La séance est ouverte à 15 heures.
Présidence de M. Luc Lamirault, président.
La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (n° 1514 rect.) (M. Paul Midy, rapporteur général, Mme Mireille Clapot, Mme Anne Le Hénanff, M. Denis Masséglia, et Mme Louise Morel, rapporteurs).
Lien vidéo : https://assnat.fr/rw1muF
Nous avons été plutôt efficaces ce matin : nous avons examiné 123 amendements.
Avant l'article 4 A (suite)
Amendements identiques CS669 de Mme Marie Guévenoux et CS788 de Mme Agnès Carel
Mon amendement vise à donner aux parents d'élèves une information annuelle sur les usages du numérique et sur les services publics d'aide aux utilisateurs, comme jeprotegemonenfant.gouv.fr. Il s'agit de compléter le dispositif de sensibilisation des élèves et de leur famille aux dangers d'exposer les mineurs aux écrans de manière précoce et non encadrée, en particulier avec internet et les réseaux sociaux.
Cet amendement vise à compléter le dispositif de sensibilisation des élèves et de leur famille aux dangers des écrans, en donnant aux parents, au début de chaque année scolaire, une information complète et adaptée à l'âge de l'élève. Cette mesure permet d'associer tous ceux qui concourent à éduquer nos enfants.
Avis favorable. Nous avons adopté ce matin l'amendement de Mme Violette Spillebout visant à certifier que les enfants ont été sensibilisés au bon usage des outils numériques ; ces amendements identiques tendent à renforcer le dispositif en prévoyant une sensibilisation des parents.
Mme Belluco a eu raison de souligner qu'il existe des dispositifs similaires et qu'une évaluation est nécessaire. Ainsi, la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire prévoit des actions de même nature, avec une rédaction légèrement différente. Adoptons ces amendements : la répétition renforcera la portée des mesures, qui pêchent généralement par défaut d'application.
La commission adopte les amendements et les deux derniers alinéas de l'article 4 AA ainsi rédigés.
Amendement CS291 de M. Jean-François Coulomme
Cet amendement vise à intégrer aux trois séances normalement obligatoires d'éducation à la sexualité une sensibilisation aux dégâts que la pornographie peut commettre sur les jeunes esprits et les jeunes corps.
Les rapports d'évaluation consacrés à l'éducation à la sexualité montrent que le plus souvent celle-ci n'est pas dispensée, ou à raison d'une seule séance par an, généralement limitée aux aspects physiologiques, alors qu'une réelle éducation à la vie affective et sexuelle est indispensable – en dépit de la vision sclérosée de quelques collègues, qui estiment que cela conduit à donner goût à tous les exotismes. L'éducation à la sexualité a une autre vertu : les enfants en discutent avec leurs parents, ce qui pourrait contribuer à diminuer les violences sexistes et sexuelles. Ces violences sont souvent provoquées par l'image dégradée des femmes que véhicule une certaine pornographie. Il s'agit donc de prémunir les enfants et les parents de ces dangers.
Avis défavorable. L'éducation à la sexualité peut tout à fait aborder le cas de la pornographie à plusieurs occasions. Il ne s'agit pas d'une discipline ; elle est conçue pour se déployer à travers les différents enseignements. À l'école primaire, ce sont les professeurs qui prévoient les temps d'éducation à la sexualité ; ils sont identifiés dans l'organisation des enseignements ; surtout, ils sont adaptés aux circonstances de la classe et de l'école. L'esprit est le même au collège et au lycée. Il est inutile de préciser davantage le code de l'éducation ; laissons les professeurs libres d'aborder le sujet.
Je partage les intentions ; néanmoins, sur ce sujet, il faut être très attentif au choix des mots, en particulier lorsqu'on rédige la loi. La Belgique a adopté un décret relatif à l'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle ; il suscite de grandes tensions. Son exemple doit nous inciter à la prudence. Pap Ndiaye, alors ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, a saisi le Conseil supérieur des programmes (CSP) à ce sujet ; l'organisme doit rendre son avis d'ici au mois de novembre. Attendons de le connaître. En outre le ministre en exercice, Gabriel Attal, se prononcera devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Je ne voterai pas cet amendement.
Tous les établissements font remonter la même information : l'éducation à sexualité n'est pas effectivement dispensée. Elle est le parent pauvre des enseignements. Les programmes prévoient que les professeurs doivent aborder de nombreux sujets, or ils ont peu de temps : il suffit d'une ou deux semaines d'absence pour maladie pour que tout soit décalé et que l'éducation à la sexualité et l'éducation civique passent à la trappe. Nous sommes pleins de bonne volonté, mais cette éducation n'est pas faite. L'État doit absolument se saisir du problème ; il doit y consacrer les moyens nécessaires, en temps et en personnel, notamment en prévoyant la formation des professeurs, car on n'aborde pas la sexualité et la vie affective n'importe comment.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS442 de M. Idir Boumertit
Pour prévenir les addictions au numérique, il est impératif de sensibiliser dès que possible les jeunes au problème ; les milieux éducatifs doivent y concourir. Face aux difficultés de cette nature, la majorité ne sait que recourir à la sanction et à l'aggravation des peines, alors qu'il est bien plus efficace de former les citoyens, ici aux effets d'un usage excessif du numérique. L'amendement tend à instaurer des formations dans les établissements d'enseignement supérieur.
Pourquoi les instaurer seulement dans l'enseignement supérieur ? Surtout, je suis défavorable aux lois bavardes. Les services de santé étudiants (SSE) participent déjà à prévenir les conduites addictives ; les étudiants relais-santé mènent des actions de médiation, notamment à l'occasion des événements étudiants. Ils seraient peut-être les mieux à même de sensibiliser les jeunes comme vous le demandez. En tout cas, il n'est pas nécessaire de compléter ainsi la loi. Avis défavorable.
Tout le premier volet du texte est répressif, or l'accompagnement et l'information sont beaucoup plus importants que la répression. La mesure proposée est limitée à l'enseignement supérieur, parce que les agressions sexuelles y sont nombreuses, parmi d'autres problèmes : il est essentiel de sensibiliser les étudiants à toutes les dérives possibles du numérique.
Je suis rapporteur pour avis du projet de loi de finances pour les crédits de l'enseignement supérieur et de la vie étudiante ; je ne cesse d'auditionner des associations d'étudiants, notamment, qui nous mettent en garde : les investissements dans la santé universitaire et la prévention sont bien trop faibles. Les étudiants sont particulièrement vulnérables aux risques liés au numérique, comme l'addiction. Dire que l'État doit les y sensibiliser davantage, ce n'est pas rendre la loi bavarde.
Nous pensons qu'il faut prévoir un volet répressif et un volet éducatif, selon le principe du « en même temps » qui nous est cher. Comme je l'ai expliqué ce matin, nous vous proposons un travail préparatoire à l'examen en séance pour aller plus loin dans ce domaine, en restant cohérents avec les actions du Gouvernement – certaines, comme Pix, sont très intéressantes et déjà en progrès. Nous sommes nombreux à partager une ambition forte dans ce domaine.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS380 de Mme Isabelle Santiago
Cet amendement vise à demander un rapport d'évaluation de la formation à l'utilisation des outils et des ressources numériques prévues par le code de l'éducation. Il ne s'agit pas tant pour nous de demander un rapport supplémentaire que d'exercer la mission parlementaire d'évaluation qui nous est chère. Monsieur le ministre délégué, vous êtes un ancien député, je sais que vous serez sensible à l'argument. Comme vous le disiez hier, nous devons travailler en amont de la loi, mais aussi en aval. Selon le rapport de l'IGESR – Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche –, « Éducation à la sexualité en milieu scolaire », les trois séances prévues sur ce thème ne sont malheureusement pas organisées partout. Le rapport que nous demandons permettrait donc d'évaluer comment les jeunes sont préparés à utiliser le numérique, afin d'éviter d'avoir à réparer des comportements liés à un manque d'éducation, lorsqu'il est trop tard.
Je comprends l'esprit de l'amendement. Cependant, il vise à établir un rapport sur l'application de l'article L. 312-9 du code de l'éducation, que les amendements que nous venons d'adopter tendent à modifier. J'ajoute que les deux amendements qui suivent visent également à demander des rapports, sur les dispositifs de lutte et de prévention du harcèlement en milieu scolaire. Je vous propose de réfléchir, d'ici à l'examen en séance, à la définition précise des informations qu'il serait opportun de demander au Gouvernement. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable. Il en ira de même pour les deux amendements de la discussion commune qui suit.
Il serait sage en effet d'essayer, avec le rapporteur général et les rapporteurs, de circonscrire les éléments dont la représentation nationale souhaite disposer. Vous avez raison, Madame Karamanli, il est essentiel que le Parlement exerce pleinement ses missions de contrôle, mais mieux vaudrait ne pas les sous-traiter au Gouvernement. Le Parlement dispose de nombreux outils de contrôle et d'évaluation – Printemps de l'évaluation, missions de contrôle, Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques ; missions d'information ; commissions d'enquête ; contrôles sur pièces et sur place des rapporteurs spéciaux. Il faut vous en saisir sans retenue, même si le temps nécessaire manque souvent.
Dans ma circonscription des professeurs ont développé une stratégie pour nouer le dialogue avec les collégiens, dans le cadre de l'éducation à la sexualité. Ils ont installé une urne où les élèves peuvent déposer anonymement leurs questions. En découvrant les représentations des élèves et les conséquences sur leurs pratiques, ils ont été effarés : les images pornographiques viennent combler les enseignements qui ne sont pas dispensés. Nous gagnerions au change si les professeurs s'en chargeaient, plutôt que les réseaux sociaux.
L'évaluation demandée montre que les différentes actions de l'éducation nationale suscitent de la confusion. Elles manquent parfois de lisibilité, ainsi que de visibilité, pour les parents notamment. Pix, par exemple, est un très bel outil mais reste trop technique, faute d'être suffisamment consacré à la prévention, et il n'est utilisé qu'au collège. Surtout, d'un territoire à l'autre, l'éducation au numérique n'est pas la même, le sujet étant très inégalement abordé. Je ne soutiens pas cet amendement, car l'évaluation ne peut être la seule méthode, mais il faudra se saisir du problème.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS342 de M. André Chassaigne et CS676 de M. Laurent Croizier (discussion commune)
Il faut encourager la lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement en milieu scolaire. Dans un avis publié en 2021, la Défenseure des droits relevait qu'en dépit des dispositifs déployés depuis plusieurs années le phénomène demeure problématique, d'autant plus qu'il connaît de nouveaux développements. Elle a notamment constaté que certains établissements ne se saisissent pas suffisamment des outils nationaux de prévention ou de lutte, et que certaines équipes pédagogiques éprouvent d'importantes difficultés à mesurer l'ampleur des faits. Il est donc nécessaire que le Gouvernement remette au Parlement un rapport qui établisse le bilan de l'application effective, dans les établissements scolaires, des dispositifs de lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement. Suivant la recommandation de la Défenseure des droits, nous proposons que le rapport évalue l'opportunité de rendre obligatoire l'organisation régulière d'actions de sensibilisation.
Les événements tragiques récents témoignent que le harcèlement et le cyberharcèlement sont des fléaux difficiles à prévenir. Le drame du suicide de Nicolas à Poissy et la lettre inadmissible que le rectorat avait envoyée à ses parents montrent qu'il est urgent d'établir un état des lieux des actions de prévention et de sensibilisation déjà menées sur le harcèlement et le cyberharcèlement en milieu scolaire, notamment dans la formation initiale et continue, ainsi que d'organiser annuellement une séance obligatoire auprès des élèves, des professeurs et de tous les autres personnels de l'éducation nationale – y compris ceux des rectorats. Ce rapport compléterait l'audit des cas de harcèlement recensés que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a demandé avant-hier aux recteurs.
Il est urgent de dresser un état des lieux, mais, comme je le disais, il faut définir le périmètre le plus adéquat pour le rapport que nous demanderons. À ce stade, demande de retrait, sinon avis défavorable.
Il est normal d'être soucieux. Toutefois, nous avons déjà travaillé sur ces sujets : la sénatrice Colette Mélot a rédigé un rapport d'information – « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement : mobilisation générale pour mieux prévenir, détecter et traiter » – et je suis moi-même l'auteur d'un rapport de mission gouvernementale – « Comprendre et combattre le harcèlement scolaire ». L'article L. 111-6 du code de l'éducation prescrit des actions de prévention et l'application de protocoles pour accompagner les victimes et les auteurs. Les outils juridiques existent, il faut maintenant déployer les politiques publiques adéquates ; je crois que le ministre va faire des annonces en ce sens. C'est le moment – en fait, il est déjà trop tard – de provoquer un changement de paradigme concernant le harcèlement et le cyberharcèlement chez les jeunes. L'éducation nationale n'avait pas la culture nécessaire pour traiter ces sujets ; il faut désormais décliner les moyens.
Successivement, la commission rejette l'amendement CS342 et adopte l'amendement CS676. L'article 4 AB est ainsi rédigé.
Amendements CS905, CS904, CS903, CS902 et CS901 de M. Paul Midy (discussion commune)
Le débat est important et le sujet difficile, à la fois social, politique, technique et juridique. La position du groupe Renaissance est : « Non à l'anonymat, oui au pseudonymat. » Nous sommes presque unanimes à dénoncer la situation, en particulier l'intensité du harcèlement sur les réseaux sociaux, qui provoque notamment du harcèlement scolaire – nous avons évoqué les cas de Lindsay, de Marie, de Lucas et d'autres. Le racisme, la misogynie, le sexisme, la LGBTphobie, l'antisémitisme, l'islamophobie et la violence en général ont atteint un niveau considérable, bien supérieur à celui qu'on leur connaît dans le monde physique. Nous cherchons la cause. Je suis convaincu que nous ne sommes pas tous devenus fous, mais que l'impression d'anonymat crée un sentiment d'impunité qui fait tomber les limites. Je dis cela en étant moi-même un adepte des réseaux sociaux. Depuis dix ou quinze ans, des experts comme John Suler, Arnaud Mercier et François Jost enrichissent la littérature scientifique consacrée au sujet ; ils ont analysé ce mécanisme, que tout le monde perçoit intuitivement, et défini des concepts, comme l'anonymat dissociatif.
Que faire ? Je ne veux pas réinventer le fil à couper le beurre, ni surtout changer notre cadre constitutionnel ou attenter aux libertés publiques. Nous pourrions transposer les règles du monde physique au monde numérique. Celui-ci existe depuis longtemps, mais nous ne vivons massivement sur les réseaux sociaux que depuis dix ans. Or dans le monde physique, le principe est le pseudonymat, pas l'anonymat.
Quand je me balade dans la rue, je ne suis pas obligé d'inscrire mon nom sur ma veste, et c'est heureux. Mais si la police me le demande, je dois décliner mon identité. Elle peut même m'emmener au poste et m'y garder quatre heures pour procéder à des vérifications d'identité. Face à l'autorité publique, je n'ai pas le droit à l'anonymat.
Quand je conduis ma voiture, j'ai un droit au pseudonymat – je crois que personne ne met son nom sur son véhicule – : la plaque d'immatriculation, qui permet à la puissance publique de m'identifier si je commets une infraction, est obligatoire.
Troisième exemple, j'ai le droit au pseudonymat de mon téléphone. Je peux me faire passer pour quelqu'un d'autre, tout en donnant mon numéro de téléphone. En revanche, je dois faire connaître mon identité à mon opérateur ; en cas d'actions illégales, la puissance publique en sera informée.
Il a fallu des siècles au législateur pour parvenir au niveau de sophistication juridique que nous connaissons ; nous ne ferons pas mieux en une semaine. Concrètement, qu'emporterait la transposition de cette règle – oui au pseudonymat, non à l'anonymat – dans le monde numérique ? Quand je crée un profil Facebook – je cite des exemples, je ne fais pas de publicité –, je dois évidemment avoir le droit au pseudonymat. Je dois aussi avoir le droit d'en créer dix, par exemple Paulo91, avec une photo de mon chat – s'il est d'accord. Je dois pouvoir exprimer toutes mes opinions sur les réseaux sociaux sous ce pseudonyme. En revanche, il n'y a aucune raison de m'accorder l'anonymat devant les autorités, si j'utilise mon compte Facebook pour commettre des actes répréhensibles, comme harceler une jeune fille qui se suicidera quelques semaines plus tard.
Je réponds par avance à certaines objections. Hier, M. Aurélien Taché soulignait à raison que les journalistes devaient pouvoir travailler. La règle s'applique déjà à eux. Ils ont le droit d'aller dans une entreprise ou une administration avec une caméra cachée, en se faisant passer pour quelqu'un, en utilisant de faux papiers. Nous en sommes ravis. Cependant, si un journaliste commet une infraction, il ne peut exciper de sa profession pour rester anonyme face à l'autorité publique. Évidemment, il doit pouvoir jouir sur les réseaux sociaux du même pseudonymat que dans le monde physique, y compris en créant de faux profils pour mener ses enquêtes. Nous ne voulons pas retirer ne serait-ce qu'un demi-chouïa de liberté publique.
Nous proposons d'agir en trois étapes, déclinées en sept amendements. La première consiste à se donner un objectif de moyen en décidant de développer l'identité numérique en France. Nous avons un plan France très haut débit ; nous devons avoir un plan France identité numérique. Le Gouvernement mène déjà des actions propices. Par exemple, dans trois départements, il sera possible à partir du 16 octobre de disposer d'un permis de conduire dématérialisé, que l'on pourra présenter en cas de contrôles routiers.
Deuxième étape, nous obligerons les plateformes de réseaux sociaux à proposer la création de comptes certifiés appartenant à une personne physique ou morale, à partir de 2025, pour les personnes volontaires. Je ne veux surtout pas que Facebook ait la copie des cartes d'identité de tous les Français – même si c'est le cas des opérateurs de télécommunication. Quand les utilisateurs voudront se certifier, Facebook se connectera à France Identité, qui transmettra l'assurance que la connexion provient d'une personne physique, et un code chiffré, que les autorités seules pourront déchiffrer, dans l'unique cas où l'auteur du profil commettrait des actes répréhensibles, comme c'est le cas avec les plaques d'immatriculation. Facebook n'aura aucunement accès à des informations sur l'identité de la personne.
Ensuite, en 2027, il ne sera plus possible d'avoir des comptes qui ne sont pas certifiés, soit au nom d'une personne physique, soit à celui d'une personne morale – comme les voitures doivent avoir une plaque d'immatriculation.
Sur les réseaux sociaux, on profite de la liberté d'expression mais aussi de celle de s'informer. Nous prévoyons donc des exceptions pour les comptes « ayant une portée limitée », c'est-à-dire ressemblant à une messagerie privée : votre compte a moins de 100 amis, qui sont seuls à voir ce que vous écrivez sur votre mur, et qui ne permet d'écrire que sur le mur de vos amis. Cela relève alors du domaine du privé : c'est comme si vous étiez chez vous ou que vous discutiez avec vos amis au bar PMU.
Merci au rapporteur général d'avoir structuré ce débat de cette façon.
Le Gouvernement est défavorable à ces cinq amendements.
En ce qui concerne les amendements qui obligent les plateformes à proposer une certification aux utilisateurs qui le souhaitent, ils ne respectent pas les conventions signées par la France ; ils empiètent sur les compromis trouvés par l'Union européenne au moment de l'adoption du Digital Services Act (DSA). La Commission veillera à éviter que la France n'impose des propositions qui ont été écartées. Le Gouvernement ne peut donc pas soutenir une telle disposition.
Il me semble néanmoins que cette idée a du mérite. Dans les années qui viennent, nous devrons la défendre, en Européens. Les plateformes avancent elles-mêmes vers des solutions similaires : c'est le cas X, ex-Twitter, qui avance dans cette direction mais proposera une solution privée, discriminatoire, puisqu'elle sera payante ; vous n'aurez plus le droit d'aller sur Twitter si vous ne payez pas. Ce modèle ne nous satisfait pas. Il me paraît souhaitable d'aller plutôt vers un modèle où les plateformes doivent proposer une certification à ceux qui la souhaitent, ainsi que la faculté de n'être entouré que de personnes qui ont elles-mêmes laissé en dépôt une pièce d'identité au moment de leur inscription – sans empêcher ceux qui refusent de se faire certifier d'évoluer sur les réseaux sociaux. Mais nous sommes tenus par les compromis obtenus au moment du DSA. Rien n'empêche malgré cela le Parlement, par une résolution par exemple, de donner de la force au Gouvernement pour soutenir les pays qui pourraient s'engager dans cette voie.
En ce qui concerne les amendements qui choisissent l'obligation, ils entrent également en contradiction avec le DSA. Ils sont sans doute de plus inconstitutionnels : s'il est vrai que la plupart des dommages causés aux personnes sur les réseaux sociaux ont lieu dans le domaine des communications interpersonnelles, ces plateformes sont aussi un moyen de s'informer. Or personne ici n'accepterait de voter une disposition imposant à la personne qui achète son journal au kiosque de présenter une pièce d'identité.
Au-delà des arguments juridiques, il y a un problème de confiance. Nous l'avons vu hier en discutant de la vérification d'âge : cela suscite des interrogations et de la défiance.
Sur les amendements suivants, CS899 et CS900, qui portent sur le développement de l'identité numérique, le Gouvernement accueille avec bienveillance la proposition du rapporteur et émettra un avis de sagesse. Il ne s'agit pas de surveiller tout le monde, mais d'améliorer l'accès au droit. Des exemples internationaux nous montrent que, grâce à l'identité numérique, la transition numérique peut être vecteur d'inclusion plutôt que d'exclusion.
Vous partez du postulat que l'anonymat sur internet est problématique. Mais l'anonymat n'est que très partiel : la justice peut obtenir l'identité des internautes. Le problème réside plutôt dans l'insuffisante répression des comportements illégaux. Très peu de poursuites sont engagées, même quand des plaintes sont déposées, même par des personnes très connues. La chanteuse Hoshi multiplie les dépôts de plainte, sans résultat. Que peuvent alors espérer M. et Mme Tout-le-monde ? C'est la question des moyens de la justice qui est posée.
Enfin, comment les collectifs qui n'ont pas la qualité de personne morale feraient-ils ? Devraient-ils changer d'identifiant en permanence ? Si un collectif n'a pas de président, qui est désigné ?
Ce texte vise-t-il à transposer le Data Act et à protéger les mineurs de la pornographie, ou à contrôler les citoyens sur internet ? Nous avons eu plusieurs réunions à votre ministère à la suite de la révolte populaire pour savoir s'il fallait couper les réseaux sociaux ; juridiquement comme politiquement, ces pistes ont été abandonnées et c'est heureux ; je salue en revanche votre proposition de réserve citoyenne numérique. Mais on continue à voir des tentatives, des tentations… Je ne doute pas de vos bonnes intentions, monsieur le rapporteur général, mais l'anonymat est essentiel à la lutte contre la haine : souvent, les lanceurs d'alerte ont besoin d'être anonymes.
Votre comparaison avec la route ne tient pas : la plaque d'immatriculation existe parce qu'il y a un permis de conduire et un code de la route ! Internet, lui, est libre.
Vous jouez les apprentis sorciers. Je trouve votre idée terrifiante, et vos comparaisons ne fonctionnent pas. Vous faites du zèle supra-européen ! En revanche, vous auriez pu proposer de lier un compte sur un site porno à une personne physique ; je m'étonne que vous n'y ayez pas pensé.
Si vous voulez le fond de ma pensée, je vous renvoie à ma tribune dans La Tribune.
En matière d'identité numérique, je veux saluer ce qui a été fait au cours de la législature précédente. Ce sujet doit en effet avancer plus vite. Mais on parle ici d'une identité numérique au sens que revêt ce terme en Estonie ou à Taïwan : un moyen d'accès aux services.
Ici, il s'agit de tout autre chose, c'est-à-dire de lier le pseudonymat et l'identité. Cela ne marche pas, et vos exemples le montrent. Il n'y a d'ailleurs nullement besoin d'une carte d'identité pour acheter une carte SIM, et nous ne sommes pas des bagnoles !
Vos propositions pourraient en outre mettre en danger certains acteurs, notamment dans le domaine du renseignement de source ouverte ou de la recherche.
Le sujet, ce n'est pas tant l'anonymat que notre capacité à identifier les auteurs de délits. Or la croissance importante du nombre d'infractions couplée à l'utilisation d'outils visant à rendre difficile l'identification des auteurs empêche la justice de confondre les responsables. Même si nous avons voté le recrutement de 1 500 cyberpatrouilleurs et d'autant de magistrats et de greffiers, il est vain de croire que seuls les moyens humains de l'État pourront apporter des réponses adéquates.
Face à ce triste constat, soit on agit au niveau logiciel et au niveau des services en ligne – en imposant par exemple une certification –, soit on agit au niveau du réseau, en limitant l'usage des outils qui rendent difficile l'identification des auteurs. Sans même parler des difficultés juridiques, constitutionnelles et européennes, il n'est néanmoins pas possible de faire l'économie d'une étude d'impact et d'un débat large.
La mesure que propose le rapporteur général est dangereuse, alarmante et liberticide ; c'est une atteinte grave au principe d'anonymat sur internet. Cela démontre surtout une profonde méconnaissance d'internet. Pour le commun des mortels, l'anonymat n'existe pas ; la police peut le lever. Vous risquez même de rendre plus complexe le travail de la police en éveillant la vigilance des criminels.
Cet amendement est indigne d'un régime démocratique, et fait plutôt penser au régime chinois – vous l'assumez d'ailleurs en parlant de « plaque d'immatriculation ». Il serait de surcroît inefficace. Le Rassemblement national défend les libertés en ligne et nous nous opposerons de toutes nos forces à ces propositions. Nous sommes satisfaits de l'avis défavorable du Gouvernement, mais nous nous inquiétons du fait que celui-ci entende défendre de telles mesures au niveau européen. Nous allons nous efforcer de dévoiler votre projet liberticide au cours de la campagne des élections européennes.
Je ne m'étends pas plus longtemps sur le caractère liberticide de cette mesure, même si je ne partage pas tout ce qui vient d'être dit.
On n'est jamais parfaitement anonyme sur internet, des affaires judiciaires nous le rappellent chaque semaine. La question, c'est celle des moyens des forces de l'ordre et notamment de Pharos, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements. Ces amendements ne règlent rien. Les grands voyous ont des moyens colossaux, supérieurs à ceux de l'État. Ils continueront à utiliser des VPN – réseaux virtuels privés – et à falsifier leur identité. Je suis sûr qu'il n'est pas si difficile de falsifier votre identité et de la relier au compte Facebook Paulo91, avec la photo du chat.
Enfin, l'image de la plaque d'immatriculation est maladroite : un humain n'est pas une voiture, et il y a aussi plus de 300 000 fausses plaques d'immatriculation dans notre pays.
Je remercie le rapporteur général d'ouvrir ce débat. Nos concitoyens ne comprendraient pas que cette question ne soit pas soulevée dans le cadre d'un texte sur la régulation du numérique.
C'est un débat très complexe. Je ne suis pas un expert ; mais je suis dans cet espace numérique et, comme vous tous, je suis attaqué et insulté par des gens tapis dans l'ombre. La question de la régulation se pose.
Merci au rapporteur général d'avoir le courage d'ouvrir le débat. Il existe un sentiment d'anonymat, et donc un sentiment d'impunité, contre lequel nous devons nous donner les moyens de lutter. Il faut toujours défendre la liberté d'expression, mais on ne peut pas défendre la liberté de harceler, d'arnaquer ou de montrer du contenu pornographique à des mineurs.
Ce n'est pas le moment d'adopter la solution proposée par les amendements, j'en suis d'accord. Mais prenons conscience de la nécessité d'avancer.
Ces amendements sont inconventionnels ; nous ne pouvons pas aller dans le sens que vous indiquez sans remettre en cause la primauté du droit européen sur le droit national.
Ils sont contraires à la charte des droits fondamentaux de l'Union : la Cour de justice de l'Union européenne nous l'a dit. La Cour de justice estime que l'anonymat est une règle, et que les exceptions doivent être réservées aux crimes graves. Dès lors, ce ne sont plus les procureurs qui doivent faire les réquisitions, mais une autorité administrative indépendante ou un juge indépendant. La Cour nous l'a encore répété la semaine dernière : même pour la corruption d'agent public, les réquisitions ne peuvent pas être le fait du procureur. Le Conseil constitutionnel l'a dit à plusieurs reprises : nous devons changer nos règles procédurales.
Ensuite, il y a la question des moyens de la justice ; les cyberpatrouilleurs vont être développés grâce à la loi d'orientation.
Ne pas avoir ce débat aurait été une faute.
Aujourd'hui, il faut trois secondes pour créer un compte sur un réseau social en restant indétectable. L'idée du rapporteur général me paraît intéressante : on n'interdit pas l'anonymat, mais on demande à un tiers de certifier la personne qui est derrière le compte.
Je suis surpris des propos du RN. Ce sont les mêmes qui s'indignent quand des gens ont des cagoules en manifestation ! L'espace numérique est-il, ou pas, le prolongement de l'espace physique ?
C'est un débat qui suscite beaucoup d'intérêt. L'anonymat en ligne n'est pas total : des harceleurs sont retrouvés. Mais il est vrai que nous ne sommes pas efficaces dans la recherche et la condamnation des auteurs d'infractions.
Quelles améliorations apporte le DSA à notre capacité collective à retrouver les auteurs d'infraction, et donc à faire cesser le sentiment d'impunité ? Si elles sont importantes, ce règlement commence à s'appliquer, donnons-lui sa chance. Sinon, que pouvons-nous faire, au niveau national comme européen ?
La plupart des utilisateurs se croient anonymes, et en profitent pour enfreindre des règles. Nous devons combattre ce sentiment d'impunité.
Je remercie à mon tour le rapporteur général d'avoir ouvert ce débat. Les propositions ne sont pas mûres, visiblement. Mais le groupe Renaissance souhaite que la France s'engage dans le sens indiqué par M. le ministre délégué : progresser sur l'identité numérique et mettre fin à l'impunité sur les réseaux.
Il y a trois problèmes distincts : l'efficacité des poursuites ; l'absence, en réalité, d'anonymat ; enfin, le sentiment d'impunité. Je suis curieuse de savoir quels seraient les résultats d'un sondage qui demanderait aux Français s'ils se croient anonymes sur les réseaux sociaux : je suis persuadée que beaucoup pensent qu'un pseudonyme suffit à empêcher leur identification. C'est sur cette expression sans filtre que nous devons nous interroger.
On touche ici à une question anthropologique : en société, chacun est responsable de ses actes. Entre le grand laisser-aller et le flicage totalitaire, c'est à l'Europe qu'il revient de trouver une voie médiane, respectueuse des libertés fondamentales mais compatible avec la courtoisie indispensable au vivre-ensemble.
Ce débat de fond est passionnant et nous pourrons le prolonger lors de la campagne des élections européennes.
Revenir sur l'anonymat sur internet est une mauvaise solution, dangereuse.
Votre prémisse selon laquelle l'anonymat serait la source de tous les problèmes est fausse : dans les cas de harcèlement scolaire, le harcèlement numérique prolonge le harcèlement réel. L'homophobie, le racisme, l'antisémitisme, entre autres, se montrent à visage découvert.
Le véritable problème, ce sont les moyens de levée de l'anonymat, donc les moyens de la police et de la justice. Et comme vous refusez continuellement de donner des moyens aux services publics, vous finissez par faire de l'agitation en prenant des mesures symboliques qui ne résolvent rien !
Le harcèlement scolaire se fait en effet souvent à visage découvert. Je suis moi-même opposé à ces amendements, mais je voulais faire une remarque : pour repousser ces amendements, vous avez tous dit que l'anonymat en ligne n'existait pas in fine. Mais si c'est vrai, pourquoi alors ne pas accepter cette solution et faciliter le travail des forces de police pour identifier des personnes qui s'expriment en ligne ?
D'abord, un scoop : je n'ai pas de chat.
S'agissant de l'inconventionnalité, le trilogue sur l'identité numérique débat de l'équivalent d'un des amendements : l'obligation pour les plateformes de proposer des comptes certifiés. Il doit se terminer le 15 octobre. Les règles peuvent donc bouger.
La confiance est en effet essentielle, et c'est pour cela que nous avons choisi la date lointaine de 2027 pour l'obligation de certification des comptes. Mais, cette confiance, il faut en effet la construire.
Vous dites qu'il n'y a pas d'anonymat sur internet. Techniquement, dans la moitié des cas, il n'y a pas d'anonymat ; dans l'autre moitié, il est soit très difficile, soit complètement impossible de trouver l'internaute. Mais l'essentiel, c'est que la quasi-totalité des Français se pensent anonymes. C'est ce sentiment que nous voulons combattre, plus que l'anonymat lui-même.
Il faut en effet davantage de répression. Nous avons augmenté les moyens de la justice, mais on pourrait aller plus loin que cela ne suffirait pas encore. Oui, il faut faire beaucoup plus.
S'agissant des personnes morales, elles seraient traitées comme des personnes physiques. Madame Amiot, vous évoquiez aussi le cas très concret d'un collectif informel. Les difficultés sont les mêmes dans la vie réelle lorsqu'il s'agit de louer une salle ou une voiture : dans l'action, quelqu'un prend une partie de la responsabilité.
Monsieur Taché, les lanceurs d'alerte ne sont pas connus du public, mais ils ne sont pas anonymes vis-à-vis de la puissance publique.
Vous dites aussi qu'il faut un permis de conduire pour aller sur la route, et que ce n'est pas le cas sur internet. Pourtant, nous avons longuement débattu des manières d'accompagner nos jeunes dans l'espace numérique. Je rappelle aussi la loi Marcangeli, qui établit une majorité numérique.
J'ai la conviction que la tyrannie ne vient pas de la technologie, mais de la dégradation de la démocratie et du système de gouvernance. Bien des technologies que nous utilisons, du smartphone à la carte bleue, permettent de suivre les gens à la trace. Je préfère que ce soit la France, pays des droits de l'homme, qui définisse des solutions, plutôt que la Chine dont les valeurs ne sont pas les mêmes. Pour le moment, ce sont d'autres pays qui nous imposent leurs technologies : il n'y a pas un seul grand réseau social qui soit européen. Nous subissons les biais américains – au moins, les États-Unis sont nos alliés.
Monsieur Boucard, la question des moyens est essentielle. Les voyous ont toujours plus de moyens que l'État, mais un faux passeport coûte environ 250 euros, je crois : c'est accessible à beaucoup de gens. Ce que nous voulons, c'est traiter la masse.
Je serai ravi si un simple changement procédural fonctionne.
Le DSA, c'est génial : c'est une avancée majeure et une victoire française, obtenue dans le cadre de la présidence de l'Union européenne. Mais c'est une première régulation. Elle donne des devoirs énormes aux plateformes pour assurer la modération, ce qui est un terme poli pour dire la police. Ces plateformes sont privées et ne sont pas européennes ; Mark Zuckerberg ou Elon Musk sont de très bons entrepreneurs, mais ils n'ont pas été élus, et je ne leur fais pas confiance pour assurer l'ordre public à long terme. Nous devons continuer d'évoluer.
Madame Clapot, vous avez raison. Dans le monde physique, il n'existe pas de cape d'invisibilité comme dans Harry Potter ; si elle existait, les humains qui en disposeraient se seraient probablement entretués… Il ne faut pas plus de cape d'invisibilité sur les réseaux sociaux.
Merci à tous pour ce débat. Je vous propose à tous de poursuivre la réflexion en vue de la séance.
Les amendements CS905, CS904, CS903, CS902 et CS901 sont retirés.
Amendements CS899 et CS900 de M. Paul Midy
L'amendement CS899 vise à assigner à l'État l'objectif de doter 80 % des Français d'une identité numérique au 1er janvier 2027 – ils sont 10 % aujourd'hui. Les exigences que nous posons en matière de pornographie accroîtront mécaniquement cette proportion.
L'amendent CS900 a pour objet de demander au Gouvernement un rapport sur la manière avec laquelle il envisage de tenir un tel objectif.
La commission adopte successivement les amendements et l'article 4 AC est ainsi rédigé.
Amendement CS793 de M. Henri Alfandari.
En préambule, je précise que l'amendement concerne la connexion à des services publics et non à des services privés.
Il s'agit de jeter les bases, d'une part, d'une identité numérique régalienne et, d'autre part, d'un portail sur lequel l'ensemble des données des administrés seraient consultables en lecture et en écriture, sans stockage. L'objectif n'est pas de fliquer mais d'aider les gens à reprendre la main sur leurs données et de les accompagner dans tous les démarches de la vie quotidienne.
La création de l'identité régalienne s'appuierait sur France Identité numérique et FranceConnect + tout en s'inscrivant dans le cadre européen. Quant à la plateforme, elle permettrait de récupérer les données grâce à l'intégration d'applications d'entreprise (EAI).
Il est proposé une expérimentation sur cinq ans dans un nombre limité de départements et avec des citoyens volontaires uniquement – pour que l'expérimentation soit satisfaisante, le volume ne doit pas être trop important.
C'est évidemment une excellente idée. Votre amendement est en partie satisfait par ceux que nous avons adoptés à l'instant puisqu'il aborde un sujet connexe. Je vous propose de le retirer et de nous assurer avant la séance que vos préoccupations sont bien prises en considération dans le rapport prévu par l'amendement CS900.
Vous avez raison, l'identité numérique peut faciliter l'accès au droit, y compris pour des personnes encore éloignées du numérique.
France Identité numérique a déjà commencé à se déployer par le biais d'expérimentations différenciées selon les territoires. Je crois qu'un rendez-vous est déjà prévu avec le ministère de l'intérieur sur votre proposition. Je suggère donc de retirer l'amendement et de laisser la discussion se poursuivre.
L'amendement est retiré.
TITRE II PROTECTION DES CITOYENS DANS L'ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE
Article 4 A : Avertissement sur le caractère illégal des comportements simulés dans des vidéos pornographiques
Amendement CS791 de Mme Agnès Carel
L'amendement a pour objet de compléter le dispositif introduit par le Sénat en vertu duquel les utilisateurs de sites pornographiques seront informés qu'ils s'apprêtent à visionner une vidéo simulant la commission d'un crime ou d'un délit, tels que le viol. Il paraît tout aussi important de préciser à l'ensemble des utilisateurs que les contenus pornographiques ne reflètent pas la réalité des rapports sexuels. En effet, les professionnels de santé alertent sur les risques liés à un effet de mimétisme.
L'amendement vise donc à imposer aux éditeurs de films pornographiques la diffusion d'un message clair, lisible, adapté et compréhensible par tous, y compris les plus jeunes, soulignant le caractère fictif des scènes jouées par des acteurs professionnels dans les vidéos.
Il ne semble pas souhaitable d'alourdir l'avertissement en multipliant les messages. La priorité reste d'alerter sur le caractère illégal du contenu. J'exprime donc un avis de sagesse.
Le Gouvernement est opposé à l'article 4A. Il ne peut pas, d'un côté, repousser certains de vos amendements, au motif qu'ils viendraient contredire la directive sur le commerce électronique, et, de l'autre, soutenir un article qui impose à des acteurs, quel que soit leur lieu d'établissement – y compris dans un autre pays membre de l'Union européenne – de diffuser des messages particuliers. Ce n'est pas conventionnel. Néanmoins, je fais toute confiance à la sagesse du Parlement pour faire les bons choix.
S'agissant de l'amendement, dont je partage l'intention, j'émets aussi un avis de sagesse, sachant qu'il n'effacera pas l'inconventionnalité de l'article.
Sur le principe, nous sommes plutôt favorables à une mesure qui nous paraît juste.
Néanmoins, nous entendons l'argument de l'inconventionnalité. En outre, comme les débats d'hier l'ont montré, une idée qui paraît juste peut s'avérer compliquée à mettre en œuvre pour des raisons techniques ou juridiques.
Quoi qu'il en soit, se pose une fois encore la question du contrôle et des moyens mis à disposition pour y procéder. Ce n'est certainement pas le rôle des cyberpatrouilleurs.
Je reconnais les bonnes intentions mais, une nouvelle fois, vous vous heurtez à la réalité.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS431 de Mme Sophia Chikirou et CS744 de M. Laurent Croizier (discussion commune)
L'amendement vise à rendre obligatoire l'affichage du message pendant toute la durée du visionnage de la vidéo. Il est très facile de fermer le message d'avertissement, s'il apparaît seulement au début, sans même en prendre connaissance.
Je souhaite que dans notre pays, les contenus pornographiques simulant des viols, des comportements incestueux ou encore des agressions sexuelles ne soient jamais banalisés, ne serait-ce que par respect pour les personnes qui en sont malheureusement victimes.
L'alinéa 2 contraint les plateformes qui proposent de tels contenus à afficher un message avertissant l'utilisateur du caractère illégal des comportements. Je considère que ce n'est pas suffisant. Mon amendement vise donc à préciser que le message doit apparaître avant l'accès à la vidéo et durant toute la durée de sa diffusion.
Je rebondis sur les propos de M. le ministre délégué. L'obligation d'afficher un message peut sembler contradictoire avec la philosophie du projet de loi consistant à retirer les contenus inappropriés. Mais, vous l'aurez compris, notre objectif est de traiter la masse, donc autant se doter des deux outils – tant que le contenu n'est pas retiré, il reste toujours le message.
Je partage votre volonté d'aller plus loin en imposant l'affichage du message pendant toute la durée du visionnage. J'ai déposé l'amendement CS879 qui est encore plus complet puisqu'il ajoute à votre proposition l'affichage des peines encourues pour chaque comportement illégal, conformément à une demande formulée lors des auditions. Je vous demande de retirer votre amendement au profit du mien.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS757 de M. Erwan Balanant
Puisque message d'avertissement il y a, autant qu'il soit parfaitement utile. C'est la raison pour laquelle je propose d'afficher les numéros d'aide aux victimes. Pour avoir travaillé sur les violences conjugales, je sais que certaines femmes sont forcées à regarder des films pornographiques avec leur conjoint ou leur compagnon. L'affichage des numéros d'aide me semble une idée plutôt efficace.
Il ne faut pas trop alourdir le message. Par ailleurs, si je partage votre objectif, je ne suis pas convaincue par la méthode. La cible des messages d'avertissement, ce sont avant tout les personnes qui souhaitent accéder à des contenus pornographiques. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Demande de retrait au profit de l'amendement CS756, qui me semble plus solide.
Je le répète, s'agissant d'un sujet qui n'est pas traité explicitement par le DSA, la seule manière de respecter la conventionalité, c'est de se placer sous les auspices du point 4 de l'article 3 de la directive sur le commerce électronique, c'est-à-dire la dérogation au principe selon lequel « les États ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l'information en provenance d'un autre État membre ». Les dérogations doivent être justifiées par « l'ordre public, la protection de la santé publique, la sécurité publique, la protection des consommateurs » ; elles doivent être proportionnelles aux objectifs ; elles doivent être prises à l'encontre d'un service de la société de l'information. Ces conditions très restrictives nous semblent réunies s'agissant des mesures liées à la protection des mineurs dans les articles 1er et 2.
Je souhaiterais que des messages d'avertissement puissent s'afficher. Mais lorsque cette disposition sera contestée par les sites concernés, nous ne serons pas en mesure d'arguer d'un danger immédiat pour les mineurs pour justifier la dérogation. C'est au niveau européen que la France doit convaincre ses partenaires, comme elle l'a fait pour le DSA, d'imposer l'affichage partout en Europe pour contourner le principe du pays d'origine qui est fixé dans l'article 3.
L'appel à ne pas alourdir le message m'a troublée. On ne peut pas balayer d'un revers de main un sujet qui, malheureusement, fait écho à certaines réalités. Soit on adopte l'amendement, et on verra bien ce qu'il en est ; soit, à la faveur d'un engagement du ministre délégué ou sous une forme à définir, on considère que le sujet doit faire l'objet de discussions avec les autres États membres.
Je comprends le souci du ministre délégué. C'est toute la difficulté de tenir la ligne de crête entre le respect de nos engagements européens et la réponse à nos préoccupations.
Pour moi, l'ordre public ou la santé mentale ou physique seront toujours plus importants que la liberté du marché et d'autres préoccupations de la Commission européenne.
Je propose de maintenir l'amendement pour prendre date. J'ai déposé un amendement de repli qui laisse une liberté aux sites pour afficher le message. J'aimerais que soit validée l'idée selon laquelle l'affichage des numéros d'urgence pour les victimes est utile. J'espère que l'amendement sera adopté et nous pourrons ensuite le retravailler en vue de la séance.
Je ne balaye pas le sujet d'un revers de main. J'en veux pour preuve mon amendement qui vise à allonger la durée du message et à afficher les peines encourues. Abstenons-nous des faux procès, nous sommes tous concernés.
J'estime qu'un message ne peut avoir qu'une cible pour être compréhensible. On ne peut pas parler à tout le monde. Ce que vivent les femmes victimes de violences, obligées de regarder des images ou des films pornographiques, est terrifiant. Il faut s'adresser à elles par des messages adéquats au bon endroit au bon moment.
Dans cet article, le message a une visée pédagogique. Il s'adresse aux personnes qui regardent les contenus sans avoir conscience du fait qu'ils reproduisent des comportements illégaux.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS579 de Mme Marie Guévenoux
Il s'agit de préciser dans le message d'avertissement, « clair, lisible, unique et compréhensible », selon les mots du Sénat, les sanctions encourues pour les crimes ou délits présentés sur la vidéo. Je crois avoir compris que la rapporteure a déposé un amendement reprenant cette idée.
En effet, mon amendement reprend à la fois l'idée de l'affichage constant du message et de la mention des peines encourues pour les comportements visibles sur les vidéos. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Les précisions sont bienvenues parce qu'elles permettent de matérialiser l'illégalité des comportements. Toutefois, je le répète, dans un souci de sécurité juridique, je vous proposerais volontiers de vous rallier à l'amendement CS756 de M. Balanant qui offre un peu plus de flexibilité. J'émets donc un avis de sagesse.
Devons-nous comprendre que le Gouvernement a l'intention de déposer un amendement de suppression de l'article 4 A pour la séance ?
Monsieur le député, vous savez mieux que quiconque que le Parlement est souverain. Le Parlement décidera du sort de l'article.
L'amendement est retiré.
Amendement CS879 de Mme Louise Morel.
Voici donc l'amendement qui, disais-je, rendra l'article plus effectif. Le message devra être visible pendant toute la durée du visionnage et mentionner explicitement le caractère illégal des comportements représentés ainsi que les sanctions pénales associées.
L'amendement CS756 me paraît offrir des garanties supplémentaires parce qu'il renvoie au décret le soin de décrire les caractéristiques du message, en tenant compte de la durée et des sanctions. Je réitère donc mon avis un peu dépité de sagesse tout en invitant la rapporteure à se rallier à cette solution qui me semble plus sûre juridiquement.
Je ne nie pas la pertinence ni l'intention louable de l'amendement. Vous risquez toutefois de vous heurter au même écueil que pour les cigarettes – un message écrit en tout petit, au coin en bas du paquet. Pour l'éviter, il faudrait préciser aussi la place que doit occuper le message par rapport à la taille de l'écran sur lequel est diffusé le contenu pornographique.
Madame la rapporteure, votre amendement va dans le bon sens. Vous parlez de comportements illégaux et de sanctions pénales associées. Certaines victimes de violences conjugales ou sexuelles n'ont pas conscience d'être violentées. C'est notamment pour elles qu'il me semble particulièrement utile de faire figurer les numéros d'aide aux victimes.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS756 de M. Erwan Balanant et sous-amendement CS945 de Mme Louise Morel
Le ministre délégué l'a dit, il s'agit de préciser par décret – je n'ai rien contre le décret simple que suggère la rapporteure dans son sous-amendement – le contenu du message. Nos débats éclairent les futurs rédacteurs sur la teneur du message d'avertissement que nous attendons : un message efficace pour les jeunes mais aussi pour les victimes, proposant des solutions concrètes telles que les numéros d'urgence ou d'aide aux victimes.
L'avis de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) me semble intéressant. Je suis favorable à l'amendement, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement qui substitue un décret simple au décret en Conseil d'État.
Avis favorable au sous-amendement et à l'amendement ainsi sous-amendé.
Je souhaite que le ministre délégué s'engage à ce que le décret précise bien les sanctions encourues – ce que demandait l'amendement que j'ai retiré.
Je l'ai dit précédemment, il me paraît pertinent que les sanctions et la durée soient prises en considération.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.
Amendement CS372 de M. Hervé Saulignac
L'amendement vise à préciser les sanctions pour les plateformes qui ne respecteraient pas leur obligation d'avertissement, en les alignant sur celles applicables aux plateformes pornographiques qui n'auraient pas respecté le référentiel.
La sanction est déjà prévue dans le texte : un an d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Elle me paraît plus appropriée que la sanction proportionnelle au chiffre d'affaires que vous souhaitez – 1 % du chiffre d'affaires mondial. Mon avis est donc défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS507 de M. Stéphane Vojetta
J'espère que vous me répondrez que mon amendement est satisfait.
Le DSA imposera aux plateformes numériques la mise à disposition des utilisateurs d'instruments efficaces et accessibles afin de leur permettre de signaler des contenus problématiques. Il les soumet à une obligation de résultat pour le traitement de ces signalements. L'amendement vise à s'assurer que le DSA s'appliquera bien aux plateformes proposant des contenus pornographiques.
Je suis embêtée car votre amendement conduirait en quelque sorte les utilisateurs à faire eux-mêmes la police. Pour avertir les utilisateurs, l'objectif est de cibler les éditeurs de sites et non les plateformes, ce qui serait contraire au règlement sur les services numériques. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 4 A modifié.
La réunion est suspendue de dix-sept heures à dix-sept heures quinze.
Article 4 B : Obligation de retrait de contenus pornographiques diffusés en violation d'un accord de cession de droit
Amendement de suppression CS880 de Mme Louise Morel
Il s'agit de supprimer l'article 4 B, qui vise à imposer aux fournisseurs l'obligation d'agir promptement pour retirer tout contenu pornographique qui est diffusé en violation d'un accord de cession de droit à l'image.
Cet article ne permet pas vraiment de résoudre le problème mis en exergue par le rapport d'information sénatorial sur la pornographie « Porno : l'enfer du décor », à savoir le faible niveau de protection juridique dont bénéficient les personnes qui travaillent dans l'industrie pornographique, notamment pour ce qui concerne la cession de leur droit à l'image.
En effet, les contenus pornographiques diffusés en violation de l'accord de cession de droit à l'image sont déjà un contenu illicite qui peut être signalé par la personne concernée aux plateformes en vue d'un retrait dans des conditions prévues à l'article 6 de la loi de confiance dans l'économie numérique (LCEN). Si l'hébergeur ne procède pas au retrait, il engage sa responsabilité pénale.
L'article 4 B va plus loin en imposant aux fournisseurs de retirer le contenu promptement. C'est ce retrait instantané, à la demande d'une personne privée et non publique, qui pose problème, notamment en matière de vérification des signalements.
L'article, qui s'inspire des travaux du Sénat sur la pornographie, ne nous emmène pas beaucoup plus loin que la LCEN. J'avais donné un avis défavorable à l'amendement d'Annick Billon au Sénat ; j'émets donc ici un avis favorable à la suppression de l'article.
Le présent article va quand même un peu plus loin que la LCEN, monsieur le ministre délégué. Pourquoi se priver de la possibilité qu'il offre ? Il serait dommage d'envoyer un signal contraire à la rapidité que nous appelons de nos vœux.
Les arguments de Mme la rapporteure et de M. le ministre délégué, qui démontrent notamment l'inefficience de l'article 4 B, sont tout à fait fondés. Il n'en demeure pas moins que le problème soulevé, bien réel, n'est toujours pas réglé. Les tribunaux sont saisis d'un nombre croissant de plaintes liées à la diffusion de contenus en violation d'un accord de cession de droit à l'image, notamment par des femmes qui prétendent s'y retrouver. Il ne faudrait pas écarter ce problème au motif qu'il est très difficile à résoudre. Je considère, comme M. Gosselin, que cet article contenait quelques avancées, s'agissant notamment de la nécessité d'agir promptement, pour des raisons que chacun peut facilement imaginer. Je regrette donc sa suppression.
Alors que j'avais déposé un amendement à cet article, je me suis laissé convaincre par les arguments de M. le ministre délégué et de Mme la rapporteure. Il ne s'agit pas de se faire plaisir : je voterai donc cet amendement de suppression.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 4 B est supprimé et les autres amendements s'y rapportant tombent.
Article 4 : Protection des citoyens contre les vecteurs de propagande étrangère manifestement destinés à la désinformation et à l'ingérence
Amendements de suppression CS182 de Mme Christine Loir et CS205 de Mme Caroline Parmentier
La protection des Français est un enjeu fondamental. Il est impensable de continuer à soumettre notre législation aux desiderata de la Commission européenne : les interdictions de diffusion de contenus doivent être votées par notre assemblée et non décidées par une autorité supranationale très éloignée des idéaux de la République française.
Nous demandons également la suppression de l'article 4, qui étend les compétences de l'Arcom afin de permettre la mise en œuvre d'éventuelles mesures restrictives prises par l'Union européenne à l'encontre d'États tiers lorsqu'elles consistent en des interdictions de diffusion de contenus émanant de médias liés à ces États. Cet article pose problème dans la mesure où il porte directement atteinte à la souveraineté de notre pays.
L'Union européenne n'a pas vocation à assumer des responsabilités devant relever de la compétence exclusive des États. Elle est riche de pays aux traditions politiques, aux liens diplomatiques, économiques et culturels divers avec des nations tierces. Dès lors, des appréciations différentes sont susceptibles d'être portées sur certains contenus, dont plusieurs États pourraient vouloir empêcher la diffusion tandis que d'autres souhaiteraient l'autoriser. Cet amendement de sagesse entend donc respecter la souveraineté de chaque État membre de l'Union européenne.
Je me demandais si les députés du groupe Rassemblement national demanderaient la suppression de cet article : je ne suis pas déçue.
Rassurez-vous, l'article 4 ne pose aucun problème quant à la souveraineté de notre pays, qui vous est chère. La France prend part aux décisions relatives aux relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers prises sur le fondement de l'article 215 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). L'article 4 du présent projet de loi vise précisément à garantir l'effectivité des mesures décidées au niveau européen et à empêcher que des contenus produits par des chaînes interdites de diffusion soient accessibles en France. Je pense en particulier à certaines chaînes interdites en raison de la guerre en Ukraine : puisque les Vingt-Sept se sont entendus pour faire cesser leur diffusion, nous devons faire en sorte que ces sanctions soient effectives sur le sol national.
Quelques mois après la décision prise par l'Union européenne de sanctionner certains médias russes, notamment RT France et Sputnik, il est apparu que la diffusion de ces chaînes, qui avait pourtant cessé sur les canaux traditionnels, se poursuivait via des sites internet localisés bien loin de l'Union européenne. Il nous a donc semblé nécessaire de donner à l'Arcom un pouvoir de mise en demeure et éventuellement de blocage des flux lorsque les sites concernés refusent de se soumettre aux décisions de l'Union européenne. Avis défavorable aux amendements de suppression.
Nous ne sommes malheureusement pas surpris par ces amendements du groupe Rassemblement national, qui ne visent qu'à s'opposer aux sanctions décidées par l'Union européenne. L'article 4 permet de garantir la souveraineté de l'État, à qui il appartient de décider quels médias ont le droit d'être diffusés sur notre territoire. L'Union européenne a pris des sanctions contre certains médias, qui tentent de les contourner, et nous proposons donc de doter l'Arcom du pouvoir d'empêcher leur diffusion. La seule chose qui perturbe nos collègues, c'est que les médias incriminés soient russes.
La seule question qui vaille est celle de la souveraineté : ce n'est pas à l'Union européenne mais au gouvernement français de décider quel média peut être diffusé sur notre territoire. Imaginons qu'une décision européenne interdise un média d'un État africain comptant parmi nos alliés : l'État français doit avoir la possibilité de ne pas suivre la Commission européenne, ce qu'il sera tenu de faire si nous adoptons cet article.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS713 de M. Quentin Bataillon
Il s'agit d'un amendement de cohérence : la compétence donnée à l'Arcom pour ce qui concerne les services de streaming et de diffusion « over the top » (OTT) doit être élargie aux services de télévision classiques, linéaires.
Cet ajout est tout à fait cohérent avec les dispositions adoptées par le Sénat. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendements identiques CS776 de Mme Louise Morel et CS733 de M. Quentin Bataillon
L'Arcom doit pouvoir mettre en demeure non seulement les éditeurs, mais aussi les hébergeurs de retirer des contenus contraires aux stipulations de l'article 215 du TFUE.
La commission adopte les amendements.
Elle adopte l'amendement de précision CS778 de Mme Louise Morel, rapporteure.
Amendement CS779 de Mme Louise Morel
La rédaction actuelle de l'article 4 permettrait de bloquer des contenus non contraires aux stipulations de l'article 215 du TFUE, ce qui n'est pas souhaitable. Aussi convient-il de préciser que seules les adresses électroniques des personnes ayant été mises en demeure, donc ayant hébergé ou diffusé un contenu contraire à ces stipulations, pourront être bloquées.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS780 et CS777 de Mme Louise Morel, rapporteure.
Elle adopte l'article 4 modifié.
Article 4 bis : Pénalisation de l'hypertrucage publié sans consentement
Amendement CS436 de Mme Sonia Chikirou
Il convient d'être le plus clair, précis et transparent possible s'agissant des montages et illusions créés par intelligence artificielle (IA), dont les artifices permettent de détourner l'image du corps d'une personne.
L'article 4 bis insère un nouvel alinéa au sein de l'article 226-8 du code pénal, qui traite des montages malveillants, afin de bien distinguer ces derniers des hypertrucages. Or votre amendement vise précisément à regrouper en un seul alinéa ces deux catégories de montages, ce qui ne me semble pas souhaitable. Avis défavorable.
Avis défavorable également, mais pour une autre raison assez subtile tenant à la manière dont la nouvelle disposition sur l'hypertrucage – le deepfake – est présentée. Votre amendement reformule la loi de telle sorte qu'elle paraît interpréter une disposition existante plutôt que d'en créer une nouvelle. Ainsi, l'infraction et la sanction associée deviendraient rétroactives, ce qui n'est pas l'intention du Gouvernement.
L'amendement est retiré.
Amendement CS752 de M. Erwan Balanant
Mon amendement comporte une petite maladresse rédactionnelle car il pourrait laisser penser qu'il vise à interdire la production de deepfakes. Or il serait inopportun de prohiber toute utilisation des IA génératives : la production d'un deepfake chez soi, dans son studio, pour son usage personnel ou dans un but artistique peut être acceptable. Cependant, produire avant de publier, ce n'est pas tout à fait la même chose que publier uniquement – un peu comme dans l'audiovisuel, où les responsabilités du producteur et du diffuseur sont différentes. Il me semblerait assez logique que la publication d'un contenu illicite précédée de sa création soit sanctionnée plus lourdement que la seule publication de ce même contenu récupéré ailleurs, même si l'infraction est grave dans les deux cas.
Je ne peux plus rectifier mon amendement, mais l'un de nos rapporteurs aura peut-être la gentillesse de déposer un sous-amendement visant à remplacer le mot « ou » par le mot « puis ». Dans le cas contraire, je le retirerai, de même que mon amendement CS755, pour les retravailler en vue de la séance.
Outre la question de la production, il faudra veiller à ne pas criminaliser les personnes qui diffuseraient un contenu sans savoir qu'il s'agit d'un deepfake. Nous pourrons effectivement travailler ensemble sur ces deux sujets en vue de la séance.
L'amendement est retiré.
Amendement CS754 de M. Erwan Balanant
L'article 4 bis cible la reproduction et la publication de l'image et des paroles d'une personne, mais il oublie sa voix. Alors que les paroles correspondent à des propos tenus, la voix renvoie à une intonation – ce n'est pas tout à fait la même chose. Cet amendement de précision vise donc à éviter toute confusion.
Il nous semble que la parole s'entend, dans le code pénal, comme un concept plus large englobant la voix. Il paraît donc préférable de laisser la disposition en l'état ; c'est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement. Cependant, nous devons encore procéder à quelques vérifications supplémentaires d'ici à la séance afin d'être totalement sûrs de notre position.
Le commerce de la voix existe. D'ailleurs, dans les conventions conclues par les artistes qui prêtent leur voix, il est bien question de « voix », non de « parole » – ce sont deux notions distinctes. « Personne n'a craqué » est une parole, qui peut être prononcée par la voix de M. Dussopt. Il va donc falloir continuer vos recherches, monsieur le rapporteur général, pour être sûr de votre avis.
Nous avons bien compris la distinction que vous faites. Nous partageons votre objectif, que nous nous assurerons de traduire correctement en droit.
L'amendement est retiré.
Amendement CS300 de M. Jean-François Coulomme
Les techniques d'hypertrucage sont devenues tellement sophistiquées et performantes que certains contenus pornographiques sont désormais réalisés sans l'intervention du moindre être humain : les scènes sont fabriquées de manière infographique, avec un talent certain.
Nous nous opposons à toute surenchère pénale à l'encontre de l'hypertrucage, qui n'est pas répréhensible en soi – la loi réprime son utilisation malveillante, mais dans des conditions qui méritent encore d'être précisées. C'est pourquoi nous demandons la suppression des alinéas 3 et 4, qui créent une circonstance aggravante liée à l'hypertrucage.
Pour ma part je suis favorable à l'aggravation de la peine en cas d'hypertrucage, lorsque l'infraction est réalisée en utilisant un service de communication au public en ligne. Avis défavorable.
Ce n'est pas une circonstance aggravante que de recourir à une technique d'hypertrucage pour réaliser des scènes à caractère pornographique, qui ne sont d'ailleurs pas forcément illégales. C'est même plutôt une circonstance atténuante que de ne pas demander à des êtres humains de jouer ce type de scène !
L'article 4 bis introduit dans le code pénal une nouvelle infraction consistant à « publier, par quelque voie que ce soit, un contenu visuel ou sonore généré par un traitement algorithmique et reproduisant l'image ou les paroles d'une personne, sans son consentement, s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un contenu généré algorithmiquement ou s'il n'en est pas expressément fait mention ». Les alinéas 3 et 4 qualifient de circonstance aggravante l'utilisation d'un service de communication au public en ligne, qui accentue les effets néfastes d'un tel montage ; les peines encourues sont alors portées à deux ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende. La suppression de ces alinéas paraît contre-productive car nous avons besoin d'un dispositif dissuasif.
La commission rejette l'amendement.
L'amendement CS755 de M. Erwan Balanant est retiré.
La commission adopte l'article 4 bis non modifié.
Article 5 : Peine complémentaire de suspension de l'accès à un service de plateforme en ligne
Amendement de suppression CS301 de Mme Ségolène Amiot
L'article 5 prévoit une série de cas dans lesquels une suspension d'accès à un réseau social ou à une plateforme de partage de contenus peut être prononcée.
L'application d'une telle peine nécessiterait des vérifications très poussées de l'identité de chaque utilisateur ; elle mettrait fin au droit à l'anonymat en ligne pourtant reconnu par le droit de l'Union européenne et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, au sein d'un foyer, d'une entreprise ou même d'un réseau ouvert comme celui de l'Assemblée nationale, je vous mets au défi d'identifier précisément un utilisateur. Si le contrevenant a utilisé un ordinateur public ou commun, à qui faudra-t-il retirer l'accès aux plateformes ?
Une telle mesure constitue à nos yeux une atteinte disproportionnée au droit et à la liberté d'information ainsi qu'au droit à l'accès à internet. Vous avez dit vous-mêmes, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, que les réseaux sociaux n'étaient pas seulement un espace d'échange et de dialogue, mais également un espace d'information. Ainsi, dans mon département, les pompiers communiquent régulièrement sur ces réseaux pour indiquer que telle voie est inondée et qu'il ne faut pas chercher à s'en approcher. La préfecture utilise aussi ce canal pour diffuser au public certaines informations. Lorsqu'on est privé d'accès aux réseaux sociaux, quelle qu'en soit la raison, on ne dispose plus des informations indispensables qui nous permettent de continuer à faire société.
Je suis bien évidemment défavorable à votre amendement, qui vise à supprimer du texte la peine de bannissement des réseaux sociaux pendant une période pouvant aller jusqu'à six mois.
Cela me donne l'occasion d'exposer la philosophie de l'article 5. Vous avez montré lors de nos précédents échanges que vous étiez sensible à la place du juge : je pense donc que vous serez attentive aux moyens qui lui sont accordés. Nous voulons mettre à sa disposition un nouvel outil permettant de faire cesser le sentiment d'impunité qui peut exister sur les plateformes. Il ne s'agit pas d'associer cette peine à l'ensemble des infractions susceptibles d'être commises en ligne, mais de la proposer au juge dans les cas où l'arsenal juridique est insuffisant.
Cette mesure est proportionnée et attendue. Toutefois, je défendrai plusieurs amendements visant à restreindre légèrement le champ des ajouts opérés par le Sénat, s'agissant notamment des délits auxquels cette peine complémentaire peut s'appliquer.
Cette mesure est issue des travaux du Conseil national de la refondation ainsi que des consultations menées notamment auprès de femmes créatrices de contenus en ligne au sujet de leur expérience du cyberharcèlement.
La rapporteure l'a dit, et cela transparaissait très clairement dans les propos des créatrices de contenus : ce dispositif ne résoudra pas tous les problèmes. Côté police et justice, nous devons encore progresser mais les lois d'orientation et de programmation des ministères de l'intérieur et de la justice contiennent déjà quelques avancées. Quoi qu'il en soit, l'article 5 apportera une réponse à la consternation, régulièrement exprimée par les femmes interrogées, de voir sans cesse réapparaître les personnes qui les avaient harcelées, malgré leur exclusion des plateformes. Nous entourons ce dispositif d'un certain nombre de garanties afin d'en assurer la solidité juridique.
Je remercie le rapporteur général et la rapporteure pour leur gros travail d'analyse des apports du Sénat, qui permettra de continuer à renforcer cet article et de le rendre à la fois efficace et robuste juridiquement.
Madame Amiot, c'est toujours un plaisir d'échanger avec vous sur ces sujets. Même si nous ne siégeons pas sur les mêmes bancs, nous arrivons parfois à nous mettre d'accord. Vous avez d'ailleurs participé au groupe de travail sur les influenceurs.
Nous avons incorporé certains aspects du DSA dans la loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, dite loi « influenceurs ». Il fallait en effet responsabiliser les plateformes en les obligeant à mettre en place des instruments de signalement, à retirer les contenus illicites voire à bloquer les comptes des contrevenants.
Le but du législateur n'est pas forcément d'infliger des amendes et d'envoyer des gens en prison ; il est plutôt de mettre en place des structures mentales qui incitent ou désincitent à certains comportements. Les influenceurs se faisant remarquer par leur mauvaise conduite sur les réseaux sociaux pensent trop souvent qu'en s'expatriant, ils sortiront du champ d'application de la loi française et échapperont ainsi aux amendes. La perspective du blocage de leur compte ou du bannissement est autrement plus incitative. Je défendrai d'ailleurs un amendement visant à étendre la peine complémentaire de bannissement aux infractions graves et répétées à la loi « influenceurs ».
J'entends vos arguments et je vous rejoins quant à la nécessité de donner au juge des moyens supplémentaires. Pour autant, l'article 5, tel qu'il est rédigé, ne permet pas seulement de bannir un utilisateur d'un réseau social – il est beaucoup plus large.
Je m'interroge par ailleurs sur l'efficacité du dispositif. L'un de nos collègues expliquait tout à l'heure qu'il n'était pas nécessaire de présenter une carte d'identité pour acheter une carte SIM : un individu condamné à cette peine complémentaire pourra donc se reconnecter à une plateforme depuis n'importe quel appareil, avec un nouveau compte, sans être identifié comme étant la même personne. S'il est juste d'interdire à certaines personnes l'accès à certains réseaux, ce moyen-là risque de ne pas être opérant.
Cette mesure de bannissement est importante : elle transcrit dans l'espace numérique les lois applicables dans l'espace physique. De même que le juge a la possibilité d'ordonner l'éloignement physique d'un conjoint violent en lui interdisant de se rendre, pendant une période déterminée, dans une ville ou un département donné, il doit pouvoir bannir des plateformes les cyberharceleurs dont le comportement peut mener leurs victimes jusqu'au suicide.
Vous mettez en avant la difficulté technique d'identifier précisément les personnes qui se cachent derrière ces comptes. Soit on dit qu'il n'y a pas d'anonymat en ligne, auquel cas il n'était pas utile de nous poser toutes les questions qui nous ont occupés en début d'après-midi, soit on admet que l'anonymat existe nécessairement, et dans ce cas vous conviendrez qu'il serait plus simple d'instaurer une certification des profils des personnes physiques et morales.
Vous avez enfin évoqué le droit à l'information, qui est en effet très important : c'est pourquoi l'article 5 prévoit de limiter la peine de bannissement susceptible d'être prononcée par le juge aux plateformes où le cyberharcèlement s'est produit. Nous aurions voulu envisager d'élargir le bannissement aux autres plateformes où les deux personnes sont en interaction sans qu'un cyberharcèlement n'ait eu lieu, mais cette limitation paraît nécessaire pour ne pas mettre à mal la liberté de s'informer.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS302 de M. Andy Kerbrat
Cet amendement vise à imposer l'interopérabilité entre les plateformes, ce qui créerait les conditions d'une plus grande liberté pour les utilisateurs, lesquels se sentiraient moins enfermés par tel ou tel réseau social. Il y a cependant une petite difficulté : tel qu'il est rédigé, notre amendement placerait les réseaux sociaux les moins importants sous la domination des géants du secteur, puisque les premiers devraient sans aucun doute adopter les outils techniques des seconds afin de permettre cette interopérabilité. Il manque donc quelque chose, par exemple la création d'un régulateur qui éviterait aux petites plateformes d'être enfermées dans les solutions techniques des plus grandes. Nous retirons donc notre amendement afin de le compléter en vue de son examen en séance. Il me semble par ailleurs qu'un autre groupe de la NUPES a déposé des amendements similaires mais plus précis que le nôtre.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CS783 de Mme Louise Morel, rapporteure.
Amendement CS654 de M. Erwan Balanant
Au lieu d'imposer aux plateformes de suspendre des comptes, il serait plus simple d'interdire aux personnes concernées d'aller sur les sites. Si cette peine n'est pas respectée, on pourra passer à autre chose. Nous suivrons ainsi la même logique que pour les interdictions de déplacement ou de périmètre, s'agissant d'autres infractions. Je précise que nous avons travaillé sur cet amendement avec l'association Stop Fisha.
Plusieurs amendements proposent diverses rédactions visant à interdire à la personne condamnée à la peine de bannissement des réseaux sociaux d'accéder soit à l'ensemble de ses comptes, soit seulement au compte qui a servi à la commission de l'infraction. Je partage complètement l'objectif d'un équilibre entre les obligations reposant sur les plateformes et celles reposant sur les individus concernés, mais il me semble que ces rédactions ne sont pas suffisamment abouties à ce stade. Je vous propose de les retirer en vue de déposer en séance un amendement transpartisan.
Le Gouvernement partage l'idée qui a été proposée par de nombreux groupes – le Modem, des groupes de la NUPES, le Rassemblement national, LR et Renaissance, me semble-t-il – sous forme d'amendements aux rédactions diverses. Cela correspond à l'une des trois suggestions que le Gouvernement a faites à M. le rapporteur général et à Mmes et MM. les rapporteurs, à la suite du groupe de travail transpartisan qui s'est réuni cet été pour faire l'analyse des violences urbaines de début juillet. J'imagine qu'un éventuel amendement pourrait être proposé à la signature de l'ensemble des groupes.
L'amendement est retiré.
L'amendement CS764 de M. Erwan Balanant est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CS784 de Mme Louise Morel, rapporteure.
Amendements CS374 de Mme Isabelle Santiago et CS716 de Mme Caroline Yadan (discussion commune)
L'amendement CS374 vise à porter de six à neuf mois la durée de la suspension d'un compte. De nombreuses associations familiales soulignent qu'en cas de harcèlement, par exemple, un bannissement de neuf mois permettrait de couvrir toute une année scolaire. Cela ne serait toutefois qu'un maximum : rien n'empêchera le juge de prévoir une durée plus courte.
En cas de récidive, dans le même esprit, l'amendement CS375 tend à porter d'un à deux ans la durée de la suspension.
Suspendre pendant six mois un compte utilisé pour des faits de haine en ligne ne nous paraît pas suffisant, notamment parce que cela ne permettra pas, en cas de cyberharcèlement, de couvrir une année scolaire. Il nous semble plus judicieux, après avoir échangé avec plusieurs associations, de prévoir une durée maximale de neuf mois. Tel est l'objet de l'amendement CS716.
Pour ce qui est de la récidive, l'amendement CS877 tend à faire passer la durée maximale de suspension à dix-huit mois.
Je me suis également demandé s'il fallait allonger la durée de suspension des comptes mais je crois, à l'issue des auditions, que six mois seraient déjà une bonne chose, d'autant qu'il s'agit d'une privation de la liberté d'expression et que c'est une période assez longue dans la vie d'un mineur.
L'article 5 permet, par ailleurs, de porter la durée de la suspension à un an en cas de récidive, ce qui répond à une partie de vos préoccupations.
Enfin, la peine de bannissement n'est pas la seule mesure qui peut être prise pour stopper le harcèlement à l'école. Il est notamment possible, depuis le 16 août, de changer d'école l'élève harceleur. Tout un spectre de mesures permettra de lutter contre le cyberharcèlement.
En conséquence, avis défavorable aux amendements CS374 et CS716.
Le Gouvernement émettra un avis défavorable aux différents amendements qui visent à augmenter les durées prévues.
L'article 5 constitue une innovation. Jusqu'à présent, les limites que nous avons fixées à la liberté d'expression concernent des faits passés : des contenus illicites sont retirés et leurs auteurs sont éventuellement sanctionnés. La peine de bannissement posera désormais une limite à l'expression à venir.
Pour que cette peine soit solide sur le plan constitutionnel, il faut réunir trois conditions. Tout d'abord, la peine de bannissement ne doit être prononcée, à titre complémentaire, qu'en cas de condamnation pour des délits graves, énumérés de façon limitative dans la loi, qui sont punis d'au moins deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende, qui ont été commis en ligne et qui constituent des abus de la liberté d'expression. Deuxième condition, cette peine ne doit s'appliquer qu'au compte de la plateforme à partir duquel la violence a été commise. Enfin, et c'est également très important, la durée de la peine doit être strictement limitée.
Le juge constitutionnel prendra en considération ces trois critères s'il est interrogé sur la conformité du dispositif à la Constitution, et c'est parce qu'ils étaient remplis que le Conseil d'État a donné un avis favorable au présent article, qui prévoit une suspension de six mois la première fois et d'un an en cas de récidive.
Je comprends qu'on souhaite couvrir l'ensemble d'une période scolaire, qu'on se dise que le bannissement d'une seule plateforme ne suffira peut-être pas ou qu'on propose d'ajouter à la liste actuelle d'autres délits qui ne font pas l'objet d'une peine de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende, mais cela reviendrait à prendre un risque sérieux de fragilisation du dispositif.
La commission rejette successivement les amendements CS374 et CS716.
Amendements CS375 de Mme Isabelle Santiago et CS877 de Mme Caroline Yadan (discussion commune)
Ces deux amendements, déjà présentés, laissent au juge la possibilité de fixer la durée de la peine complémentaire à, respectivement, deux ans et dix-huit mois en cas de récidive légale. Une telle peine, je l'ai dit, est une restriction très forte de la liberté d'expression : un délai d'un an est donc largement suffisant.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS235 de Mme Estelle Folest
Cet amendement vise également à durcir la peine de bannissement : je vous propose de la doubler quand une personne est condamnée pour des faits de haine en ligne ou de cyberharcèlement commis à l'encontre d'un mineur. J'entends les arguments qui viennent d'être développés, mais je rappelle que le projet de loi prévoit déjà un doublement de la peine en cas de récidive et que la commission d'une infraction à l'égard d'un mineur est une circonstance aggravante selon le code pénal. Enfin, le doublement de la peine ne sera qu'une possibilité offerte au juge : il pourra ne pas l'appliquer.
Je comprends l'idée de sanctionner davantage les auteurs des faits lorsque ces derniers concernent des mineurs, mais vous connaissez mon manque d'enthousiasme pour l'allongement des durées prévues par le projet de loi. Je rappelle, en outre, qu'il s'agit d'une peine complémentaire – elle s'ajoutera à celles existant déjà dans notre droit – et que pour certains délits, lorsque c'est pertinent, des distinctions sont déjà faites selon que les faits portent, ou non, sur des mineurs. Je ne crois donc pas qu'il soit nécessaire d'aller plus loin. Je vous demande de retirer cet amendement ; sinon, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS720 de Mme Caroline Yadan
La responsabilisation des personnes nécessite non seulement des sanctions mais aussi une réponse éducative, par un signal destiné à l'auteur des faits et à la victime.
En cas de suspension d'un ou de plusieurs comptes d'accès à un ou plusieurs services en ligne, ordonnée par la justice à la suite de faits de cyberharcèlement ou de contenus haineux, l'utilisateur concerné devra suivre un stage de citoyenneté et de respect numérique, auprès d'une association agrée, afin de récupérer l'usage de son compte ou de ses comptes.
Ce stage aura pour objectif d'assurer une sensibilisation aux bonnes pratiques en ligne, de prévenir la cyberviolence et de promouvoir des comportements responsables sur les plateformes numériques. Dispensé par des formateurs qualifiés, le stage de citoyenneté et de respect numérique sera effectué aux frais du condamné ou de ses parents, s'il est mineur, dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.
Je suis tout à fait sensible à la proposition de créer un stage de citoyenneté et de respect numérique – j'irai d'ailleurs ultérieurement dans ce sens. Ce qui me gêne dans la rédaction que vous proposez, c'est que la peine de bannissement serait allongée, puisque vous voulez conditionner la récupération effective des accès aux comptes au suivi d'un stage après la période de suspension. Du point de vue de l'équilibre du dispositif, cela me paraît aller trop loin. Qui plus est, votre amendement cible tous les délits concernés par la peine complémentaire de bannissement, et pas seulement le cyberharcèlement. Je vous demande donc un retrait ; sinon, avis défavorable.
Même avis. Je signale en particulier un point d'inquiétude pour la solidité juridique du dispositif, qui est l'allongement de la durée de la privation de la liberté d'expression.
Il faut aussi éduquer les auteurs des faits : souvent, ils ne rendent pas compte de leur gravité, ce qui conduit à la récidive. J'aimerais donc qu'on puisse intégrer dans la loi, d'une façon ou d'une autre, un stage de citoyenneté numérique.
Des propositions ont été faites, par Mme Yadan et par d'autres députés, pour créer une forme de stage dans ce domaine, et je comprends que Mme la rapporteure en présentera une synthèse. Ce sera un des apports importants de vos travaux en commission.
Les juges peuvent désormais confisquer les portables – cela se fait notamment à Amiens. Au-delà des grandes questions que nous sommes en train de nous poser, c'est une piste à suivre : une telle peine complémentaire permettra à un adolescent de prendre la mesure de ce qu'il a fait.
La brique fondamentale de l'éducation et de la prévention ne doit pas être laissée de côté. Il faut également regarder comment on peut aborder ces questions dans le cadre de l'éducation nationale, même si on lui demande déjà de faire beaucoup de choses, dans des conditions très difficiles. Si on en arrive à un stage de citoyenneté, on est déjà dans la réparation. Or il faut veiller à faire de la prévention.
Par ailleurs, plusieurs questions nous viennent à la lecture du présent amendement : par qui, avec quels moyens et grâce à quels professionnels ces stages seront-ils faits ?
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS795 de Mme Louise Morel
Il s'agit de revenir au texte initial pour ce qui doit être signifié aux plateformes : la décision de condamnation mentionnera déjà la dénomination du compte d'accès concerné.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement CS207 de M. Laurent Esquenet-Goxes tombe.
Amendement CS250 de M. Aurélien Lopez-Liguori
L'article 5 prévoit une peine complémentaire de bannissement de services en ligne : très bien, seulement vous ajoutez l'obligation, pour les réseaux sociaux, d'empêcher la création de nouveaux comptes par la même personne et de bloquer les autres qu'elle aurait déjà. Notre amendement vise à supprimer cette obligation. En effet, comment fera-t-on pour être sûr d'avoir trouvé les autres comptes de la personne visée, si celle-ci ne les fournit pas, et comment l'empêcher d'en recréer d'autres ? Il existe deux possibilités. La première est de demander aux réseaux sociaux de faire un travail de renseignement, ce qui n'est pas leur rôle, et je peux vous assurer que cela tomberait dès la première QPC – question prioritaire de constitutionnalité. La seconde possibilité est de demander aux réseaux sociaux de lier identité numérique et identité physique en enregistrant les documents d'identité. L'article 5 signifierait donc la fin de l'anonymat sur les réseaux sociaux, et les amendements précédemment défendus par M. Midy reviendraient ainsi par la petite porte. J'invite tous les députés qui y étaient opposés à voter pour notre amendement.
En supprimant l'obligation faite aux plateformes d'appliquer des mesures pour empêcher la création de nouveaux comptes, on réduirait la portée de la peine complémentaire de suspension des comptes d'accès, qui doit permettre de responsabiliser les plateformes et de les associer pleinement à la lutte contre les comportements nuisibles et le sentiment d'impunité qui peut régner en ligne. Je vous demande de retirer votre amendement, sans quoi j'émettrai un avis défavorable.
Vous êtes en train de réintroduire la fin de l'anonymat sur les réseaux sociaux : le ministre délégué ne peut pas se contenter de dire « même position ». Il a pris tout à l'heure cinq minutes pour expliquer pourquoi il n'était pas d'accord avec les amendements de M. Midy. Or c'est exactement le même type de dispositions qui est prévu.
Non, rassurez-vous. Les plateformes ont la possibilité, offerte par la loi « informatique et libertés » et par le RGPD, de conserver certaines données qui sont identifiantes mais ne dévoilent pas l'identité de la personne, afin de prévenir sa réinscription en cas de violation des conditions générales d'utilisation. Certaines plateformes le font déjà en utilisant des éléments tels que la signature du browser, le navigateur, ou celle du téléphone, qui sont uniquement conservés lorsque la personne a manifestement violé les conditions générales d'utilisation. C'est ce type de moyens qui est ici visé, dans les limites permises par notre droit. Les plateformes ne disposent pas nécessairement de l'identité de la personne.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS848 de M. Aurélien Taché et CS551 de Mme Naïma Moutchou (discussion commune)
Nous allons regarder, avec prudence, ce que la nouvelle sanction, la peine de bannissement, peut apporter dans certains domaines. Il est vrai que nous sommes un peu démunis quand il s'agit de lutter contre le cyberharcèlement, et contre le harcèlement en général, mais il ne faut toucher au code pénal que d'une main tremblante, en essayant de circonscrire au maximum les dérives potentielles. Si la peine de bannissement nous paraît intéressante dans certains cas, elle doit être limitée dans le temps et à certains agissements.
L'amendement CS848, qui a fait l'objet d'un travail avec le Conseil national des barreaux, est presque anecdotique par rapport à ceux que nous allons examiner par la suite, mais il vise tout de même à préciser un peu la procédure de notification.
Notre amendement est quasiment de précision, puisqu'il vise à lever une petite ambiguïté juridique. La rédaction actuelle donne à penser que la mesure de bannissement relève des plateformes, alors que ce n'est évidemment pas notre objectif. Nous proposons donc d'écrire que c'est à compter de la signification de la décision aux fournisseurs que la personne condamnée ne peut plus utiliser son compte.
Beaucoup d'amendements, prévoyant des rédactions différentes, ont été déposés à ce sujet. Le vôtre, madame Moutchou, n'est pas tout à fait de précision.
Je vous propose un retrait, afin que nous puissions retravailler sur la question de manière transpartisane d'ici à la séance ; sinon, j'émettrai un avis défavorable.
Ce que vous proposez, madame Moutchou, est plus qu'une précision, en effet.
La rédaction initiale prévoyait que seule la responsabilité des plateformes était engagée en cas de réinscription. Toutefois, parmi les mesures qui ont été proposées dans le cadre du groupe de travail transpartisan de cet été, il y a notamment eu l'idée que, pour plus d'efficacité, la personne condamnée devait elle-même être sanctionnée si elle contournait la mesure de bannissement prononcée à son encontre. Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens, mais je suis sûr que nous parviendrons à une rédaction consensuelle en séance.
Je vais retirer mon amendement, mais je veux redire que si nous faisons peser la responsabilité sur les fournisseurs, nous n'atteindrons pas notre objectif d'efficacité. Nous pourrons retravailler sur cette question, mais il me semble qu'une bonne rédaction, sur ce sujet très technique, ne devrait pas être si difficile à trouver.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS717 de Mme Caroline Yadan
Cet amendement prévoit tout simplement la communication d'un rappel des conditions générales d'utilisation de la plateforme sur la page d'accès du compte suspendu, ce qui permettra notamment de prévenir son environnement.
Je comprends parfaitement votre préoccupation, mais ce que vous proposez serait contre-productif. L'objectif est que le compte ne soit plus accessible, ni visible, pendant la durée de sa suspension. Or l'affichage des conditions générales d'utilisation sur la page du compte bloqué ferait en sorte qu'il reste visible. Avis défavorable.
Nous ne trouvons pas l'idée complètement « déconnante », mais elle manque peut-être de précision. Il faudrait s'assurer que seules les conditions générales d'utilisation sont affichées, et pas d'autres contenus.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS849 de M. Aurélien Taché
Il s'agit toujours d'essayer de border au maximum le nouveau dispositif. Le Conseil national des barreaux s'est inquiété du fait que l'interdiction d'un compte pourrait conduire d'autres personnes, n'ayant rien à voir avec celle qui a été condamnée, à ne plus pouvoir accéder aux réseaux sociaux.
Vous souhaitez préciser que les mesures prises par les plateformes ne peuvent avoir pour effet d'empêcher d'autres personnes d'avoir accès à elles. Je partage cet objectif, mais je ne crois pas qu'une telle précision dans la loi soit utile, car il est dans l'intérêt même des plateformes d'adopter des mesures qui ne gênent pas l'accès à leurs propres services. Par conséquent, avis défavorable.
Même position. Il faudrait peut-être, si le débat devait revenir en séance, se pencher au préalable sur des exemples dans lesquels un tel problème se manifesterait.
Je soutiens cet amendement, car nous avons affaire à des plateformes basées à l'étranger, pour beaucoup d'entre elles, dont les pratiques de modération sont à la fois contestées et contestables. Si nous n'établissons pas des règles, les pratiques seront très différentes et certaines personnes subiront des dommages collatéraux causés par le manque de précision de la loi. J'aurai également l'occasion de défendre un amendement en ce sens.
Imaginons, par exemple, que le compte d'une association, partagé par plusieurs acteurs, ait servi à faire du cyberharcèlement et soit l'objet d'une peine complémentaire de bannissement. Que se passera-t-il, monsieur Taché, si votre amendement est adopté ? Ce compte restera-t-il actif ?
Madame la rapporteure, je ne doute pas que vous soyez, comme l'ensemble de la commission, opposée aux peines collectives, dans le monde numérique et dans le monde réel. En revanche, je ne suis pas très convaincu par l'argument selon lequel on devrait faire confiance aux plateformes. Je remercie Sophia Chikirou d'avoir rappelé qu'il est préférable de fixer une règle commune. Si nous adoptons cet amendement, nous pourrons continuer à travailler ensemble sur le dispositif d'ici à la séance, afin que tout le monde soit parfaitement à l'aise avec le texte.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS647 de M. Erwan Balanant
Il s'agit notamment de préciser la manière dont les fournisseurs de services sont informés des décisions de justice dans lesquelles est prononcée une peine complémentaire de suspension d'un compte – même si je pense que nous devrions plutôt parler d'interdiction, car cela permettrait de régler bon nombre de questions –, ainsi que le délai dans lequel cette mesure doit être appliquée.
Les modalités d'application relèvent plus du code de procédure pénale que du décret auquel votre amendement renvoie. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS785 de Mme Louise Morel, rapporteure.
Amendement CS472 de Mme Sophia Chikirou
Nous sommes en train de légiférer sans forcément prendre toute la mesure des conséquences que cela impliquera – nous les découvrirons dans la pratique… Afin de mieux cadrer les choses, nous souhaitons préciser que les plateformes, qui sont souvent des géants étrangers, je l'ai dit, ne pourront à aucun moment demander l'identité précise des personnes concernées. Si la loi ne le dit pas, c'est qu'elle le permet, et les géants du numérique, comme Tiktok, ne se gêneront pas. Vous nous avez garanti qu'il existait des systèmes qui permettraient de préserver l'anonymat.
Nous avons fait une soixantaine d'auditions, qui nous ont permis d'entendre environ cent experts : on ne s'est pas dit qu'on légifèrerait et qu'on verrait bien ce qui se passerait ensuite. Un travail sérieux a été fait, et nous avons été nombreux à y participer.
S'agissant du fond, il est évident que les plateformes devront respecter le RGPD. Il ne me paraît donc pas utile de le rappeler. Si on devait préciser à chaque fois dans la loi toutes les dispositions qui s'appliquent par ailleurs, l'exercice serait assez compliqué.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS782 de Mme Louise Morel, rapporteure.
Amendement CS881 de Mme Louise Morel
L'objectif de la peine complémentaire est de donner au juge un outil innovant pour combattre l'impunité sur les réseaux sociaux. Les cas les plus fréquents concernent le cyberharcèlement en ligne, les victimes étant exaspérées de constater que leur harceleur continue d'être actif même après une condamnation. Les réseaux sociaux amplifient également des délits comme la provocation publique à la haine ou la discrimination.
Néanmoins, la peine complémentaire ne doit pouvoir être prononcée que pour certains délits ciblés : je serai ainsi défavorable à tous les amendements qui proposent d'ajouter des délits pour lesquels la réponse pénale est actuellement suffisante et le lien avec les réseaux sociaux plus éloigné.
Cet amendement et les trois suivants visent à restreindre la liste des délits concernés par la peine complémentaire. Le CS881 a pour objet de supprimer l'application de cette peine à la gestion d'un établissement de prostitution.
Je salue la sagesse de la rapporteure. Ses propositions peuvent sembler impopulaires à première vue, mais elles servent la cause de l'article 5. Le Gouvernement a respecté les contraintes que le Conseil d'État avait fixées, l'une d'entre elles étant de limiter la liste des délits pouvant donner lieu au prononcé d'une peine complémentaire.
Le Sénat a considérablement allongé cette liste, cette orientation fragilisant considérablement l'article. Le Conseil constitutionnel ne fera pas dans la dentelle : s'il estime que son dispositif est disproportionné, il le censurera totalement, sans faire le départ entre les délits légitimes et les autres.
Dans les amendements CS881 à CS884, la rapporteure réduit le nombre de délits pouvant donner lieu au prononcé de la peine complémentaire, afin de présenter une liste ne comportant que des infractions dont la commission entraîne des peines de prison et d'amende élevées et dont le rapport avec la liberté d'expression est avéré.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS882 de Mme Louise Morel
Il vise à supprimer de la liste la violation par une personne des interdictions prononcées dans une ordonnance de protection, car celles-ci ne comportent aucune mention des réseaux sociaux.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS883 de Mme Louise Morel
Il vise à supprimer l'application de la peine complémentaire au délit de détournement des données à caractère personnel, car celui-ci est déjà puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende et ne repose pas sur l'accès aux réseaux sociaux.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS884 de Mme Louise Morel
Le délit exclu de la liste est le chantage, dont il est rarement fait la publicité sur les réseaux sociaux car ses auteurs utilisent plutôt les messageries privées.
Les réseaux sociaux constituent un vecteur de harponnage pour les chantages. En outre, les messageries privées sont parfois hébergées par des réseaux sociaux. Je m'interroge donc sur la pertinence de retirer ce délit de la liste, même si le juge peut toujours décider d'interdire l'accès de la personne incriminée aux réseaux sociaux si celle-là a utilisé ceux-ci pour commettre son infraction.
Le code pénal prévoit déjà des peines contre le chantage en ligne. La question que pose cette liste est celle de l'utilité d'une peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux. Le Sénat a dressé un inventaire à la Prévert d'infractions pour lesquelles une peine complémentaire pourrait être prononcée, alors que ces délits n'ont pas tous de lien direct avec l'objet du projet de loi. Dans la grande majorité des cas, le chantage en ligne ne s'exerce pas publiquement sur les réseaux sociaux, mais dans les messageries privées, d'où notre souhait de retirer ce délit de la liste.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS230 de M. Aurélien Taché
À trop vouloir étendre le champ de la peine de bannissement des réseaux sociaux, on peut créer des effets de bord complexes à gérer. Nous ne sommes pas opposés à cette peine pour certaines infractions très précises, mais il faut faire preuve de prudence.
Cet amendement vise à supprimer la provocation au suicide de la liste des infractions pouvant donner lieu à un bannissement des réseaux sociaux : des associations promouvant le droit à mourir dans la dignité nous ont alertés sur leur crainte de voir leur liberté d'expression restreinte.
Je salue votre volonté de travailler sur l'élaboration de la liste, mais je ne suis pas favorable à votre amendement car les réseaux sociaux peuvent amplifier le délit de provocation au suicide. J'entends votre argument sur les associations militant pour le droit à mourir dans la dignité, peut-être devrions-nous réfléchir à la meilleure façon de bien calibrer le périmètre de ce délit, mais le lien entre celui-ci et les réseaux sociaux est avéré.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS229 de M. Aurélien Taché
Il vise à supprimer le délit d'atteinte à l'autorité de l'État de la liste des infractions pouvant donner lieu au prononcé d'une peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux : nous sommes là dans une zone grise entre l'expression politique et des faits pouvant être assimilés à un délit.
Vous souhaitez supprimer de la liste le délit de provocation à un attroupement armé : je n'y suis pas favorable, car il ne s'agit pas de répression politique mais de bannissement des réseaux sociaux pendant six mois des personnes qui appellent à la violence armée.
Les délits commis avec arme par destination – pipettes de sérum physiologique, casques de vélo – se sont multipliés ces dernières années. Qu'est-ce qu'un attroupement armé ? Comment sera perçu un appel à manifester avec des casseroles, considérées comme des armes par destination ? Face au risque de dérive de répression des manifestations écologiques et politiques, je soutiens l'amendement d'Aurélien Taché.
Provoquer un attroupement armé constitue un délit, défini par le code pénal. Les armes et les armes par destination sont la même chose. Les enseignements de l'actualité des douze derniers mois n'ont peut-être pas été bien compris par tout le monde ; il est salutaire que des personnes utilisant les réseaux sociaux pour provoquer des attroupements armés en soient bannies.
La loi donne un cadre et la jurisprudence interprète les situations au cas par cas : quelles sont les circonstances ayant conduit à un attroupement ? Les armes étaient-elles par destination ou non ? Le législateur ne peut pas répondre à ces questions. Il faut faire confiance aux magistrats.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS64 de Mme Corinne Vignon
L'article 5 est indispensable : la suspension du compte d'accès aux services des plateformes en ligne possède des vertus pédagogiques et prévient la récidive, mais il est délicat et doit être encadré. Je m'interroge néanmoins sur l'absence du délit de sévices sexuels sur les animaux. L'amendement vise à faire figurer sur la liste des infractions pouvant donner lieu au prononcé de la peine complémentaire celles de zoopornographie et de publication de petites annonces zoophiles.
Nous avons réduit la liste et vous nous proposez de l'étendre. Le délit que vous évoquez sanctionne les utilisateurs plutôt que les contenus, alors que notre objectif est le retrait des contenus illicites. Avis défavorable.
Même avis. Une peine complémentaire serait légitime pour un tel délit, mais nous souhaitons avant tout sécuriser le dispositif, qui est ciblé sur une restriction de la liberté d'expression à venir. Comme c'est la première fois que cette liberté est réprimée par avance, nous sommes particulièrement vigilants à calibrer le mieux possible ce nouveau régime juridique.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS212 de M. François Cormier-Bouligeon, CS14 de M. Raphaël Gérard et amendements identiques CS376 de Mme Isabelle Santiago, CS769 de M. Laurent Esquenet-Goxes et CS850 de M. Aurélien Taché (discussion commune)
L'amendement vise à permettre au juge de prononcer une peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux en cas de condamnation pour injure ou diffamation.
Il a pour objet d'étendre la possibilité pour le juge de prononcer la peine complémentaire au cas de condamnation pour injure ou diffamation à caractère discriminatoire, afin de renforcer l'efficacité de la sanction et de prévenir la récidive. Les délits d'injure et de diffamation ont représenté près de 65 % de l'ensemble des condamnations pour infractions à caractère raciste entre 2016 et 2019, d'où l'intérêt de l'amendement.
Il vise à élargir le champ de la peine complémentaire aux infractions qui relèvent de la diffamation et de l'injure publiques ainsi que de l'entrave au droit à l'avortement.
De plus en plus de fondations de milliardaires financent de la propagande contre l'avortement sur internet, donc il importe d'agir contre ces moyens considérables, déployés souvent depuis l'étranger pour menacer le droit à l'IVG, droit fondamental que nous défendons, je crois, tous ici.
Je m'en remets à la sagesse de la commission pour l'amendement CS14 et émets un avis défavorable pour les autres.
Même avis. Nous acceptons le CS14 plutôt que les autres car il retient un champ restreint de l'infraction, limité à l'injure publique.
Nous ne soutenons pas ces amendements car nous sommes opposés à la peine complémentaire, mais nous estimons qu'il est préférable d'adopter des dispositions précises : c'est le cas pour l'injure – vous semblez du même avis.
Cependant, je comprends difficilement que vous ne souteniez pas l'amendement relatif au délit d'entrave à l'exercice du droit à l'avortement, au moment où il est question d'inscrire celui-ci dans la Constitution. De même, les guets-apens, notamment contre les personnes homosexuelles, sont un véritable fléau, dont je constate l'extension dans ma circonscription ; en effet, une grande partie des agressions homophobes sont organisées sur internet.
La commission rejette l'amendement CS212.
Elle adopte l'amendement CS14.
En conséquence, les amendements CS376, CS769 et CS850 tombent.
Amendement CS15 de M. Raphaël Gérard
Il vise à étendre la peine complémentaire de bannissement temporaire d'un service en ligne au cas où celui-ci a été utilisé pour organiser un guet-apens. Le documentaire « Guet-apens, des crimes invisibles » a montré que de nombreuses personnes homosexuelles en étaient victimes sur des applications. Le mobile discriminatoire et la gravité des faits – souvent des violences physiques – commandent l'application d'une peine complémentaire pour empêcher les auteurs de ces délits de recréer un compte et pour prévenir la récidive.
Les auteurs des guet-apens utilisent les messageries privées plutôt que les réseaux sociaux. Notre objectif est de mettre fin à une forme d'impunité sur les réseaux, mais la peine complémentaire n'a pas vocation à s'appliquer dès qu'une plateforme a été impliquée de près ou de loin dans la préparation d'une infraction. Je vous demande le retrait de l'amendement – à défaut, l'avis sera défavorable –, ce qui ne signifie évidemment pas que nous ne partagions pas votre volonté de lutter davantage contre ces guets-apens.
L'amendement vise tous les crimes et délits dont la circonstance aggravante est le guet-apens : son adoption conduirait à élargir excessivement la liste et à y intégrer des infractions n'ayant pas de rapport avec la liberté d'expression.
Prononcer une peine complémentaire est une faculté laissée à la discrétion du juge ; en outre, ce sont certes des messageries privées qui sont utilisées pour tendre des guets-apens, mais celles-ci sont hébergées par des réseaux sociaux ou des sites de rencontre.
Le juge constitutionnel ne se fie pas à la libre appréciation du juge ordinaire, il distingue la peine principale de la peine complémentaire. Certains crimes et délits commis avec la circonstance aggravante du guet-apens ne contiennent aucune dimension relative à la liberté d'expression ou aux réseaux sociaux. Ils n'ont donc pas à figurer sur la liste des infractions pouvant donner lieu au prononcé d'une peine complémentaire de bannissement de ces réseaux. Si nous inscrivions sur cette liste tous les délits du monde en considérant que le juge fera la part des choses, le juge constitutionnel censurerait l'article à cause de son périmètre trop large.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS745 de M. Erwan Balanant
Il est issu du travail de Christophe Blanchet, qui est très engagé dans la lutte contre la contrefaçon. La France est le deuxième pays le plus touché par ce délit, qui pose des problèmes économiques mais également de santé publique, les produits contrefaits – les cigarettes, par exemple – étant souvent de moins bonne qualité. La contrefaçon pose également un problème éthique, car ces marchandises sont souvent produites sans respecter nos standards et, à l'étranger, elles sont parfois fabriquées par des enfants.
L'amendement vise à mieux lutter contre les vendeurs de produits de contrefaçon, qui agissent presque impunément sur les services de vente en ligne.
Je vous remercie de souligner l'importance de la lutte contre la contrefaçon, infraction dont les auteurs utilisent les réseaux sociaux. L'objectif de la liste est de fixer une peine complémentaire visant à empêcher quelqu'un d'accéder aux réseaux sociaux. En l'espèce, il serait préférable de saisir les biens contrefaits en amont : ce serait bien plus efficace que de prononcer cette peine complémentaire. Je vous demande de retirer l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Il est tentant de prévoir une peine complémentaire visant à bannir une personne, condamnée pour contrefaçon sur internet, de la place de marché sur laquelle elle a opéré. Malheureusement, on est loin de l'encadrement de la liberté d'expression, donc je vous demande de retirer l'amendement. Nous pourrions, en revanche, réfléchir à un dispositif ad hoc à insérer dans un autre texte.
L'un des principes du droit français est l'individualisation de la peine. Je suis très opposée aux peines complémentaires, mais je ne comprends pas votre argument, monsieur le ministre délégué, consistant à dire que le juge ne pourrait pas s'adapter à la situation, alors qu'il se prononce au cas par cas et qu'il peut tout à fait apprécier le rôle qu'a pu jouer l'utilisation des réseaux sociaux dans la commission d'une infraction.
Je parlais du juge constitutionnel, qui raisonne in abstracto, c'est-à-dire qu'il ne s'interroge pas sur le degré d'appréciation qu'aura le juge ordinaire, il se demande si les peines prévues sont excessives ou non par rapport à la préservation des libertés fondamentales. Dans ce contexte, notre préoccupation est d'assurer la sécurité juridique du dispositif.
Je soutiens les propos du ministre délégué : la peine complémentaire de bannissement doit être exceptionnelle car elle restreint les libertés. Elle doit donc être proportionnée et ne peut pas concerner tous les délits. Le lien entre les réseaux sociaux et la contrefaçon peut parfois exister, mais il ne se vérifie pas toujours : il appartient au législateur de fixer le curseur, en l'occurrence d'exclure de la liste les infractions plus éloignées de l'objectif du texte.
L'article L. 716-13 du code de la propriété intellectuelle dispose que les personnes physiques coupables de contrefaçon « peuvent être condamnées, à leurs frais, à retirer des circuits commerciaux les objets jugés contrefaisants et toute chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction. » Une interprétation extensive de cet article pourrait conduire un juge à considérer que le compte à partir duquel la marchandise contrefaite a été commercialisée doit être suspendu.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS651 de M. Erwan Balanant, CS726 de Mme Caroline Yadan, CS862 de Mme Isabelle Santiago et CS863 de M. Aurélien Taché
Il vise à insérer le délit d'entrave à l'avortement sur la liste des infractions pouvant donner lieu au prononcé de la peine complémentaire. La pratique, pénalement répréhensible depuis une loi du 4 août 2004, se répand sur internet. L'amendement a été travaillé avec l'association Stop Fisha.
Le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur une IVG ou sur les actes préalables à celle-ci constitue un délit réprimé par l'article L. 2223-2 du code de la santé publique. Malgré cette interdiction, les pressions morales et psychologiques, les menaces et les intimidations à l'encontre des personnels médicaux et des femmes qui souhaitent recourir à une IVG sont fréquentes, notamment par voie électronique en ligne. C'est pourquoi l'amendement intègre le délit d'entrave à l'avortement dans la liste de ceux pouvant donner lieu au prononcé d'une peine complémentaire de suspension du compte ayant été utilisé pour commettre l'infraction.
Dans un contexte politique de tensions extrêmement fortes en France, et aux États-Unis où se multiplient les entraves au droit à l'avortement, l'élargissement de la peine complémentaire enverrait un signal fort. La question ne se serait peut-être pas posée de la même manière il y a quelques années, mais elle est prégnante aujourd'hui, d'où le dépôt de cet amendement.
Il y a une offensive internationale très forte contre le droit à l'avortement, financée par des milieux réactionnaires puissants. Tout ce qui pourra contrecarrer leur action et rendre le droit à l'IVG plus effectif sera bienvenu.
Vous l'aurez compris, je ne suis pas favorable à l'élargissement de la liste des délits pouvant donner lieu au prononcé de la peine complémentaire, mais je comprends tout à fait votre préoccupation car il est insupportable que des comptes prospèrent sur internet alors qu'ils ne véhiculent que désinformation et intimidations dans ce domaine. Je m'en remets à la sagesse de la commission.
Nous sommes très réticents au sujet de cette peine, lourde de conséquences sur le plan social. Sur le fond, nous sommes d'accord : ce qui se passe n'est pas acceptable. Mais on pourrait aussi s'occuper des prières dans l'espace public contre l'avortement, si la police et la justice en avaient les moyens. En tout cas, nos débats témoignent d'un tâtonnement qui nous préoccupe s'agissant d'un tel enjeu.
Le groupe Renaissance soutient les amendements. Le droit à l'interruption volontaire de grossesse est de plus en plus menacé sur les réseaux.
La commission adopte les amendements.
Amendement CS508 de M. Stéphane Vojetta
La nouvelle peine complémentaire serait aussi un outil adapté pour les juges ayant à se prononcer sur des comportements contraires à la loi « influenceurs ». En effet, si le DSA permet aux plateformes de retirer des contenus signalés ou manifestement illicites, voire de suspendre les comptes de contrevenants, cette possibilité théorique n'est pas assez dissuasive. Certains influenceurs continuent des promotions interdites qui peuvent mettre en danger la santé de leur audience ou exposer celle-ci à des arnaques. D'aucuns prétendent échapper à la loi et à la justice françaises en s'établissant à l'étranger, où les amendes prononcées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont plus difficiles à recouvrer.
Pour dissuader des personnes dont le compte sur les réseaux sociaux est la seule source de revenus, nous proposons donc que la peine soit également applicable à des sanctions graves et répétées à la loi « influenceurs ».
L'article 4 de la loi « influenceurs », que vous visez, porte sur la promotion de certains biens et services. On est un peu loin de notre objectif de faire cesser l'impunité sur les réseaux, mais l'outil principal reste le compte d'accès à une plateforme. Sagesse.
La rapporteure connaît bien le sujet. Je suis plus réservé, même si les délits qu'il est proposé d'ajouter ont trait à l'activité dans l'espace numérique. Demande de retrait.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS814 de M. Laurent Esquenet-Goxes
Cet amendement de repli vise à étendre aux outrages la liste des infractions passibles de la peine complémentaire de suspension du compte ou des comptes d'accès aux services de plateforme en ligne. Il permet ainsi de viser les personnes qui insultent les élus de la République, particulièrement nos maires, si malmenés ces derniers temps.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Le délit d'outrage envers une personne chargée d'une mission de service public n'a qu'un lien très indirect avec les services de plateformes en ligne. Par ailleurs, une peine restrictive de la liberté d'expression serait probablement disproportionnée à ce délit, aujourd'hui passible d'une amende de 7 500 euros.
Même avis, notamment en vertu du dernier argument invoqué par le rapporteur général. Le fait que la liste soit limitative et énumère des délits assez lourdement punis fait partie des critères qu'a fixés le Conseil d'État au moment de donner son avis sur le projet de loi.
Il faudrait que l'outrage soit lié à la communication sur internet. Encore une fois, on tâtonne. La liste n'est pas destinée à satisfaire chacun à des fins d'affichage. La situation des élus, « si malmenés », en effet, n'a-t-elle pas à voir avec le manque de moyens dont ils pâtissent en raison de l'austérité ? Enfin, gardons-nous d'abaisser les peines encourues.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS799 de Mme Louise Morel
Il modifie le cadre dans lequel le bannissement des réseaux sociaux est susceptible d'être prononcé à titre d'alternative à la peine, en prévoyant que seuls les comptes utilisés pour commettre l'infraction peuvent faire l'objet d'une suspension.
L'équilibre du dispositif repose sur le fait que la peine s'applique aux outils utilisés pour commettre l'infraction, et non à des comptes choisis arbitrairement par le juge. Cette approche ayant été retenue au sujet de la peine complémentaire, il paraît logique de prévoir les mêmes garanties s'agissant de l'alternative à la peine. C'est conforme au principe de proportionnalité et à la liberté d'expression.
C'est essentiel pour sécuriser l'article. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS796 de Mme Louise Morel
Il restreint le champ des infractions passibles d'une peine alternative à l'emprisonnement à la liste des délits pour lesquels pourra être prononcée une peine complémentaire, c'est-à-dire des délits dont l'utilisation des plateformes en ligne est un élément central.
Autre élément essentiel à la sécurisation du dispositif. Avis très favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendements identiques CS794 de Mme Louise Morel, CS439 de Mme Sophia Chikirou et CS851 de M. Aurélien Taché
Il s'agit de revenir sur un ajout du Sénat qui permet au juge de prononcer une peine de bannissement des réseaux sociaux dans le cadre d'un sursis probatoire. En effet, la durée de celui-ci peut aller jusqu'à cinq ans, ce qui est très long pour une peine de bannissement.
J'ajoute qu'une telle peine est susceptible de priver des citoyens, pendant une durée excessive, de l'accès à des services en ligne incluant des services publics, à l'information et à leur réseau social. La punition serait totalement disproportionnée. En outre, elle risquerait d'être déclarée inconstitutionnelle.
La Quadrature du net et le Conseil national des barreaux nous ont alertés sur ces deux alinéas, dont tous les spécialistes de l'internet et tous les juristes demandent la suppression. Je suis heureuse que Mme la rapporteure soit du même avis.
La commission adopte les amendements.
Amendement CS852 de M. Aurélien Taché
L'amendement est retiré.
Amendements identiques CS473 de Mme Sophia Chikirou et CS853 de M. Aurélien Taché
Notre amendement est de repli. Nous ne voulons pas que le bannissement puisse faire suite à un dispositif de composition pénale, sous peine de nuire au contradictoire, au droit à la défense et à l'individualisation de la peine.
Je comprends vos réserves. C'est pourquoi j'ai déposé des amendements tendant à restreindre l'interdiction aux comptes utilisés pour commettre l'infraction, d'une part, et à limiter la liste des infractions, d'autre part. Ces deux garde-fous me paraissent suffisants pour que l'on maintienne la possibilité offerte au juge de prononcer une interdiction d'utilisation dans le cadre d'une composition pénale.
Avis défavorable.
La composition pénale peut entraîner de graves dérives, dont témoigne le système judiciaire américain. La peine dont nous parlons est une restriction de liberté ; ce n'est pas rien. L'intégrer à un dispositif de composition pénale serait très dangereux.
Je rappelle que, dans le cadre de la composition pénale, la personne condamnée a le choix de la manière dont elle est sanctionnée.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS797 de Mme Louise Morel
Il s'agit de l'amendement restreignant l'interdiction prononcée dans le cadre d'une composition pénale aux comptes utilisés pour commettre l'infraction.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS798 de Mme Louise Morel
C'est le second garde-fou : il restreint le champ des infractions passibles d'une interdiction d'accès dans le cadre d'une composition pénale à la liste des délits pour lesquels une peine complémentaire pourra être prononcée, c'est-à-dire ceux dont l'utilisation d'une plateforme en ligne est un élément central.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS748 de Mme Estelle Folest
Il s'agit de mettre à la disposition du juge une peine complémentaire au bannissement, à valeur pédagogique : un stage de sensibilisation au cyberharcèlement.
Les personnes coupables de cyberharcèlement ne mesurent souvent la portée de leurs actes qu'au moment de l'audience ou de la condamnation et commencent par minimiser la gravité de leur comportement au prétexte qu'il a eu lieu en ligne. Un tel stage pourrait jouer un rôle important dans la prise de conscience des personnes condamnées et prévenir la récidive, particulièrement s'agissant des mineurs.
Différents acteurs, notamment associatifs, pourraient l'encadrer. Le contenu et la durée du stage, ses modalités d'organisation, la ou les autorités compétentes pour assurer la formation ainsi que les dispositions spécifiques applicables aux mineurs condamnés seraient fixés par décret.
Nous sommes d'accord pour permettre au juge de jouer de différentes options. Mais nous aurons plus loin un amendement un peu plus robuste en ce sens, au profit duquel nous vous demandons de retirer le vôtre. À défaut, avis défavorable.
Le juge a déjà la possibilité de condamner à un stage à titre de peine complémentaire. La liste dans laquelle il peut puiser n'inclut pas encore de stage ayant trait au numérique. Nous allons en débattre ; je pense que nous trouverons une solution et que ce sera l'un des grands apports de nos travaux en commission. Dès lors que nous aurons défini un stage relatif au numérique, l'amendement sera satisfait.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5
Amendement CS709 de M. Bruno Studer
C'est un amendement auquel je suis très attaché.
L'idée est d'informer avant qu'il ne soit trop tard. Imaginons que mes enfants aient vu un de leurs contenus supprimé à la suite d'un signalement par un tiers de confiance adressé à la plateforme e-enfance, qui gère le numéro d'appel 3018. Je n'en suis pas informé. Comment, en tant que parent, pourrais-je intervenir avant que mon enfant ne fasse l'objet d'une plainte ou que le pire n'arrive à la personne harcelée ?
Je me suis inspiré du dispositif de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) et de sa réponse graduée. Je propose que, lorsqu'un contenu a été supprimé à la suite d'un signalement par un tiers de confiance, le titulaire de l'abonnement en soit informé afin de pouvoir engager le dialogue à la maison avant qu'il ne soit trop tard pour l'enfant harceleur, pour l'enfant harcelé et pour la famille.
Peut-être le dispositif n'est-il pas entièrement abouti sur le plan juridique, mais j'aimerais vous entendre au sujet de cette proposition.
Merci de votre engagement ancien dans ce domaine. Ce que vous proposez nous enthousiasme : c'est une piste très intéressante que nous voulons explorer. Il faut toutefois la parfaire sur le plan technique et juridique et en assurer la cohérence avec le dispositif d'amendes dont nous allons débattre ensuite. Nous vous suggérons donc de retirer votre amendement pour le retravailler en vue de la séance ; sinon, défavorable.
Je salue à mon tour votre travail.
La rédaction actuelle de l'amendement reste éloignée de l'idée que vous défendez. En particulier, toute la première partie du dispositif est une réécriture des mesures relatives à la peine de bannissement, dépourvue des précautions et garanties que nous avions pris soin d'y faire figurer.
De plus, dans la rédaction proposée, tout signalement peut conduire l'Arcom à recourir au dispositif inspiré de la Hadopi et à commencer d'envoyer des courriers. Or, même si le signalement peut faire défaut – on l'a vu dans les tragédies récentes –, il y a aussi des cas de signalements en masse. Il ne faudrait pas que n'importe quel signalement, y compris malveillant, puisse déclencher une procédure de type Hadopi à l'encontre de quelqu'un.
L'amendement est frappé au coin du bon sens. Le rôle éducatif des parents en la matière est central. Si les signalements doivent se multiplier à l'avenir, les parents ne comprendraient pas qu'on ne les tienne pas informés de faits concernant leurs enfants et réclameront de l'être. J'ignore si le dispositif Hadopi est le meilleur véhicule ; en tout cas, nous devons trouver la rédaction la plus consensuelle possible pour qu'elle puisse être adoptée en séance.
Je soutiens moi aussi l'amendement. Il permet aux parents d'exercer leur responsabilité parentale et responsabilise les titulaires d'abonnements à internet.
Merci au rapporteur général de l'intérêt qu'il manifeste. Concernant l'aspect technique et juridique, nous devrions trouver une solution – il serait surprenant que l'on parvienne à contenir le téléchargement de contenus piratés, mais pas le cyberharcèlement. Quant au volet relatif aux amendes, l'amendement propose une information puis une contravention : il ne se situe pas dans le champ délictuel. Là aussi, nous devrions pouvoir trouver un chemin.
Il n'y a pas de solution miracle. Mais le cyberharcèlement est un phénomène massif qui appelle une réponse massive. Je veux bien retirer mon amendement, monsieur le ministre, si vous vous engagez à ce que l'on trouve une solution d'ici à la séance. À la lumière de mon expérience des textes sur la protection de l'enfance en ligne, je pense que mon idée est bonne et qu'il faut la creuser.
Monsieur le rapporteur général, j'espère déposer en vue de la séance un autre amendement né de notre collaboration ; sinon, je redéposerai celui-là.
L'amendement est retiré.
Amendement CS377 de M. Hervé Saulignac
L'article 138 du code de procédure pénale donne au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention le pouvoir de limiter la liberté d'une personne mise en cause pendant la période d'instruction, notamment en lui interdisant l'accès à certains lieux physiques. Afin de réagir à des faits de délinquance ou de criminalité commis ou entrepris dans l'espace numérique, nous proposons que cet article prévoie également l'interdiction de fréquenter certains sites ou certaines applications.
Le contrôle judiciaire n'est pas limité dans le temps, de sorte que le bannissement serait trop long pour une mesure de restriction de liberté. En outre, il concerne des personnes qui n'ont pas encore été jugées : ce serait une restriction très forte alors que le procès n'a pas eu lieu. Cela me paraît disproportionné.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS102 de M. Aurélien Taché
Si le groupe Écologiste regarde la peine de bannissement avec beaucoup de prudence, il identifie certaines situations où elle pourrait être utile. En cas de cyberharcèlement, de violences conjugales, de violences sexistes et sexuelles, le juge peut prononcer pendant le contrôle judiciaire des mesures empêchant la personne concernée de fréquenter certains lieux ou d'entrer en contact avec les plaignants. La police et la justice ne sont pas toujours assez rapides pour empêcher des drames. La suspension des réseaux sociaux pendant la durée de l'instruction pourrait y contribuer.
Le temps de l'instruction peut être très long. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
J'ai les mêmes réserves. Comme pour la composition pénale, la peine de substitution à une peine de prison ou la peine complémentaire, il faut que la mesure de suspension soit limitée dans le temps, restreinte aux comptes à partir desquels l'infraction a été commise et associée à une liste limitative de délits.
Ce type de peine est inapplicable et reviendrait à punir avant même de juger. Avec regret puisqu'il s'agit d'un amendement du groupe Écolo-NUPES, nous voterons contre.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS727 de Mme Caroline Yadan et CS734 de M. Bruno Studer
Pendant une enquête ou une instruction liée à la commission d'une infraction sur internet, les cyberviolences ayant donné lieu aux poursuites peuvent continuer. Une mesure de contrôle judiciaire interdisant à la personne en attente de son procès ou mise en examen d'utiliser le compte ayant servi à commettre l'infraction permettrait d'interrompre plus rapidement le processus et de mieux protéger les victimes.
Même avis, comme sur l'amendement suivant, de M. Balanant. M. Balanant avait proposé dans un amendement à l'article 5 des précautions qui auraient pu sécuriser ce type de dispositif ; malheureusement, il n'était pas là pour le défendre.
Les juges ne sont pas particulièrement formés au numérique, ils n'en maîtrisent pas les enjeux. Même un juge des libertés ne mesurerait pas toutes les implications de la décision qu'il est ici proposé de lui permettre. Dans ces conditions, la privation, même temporaire, du droit d'accéder à internet serait injuste et dangereuse. Son caractère disproportionné pourrait même la rendre inconstitutionnelle.
Je ne peux pas laisser dire que les juges ne seraient pas compétents en matière de numérique. Ils sont formés et continuent de l'être ; il existe depuis très longtemps des chambres spécialisées dans ce domaine ; nous avons créé il y a quelques années un parquet numérique. Tout cela fonctionne bien.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS636 de M. Erwan Balanant
Monsieur le ministre, vous m'avez grondé parce que je m'étais absenté, mais c'était pour la bonne cause : je suivais une visioconférence de Gabriel Attal sur le même sujet.
Suivant l'avis de Mme Louise Morel, rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Amendement CS751 de M. Laurent Esquenet-Goxes
Bien que les utilisateurs et utilisatrices des réseaux sociaux soient en permanence exposés à des contenus offensants, voire haineux, un jeune sur trois ne signale pas les agressions dont il est victime. Face aux difficultés de l'action en justice et à sa lenteur, il est urgent de trouver des solutions. La médiation entre utilisateurs volontaires, assurée par des associations reconnues dans le domaine de la lutte contre les cyberviolences, peut en faire partie.
Cette nouvelle voie de résolution amiable des conflits permettrait à la personne se sentant heurtée de faire entendre sa voix et à l'autre partie de revenir sur ses messages et sur son comportement cyberviolents. L'intérêt est de modérer le contenu problématique avec le consentement de l'émetteur.
La médiation viserait essentiellement les contenus harcelants ou offensants suscitant une charge mentale dits « contenus gris », car non manifestement illicites.
Cette proposition a été distinguée comme projet du Child Online Protection Lab du Forum international de la paix à Paris, en septembre dernier. Toutefois, les réticences des géants du numérique nécessitent d'en passer par une obligation légale.
La médiation relève de la tendance actuelle au développement des modes alternatifs de règlement des conflits. Nous proposons d'accompagner cette transformation.
Tout à fait d'accord sur le principe, mais je préférerais que le dispositif soit confié non aux plateformes mais à l'État. Nous pourrions retravailler l'amendement en ce sens en vue de la séance. Demande de retrait.
Il est avéré qu'un médiateur peut résoudre les problèmes de violence en ligne. Mais imposer aux plateformes de réseaux sociaux, régulées par le DSA, des obligations nouvelles serait non conventionnel. Je ne peux donc pas donner un avis favorable.
Les plateformes pressenties pour l'expérimentation dans le cadre du Laboratoire pour la protection de l'enfance en ligne n'ayant pas répondu présent, je m'engage à solliciter plus activement certaines d'entre elles. Par ailleurs, nous vous proposerons un amendement créant une réserve citoyenne du numérique, laquelle viendra renforcer les associations œuvrant dans ce domaine.
J'aurais aimé être l'auteure de l'amendement. Dans ma circonscription, avec le commissaire de police du 20e arrondissement, nous réfléchissons beaucoup à la lutte contre le harcèlement ; cette proposition est l'une de celles que nous voulons défendre. Comme l'a dit Mme la rapporteure, le dispositif doit être confié à l'État et non aux plateformes. Je prône même le recrutement de médiateurs et d'éducateurs spécialisés ainsi que de policiers spécialisés. Il faudrait taxer les plateformes pour financer tout cela, puisqu'elles se rendent responsables de la situation en utilisant la violence et l'affrontement pour faire le buzz et de l'audience. Nous y penserons lors de l'examen du projet de loi de finances.
L'amendement est retiré.
La séance est levée à 20 heures.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique
Réunion du mercredi 21 septembre 2023 à 15 heures
Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, M. Quentin Bataillon, M. Mounir Belhamiti, Mme Lisa Belluco, M. Éric Bothorel, M. Ian Boucard, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Pierre Cazeneuve, Mme Clara Chassaniol, Mme Mireille Clapot, Mme Fabienne Colboc, M. Jean-François Coulomme, M. Laurent Croizier, M. Hendrik Davi, Mme Virginie Duby-Muller, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Estelle Folest, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Géraldine Grangier, M. Jordan Guitton, M. Victor Habert-Dassault, Mme Marietta Karamanli, M. Luc Lamirault, M. Philippe Latombe, Mme Anne Le Hénanff, Mme Christine Loir, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Élisa Martin, M. Denis Masséglia, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, Mme Caroline Parmentier, M. René Pilato, M. Robin Reda, M. Alexandre Sabatou, M. Hervé Saulignac, Mme Violette Spillebout, M. Bruno Studer, M. Aurélien Taché, M. Christopher Weissberg, Mme Caroline Yadan
Assistaient également à la réunion. – M. Henri Alfandari, Mme Sophia Chikirou, Mme Naïma Moutchou, M. Vincent Thiébaut, M. Guillaume Vuilletet