Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du jeudi 5 octobre 2023 à 15h00
Sécuriser et réguler l'espace numérique — Après l'article 3

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du numérique :

Tout d'abord, je veux à mon tour saluer le travail de la délégation aux droits des femmes et de sa présidente, avec laquelle j'échange depuis de longs mois sur ces questions. Je tiens à faire part de l'indignation et du sentiment de révolte que j'ai éprouvés à la lecture du rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat et au visionnage du reportage de Marie Maurice conçu pour le magazine télévisé « Cash investigation » ; la journaliste a pris tous les risques pour aller débusquer les criminels, certes bien loin de notre pays mais parfois de nationalité française, qui se livrent à ce qui s'apparente à de la traite des femmes. Mesdames et messieurs les députés, nous devons employer toute notre énergie à faire cesser la traite des femmes, en France bien sûr, mais aussi ensuite en Europe, pour finir par entraîner suffisamment de pays avec nous dans le monde entier.

Si la situation a sans doute évolué ces dernières années dans notre pays, c'est grâce au travail remarquable des parlementaires, mais aussi des journalistes et des enquêteurs qui ont permis de révéler les scandales French Bukkake et Jacquie et Michel, deux affaires tentaculaires dont les protagonistes risquent des peines allant jusqu'à dix ans de prison pour proxénétisme aggravé, vingt ans de prison pour traite d'êtres humains en bande organisée et la réclusion à perpétuité pour viol avec actes de torture et de barbarie.

Ces enquêtes, même si les procès ne sont pas encore arrivés à leur terme, ont sans doute conduit l'industrie de la pornographie en France à changer ses pratiques. Mais même si c'est le cas, nous ne pouvons pas nous en satisfaire, car nous savons que c'est aux portes de l'Europe ou même dans d'autres États membres que se sont délocalisés, afin de poursuivre tranquillement leur commerce, ceux qui se comportent de manière indigne en portant des atteintes brutales à la dignité des femmes. Et nous savons aussi que dans notre pays, où la situation s'est sans doute améliorée pour les actrices et les acteurs dans cette industrie, il n'en reste pas moins, comme l'a dit Véronique Riotton, que nos enfants restent exposés tant que les sites pornographiques ne procèdent pas à la vérification d'âge avant de permettre l'accès à leurs contenus. Il nous faut donc agir, c'est pourquoi le Gouvernement a engagé des discussions étroites avec la délégation aux droits des femmes pour trouver une solution.

À ce stade des discussions, le Gouvernement ne peut pas donner un avis favorable à ces amendements, car il considère que le risque d'inconstitutionnalité est trop élevé. En effet, le droit français autorise la représentation de l'extrême violence sur un certain nombre de supports tels que les sites pornographiques, mais pas seulement : je pense aux films, aux séries, aux bandes dessinées – bref, à de nombreuses œuvres d'art. Vous me répondrez qu'il ne s'agit pas du tout de la même chose que les vidéos que vous dénoncez, et j'en suis moi-même intimement convaincu, cependant nous ne sommes pas parvenus à trouver une manière de discriminer nettement les vidéos qui s'apparentent à des actes de torture et de barbarie ou de traite d'êtres humains – ce qui nous permettrait de les classer avant même que le juge ne se penche sur le sujet – et les œuvres mettant en scène des contenus d'une violence certes extrême, mais consentie.

Voilà ce qui nous conduit à émettre un avis favorable sur les amendements tendant à déposséder l'autorité judiciaire au profit des forces de l'ordre pour leur confier le soin de départager deux choses bien distinctes : d'une part, les contenus extrêmement violents qui relèvent de la création artistique ; d'autre part, ceux qui relèvent de la traite d'êtres humains.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion