La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (n° 1514 rectifié, 1674).
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 233 à l'article 2.
Je suis saisie de deux amendements, n° 6 et 996 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l'amendement n° 6 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Il vise à systématiser les notifications prévues à l'alinéa 9 de l'article 2, c'est-à-dire celles adressées aux fournisseurs d'accès internet (FAI) au cas où, en dépit de la mise en demeure qu'ils auront reçue, les sites à contenus pornographiques resteraient accessibles aux mineurs.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 996 .
Il concerne les plateformes les plus récalcitrantes, qui font de la résistance, c'est-à-dire celles qui ont reçu des observations de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui ont dépassé le délai de quinze jours autorisé pour se mettre en conformité avec son référentiel, qui ont reçu une mise en demeure et dépassé le nouveau délai de quinze jours qui leur a été octroyé et qui n'ont pas tenu compte de l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Rappelons que ces plateformes ont été largement informées de la nécessité de respecter le référentiel de l'Arcom déterminant les caractéristiques techniques applicables aux systèmes de vérification de l'âge utilisés pour autoriser l'accès aux sites pornographiques. Or elles continuent de donner accès à leurs contenus aux mineurs.
Le groupe Socialistes et apparentés estime que la rédaction de l'alinéa 9 n'est pas suffisamment sévère s'agissant du non-respect avéré et persistant du référentiel de la part des plateformes. Nous proposons de substituer aux mots « peut notifier » le mot « notifie » afin que le blocage des sites par l'Arcom soit automatique dans ce cas. C'est à cette seule condition que nous pourrons être efficaces.
La parole est à Mme Louise Morel, rapporteure de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique pour les titres Ier et II, afin de donner l'avis de la commission sur ces deux amendements.
Les mots « peut notifier » et « notifie » ne signifient pas la même chose. Les deux amendements créent une automaticité dans les sanctions. Or, nous en avons débattu ce matin, le blocage d'un site est une sanction lourde, qui entraîne sa disparition totale d'internet. Cette possibilité n'est pas à exclure, mais laissons à l'Arcom le soin d'en décider. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du numérique, pour donner l'avis du Gouvernement.
Vous soulignez que « peut notifier » et « notifie » ne signifient pas la même chose, madame la rapporteure, mais notre amendement a précisément pour objet de modifier le sens du texte ! J'entends votre argument selon lequel la décision doit revenir à l'Arcom – vous l'avez répété à maintes reprises depuis le début de nos débats. Toutefois, je ne vois pas comment l'Arcom pourrait décider de ne pas notifier aux FAI l'adresse d'une plateforme qui se moque éperdument des règles que nous avons instaurées. La procédure de blocage doit être automatique pour celles qui font de la résistance.
Ce débat révèle la difficulté, dans l'article 2, de trouver une ligne de crête entre un dispositif solide sur le plan juridique – le risque serait qu'il soit jugé anticonstitutionnel – et la volonté de la NUPES d'affirmer le rôle du pouvoir judiciaire face à une justice administrative jugée aveugle et présentée par nos collègues comme un monstre froid, sans possibilité de recours ou de délais, sans proportionnalité ni nuance.
Je comprends votre amendement, monsieur Saulignac, mais l'automatisation de la sanction risquerait de nous faire basculer dans l'arbitraire et exposerait l'article au risque d'inconstitutionnalité. Voilà pourquoi, bien que partageant son intention, je ne le soutiendrai pas.
La parole est à M. Paul Midy, rapporteur général de la commission spéciale.
Votre amendement me permet de préciser notre position, ce dont je vous remercie, monsieur Saulignac. La possibilité donnée à l'Arcom de sanctionner, déréférencer et bloquer les sites contrevenants est le principal apport de l'article 2. Dans un monde idéal, l'Arcom ne devrait pas en arriver là. Le mécanisme proposé repose sur la dissuasion : nous espérons qu'il sera suffisamment robuste et crédible pour que les plateformes entendent raison avant d'être bloquées.
Il reviendra à l'Arcom d'apprécier chaque situation et d'user du bon niveau de proportionnalité. Nous avons évoqué ce matin avec Éric Bothorel différents types de plateforme : d'un côté, les grosses plateformes internationales de porno gratuit – notre cible prioritaire ; de l'autre, les sites de commerce en ligne, tels Darty ou eBay, qui proposent encore à la vente de vieilles cassettes VHS
video home system
de films pornos, en en présentant la jaquette. Compte tenu de cette diversité, nous souhaitons un dispositif dissuasif, sans automaticité.
Je partage la position de Mme la rapporteure et de M. le rapporteur général. L'article 2 confie à l'Arcom des pouvoirs de police administrative, ce qui n'est pas rien. On nous a même reproché tout à l'heure de vouloir déposséder le juge au profit d'une autorité administrative désormais en capacité de prendre des mesures de blocage et de déréférencement à l'encontre de certains sites.
Je le répète, nous veillerons, à chaque étape, à ce que le contradictoire et les possibilités de recours soient préservés. Il faut laisser à l'autorité administrative indépendante le soin d'apprécier chaque situation, car nous ne pouvons pas anticiper tous les cas de figure. Créer une automaticité de la peine risquerait de compromettre l'équilibre que nous recherchons pour assurer la constitutionnalité du dispositif.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 61
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 12
Contre 49
L'amendement n° 6 n'est pas adopté.
L'amendement n° 996 n'est pas adopté.
Je suis ravi de vous retrouver cet après-midi, madame la présidente !
La métaphore du rugby a été filée ce matin lorsqu'il a été question de placage. Permettez-moi de poursuivre dans cette veine sportive en présentant cet amendement.
Au rugby, on peut jouer avec les mains et avec les pieds, au football seulement avec les pieds : ainsi, les acteurs de la chaîne grâce à laquelle un internaute se connecte à un site internet sont soumis à des règles différentes. Dans le projet de loi issu du Sénat, les fournisseurs d'accès à internet doivent personnaliser la page qui s'affiche pour l'utilisateur au moment du blocage du site – nous y reviendrons lorsque nous aborderons le filtre anti-arnaque. Or les fournisseurs d'accès à internet ne savent faire qu'une chose : le blocage DNS (Domain Name System, système de noms de domaine), qui renvoie à une page selon un standard international.
L'amendement n° 188 vise à supprimer l'alinéa 10 qui rend l'article inopérant.
Sourires.
Je sais combien vous êtes pointu sur le sujet, monsieur Bothorel ! Si je comprends bien, vous contestez le fait qu'en cas de blocage, un utilisateur soit redirigé vers une page d'information de l'Arcom et qu'il ne reste pas sur le même site. Plutôt que de supprimer l'alinéa 10, je vous propose de le modifier en substituant aux mots « dirigés vers » les mots « avertis par », ce qui permettrait à l'utilisateur de rester sur la même page. Cette solution vous conviendrait-elle ? Si c'est le cas, je vous invite à retirer votre amendement au profit de mon amendement n° 866 , que nous examinerons juste après.
Votre amendement n'est pas sans lien avec le débat que nous aurons sur l'article 6. Certains navigateurs ont la possibilité d'afficher un message, y compris un message personnalisé, mais ce n'est pas possible pour les fournisseurs d'accès à internet et les résolveurs de DNS, en tout cas pas pour tous. Dans l'article 2, l'injonction de diriger les utilisateurs d'un site bloqué vers une page d'information est donc excessive. Mme la rapporteure propose qu'ils soient avertis sur le site de l'Arcom des raisons pour lesquelles un blocage a été décidé, ce qui ne signifie pas qu'un message leur sera spécifiquement adressé. Monsieur Bothorel, je vous suggère de retirer votre amendement n° 188 au profit de l'amendement n° 866 de Mme la rapporteure.
Il est repris par le groupe La France insoumise. Je le mets donc aux voix.
L'amendement n° 188 n'est pas adopté.
L'amendement n° 866 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 537 vise, lors du blocage du site, à rediriger ses utilisateurs vers une page d'information mentionnant les risques encourus par les plateformes qui ne respectent pas la loi pour créer un effet d'émulation. Il s'agit d'inciter ainsi les petites plateformes à se conformer au référentiel de l'Arcom. Les grosses plateformes telles que Pornhub et YouPorn seront dans l'obligation de respecter la loi, mais les petites plateformes pourraient être tentées de s'y soustraire, d'où ce premier amendement.
Plus important encore, les dangers de la consultation de contenus pornographiques par les mineurs doivent être expliqués sur la page d'information vers laquelle sont dirigés les utilisateurs d'un site qui fait l'objet d'un blocage. C'est l'objet de l'amendement n° 286 . Les dangers du porno sont connus et documentés. La vérification de l'âge des utilisateurs n'est pas suffisante. Leur éducation est indispensable et passe par une sensibilisation à la fois dans les écoles et sur internet.
Ils relèvent plutôt du domaine réglementaire et visent un objectif d'éducation tout à fait louable. Toutefois, dans le projet de loi, nous ne devons pas surcharger l'Arcom d'obligations. Laissons-lui le soin de rédiger un message adapté aux mineurs ; elle en est parfaitement capable. Avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 537 , qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 15
Contre 54
L'amendement n° 537 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 15
Contre 55
L'amendement n° 286 n'est pas adopté.
L'amendement n° 405 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 344 .
Nous l'avons expliqué à plusieurs reprises : la rédaction de l'article 2, comme le dispositif prévu dans le titre Ier dans sa globalité, est assez critiquable aux yeux des Écologistes. L'article 2 prévoit les sanctions que peut infliger l'Arcom aux sites comportant du contenu pornographique qui ne vérifieraient pas l'âge de leurs utilisateurs. Actuellement, toute action à leur encontre est extrêmement difficile : les sites, comme Xhamster ou Pornhub, qui sont visés par une demande de blocage de l'Arcom sur la base de la loi de 2020 usent de multiples procédés juridiques pour empêcher la procédure d'aboutir. Or l'obligation de leur envoyer une copie des notifications adressées aux fournisseurs et aux annuaires, prévue à l'alinéa 12 de l'article, pourrait leur offrir un nouveau moyen de ne pas se conformer à la loi. Afin d'alléger les contraintes de procédure qui pèsent sur l'Arcom et de prévenir tout risque de contentieux, nous proposons donc de supprimer l'alinéa 12.
Je ne comprends pas vraiment votre crainte. Il est ici question d'une notification, qui fait partie de la procédure. Le devoir d'information des personnes concernées de la part de l'autorité administrative qui prononce les mises en demeure et les notifications ne saurait être supprimé sans fragiliser l'ensemble du dispositif. Avis défavorable.
L'amendement n° 344 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 345 .
Dans la continuité de l'amendement n° 344 , nous proposons d'alléger les contraintes de procédure qui pèsent sur l'Arcom. Si des sites pornographiques épinglés finissent par se mettre en conformité avec la loi, l'Arcom devra indiquer aux fournisseurs et aux annuaires la levée des sanctions contre les éditeurs des sites en question. Cette disposition, présente à l'alinéa 13, tombe sous le sens. Néanmoins, sa formulation – selon laquelle l'Arcom doit indiquer la levée de ces mesures « sans délai » – nous paraît trop restrictive ; c'est pourquoi nous proposons de supprimer la mention « sans délai », tout en conservant le contenu de cet alinéa.
D'un côté, vous souhaitez faire appel au juge judiciaire, et de l'autre, supprimer toute mesure de procédure qui permet à la défense d'être informée : tout cela me semble contradictoire. Avis défavorable.
L'amendement n° 345 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l'amendement n° 997 rectifié .
Dans la continuité de ce que nous avons défendu à l'article 1er , nous pensons que la mise en place d'un référentiel par les plateformes ne doit pas leur servir de prétexte pour se dédouaner de leur responsabilité et de leurs obligations. Ainsi, la violation de l'article 227-24 du code pénal par les plateformes doit rester le fondement d'une procédure de blocage. Cet amendement reprend ainsi les modalités de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, qui doit être abrogé par ce texte et remplacé par une procédure administrative. De cette manière, la procédure de blocage des plateformes pourrait être engagée par l'Arcom, indépendamment de la mise en demeure de respecter le référentiel.
…, et ce n'est pas fini : avis défavorable, pour toutes les raisons que j'ai expliquées à de nombreuses reprises.
Je suis d'accord avec Mme la rapporteure. Par de nombreux amendements, le groupe Socialistes et apparentés a tenu à raccrocher les mesures de police administrative – blocage et déréférencement – à la violation de l'article 227-24 du code pénal. C'est désormais chose faite, grâce aux amendements de Mme la rapporteure : c'est bien la violation du code pénal qui entraînera les décisions de blocage, indépendamment du référentiel – dont le non-respect sera lui-même sanctionné par des amendes administratives. Les choses sont désormais clarifiées, et votre amendement me paraît largement satisfait. Défavorable.
L'amendement n° 997 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n° 406 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 350 .
À l'alinéa 19, il est précisé qu'aucune sanction ne pourra être prononcée contre un site qui ne respecterait pas le référentiel et qui ne comporterait pas de mécanisme de vérification de l'âge « en raison de motifs de force majeure ou d'impossibilité de fait qui ne lui sont pas imputables ».
Les sites comportant des contenus pornographiques doivent, depuis la loi de 2020, proposer un mécanisme de vérification de l'âge de leurs utilisateurs qui soit effectif. Aucune raison légitime ne justifie que ces plateformes échappent à leurs responsabilités et ne participent pas à la protection des mineurs. Nous proposons donc de supprimer les deux mentions floues que sont ces « motifs de force majeure » et cette « impossibilité de fait », qui permettraient aux sites pornographiques d'éviter une nouvelle fois de se conformer à la loi.
Par votre amendement, vous enlevez au juge son pouvoir d'appréciation du motif de force majeure ou de l'impossibilité de fait. Avis défavorable.
L'amendement n° 350 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 346 .
Selon le rapport sénatorial « Porno : l'enfer du décor », les revenus de l'industrie pornographique s'approchent des 140 milliards de dollars par an. Il reste cependant difficile d'évaluer les revenus exacts de chaque site pornographique, la plupart d'entre eux n'étant pas domiciliés en France et n'y payant pas d'impôts. Il paraît donc peu réalisable d'appliquer une sanction à hauteur de 1 % du chiffre d'affaires aux sites qui n'auraient pas instauré de mécanisme de vérification de l'âge.
Or, sans connaissance du chiffre d'affaires, le texte prévoit que la sanction sera d'un montant maximal de 75 000 euros, ce qui semble dérisoire en comparaison des revenus estimés de ces sites. Pour y remédier, nous souhaitons, par un rehaussement du barème, aligner le dispositif de sanctions des sites pornographiques qui ne se conformeraient pas à la loi sur le régime prévu dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Les sanctions que vous proposez sont disproportionnées, car vous cherchez ici à attaquer les services, qui ne servent que d'intermédiaires, et non les éditeurs de sites pornographiques. Avis défavorable.
Nous en revenons finalement à l'amendement précédent, dans lequel vous sous-entendiez que les sites pornographiques ne pouvaient pas être confrontés à des cas de force majeure. En réalité, l'alinéa 19, visé par vos amendements, touche aux sanctions pour les fournisseurs d'accès à internet qui ne respecteraient pas l'injonction du juge de bloquer les sites concernés. Ce sont là des acteurs qui respectent en général la loi ; c'est la raison pour laquelle un motif de force majeur, d'ordre technique ou technologique par exemple, pourrait exister.
Concernant l'amendement n° 346 , les sanctions proposées me paraissent disproportionnées, car elles viseraient les fournisseurs auxquels l'Arcom enjoindrait de bloquer un site, et non pas les sites qui enfreignent la loi – les sanctions à leur encontre font l'objet de l'alinéa 7. Avis défavorable.
Quitte à copier les Anglais et leur Office of communications (Ofcom), vous auriez au moins pu essayer de faire aussi bien qu'eux ! L'Ofcom peut sanctionner un site à hauteur de 10 % de son chiffre d'affaires – les 75 000 euros que vous proposez en sont bien loin, dès lors que l'on parle des grosses plateformes.
Au début de l'étude de l'article 1er , vous nous avez accusés de ne pas vouloir défendre les enfants et de faire le jeu des grosses entreprises du porno contre les petites. Tout cela reste un monde d'exploitation : oui, le porno éthique existe, mais ce n'est malheureusement pas la majorité du genre.
Posez-vous la vraie question : au final, n'est-ce pas plutôt dans les moyens humains de lutte contre la fraude et le trafic d'êtres humains qu'il nous faudrait investir, plutôt que de nous contenter de sanctionner des sites à hauteur de 75 000 euros d'amende ? En réalité, vous allez seulement produire une mesure inopérante. Tant que les réseaux privés virtuels (VPN) seront là, les gens continueront à passer à travers ! .
Mme Sophia Chikirou applaudit
L'amendement n° 346 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 9 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Sur l'article 2, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l'amendement n° 843 .
Cet amendement de coordination avec les amendements de M. Saulignac adoptés en commission précise à l'alinéa 21 qu'en matière de sanctions, le plus élevé des deux montants est retenu.
L'amendement n° 843 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Depuis la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics ont la possibilité de recourir à une consultation publique sur internet préalablement à l'adoption d'un texte normatif.
Je veux ici revenir au référentiel. Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé en commission à nous présenter ce référentiel, ce que vous n'avez pas fait. La semaine dernière, l'Arcom ne nous l'a pas fourni non plus, mais elle a promis de nous le transmettre au mois de novembre, et de lancer une consultation publique sur internet. Mais tout cela, ce n'est pour le moment que des promesses en l'air – faites, certes, en commission spéciale ; mais rien ne nous garantit que l'Arcom reviendra vers nous au mois de novembre avec un référentiel ni qu'elle recourra à une consultation publique.
Je vous propose donc un sous-amendement d'appel, mais qui, si vous l'adoptez, permettra d'inscrire une fois seulement l'expression « consultation publique » dans ce texte de loi, et de contraindre l'Arcom et le Gouvernement à l'organiser.
On est en train de légiférer en mettant de côté les députés, privés d'un droit de regard sur l'essentiel même du projet : l'Arcom seule prendra les décisions et fixera les critères. Certes, il s'agit d'une autorité indépendante – même si cela reste relatif –, mais le législateur reste à l'écart ; et je crains que le public directement concerné par ces sujets le soit aussi.
Nous sommes partisans d'une VI
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur le sous-amendement n° 1102 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?
Il n'est pas placé au bon endroit. Vous nous demandez d'ajouter dans la loi des éléments relatifs à une consultation publique, ce dont nous aurions tout à fait pu débattre lors de l'examen de l'article 1er ; mais ici, à l'article 2, nous sommes en train de discuter de l'établissement de procès-verbaux par des agents de l'Arcom. Je ne vois donc pas le lien entre ce que vous proposez et le sujet qui nous occupe. Je comprends que vous vouliez mentionner quelque part les termes « consultation publique », mais il me semble que nous devons faire preuve de sérieux dans l'écriture de la loi : ce n'est pas au présent article que nous pouvons avoir ce débat. Avis défavorable.
C'est un peu ironique, quand on pense que vous nous avez fait voter, à l'article 1er , l'établissement d'un référentiel qui n'existe pas, qui est en cours d'élaboration depuis trois ans, qui a fait l'objet d'un brouillon et qui aurait pu, d'après vos dires, nous être présenté au moment de l'examen en commission, mais qui ne l'a pas été…
…quand le président de l'Arcom a été auditionné. Des éléments ont fuité lors des réunions en commission, parce que M. le ministre délégué en a parlé ; puis l'Arcom nous a transmis d'autres éléments, tout en indiquant qu'ils seraient retravaillés. Finalement, tout le monde nous dit qu'il y aura une consultation publique, mais ce n'est inscrit nulle part dans la loi et aucun de vos amendements n'y fait référence. Voulez-vous vraiment inclure le public dans les dispositions de ce projet de loi ? J'ai l'impression que vous allez imposer un référentiel sans consultation. En outre, je dois ajouter que je ne suis pas d'accord avec vous, madame la rapporteure.
L'article 1er crée le référentiel ; mais une fois qu'il est créé, c'est à l'article 2 qu'il faut organiser la consultation !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 19
Contre 52
Le sous-amendement n° 1102 n'est pas adopté.
L'amendement n° 842 , approuvé par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 894 de Mme la rapporteure est défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je suis favorable à cet amendement qui vise à compléter l'alinéa 23 du présent article, selon lequel les agents de l'Arcom seront assermentés pour constater les manquements dont se rendent responsables les sites pornographiques. En revanche, même s'il est un peu tard pour le faire, je voudrais suggérer à celles et ceux qui vous représenteront en commission mixte paritaire (CMP), mesdames et messieurs les députés – ainsi que les sénateurs –, de clarifier encore un peu plus ce paragraphe en l'expurgeant de la mention des « caractéristiques techniques du référentiel ». En effet, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, il me semble important qu'elle reste cantonnée à l'article 1er .
L'amendement n° 894 est adopté.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l'amendement n° 9 .
L'Arcom, lorsqu'elle exerce les pouvoirs de sanction prévus à l'article 2 du texte en cas de non-respect du référentiel, est amenée à constater des infractions mettant gravement en danger la jeunesse. Le rapport d'information du Sénat mettait en garde dès octobre 2022 sur le fait que « le porno, y compris le porno le plus trash et extrême, est accessible gratuitement en quelques clics. Deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers de ceux de moins de 12 ans ont déjà été exposés à des images pornographiques, volontairement ou involontairement. » Il ajoute que « les conséquences sont nombreuses et inquiétantes : traumatismes, troubles du sommeil, de l'attention et de l'alimentation, vision déformée et violente de la sexualité, difficultés à nouer des relations avec des personnes du sexe opposé, (hyper) sexualisation précoce, développement de conduites à risques ou violentes, etc. »
Dès lors, toute infraction grave au référentiel, qui placerait la jeunesse en danger, doit faire l'objet d'un signalement au procureur. Dans ce cadre, l'Arcom, par ses compétences, occupe une position centrale en tant qu'informateur auprès du procureur de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la députée, vous serez heureuse d'entendre, je l'espère, que votre amendement est satisfait. L'obligation de signaler au procureur de la République toute infraction au code pénal s'applique à l'Arcom qui, en tant qu'autorité publique indépendante, applique l'article 40 du code de procédure pénale. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 20
Contre 63
L'amendement n° 9 n'est pas adopté.
L'amendement n° 487 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 91
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 82
Contre 9
L'article 2, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem et sur quelques bancs du groupe RN. – M. le rapporteur général et M. Ian Boucard applaudissent également.
Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 998 .
Pour compléter les amendements de la rapporteure dont l'adoption nous satisfait, dès lors qu'ils soumettent bien les plateformes à une obligation de résultat en matière de non-exposition des mineurs, il nous semble nécessaire de faire évoluer en conséquence le code pénal, afin de le mettre en concordance avec ce qui a été voté en séance, lors de l'examen des deux premiers articles du projet de loi. L'amendement vise ainsi à indiquer que les infractions prévues à l'article 227-24 du code pénal sont constituées y compris si le référentiel est mis en œuvre.
Vous avez raison, monsieur le député : la mention du référentiel ne figure pas dans l'article 227-24 du code pénal. Cependant, tel qu'il est rédigé actuellement, l'article en question, outre qu'il inclut une obligation de résultat, apporte un complément d'information sur la constitution de l'infraction ; or celle-ci disparaîtrait s'il était réécrit. Mentionner une deuxième fois le dispositif prévu au premier paragraphe de l'article 10 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) serait en outre redondant : cela ne me semble pas nécessaire. Avis défavorable.
Je dirais même plus : l'ensemble de notre dispositif repose sur cet article 227-24 du code pénal.
N'y touchons plus et appuyons-nous autant que possible sur lui, sans donner quelque prise que ce soit aux esprits peu bienveillants qui seraient tentés de le dénaturer, car il est le fondement de cet article 2.
L'amendement n° 998 n'est pas adopté.
Il vise à compléter une disposition de la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet, dite loi Studer, que je trouve excellente et selon laquelle les appareils électroniques sont désormais automatiquement dotés d'un système de filtre, afin que les parents puissent installer facilement un contrôle parental. Depuis hier, nous discutons beaucoup pour savoir si oui ou non, les uns et les autres sont vraiment décidés à protéger nos enfants de l'exposition à la pornographie. Je le répète : pour notre part, c'est le cas, absolument ! Cependant, le contrôle parental, l'éducation et la prévention nous semblent devoir être au centre de ce dispositif.
Je sais que la majorité, sur d'autres sujets à propos desquels il m'arrive d'être plus réticent, est très attachée à ce que les parents fassent preuve d'autorité et soient responsables de tout, y compris parfois d'agissements contre lesquels ils ne peuvent à mon avis pas grand-chose – nous en avons débattu au moment des révoltes populaires de juin dernier ; peut-être pourrions-nous donc nous retrouver sur ce sujet-là. Nous n'approuvons pas les dispositifs que vous proposez, car ils mettent en danger l'anonymat sur internet, mais nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut protéger nos enfants de la pornographie, et le contrôle parental semble être un bon moyen pour ce faire.
Le présent amendement propose donc de compléter une mesure de la loi Studer par la mise à disposition, auprès des parents, d'une notice les informant de la possibilité d'installer un système de contrôle parental lors de l'achat d'un objet connecté.
Je profite de cette occasion pour saluer le travail accompli par notre collègue Bruno Studer, s'agissant du contrôle parental et, plus généralement, du rôle des parents en matière de non-exposition. Les décrets d'application de la loi visant à renforcer le contrôle parental étant parus il y a quelques semaines, le 11 juillet 2023, il me semble qu'il serait un peu prématuré de revenir dessus. Il faudra bien entendu que nous évaluions cette loi dans les prochains mois ou les prochaines années, mais revenir sur un décret publié si récemment me semble un peu hâtif.
J'ajoute que nous examinerons par la suite plusieurs amendements relatifs à l'éducation des parents et à la parentalité numérique ; à cette occasion, nous aurons tout le loisir de débattre des sujets que vous mentionnez. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je le maintiens, car il ne vise qu'à ajouter une notice ; cela ne me semble pas de nature à bouleverser l'équilibre du décret.
L'amendement de M. Taché fait écho à l'un de ceux que nous avions déposés, qui a été retoqué. Il visait à imposer aux constructeurs d'appareils connectés – que ce soit un téléphone ou une tablette – de mettre immédiatement à disposition des parents une possibilité de contrôle parental, en distinguant un mode enfant et un mode adulte, afin qu'il soit possible de décider dès l'achat de l'objet à quel type d'utilisateur il serait destiné, et même de déterminer à quelle date il pourrait être déverrouillé pour passer en mode adulte. Cela aurait permis, par exemple, d'offrir une tablette à un enfant pour ses 14 ans tout en prévoyant un déverrouillage automatique quatre ans après, pour ses 18 ans, empêchant entre-temps le téléchargement d'applications réservées aux adultes.
Comme M. Taché l'a dit, si nous voulons vraiment être efficaces en matière de protection des enfants et de lutte contre l'exposition précoce à la pornographie, nous devons nous y employer à tous les niveaux : nous ne pouvons pas nous appuyer uniquement sur un support technique – ni uniquement, d'ailleurs, sur l'éducation. Il faut combiner toutes ces solutions en agissant à tous les niveaux, y compris celui des constructeurs de matériel électronique qui rendent possible la consommation de pornographie.
Je pense que nous allons dans ce sens : pour réussir à lutter contre ce phénomène, nous devons actionner tous les leviers existants. L'excellent travail réalisé par l'excellent collègue Studer en fait partie ; il permet de s'assurer que les téléphones et les tablettes sont équipés des bons outils de contrôle. Par ailleurs, et nous allons en discuter bientôt, nous voulons que les élèves, les parents et les professeurs se voient proposer des formations très poussées, de plusieurs heures et sur plusieurs années, en la matière. Les mesures en question devraient largement satisfaire votre amendement. Certes, une petite notice technique placée au fond de la boîte d'un iPhone peut être utile, mais si l'on tient compte de l'équilibre à trouver entre l'imposition de contraintes réglementaires et leur efficacité, je pense qu'il vaut mieux aller du côté de mesures éducatives à la Studer, telles que celles que nous proposerons tout à l'heure.
Monsieur Taché, d'autres moyens que ceux que prévus à l'article 2 existent. Citons le contrôle parental, que Bruno Studer a permis de faire émerger en France et qui va s'imposer dans notre pays à partir du début de l'année prochaine. Citons aussi l'accompagnement à la parentalité numérique que le Gouvernement a favorisé par deux initiatives au cours des dernières années : la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr vers laquelle les parents peuvent se tourner pour trouver des outils – ce n'est pas exactement la même chose qu'une notice placée dans l'emballage de son téléphone portable, mais ce site ressource a le mérite d'exister ; l'instauration prochaine du label « P@rents, parlons Numérique » délivré par les grands réseaux d'associations familiales à des structures offrant de l'accompagnement à la parentalité dans le domaine numérique.
En plus prospectif, nous avons les mesures prévues par les amendements évoqués par le rapporteur général et que nous aurons à examiner plus tard. Enfin, pendant les échanges et les auditions que nous avons eus en commission, nous avons aussi évoqué l'extension des modules de sensibilisation Pix qui, dès qu'ils seront prêts – et c'est pour bientôt – seront généralisés aux parents d'enfants inscrits en classe de sixième.
Tout cela mis bout à bout permettra de satisfaire – au moins en partie – votre amendement. L'idée d'aller jusqu'à imposer une notice n'est pas si simple à réaliser. La loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet, adoptée à l'instigation de Bruno Studer, n'allait d'ailleurs pas aussi loin. Caroline Janvier a déposé une proposition de loi – déjà examinée à l'Assemblée nationale et qui devrait l'être bientôt au Sénat – qui essaie de se frayer un passage entre les bornes fixées par les engagements européens de la France pour aller dans ce sens.
L'amendement n° 801 n'est pas adopté.
Cet article va vraiment dans le bon sens. Oui, la France doit s'armer sur le plan juridique afin qu'en cas d'inexécution de la mise en demeure prévue au II de l'article 6-7 de la LCEN, l'Arcom bénéficie des outils nécessaires pour que les boutiques d'applications logicielles empêchent tout téléchargement de l'application logicielle en cause.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 412 .
Je serai brève dans la défense de cet amendement qui traduit notre volonté, réaffirmée sans cesse depuis le début des débats, de ne pas contourner le pouvoir judiciaire dans notre pays, notamment pour décider de bloquer des sites internet, alors qu'il s'agit de limiter la liberté de diffusion et d'expression. Nous réaffirmons la nécessité d'une intervention du tribunal judiciaire. L'Arcom ne peut pas décider seule d'un blocage.
Il faut bien réfléchir car des erreurs peuvent être commises, entraînant des conséquences économiques, comme nous avons déjà pu le constater en pratique puisque des plateformes de réseaux sociaux de type X, Facebook ou autres possèdent ce pouvoir privé de censurer, de couper. Sur certains comptes Twitch ou sur YouTube, par exemple, de telles coupures peuvent occasionner des pertes de revenu ou de salaire pour des gens qui vivent de cela. Quand l'erreur est constatée, au bout de quelques semaines, il est déjà trop tard.
Dans ce domaine, laissons le pouvoir à un juge et ne le donnons pas à une autorité administrative, d'autant plus qu'il existe des procédures accélérées, les référés, pour agir dans l'urgence.
Cet article, introduit en séance au Sénat, vise à responsabiliser les boutiques d'applications logicielles : l'Arcom pourra demander aux gestionnaires de ces boutiques d'empêcher le téléchargement des applications logicielles qui ne respecteraient pas les obligations de vérification d'âge. Vous proposez que ces applications puissent être bloquées par le juge. Pourquoi devrions-nous dessaisir l'Arcom seulement pour les applications logicielles ? Avis défavorable.
L'amendement n° 412 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
La parole est à M. Stéphane Vojetta, pour soutenir l'amendement n° 742 .
Même si je ne vais pas en faire une défense groupée, mes trois amendements à venir ont tous comme objectif d'enrichir les dispositifs de protection des mineurs sur les réseaux sociaux, et ce – j'y insiste –, sans toucher, détricoter ou mettre en danger le dispositif prévu aux articles 1er et 2.
Nous nous inspirons de la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Ce texte transpartisan, adopté à l'unanimité par nos deux chambres, a été salué par les Français, les observateurs étrangers et la majorité des acteurs du secteur de l'influence. Je tiens à saluer ici les collègues, issus de tous les bancs, qui avaient contribué à ce texte et qui ont d'ailleurs cosigné ces trois amendements : Mme Duby-Muller, Mme Amiot de La France insoumise, M. Delaporte, mon éminent corapporteur pour le texte précité, et d'autres.
Le texte sur les influenceurs instaure un dispositif protecteur pour les mineurs, qui utilise la technologie non seulement pour faire respecter la loi mais aussi l'esprit de la loi. La technologie en question, déjà offerte par YouTube et Instagram notamment, permet d'exclure de l'audience d'un contenu posté, les personnes identifiées par le réseau comme ayant moins de 18 ans. Ce dispositif s'applique notamment aux promotions d'influence commerciale pour les jeux d'argent et de hasard. Mes trois amendements visent à étendre son champ d'application.
L'amendement n° 742 tend à appliquer le mécanisme d'exclusion des mineurs de l'audience des influenceurs qui font la promotion, contre rémunération, de contenus pornographiques, – notamment de pornographie à la demande de type OnlyFans. Obligeons-les à exclure de leur audience les mineurs, pour qu'ils ne soient plus soumis à des promotions réalisées par des agents OnlyFans, une activité que certains estiment assimilable à du proxénétisme 2.0. Le sujet avait été mentionné par les sénatrices dans le rapport brandi ce matin par le ministre.
Monsieur le député, je connais votre implication en matière de protection des mineurs, et je vous remercie pour votre proposition et tout votre travail sur ce texte. Malheureusement, le dispositif prévu par votre amendement serait difficile à appliquer.
Tout d'abord, l'article 227-24 du code pénal prévoit déjà que « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser […] un message à caractère pornographique […] est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur. »
Ensuite, votre amendement reviendrait à organiser une forme de surveillance généralisée des contenus des services.
Enfin, si un lien est posté vers un service qui propose un contenu pornographique, l'utilisateur sera confronté à une page de contrôle de l'âge, conformément au référentiel adopté à l'article 1er . Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Comme la rapporteure, je voudrais saluer le travail de MM. Vojetta et Delaporte sur l'encadrement de l'influence commerciale. Si j'en juge par ce qu'en rapportent les médias, le secteur a d'ores et déjà pris certaines mesures. Concernant l'amendement, j'émettrai le même avis que la rapporteure, en soulevant les trois mêmes objections.
Merci, madame la rapporteure et monsieur le ministre délégué, pour vos commentaires. Cela étant, contrairement à vous, je ne pense pas que l'amendement soit satisfait : force est de constater que des mineurs sont tous les jours soumis à de la publicité sur les réseaux sociaux pour des activités liées à OnlyFans et autres réseaux de pornographie à la demande.
Il faut utiliser les moyens à notre disposition pour éviter que ces mineurs de 12, 13 ou 14 ans puissent cliquer et être amenés à tenter d'accéder à ces plateformes. Certes, ils seront peut-être un jour protégés par le référentiel que nous venons d'adopter, mais nous ne savons pas quand. L'adoption de cet amendement permettrait de les protéger d'une publicité pour ces plateformes dès la promulgation de cette loi.
À mon tour, je tiens à saluer les travaux du groupe, déjà mobilisé pour le texte sur les influenceurs, qui a permis d'aboutir à la série d'amendements que nous présentons ici. Vous estimez, madame la rapporteure, que notre demande est satisfaite. Or nous voyons tous les jours des personnes faire des promotions conduisant à des plateformes comme OnlyFans où il est suggéré que l'on peut gagner de l'argent en créant des contenus à caractère pornographique.
Nous demandons que les mineurs soient exclus de l'audience quand les plateformes peuvent le faire. Sinon, elles ne doivent pas poster ce type de contenus, qu'il y ait ou non un filtre permis par votre référentiel – une mesure complémentaire.
L'amendement n° 742 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Stéphane Vojetta, pour soutenir l'amendement n° 744 .
Dans la lignée de l'amendement précédent, il fait écho au débat que nous avons eu ce matin concernant la possibilité d'étendre le référentiel antiporno de l'Arcom à d'autres activités interdites aux mineurs – ce qui n'était pas une bonne idée.
Nous vous proposons ici d'appliquer l'esprit de la loi « influenceurs » qui répondait à un constat : de nombreuses promotions publicitaires, réalisées par des influenceurs sur les réseaux sociaux, sont trop souvent utilisées pour contourner la loi et notamment celle qui régit la publicité sur les cadeaux traditionnels dans le monde réel. À l'époque, nous étions nombreux à considérer qu'il fallait mettre fin au far west – selon l'expression très juste de Bruno Le Maire – régnant sur les réseaux sociaux.
Or ce sont les réseaux sociaux, plutôt que les moteurs de recherche, qui orientent désormais les choix de consommation, particulièrement ceux des jeunes, des mineurs. Les clics qui les emmènent vers les pages offrant des produits ou des services qui leur sont en principe interdits se font aujourd'hui plus souvent sur Instagram que sur Google.
Par le biais de l'amendement n° 744 , nous proposons donc de contraindre les influenceurs qui promeuvent des produits ou des services interdits aux moins de 18 ans – du tabac, par exemple –, de le faire sur des plateformes qui permettent d'exclure les mineurs de l'audience, en s'assurant que le mécanisme soit effectivement activé. Si un produit est interdit aux mineurs, pourquoi devrions-nous les laisser exposés à la publicité qui en est faite si nous avons les moyens technologiques d'empêcher cela ?
Monsieur le député, je vais vous faire la même réponse qu'à votre collègue qui siège de l'autre côté de l'hémicycle, il y a quelques instants. Votre amendement soulève un problème bien plus large que le seul champ des contenus à caractère pornographique, et nous avons adopté, il y a un peu plus de deux ans, une loi dont le décret d'application a été publié il y a quelques semaines à peine. Il me semble que nous devons plutôt fonctionner étape par étape, évaluer la loi et en dresser un bilan avant de faire d'éventuelles recommandations. Mon observation va au-delà de votre amendement qui, sur le fond, est très intéressant : nous ne pouvons pas, quelques semaines après la publication d'un décret d'application, revenir sur la loi à laquelle il se rapporte. Cela serait prématuré et donnerait une mauvaise image de la manière dont nous élaborons la loi. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Il est identique à celui de la rapporteure, pour les raisons qu'elle a évoquées, mais également parce qu'une telle disposition entrerait en contradiction avec les engagements européens de la France, notamment avec le Digital Services Act (DSA). L'article 28 de ce règlement traite en effet explicitement de la publicité destinée aux mineurs, tandis que son article 46 prévoit que la Commission, chargée, en lien étroit avec les coordinateurs des services numériques de chaque État membre – en France, l'Arcom – de l'application du DSA, encourage l'élaboration de codes de conduite volontaires en matière de publicité en ligne. Voilà la voie choisie par le législateur européen pour garantir que la publicité ne soit pas dévoyée aux fins que vous dénoncez dans votre amendement.
Il me semble très important de préserver la portée de ce texte et de ne pas empiéter sur les platebandes du DSA, ce que nous avions déjà à cœur d'éviter lors des débats qui nous avaient animés en vue de l'adoption de la loi « influenceurs ». Je saisis d'ailleurs cette occasion pour remercier tous les services de Bercy et tous les ministères qui nous avaient assistés à cette époque. Bien évidemment, j'entends votre argument et je le respecte totalement.
Cela dit, l'amendement n'a nullement vocation à modifier la loi « influenceurs ». Simplement, nous avons introduit dans la loi française un dispositif qui se révélera peut-être très utile, sans nous rendre compte, alors, qu'il aurait pu s'appliquer au-delà des seuls jeux d'argent et de hasard. C'est ce que nous proposons de faire ici.
Si cet amendement devait être adopté, ce que je souhaite, je serais toutefois tout à fait disposé à revoir ma position d'ici la réunion de la commission mixte paritaire (CMP). Si vous présentez des arguments convaincants pour montrer en quoi l'application du texte serait mise en danger par l'adoption de cet amendement, je serais favorable à son retrait ou à ce que la CMP l'écarte. J'estime néanmoins que nous devons donner sa chance au dispositif proposé, qui vise à faire respecter l'esprit du présent projet de loi.
Conformément au texte que nous avons élaboré et adopté ensemble il y a quelques semaines sur l'activité d'influenceur en ligne, nous soutenons cet amendement, pour une raison très simple : pour une fois, il ne s'agit pas de contraindre les utilisateurs à communiquer les informations relatives à leur identité. Un site qui refuserait de prévoir une vérification de l'âge et de l'identité des utilisateurs resterait libre de le faire : il serait simplement contraint de ne pas afficher des publicités destinées aux majeurs, dont nous voulons préserver les enfants.
L'amendement est donc parfaitement conforme à l'esprit de la cause que vous entendez défendre, à savoir protéger concrètement les enfants et réguler l'espace en ligne pour le sécuriser. Il répond aussi à nos attentes en matière de protection des données personnelles et des libertés individuelles. Il combine donc tous les aspects requis.
M. Arthur Delaporte applaudit.
Je donne également la parole à Mme Marie Guévenoux, car les deux orateurs précédents se sont tous deux exprimés en faveur de l'amendement.
Je tiens d'abord à saluer le travail de Stéphane Vojetta, d'Arthur Delaporte et de l'ensemble des députés qui travaillent sur les questions relatives aux influenceurs, qui nous tiennent également à cœur. En revanche, je suis sensible aux arguments de la rapporteure et du Gouvernement. Le mécanisme proposé comporte un risque de non-conventionnalité, alors même que nous avons déjà souligné à quel point il est important que le projet de loi respecte les deux bornes que sont la Constitution et le cadre européen, dont on ne saurait déborder.
Par ailleurs, comme la rapporteure l'a rappelé, nous devons prendre le temps d'éprouver l'efficacité des dispositifs que nous avons déjà instaurés pour encadrer la fréquentation des sites pornographiques. Notre collègue Vojetta a gracieusement indiqué être prêt, malgré son engagement sur ces questions, à retravailler sur ce point dans le cadre de la CMP.
Je l'encourage à travailler plutôt à l'élaboration d'une nouvelle proposition de loi, dans le cadre de la campagne pour les élections européennes, qui sera l'occasion d'avancer sur ces questions. En l'état, le groupe Renaissance sera malheureusement contraint de voter contre cet amendement.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 28
Contre 28
L'amendement n° 744 n'est pas adopté.
Murmures.
Sourires.
Le troisième amendement de cette série riche en émotions concerne lui aussi les plateformes de pornographie à la demande, notamment MYM et OnlyFans. Pour ceux qui ne les connaissent pas, il s'agit de réseaux sociaux sur lesquels on peut trouver aussi bien des contenus concernant le macramé ou les travaux manuels que, surtout, de la pornographie à la demande. Des jeunes femmes et des jeunes hommes y vendent, moyennant des rémunérations sonnantes et trébuchantes, des photos ou des vidéos sexy, érotiques, parfois pornographiques. La plupart des utilisateurs de ces réseaux sociaux les promeuvent sur leur compte Snapchat ou Instagram, où ils publient des photos sympathiques incitant ceux qui les suivent à cliquer sur leur profil pour y trouver un lien vers la page OnlyFans.
Nous proposons d'obliger les utilisateurs d'Instagram, de Snapchat ou d'autres réseaux sociaux incluant un lien vers OnlyFans dans leur profil à activer le mécanisme excluant les mineurs de leur audience, et ce pour l'ensemble de leurs publications.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir le sous-amendement n° 1103 .
Permettez-moi de revenir sur le résultat du vote de l'amendement précédent, que je déplore. Il y a là une forme d'hypocrisie : d'un côté, on prétend vouloir interdire l'accès des mineurs à certains contenus ; de l'autre, on tolère que des publicités promouvant ces mêmes contenus s'adressent à des mineurs. Vous venez en effet de rejeter un amendement qui visait à rendre strictement impossible la diffusion de contenus publicitaires interdits aux enfants par toute personne n'apportant pas la garantie qu'elle exclut les mineurs de son audience.
Le sous-amendement s'inscrit dans la même logique. À l'heure actuelle, de nombreux mineurs sont confrontés, sur des comptes Instagram ou autres, à des publications contenant des liens vers des profils OnlyFans. Un compte sur un réseau social non pornographique devient ainsi un outil permettant de rediriger des enfants vers des sites où sont produits des contenus pornographiques.
Nous demandons que l'interdiction prévue par l'amendement n° 746 s'étende à toutes les publications qui contiendraient un tel lien de redirection – ainsi, une publication sur YouTube ou Instagram contenant un lien vers OnlyFans ne pourrait pas s'adresser à des mineurs. Si la plateforme permet d'activer un mécanisme excluant les mineurs de la diffusion, le lien peut être posté sans aucune difficulté. Dans le cas contraire, il ne doit pas l'être. C'est aussi simple que cela.
M. Stéphane Vojetta applaudit.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et sur le sous-amendement ?
Nos collègues Vojetta et Delaporte, engagés depuis longtemps sur ces questions, souhaitent obliger les influenceurs faisant figurer sur leur profil un lien vers un compte MYM ou OnlyFans à activer systématiquement un mécanisme excluant tous les utilisateurs âgés de moins de 18 ans de l'audience dudit contenu. Leur intention est parfaitement louable, mais une telle mesure me semble très difficile à mettre en œuvre.
J'irai même plus loin – ce qui me permet d'ailleurs de répondre à Arthur Delaporte concernant l'amendement précédent : si j'ai indiqué que la demande de M. Vojetta était satisfaite, c'est parce que nous venons d'adopter des articles en ce sens, et non en vertu du droit existant. À l'avenir, si un lien figurant dans la biographie d'un influenceur renvoie vers une page contenant du contenu pornographique, un mécanisme de contrôle de l'âge de l'utilisateur s'appliquera pour s'assurer que les utilisateurs mineurs n'y ont pas accès. C'est tout l'objet des discussions qui nous occupent depuis hier.
Je demande donc le retrait de l'amendement et du sous-amendement.
Même avis : je comprends votre intention, même si j'estime, comme la rapporteure, que votre demande sera largement satisfaite dès lors que les sites pornographiques instaureront effectivement des vérifications d'âge – avant cela, nous n'aurons pas résolu le cœur du problème. Je me demande par ailleurs comment une telle obligation s'appliquerait concrètement : les grandes plateformes de réseaux sociaux devront-elles balayer tous les comptes des utilisateurs pour détecter si des mentions à des sites pornographiques y figurent ?
Ce choix peut être défendu, mais ce n'est pas celui que consacrent le droit national ni le droit européen, qui n'imposent aucunement aux plateformes de scanner l'ensemble des contenus hébergés…
Il me semble pourtant que M. Delaporte a donné l'exemple d'un utilisateur postant une publication contenant un lien vers OnlyFans en expliquant que l'audience de diffusion devait alors exclure les mineurs. Or qui sera chargé de restreindre l'audience, si ce n'est la plateforme sur laquelle est postée la publication ?
J'en déduis – mais peut-être ai-je mal compris – que la plateforme en question devra scanner l'ensemble des contenus, ce qui est contraire au droit national comme au droit européen.
À ce stade de nos débats, un problème de cohérence se fait jour : quel sens y a-t-il à interdire des produits à des mineurs, tout en fermant les yeux sur la promotion de ces mêmes produits à ces mêmes mineurs ? Nul ne peut méconnaître la montée en puissance des influenceurs qui, d'une certaine façon, contournent par avance les règles que nous souhaitons instaurer avec ce projet de loi en redirigeant, grâce à des liens, leurs utilisateurs vers des comptes MYM ou OnlyFans.
Ne faudrait-il pas missionner l'Arcom pour trouver la parade, monsieur le ministre délégué ? Cette autorité, qui semble dotée de pouvoirs très importants, a été chargée de trouver le meilleur moyen de bloquer l'accès des mineurs à des sites pornographiques ; je suis sûr qu'elle saura comment brider la capacité des influenceurs à s'adresser à des mineurs pour promouvoir auprès d'eux des produits que nous voulons leur interdire.
Je tiens tout d'abord à saluer l'excellent travail de nos collègues Vojetta et Delaporte sur les influenceurs : j'ai été très heureux de voter le texte que vous avez défendu. Sur ce point précis, le groupe Renaissance suivra cependant M. le ministre délégué, pour deux raisons.
D'abord, le mécanisme que vous proposez est inopérant. Les plateformes MYM et OnlyFans réunissent environ 11 millions d'utilisateurs en France. Elles proposent certes des contenus pornographiques ou pseudo-pornographiques, mais aussi des cours de cuisine, des conseils immobiliers ou encore des tutoriels de beauté. Une telle mesure interdirait donc à toutes les personnes qui veulent faire la promotion de leurs contenus, y compris quand ceux-ci ne sont pas négatifs, de poster une URL sur les autres plateformes de réseaux sociaux. Vous obligeriez ainsi le législateur à passer en revue 11 millions d'URL pour savoir…
Il ne serait pas capable de faire la distinction entre des cours de cuisine et des contenus pornographiques. Cette mesure est parfaitement inopérante.
Par ailleurs, nous avons examiné hier soir, en fin de séance, une série d'amendements visant à inclure dans le référentiel l'obligation du respect de l'anonymat en ligne. Nous en étions arrivés à la conclusion qu'il ne fallait pas les adopter, car certaines plateformes sont, en la matière, mieux-disantes. J'avais moi-même cité les exemples d'Onlyfans et de MYM qui exigent, avant l'ouverture d'un compte, la présentation d'une carte bancaire ou d'un document d'identité, si bien que très peu de mineurs utilisent ces plateformes, qui ont instauré des protections très fortes pour les empêcher d'avoir accès à du contenu pornographique. Toutes n'ont pas fait ce choix : si vous aviez proposé d'interdire de poster des liens renvoyant à YouPorn ou à Pornhub, cela n'aurait posé aucune difficulté, puisqu'une telle mesure aurait été applicable et que ces sites n'ont pour l'heure prévu aucune protection. Pour ce qui est de MYM et d'OnlyFans, toutefois, non seulement ces plateformes sont mieux-disantes par rapport aux autres acteurs de l'industrie, mais vous ne serez pas capable de faire la distinction entre du contenu pornographique et des vidéos de cuisine.
Pour ces deux raisons, avec tout le respect que je dois à MM. Vojetta et Delaporte pour leur travail, l'adoption de cet amendement et de ce sous-amendement n'est pas souhaitable.
Le sous-amendement n° 1103 n'est pas adopté.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 28
Contre 40
L'amendement n° 746 n'est pas adopté.
Je tiens à saluer cet article qui s'inscrit dans une recherche d'efficacité. Oui, nous devons construire un droit renforcé élevant en infraction le fait, pour un hébergeur, de ne pas satisfaire dans les vingt-quatre heures à une demande administrative de l'office central de lutte contre la criminalité de retirer un contenu en ligne à caractère pédopornographique.
Cette mesure relève naturellement de la lutte contre la pédopornographie et des impératifs absolus de protection de l'enfance.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'article 3 ne vise pas à protéger les mineurs uniquement de la pornographie mais aussi de la pédopornographie – on franchit un nouveau degré dans l'horreur.
Rappelons que si le droit français était jusqu'à présent relativement ferme sur ce point, celui de l'Union européenne se révélait un peu trop souple, ce qui a conduit celle-ci à adopter un nouveau règlement provisoire. L'article 3 anticipe l'adoption de la proposition de règlement présentée en mai 2023.
Nous devons nous réjouir que ce dispositif permette de lutter davantage et plus efficacement – tel est en tout cas son objectif – contre les actes de pédopornographie, des abus sexuels que l'on peut bel et bien assimiler à une forme de terrorisme exercé sur les enfants. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la base juridique est la même pour ces deux types de crime.
M. Aurélien Lopez-Liguori et Mme Caroline Parmentier applaudissent.
On pourrait estimer que cet amendement de suppression va à l'encontre de l'esprit du texte. En réalité, il nous faut ici évaluer les risques, à la fois ceux qui pèsent sur les enfants confrontés à la pédopornographie – crime abominable – et ceux que l'on court en faisant porter aux hébergeurs la responsabilité de la nature des contenus.
Il existe de nombreux hébergeurs. Ils ne sont pas tous domiciliés en France même si les sites eux-mêmes sont français – il est même possible que certains sites de l'administration française fonctionnent grâce à des hébergeurs extra-européens. Des sites peuvent tout à fait avoir un nom de domaine avec une terminaison « .fr » et néanmoins être hébergés au Canada ou au Chili.
Nous nous opposons à la conception consistant à pénaliser par défaut, à partir d'un simple signalement, les hébergeurs. Depuis tout à l'heure, nous répétons qu'une autorité judiciaire devrait être en mesure de s'attaquer réellement aux éditeurs et non aux hébergeurs, lesquels proposent en outre des modèles différents, ce qui ne leur simplifie pas la tâche. Par exemple, parmi ceux qui mettent à disposition de leur clientèle des fermes de serveurs, certains proposent un hébergement mutualisé, d'autres non. Tout cela est très complexe.
Si l'on accepte une suspension en quelque sorte préventive, par défaut, cela conduira les hébergeurs à faire preuve d'une prudence excessive. Ils suspendront abusivement des sites qui ont uniquement fait l'objet d'un signalement abusif. Or aucune raison objective ne justifie qu'on fasse peser sur ces sites les menaces prévues par l'article 3. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l'article.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 625 .
Par cet amendement, nous demandons la suppression de l'article 3 qui aligne le régime de blocage des contenus pédopornographiques sur celui des contenus terroristes. Or ce régime contourne le juge judiciaire en confiant ce pouvoir à l'autorité administrative. Un tel dispositif, malheureusement de plus en plus systématique au nom de l'efficacité, pose une difficulté majeure du point de vue de notre État de droit.
En outre, le risque de surcensure est réel, surtout compte tenu des délais extrêmement courts laissés pour bloquer les contenus – en l'occurrence vingt-quatre heures. Aussi nous opposons-nous, comme nous l'avions fait à propos de la loi Avia, au transfert toujours plus important du pouvoir de blocage à l'autorité administrative.
J'ajoute que le projet de règlement européen pour la protection de l'enfance sur internet est en cours de discussion au sein de la Commission européenne. Celui-ci pose potentiellement de graves problèmes, notamment s'agissant de la possibilité de scanner les messageries pour détecter les contenus pédopornographiques. Dans ce contexte, il ne nous paraît pas pertinent d'anticiper le règlement en permettant le contournement du juge judiciaire.
Depuis le début de l'examen du texte, plusieurs amendements de suppression ont déjà été déposés. S'agissant de cet article – et avec tout le respect que je vous dois –, je me demande si vous vous entendez parler.
Vous nous reprochez de contourner le juge. En effet, nous le faisons au nom de l'efficacité car nous parlons tout de même de contenus pédopornographiques, pédocriminels. Oui, nous souhaitons que de tels contenus soient retirés en vingt-quatre heures. Nous parlons de contenus en ligne mettant en scène des enfants mineurs très jeunes.
Vous nous demandez de faire intervenir le juge judiciaire. Soit, mais en attendant qu'une décision soit prise, les contenus restent en ligne, visibles par tous, des millions de fois. C'est cela que nous refusons. Si l'on adoptait vos amendements de suppression, cela signifierait qu'on est d'accord pour laisser de tels contenus en ligne plus longtemps.
De façon plus générale, pour la clarté de nos débats, je rappelle qu'avec cet article, nous anticipons une proposition de règlement de la Commission européenne qui date du 11 mai 2023 et qui vise à prévenir et combattre les abus sexuels sur les enfants et accessibles en ligne. Nous avons l'occasion de le faire aujourd'hui, il ne faut pas rater le coche.
Même avis. J'apporterai quelques éléments de clarification. L'obligation de retrait en moins de vingt-quatre heures existe déjà dans le droit français. Le législateur s'est déjà prononcé sur la question en confiant à l'autorité administrative ou aux forces de l'ordre le soin de faire retirer ces contenus dans ce délai.
En revanche, la sanction associée à un non-retrait des contenus pédopornographiques n'existe pas encore alors qu'elle est déjà prévue s'agissant de l'obligation de retrait par les hébergeurs des contenus à caractère terroriste – un an d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende.
Que l'obligation soit bien assortie d'une sanction pour les contenus pédopornographiques également, cela me semble important. Voilà ce que vient apporter ce projet de loi.
Collègues assis de l'autre côté de l'hémicycle, vous êtes inconscients. Votre systématisation des amendements de suppression et votre obstruction à tout prix vous rendent aveugles et vos propos deviennent absurdes. Il s'agit ici de pédopornographie, de pédocriminalité.
En proposant ces amendements de suppression, vous portez une grave responsabilité morale.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Philippe Gosselin applaudit également.
Je rappelle tout d'abord qu'aucun d'entre nous ne connaît le parcours individuel des 577 députés. Par conséquent, lorsque nous abordons des questions telles que la pédocriminalité ou la pédopornographie, il serait bon que chacun mesure ses mots.
L'enjeu principal, ce sont les moyens de lutte contre ces fléaux, pas de fermeture des sites. Comment empêcher la production d'images et le trafic d'enfants ? Là est la seule et unique question. Une cellule est consacrée à cette lutte : Pharos, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements. Elle compte vingt-sept agents. C'est insuffisant.
Or notre objectif principal dans la lutte contre la pédocriminalité et la pédopornographie, ce devrait être de mettre les moyens humains et techniques nécessaires plutôt que d'agir au bout de la chaîne en infligeant une amende ou une peine de prison à l'hébergeur parce que le contenu pédopornographique n'a pas été retiré. Une telle action est insuffisante.
Je suis d'accord avec mes collègues pour dire que de tels contenus sont comparables à du terrorisme. C'est atroce. Nous vous mettons simplement en garde contre les abus car tel est notre rôle en tant que parlementaire même si, de l'autre côté de l'hémicycle, ils ne l'ont visiblement pas compris.
Nous ne sommes pas naïfs, vous allez rejeter ces amendements. Néanmoins, écoutez-nous lorsque nous vous disons que votre méthode ne mettra pas fin à la pédopornographie ni à la pédocriminalité.
Je vous informe que sur les amendements n° 55 et 56 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Sur le vote de l'article 3, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Christine Loir, pour soutenir l'amendement n° 55 .
Nous avons longuement débattu de l'exposition des mineurs à des contenus pornographiques. La question de la suppression des images pédopornographiques doit faire consensus. Nous sommes tous d'accord ici pour condamner les hébergeurs qui ne se plieraient pas à l'obligation de supprimer de telles images dans un délai de vingt-quatre heures après avoir reçu une notification.
Les peines doivent être exemplaires, c'est pourquoi je propose, par cet amendement, de les doubler.
Je suis totalement d'accord avec vous pour dire qu'il faut sanctionner lourdement les hébergeurs. Cependant, en l'état du droit, le régime de sanctions est déjà aligné sur celui qui existe à propos des contenus terroristes. Je ne souhaite pas aller au-delà, cela n'est pas nécessaire car le dispositif me semble parfaitement équilibré.
Avis défavorable même s'il est évident que de tels contenus sont affreux et que nous sommes tous mobilisés pour lutter contre leur diffusion.
Je vous rappelle que les hébergeurs ont été informés de leur obligation et que pourtant ils ne retirent pas les images. Il faut les sanctionner !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 86
Nombre de suffrages exprimés 85
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 15
Contre 70
L'amendement n° 55 n'est pas adopté.
De même que mon amendement précédent visait à doubler les peines à l'encontre des hébergeurs ne respectant pas les demandes de suppression d'images à caractère pédopornographique, je propose, par cet amendement, de rehausser les peines pour ceux qui récidiveraient. Ne pas supprimer ces images revient à être complice. De telles images ne devraient même pas exister, ne les laissons pas proliférer sur internet.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous êtes un peu dans la surenchère en proposant le doublement ou le triplement des peines… La commission a doublé certaines peines prévues dans d'autres articles, mais il me semble que le texte de l'article 3 est bien équilibré et que les sanctions sont parfaitement proportionnées. L'avis est donc défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 85
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 16
Contre 68
L'amendement n° 56 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 82
Contre 2
L'article 3 est adopté.
Aujourd'hui, un titre de vidéo pornographique sur cinq fait référence à des violences sexuelles, qu'il s'agisse d'agression, d'absence de consentement ou d'inceste. Les contenus pornographiques comportant des actes de torture et de barbarie sont loin d'être numériquement marginaux, comme l'ont rappelé les témoignages des victimes de l'affaire French Bukkake. Pour faire face à ce fléau, les députés du groupe Écolo – NUPES souhaitent renforcer les pouvoirs de police administrative de Pharos dans la lutte contre les contenus ultraviolents et dangereux sur internet. Si nous saluons l'adoption en commission de l'amendement du rapporteur général Paul Midy visant à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur ce sujet, nous considérons que cela ne saurait suffire à répondre à l'urgence, les preuves ne manquant pas pour démontrer la gravité de la situation. Nous proposons donc que le pouvoir de police administrative permette le retrait, le blocage et le déréférencement des contenus présentant ou représentant des actes de torture et de barbarie, des viols ou encore des scènes d'inceste, à l'instar des contenus terroristes ou pédopornographiques.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 999 .
Je ne méconnais pas toutes les difficultés à résoudre par la loi ces questions, mais je ne voudrais pas que l'on y renonce avant d'avoir recherché toutes les solutions. Je rappelle tout de même que lorsqu'il s'agit de production cinématographique, l'obtention d'un visa d'exploitation est obligatoire et que celle-ci peut être refusée au titre de la protection de l'enfance ou de la dignité humaine. Il serait incongru que s'agissant de contenus pornographiques, on ne soit pas capable d'appliquer les mêmes exigences. Cet amendement des députés du groupe Socialistes et apparentés vise donc à renforcer les pouvoirs de police administrative de Pharos dans la lutte contre les contenus choquants et dangereux évoqués à l'instant, c'est-à-dire les actes de torture ou de barbarie, d'inceste ou de viol. C'est d'ailleurs ce que recommande le dernier rapport du HCEFH, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Pour terminer, je tiens à dire que l'argument du consentement ne me paraît pas recevable s'agissant de pornographie. Il est de toute façon tout à fait secondaire dès lors qu'il convient de considérer que l'on ne peut pas faire la promotion de la torture, de la barbarie, du viol ou de l'inceste, qu'il y ait ou non consentement des intéressés.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l'amendement n° 477 .
Il s'agit d'un amendement particulièrement important, puisqu'il vise à lutter contre la diffusion de contenus pornographiques ultraviolents et dégradants, simulant des faits de viol ou d'inceste, par l'augmentation des compétences administratives de Pharos pour lui permettre de faire retirer les contenus manifestement illicites des sites hébergeurs. Je rappelle que le rapport sénatorial de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, intitulé « Porno : l'enfer du décor », ainsi que le rapport du HCEFH, intitulé « Pornocriminalité. Mettons fin à l'impunité de l'industrie pornographique ! » dressent un constat glaçant sur les violences faites aux femmes dans l'industrie pornographique, et que les violences sexuelles concernent un titre pornographique sur cinq.
La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances de notre assemblée a auditionné lundi Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes ; parmi les recommandations du rapport du HCEFH figure celle de donner davantage de pouvoirs à Pharos. À cet égard, le Haut conseil a effectué un test sur l'efficacité actuelle de cette plateforme gouvernementale en ce domaine : sur les trente-cinq vidéos au contenu à l'illégalité flagrante qu'il lui avait signalées entre le 2 et le 7 juin 2023, aucune n'a disparu – il n'y a eu aucun résultat. C'est la raison pour laquelle nous proposons cet amendement.
La parole est à Mme Véronique Riotton, pour soutenir l'amendement n° 528 .
De quoi parle-t-on ? D'un phénomène de grande ampleur : 90 % des vidéos diffusées sur les sites pornographiques contiennent des scènes de violences sexuelles. C'est ce que nous apprennent les rapports déjà cités, celui du Sénat et celui du HCEFH.
De quoi parle-t-on plus précisément ? Il s'agit de viols collectifs, de triple pénétration, d'électrocution du vagin, de noyade, d'étranglement ou encore de lacérations. Les signataires de cet amendement font bien la différence entre la pornographie et les violences sexuelles à l'intérieur de la pornographie. C'est donc aux vidéos ultraviolentes présentant des actes de torture et de barbarie que nous nous attaquons aujourd'hui en en demandant le retrait. Ce ne sont pas des vidéos pornographiques, mais des vidéos de sévices et de violences faites aux femmes, diffusées sur les sites pornographiques. Ces contenus ne sont pas sans conséquence : 47 % des jeunes pensent que les femmes désirent être agressées lors d'un rapport sexuel, qu'elles souhaitent être violées, frappées, voire mutilées. Ensemble, disons non à la banalisation de ces violences sexuelles, non à la reproduction de ces violences par nos jeunes !
Chers collègues, voter cet amendement sera une avancée capitale pour protéger les victimes, mais aussi nos enfants.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit applaudit également.
Sur l'amendement n° 477 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les deux autres amendements identiques n° 951 de Mme Anne-Cécile Violland et 1029 de M. Arthur Delaporte sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Sur les titres Ier et II que j'ai l'honneur de rapporter, s'il est un ajout qui semble particulièrement important à examiner, c'est bien celui qui nous est maintenant proposé, comme le montre le nombre d'amendements qui ont été déposés à cette fin – ils ne sont pas tous identiques, mais ils vont tous dans le même sens. Plusieurs orateurs ont rappelé que le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a publié récemment des recommandations pour faire face à la violence contre les femmes en ligne, notamment dans le domaine de la pornographie. Parmi ses préoccupations majeures figure l'absence de retrait par l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) – ce sont les agents derrière Pharos – de contenus qui présentent pourtant des actes de torture et de barbarie, des traitements inhumains et dégradants, mais aussi des viols. Le rapport sénatorial « Porno : l'enfer du décor » et nos auditions ont marqué les esprits en montrant notamment que Pharos ne procédait pas aujourd'hui au retrait de contenus pourtant très choquants et contraires à la dignité humaine. Pharos n'aurait en effet retiré en 2022 que 252 contenus – à la suite de 252 signalements faits au titre de violences portant atteinte à l'intégrité physique.
Je sais que ce qui préoccupe les signataires de ces amendements, ce sont les contenus qui présentent des actes criminels, c'est-à-dire des actes de torture et de barbarie, des traitements inhumains et dégradants, des viols ou encore des situations d'inceste. Toutefois, la frontière entre la simulation et l'accomplissement d'actes réels est souvent ténue. Nous devons bien entendu avancer sur ce sujet, mais il reste encore du travail pour donner une véritable effectivité à l'obligation de retrait de ces contenus. L'idée n'est pas de voter aujourd'hui un mécanisme sans se soucier de son application demain : on souhaite dès maintenant rendre effective cette partie de la loi dans l'objectif de permettre à toutes les femmes victimes des violences évoquées de voir les contenus retirés plus rapidement. Aussi, j'émets un avis de sagesse sur l'amendement n° 528 de Mme Riotton, présidente de la délégation aux droits des femmes et qui travaille sur ce sujet depuis de nombreuses années – sa proposition est celle présentant l'écriture juridique la plus robuste, ce qui devrait permettre d'avancer globalement sur cette question. Je demande le retrait des autres amendements en discussion commune, tout en saluant les groupes politiques et les députés de tous bords qui se sont engagés dans ces travaux.
Tout d'abord, je veux à mon tour saluer le travail de la délégation aux droits des femmes et de sa présidente, avec laquelle j'échange depuis de longs mois sur ces questions. Je tiens à faire part de l'indignation et du sentiment de révolte que j'ai éprouvés à la lecture du rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat et au visionnage du reportage de Marie Maurice conçu pour le magazine télévisé « Cash investigation » ; la journaliste a pris tous les risques pour aller débusquer les criminels, certes bien loin de notre pays mais parfois de nationalité française, qui se livrent à ce qui s'apparente à de la traite des femmes. Mesdames et messieurs les députés, nous devons employer toute notre énergie à faire cesser la traite des femmes, en France bien sûr, mais aussi ensuite en Europe, pour finir par entraîner suffisamment de pays avec nous dans le monde entier.
Si la situation a sans doute évolué ces dernières années dans notre pays, c'est grâce au travail remarquable des parlementaires, mais aussi des journalistes et des enquêteurs qui ont permis de révéler les scandales French Bukkake et Jacquie et Michel, deux affaires tentaculaires dont les protagonistes risquent des peines allant jusqu'à dix ans de prison pour proxénétisme aggravé, vingt ans de prison pour traite d'êtres humains en bande organisée et la réclusion à perpétuité pour viol avec actes de torture et de barbarie.
Ces enquêtes, même si les procès ne sont pas encore arrivés à leur terme, ont sans doute conduit l'industrie de la pornographie en France à changer ses pratiques. Mais même si c'est le cas, nous ne pouvons pas nous en satisfaire, car nous savons que c'est aux portes de l'Europe ou même dans d'autres États membres que se sont délocalisés, afin de poursuivre tranquillement leur commerce, ceux qui se comportent de manière indigne en portant des atteintes brutales à la dignité des femmes. Et nous savons aussi que dans notre pays, où la situation s'est sans doute améliorée pour les actrices et les acteurs dans cette industrie, il n'en reste pas moins, comme l'a dit Véronique Riotton, que nos enfants restent exposés tant que les sites pornographiques ne procèdent pas à la vérification d'âge avant de permettre l'accès à leurs contenus. Il nous faut donc agir, c'est pourquoi le Gouvernement a engagé des discussions étroites avec la délégation aux droits des femmes pour trouver une solution.
À ce stade des discussions, le Gouvernement ne peut pas donner un avis favorable à ces amendements, car il considère que le risque d'inconstitutionnalité est trop élevé. En effet, le droit français autorise la représentation de l'extrême violence sur un certain nombre de supports tels que les sites pornographiques, mais pas seulement : je pense aux films, aux séries, aux bandes dessinées – bref, à de nombreuses œuvres d'art. Vous me répondrez qu'il ne s'agit pas du tout de la même chose que les vidéos que vous dénoncez, et j'en suis moi-même intimement convaincu, cependant nous ne sommes pas parvenus à trouver une manière de discriminer nettement les vidéos qui s'apparentent à des actes de torture et de barbarie ou de traite d'êtres humains – ce qui nous permettrait de les classer avant même que le juge ne se penche sur le sujet – et les œuvres mettant en scène des contenus d'une violence certes extrême, mais consentie.
Voilà ce qui nous conduit à émettre un avis favorable sur les amendements tendant à déposséder l'autorité judiciaire au profit des forces de l'ordre pour leur confier le soin de départager deux choses bien distinctes : d'une part, les contenus extrêmement violents qui relèvent de la création artistique ; d'autre part, ceux qui relèvent de la traite d'êtres humains.
Alors, faut-il s'arrêter là, que ces amendements soient ou non adoptés ? Bien sûr que non ! En commission, le rapporteur général a fait adopter un amendement visant à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur cette question. En parallèle, la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations a annoncé, la semaine dernière, le lancement d'un groupe de travail associant le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur sur différents sujets, dont celui de la traite des femmes dans l'industrie pornographique. Au-delà de cette industrie, d'autres sujets seront abordés, tels que celui du consentement d'amateurs qui retrouvent des photos ou des vidéos d'eux sur les réseaux sociaux et qui ont parfois beaucoup de mal à obtenir le retrait de ces contenus. On souhaiterait, là encore, donner aux forces de l'ordre le moyen de retirer très rapidement ces contenus. Mais vu la manière dont ces plateformes fonctionnent actuellement, il est difficile pour les agents de Pharos de confirmer avec certitude le consentement des personnes concernées.
Ce groupe de travail sera réuni pour la première fois à la fin du mois d'octobre ; je souhaite que les délégations aux droits des femmes des deux assemblées puissent y être associées de près. Pour ma part, je reste à votre disposition pour les questions qui relèvent de mon champ de compétences : le numérique. Mais gardons à l'esprit que le numérique n'est que la surface des choses. Nous ne parviendrons à résoudre ces problèmes qu'une fois que nous aurons définitivement éradiqué les pratiques indignes et criminelles de cette industrie sur le sol européen – et peut-être au-delà, comme je le disais tout à l'heure.
Monsieur le ministre délégué, je comprends que vous avez émis un avis défavorable sur toute cette série d'amendements. Le confirmez-vous ?
C'est exact, madame la présidente !
Nous sommes en train de discuter d'un sujet capital. Le groupe GDR et moi-même soutiendrons l'amendement n° 347 de Mme Pasquini et tous ceux qui iront dans le même sens. Il nous semble en effet essentiel de permettre le blocage de vidéos qui représentent les pratiques criminelles que nous évoquons depuis tout à l'heure : actes de torture et de barbarie, incestes, viols, etc.
Certes, la procédure qui permet à l'autorité judiciaire de prescrire en référé ou sur requête toute mesure propre à prévenir ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne nous semble plus opportune pour garantir les libertés fondamentales. Mais en l'espèce, nous pensons que les actes visés par nos collègues du groupe Écologiste présentent un caractère suffisamment manifeste pour permettre le blocage administratif de tels contenus.
J'aimerais d'abord rappeler que les actes dont nous parlons – tortures et viols, entre autres – sont inadmissibles, qu'ils soient filmés ou non, et qu'il nous faut les combattre. Cependant, au risque de m'attirer les foudres de tout le monde, je veux dire qu'avec ces amendements, nous sommes en train de glisser dangereusement vers la police des bonnes mœurs.
Il faut déjà faire la distinction entre les choses illégales et les choses immorales.
Cela pose déjà un premier problème : qu'est-ce qui est légal ou immoral et qu'est-ce qui ne l'est pas ? En tant que législateur, nous n'avons pas à dicter ce qui est moral et ce qui ne l'est pas. Par ailleurs, si nous nous engageons dans cette voie, le téléfilm sur l'inceste qui est passé il y a trois jours sur l'une des plus grandes chaînes de la télévision française devrait être censuré. Il en serait de même des films Le Vieux Fusil, qui a reçu le César du meilleur film, ou Irréversible, qui a également été primé.
Bref, tous les films ou séries qui proposent une représentation d'actes illégaux, comme un meurtre, devraient ainsi être interdits – jusqu'à la série Julie Lescaut !
Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Mme Véronique Riotton s'exclame.
Je vous invite sincèrement à y réfléchir. Nous devrions plutôt nous efforcer de mettre les moyens nécessaires pour veiller à ce que les plateaux de tournage des films pornographiques appliquent le droit, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Quelqu'un a-t-il déjà vu un inspecteur du travail sur un site de production de films pornographiques ? Il n'y en a aucun ! Ces acteurs sont pourtant des travailleurs…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je tiens, moi aussi, à saluer l'engagement exceptionnel de Mme Riotton et de tous les collègues qui siègent au sein de la délégation aux droits des femmes, ainsi que le travail du HCEFH et du Sénat. La diffusion des contenus en question est parfaitement choquante, mais elle est surtout parfaitement illégale au regard des dispositions du code pénal qui sont en vigueur dans notre pays. Je précise, à l'intention de notre collègue Amiot, que les contenus cinématographiques et les œuvres artistiques ne sont pas concernés par cet amendement ; si tel était le cas, cela nous poserait une difficulté énorme. Il faut que nous trouvions les moyens d'agir malgré les difficultés opérationnelles et juridiques qu'a mentionnées, à raison, la rapporteure. Je souscris évidemment aux avis qu'elle vient d'émettre.
Je regrette de devoir préciser que le Gouvernement considère que les contenus artistiques sont potentiellement concernés par cette série d'amendements.
« Ah, voilà ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Autrement, il est évident que nous irions dans le sens de la présidente de la délégation aux droits des femmes !
Mme Francesca Pasquini applaudit, ainsi que plusieurs députés du groupe RE.
La parole est à Mme Fanta Berete, pour soutenir l'amendement n° 359 rectifié .
Cet amendement de notre collègue Sacha Houlié, cosigné par trente députés du groupe Renaissance, vise à garantir l'intervention de l'autorité administrative pour faire retirer les contenus en ligne relevant du proxénétisme ou de la traite d'êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle. Cette proposition est conforme au rapport « Pornocriminalité. Mettons fin à l'impunité de l'industrie pornographique ! » du HCEFH, rendu public la semaine dernière, et à ses recommandations visant à mieux lutter contre la diffusion de contenus sexuels et pornographiques illicites.
Dans l'industrie pornographique, des femmes et des filles sont massivement victimes de violences physiques et sexuelles ; elles subissent parfois des traitements contraires à la dignité humaine et à la loi. C'est bien ce qu'illustrent les procédures judiciaires en cours d'instruction concernant les affaires French Bukkake et Jacquie et Michel.
Ces contenus violents continuent malheureusement d'être diffusés sur internet – nous parlons de millions de vidéos ! L'immense majorité de la prostitution est organisée en ligne sur des sites d'annonces dédiés, et ces derniers ne sont pas inquiétés, alors même qu'ils sont aisément identifiables. Les procédures judiciaires sont lourdes et lentes et ne permettent pas le retrait rapide des contenus en ligne relevant du proxénétisme ou de la traite d'êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle.
Nous devons avoir une politique pénale déterminée et adaptée aux réalités de la prostitution d'aujourd'hui. Sans une véritable mise en cause des sites internet d'une part, et des clients prostituteurs d'autre part, la prostitution ne pourra que continuer de se développer. Les retombées médiatiques qu'on a observées à la suite de la publication du rapport du HCEFH montrent que les attentes de la société vis-à-vis de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l'industrie pornographique sont fortes. L'amendement proposé y répond et s'avère cohérent avec l'objectif global fixé par le présent projet de loi ; il est en outre soutenu par l'association Le Mouvement du nid et par Sylvie Pierre-Brossolette.
MM. Karl Olive et Stéphane Vojetta applaudissent.
Je vous remercie, chère collègue, de vous faire l'écho de ces situations terribles pour toutes les personnes qui en sont victimes. Malheureusement, nous n'avons pas interrogé Pharos sur ce point, puisque cet élément n'était pas versé aux débats au stade des travaux en commission.
Votre amendement imposerait de recueillir la parole de la victime présumée des actes de proxénétisme ou de la traite d'êtres humains et de mener, en conséquence, des investigations particulièrement importantes. L'opération de qualification, à ce stade de nos travaux, serait bien trop difficile et le dispositif inopérant. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je tiens une nouvelle fois à saluer tout le travail réalisé, dont j'ai été le témoin direct. Cela fait plusieurs semaines, voire plusieurs mois, que nous nous efforçons de parvenir à une écriture qui puisse passer la rampe de la constitutionnalité. Ce n'est pas évident, je sais que beaucoup d'entre vous y réfléchissent depuis longtemps, mais il ne suffit pas de confier à Pharos le soin de retirer tel contenu inapproprié pour se dire que tout va bien dans le meilleur des mondes ; la réalité est beaucoup plus compliquée.
Je l'ai dit tout à l'heure : à ce stade, nous ne sommes malheureusement pas parvenus à trouver une solution qui permette de franchir la rampe de la constitutionnalité – c'est en tout cas l'analyse du Gouvernement. Je me vois donc une nouvelle fois contraint d'émettre un avis défavorable, mais celui-ci s'accompagne du souhait de continuer à réfléchir sur cette question. Je nous invite d'ailleurs à réfléchir au rayonnement européen. Les faits qui sont visés par cet amendement de M. Houlié – proxénétisme aggravé, viol avec actes de torture et de barbarie, traite d'êtres humains – sont au cœur de certains procès en France depuis quelques années qui, force restant à la loi, poussent les acteurs de cette industrie à changer profondément leurs pratiques.
Toutefois, on constate – et si vous ne l'avez pas vu, je vous invite à regarder le reportage de Marie Maurice pour « Cash investigation » – que certaines personnes ont trouvé refuge dans d'autres pays européens, notamment en République tchèque, pour perpétuer des pratiques qui avaient sans doute cours en France jusqu'à il y a quelques années et qui sont désormais délocalisées. Ce que nous parviendrons à faire en France – si nous y parvenons –, il faudra donc l'étendre à l'échelon européen pour qu'il n'y ait pas de paradis pour ceux qui se livrent à la traite des femmes à des fins commerciales.
Dans l'exposé sommaire de cet amendement de notre collègue Houlié, on parle de prostitution organisée sur les réseaux sociaux. Il est vrai que le phénomène s'est fortement développé ces dernières années, mais il conviendrait d'en connaître la cause et les publics concernés.
On a affaire à des réseaux de prostitution organisée qui utilisent internet et qui proposent parfois de très jeunes gens, des étudiantes et des étudiants. Ceux-ci ne se livrent pas à cette activité par goût ; ils ne se considèrent pas comme des travailleurs du sexe. Ce sont des gens qui, étant plongés dans une certaine misère, dont votre politique antisociale est largement la cause, se trouvent pris dans ces réseaux.
Faites appliquer la loi relative à la prostitution en général, et il n'y aura pas besoin d'engager des actes administratifs contre les sites. Mais pour cela, il faudrait que le système judiciaire soit doté des ressources nécessaires. Or la hausse du budget du ministère de la justice, dont le ministre Dupond-Moretti se vante, sera consacrée à la construction de places de prison ! Comment fera-t-on pour lutter contre cette criminalité si l'on ne dispose pas des ressources nécessaires en officiers de police judiciaire ? Voilà la question qu'il faut vous poser, ainsi que celle de la cause de la prostitution. On ne se prostitue généralement pas par vice ou par goût, nous sommes tous d'accord là-dessus.
L'amendement n° 359 rectifié n'est pas adopté.
Selon l'enquête réalisée en 2022 par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, plus de 19 % des femmes entre 17 et 19 ans ont reçu des messages relevant de la pornodivulgation. Ces messages, destinés le plus souvent à se venger, consistent à divulguer, sans le consentement de la personne et afin de lui nuire, un enregistrement ou tout autre document à caractère sexuel la concernant, qu'il ait été ou non réalisé avec son accord.
Pour remédier à ce phénomène extrêmement répandu et dont le reportage que vous avez cité, monsieur le ministre délégué, fait état, l'amendement n° 29 , déposé à l'initiative de notre collègue Boucard, tend à renforcer les pouvoirs de police administrative de Pharos, en ajoutant un critère d'intervention de manière à lutter contre la diffusion de contenus à caractère sexuel sans l'accord préalable de la personne.
Sur l'amendement n° 1043 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Véronique Riotton, pour soutenir cet amendement, qui fait l'objet de trois sous-amendements, n° 1086 , 1087 et 1088 .
Emma et Pierre s'envoyaient régulièrement des vidéos à caractère sexuel. Un jour, une copine d'Emma l'appelle et lui signale que sur Pornhub, on la voit en train de faire une fellation à Pierre. Cinq ans plus tard, cette vidéo est toujours sur Pornhub et cumule plus de 5 millions de vues.
Voilà ce dont nous parlons. L'histoire d'Emma est celle de milliers de femmes, à qui l'on vole un contenu intime et dont on brise la vie. Notre droit prévoit certes qu'on sanctionne la personne qui publie le contenu sans le consentement de la personne concernée – c'est ce que nous avons décidé il y a deux ans –, mais comment fait-on pour que ces contenus, qui génèrent des millions de vues grâce à leur diffusion, soient effectivement retirés des sites pornographiques ? Pour l'heure, rien ne se passe : on sanctionne l'auteur, on sanctionne celui qui diffuse, mais la vidéo reste en place. Pourtant, quand quelqu'un copie une chanson Disney et diffuse l'enregistrement, celui-ci est immédiatement supprimé. Pourquoi ne protège-t-on pas les femmes et les filles avec la même détermination ?
L'enjeu du présent amendement est de mettre les hébergeurs face à leurs responsabilités, en permettant à Pharos de retirer les contenus à caractère sexuel diffusés sans le consentement des personnes concernées.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Le revenge porn, comme on l'appelle, est quelque chose de terrible. Il arrive fréquemment que ces images volées se retrouvent n'importe où sur internet, et il est très difficile pour les victimes de les faire retirer. Confier cette mission à Pharos me semble une très bonne idée.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Comme l'a souligné Mme Riotton, dont je salue une fois de plus le travail, ainsi que celui des autres députés engagés sur ces questions, l'histoire d'Emma est celle de milliers d'autres femmes, qui trouvent une image ou une vidéo d'elles à caractère sexuel visionnée des milliers, voire des millions de fois sur internet. Cela brise des vies.
Je suis évidemment favorable à l'objectif visé par les amendements. L'amendement de Mme Riotton étant celui qui est le plus sécurisé juridiquement, j'y émettrai un avis favorable et demanderai le retrait des autres.
Je suppute que l'avis est favorable sous réserve de l'adoption des sous-amendements ?
On s'attaque là à un deuxième scandale absolu, dont les éditeurs et les hébergeurs de sites pornographiques se rendent complices, voire coupables : il s'agit de la prolifération sur internet de vidéos intimes mettant en scène des personnes sans le consentement de celles-ci. C'est un fléau.
Pourtant, Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes l'a indiqué avec raison, cette pratique est sanctionnée : si vous publiez une vidéo amateur ou une image d'une personne dévoilant son intimité sans le consentement de la personne en question, vous encourez jusqu'à deux ans de prison – je crois qu'il n'est pas inutile de rappeler à celles et ceux qui l'oublient que lorsque, en un clic, ils se font plaisir, ils risquent des peines de prison et des amendes extrêmement lourdes.
Le règlement général pour la protection des données a aussi prévu un droit à l'effacement, c'est-à-dire que toute personne qui constate qu'une vidéo la représentant circule sur un support numérique, quel qu'il soit, peut en obtenir le retrait. Le problème, c'est qu'en pratique, ces contenus prolifèrent. Et c'est pour moi l'occasion de rendre hommage pour la troisième fois à l'enquête de Marie Maurice, qui est allée à la rencontre de personnes comme celle que la présidente Riotton vient d'évoquer : elles se trouvent contraintes de contacter des dizaines, voire des centaines de sites pornographiques pour tenter d'obtenir le retrait d'une vidéo qu'un jour un ex-petit ami ou un ex-compagnon a postée sur une plateforme et qui s'est diffusée en quelques minutes un peu partout sur la toile.
Nous devons trouver une solution à ce problème. Je pense que ce que nous devons avoir en ligne de mire, mais qui, à l'heure actuelle, n'est pas encore possible, c'est d'obtenir à l'échelle européenne que la diffusion de vidéos intimes ne puisse se faire sans le recueil par les plateformes concernées d'un consentement préalable. Voilà ce qui permettrait de mettre fin à ce scandale qui voit des femmes découvrir accidentellement que des vidéos les représentant circulent sur internet.
En attendant, nous avons engagé avec Mme Riotton et d'autres des discussions sur la manière dont on pourrait, au niveau français, ralentir ou empêcher la prolifération de telles images. Il est tentant de se tourner vers Pharos.
Pharos a la capacité de signaler aux plateformes les contenus illicites en général ; pour les contenus à caractère terroriste ou à caractère pédopornographique, dont nous avons parlé à l'article 3, Pharos peut non seulement les signaler, mais aussi en exiger le retrait dans les vingt-quatre heures, sous peine d'un an d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. On serait donc tenté de lui demander de veiller aussi au retrait de tous les contenus non consentis.
Nous avons beaucoup réfléchi à une rédaction possible. De même que, pour les précédents amendements en discussion commune, nous nous sommes heurtés au fait qu'il est très difficile de distinguer, y compris parmi les contenus d'une extrême violence, ce qui peut être consenti ou s'apparenter à une création et ce qui résulte de la traite des femmes, les agents de Pharos auront du mal à recueillir de manière crédible la preuve de l'absence de consentement de la personne avant d'adresser une injonction de retrait à la plateforme.
Que dirait le juge constitutionnel s'il était saisi d'un tel article ? L'agent de Pharos a l'obligation de faire retirer les contenus non consentis. Or, comme il aura probablement des difficultés à identifier le consentement et qu'il y aura une incertitude, il sera amené à retirer des contenus à titre conservatoire. De ce fait, le juge constitutionnel risque – c'est en tout cas le raisonnement qui avait prévalu lors de la censure de la loi Avia – de considérer que les contenus sont retirés de manière excessive, qu'il y a surmodération et atteinte à telle ou telle liberté, notamment à la liberté du commerce.
Il y a donc encore beaucoup de travail à faire. On est loin d'un amendement qui permettrait le retrait par Pharos de tout contenu non consenti. Cela fait plusieurs fois que nous en discutons avec la présidente Riotton et, à ce stade, le Gouvernement reste défavorable à de tels amendements. Un groupe de travail a été lancé, un rapport au Parlement a été demandé par l'intermédiaire d'un amendement du rapporteur général. Demande de retrait.
Le revenge porn est une réalité qui nous heurte tous, qu'il concerne des mineurs ou des majeurs – car il ne se limite pas aux premiers. Cette pratique se rencontre à chaque échelon de la société et, sous l'effet de la publicité sur les réseaux sociaux – je pense par exemple à X, ex-Twitter, ou à de nombreux comptes amateurs sur lesquels des personnes postent des photos d'eux-mêmes à titre gracieux –, on note une utilisation de plus en plus massive du revenge porn, soit pour humilier, soit pour faire chanter. Le maire de Saint-Étienne a fait un coup de ce type.
La proposition qui est faite par l'intermédiaire de ces amendements permettra-t-elle de mettre un terme à cette ignominie qui touche les personnes de tous les genres ? Cela fait débat. Je dois dire qu'à mon grand étonnement, je suis d'accord avec le ministre.
Un groupe de travail a été constitué : utilisons-le, collectivement. Il ne s'agit pas de quelque chose de genré. C'est la dignité humaine qui est en cause. Élevons un peu le débat.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ce combat est un combat contre les violences sexistes et sexuelles, je l'entends, mais élevons le débat en parlant de la dignité humaine de chacun.
J'abonde dans le sens de notre collègue Véronique Riotton : ces contenus sont inacceptables, et nous devons agir. Je confirme l'avis favorable à l'amendement n° 1043 .
L'amendement n° 29 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 74
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 64
Contre 5
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Monsieur le ministre délégué, il convient également de s'intéresser à la diffusion des contenus simulant des rapports sexuels avec des personnes présentées comme mineures. Cet amendement vise à interdire à l'ensemble des hébergeurs et services de communication interpersonnelle la diffusion de tels contenus. La présentation serait appréciée en fonction du titre du contenu ainsi que des mots-clés, expressions ou autres entrées renvoyant vers ce contenu, et non en fonction de l'apparence physique de la personne majeure figurant sur les images.
Par exemple, des sites pornographiques proposent des contenus labellisés « teens ». De même, de nombreux contenus à caractère sexuel sont disponibles sur l'application de messagerie Telegram sous le label « ados ».
L'enjeu est de parvenir à supprimer l'ensemble des contenus susceptibles de normaliser la pédocriminalité, l'inceste ou les violences sexuelles sur mineurs et susceptibles d'inciter, en les simulant, à commettre de tels actes.
La parole est à Mme Véronique Riotton, pour soutenir l'amendement n° 529 .
« Jeunes ados en chaleur », « Je punis une écolière », « Papa se tape sa belle-fille après l'école »… Tels sont, parmi de nombreux autres, les titres de millions de vidéos diffusées sur les sites pornographiques. Ils banalisent, jour après jour, des violences sexuelles commises sur des mineurs. Je m'adresse à vous, chers collègues, que vous soyez parents ou non : pouvons-nous accepter que de pareils contenus, qui font l'apologie de la pédocriminalité ou de l'inceste, continuent d'être diffusés sur des sites pornographiques ?
Pharos peut déjà retirer des contenus à caractère pédocriminel, en se fondant sur l'absence de signes de puberté. Cet amendement vise à interdire la diffusion, sur les sites pornographiques, de contenus simulant des rapports sexuels avec des personnes présentées comme mineures. Pharos pourrait dès lors retirer ces contenus en s'appuyant sur leur titre ou sur les mots-clés.
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l'amendement n° 984 .
Je souscris aux propos de mes collègues. Cet amendement vise à interdire à l'ensemble des hébergeurs et des services de communication interpersonnelle – aux réseaux sociaux, entre autres Twitter ; aux sites internet, notamment pornographiques – la diffusion de contenus simulant des rapports sexuels avec des personnes présentées comme mineures. La présentation serait appréciée en fonction du titre du contenu – par exemple « teens » ou « ados » – ainsi que des mots-clés, expressions ou autres entrées renvoyant vers ledit contenu, et non en fonction de l'apparence physique de la personne qui est à l'écran. Autrement dit, il s'agit d'interdire ces contenus dès lors que le spectateur pense avoir affaire à de jeunes adolescents, même si les personnes en question ne sont pas mineures.
Notre objectif est de parvenir à la suppression de l'ensemble des contenus susceptibles de normaliser la pédocriminalité, l'inceste ou les violences sexuelles sur mineur et susceptibles d'inciter, en les simulant, à commettre de tels actes.
Sur l'amendement n° 416 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements identiques en discussion ?
Je partage vos interrogations. Les titres que vous avez évoqués banalisent effectivement la pédocriminalité, l'inceste ou les violences sexuelles sur mineurs.
Néanmoins, en proposant d'interdire la diffusion des contenus simulant des rapports sexuels avec des personnes présentées comme mineures, vous ouvrez un débat d'une tout autre nature que le précédent, visant à déterminer ce qu'il devrait être permis ou non de représenter dans la pornographie et sur les sites pornographiques. Or, dans ce projet de loi, nous nous gardons de franchir cette ligne ; nous voulons simplement interdire aux mineurs l'accès à la pornographie en ligne, comme c'est déjà le cas dans la vraie vie.
Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas réfléchir à ces questions, qui pourraient faire l'objet d'un prochain projet de loi ou d'une proposition de loi. Le Sénat et le HCEFH, notamment, ont mené à ce sujet des travaux dont il convient de se saisir. C'est ce que vous avez fait, mais ce texte n'est pas adapté, car il concerne l'espace numérique et l'accès aux contenus, non la pornographie elle-même.
Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable sur les amendements.
J'étais très à l'aise avec les objectifs visés par les amendements qui ont été adoptés contre l'avis du Gouvernement. Les amendements n° 347 et 999 tendent à ce que soient retirés les contenus présentant des actes de torture ou de barbarie, afin de lutter notamment contre la traite des femmes. L'amendement n° 1043 tend à ce que soient retirées les images intimes de personnes qui n'ont pas consenti à leur diffusion sur internet. Sur ces points, je pense que nous devons trouver une solution et je compte bien participer à ce travail pour ce qui est du volet numérique.
En revanche, je suis beaucoup moins à l'aise avec la question de fond soulevée par les présents amendements, sachant en outre que le problème de constitutionnalité demeure. De même que la rapporteure, je ne crois pas qu'il soit du ressort d'un texte de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique d'exercer une sorte de censure morale, en déterminant, dans la pornographie, les représentations qui seraient acceptables et celles qui ne le seraient pas.
Cette question mériterait une réflexion approfondie, et je ne suis pas exactement sûr de ce que serait ma position à l'issue de celle-ci.
En tout cas, on s'écarte ici assez nettement de l'objectif du texte, rappelé par la rapporteure : protéger les mineurs de l'exposition aux contenus pornographiques. On s'éloigne aussi de ce qui est le plus urgent : d'une part, lutter contre l'humiliation dans leur chair des personnes qui retrouvent sur internet des vidéos d'elles-mêmes diffusées des millions de fois ; d'autre part, lutter contre le commerce que, dans ses bas-fonds, cette industrie fait du corps des femmes en les brutalisant et en portant atteinte à leur dignité. Il nous faut travailler sur ces deux sujets. Mon avis est défavorable sur ces amendements, qui soulèvent un sujet tout autre.
Nous sommes tout à fait en phase avec les propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre délégué. Néanmoins, dans la mesure où les titres annoncent les contenus, nous soutiendrons ces amendements, tout en relevant que les moyens humains et les algorithmes font défaut à celles et ceux qui sont chargés de faire la police de la pornographie sur les réseaux sociaux. Notre devoir est donc d'assortir ces mesures des moyens correspondants. D'autant qu'il est possible de modifier un titre sans modifier le contenu ou la vidéo elle-même, ce qui permet des contournements sur les réseaux sociaux et les plateformes, lesquels se dispensent d'agir. Si les moyens nécessaires ne sont pas prévus, ces dispositions législatives ne seront pas suivies d'effet et ne permettront pas de protéger durablement les jeunes, les moins jeunes et l'ensemble de celles et ceux qui font plus de 80 % du trafic de contenus pornographiques sur internet.
Voilà pourquoi je suis très gêné par ces trois amendements identiques ! Tout à l'heure ont été défendus des amendements de suppression de l'article 3, qui vise à imposer le retrait, dans un délai maximal de vingt-quatre heures, des contenus réellement pédopornographiques. Lors du scrutin public sur cet article, certains députés ont souhaité ne pas s'exprimer, ce qui est leur droit. Or les députés qui se sont opposés alors à l'obligation de supprimer les contenus réellement pédopornographiques…
…et ceux qui sont en train de me dire qu'il faut supprimer les contenus simulant la pédopornographie siègent, me semble-t-il, sur les mêmes bancs. Voyez la confusion qui s'installe ! Cela me met quelque peu mal à l'aise.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ça ne va pas bien ! Que racontez-vous ? Vous êtes fou ! Quelle honte ! Il vous faut plus que des cotons-tiges !
Je l'ai précisé tout à l'heure et mon collègue Arenas l'a redit, il faut des moyens pour lutter contre la pédopornographie et la pédocriminalité. Je vois que vous n'avez absolument rien compris, monsieur le ministre délégué, à l'adresse faite aux 577 députés.
Comment pouvez-vous nous accuser, comme vous venez de le faire, avec une telle haine et une telle hargne, sans connaître le parcours individuel de chaque personne présente ? Ayant été victime, plus jeune, de pédophilie, je trouve que vos propos dépassent le stade de l'indignité.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Par cet amendement, nous proposons tout simplement que soit rendu public le nom des sites qui ne retirent pas les contenus en cause. Cela s'appelle le name and shame.
Monsieur le ministre délégué, vous instrumentalisez la protection de l'enfance, et c'est abject !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.
Je ne vois pas de lien entre l'amendement et la réflexion que vous avez faite à M. le ministre délégué. Je vais néanmoins vous répondre. Vous proposez d'instaurer une sorte de name and shame en cas de non-retrait des contenus signalés par Pharos. Nous avons déjà eu un débat à ce sujet en commission, lorsque nous avons examiné un amendement de notre collègue Bruno Studer, que celui-ci n'a pas redéposé en séance publique. En réalité, votre amendement pourrait avoir un effet contre-productif, puisque l'on signalerait ainsi aux personnes intéressées les plateformes qui ne procèdent pas au retrait des contenus incriminés. Cela pourrait d'une part leur attirer de l'audience, d'autre part entraver le travail des enquêteurs. J'émets donc un avis défavorable.
J'espère que je ne vous ai pas heurté, monsieur le député.
Je pense d'ailleurs que l'avis du Gouvernement était assez proche du vôtre sur les amendements précédents.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Vous avez expliqué tout à l'heure qu'il s'agissait d'une mise en garde, mais vous avez tout de même soutenu un amendement proposant la suppression de l'article 3, lequel sanctionne les hébergeurs qui ne retireraient pas les contenus pédopornographiques en moins de vingt-quatre heures. Or votre collègue – ce n'est pas vous, c'est l'un de vos collègues – a soutenu un amendement visant à donner à Pharos le pouvoir de faire retirer les contenus qui simuleraient des relations sexuelles avec des mineurs.
Il vous arrive régulièrement de souligner de réelles ou prétendues incohérences du Gouvernement : permettez-moi simplement de signaler cette incohérence dans vos propos.
Pour en revenir à l'amendement, qui n'a rien à voir avec les précédents et dont on peut, au premier abord, voir le mérite, puisqu'il propose de diffuser la liste des sites qui ont fait l'objet d'une injonction de retrait de contenu, je reprendrai la réponse qui avait été apportée en commission à Bruno Studer : ce que nous a dit Pharos, c'est que ce dévoilement pourrait compromettre dans certains cas les enquêtes en cours et qu'il aurait un effet contre-productif, en indiquant aux plus malins de ceux qui diffusent ce type de vidéos quels sont les sites à éviter pour ne pas se faire détecter. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 66
Nombre de suffrages exprimés 59
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 14
Contre 45
L'amendement n° 416 n'est pas adopté.
Nous soutenons la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur une éventuelle extension des compétences de l'OCLCTIC au retrait des contenus présentant des actes de torture et de barbarie, des traitements inhumains et dégradants, des viols et des situations d'inceste. C'est un impératif car, bien que le texte apporte des solutions concrètes et immédiates, il reste encore beaucoup à faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'article 3 bis est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.
J'ai eu l'occasion de le dire, mais je tiens à insister sur ce point : nous ne parviendrons pas à sécuriser l'espace numérique si nous ne prenons pas pleinement la mesure de l'importance de l'éducation au numérique. Nous avons dépassé le temps de la découverte de ce nouveau monde et de toutes les possibilités qu'il présente. Nous avons désormais suffisamment de recul sur les dangers que le numérique peut représenter pour mener les politiques de prévention et de sanctions qui s'imposent.
Éduquer nos enfants, former les parents et informer chaque citoyen au sujet d'internet permettra d'éviter certains comportements délétères. Il faut que les parents sachent ce que leurs enfants mineurs font sur la toile, et je rappelle que la France a récemment accompli deux grands pas en la matière. Je fais ici référence à la loi Studer du 2 mars 2022, qui prévoit l'installation par défaut d'un contrôle parental sur tous les appareils permettant d'accéder à internet, et à la loi Marcangeli du 7 juillet 2023, qui rend nécessaire l'accord d'un parent avant l'inscription d'un mineur de moins de 15 ans sur un réseau social.
Les parents sont responsables de leurs enfants dans la vie réelle, il faut qu'ils le soient également dans la vie virtuelle : nous devons les aider à reprendre la main sur la parentalité. Nous nous apprêtons à examiner plusieurs amendements en ce sens, et j'aurais aimé que nous allions encore plus loin s'agissant de la formation des parents, en leur offrant la même possibilité d'apprendre que leurs enfants.
Les amendements n° 455 de M. Idir Boumertit et 513 de M. Hendrik Davi, pouvant être soumis à une discussion commune, sont défendus.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l'amendement n° 415 .
Pour l'essentiel, le projet de loi vise à durcir la répression afin de protéger les citoyens dans l'environnement numérique. Cela étant, dans ce domaine comme dans bien d'autres, nous estimons qu'il est bien plus efficace de former les citoyens aux conséquences d'un usage excessif du numérique plutôt que d'alourdir les pénalités encourues. Nous proposons donc que soient dispensées des formations de sensibilisation dans les établissements d'enseignement, afin de toucher les publics qui utilisent principalement les outils numériques et qui, demain, constitueront l'essentiel du corps social, c'est-à-dire nos plus jeunes.
Dans la mesure où l'article L. 312-9 du code de l'éducation prévoit déjà la sensibilisation aux enjeux numériques, j'estime que cet amendement est satisfait. J'en demande donc le retrait, à défaut de quoi l'avis de la commission sera défavorable.
L'amendement n° 415 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Astrid Panosyan-Bouvet, pour soutenir l'amendement n° 577 .
Cet amendement, qui reprend une proposition de l'association StopFisha, vise à intégrer la sensibilisation aux cyberviolences sexistes et sexuelles aux formations au numérique dispensées aux élèves dans les écoles, ainsi qu'à l'information annuelle sur l'apprentissage de la citoyenneté numérique destinée aux représentants légaux de ces mêmes élèves.
L'amendement est satisfait par l'article L. 312-16 du code de l'éducation, lequel prévoit qu'au moins trois séances annuelles doivent être consacrées à l'éducation à la santé et à la sexualité. Je demande donc le retrait de l'amendement, à défaut de quoi l'avis sera défavorable.
L'amendement n° 577 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement n° 588 .
Il vise à ajouter à la formation générale aux enjeux du numérique dispensée par l'éducation nationale une sensibilisation explicite aux ingérences numériques étrangères. Ces dernières sont une réalité et représentent une menace de plus en plus prégnante et agressive à l'encontre de notre pays et des intérêts de la République, aussi bien sur notre sol qu'à l'extérieur du territoire.
Les ingérences numériques étrangères sont clairement définies à l'article R. 1132-3 du code de la défense comme des « opérations impliquant, de manière directe ou indirecte, un État étranger ou une entité non étatique étrangère, et visant à la diffusion artificielle ou automatique, massive et délibérée, par le biais d'un service de communication au public en ligne, d'allégations ou imputations de faits manifestement inexactes ou trompeuses de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ».
Or, compte tenu de la fréquence avec laquelle des campagnes numériques agressives émanant d'un État étranger ou d'une officine liée à un État étranger sont menées contre notre pays – nous en avons encore fait l'objet tout récemment – et de la dangerosité que représentent ces ingérences pour nos intérêts, nos valeurs, notre système démocratique et la bonne compréhension des enjeux nationaux et internationaux par nos concitoyens, j'estime utile de préciser que les ingérences numériques étrangères doivent faire partie de la sensibilisation au numérique. Je le répète, elles sont un véritable fléau pour nos démocraties et singulièrement pour notre République.
Pour votre parfaite information, quatorze amendements au total ont été déposés en vue de compléter le code de l'éducation. Pour ce qui est de l'amendement n° 539 , il vise à sensibiliser aux ingérences numériques étrangères. S'il s'agit d'un sujet très important, la certification Pix ne me semble pas le moyen approprié pour cela. En outre, cet amendement fait référence à un article réglementaire du code de la défense, ce qui est impossible dans une loi. Je demande donc son retrait, et émettrai à défaut un avis défavorable.
Au bénéfice des explications apportées par Mme la rapporteure, que je remercie pour ses propos, je vais retirer mon amendement. Je rappellerai simplement que le rapport de la commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, que j'ai eu l'honneur de rédiger, insiste sur la nécessité de former et de sensibiliser nos jeunes concitoyens à cette question au cours de leur parcours éducatif. Cela étant, je comprends que, pour des raisons juridiques, mon amendement ne puisse être retenu.
L'amendement n° 588 est retiré.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir l'amendement n° 539 .
Il vise à ajouter la sensibilisation à l'utilisation d'outils souverains à la formation au numérique prévue par le code de l'éducation. En effet, les élèves sont actuellement peu formés sur cette question et notamment sur la nécessité de ne pas utiliser certaines applications qui menacent l'intégrité de leurs données, à l'instar de TikTok, qui comptait 22 millions d'inscrits en France à la fin 2022. Le public concerné est particulièrement jeune et souvent moins soucieux de protéger ses données personnelles : il serait donc intéressant de le sensibiliser à cet enjeu.
Notons que le Sénat a consacré une commission d'enquête à la question de la souveraineté numérique et que le rapport qui en est issu a recommandé une telle sensibilisation. De plus, la Première ministre a publié une circulaire visant à interdire dans les écoles l'utilisation de certains outils non souverains tels que Doodle, Skype ou Zoom. Si cette circulaire est en vigueur depuis le 1er janvier dernier, très peu d'établissements la respectent réellement : discutez avec des enseignants dans vos circonscriptions et vous constaterez qu'ils ne l'appliquent pas. Au fond, sensibiliser les enfants sur l'utilisation des applications non souveraines reviendrait à passer par la base pour progresser sur cette question.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La sensibilisation à l'utilisation d'outils souverains que vous proposez interviendrait dans le cadre de la certification Pix, c'est-à-dire en classe de sixième : il me semble que c'est un peu tôt pour aborder un tel sujet. De plus – élément encore plus important –, la disposition que vous soumettez ici est d'ordre réglementaire. Je prends donc votre amendement comme un amendement d'appel et comme une invitation à mener une réflexion sur ce sujet. Pour ces deux raisons, je vous demande de bien vouloir le retirer, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Si je prends la balle au bond en considérant, comme Mme la rapporteure, qu'il s'agit d'un amendement d'appel, soyez assuré, monsieur le député, que je relaierai votre proposition auprès du ministre de l'éducation nationale pour que les solutions dites souveraines, c'est-à-dire conçues en France ou en Europe, soient privilégiées dans le cadre de la sensibilisation dès le plus jeune âge aux outils numériques et à leur prise en main – outils dont nous reparlerons ultérieurement dans l'examen du projet de loi.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 14
Contre 43
L'amendement n° 539 n'est pas adopté.
La parole est à M. Benjamin Haddad, pour soutenir l'amendement n° 840 .
Cet amendement vise à ajouter la sensibilisation à la désinformation à l'éducation au numérique que nous dispensons aux enfants dès le plus jeune âge, notamment dans le cadre de la certification Pix – ce qui fera écho aux précédents amendements.
Nous le savons, la désinformation représente un enjeu majeur, en particulier lorsqu'elle vient de l'étranger et qu'elle s'exerce de manière agressive et offensive contre notre pays. Faire preuve d'un esprit critique et savoir distinguer une information fiable et sourcée d'une opération de propagande ou de désinformation, voilà ce que nous devons être capables d'inculquer dès le plus âge.
Une telle démarche s'inscrirait dans la lignée des travaux de ma collègue Violette Spillebout sur la sensibilisation aux enjeux de l'intelligence artificielle et, bien sûr, des conclusions de la commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères dont Constance Le Grip fut la rapporteure.
Vous souhaitez inclure la lutte contre la désinformation dans les dispositions de cet article. Ce sujet, dont nous avons discuté en commission à l'initiative de Mme Violette Spillebout et M. Phillipe Ballard, corapporteurs de la mission flash d'éducation critique aux médias, est important.
Je ne suis généralement pas favorable à l'ajout de dispositions au code de l'éducation, qui est déjà très volumineux, mais la lutte contre la désinformation n'y figure pas. Je donne donc un avis de sagesse.
Avis de sagesse, madame la présidente.
Pardonnez-moi, je fais plusieurs choses en même temps. Il est dix-huit heures, c'est l'heure tragique !
L'amendement n° 840 est adopté.
Sur les amendements n° 901 et identique, ainsi que sur les amendements n° 941 et identique, je suis saisie par les groupes Renaissance et Horizons et apparentés de deux demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 901 et 943 , qui font l'objet de trois sous-amendements n° 1092 , 1093 et 1094 .
La parole est à Mme Marie Guévenoux, pour soutenir l'amendement n° 901 .
L'attestation de sensibilisation au numérique Pix est aujourd'hui obligatoire pour les élèves de troisième et de terminale. Les enfants étant exposés au numérique dès leur plus jeune âge, nous proposons par cet amendement de la rendre obligatoire dès la sixième afin de les sensibiliser aux risques du numérique.
Une telle disposition répond aux préoccupations de mes collègues Violette Spillebout, Benjamin Haddad, Astrid Panosyan-Bouvet, et de l'ensemble de ceux qui, sur tous les bancs, sont attachés à une meilleure sensibilisation des jeunes enfants aux mésusages du numérique.
Nous sommes convaincus que la formation est un facteur essentiel à la sécurisation de l'espace numérique. Nous éduquons nos enfants à se comporter correctement en société ; au même titre, nous devons leur apprendre, à l'école et en dehors de l'école, que la vie virtuelle n'échappe pas aux règles du respect de l'autre. Cet amendement vise donc à s'assurer que l'ensemble des élèves de sixième ont suivi le parcours de l'attestation Pix.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Je retire le sous-amendement n° 1092 et indique que le sous-amendement n° 1094 est rédactionnel pour me concentrer sur la présentation du sous-amendement n° 1093 , qui est très important. Il aurait dû être présenté sous forme d'amendement, mais nous y avons finalement renoncé, pour des raisons techniques.
Il vise en effet à appliquer le principe, dont nous avons discuté en commission, d'une forme de permis de naviguer sur l'espace numérique, à l'instar du permis de conduire sur la voie publique, puisqu'il prévoit que tous les jeunes doivent obtenir l'attestation Pix lors de la dernière année du collège afin d'acquérir toutes les compétences nécessaires pour vivre de bonne façon dans l'espace numérique. Je vous invite donc tous à voter pour ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 1092 est retiré.
Très favorable ! Je vous remercie pour ces amendements et sous-amendements, car l'attestation Pix est un outil exceptionnel, qui a été expérimenté en classe de sixième au cours de l'année scolaire passée et sera généralisé cette année. Il permet en effet de familiariser les élèves, grâce à des exercices pratiques, aux risques de la vie numérique et aux gestes à adopter en ligne pour s'en prémunir.
L'attestation Pix est une première sensibilisation pour tous les élèves du collège et elle pourrait être étendue – nous avons eu l'occasion d'en discuter au cours de ces débats – aux parents, aux enseignants et, pour que la sensibilisation se fasse au plus tôt, aux élèves en fin de primaire.
Je salue les équipes de Pix, qui ont développé ce formidable outil. Je vous invite, si vous ne l'avez pas déjà fait, à vous rendre dans les collèges de vos circonscriptions pour participer à une séance organisée autour du module de sensibilisation Pix. Ce module, très bien conçu et très flexible, est le chef de file d'un consortium européen pour la sensibilisation des élèves européens aux risques du numérique et aux gestes de prévention.
Les amendements et les sous-amendements sont bienvenus. Avis favorable.
Nous voterons le sous-amendement n° 1094 , car nous défendons avec constance l'investissement dans la formation et la sensibilisation des jeunes au numérique. L'attestation Pix est un premier pas en ce sens, qui n'est certes pas suffisant, mais qui a le mérite d'exister.
Je voudrais toutefois exprimer une crainte relative aux termes employés dans ce débat. Il me semble avoir entendu M. le rapporteur général faire le parallèle entre l'attestation Pix et un permis de conduire. L'accès à internet, qui est un droit fondamental, ne peut, à ce titre, être soumis à l'obtention d'un permis ou à toute autre condition. L'accès à internet est comme l'accès à l'eau, qui ne requiert aucun permis. C'est important de le dire.
L'attestation Pix ne fait qu'attester que le jeune collégien qui en est titulaire a suivi un parcours. L'assimiler à un permis requis pour se connecter à internet évoque pour moi un système semblable à celui du numérique chinois, que j'avais pris en contre-exemple dans ma présentation de la motion de rejet. La confusion des mots doit être évitée, même lorsqu'on s'exprime rapidement. Il ne peut être question d'instaurer un permis numérique dans notre pays.
La formation, la sensibilisation et l'accompagnement sont nécessaires. Nous parlons des jeunes, mais la formation des adultes– notamment sur l'accès aux droits – est un énorme enjeu quand on sait que 30 % de la population éprouve des difficultés à utiliser internet ou à y accéder.
Monsieur le rapporteur général, nous voterons pour vos sous-amendements, mais évitez donc toute confusion si vous ne voulez pas nous braquer !
Madame Chikirou, je ne veux pas vous braquer ! Vous avez raison et j'ai d'ailleurs parlé d'une « forme » de permis. L'attestation Pix, qui doit obligatoirement être obtenue avant l'âge de la majorité numérique, n'est un prérequis que dans le cas de l'inscription sur les réseaux sociaux sans l'accord des parents, qui n'est possible, depuis la loi du 7 juillet 2023 – issue d'une proposition de loi de notre collègue Laurent Marcangeli, que je salue – qu'à partir de la majorité numérique.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 66
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 65
Contre 1
Chers collègues, vous vous souvenez des chiffres que je vous indiqués ce matin. Nous avons examiné au cours de cette séance soixante-huit amendements, soit vingt-trois par heure. Si nous poursuivons nos travaux à ce rythme, le temps restant estimé est de trente-deux heures. Félicitations ! Maintenons donc ce rythme. Nous pourrions même accélérer un peu, mais après tout ce n'est déjà pas si mal !
La formation des jeunes au numérique est indispensable, tout comme l'est la valorisation de l'engagement des enseignants. Cet amendement vise donc à offrir la possibilité aux professeurs de bénéficier d'une attestation de leurs compétences numériques professionnelles. Ils doivent maîtriser ces codes nouveaux à l'évolution très rapide afin de pouvoir les transmettre. Se former pour mieux transmettre, c'est la base de l'enseignement.
La parole est à Mme Marie Guévenoux, pour soutenir l'amendement n° 957 .
M. le ministre délégué a vanté les mérites de l'attestation Pix et nous a suggéré d'aller assister à des séances dans les collèges. Nous souhaitons inciter les enseignants qui le souhaitent à suivre une formation par laquelle ils seront confrontés aux usages du numérique, leur permettant ainsi de mieux accompagner les élèves et d'intervenir en cas de cyberharcèlement. Cette proposition s'inscrit dans le cadre du plan antiharcèlement qui a été présenté cette semaine par Mme la Première ministre.
Cette initiative est la bienvenue. Avis extrêmement favorable, sous réserve de l'adoption des sous-amendements du rapporteur général.
Mon avis est également favorable.
Cependant, je suggère le rattachement du dispositif prévu par ces amendements à l'article L. 721-2 du code de l'éducation, qui décrit les missions des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspe), notamment en matière de formation initiale et continue. Cela pourra être fait au cours de la navette ou en commission mixte paritaire.
Je soutiens ces amendements, qui offrent aux enseignants de nouvelles occasions de se former. Ils contribuent ainsi à un chantier important et envoient un signe aux enseignants en cette journée mondiale qui leur est consacrée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 67
Contre 0
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 627 .
Les dispositifs de sensibilisation des familles aux dangers de l'exposition aux écrans sont indispensables pour leur permettre de détecter les signes de harcèlement dont les enfants peuvent être victimes, de mieux aborder ces problèmes, de savoir à qui s'adresser et de mieux réagir face à l'éventuelle participation de leurs propres enfants à des comportements de harcèlement ou de cyberharcèlement.
Comme le soulignent tant le rapport d'information n° 843 du Sénat, sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, que la Défenseure des droits, les parents rencontrent des difficultés face à ce fléau.
Vous prévoyez une réunion d'information en début d'année scolaire. C'est bien, mais encore insuffisant. On le sait, c'est une période où les parents sont très occupés ; ils risquent donc de rater ce rendez-vous, alors que le sujet mérite d'être traité régulièrement.
Nous proposons donc que la réunion soit trimestrielle, comme le préconisent aussi bien le Sénat que la Défenseure des droits.
La périodicité que vous proposez me semble trop ambitieuse ; les parents risquent de ne participer qu'à une seule des trois réunions. Ils seront présents en plus grand nombre si la réunion est annuelle. Nous pouvons faire confiance aux responsables, dans les écoles et les collèges, pour trouver une date qui convienne à tous. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je soutiens cet amendement. Nous ne pourrons sensibiliser au cyberharcèlement et former à l'usage du numérique si nous n'incluons pas les parents. Alors que tous les parents d'adolescents, et même de préadolescents, sont confrontés au problème, beaucoup ne savent pas quoi faire.
Dans ma circonscription, je travaille avec un collectif de mères qui luttent contre les conduites à risque dans le quartier des Amandiers. Comme elles-mêmes l'indiquent, leur principale difficulté est qu'elles ne maîtrisent pas le numérique et les réseaux sociaux – elles ne savent même pas y accéder.
L'information trimestrielle en matière de cyberharcèlement pourrait être dispensée lors des réunions parents-profs, entre autres possibilités. Il est en tout cas essentiel de sensibiliser les parents, de leur expliquer ce qui peut se passer sur les réseaux sociaux, de leur demander, si on a entendu qu'une bagarre se préparait, d'être vigilants et ainsi de suite.
Il faudrait même associer les parents à la sensibilisation des enfants au cours de rencontres où ils seraient présents ensemble. Le travail à mener est immense ; il doit associer le personnel encadrant, les enseignants, les enfants et leurs parents.
On ne peut pas exclure les parents de ce travail de sensibilisation puis les accuser de déserter, de ne pas faire leur job, d'être inefficaces face aux conduites à risque ou aux problèmes de violence des enfants. Associons-les ! Même si cela ne suffira pas, adopter cet amendement constituera une avancée et permettra aux parents d'exercer un rôle très positif.
L'amendement n° 627 n'est pas adopté.
L'amendement n° 252 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l'amendement n° 11 , qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Je me félicite que le texte prévoie désormais de former les représentants légaux des élèves « au temps d'utilisation des écrans » par les enfants. Nous avons tous été confrontés au fléau de l'addiction aux écrans, qui ne cesse de s'étendre, y compris chez les enfants en bas âge, hélas.
Les autorités de santé recommandent de déterminer le temps d'exposition maximum aux écrans en fonction de l'âge – la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la Mildeca, propose également une « règle des 3-6-9-12 ». Les parents devraient aussi être sensibilisés à la question de l'âge d'exposition.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement n° 1095 .
Il est purement rédactionnel. Votre proposition, monsieur Sitzenstuhl, est tout à fait bienvenue. Avis favorable sur l'amendement.
Je suis favorable à cet alliage alsacien ! Si le temps passé devant les écrans pose problème à tous les âges, le cas des premières années est spécifique. L'usage, notamment passif, des écrans pendant celles-ci peut avoir les conséquences les plus dramatiques sur la santé. Je vous remercie, monsieur Sitzenstuhl, pour cette précision.
Le sous-amendement n° 1095 est adopté.
L'amendement n° 11 , sous-amendé, est adopté.
Il vise à intégrer la sensibilisation aux cyberviolences sexistes et sexuelles dans la formation dispensée en début d'année scolaire aux représentants légaux des élèves. Cet amendement a été élaboré en collaboration avec l'association StopFisha.
Sur l'article 4 AA, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
Votre amendement est déjà satisfait par l'article L. 312-16 du code de l'éducation, qui prévoit trois séances annuelles d'éducation à la sexualité. Demande de retrait ; à défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement n° 904 est retiré.
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l'amendement n° 986 .
Ne pas donner accès aux réseaux sociaux à son enfant trop tôt ; ne jamais le laisser se débrouiller seul devant son écran ; lui expliquer comment paramétrer son compte ; comment réagir en cas de messages haineux ; avoir en sa possession une liste d'associations qui agit contre les cyberviolences : voici un aperçu du contenu des formations qu'il faudrait dispenser aux parents, car ceux-ci sont souvent démunis, mal informés, dépassés face à l'usage des écrans par leurs enfants.
Le présent amendement vise à intégrer au contenu de la formation dispensée à chaque début d'année scolaire aux représentants légaux des enfants la sensibilisation spécifique aux cyberviolences sexistes et sexuelles.
Même si je suis tout à fait favorable à une sensibilisation des parents aux cyberviolences sexistes et sexuelles, votre proposition relève du domaine réglementaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Il faudrait également sensibiliser les parents à des dispositifs que nous avons très peu évoqués cet après-midi. Ils peuvent par exemple contrôler l'accès à internet grâce à un code disponible sur les box des fournisseurs d'accès, ou contrôler l'accès de leur enfant à son téléphone.
Nos débats sont riches ; nous adoptons des mesures qui renforcent la loi, mais il faut aussi, comme le propose Mme Yadan, s'appuyer sur la cellule familiale. L'État, même s'il filtre et bloque, ne pourra pas tout. Il ne faut donc pas désespérer de rendre les parents responsables ; ils doivent s'emparer de ces outils disponibles gratuitement.
En matière numérique, si l'on n'aide pas les parents, si l'on ne les accompagne pas, si l'on ne les forme pas, il ne faut pas ensuite leur reprocher d'être incapables de superviser leur enfant.
La France a connu une époque où, pour les parents qui avaient arrêté leurs études après, ou avant, l'obtention du certificat d'études, il était compliqué d'aider son enfant à faire ses devoirs. Il en va de même pour le numérique, en 2023. Même si le problème ne concerne sans doute pas la majorité des parents, nombre d'entre eux – peut-être 30 % ; peut-être plus – ne peuvent accompagner leur enfant dans ce domaine.
J'ai défendu un amendement qui visait à mieux former les parents ; il a été rejeté, mais nous en examinerons bientôt un autre qui va dans le même sens. Il faut nous mobiliser pour former les parents d'élèves. Ce n'est pas leur affaire personnelle ; c'est l'affaire de l'État.
La diffusion du numérique n'est pas si ancienne que cela ; certaines générations ne sont pas familières avec les réseaux sociaux. Soyons honnêtes, si des précurseurs ont commencé à les fréquenter il y a quinze ans, la majorité des quarantenaires d'aujourd'hui, qui sont parents d'adolescents, ne s'y sont intéressés que plus tardivement, vers 2015.
Ce n'est pas possible ; j'ai déjà accordé deux prises de parole, l'une pour votre amendement, l'autre contre. L'un des orateurs appartenait d'ailleurs à votre groupe politique.
L'amendement n° 986 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 72
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 72
Contre 0
L'article 4 AA, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 598 .
Cet amendement prévoit que « chaque établissement scolaire établi[ra] un bilan régulier des situations de harcèlement et cyberharcèlement survenues entre élèves et des mesures mises en œuvre pour les prévenir ou les traiter », afin d'évaluer et d'améliorer les pratiques en la matière.
Selon le directeur général de l'enseignement scolaire, Édouard Geffray, auditionné dans le cadre de la mission d'information du Sénat sur le harcèlement scolaire, des consignes claires ont été transmises en 2020 afin de renforcer le suivi disciplinaire à l'encontre des individus commettant des actes répréhensibles. Ainsi, en théorie, les établissements scolaires doivent recenser, dans le cadre d'un bilan annuel, les incidents survenus en leur sein et la manière dont ils ont été traités.
Cependant, ces incidents sont trop souvent minimisés – la Défenseure des droits le souligne également. Les phénomènes de harcèlement et de cyberharcèlement scolaires sont difficilement identifiés par les équipes éducatives, qui apportent souvent une réponse inadaptée, insuffisante ou tardive.
Bien que de nombreux outils pour lutter contre ces phénomènes et aider à leur prise en charge aient été élaborés par les services ministériels depuis plusieurs années, certains établissements ne s'en saisissent pas.
En outre, les chefs d'établissement sont parfois réticents à lancer les protocoles prévus par le ministère de l'éducation nationale lorsque des plaintes sont déposées au pénal, alors que les deux procédures sont parfaitement distinctes et peuvent coexister.
Il est indispensable que la volonté ministérielle se traduise concrètement dans les établissements. Un tel bilan, chaque année, voire plusieurs fois dans l'année – ce serait encore mieux – permettrait d'identifier les points de fragilité et les difficultés rencontrées dans les établissements, afin d'améliorer les pratiques face au harcèlement et au cyberharcèlement.
Je salue votre volonté de progresser en matière de harcèlement et de cyberharcèlement. Mais on est, ici, dans la marge de manœuvre du ministère. Sans vouloir me faire la porte-parole du ministre de l'éducation nationale, je vous rappelle que, la semaine dernière, Gabriel Attal a demandé aux rectorats de lui faire remonter les situations de harcèlement et de cyberharcèlement.
Votre proposition constitue certes une réponse à l'actualité, mais elle est du domaine réglementaire, voire relève du champ de compétence du ministre. Demande de retrait ; à défaut avis défavorable.
L'amendement n° 598 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous proposons d'intégrer la dimension numérique de la vie intime et la prévention des cyberviolences sexistes et sexuelles dans les cours d'éducation à la sexualité. Cet amendement a été rédigé en collaboration avec l'association StopFisha.
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l'amendement n° 985 .
L'article L. 312-16 du code de l'éducation dispose : « Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène. Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain et sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu'aux mutilations sexuelles féminines. »
C'est parfait ! Mais lors des cours d'éducation à la sexualité, la dimension numérique de la vie intime et la prévention des cyberviolences sexistes et sexuelles ne sont pas abordés. S'il est important que les enfants et les adolescents comprennent qu'il faut respecter le corps d'autrui et que certains principes sont essentiels, ils doivent aussi comprendre ce qu'est la pornodivulgation ou revenge porn, ce qu'est la haine en ligne, ce que ressentent les victimes face au cyberharcèlement, pourquoi les gens agissent en meute sur internet ou comment agir lorsqu'on est témoin.
J'entends votre inquiétude concernant les cyberviolences sexistes et sexuelles, mais il n'est pas utile d'apporter une telle précision dans le code de l'éducation. De nombreux amendements – je l'évoquais déjà avant le début de l'examen de l'article 4 AA – visent à apporter des précisions au code de l'éducation. Si l'on ajoutait les cyberviolences sexistes et sexuelles, il faudrait aussi faire la liste de toutes les violences à évoquer dans le cadre de l'éducation à la sexualité, au risque d'en oublier. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je partage l'avis de la rapporteure, tout en saluant la détermination de Mme Yadan, à l'initiative de laquelle le principe d'un stage de sensibilisation au respect des personnes dans l'espace numérique a été adopté en commission. Les dispositions adoptées en séance, visant à sensibiliser parents et enfants, vont dans le même sens.
Comme je l'ai fait en commission, j'appelle votre attention sur la multiplication des stages dans le code de l'éducation. Je reconnais le travail de Mme Yadan sur le stage de sensibilisation au respect des personnes dans l'espace numérique, mais à force d'en rajouter, le code de l'éducation ressemble de plus en plus à un catalogue UCPA, avec des stages pour tout et pour rien, et des injonctions parfois contradictoires, qui conduisent les équipes éducatives – j'en discute souvent avec les enseignants – à ne plus savoir s'ils doivent, ou non, les respecter !
Il faudrait s'en tenir aux grandes ambitions et ne pas alimenter le code de l'éducation de ces dizaines – que dis-je, de ces centaines – de stages. Nous rendrions service aux équipes éducatives et aux chefs d'établissement.
Il s'agit juste de prendre en compte la sexualité numérique, qui vient s'ajouter à la sexualité dans la vie réelle, afin de prévenir, de protéger et d'éduquer également dans ce domaine. C'est le seul objet des trois amendements, il me semble.
Nous ne plaidons pas pour un stage. Nous proposons simplement d'intégrer la cybersexualité à l'information et à l'éducation à la sexualité prévues par le code de l'éducation. C'est d'actualité et c'est indispensable.
L'amendement n° 573 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 391 rectifié .
Contrairement à notre collègue Balanant, je ne crois pas que le code de l'éducation ressemble à un catalogue UCPA et je plaide pour que nous puissions détailler ce que les enseignants, du primaire à la terminale, devraient aborder en matière d'éducation à la sexualité. En effet, en fonction des sensibilités et de la culture de chacun, les sujets ne sont pas tous abordés, ou pas abordés de la même façon. Il serait donc pertinent de lister ceux qui sont importants, comme les dégâts causés par la pornographie sur les jeunes adultes ou les enfants devenus adultes.
En outre, cela aurait une vertu : en rentrant de l'école, les enfants discutent avec leurs parents. Cet échange permet un partage et le développement de l'esprit critique. Cela permet également de dédiaboliser et de démystifier certains sujets. À l'inverse, lorsqu'il est tu, le sujet est générateur de violences sexistes et sexuelles, les familles étant le cadre de la grande majorité de ces violences.
Cela irait dans le sens du Sénat…
la présidente coupe le micro de l'orateur.
Vous souhaitez compléter le code de l'éducation mais son article L. 312-16 dispose déjà qu'« une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène. Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain et sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu'aux mutilations sexuelles féminines. ».
Je fais pleinement confiance aux enseignants, s'ils le souhaitent et l'estiment nécessaire dans leur classe, pour étendre cette éducation à la sexualité aux sujets liés à la pornographie. Il faut arrêter de voter des lois trop bavardes et faire confiance à ceux qui sont sur le terrain, au contact de nos élèves au quotidien. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je partage l'avis de la rapporteure et compléterai ses propos en citant l'article L. 121-1 du code de l'éducation qui précise que « les écoles, les collèges et les lycées assurent une mission d'information sur les violences, y compris en ligne, et une éducation à la sexualité ainsi qu'une obligation de sensibilisation des personnels enseignants aux violences sexistes et sexuelles. »
De plus, le Conseil supérieur des programmes a été saisi pour élaborer une proposition de programme visant à couvrir les différents champs de l'éducation à la sexualité, pour chaque niveau d'enseignement de l'école au lycée. Il devrait rendre ses conclusions en novembre.
Tout ceci est théorique, monsieur le ministre délégué. En réalité, seuls 13,5 % des élèves du primaire ont bénéficié des trois heures annuelles d'éducation à la sexualité, et 18,2 % des élèves du collège – un enfant sur cinq. C'est bien que quelque chose ne fonctionne pas…
Par ailleurs, vous évoquez le Conseil supérieur des programmes. Mais notre collègue, Mme Fatiha Keloua Hachi, qui en est membre titulaire, déplore une foire d'empoigne entre différents groupes et associations, les avis n'étant pas d'une grande modernité au regard des enjeux numériques. C'est pourquoi nous maintenons notre amendement.
L'amendement n° 391 rectifié n'est pas adopté.
Il vise à instaurer des actions de sensibilisation aux cyberviolences sexistes et sexuelles dans les établissements d'enseignement supérieur. Il a été élaboré par Mme Astrid Panosyan-Bouvet avec l'association Stop Fisha. La génération poursuivant actuellement des études supérieures n'a pas bénéficié de sensibilisation et se prend en pleine face les cyberviolences sexistes et sexuelles. Sur les réseaux sociaux affluent des témoignages concernant certaines écoles.
Notre objectif consiste à faire en sorte que les jeunes filles et les jeunes gens qui termineront leurs études dans les prochaines années aient bien été sensibilisés. Cela constituera également une première étape pour ceux d'entre eux qui voudront devenir parents ; ils pourront ainsi transmettre plus facilement certains éléments de sensibilisation à leurs enfants. Pour toutes ces raisons, nous comptons sur un avis positif.
La sensibilisation aux cyberviolences sexuelles et sexistes ne doit pas s'arrêter à la porte des écoles. Pourquoi ne pas la poursuivre dans les établissements d'enseignement supérieur ? Malheureusement, les étudiants ont pu échapper aux dispositifs de sensibilisation pendant leur parcours scolaire. Il faut continuer sans cesse la sensibilisation, y compris dans les établissements d'enseignement supérieur.
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l'amendement n° 971 .
Dans la continuité des propos de mes collègues, permettez-moi de rappeler ce que prévoit l'article L. 611-8 du code de l'éducation : « Une formation à l'utilisation des outils et des ressources numériques et à la compréhension des enjeux qui leur sont associés, adaptée aux spécificités du parcours suivi par l'étudiant, est dispensée dès l'entrée dans l'enseignement supérieur, dans la continuité des formations dispensées dans l'enseignement du second degré. Cette formation comporte une sensibilisation à l'impact environnemental des outils numériques ainsi qu'un volet relatif à la sobriété numérique. »
On parle donc aux étudiants de sobriété numérique et de l'impact environnemental des outils numériques, mais on ne leur parle ni de citoyenneté numérique, ni des droits et des devoirs liés à l'usage d'internet et des réseaux sociaux, ni de la prévention des violences sexistes et sexuelles commises par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne, ni de l'usage des dispositions de signalement de contenu illicite.
Comme l'a dit ma collègue Fanta Berete, puisque l'on se préoccupe de la sensibilisation et de la formation dans les écoles, les collèges et les lycées, il est logique de prévoir une continuité dans les établissements d'enseignement supérieur. J'entends qu'il faut faire confiance aux établissements, mais il me semble préférable d'inscrire la sensibilisation aux cyberviolences sexuelles et sexistes dans la loi, afin de s'assurer de son effectivité dans l'enseignement supérieur.
Ces amendements visent à créer des obligations, encore des obligations et davantage d'obligations pour les établissements d'enseignement. Nous avons parlé des collèges et des lycées, il est désormais question de l'enseignement supérieur. Un point important diffère : les personnes visées sont majeures. Différentes actions de sensibilisation sont déjà effectuées, pas nécessairement par les établissements, mais par de nombreuses associations. Elles sont peut-être plus efficaces : les étudiants dans l'enseignement supérieur – c'était mon cas il n'y a pas si longtemps – sont souvent plus sensibles aux arguments des associations étudiantes qu'à des sessions organisées par l'administration, qui les installe dans une salle et leur dit : « Voilà, on va parler des cyberviolences sexistes et sexuelles ».
Si l'on poussait plus loin la logique, il faudrait également organiser des sensibilisations sur le lieu de travail – c'est certainement une bonne idée – et dans les associations. Mais où devons-nous nous arrêter ? Faisons plutôt confiance aux nombreuses initiatives promues par nos concitoyens, qui sont efficaces. Je ne suis pas défavorable à ces amendements sur le fond, mais je préférerais que nous cessions d'écrire des lois bavardes et d'alimenter ainsi l'inflation législative. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Exceptionnellement, je ne suis pas tout à fait d'accord avec Mme la rapporteure. Elle a raison de dire, comme M. Balanant il y a quelques minutes, qu'il faut éviter d'empiler stage sur stage et sensibilisation sur sensibilisation. Néanmoins, lorsque la discussion a eu lieu avec le ministère de l'enseignement supérieur, nous en sommes venus à la conclusion que les propositions des députés qui viennent de s'exprimer apportaient un complément utile au continuum de protection que nous voulons créer pour la jeunesse, dès le plus jeune âge. Tout à l'heure, nous avons adopté l'amendement n° 901 rendant obligatoire l'attestation de sensibilisation au numérique pour tous les élèves de 6
Ces amendements actent le principe d'une sensibilisation dans l'enseignement supérieur. Mme la rapporteure aura peut-être raison dans quelques années et chacun sera alors satisfait, en quelque sorte : nous aurons permis la sensibilisation de la génération qui vient tout en assurant celle de la génération intermédiaire, qui s'impose. Avis favorable.
Je tiens à remercier le ministre délégué. Pour ma fille de 19 ans, en troisième année d'études supérieures et ses amis, y compris les garçons qui subissent ces cyberviolences sexuelles et sexistes, l'adoption de ces amendements est importante. C'est pourquoi je suis très heureuse de la tournure que prend cette discussion. Je remercie vivement Mme Astrid Panosyan-Bouvet, l'association Stop Fisha et l'ensemble des députés signataires de ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ces préoccupations sont importantes et nous devons fixer des objectifs généraux. Initialement, dans la loi visant à combattre le harcèlement scolaire, nous n'avions pas prévu d'élargir la qualification de harcèlement à l'enseignement supérieur ; nous l'avons fait à la demande d'associations étudiantes.
Des obligations de prévention et l'application de protocoles s'imposent désormais aux universités. Ces amendements vont dans le même sens. Depuis la loi du 2 mars 2022, chaque établissement a l'obligation d'élaborer des plans de prévention et d'accompagnement en matière de harcèlement et de cyberharcèlement scolaires.
Mme Fanta Berete applaudit.
La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l'amendement n° 294 .
Un excellent amendement de mon collègue Croizier, du groupe Démocrates, a été adopté en commission ; il avait pour objet la remise au Parlement d'un rapport sur les actions de prévention et de sensibilisation au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement. J'avais déposé en commission un amendement similaire, quoiqu'un peu plus large, que je n'ai pas pu défendre. Le présent amendement vise donc à élargir le champ du rapport aux actions d'éducation à la sécurité numérique. Le rapport devra évaluer la possibilité de rendre obligatoire une session annuelle de sensibilisation aux enjeux de harcèlement et de cyberharcèlement ; je propose que cette session inclue la sensibilisation aux risques liés à l'utilisation du numérique.
Nous avons eu ce débat en commission et nous débattons depuis plusieurs minutes de la pertinence d'étendre les sujets dont serait en charge l'éducation. J'ai eu l'occasion de m'exprimer plusieurs fois à ce sujet ; avis défavorable.
Même avis. Si vous soulignez à juste titre l'initiative de Laurent Croizier – et ses mérites –, je rappelle que l'éducation à la sécurité numérique est déjà prévue dans le code de l'éducation.
Par ailleurs, le dispositif Pix, ce module qui sera généralisé aux classes de 6
Nous soutiendrons cet excellent amendement de Mme Naïma Moutchou, pour la bonne et simple raison que la sensibilisation à la cybersécurité est un enjeu majeur. Or les élèves ne sont pas assez sensibilisés.
L'État d'Israël a appliqué une logique très simple : à l'avenir, tout citoyen pourra avoir accès à des données sensibles ; par conséquent, les élèves sont sensibilisés à la cybersécurité dès la primaire, puis dans les classes du secondaire. Cette sensibilisation est effectuée pour leur propre sécurité, mais aussi parce qu'à l'avenir, ils auront sûrement à gérer des données sensibles.
Cette logique est double : conséquemment à la sensibilisation des élèves à la compréhension et à l'utilisation d'internet, leurs parents, qui n'avaient pas les mêmes réflexes parce qu'ils découvraient internet, se sont mis au diapason et en ont mieux compris le fonctionnement. L'élévation du niveau de connaissances part de la base – les enfants ; elle est nécessaire pour protéger les données sensibles de l'État plus tard et pour la propre sécurité des futurs adultes et de leurs parents.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'amendement n° 294 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 630 .
Il va dans le même sens que l'amendement CS342, que nous avions déposé en commission spéciale. Le rapport doit évaluer la possibilité de rendre obligatoire une réunion annuelle de sensibilisation aux enjeux de harcèlement et de cyberharcèlement ; nous proposons que cette réunion soit trimestrielle, ce qui semble plus adapté au rythme scolaire.
Cette fréquence est indispensable pour prendre conscience de ces enjeux. Elle permettrait d'adapter les réunions au contexte, en fonction du climat scolaire de l'établissement, et de proposer des temps de réflexion diverse et approfondie. Nous souhaiterions que cette réunion ne soit pas envisagée comme un temps de communication mais comme un temps de prévention.
À la lecture de l'exposé sommaire de votre amendement, je perçois que vous vous souciez de la sensibilisation des parents. Or votre amendement est relatif à la sensibilisation des élèves. Il n'est pas nécessaire qu'à chaque trimestre de la scolarité, on leur répète les mêmes choses ; une fois par an, cela paraît suffisant.
Cela étant dit, si le rapport conclut que l'organisation d'une session annuelle ne suffit pas, il pourra tout à fait proposer une fréquence plus élevée – qui peut le moins peut le plus. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Nous avons adopté l'amendement CS676 de M. Croizier, qui vise à évaluer « la possibilité de rendre obligatoire une session annuelle de sensibilisation aux enjeux de harcèlement et de cyberharcèlement ». Je vous le redis : à un moment donné, nous devons nous coordonner, afin de ne pas prévoir cinquante dispositions différentes dans les textes. Nous avons déjà adopté une disposition qui prévoit l'organisation d'une session annuelle de formation à la prévention du harcèlement et du cyberharcèlement dans la loi du 2 mars 2022. Nous pourrions éviter d'ajouter des dispositions dans les codes, qui en rendent la lecture compliquée pour les équipes éducatives !
J'ai été enseignante : il faut organiser plusieurs sessions dans l'année, qui peuvent prendre plusieurs formes, notamment ludiques. Faisons confiance aux enseignants, aux conseillers principaux d'éducation – CPE – et à toutes les équipes éducatives. Prévoir une réunion annuelle est insuffisant.
L'amendement n° 630 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 599 .
Alors que le harcèlement et le cyberharcèlement scolaires ont de graves conséquences non seulement sur les élèves qui sont harcelés, mais aussi – et on l'oublie souvent – sur les harceleurs et les témoins passifs, la Défenseure des droits relève les difficultés que les équipes pédagogiques rencontrent parfois pour identifier et réaliser l'ampleur des faits de harcèlement.
Nous proposons que le rapport expose ces difficultés auxquelles les établissements scolaires sont confrontés. Cela permettrait aussi de préciser le contenu de la formation nécessaire, afin que les équipes pédagogiques se sentent armées pour agir.
Je ne comprends pas vraiment votre amendement. D'une certaine manière, vous anticipez les conclusions du rapport, en proposant qu'il « expose également les difficultés rencontrées par les établissements scolaires à identifier et réaliser l'ampleur des faits de harcèlement et de cyberharcèlement ». C'est déjà en partie l'objet du rapport. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Le rapport dressera un état des lieux des actions de prévention, notion qui comprend l'identification des faits de harcèlement et de cyberharcèlement. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 599 est retiré.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir l'amendement n° 287 .
L'amendement n° 287 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 632 .
Il vise à prévoir une évaluation des moyens humains – psychologues, médecins, enseignants, bénévoles – et matériels – cellules d'écoute mises à disposition par les écoles qui participent à la sensibilisation, locaux associatifs –, nécessaires pour lutter efficacement contre le harcèlement et le cyberharcèlement scolaires. La situation du milieu scolaire, qui manque cruellement de psychologues, d'accompagnants et de médecins, est très compliquée.
Je ne doute pas de votre engagement dans la lutte contre le harcèlement le cyberharcèlement, mais, encore une fois, vous anticipez les conclusions de ce rapport. Une fois qu'il aura été remis au Parlement, nous verrons quelles sont les actions à mettre en œuvre. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 632 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 4 AB, amendé, est adopté.
Par cet article, la majorité souhaite généraliser l'identité numérique pour près de 100 % des Français d'ici 2030. Ce gouvernement veut prendre le chemin d'un pays comme l'Inde, qui a systématisé l'usage de l'identité numérique en créant Aadhaar.
Nous sommes d'accord que ce dispositif peut être un moyen supplémentaire – et uniquement un moyen supplémentaire – d'accéder à des services publics ; mais en fixant l'objectif que 80 % des Français disposent d'une identité numérique en 2027 et près de 100 % d'entre eux en 2030, vous le rendez obligatoire. C'est la porte ouverte à une surveillance de masse, en somme, à un monde orwellien.
Les Français ne veulent pas qu'une immatriculation soit inscrite sur leur front. Nous ne sommes ni des bagnoles ni des détenus ! Nous ne voulons pas de ce flicage de masse. Lors de l'examen de ce texte, des amendements plus liberticides les uns que les autres ont été proposés, notamment certains, discutés en commission spéciale, qui visaient à rendre obligatoire l'identification par France Connect pour accéder aux réseaux sociaux. Du reste, nous examinerons bientôt les amendements de Paul Midy, ainsi que l'article 5.
Il est hors de question d'étendre le champ d'application de l'identité numérique au-delà de l'accès aux services publics et du domaine régalien. Cet article serait inconventionnel, car le règlement européen eIDAS sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE, dont la révision est en cours de négociation, interdit aux États membres d'imposer aux citoyens l'identité numérique pour accéder aux démarches en ligne.
Certains Français ne peuvent pas et ne veulent pas utiliser France Connect. Leurs démarches en ligne ne doivent pas pour autant être entravées, et leur choix de ne pas être doté d'une identité numérique doit être respecté.
D'ailleurs, la majorité a vite compris son erreur. Le rapporteur général a déposé un amendement à l'article 4 AC visant à abaisser l'obligation de résultat : il prévoit qu'au 1er janvier 2027, 100 % des Français puissent avoir accès à une identité numérique et que 80 % en disposent effectivement. Mais cela n'est pas davantage acceptable. Nous proposerons donc un amendement tendant à supprimer l'article ainsi qu'un amendement, issu des travaux du groupe d'études Économie, sécurité et souveraineté numériques, visant à le récrire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cet article prévoit la généralisation de l'identité numérique. Si elle est techniquement possible, nous devons nous demander si elle est souhaitable. Je rappelle que « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». Nous sommes arrivés au point où nous devons nous demander s'il est vraiment souhaitable et bénéfique que tout un chacun soit enregistré et suivi au cours de ses navigations sur le web. Je n'en suis pas convaincue.
Est-ce techniquement possible ? Oui. Tous les Français pourront-ils avoir accès aux services publics ? Non. Je vous rappelle que certaines populations n'ont pas accès à l'espace numérique. Si nous généralisons l'inscription systématique sur France Connect, si nous imposons la dématérialisation des services publics à tout un chacun, nous laisserons des personnes sur le carreau. Ce sera le cas des individus privés de liberté, enfermés dans les CRA – centres de rétention administrative –, les établissements pénitentiaires ou les hôpitaux psychiatriques. Ce sera aussi le cas des habitants des zones blanches, où l'ADSL, sans même parler de la fibre, est inexistant – alors qu'on installe des antennes 5G et bientôt des antennes 6G en région parisienne.
Nous devons nous demander si les personnes âgées et les personnes qui n'ont jamais utilisé un ordinateur de leur vie seront en mesure de suivre le mouvement de numérisation pour tous à marche forcée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'interviens sur cet article ainsi que sur les amendements qui portent article additionnel après. Nous entamons un débat qui devrait être nourri et se poursuivre longtemps après la reprise de la séance, ce soir. D'abord, nous avons avancé sur la question de l'identité numérique en commission spéciale. C'est un outil qui permet de sécuriser certaines démarches administratives, mais qu'il ne sera pas du tout obligatoire d'utiliser.
Ensuite, s'agissant de la question de l'anonymat et du pseudonymat : doit-on rester anonyme ou se voir attribuer un numéro, obligatoire pour naviguer sur internet ? Certains pourraient être attirés par cette idée, se disant qu'on arrêterait ainsi davantage de délinquants, que ce dispositif mettrait fin à l'impunité.
Mais, précisément, anonymat et impunité sont deux choses différentes. Dans la rue, la plupart du temps, je me balade de façon anonyme.
Il se trouve que, dans ma circonscription, on me reconnaît parfois, mais, à Paris, je suis anonyme et rien ne m'oblige, il faut le rappeler, à avoir ma carte d'identité sur moi. En revanche, si je commets un délit et que l'on m'arrête, on contrôlera mon identité.
Il faut, je crois, adopter la même démarche pour la vie numérique. On doit en effet avoir la liberté de circuler, de se rendre sur certains sites, de choisir son information… Mais, si l'on commet un acte délictuel, on doit pouvoir se faire attraper par les forces de l'ordre, dont les capacités d'action ont déjà été renforcées par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).
À ceux de nos collègues qui se demandent pourquoi un député de chaque groupe seulement peut s'inscrire sur un article, je rappelle que cette règle est en vigueur depuis que le règlement a été révisé, sous la législature précédente.
La parole est à M. Arthur Delaporte.
Il est vrai que la majorité n'échappe pas aux règles qu'elle a imposées, mais elle ne le découvre que lorsqu'elle est elle-même fracturée…
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Sourires.
Il arrive que vous vous divisiez ; ce n'est pas grave. C'est un socialiste qui vous le dit et, en matière de divisions, nous nous y connaissons !
Rires et applaudissements sur les mêmes bancs.
On peut comprendre qu'il y ait, au sein de la majorité, des divergences sur l'article 4 AC, car celui-ci a trait aux libertés fondamentales. Je le rappelle, il prévoit que « L'État se fixe l'objectif que 80 % des Français disposent d'une identité numérique au 1er janvier 2027 et près de 100 % d'entre eux au 1er janvier 2030. »
Cet objectif général ne pourra être atteint que s'il s'appuie sur des dispositifs, notamment des mécanismes de certification. Il convient donc de l'analyser au regard de ce qui vient ensuite, en particulier les amendements portant article additionnel après l'article 4 AC. Or, monsieur le rapporteur général, malgré votre travail de qualité et votre investissement, vos amendements ne sont pas bien ficelés.
Du reste, l'ensemble des défenseurs des libertés du net sont, vous les avez entendus, très inquiets de vos propositions. En effet, au-delà des problèmes techniques qu'ils soulèvent, vos amendements ne garantissent pas la protection des libertés fondamentales. C'est pourquoi je porte, au nom du groupe Socialistes, une parole de sagesse : nous ne sommes pas prêts à approuver un amendement qui viendrait réguler de façon trop importante le domaine de l'identité numérique, sachant, qui plus est, que l'objectif est de généraliser celle-ci à l'horizon 2030 – c'est l'objet de l'article 4 AC.
Nous nous opposons donc non seulement à cet article, mais aussi à certains des amendements que nous examinerons ultérieurement – nous aurons l'occasion d'y revenir.
Le débat porte, ici, sur un sentiment : celui qui consiste à se croire intouchable, car anonyme. Intouchable, donc en mesure de rejoindre les meutes haineuses qui pratiquent ou pratiqueraient le cyberharcèlement et défendent parfois des idéologies mortifères.
Il importe peu que, depuis 2004, la loi oblige les plateformes à dévoiler les identités des internautes délinquants puisque, d'une part, ces révélations ne concernent que la moitié des cas et, d'autre part, les victimes – et c'est bien des victimes qu'il s'agit – ne déposent que très rarement plainte.
De fait, les procédures sont souvent longues, parfois coûteuses, et les victimes ont le sentiment – j'y reviens – que les auteurs ne seront pas retrouvés.
C'est pourquoi l'article 4 AC, qui vise à créer et à généraliser le dispositif de l'identité numérique, est indispensable, incontournable. Ce dispositif ne portera pas atteinte à la liberté car, vous le savez, la carte nationale d'identité ne sera pas communiquée.
Les mots sont des armes, des armes qui ont poussé au suicide de trop nombreux jeunes, des armes qui ont poussé à assassiner Samuel Paty.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes Dem.
La possibilité d'agir en garantissant la protection des libertés fondamentales nous est offerte ; saisissons-la !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le débat est très intéressant : il met en jeu, en définitive, la vision que chacun a de l'espace numérique, notamment de la manière dont celui-ci peut exister en étant conforme, ou non, à nos principes. Je fais partie de ceux qui ne placent pas les libertés numériques au-dessus de tout, y compris – on l'a vu, pour certains de nos collègues – de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Bien entendu, internet est une liberté – même si, pour moi, c'est d'abord un outil. Mais la liberté n'existe pas sans la responsabilité, et c'est heureux. En droit français, la liberté d'expression n'est pas la liberté de dire tout et n'importe quoi ; elle est encadrée, même si nous en avons, heureusement, en tant que grande démocratie, une interprétation extensive.
Ainsi, on ne peut ni diffamer, ni injurier, ni discriminer à raison du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'ethnie ou de l'appartenance religieuse. Ce sont des limites à la liberté d'expression. D'où la question de l'anonymat ou plutôt de l'espèce d'atmosphère d'anonymat liée à certaines formes d'impunité.
Je parle d'expérience car, dans le cadre de mon métier d'avocate, j'ai beaucoup plaidé dans des dossiers de diffamation sur les réseaux sociaux. On y diffame très facilement, et vous savez la caisse de résonance qu'ils peuvent être. Dans quasiment la moitié des cas, on ne retrouve pas l'auteur qui se cache derrière un pseudonyme.
M. le rapporteur général ainsi que MM. Benjamin Haddad et Rémy Rebeyrotte applaudissent.
Cette situation s'explique, d'une part, par la résistance des plateformes – il faut le dire – et, d'autre part, non pas par le manque de magistrats et d'enquêteurs, mais par de véritables difficultés techniques. Ainsi, lorsque le juge d'instruction ordonne une commission rogatoire et que vous découvrez que l'intéressé réside au Panama, que pouvez-vous faire ? Que dites-vous à la victime d'injures antisémites ? Que faites-vous de l'auteur d'une apologie du terrorisme ?
Toutes ces questions restent pendantes. Il y a matière à avancer – nous verrons ce qu'il en est lors de nos discussions. En tout cas, le législateur doit se saisir du problème.
Nous non plus, nous ne sommes pas favorables à l'article 4 AC. Rappelons qu'en l'état du droit, il n'existe pas de réel anonymat en ligne. Les autorités publiques sont en mesure d'identifier un internaute à partir de son adresse IP. La Cnil le souligne : « Toutes nos interactions reposent sur des infrastructures numériques – web, réseaux mobiles, etc. –, laissent des traces numériques – adresse IP, géolocalisation, etc. – et matérialisent nos relations avec d'autres personnes […] ».
Il est donc déjà très difficile de se cacher en ligne et ne pas être tracé ou d'échapper à la collecte de ses données. Nous attirons donc votre attention sur les risques pour la liberté d'expression que ferait peser l'obligation de déclarer une identité pour naviguer sur le net.
Sur le vote des amendements n° 80 et identiques, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements de suppression de l'article, n° 80, 175, 437 et 542.
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l'amendement n° 80 .
Nous abordons la question essentielle de savoir si le Gouvernement et la majorité ont l'intention, comme il en était question au départ, de préserver les libertés numériques, de sécuriser les échanges dans l'espace numérique et de réguler ce qui doit l'être, ou si, en définitive, leur intention est autre.
Au départ, on s'est demandé si, après les émeutes de juin dernier, il fallait donner au Gouvernement la possibilité de couper les réseaux sociaux ou les messageries. Depuis quelques jours, nous avons, notamment en commission après la présentation de ses propositions par le rapporteur général, un débat sur le point de savoir s'il faut appliquer à internet une espèce de code de la route : y sommes-nous des citoyens ou des objets qu'il faudrait, selon M. Paul Midy, immatriculer comme des voitures ?
À présent, on découvre les véritables intentions des auteurs de ces propositions. Je suis désolé, mais ce que je viens d'entendre me choque. On ne légifère pas sur un sentiment. Le sentiment d'insécurité est précisément ce qui a mené Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.
Ce que vous appelez le sentiment d'impunité va conduire la majorité – qui est censée être le bloc central et non siéger à l'extrême droite de l'Hémicycle – à remettre en cause des libertés fondamentales. Erwan Balanant l'a très bien rappelé à propos de la liberté de circulation : dans la rue, je ne suis pas obligé de décliner mon identité. Je ne dois pas l'être non plus sur le web. On voit bien quelles intentions se cachent derrière tout cela.
Et puis, comme toujours, on oublie les exclus. Ségolène Amiot a évoqué la fracture numérique. Commençons par assurer une couverture numérique à tout le monde avant de parler d'identité numérique.
Boris Vallaud, je crois, a évoqué, lors de l'examen du projet de loi pour le plein emploi, le film Moi, Daniel Blake de Ken Loach. Regardez-le, et vous verrez, outre le fait qu'il est déplorable de faire la chasse aux gens qui n'ont pas le RSA,…
…l'absurdité d'un système entièrement numérisé. Il faut un peu de matière humaine, un peu de liberté dans notre société ! Je suis vraiment très inquiet de ce que j'entends ce soir.
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l'amendement n° 175 .
L'identité numérique consiste à confier notre état civil à un acteur tiers – éventuellement public mais plus certainement privé – afin de permettre l'accès à certains sites ou services sur internet. Il s'agit là d'une transformation majeure de nos usages du numérique, qui ouvre la porte à la fin de l'anonymat, lequel est un des piliers d'internet, comme Aurélien Taché vient de le rappeler.
Je vais m'attacher à illustrer en quoi la généralisation de l'identité numérique est une atteinte aux libertés publiques par l'exemple de la Corée du Sud. En 2007, il a été décidé dans ce pays que l'identité réelle des internautes visitant des sites de plus de 300 000 inscrits, puis 100 000 inscrits, serait exigée par les plateformes. L'idée des Coréens était de lutter contre la diffamation en ligne.
Facebook et Twitter en étaient alors à leurs balbutiements, et l'expression « réseau social » était encore confidentielle. Les plateformes ciblées étaient les sites contributifs et d'information. Cinq ans plus tard, la loi étant censurée par la cour constitutionnelle de Corée du Sud, et ses motivations sont pour le moins éclairantes.
La juridiction sud-coréenne a en effet estimé que cette loi avait un effet néfaste sur la liberté d'expression, allant même jusqu'à dire que l'interdiction de l'anonymat était une atteinte à la démocratie, en plus d'être inefficace contre les discours de haine en ligne : « Les expressions sous anonymat ou pseudonyme permettent aux gens de critiquer l'opinion majoritaire sans redouter de pressions. Même s'il y a un effet de bord à l'anonymat en ligne, l'anonymat devrait être fortement protégé pour ses valeurs constitutionnelles. »
Je vous invite donc, chers collègues, à ne pas perdre de temps et à supprimer l'article 4 AC.
M. Aurélien Taché applaudit.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 437 .
Je m'étonne que l'article 4 AC se trouve dans le projet de loi. En effet, vous avez passé votre temps à nous dire que vous n'aviez nullement l'intention d'en terminer avec l'anonymat sur internet. Mais je savais que vous mentiez. Si j'ai défendu une motion de rejet préalable au nom de mon groupe, c'est parce que je n'ai pas confiance en vous. Et nous avons eu raison : la preuve, c'est cet article 4 AC !
Vous cherchez désormais à imposer une identité numérique à l'ensemble des Français, et ce pour mettre fin à l'anonymat sur internet. Tel est bien l'objectif.
Ce qui m'étonne, c'est que le ministre délégué bataille, en séance publique et en commission, pour que ce projet de loi, qui deviendra peut-être une loi, ne soit pas retoqué par le Conseil constitutionnel. Et là, vous introduisez un article au risque de l'inconstitutionnalité ; cela n'a pas de sens !
Je m'étonne, aussi, de votre hypocrisie. Vous nous demandez de, surtout, ne pas inscrire d'objectifs dans nos amendements pour ne pas rendre la discussion trop compliquée, mais cela ne vous empêche pas d'en fixer vous-mêmes, quand ça vous arrange.
Au fond, votre seule motivation – comme pour les Jonum, les jeux à objets numériques monétisables de l'article 15 – n'est-elle pas de favoriser les affaires de certaines start-up intéressées par le développement des technologies d'identification numérique ? Est-ce donc là votre objectif caché ? Je vous le dis très franchement : arrêtez ! Sinon, vous ne ferez que donner raison à la motion de rejet préalable que j'ai défendue. Et vous n'apportez pas la moindre preuve de votre bonne volonté. Cet article me fait beaucoup douter de vous. Je me méfie, du reste, depuis le début de la discussion, une méfiance que confirmera l'examen de l'article 15.
Supprimer le droit à l'anonymat, qui est un droit fondamental, un droit constitutionnel, en introduisant en catimini…
…une nouvelle réglementation ; on ne peut pas légiférer de cette façon, avec une assemblée qui n'est même pas au complet.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir l'amendement n° 542 .
Je commencerai mon intervention en énonçant deux vérités. La première, c'est que l'anonymat n'existe pas en ligne, et nous n'allons pas cesser de vous le répéter. La seconde, c'est que la loi contre le cyberharcèlement est bien faite.
L'anonymat en ligne n'existe pas parce que nous laissons tous des traces. Et ceux qui n'en laissent pas ou peu, malgré tous les efforts que vous allez déployer, élèveront leur niveau de vigilance, de sécurité et ils passeront à travers vos dispositions. Les lois liberticides que vous préparez s'appliqueront à ceux qui sont déjà sous le coup de la loi, qui ne se protègent pas ou qui ne bénéficient pas d'un niveau de sécurité élevé.
Ce qui manque, ce sont des moyens pour la justice et des moyens pour la police, des moyens pour détecter, poursuivre, condamner. Vous vous êtes engagés dans une dérive liberticide. Nous ne cesserons de vous l'asséner : internet est et doit rester un espace de liberté.
La Cnil explique que « le risque d'imposer une obligation de déclaration d'identité pour naviguer pourrait avoir des effets néfastes sur la liberté d'expression ». Ce n'est pas le Rassemblement national qui vous le dit mais la Cnil. Vous allez créer un espace d'autocensure, une espèce de safe space woke.
Montesquieu disait qu'il ne fallait toucher à certaines lois que d'une main tremblante. J'espère que vous tremblerez de toute votre âme au moment de défendre vos amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Évidemment je suis défavorable à ces amendements de suppression. Ce qui me fait trembler, monsieur Lopez-Liguori, c'est d'imaginer que Marine Le Pen puisse être présidente de la République en 2027.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations et rires sur les bancs du groupe RN.
Elle n'aura pas besoin de modifier les lois, vous faites le travail pour elle !
Je vais séparer deux points. Le premier est celui de l'anonymat, sur lequel nous devons prendre le temps de débattre. Il y a une confusion, nous y reviendrons, entre le pseudonymat et l'anonymat. Il n'y a pas, dans la vie physique, de droit à l'anonymat face à l'autorité quand on commet un acte illégal ; ça n'existe ni en France ni dans aucun autre pays européen, ni même, je crois, dans le monde.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Que dit l'article 4 A C ? Qu'il est important de développer l'identité numérique en France. On a pu se rendre compte, depuis le début de l'examen du texte, qu'il en est quelque peu question. Nous devons donc avancer. Certains collègues ont même déclaré qu'il fallait la développer pour les services publics – des amendements porteront sur le sujet.
En outre, le Gouvernement y travaille : nous avions la carte d'identité papier, puis la carte d'identité plastique, à présent la carte d'identité électronique, avec une puce. Nous devons donc, évidemment, aller vers l'identité numérique.
Le Gouvernement s'y emploie : une excellente expérimentation sera lancée dans trois départements dès le 15 octobre. Les administrés de ces départements pourront ainsi avoir leur permis de conduire dans leur téléphone portable par le biais de l'application France Identité. C'est le sens de l'histoire.
Qu'avons-nous voté en commission ? Un objectif de développement de l'identité numérique. Nous avons estimé qu'en 2027 quelque 80 % des Français devaient avoir une identité numérique.
Ils sont seulement 10 % dans ce cas. Cela paraît donc une bonne idée.
Par ailleurs, nous pouvons être fiers, Français, d'être très forts en la matière. Je vous rappelle en effet que France Identité a remporté récemment un appel d'offres européen auprès de dix-neuf pays !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Estelle Folest applaudit également.
Par contre, soyons clairs : il est prévu de porter le taux de Français disposant d'une identité numérique à près de 100 % au 1er janvier 2030. Je conviens qu'on peut améliorer la rédaction de l'article. L'expression « à près de 100 % » vient de ce que 97 % des Français possèdent une carte nationale d'identité (CNI) – elle n'est, je le rappelle, pas obligatoire.
Après le rejet – je l'espère – de vos amendements de suppression, nous examinerons l'amendement n° 1056 qui, d'abord, montrera que l'identité numérique elle non plus n'aura rien d'obligatoire. Ensuite, elle doit être accessible à 100 % des Français quels que soient leurs compétences et leur niveau d'illectronisme. Enfin, si cet amendement est voté, l'identité numérique sera gratuite, tout comme la carte nationale d'identité.
Aussi cet amendement répondra-t-il à un certain nombre de questions soulevées par les uns et les autres, pour peu, j'y insiste, que les amendements de suppression soient repoussés.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.
L'article 4 AC est issu d'un amendement du rapporteur général, adopté par la commission spéciale ; il fixe un objectif de généralisation de l'identité numérique. Pourquoi le Gouvernement y a-t-il été favorable ? Le développement de l'identité numérique facilitera l'accès aux droits et aux services publics. On l'a constaté dans d'autres pays, comme en Inde, monsieur Kerbrat.
Dans certaines démocraties, certes plus jeunes, le développement des infrastructures numériques publiques, contrairement à certaines expériences de dématérialisation qui ont pu creuser ici la fracture numérique, a permis d'inclure dans la société des pans entiers de la population – ceux-ci s'en trouvaient exclus de la société, faute, par exemple, d'avoir un état civil.
Nous voyons donc le développement de l'identité numérique comme un moyen de conforter l'accès aux services publics et l'accès au droit et non, comme j'ai pu l'entendre ici et là, comme un moyen de surveiller la population – en aucun cas.
Il est vrai que cet article recelait une petite faiblesse puisque l'objectif de 100 % fixé par le rapporteur général était peut-être un peu trop ambitieux. Au reste, de la même manière qu'on n'est pas tenu d'avoir une carte nationale d'identité pour circuler, on ne doit pas obliger quiconque à détenir une identité numérique. Certains ont par ailleurs fait valoir que, dans certaines situations, il n'est tout simplement pas possible d'activer ou de porter une identité numérique, ce pourquoi l'objectif de 100 % paraissait difficile à atteindre.
Le Gouvernement propose à tous ceux qui ont défendu les amendements de suppression de les retirer au profit de l'amendement du rapporteur général qui ramène l'objectif des détenteurs effectifs d'une identité numérique à 80 % en 2027, ce qui évitera de donner le sentiment que tout le monde sera contraint d'en disposer. Cela entamerait la confiance des Français.
Je rectifierai ensuite l'idée qu'une identité numérique soit absolument nécessaire pour retrouver les auteurs de violences en ligne. C'est évidemment faux. Ainsi, récemment encore, dans les jours qui ont suivi les violences urbaines, les juges ont prononcé de très nombreuses peines de prison à l'encontre d'auteurs de violences en ligne, alors que l'identité numérique est peu déployée. Autrement dit, lorsque les procureurs et les enquêteurs se mettent au travail, on est capable de traduire devant les tribunaux, et très rapidement, les auteurs de violences et de les condamner à due proportion des fautes commises.
Applaudissements sur quelques bancs du groupes RE et sur les bancs du groupe SOC.
C'est bien ce que nous disons : il faut plus de procureurs et plus de juges !
Le rapporteur général et le ministre ont été très clairs. Quand j'entends les oppositions – ceux qui souhaitent la suppression de l'article en particulier –, je suis assez étonnée parce que depuis le début de l'examen du texte, même si nous ne sommes pas toujours d'accord, nous cherchons tous à définir des systèmes de protection. Or, depuis la rentrée scolaire, nous assistons à des scènes de cyberharcèlement qui ont des conséquences dramatiques ; en outre, depuis des années, nous voyons passer des injures en ligne par milliers. Face à une certaine impuissance, nous nous sommes tous demandé quels mécanismes permettraient précisément d'accompagner les familles.
Le rapporteur l'a souligné : les victimes se trouvent confrontées à des procédures longues, complexes, fastidieuses, coûteuses… avec peu de résultats.
On entend que personne n'est anonyme en ligne. Certes, mais dans la moitié des cas on n'arrive pas à identifier l'auteur des violences. Au fond, nous ne proposons qu'un dispositif incitatif qui vise à responsabiliser les utilisateurs qui le souhaitent.
La rédaction de l'amendement n° 1056 du rapporteur général ne rend plus obligatoire le dispositif. Il s'agit donc bien d'incitation. C'est une réponse apportée aux utilisateurs les plus vulnérables, aux familles et à ceux qui le souhaitent. On n'oblige pas, on responsabilise et c'est ce que nous voulons.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
M. le ministre délégué a été très clair, madame Guévenoux. Je ne crois pas qu'il soit utile de revenir sur ses propos, mais j'ai l'impression que vous n'avez pas tout entendu. Il a dit qu'il était possible de poursuivre les gens même s'ils n'ont pas d'identité numérique. Le problème, c'est que les 50 % de cas non élucidés que vous évoquez – à supposer que ce chiffre soit exact – sont davantage liés au manque de moyens dont souffrent la justice et les services d'enquête qu'à l'absence de traces laissées par les coupables sur internet.
Ensuite, la certification de l'identité numérique ne pose pas de problème en soi : on peut toujours avoir besoin de mécanismes permettant de certifier l'identité numérique. Mais quand l'identité numérique commence à être exigée partout, cela pose problème. Le risque est là : si on demande aux gens leur identité numérique pour qu'ils puissent s'inscrire sur un réseau social, c'est comme si on leur demandait de présenter leur carte d'identité pour entrer dans un troquet, une boutique ou à La Poste. Chacun devrait alors justifier partout de son identité, alors que ce n'est pas le cas dans la vie réelle. On n'a pas à demander plus dans l'espace numérique que dans le monde réel !
Pour avoir travaillé sur la question de l'influence commerciale, je peux vous dire que s'il existe un sentiment d'impunité, c'est parce qu'il n'y a pas assez d'enquêteurs, à la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes –, pour poursuivre les personnes. L'an dernier, l'État n'a envoyé que cinq requêtes à Meta, la maison mère de Facebook et d'Instagram, pour accéder à des données ! Voilà la réalité à la DGCCRF ! Vous voyez donc que le manque de moyens entraîne un manque d'investigations, ce qui fait que les résultats sont rarement positifs.
Évidemment, tout le monde a une identité : si M. Balanant, par exemple, fait face à un contrôle d'identité dans la rue, il pourra décliner la sienne en la certifiant.
M. Delaporte s'inquiète de mes bonnes mœurs… mais je suis sage, moi, je ne me fais pas contrôler !
Mais M. Balanant, qu'il soit à Paris ou en circonscription, a le droit de se promener de façon anonyme, et c'est le cas de chacun d'entre nous – et même de vous, monsieur le rapporteur général. Nous restons opposés à cet article 4 AC – et, plus généralement, à l'ensemble de votre philosophie.
Cet article 4 AC n'a pas été bien présenté. Il aurait dû traiter uniquement de l'identité numérique, sans la lier aux questions relatives au cyberharcèlement et à l'identification de ce qui se passe en ligne. Les deux aspects doivent être séparés.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Sur le fond, nous pourrions soutenir l'article 4 AC en tant que tel – et nous le ferons, d'ailleurs. Mais – car il y a un « mais » – la rédaction actuelle, même en tenant compte de l'amendement n° 1056 , est relativement ambiguë. Que l'État se fixe pour objectif que 100 % des Français puissent avoir accès à une identité numérique, c'est très bien ! Mais que vous fixiez un autre objectif selon lequel 80 % d'entre eux devront en disposer effectivement, cela pose problème : je comprends les oppositions qui y voient un moyen d'imposer à 80 % de la population une identité numérique effective.
C'est là que réside le problème, d'autant qu'avec la nouvelle réglementation européenne, selon laquelle l'identité numérique ne peut être obligatoire, il ne sera pas possible de se fixer des objectifs chiffrés. Sur le principe, nous pouvons vous suivre, et nous approuvons l'objectif consistant à mettre à disposition de 100 % des Français une identité numérique ; c'est le fait de vouloir la rendre effective pour 80 % d'entre eux qui nous semble problématique. Il aurait fallu que nous puissions sous-amender, et c'est peut-être ce que nous ferons par la suite.
M. Laurent Croizier applaudit.
Merci, monsieur le ministre délégué, de m'avoir interpellé : cela me permettra peut-être de mettre fin au débat que nous avons depuis le début de la discussion s'agissant des systèmes d'identification numérique introduits à l'étranger, à propos desquels nos interprétations diffèrent.
Il a beaucoup été question d'Aadhaar, un système de reconnaissance faciale créé en Inde et associé à un numéro d'identité en ligne. Vous avez raison : il a permis d'initier énormément d'Indiens au numérique, donc de combattre l'illectronisme. Mais ce que vous ne précisez pas, c'est que cela s'est fait de manière coercitive : ceux qui n'étaient pas inscrits sur Aadhaar ont été exclus de l'accès aux services publics en ligne et ne pouvaient donc plus bénéficier des prestations sociales associées – et bizarrement, cela a surtout concerné les membres des castes inférieures. Alors oui, le système a permis d'inclure un plus grand nombre d'Indiens dans le numérique ; mais il a aussi aggravé la fracture sociale indienne, créant un fossé énorme entre les pauvres et les riches !
Il risque d'en être de même ici. Pour ma part, je ne pense pas que vous soyez de mauvaise foi, monsieur le ministre délégué, en ce qui concerne l'identité numérique : vous pensez certainement que c'est un facteur d'inclusion réelle ; vous y croyez. Je suis en désaccord avec vous, mais ce n'est pas grave !
Cependant, l'enfer est pavé de bonnes intentions et je vais prendre l'exemple assez inquiétant de ce qui se passe en Finlande, pays qui a voté récemment l'imposition d'un système d'identité numérique. Il se trouve qu'une nouvelle coalition de droite et d'extrême droite, dans laquelle on trouve notamment une ministre des télécommunications d'extrême droite,…
…est en train de travailler à un projet de loi s'appuyant sur l'identité numérique et visant à exclure les supposés migrants de l'accès à internet. Lorsque les sociaux-démocrates ont légiféré, ils ne pensaient pas à mal : ils n'imaginaient pas qu'un tel projet puisse voir le jour. Vous n'êtes pas prêts, et nous le dénonçons depuis le départ ! Ce que nous voulons vous dire, c'est que vous êtes en train d'ouvrir beaucoup trop largement la fenêtre d'Overton.
Mme Ségolène Amiot applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 86
Nombre de suffrages exprimés 85
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 31
Contre 54
M. le rapporteur général applaudit.
Je suis saisie de trois amendements, n° 580 , 438 et 579 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 438 et 579 sont identiques.
Sur ces derniers, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 580 de M. Aurélien Taché est défendu.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 438 .
C'est quand même une drôle d'idée, et j'irais même jusqu'à dire un drôle de fantasme, que de vouloir que 80 % de la population française soit pucée au 1er janvier 2027, année de la prochaine élection présidentielle – mais c'est un hasard, je suppose ! Et c'est également un hasard si vous voulez qu'à l'horizon 2030, 100 % des Françaises et des Français le soient ! Nous aurions aimé que le Gouvernement ait les mêmes ambitions pour la réduction de l'empreinte carbone et pour la lutte contre le réchauffement climatique.
Ce traitement industriel de la population française fait penser à la filière bovine. Vous donnez l'impression de considérer nos concitoyens comme un troupeau de la ferme des mille vaches, un cheptel qu'il faudrait soigner et nourrir, avant – qui sait ?– de l'équarrir.
Vous avez le même raisonnement que ceux qui disent que nous voulons leur injecter la 5G !
Il y a à peine quelques mois, lorsque nous étions en pleine crise de la covid, les médias montraient comment le gouvernement chinois se servait de l'identité numérique. Toutes et tous, ici, nous disions : « quelle horreur ! » et espérions ne jamais voir de telles dispositions s'appliquer dans notre pays. J'imagine que ces souvenirs sont encore frais.
Voilà que vous voulez créer un outil qui, une fois déployé, donnera ce genre de résultats ! Si l'outil existe, l'usage en sera fait tôt ou tard : c'est obligatoire. Qui crée l'organe crée la fonction ! La fonction, en l'occurrence, c'est le flicage et peut-être, à l'avenir, une répression politique. Tout à l'heure, pour plaisanter – ou pas –, vous avez interpellé les députés du Rassemblement national en leur disant que si Marine Le Pen parvenait au pouvoir, ce serait un problème.
Alors posez-vous la question : comment se saisirait-elle d'un tel outil, si cela arrivait un jour ?
Si l'administratif remplace le judiciaire, ce sont les algorithmes de traitement qui se substitueront à la justice !
L'amendement n° 579 de M. Jean-Claude Raux est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Demande de retrait au profit de l'amendement n° 1056 , qui permet de clarifier l'article sur trois points. Il précise d'abord que l'identité numérique ne doit pas être obligatoire, de la même manière qu'il n'est pas obligatoire de détenir une carte nationale d'identité ; ensuite qu'elle doit être accessible à 100 % des Français, quel que soit le territoire dont ils sont issus ou leur niveau d'illectronisme – l'ambition est très forte ; et enfin qu'elle est gratuite, comme l'est la CNI – et c'est une très bonne chose.
Puisqu'il est beaucoup question de la Corée du Sud, de l'Australie ou de la Chine, je voulais simplement vous livrer un témoignage. Il se trouve qu'en tant que député des Français de l'étranger, je vis en Espagne. Nous y avons une identité numérique – je précise que tout le monde n'en dispose pas puisqu'elle est optionnelle – et lorsque le ministre délégué nous dit que l'objectif de la mesure est de faciliter la relation entre le citoyen et l'administration, je peux témoigner du fait que c'est la réalité ! Grâce à mon identité numérique, je peux être à Paris ou dans ma circonscription, loin de chez moi, par exemple à Barcelone, tout en gérant les sociétés dont je suis représentant physique ;…
…je peux consulter mes dettes auprès des impôts et les payer ; je peux accomplir une infinité de démarches administratives en me rapprochant de mon administration espagnole, alors que j'en suis physiquement éloigné. Et tout cela est permis par un déplacement, une fois dans sa vie, à la Fabrica Nacional de Moneda y Timbre – c'est un très bel endroit, que vous connaissez car c'est là que se situe le braquage de la première saison de La casa de papel.
Je n'ai plus besoin de m'y rendre ! L'identité numérique, on l'obtient une fois pour toutes : c'est simplement pratique, c'est un grand succès populaire en Espagne et personne ne se considère comme « pucé », pour reprendre le terme que vous avez utilisé. Ne vous inquiétez pas, il n'y a rien à craindre de l'identité numérique.
Quand j'entends, depuis vos rangs, qu'il n'y a rien à craindre, vous imaginez que je crois aussitôt le contraire ; et pourtant, même en croyant le contraire, je suis encore loin de la vérité, comme aurait dit Sacha Guitry !
Vous avez parlé de gratuité. Mais « quand c'est gratuit », dit un autre adage, « c'est vous le produit » ! Eh oui ! Puisque c'est gratuit, il sera possible d'échanger des listes entières d'identités.
La carte d'identité numérique sera gratuite : les gens vont être contents, merci pour eux ! Je pense à toutes celles et tous ceux qui n'ont même pas le niveau informatique suffisant pour accomplir les démarches leur permettant de bénéficier de leurs droits sociaux ou de demander le RSA. L'espace analogique – je ne parle même pas de l'espace numérique – ne leur permet pas d'exercer leurs propres droits civiques ! Et vous voudriez qu'à l'horizon 2030 – s'ils le souhaitent, bien sûr –, 100 % des gens soient badgés, pucés, immatriculés ?
L'amendement n° 580 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 29
Contre 50
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra