez autoriser la location de logements de moins de 9 mètres carrés, avec 1,80 mètre de hauteur sous plafond. Qu'allez-vous encore inventer ?
La NUPES réunie et la droite vous demandent de revenir sur le décret fixant à 1,80 mètre la hauteur minimale sous plafond d'un logement mis en location. Pouvez-vous vous y engager ? Dans le cas contraire, nous voterons massivement les amendements.
Je comprends l'argument selon lequel cette disposition relève d'un décret et non du domaine de la loi, mais il me semble que jusqu'ici, aucune des nombreuses versions qu'a connues le décret « décence » n'avait autorisé la mise en location de locaux dont la hauteur sous plafond serait de 1,80 mètre. Concrètement, cela revient à autoriser la location de caves.
« Non ! » sur les bancs des commissions.
Cela se vérifie très souvent. Il suffit d'aménager une cave pour qu'elle présente une toute petite ouverture lumineuse, et elle devient éligible à la location. Je souscris donc au propos de Julien Bayou : si cette mesure relève d'un décret, engagez-vous à revenir sur le décret actuel, qui n'est autre qu'un permis de louer des logements indécents. Si vous ne le faites pas, il convient de recourir à la loi pour garantir le minimum de décence des logements mis en location. Une surface de 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond de 1,80 mètre, cela ne peut pas être considéré comme un logement !
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
C'est vrai, monsieur Echaniz.
Je tenais simplement à préciser le débat en lisant à haute voix l'article R.1331-17 du décret, qui est très clair. « Sont par nature impropres à l'habitation et ne peuvent en conséquence être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux, par application de l'article L.1331-23 : [premièrement], les caves, quels que soient les aménagements et transformations qui leur sont apportés ;…
…[deuxièmement], les sous-sols, les combles, les pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante, les pièces de vie dépourvues d'ouverture sur l'extérieur, ou celles dépourvues d'éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë, sauf s'ils répondent aux exigences respectivement fixées par les articles R.1331-18 à R.1331-23. »
Dans la vraie vie, ce n'est pas comme ça ! Il suffit qu'il y ait une lucarne et la cave est louable !
Le décret est très clair. Il n'y a pas lieu de faire peur et de s'agiter dans tous les sens ; il n'y a aucune ambiguïté. Je souscris donc à l'avis du Gouvernement.
Les derniers mots de l'article que vous avez cité remettent en cause tout ce qui précède !
Je précise que le décret du 29 juillet 2023 ne détermine pas si un logement est éligible ou non à la location, mais fixe les règles d'hygiène et de salubrité des locaux d'habitation.
Il n'a pas pour effet de rendre des logements éligibles à la location, mais d'harmoniser les critères de location d'un logement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 103
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 36
Contre 39
L'amendement n° 181 n'est pas adopté.
L'amendement n° 190 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra