On s'attaque là à un deuxième scandale absolu, dont les éditeurs et les hébergeurs de sites pornographiques se rendent complices, voire coupables : il s'agit de la prolifération sur internet de vidéos intimes mettant en scène des personnes sans le consentement de celles-ci. C'est un fléau.
Pourtant, Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes l'a indiqué avec raison, cette pratique est sanctionnée : si vous publiez une vidéo amateur ou une image d'une personne dévoilant son intimité sans le consentement de la personne en question, vous encourez jusqu'à deux ans de prison – je crois qu'il n'est pas inutile de rappeler à celles et ceux qui l'oublient que lorsque, en un clic, ils se font plaisir, ils risquent des peines de prison et des amendes extrêmement lourdes.
Le règlement général pour la protection des données a aussi prévu un droit à l'effacement, c'est-à-dire que toute personne qui constate qu'une vidéo la représentant circule sur un support numérique, quel qu'il soit, peut en obtenir le retrait. Le problème, c'est qu'en pratique, ces contenus prolifèrent. Et c'est pour moi l'occasion de rendre hommage pour la troisième fois à l'enquête de Marie Maurice, qui est allée à la rencontre de personnes comme celle que la présidente Riotton vient d'évoquer : elles se trouvent contraintes de contacter des dizaines, voire des centaines de sites pornographiques pour tenter d'obtenir le retrait d'une vidéo qu'un jour un ex-petit ami ou un ex-compagnon a postée sur une plateforme et qui s'est diffusée en quelques minutes un peu partout sur la toile.
Nous devons trouver une solution à ce problème. Je pense que ce que nous devons avoir en ligne de mire, mais qui, à l'heure actuelle, n'est pas encore possible, c'est d'obtenir à l'échelle européenne que la diffusion de vidéos intimes ne puisse se faire sans le recueil par les plateformes concernées d'un consentement préalable. Voilà ce qui permettrait de mettre fin à ce scandale qui voit des femmes découvrir accidentellement que des vidéos les représentant circulent sur internet.
En attendant, nous avons engagé avec Mme Riotton et d'autres des discussions sur la manière dont on pourrait, au niveau français, ralentir ou empêcher la prolifération de telles images. Il est tentant de se tourner vers Pharos.
Pharos a la capacité de signaler aux plateformes les contenus illicites en général ; pour les contenus à caractère terroriste ou à caractère pédopornographique, dont nous avons parlé à l'article 3, Pharos peut non seulement les signaler, mais aussi en exiger le retrait dans les vingt-quatre heures, sous peine d'un an d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. On serait donc tenté de lui demander de veiller aussi au retrait de tous les contenus non consentis.
Nous avons beaucoup réfléchi à une rédaction possible. De même que, pour les précédents amendements en discussion commune, nous nous sommes heurtés au fait qu'il est très difficile de distinguer, y compris parmi les contenus d'une extrême violence, ce qui peut être consenti ou s'apparenter à une création et ce qui résulte de la traite des femmes, les agents de Pharos auront du mal à recueillir de manière crédible la preuve de l'absence de consentement de la personne avant d'adresser une injonction de retrait à la plateforme.
Que dirait le juge constitutionnel s'il était saisi d'un tel article ? L'agent de Pharos a l'obligation de faire retirer les contenus non consentis. Or, comme il aura probablement des difficultés à identifier le consentement et qu'il y aura une incertitude, il sera amené à retirer des contenus à titre conservatoire. De ce fait, le juge constitutionnel risque – c'est en tout cas le raisonnement qui avait prévalu lors de la censure de la loi Avia – de considérer que les contenus sont retirés de manière excessive, qu'il y a surmodération et atteinte à telle ou telle liberté, notamment à la liberté du commerce.
Il y a donc encore beaucoup de travail à faire. On est loin d'un amendement qui permettrait le retrait par Pharos de tout contenu non consenti. Cela fait plusieurs fois que nous en discutons avec la présidente Riotton et, à ce stade, le Gouvernement reste défavorable à de tels amendements. Un groupe de travail a été lancé, un rapport au Parlement a été demandé par l'intermédiaire d'un amendement du rapporteur général. Demande de retrait.