Le débat est très intéressant : il met en jeu, en définitive, la vision que chacun a de l'espace numérique, notamment de la manière dont celui-ci peut exister en étant conforme, ou non, à nos principes. Je fais partie de ceux qui ne placent pas les libertés numériques au-dessus de tout, y compris – on l'a vu, pour certains de nos collègues – de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Bien entendu, internet est une liberté – même si, pour moi, c'est d'abord un outil. Mais la liberté n'existe pas sans la responsabilité, et c'est heureux. En droit français, la liberté d'expression n'est pas la liberté de dire tout et n'importe quoi ; elle est encadrée, même si nous en avons, heureusement, en tant que grande démocratie, une interprétation extensive.
Ainsi, on ne peut ni diffamer, ni injurier, ni discriminer à raison du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'ethnie ou de l'appartenance religieuse. Ce sont des limites à la liberté d'expression. D'où la question de l'anonymat ou plutôt de l'espèce d'atmosphère d'anonymat liée à certaines formes d'impunité.
Je parle d'expérience car, dans le cadre de mon métier d'avocate, j'ai beaucoup plaidé dans des dossiers de diffamation sur les réseaux sociaux. On y diffame très facilement, et vous savez la caisse de résonance qu'ils peuvent être. Dans quasiment la moitié des cas, on ne retrouve pas l'auteur qui se cache derrière un pseudonyme.