La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer (n° 1452).
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Il y a tout juste une semaine, nous nous réunissions en commission mixte paritaire (CMP) avec nos collègues du Sénat pour examiner les dispositions du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier (CMF) et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer. Le texte restait en discussion après une lecture au Sénat et une lecture à l'Assemblée nationale il y a deux semaines.
Je remercie le président de la commission des finances, Éric Coquerel, d'avoir accepté d'appliquer la procédure de législation en commission et de simplifier ainsi le travail de chacun. Ce choix avait également été retenu par le Sénat.
Le sénateur Hervé Maurey et moi-même avons formulé des propositions communes, qui ont recueilli l'accord unanime de la commission mixte paritaire. Celle-ci a approuvé toutes les dispositions du projet de loi qui restaient en discussion, à l'exception du fameux article 9, qui a fait l'objet d'un débat tout au long de l'examen du texte.
Les dispositions qui ont recueilli l'accord de la CMP concernent principalement l'article 3 bis, qui rend applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna les nouvelles dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués.
L'article 4 bis, qui corrige certaines erreurs de rédaction intervenues dans la transposition des dispositions relatives à l'encaissement des chèques en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna lors de la recodification du titre VII du code monétaire et financier, a également recueilli l'accord de la CMP.
Quant au fameux article 9, qui donnait un fondement législatif au fichier des comptes outre-mer (Ficom) – l'équivalent du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) dans l'Hexagone –, j'ai proposé à la CMP de le supprimer dans un esprit de compromis, tant l'adoption de ce texte est attendue après des années de travail de recodification du CMF de la part des administrations.
Pour rappel, ont déjà été adoptées conformes par les deux assemblées différentes dispositions, parmi lesquelles l'article 1er du projet de loi relatif à la ratification de trois ordonnances, l'article 1er bis concernant la prolongation d'une expérimentation relative au financement participatif des collectivités territoriales, enfin l'article 5 qui corrige une disposition relative aux retraits d'espèces dans les distributeurs en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Chers collègues, je ne serai pas plus long. Je vous appelle à soutenir l'adoption du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Le député alsacien que je suis espère avoir fait œuvre utile pour nos territoires ultramarins !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La version finale du texte qui vous est soumis aujourd'hui est le fruit d'un compromis et le résultat d'un travail transpartisan mené au Sénat et à l'Assemblée nationale. Comme l'a rappelé M. le rapporteur, en raison de son caractère essentiellement technique, ce projet de loi a été examiné selon la procédure de législation en commission en présence d'Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, au mois de juin dernier. Le vote de ce texte viendra achever les travaux de codification du livre VII du code monétaire et financier, qui regroupe les dispositions relatives à l'outre-mer.
L'objectif que nous poursuivons est bien sûr celui de la clarté et de l'intelligibilité du droit. En effet, depuis la crise financière de 2008, de très nombreuses règles se sont sophistiquées en matière de régulation financière, principalement au niveau européen. Ainsi, à l'instar des dispositions métropolitaines du code monétaire et financier, les dispositions relatives à l'outre-mer se sont multipliées, ce qui rendait nécessaire une réorganisation et une clarification.
Dans un premier temps, le choix d'un code spécifique à l'outre-mer a été envisagé par les services du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Toutefois, dans un souci de simplification et d'intelligibilité des règles juridiques, nous avons préféré opter pour une nouvelle présentation et une réécriture de la quasi-totalité des articles, afin de rendre le nouveau livre VII du code monétaire et financier, relatif aux outre-mer, plus accessible, tant du point de vue de l'État que du point de vue des usagers – il s'agit, en particulier, de répondre aux besoins des usagers ultramarins et de faciliter l'activité des opérateurs financiers et des entreprises.
Pour mémoire, le projet de loi est applicable de plein droit aux départements, régions et collectivités ultramarins relevant de l'article 73 de la Constitution – la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte –, régis par le principe d'identité législative, et aux collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution, dont les statuts prévoient que les lois et règlements s'y appliquent de plein droit – Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Dans les collectivités du Pacifique, soumises au principe de spécialité législative et relevant de l'article 74 de la Constitution, et en Nouvelle-Calédonie, les lois et les règlements ne sont applicables que dans les matières relevant statutairement de la compétence de l'État et sur mention expresse. C'est le cas en matière bancaire et financière. Le projet de loi y est donc applicable sur mention expresse.
Le texte qui vous est soumis clôt quatre années de travaux de recodification et ratifie notamment les ordonnances relatives à la partie législative du code monétaire et financier. L'une d'elles, celle du 15 février 2022, est prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, qui prévoit une habilitation permanente à étendre aux outre-mer les dispositions législatives existantes qui relèvent de la compétence de l'État, sous condition de ratification effective, impliquant un vote au Parlement dans les dix-huit mois après publication. La loi doit donc doit être impérativement ratifiée, sous peine de caducité, avant le 26 août 2023. C'est pourquoi une procédure accélérée a été demandée pour l'examen du projet de loi devant le Parlement.
Plusieurs articles ont fait l'objet de consultations des collectivités concernées, notamment l'article 5 relatif au retrait de billets aux distributeurs automatiques – la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie – et les articles 7 et 8 relatifs à la modernisation des missions de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (Iedom) et de l'Institut d'émission d'outre-mer (Ieom). Rappelons que, pour la commission mixte paritaire, six articles restaient en discussion après les lectures du projet de loi au Sénat et à l'Assemblée nationale.
L'article 2 rend applicable de façon expresse en outre-mer les modifications de certains articles du code monétaire et financier relatifs à l'Hexagone par des textes publiés postérieurement aux ordonnances précitées.
L'article 3 bis rend applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna les nouvelles dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués.
L'article 4 bis corrige certaines erreurs de rédaction intervenues dans la transposition des dispositions relatives à l'encaissement des chèques en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna lors de la recodification du titre VII du code monétaire et financier. Les dispositions relatives à la modernisation des missions de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer et de celles de l'Institut d'émission d'outre-mer, aux articles 7 et 8, contenaient trois amendements rédactionnels et de coordination.
L'article 9 donne un fondement législatif au fichier des comptes outre-mer, le Ficom, qui centralise des données relatives aux comptes de toute nature émanant des deux instituts d'émission.
Les articles 2, 3 bis, 4 bis, 7 et 8 ont été adoptés dans leur rédaction issue de l'Assemblée nationale. L'article 9 a été supprimé par la CMP, comme l'avait fait le Sénat, qui estimait qu'il n'était pas nécessaire d'inscrire le Ficom dans le projet de loi. Je regrette cette suppression. Néanmoins, en l'état actuel des dispositions du code monétaire et financier, l'Ieom et l'Iedom, qui sont deux entités juridiques distinctes, pourront continuer de contribuer au Ficom.
Je remercie la commission mixte paritaire d'avoir adopté le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer. Derrière l'intitulé austère de ce texte, l'objectif du Gouvernement pour les territoires ultramarins est simple et essentiel : rendre plus lisible et améliorer l'intelligibilité du droit bancaire et financier au service des acteurs économiques. Je me réjouis donc que la représentation nationale ait abouti à un accord sur le sujet.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer a fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire le 28 juin dernier. Ce texte répond à un impératif de lisibilité et de clarification des dispositions applicables outre-mer et traduit donc un effort de codification. Outre la ratification de trois ordonnances techniques, il consiste essentiellement en une mise à jour législative, notamment issue du droit européen et du code monétaire et financier pour sa partie applicable outre-mer.
Ainsi le texte de la CMP prévoit la ratification de trois ordonnances. Deux d'entre elles concernent la recodification de la partie législative du livre VII du code monétaire et financier, relatif au régime de l'outre-mer : l'ordonnance n° 2021-1200 du 15 septembre 2021 relative aux titres Ier et II du livre VII du code monétaire et financier et l'ordonnance n° 2022-230 du 15 février 2022 relative aux titres III à VIII, qui doit être ratifiée avant le 26 août 2023. La troisième ordonnance, n° 2022-1129 du 14 septembre 2022, modifie l'ordonnance du 22 décembre 2021 modernisant le cadre relatif au financement participatif, ainsi que l'ordonnance du 15 février 2022.
Le projet de loi prévoit également de prolonger, pour une durée de deux ans, l'expérimentation prévue par la loi du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances. L'objectif de cette expérimentation est de permettre aux collectivités territoriales de bénéficier, depuis le 1er janvier 2022, de revenus tirés d'un projet de financement participatif obligataire au profit de tout service public, à l'exception des missions de police et de maintien de l'ordre public. Enfin, le texte proposé complète le code monétaire et financier par une définition de la notion d'argent liquide conforme au règlement européen du 23 octobre 2018.
Depuis le début de la procédure législative, les débats se sont concentrés sur les articles 5 et 9, et je remercie M. le rapporteur pour le dialogue qu'il a engagé avec les différents groupes parlementaires à leur sujet.
Quelques mots sur l'article 5, qui prévoit de limiter la gratuité des retraits d'espèces par carte bancaire, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, aux distributeurs automatiques appartenant au réseau bancaire auprès duquel le client a domicilié ses comptes. Cet article a été maintenu par la CMP, ce que regrette le groupe Les Républicains. En effet, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie disposent, depuis l'ordonnance du 15 février 2022, de la gratuité des retraits d'espèces par carte bancaire dans les distributeurs automatiques. L'article 5 restreint cette garantie, ce qui ne manquera pas d'affecter fortement le budget de nos compatriotes ultramarins, alors même que les frais bancaires sont plus élevés en outre-mer qu'en métropole. Selon nous, ce n'est pas la bonne voie pour lutter contre la cherté de la vie en outre-mer ! L'observatoire des tarifs bancaires dans les départements et collectivités d'outre-mer, réalisé par l'Iedom en avril 2023, indique que sur vingt tarifs bancaires, quatorze sont supérieurs aux moyennes hexagonales.
J'en viens à l'article 9. Le groupe Les Républicains est satisfait de la suppression de cet article par la CMP, suppression adoptée par le Sénat et demandée par nos députés depuis le dépôt du projet de loi par le Gouvernement. En effet, l'article 9 ne proposait pas de mesures satisfaisantes en matière de protection des données personnelles, contrairement à ce qui est prévu pour le Ficoba.
Il était proposé pour le Ficom l'inverse de ce qui est prévu pour le Ficoba, qui possède un fondement réglementaire, mais dont l'accès est encadré par la loi. Ainsi la protection des données personnelles de nos concitoyens, qui est au cœur des préoccupations du groupe Les Républicains, a-t-elle pu être préservée. Nous nous en félicitons !
Au bout du processus législatif, l'adoption du présent projet de loi ne présente pas de difficultés particulières. Aussi le groupe Les Républicains votera-t-il le texte de la CMP, bien qu'il regrette l'occasion ratée pour lutter contre la cherté des frais bancaires outre-mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RE. – M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, applaudit également.
Nous voici réunis pour la lecture définitive d'un texte dont les dispositions, quasi exclusivement techniques, ne posent aucun problème de fond. Le groupe Socialistes et apparentés le votera donc.
Bien que tardives, les clarifications et simplifications apportées au code monétaire et financier sont plus que bienvenues. En effet, nous mesurons tous – et plus encore les acteurs économiques ultramarins – combien la partie de ce code consacrée à l'outre-mer était devenue parfaitement illisible, inadaptée, voire, obsolète pour ses usagers.
Je salue donc le travail de légistique qui a été opéré depuis plus de trois ans et qui permettra, je l'espère, de rendre plus accessible notre droit. Je tiens en outre à souligner l'intérêt de l'article 2 qui étend les mesures de protection des lanceurs d'alerte en matière financière et qui va, lui aussi, dans le bon sens.
D'après le dernier rapport annuel de l'observatoire des tarifs bancaires pour les départements et régions d'outre-mer, sur un an, en Guadeloupe et en Martinique, les tarifs de huit des quatorze services bancaires analysés ont augmenté : pour un compte courant, une carte bancaire et deux retraits par mois, il faut compter une cotisation moyenne de 72 euros en outre-mer, contre 66 euros dans l'Hexagone – pour des services identiques. En fonction des établissements, ces écarts de frais bancaires sont parfois encore plus importants et atteignent jusqu'à 20 %. Comment de tels écarts peuvent-ils se justifier ? Cette situation ne date pas d'hier et entraîne toujours autant d'incompréhension de la part des Ultramarins.
Enfin, notre groupe salue l'extension bienvenue des missions de l'Iedom et de l'Ieom, qui renforce l'information économique et le contrôle prudentiel dans les territoires ultramarins, tout en permettant à l'Inspection générale des finances (IGF) de s'assurer que la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est menée à bien.
En revanche, à l'instar de M. Christian Baptiste en première lecture, permettez-moi d'émettre un profond regret concernant le sujet des frais bancaires. L'article 5 revient sur la gratuité de tous les retraits d'espèces dans les distributeurs automatiques de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Nous pensons que c'est une erreur ; nous avions au contraire défendu deux amendements pour étendre cette gratuité à l'ensemble des distributeurs des territoires d'outre-mer.
Les inégalités entre les tarifs des banques dans l'Hexagone et en outre-mer sont une réalité bien connue des pouvoirs publics. Il est en effet important de faire participer les banques à l'effort collectif afin de redonner du pouvoir d'achat aux populations de nos territoires déjà bien vulnérables. Les différences que nous constatons dans le secteur bancaire en outre-mer n'arrangent en rien ces constats et pire encore, les accentuent.
Nous voterons donc ce texte tout en invitant le Gouvernement à prendre en compte dans les semaines et les mois à venir nos propositions pour lutter contre la vie chère en outre-mer. Monsieur le ministre délégué, nous avons besoin dans cette assemblée d'un grand projet de loi de développement pour nos territoires ultramarins, avec un véritable débat sur les solutions à apporter dans le temps long.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe RE. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
Je me félicite, au nom des députés du groupe Horizons et apparentés, de l'accord trouvé en CMP sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer. Je me réjouis d'arriver au terme d'un processus législatif rapide et sérieux qui fait honneur à nos assemblées. Je remercie à ce titre les rapporteurs sur ce texte de l'Assemblée nationale et du Sénat pour le travail conjoint qu'ils ont mené en bonne intelligence et qui a permis de parvenir à un accord.
Cela a été dit : si ce projet de loi est à l'évidence un texte technique, il n'en est pas moins important pour assurer une plus grande lisibilité et accessibilité de notre droit bancaire, monétaire et financier.
Le projet de loi permet en premier lieu de ratifier l'ordonnance du 15 septembre 2021 – qui, en l'absence de ratification avant le 26 août 2023, deviendrait caduque. Ce sera chose faite si nous adoptons définitivement ce projet de loi.
La ratification de ces ordonnances parachève un travail de recodification de longue haleine, mené par les services de l'administration, que je salue. Cela permettra d'améliorer l'intelligibilité du droit bancaire et financier pour les acteurs établis dans les territoires d'outre-mer, tout en mettant à jour les dispositions obsolètes.
Je salue également l'apport des sénateurs à ce texte, au travers notamment de l'article 1er bis qui prolonge de deux ans l'expérimentation concernant le financement participatif. Cette expérimentation devait permettre aux collectivités territoriales de bénéficier dès le 1er janvier 2022 de revenus tirés d'un projet de financement participatif obligataire, au profit de tout service public à l'exception des missions de police et de maintien de l'ordre public.
Par ailleurs, notre assemblée a également inséré deux articles additionnels, à l'initiative du rapporteur. Le premier rendra applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna les nouvelles dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués. Le second mettra à jour différentes dispositions relatives à l'encaissement des chèques en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Ces deux apports étaient nécessaires.
Enfin, nous nous réjouissons de la modernisation des missions de l'Iedom et de l'Ieom prévue aux articles 7 et 8 du projet de loi. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.
Ia ora na ! Bonjour !
Le 21 juin, j'ai expliqué l'opposition du groupe Gauche démocrate et républicaine à ce projet de loi. En première lecture, seuls 112 députés étaient présents dans l'hémicycle, et 63 % d'entre eux uniquement ont voté pour ce texte. Depuis ma dernière intervention, une CMP s'est réunie afin de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion : c'est ce texte que nous examinons aujourd'hui.
Force est de constater que les craintes que j'avais émises au sujet de l'article 5 n'ont pas été prises en compte, alors que plusieurs de mes collègues ont émis les mêmes réserves en première lecture. En effet, le maillage et l'offre bancaires dans les collectivités ultramarines ne sont pas ceux de l'Hexagone. De plus, le coût de la vie est plus élevé dans ces territoires, et l'adoption de cet article sera lourde de conséquences pour les ménages ultramarins.
Pour la petite histoire, en application de l'ordonnance du 15 février 2022, la gratuité de tous les retraits d'espèces par carte en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie a été instaurée. L'article 5 restreint cette gratuité aux seuls clients de la banque du distributeur automatique en question. C'est dire les efforts que fait le Gouvernement central pour accroître les contraintes financières des foyers déjà en difficulté ! Revenir sur l'ordonnance de 2022 est, je l'ai déjà dit, une occasion manquée d'alléger le coût de la vie des administrés de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.
Enfin, sur l'aspect procédural, je ne peux que souhaiter que les prochains projets de loi soient étudiés selon une méthodologie différente, et qui, comme précisé dans l'avis de l'Assemblée de Polynésie française de février 2022, ne rende pas « impossible, faute de temps et de concertation, d'évaluer les effets des modifications proposées ».
Mes priorités sont et resteront la prise en compte des spécificités ultramarines par le Gouvernement central et la lutte contre la vie chère. Nous maintenons donc notre vote contre ce texte.
Mauruuru. Merci.
Applaudissements de M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
L'accord trouvé en CMP a conservé les quelques ajouts et modifications adoptés au Sénat et à l'Assemblée durant la navette parlementaire. C'est pourquoi le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera ce projet de loi, comme il l'a fait en première lecture.
La recodification du code monétaire et financier, dans sa partie relative à l'outre-mer, était nécessaire. Les ordonnances que nous ratifions participent, à droit constant, à une meilleure lisibilité du code. Le présent projet de loi adapte également certaines dispositions bancaires et financières aux territoires ultramarins.
Ce texte entend appliquer des dispositions techniques à des collectivités ayant des statuts particuliers. De plus, la ratification de l'ordonnance du 15 février 2022, prise en application de l'article 74-1 de la Constitution, devait être effective avant le 26 août 2023. Les délais pour la ratification étaient donc contraints. Nous regrettons que le Gouvernement ait déposé ce texte tardivement. En effet, les ordonnances ont été publiées en septembre 2021 et en février 2022 : pourquoi avoir attendu encore plusieurs mois pour nous présenter ce texte ?
L'article 3 bis adapte aux territoires ultramarins le contrôle des cryptoactifs. Il s'agit d'un article de cohérence puisque notre assemblée a adopté début 2023 une loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne.
Les territoires ultramarins seront donc concernés par le régime pilote de l'Autorité des marchés financiers (AMF) sur la blockchain ainsi que par la régulation des prestataires de services sur les actifs numériques. Dès 2024, ces entreprises devront procéder à un enregistrement, sous contrôle de l'AMF.
Nous regrettons que le Gouvernement revienne sur la gratuité des retraits d'argent au distributeur dans les collectivités du Pacifique. Même si cette gratuité inhabituelle résultait d'une erreur de l'administration, survenue lors de la recodification, son maintien aurait soutenu le pouvoir d'achat de nos concitoyens, dans un contexte d'inflation.
D'ailleurs, nous regrettons que l'amendement du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires qui avait pour objet la production d'un rapport sur le coût de l'abaissement du plafond des frais bancaires dans les territoires ultramarins n'ait pas été retenu lors de la première lecture du texte, en commission des finances.
Nous le savons, le problème de pouvoir d'achat est bien plus aigu et complexe en outre-mer que dans l'Hexagone – pour mémoire, d'après le rapport de l'observatoire public des tarifs bancaires dans les COM du Pacifique de l'Ieom, dans cette zone, six tarifs restent supérieurs à la moyenne nationale et cinq sont en hausse. De même, les frais de tenue de compte en Guadeloupe, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon sont supérieurs de 12 % à 25 % à ceux de l'Hexagone.
Si l'extension des missions de l'Iedom est bienvenue, la réforme du contrôle des comptes de l'Institut devra être évaluée et surveillée – puisqu'il s'agit d'une filiale de la Banque de France, ses comptes doivent être irréprochables.
Enfin, notre groupe salue le choix de la commission mixte paritaire de supprimer l'article 9 relatif au fichier des comptes outre-mer, le Ficom. Le désaccord sur cet article au sein de cet hémicycle et avec le Gouvernement a donc pu être levé. Nous soutiendrons donc ce texte sans hésiter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Même si c'est avec retard, nous arrivons au terme de l'examen de ce texte de ratification. Je remercie donc M. le ministre délégué d'avoir permis d'accélérer les choses, afin qu'il soit adopté dans les délais. Je vous remercie également, monsieur le rapporteur, pour votre implication dans ce texte relatif aux outre-mer – vous pourrez désormais viser une élection dans une circonscription de Nouvelle-Calédonie avec facilité !
Ce texte technique a son importance. Comme l'a rappelé M. le ministre délégué, il permet de simplifier, de faire gagner en intelligibilité et lisibilité le droit bancaire en outre-mer. Nous en avions besoin pour mieux comprendre les transferts financiers et les règles qui doivent s'imposer aux réseaux bancaires.
Je salue également la modernisation de l'Ieom prévue par le texte. Elle permettra notamment à l'Institut de lutter contre la fraude bancaire, la fraude fiscale, dans des territoires géographiquement éloignés de la France hexagonale mais proches de certains pays pratiquant la fraude fiscale.
Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, de n'avoir pas opté pour un code dédié aux outre-mer. Si l'on veut unir la nation – je touche ici à un débat actuel –, il ne faut pas diviser ses territoires. L'intégration des dispositifs relatifs aux territoires d'outre-mer dans le code monétaire et financier confirme que ceux-ci font partie intégrante de la grande nation française.
Un travail doit toutefois encore être mené concernant le franc CFP, appelé par le passé « franc des Colonies françaises du Pacifique », la monnaie utilisée dans trois territoires du Pacifique, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie.
Il n'est plus possible de maintenir un tel nom et une telle monnaie, dans la France du XXI
Il faudra étudier le passage à l'euro et contrôler l'augmentation des prix qu'il pourrait entraîner, parce qu'il n'est pas possible de réunir la nation avec un franc faisant référence aux colonies.
La Nouvelle-Calédonie souhaite une telle évolution le plus rapidement possible – voilà un très bon dossier pour M. le ministre délégué. Le groupe Renaissance votera cet excellent texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Nous nous prononçons sur ce texte très technique à l'issue de plusieurs semaines d'examen et d'un accord en commission mixte paritaire.
Rappelons que les règles de régulation financière en outre-mer, comme en métropole d'ailleurs, se sont multipliées depuis la crise financière de 2008, rendant les dispositions du code monétaire et financier relatives à l'outre-mer illisibles. Nous prenons acte de la volonté du Gouvernement de les simplifier avec ce texte.
L'article 1er bis, adopté par les deux chambres dans les mêmes termes, permettra de prolonger l'expérimentation du financement participatif des collectivités locales – sans que l'on comprenne bien ce qu'une telle disposition vient faire dans un projet de loi relatif à l'outre-mer.
Nous regrettons la fin de la gratuité de tous les retraits d'espèces dans les distributeurs automatiques de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Même si cette gratuité résultait d'une erreur technique, son annulation revêt une dimension politique, dès lors que nos concitoyens en ont bénéficié. Ce choix est d'autant plus contestable que les frais bancaires restent plus élevés dans ces collectivités qu'en métropole.
À l'initiative du rapporteur, le texte a fait l'objet de plusieurs ajouts, sur des points peut-être techniques, mais insuffisamment expliqués. En commission, plusieurs articles additionnels ont ainsi été introduits, malgré la faiblesse de leur motivation et sans que nous en connaissions les tenants et les aboutissants. Cette manière de faire qui permet d'échapper aux études d'impact, devrait être proscrite, pour la bonne information des parlementaires.
Néanmoins, nous accueillons avec satisfaction la suppression de l'article 9, qui prévoyait un régime juridique différent en matière d'accès aux données bancaires en métropole et en outre-mer, sans que l'on comprenne bien pourquoi et alors que la question est sensible ici comme là-bas. En tout cas, le Sénat a jugé cette disposition inutile et contre-productive. C'est également notre position. Nous sommes donc satisfaits que sa suppression ait été définitivement actée par la CMP.
En outre, le texte a le mérite de clarifier les dispositions du code monétaire et financier relatives à l'outre-mer et à les rendre plus lisibles. C'est un signal positif adressé à nos concitoyens ultramarins. Le groupe Rassemblement national votera donc ce texte, même s'il lui semble incomplet, car il faut mener rapidement une réflexion sur les inégalités injustifiées en matière de frais bancaires et financiers entre la métropole et les territoires d'outre-mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Arnaud Le Gall.
Il nous est demandé de ratifier les ordonnances relatives au livre VII du code monétaire et financier, qui concerne les outre-mer. Tout le monde convient que ce code était devenu « illisible et inadapté pour les usagers », selon le rapport sénatorial afférent. L'évolution considérable du cadre normatif depuis la crise financière de 2008 et le développement du droit européen impliquaient son toilettage.
Pourtant, disons-le d'emblée, le projet de loi apparaît toujours complexe pour qui veut avoir une vision claire des enjeux. S'il n'est pas question d'en dénoncer la technicité – ces questions la requièrent –, notre objectif doit être de voter des lois lisibles, y compris pour les non spécialistes. La forme rejoint ici le fond. Les modalités d'élaboration du texte illustrent les difficultés des gouvernements successifs à prendre en compte les réalités des territoires dits d'outre-mer.
On nous demande, une fois encore, de ratifier par pur formalisme des ordonnances déjà prises. Pire, comme le Gouvernement n'a pas pris les ordonnances dans les délais fixés, on nous demande d'examiner le texte en urgence. Cela peut paraître un détail, mais pour nos compatriotes d'outre-mer, c'est une nouvelle preuve d'un manque de considération. Cette méthode a ainsi été dénoncée par l'Assemblée de la Polynésie française, qui a regretté des saisines multiples et en urgence du Gouvernement, alors même que les travaux menés en amont pour modifier le code ont duré plus de trois ans. Cette assemblée a émis un avis défavorable sur l'une des ordonnances qu'on nous demande de ratifier – celle du 15 février 2022 – en raison, je cite, de « la méthodologie employée par l'État, qui continue de nuire gravement à l'intelligibilité du droit en matière monétaire et financière car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d'évaluer les effets des modifications proposées ».
Cela dit, le texte comporte quelques vraies avancées, comme la modification des missions de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, filiale de la Banque de France agissant au nom et pour le compte de celle-ci dans les cinq départements d'outre-mer et dans trois collectivités d'outre-mer.
Il comporte également des articles plus problématiques, comme celui, qui ne concerne pas spécifiquement les outre-mers, relatif à l'expérimentation permettant aux collectivités de recourir au financement participatif obligataire pour leurs projets non commerciaux. Ce financement risque d'alourdir la dette des collectivités auprès de bailleurs privés.
Peut-être, mais elles pourront le faire – c'est un problème. Des entités ayant leurs propres intérêts privés risquent de définir de plus en plus fréquemment les besoins des collectivités, alors qu'elles n'ont pas été mandatées pour cela. Par ailleurs les surcoûts – notamment liés aux coûts d'intermédiation et aux taux d'intérêt, qui peuvent être supérieurs à ceux du marché – risquent de s'accroître. Est-il opportun d'introduire une telle disposition alors qu'un nombre toujours plus élevé de collectivités est en grande difficulté financière ? En outre-mer, notamment, une proportion importante de collectivités se trouve dans l'impossibilité de respecter la règle prescrivant l'équilibre de leur budget.
Cette situation n'est pas spécifique aux outre-mer et s'explique par l'austérité budgétaire imposée depuis des années par l'État aux collectivités territoriales. Pour rappel, le montant de la dotation globale de fonctionnement est passé de 41,5 milliards d'euros en 2013, à 26 milliards aujourd'hui. Pour l'année 2023, la simple non-prise en compte de l'inflation entraîne une perte sèche de 4 milliards d'euros pour les collectivités territoriales, alors qu'elles sont, comme vous le savez, le premier investisseur public en France et ont donc un effet déterminant sur notre économie.
Tout aussi étonnante est la suppression de la gratuité de tous les retraits d'espèces dans un distributeur automatique en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Le Gouvernement aurait introduit cette gratuité par erreur. Mais l'erreur était bienvenue et il n'était pas nécessaire de la corriger !
Cet épisode, qui confirme une certaine désinvolture de l'État, que j'ai déjà pointée, aura des conséquences financières négatives pour nos concitoyens ultramarins, alors que les frais bancaires restent plus élevés dans leurs collectivités que dans l'Hexagone.
Pour ne pas bloquer les avancées réelles que ce texte prévoit, nous ne nous opposerons pas à celui-ci. Mais, puisqu'il n'est pas possible de passer sous silence le problème de méthode, qui est aussi un problème démocratique, le groupe La France insoumise ne le votera pas non plus et s'abstiendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le présent texte, issu de l'accord trouvé en commission mixte paritaire avec nos collègues sénateurs, clôt un travail de recodification essentiel afin de clarifier et de rendre plus lisibles les dispositions du code monétaire et financier applicables en outre-mer. Il est identique à la version adoptée par notre chambre à l'issue de la première lecture – à l'exception de l'article 9, qui est supprimé. Le groupe Démocrate le soutiendra, car il préserve et conforte les objectifs initiaux de ce projet, que je tiens à rappeler.
Ce texte permettra de parachever un travail long, trois ans, mené par le Gouvernement par voie d'ordonnances afin de remédier au caractère illisible et inadapté du livre VII du code monétaire et financier : illisible, car sa structure est désordonnée, les conditions d'application des dispositions du code étant fréquemment réparties entre plusieurs titres et chapitres ; inadapté car les évolutions normatives en matière de régulation financière furent nombreuses ces dernières années, faisant perdre en cohérence et en clarté de nombreux articles.
Nous saluons la qualité du travail réalisé par le Gouvernement et l'administration en charge de la recodification, reconnue par la Commission supérieure de codification, qui s'est félicitée du progrès que constitue cette réécriture.
En ratifiant les ordonnances, nous accordons une valeur législative à ces changements, évitant ainsi leur obsolescence et préservant les efforts considérables déployés pour cette recodification. Même si ce projet de loi semble purement technique, il rendra la loi plus accessible, intelligible et protectrice pour l'administration, la justice et les usagers.
En outre, le texte modernise l'Iedom et l'Ieom, renforçant ainsi leur rôle dans les territoires d'outre-mer. L'article 7 permet d'établir des échanges de données statistiques entre l'Iedom et l'Insee, ce qui renforcera la qualité des analyses économiques et financières dans ces territoires. L'article 8 accorde à l'Ieom la possibilité de noter la situation financière des entreprises volontaires et de partager ces informations avec les acteurs impliqués dans la prévention et le traitement des difficultés des entreprises. Il s'agit, grâce à ce dispositif, de prévenir efficacement les faillites d'entreprise.
En conclusion, le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) votera en faveur du projet de loi, qui améliore la lisibilité du droit bancaire et financier outre-mer et renforce les institutions financières dans ces territoires. Nous soutenons cette démarche, et sommes convaincus de son importance.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR et sur quelques bancs du groupe LR.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 135
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 111
Contre 5
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et LIOT.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, des dispositions restant en discussion du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (n° 1451).
La parole est à Mme Nadia Hai, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Tout d'abord, je tiens à rendre hommage appuyé à nos douaniers qui, chaque jour, sont engagés pour notre protection, pour celle de nos frontières et de notre pays – nous l'avons encore constaté avec les émeutes de ces derniers jours.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La lecture des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP), qui s'est tenue il y a une semaine, nous permet de clore l'examen du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire aux nouvelles menaces. L'examen de ce texte s'est caractérisé par une volonté de coconstruction et de recherche du compromis, à l'Assemblée nationale notamment, puisque le texte a été adopté à l'unanimité en séance publique lors de la première lecture.
La recherche du consensus et un esprit d'ouverture ont également prévalu dans nos échanges avec le Sénat. Le travail de préparation que nous avons mené, ma collègue Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis de la commission des lois, et moi-même, avec les rapporteurs des commissions des finances et des lois du Sénat, a permis de parvenir à une rédaction de compromis aboutie, le Gouvernement ne nous proposant par voie d'amendements que quelques modifications de coordination.
La commission des lois de l'Assemblée nationale s'est saisie au fond des articles 1er à 5, 8 et 11 du projet de loi, auxquels se sont ajoutées quatre nouvelles dispositions introduites au Sénat. Sur ces onze articles, seuls deux – les articles 2 et 11 ter – ont nécessité des échanges approfondis entre ma collègue Élodie Jacquier-Laforge, qui rapportait ces articles, et son homologue du Sénat, l'ancien ministre Alain Richard.
La presque intégralité de l'article 2, qui réécrit le droit de visite douanier à la suite de la censure du Conseil constitutionnel, a fait l'objet d'un accord entre nos deux chambres, et la CMP a retenu la rédaction issue de l'Assemblée.
Une proposition de rédaction a néanmoins été soumise par M. Alain Richard concernant l'information du parquet si la visite douanière dure plus de quatre heures. Il a suggéré de circonscrire de façon mesurée les exceptions à cette règle, quand la visite dans un bureau de douane concerne une personne – et cette position a été validée par la majorité des membres de la CMP. Si de telles visites seront probablement rares, voire hypothétiques, il nous est tout de même apparu utile de prévoir une garantie.
Je serai plus brève sur l'article 11 ter, qui crée la catégorie d'agent de police judiciaire des finances, chargé de seconder les officiers de douane judiciaire et les officiers fiscaux judiciaires du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF) : une rédaction juridiquement plus claire et précise a été adoptée.
J'en viens aux articles examinés par la commission des finances, portant sur la modernisation des procédures d'enquête douanière et le renforcement des sanctions applicables au trafic de tabac. Les rédactions de compromis issues de la CMP ont permis de préciser les dispositifs ou d'en sécuriser l'application. Je m'attarderai sur trois aspects de nos travaux. L'article 9, qui permet la réalisation de saisies probatoires dans le cadre des retenues douanières, soulevait quelques questions concernant le traitement des données saisies. Poursuivant le travail entamé à l'Assemblée nationale, la rédaction issue de la CMP précise les modalités de stockage et de destruction de ces données. La rédaction finale de l'article conjugue ainsi la prise en compte des principes dégagés par le Conseil constitutionnel et l'efficacité opérationnelle.
Les articles introduits à l'Assemblée nationale concernant l'anonymisation des douaniers constituent également une avancée majeure et permettent de rapprocher le régime applicable de celui des agents des finances publiques. Sur proposition du Sénat, nous avons précisé les modalités de mise en œuvre de cette anonymisation.
Enfin, l'article 12, qui prévoit un dispositif d'incitation au retrait de contenu par les plateformes, a fait l'objet de nombreuses modifications au cours de la navette. Nous sommes arrivés à un équilibre satisfaisant, qui répond tant à l'objectif d'opérationnalité que de sécurité juridique.
Enfin, des amendements de différents groupes adoptés par notre assemblée en première lecture ont contribué à enrichir les dispositifs. C'est le cas du sous-amendement du groupe Écologiste – NUPES visant à permettre les coups d'achat en vue de favoriser la protection des espèces protégées.
Je vous invite donc à adopter la rédaction du texte issue des travaux de la CMP : elle reflète le travail constructif mené par nos assemblées et améliore considérablement le cadre juridique d'exercice des missions de la douane.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous voici sur le point de franchir ensemble la dernière étape de l'examen de ce texte, après l'accord trouvé mercredi dernier par la commission mixte paritaire. Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont rendu ce compromis possible et qui ont, durant les phases antérieures, contribué à enrichir ce texte.
Cet accord a été avalisé par le Sénat lundi et les sénateurs ont accepté six amendements de portée rédactionnelle, rédigés en collaboration avec les commissions des finances et des lois des deux chambres – j'y reviendrai.
Très largement adopté au Sénat à la fin du mois de mai, ce projet de loi a fait l'objet d'un vote à l'unanimité à l'Assemblée, le 21 juin dernier – c'est suffisamment rare pour être souligné.
Malgré les réserves exprimées par certains groupes, pas un seul député n'a voté contre. C'est pour moi, comme pour nos 17 000 douaniers, une très grande satisfaction.
Je remercie à nouveau toutes celles et ceux qui ont rendu possible ce vote unanime, en premier lieu les deux rapporteures, Mmes Nadia Hai et Élodie Jacquier-Laforge, qui ont conduit un travail remarquable en allant sur le terrain et en échangeant avec nos douaniers. Je remercie également les députés particulièrement investis sur ce texte – Sabrina Agresti-Roubache ou Mathieu Lefèvre par exemple.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je remercie évidemment le groupe Démocrate, notamment Christophe Blanchet, et le groupe Horizons.
Le texte ayant été très largement amélioré lors de son examen dans cet hémicycle et adopté à l'unanimité, je remercie les députés des oppositions, eux aussi particulièrement impliqués : Véronique Louwagie, Marie-Christine Dalloz, Émilie Bonnivard, pour les ajouts importants, notamment ceux liés à l'utilisation des voitures avant jugement ; M. Bouloux pour le groupe Socialistes et apparentés ; M. Léaument pour La France insoumise ; M. Sabatou pour le Rassemblement national ; Mme Regol, à l'origine de l'ajout d'une disposition très importante visant à sécuriser le recours à la procédure du coup d'achat douanier pour les espèces protégées.
Cela veut-il dire que nous sommes d'accord sur tout, ou que ce vote efface nos différences d'approche et de sensibilité ? Évidemment, non, mais cela signifie simplement que nous sommes capables de faire bloc lorsque la protection des Français est en jeu.
Voter ce texte, c'est tout simplement faire front uni derrière nos 17 000 douaniers, auxquels je veux rendre hommage. Voter ce texte, c'est soutenir celles et ceux qui servent l'État dans des conditions parfois très difficiles. J'apporte ici mon soutien aux policiers et aux gendarmes, comme à l'ensemble des forces de l'ordre, qui, ces derniers jours, ont lutté contre ceux qui cassent, qui brûlent, qui saccagent et qui pillent.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, SOC, HOR et LIOT.
Tout au long de cet épisode, les douaniers ont été très mobilisés partout en France, même si l'on en a peu parlé. Ils ont participé au contrôle des matériels dangereux qui pouvaient alimenter les violences urbaines – mortiers, feux d'artifice, armes par destination. Ils ont également été mobilisés pour suppléer les forces de l'ordre dans leur mission de contrôle migratoire, leur permettant de se consacrer à l'urgence que constituait la sécurisation de la voie publique. Nous sommes avec eux, nous saluons leur courage et nous ferons tout ce qui est nécessaire – dans le cadre de la loi – pour maintenir l'ordre républicain.
En votant ce texte, vous donnerez à nos douaniers des outils supplémentaires pour lutter contre les trafics, mieux protéger nos frontières et, donc, mieux protéger les Français. Ce projet de loi, nos douaniers l'attendent car ils en ont besoin pour agir dans un cadre clair, et avec des moyens nouveaux. C'est le point d'aboutissement de mois de travail, en collaboration étroite avec les organisations syndicales, associées à chaque étape de l'élaboration du texte.
Nous avons également travaillé en lien permanent avec le Conseil d'État afin de nous assurer que l'équilibre trouvé est bien conforme aux exigences du Conseil constitutionnel. Il me semble que le compromis qui vous est soumis est le meilleur possible, entre efficacité opérationnelle et respect des libertés.
Oui, nous devons faire bloc derrière nos douaniers. Faire bloc, c'est d'abord leur donner les moyens d'exercer leurs missions. C'est l'objet du contrat d'objectifs et de moyens dont nous avons doté la douane pour 2022-2025. Ce contrat prévoit que la douane bénéficiera de plus de 148 millions d'euros supplémentaires et d'une garantie de stabilité de ses effectifs.
J'ai parfaitement conscience des critiques exprimées par certains groupes, notamment à gauche de cet hémicycle, sur les effectifs et sur la création de la réserve opérationnelle. Je le répète, il s'agit seulement de constituer une force d'appoint mobilisable lors d'événements exceptionnels. Regardez ce qui s'est passé pour la gendarmerie ou la police nationale : la création de réserves opérationnelles n'a absolument pas empêché la croissance des effectifs, bien au contraire.
Faire bloc derrière nos douaniers, c'est aussi sécuriser leur action sur le plan juridique. Je pense bien sûr au droit de visite. Les articles 1er à 5 du projet de loi assurent sa mise en conformité, par trois grands moyens.
D'abord, en inscrivant dans la loi les principes issus, au fil des années, de la jurisprudence de la Cour de cassation. Sont ainsi codifiés le caractère contradictoire des contrôles, l'interdiction de la fouille à corps et la limitation du maintien à disposition des personnes au temps strictement nécessaire aux opérations de visite.
Ensuite, le texte conserve une prérogative de contrôle étendue dans la zone frontière, que justifie la nature même des infractions douanières. Le droit de visite continuera à s'exercer sans modification dans le rayon des douanes, fixé à 40 kilomètres des frontières, ainsi que dans les ports, les aéroports et les gares ferroviaires et routières internationales.
Enfin, le projet de loi encadre le droit de visite à l'intérieur du territoire. Cette prérogative s'exercera désormais dans deux cas précis : sur le fondement de raisons plausibles de soupçonner que la personne contrôlée a commis une infraction douanière, ou après information préalable du procureur de la République – j'insiste : information, et non autorisation préalable, pour préserver la fluidité du travail des douaniers.
Nous avons eu des débats nourris, notamment sur le rayon des douanes, sur le rôle du procureur de la République et sur la durée maximale d'opérations de contrôle consécutives. Sur l'article 2, comme sur les autres dispositions du texte, la commission mixte paritaire a abouti à un compromis très satisfaisant. Je ne défendrai aujourd'hui, au nom du Gouvernement, que six amendements rédactionnels, qui visent à clarifier le texte avant son adoption définitive. Ils ont été élaborés en concertation étroite avec les divisions des lois et les commissions des finances et des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale. Le Sénat a adopté des amendements rédigés dans les mêmes termes, avec un avis favorable du rapporteur. J'invite donc votre assemblée à les voter conformes, afin que la loi puisse être promulguée dans les tout prochains jours, sécurisant définitivement l'action des douaniers.
Vous l'avez compris, ce projet de loi ne consiste pas seulement à assurer la mise en conformité d'une prérogative essentielle ; il s'agit aussi d'adapter nos moyens d'action, pour que les douaniers puissent lutter le plus efficacement possible contre les menaces d'aujourd'hui et de demain.
Je le répète, nous n'avons pas le droit de perdre la bataille contre le trafic de drogues. Dans ce domaine, nous obtenons des résultats : près de 105 tonnes de stupéfiants ont été saisies l'année dernière, dont plus de 70 % l'ont été par les douaniers.
Le texte qui vous est soumis conserve un apport essentiel introduit lors de l'examen par l'Assemblée nationale, pour lutter contre les précurseurs chimiques, des substances légales utilisées pour la confection de drogues de synthèse. Comme j'en ai déjà fait part à la représentation nationale au cours des débats, mes homologues de la douane américaine m'ont alerté sur les ravages que provoquent aux États-Unis les opioïdes de synthèse, en particulier le fentanyl. Il est indispensable de prendre des mesures pour éviter que ce fléau ne s'abatte sur notre pays. Votre assemblée a ainsi adopté un dispositif novateur, accepté par le Sénat. Il permettra aux douaniers de retenir pour examen l'ensemble des substances susceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes. De plus, il tend à inclure ces importations dans le champ des incriminations douanières. La CMP a amélioré la rédaction de cet article ; le résultat convient au Gouvernement.
Nous voulons aussi donner à nos douaniers les moyens de lutter contre la cyberdélinquance et la cybercriminalité. L'article 9 les autorise, au cours d'une retenue douanière, à prendre connaissance d'objets et de documents, y compris sur support numérique, qui se rapportent à un flagrant délit douanier. La rédaction issue de la CMP conserve le dispositif autorisant les agents des douanes à réaliser une copie des données saisies. En contrepartie, elle intègre une obligation indispensable pour le Sénat : l'autorisation « écrite et motivée » du procureur de la République pour décider de la restitution. C'est un bon équilibre : je félicite votre rapporteure, Nadia Hai, pour l'accord qu'elle a su trouver en CMP.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Vous le savez, un nombre croissant d'infractions douanières sont commises à partir de contenus en ligne, par exemple la vente de produits de contrefaçon ou de tabac de contrebande. C'est pourquoi l'article 12 permet aux agents d'exiger des plateformes qu'elles procèdent au retrait de ces contenus. Si elles ne répondent pas, nos agents pourront demander aux moteurs de recherche de procéder au déréférencement du contenu ou à la suspension du nom de domaine. La navette a permis à l'Assemblée nationale de préciser le dispositif de sanction pécuniaire introduit par le Sénat, afin de garantir l'effectivité des décisions de retrait et de suspension que le tribunal judiciaire peut prononcer à l'issue de la procédure. La CMP a conservé cet équilibre.
De plus, le texte prévoit d'utiliser les nouvelles technologies en matière d'enquête et de renseignement douaniers. Nous avons longuement débattu du dispositif de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (Lapi) et de la retenue temporaire d'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire ; je pense aussi à la réforme du délit de blanchiment douanier et à l'ajout des cryptoactifs à la liste des fonds pouvant relever du délit de blanchiment douanier.
Vous le voyez, l'objectif est d'offrir aux agents la panoplie la plus complète possible pour mener à bien leurs missions, en veillant scrupuleusement au respect du droit. En effet, il faut donner aux douaniers les moyens d'agir et tout faire pour éviter de les entraver, tout en demeurant dans le cadre déterminé par nos principes. Pour ma part, j'approuve l'amendement déposé par plusieurs députés du groupe Les Républicains et adopté par l'Assemblée nationale rendant le secret professionnel inopposable aux douaniers pendant une enquête. Le compromis issu de la CMP doit être précisé, pour garantir que l'ensemble des pouvoirs d'enquête seront concernés. Tel est l'objet de l'amendement rédactionnel adopté par le Sénat à l'initiative du Gouvernement, et qui vous est logiquement proposé en séance aujourd'hui.
Ce projet de loi assure également que l'identité des douaniers sera protégée chaque fois que nécessaire, afin qu'ils exercent leurs missions dans les conditions de sécurité les plus strictes. C'est la raison pour laquelle votre assemblée a souhaité améliorer le régime d'anonymisation des agents des douanes. La CMP a légèrement remanié le mécanisme voté en première lecture. En accord avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, le Gouvernement propose de préciser la rédaction de l'article 10 bis AA, issue de la CMP, pour garantir que le renvoi au régime d'anonymat prévu par le code de procédure pénale soit bien de portée générale. Ce sera également l'objet d'un amendement.
Vous le savez, ce texte tend aussi à mieux lutter contre le trafic de tabac. À cet égard, il prévoit un renforcement massif des sanctions applicables dans ce domaine.
Ces trafics sont une plaie pour la santé et la sécurité des Français, pour les finances publiques, et pour les 24 000 buralistes de notre pays.
C'est l'occasion pour moi de leur rendre hommage, eux qui ont été très durement touchés ces derniers jours.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR et Dem.
Ils ont été spécifiquement ciblés : près de 450 bureaux de tabac ont été attaqués ; plus de 200 d'entre eux ont été totalement saccagés ou incendiés. C'est inadmissible. Les buralistes sont indispensables : ils préservent le lien social dans nombre de territoires, de quartiers, de villages ; ils assurent des missions de service public. Dans les prochains jours, j'annoncerai une aide spécifique à l'intention de ceux qui ont été victimes des émeutes et des pillages.
Mêmes mouvements.
Nous agirons donc beaucoup plus fermement contre le trafic de tabac, qui pourrit les centres-villes. Nous voulons par exemple créer une peine complémentaire d'interdiction du territoire pour les étrangers qui ont fait l'objet d'une condamnation pour contrebande de tabac. Pour lutter contre la vente clandestine, notamment dans les épiceries de nuit, le texte renforcera le dispositif de fermeture administrative, grâce à un amendement de Mme Sabrina Agresti-Roubache.
M. Thomas Rudigoz applaudit.
Ces dispositions ont suscité un large consensus, je m'en réjouis.
Enfin, depuis la présentation initiale du texte, j'ai présenté une feuille de route gouvernementale concernant la lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques. Certaines des mesures qu'elle contient sont déjà présentes dans ce projet de loi. C'est le cas en particulier de la transformation du service d'enquêtes judiciaires des finances, le SEJF, en Office national antifraude aux finances publiques, Onaf, qui sera référent en matière d'enquête judiciaire sur les fraudes graves et complexes. Je me félicite que la CMP ait conservé intégralement ces dispositions essentielles aux orientations que je soutiens.
Mesdames et messieurs les députés, tels sont les enjeux de ce texte. Bien plus qu'une modernisation juridique, nous engageons une mobilisation générale, contre les trafics et les réseaux, pour celles et ceux qui œuvrent chaque jour à protéger nos frontières et les Français : nos douaniers.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Valérie Bazin-Malgras applaudit également.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Administration de la marchandise et de la frontière, la douane surveille et contrôle l'ensemble des flux de marchandises qui entrent et sortent du territoire. La lutte contre les trafics de marchandises prohibées et les flux financiers internationaux illicites fait partie de ses missions fondamentales.
En 2021, le Conseil d'État relevait les « particularités marquées » des pouvoirs d'investigation dont sont dotés les agents des douanes. Elles tiennent à la nature même des infractions douanières ; pour que les douaniers puissent remplir leur mission, le droit leur confère certaines prérogatives.
Le 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 60 du code des douanes, qui encadrait le droit de visite des douaniers, en considérant qu'il était exorbitant du droit commun et attentatoire à la libre circulation des personnes. Le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces fait suite à cette décision. En effet, le droit de visite des douaniers, essentiel à la conduite de leur action, leur conférait un droit de fouille des personnes, des marchandises et des moyens de transport. La décision du juge constitutionnel fragilise juridiquement les moyens procéduraux à leur disposition : faute d'un nouveau texte de loi, à compter du 1er septembre, les agents n'auraient plus le droit d'ouvrir un coffre de voiture.
Le présent projet de loi vise donc à lever l'ensemble de ces obstacles, en tenant compte des principes énoncés par le Conseil qui fixent un cadre géographique et fonctionnel. Cette réforme est d'autant plus opportune que le droit de visite n'avait fait l'objet d'aucune modification depuis 1948, en dépit des évolutions jurisprudentielles relatives à la protection des droits fondamentaux.
L'intérêt majeur du texte est de mettre en lumière le personnel de la direction générale des douanes et droits indirects et la façon dont il œuvre au quotidien pour l'intérêt général. L'occasion est rare : le débat parlementaire réserve d'ordinaire à cette administration fiscale un espace très ténu, limité aux seuls projets de loi de finances. Mais la multiplication des menaces extérieures et des trafics en tous genres, qui pèsent sur la sécurité et la santé de nos concitoyens, nous oblige à changer de méthodes et de moyens pour mieux les affronter. Nous le devons aux Français – le trafic de stupéfiants demeure l'un des pires fléaux de notre époque – ; aux buralistes, que le trafic de tabacs affecte durement ; aux entreprises, qui font face à la concurrence déloyale de la contrefaçon et du blanchiment.
Trois objectifs devaient donc guider l'élaboration du texte : maintenir la surveillance douanière dans l'ensemble du territoire ; moderniser l'exercice des pouvoirs douaniers ; trouver le juste équilibre entre l'impératif d'efficacité des enquêtes douanières et la préservation des droits individuels.
Dans le contexte du développement exponentiel du commerce électronique et de l'utilisation des actifs numériques, les trafiquants sont trop souvent en avance sur la loi. La frontière est désormais multidimensionnelle : maritime, terrestre, aérienne et numérique. Pour 2022, les chiffres sont éloquents : 105 tonnes de stupéfiants saisies ; 11,5 millions d'articles contrefaits retirés ; près de 650 tonnes de tabac de contrebande saisies – près de deux fois plus qu'il y a cinq ans.
Ces dernières semaines, je me suis rendue à deux reprises aux côtés de ces agents qui contribuent à préserver notre souveraineté, notre santé publique et notre économie. Je salue ici leur travail et leur dévouement ; leur propre sécurité est bien souvent elle-même menacée. Participez à un contrôle sur une entrée de l'autoroute A1, vous comprendrez de quoi je veux parler.
À des enjeux multiples il faut des mesures adaptées. Ce projet de loi y pourvoit en partie : création d'une réserve opérationnelle, qui représenterait 350 douaniers, à mobiliser d'ici à 2025 ; exploitation des nouvelles technologies ; modernisation du délit de blanchiment douanier ; renforcement des diligences de surveillance des contenus incombant aux plateformes en ligne ; renforcement des sanctions applicables aux trafics de tabac ; élargissement des prérogatives de saisie en cas de flagrant délit douanier.
La question des effectifs devra nécessairement être débattue lors du prochain projet de loi de finances pour 2024.
Eu égard à tout ce qui précède, les députés du groupe Les Républicains voteront ce projet de loi consensuel et équilibré.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Avant toute chose, permettez-moi, au nom de chacune et de chacun d'entre nous, de rendre un hommage appuyé à la douane française, administration de la frontière et de la marchandise, et de saluer l'action des femmes et des hommes qui œuvrent courageusement à la protection des frontières, de la sécurité nationale et de l'économie.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Je les remercie pour leur travail quotidien et pour les riches discussions que nous avons eues lors des auditions et à l'occasion de nos déplacements.
Ces 16 626 personnes assurent, au quotidien, la sécurité du territoire et de la population. Elles font face à des menaces nouvelles, tant sur le terrain prospère de la cybercriminalité qu'en raison de l'évolution des modes opératoires des délinquants dans le monde réel. Cela ne les empêche pas de saisir chaque jour des marchandises et des biens, comme l'illustrent les saisies records de stupéfiants – 104 tonnes – effectuées en 2022 sur les routes, dans les airs, par voie postale ou maritime, montrant ainsi l'étendue de leur rayon d'action.
Le texte de loi soumis au vote – le premier dédié à la douane depuis plus d'un demi-siècle – a pour ambition de donner aux douaniers les moyens de poursuivre et de renforcer leur action au service de notre pays. Sans intervention rapide du législateur, les douanes risquaient de se retrouver privées, dès la rentrée, de l'un de leurs principaux leviers d'action : le droit de visite des marchandises, véhicules et personnes, dont le fondement juridique a été jugé inconstitutionnel.
Le texte a été enrichi au fil des discussions en commission des lois et des finances – je remercie Mme la rapporteure Nadia Hai pour notre collaboration –, puis en séance publique à l'Assemblée et au Sénat. J'adresse également mes remerciements à M. Alain Richard, le rapporteur de la commission des lois de la Haute Assemblée.
Je profite de cette prise de parole pour insister sur les articles du texte essentiels au bon fonctionnement du travail des agents des douanes.
L'article 1er modifie la zone terrestre du rayon des douanes et en fixe la limite à 40 kilomètres à partir des frontières, sans permettre au pouvoir réglementaire de l'étendre.
L'article 2 peut être considéré comme le cœur du texte : il répond à la censure de 2022 sur le droit de visite douanière et prévoit un dispositif équilibré entre la sécurité juridique et la préservation de la capacité opérationnelle des douanes. Je tiens à le répéter, les douaniers pourront évidemment intervenir sur tout le territoire et pas seulement aux frontières. Comme nombre de mes collègues, j'ai pu constater l'efficacité du droit de visite lors d'une immersion en Isère, au péage de Voreppe. Adaptabilité et réactivité sont les maîtres mots du travail des douaniers, comme le prouvent les deux minutes et dix secondes de délai moyen pour immobiliser les marchandises.
L'article 7 prévoit la création d'une réserve opérationnelle de l'administration des douanes, destinée à remplir des missions de renfort temporaire des services douaniers. Par le biais d'un amendement de mon collègue Christophe Blanchet, le groupe Démocrate a intégré au texte la faculté, pour les étudiants réservistes, de valider des crédits ECTS – système européen de transfert et d'accumulation de crédits.
L'article 11 autorise une expérimentation de trois ans visant à exploiter de façon élargie le dispositif de Lapi, afin de contrer la sophistication grandissante des modes opératoires des délinquants dans la commission des délits douaniers les plus graves. Pour répondre à certaines craintes, le traitement des données sera soumis à l'avis favorable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), offrant ainsi des garanties et un cadre suffisants.
L'article additionnel après l'article 12, introduit en séance par l'adoption d'un autre amendement de Christophe Blanchet, ajoute les médicaments falsifiés à la liste des marchandises pouvant être contrôlées.
L'examen en commission, puis en séance publique, a conservé l'équilibre général du texte présenté par M. le ministre délégué. Le Sénat et l'Assemblée ont harmonieusement convergé, grâce à des discussions constructives et très productives. L'objectif de fournir aux douaniers les moyens de réaliser au mieux leur mission, partagé tout au long des débats, est donc largement atteint. C'est pourquoi le groupe Démocrate se prononcera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.
Nous examinons cet après-midi le texte issu de la commission mixte paritaire sur le projet de loi visant à « donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces ». Ce titre nous a conduits à nous interroger, puisque le texte ne donne aucun nouveau moyen financier aux douaniers ; il a en cela un goût d'inachevé. Nous espérons que des propositions seront formulées à ce sujet dans le projet de loi de finances pour 2024.
Le présent projet de loi n'a pas pour origine une volonté propre du Gouvernement de mettre à jour l'arsenal juridique des douanes. Remontons le cours de l'histoire : depuis plus de soixante-dix ans, les douanières et les douaniers peuvent fouiller les véhicules partout où ils le souhaitent en France. En septembre dernier, le Conseil constitutionnel a considéré que ce pouvoir était disproportionné et empiétait sur la liberté d'aller et venir et sur le droit au respect de la vie privée. Il a censuré l'article 60 du code des douanes, mais a reporté les effets de cette censure au 1er septembre prochain. Le Gouvernement disposait donc de dix mois pour proposer une nouvelle rédaction permettant la recherche des auteurs d'infractions tout en respectant les libertés fondamentales.
Monsieur le ministre délégué, vous auriez pu mener des consultations pendant un, deux ou trois mois, afin de parvenir à une bonne rédaction du nouvel article 60 – et de lui seul. Vous auriez pu ensuite proposer cette nouvelle rédaction au Parlement, avant de la transmettre au Conseil constitutionnel pour sécuriser le dispositif. Tel n'a pas été votre choix. À la place, vous avez présenté un texte contenant non seulement une réforme de l'article 60, certes urgente, mais aussi un paquet de mesures relatives à l'administration des douanes, sans lien direct avec cet article. Si certaines d'entre elles sont bienvenues et permettent de moderniser l'arsenal juridique des douanes, d'autres suscitent des interrogations de notre part – nous avons eu le loisir de vous le dire durant les débats.
Quoi qu'il en soit, il faut un nouvel article 60 du code des douanes, urgemment : nous ne pouvons évidemment pas envisager de laisser les douanières et les douaniers dans l'impossibilité de fouiller les véhicules et d'exercer leur utile travail, que je tiens à saluer, tout comme leur dévouement. Ce texte doit donc être voté ; autant le dire tout de suite, le groupe Socialistes et apparentés ne s'y opposera donc pas.
Toutefois, les débats nous ont permis de signaler nos interrogations et nos réserves. Je vais vous les rappeler, pour vous indiquer les points sur lesquels nous serons vigilants au cours des prochains mois et des prochaines années. Ce qui manque avant tout à la douane, au-delà de nouveaux arsenaux juridiques, ce sont des moyens humains et financiers. Le nombre d'agents a diminué d'un cinquième ces dernières années, alors que les trafics à démanteler, eux, ne diminuent pas.
Il faudrait pouvoir renforcer les moyens humains de manière pérenne ; à cet égard, la création d'une réserve opérationnelle pour les douanes nous laisse perplexes. Nous avons entendu vos engagements prononcés la main sur le cœur : la création de cette réserve n'empêchera pas le recrutement, voire le facilitera en faisant découvrir ces métiers. Un amendement socialiste, visant à évaluer le dispositif en matière de recrutement, a été adopté. C'est une avancée dans la mesure où l'existence même de l'observation influe sur le sujet observé – c'est un principe scientifique de physique. J'espère donc qu'elle s'exercera dans le bon sens, c'est-à-dire celui de vos propos. Le PLF pour 2024 sera un premier moment de vérité pour juger de vos engagements en matière d'effectifs.
Il y aura donc une réserve douanière. Nous souhaitions que le port d'armes soit cantonné aux réservistes connaissant la pratique des armes de par leur métier actuel ou passé – s'agissant des retraités. Vous avez répondu que ce serait largement le cas en pratique, mais sans accepter de le graver dans la loi. La question de la formation au port d'arme se pose donc.
Le combat contre le trafic de tabac s'impose comme une évidence. Il faut certes punir les trafiquants, mais les mesures proposées ne sont pas proportionnées – elles relèvent surtout de l'affichage – et leur caractère dissuasif suscite nos doutes. Le groupe Socialistes et apparentés tient à rappeler, en toute occasion, son attachement à la proportionnalité des peines.
Enfin, l'article 15 habilite pendant trois ans le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour recodifier les douanes, ce qui entraîne ipso facto le dessaisissement du Parlement sur l'intégralité du code des douanes pendant la période correspondante. Nous l'avons dit, vous auriez pu faire autrement.
En raison de ces griefs, nous ferons montre d'une abstention vigilante et resterons attentifs quant à l'application de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Permettez-moi d'exprimer la satisfaction du groupe Horizons et apparentés quant à l'accord trouvé en commission mixte paritaire sur le projet de loi visant à donner à la douane de nouveaux moyens pour faire face aux nouvelles menaces. Cet accord, ainsi que l'adoption du projet de loi dans quelques instants – je l'espère –, marque la volonté des deux assemblées de mieux doter cette direction générale, qui nous protège 365 jours sur 365. Le compromis qui a été trouvé est marquant, puisqu'il signifie que les compromis sont bien possibles, en toutes circonstances et pour tout objet.
Le présent projet de loi est d'abord la réaction à la décision du Conseil constitutionnel de censurer l'article 60 du code des douanes, relatif au droit de visite. Cette censure sera effective le 1er septembre 2023, ce qui rendait indispensable l'édiction de nouvelles dispositions législatives pour sécuriser ce dispositif-clef pour les douaniers. C'est chose faite avec ce projet de loi, qui modernise le cadre juridique du droit de visite, tout en conciliant la recherche d'auteurs d'infractions douanières avec la liberté d'aller et de venir et le respect de la vie privée.
Ce n'est pas le seul apport de ce texte, loin de là. Une réserve opérationnelle douanière sera créée, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les armées, la gendarmerie et la police. Elle permettra à des femmes et des hommes de s'engager au service des autres…
…et de faire corps avec la nation, ce dont notre pays a tant besoin aujourd'hui. Je suis convaincu qu'elle permettra de renforcer les douanes dans l'exercice de leurs missions.
Les travaux menés au Sénat d'abord et dans notre assemblée ensuite, ont permis d'enrichir substantiellement ce texte. Je pense notamment à l'article 10 bis AD, qui étend les prérogatives du SEJF dans le but de le transformer en Office national antifraude aux finances publiques. C'est dans cet esprit que nous avions déposé, avec mes collègues du groupe Horizons et apparentés, un amendement à l'article 11 ter visant à créer un statut unique d'agent de police judiciaire des finances, composé d'agents des douanes et d'agents des services fiscaux, dont la mission serait d'assister et de seconder, sans considération de leur administration d'appartenance, les officiers de douane et les officiers fiscaux judiciaires.
Je souligne également les améliorations apportées à l'article 14 bis, introduit par le Sénat, pour lutter plus efficacement contre la fraude à la TVA. Je me réjouis aussi de l'introduction d'un article 6 bis, visant à nous doter d'outils juridiques pour lutter contre le trafic des précurseurs de stupéfiants non classés. Les douaniers exerceront là une mission de protection de la santé publique ; nous oublions souvent leur rôle en ce domaine. Enfin, j'approuve l'anonymisation des douaniers dans le cadre des procédures douanières : eux aussi, parce qu'ils portent des uniformes, sont attaqués. Nous leur devons cette protection.
Je souhaite saluer le formidable travail effectué par les douaniers pour notre protection. Dans mon introduction, je rappelais qu'ils nous protègent 365 jours sur 365, comme les policiers, les gendarmes et les fonctionnaires de l'Office français de la biodiversité (OFB). Ils sont souvent attaqués, mais ne sont pas toujours soutenus par tous les députés siégeant dans cet hémicycle ; je le regrette.
Ridicule ! Même dans un texte de compromis, vous ne pouvez pas vous empêcher de nous cibler !
Vous l'aurez compris, les députés du groupe Horizons et apparentés soutiennent vigoureusement ce projet de loi. Ils attendent maintenant, monsieur le ministre délégué, un acte II portant sur les fraudes fiscales et un acte III consacré aux fraudes sociales.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
L'accord trouvé en commission mixte paritaire sur ce texte revêt une importance particulière pour l'administration douanière, notamment dans le cadre de l'exercice de sa mission de surveillance et de protection des citoyens. Pour la mener à bien, les agents des douanes exercent souvent un droit de visite, dispositif qui leur permet de pénétrer dans tous les lieux, y compris privés, et de saisir les marchandises et les documents se rapportant aux délits constatés.
La réécriture de l'article 60 du code des douanes relatif aux visites douanières et l'adoption d'une rédaction conforme aux principes supralégislatifs que sont la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée, constituent une base indispensable pour garantir la pérennité du cadre d'intervention des agents des douanes. En effet, le dispositif actuel sera caduc à compter du 1er septembre. Nous n'avons que trop attendu.
Je salue de nouveau l'action des 17 000 douaniers, femmes et hommes, qui œuvrent pour la protection de nos frontières et de notre économie. C'est toujours avec attention que j'observe l'action nationale et régionale menée en Occitanie, région limitrophe de l'Andorre, par cette administration de la frontière et de la marchandise dont l'engagement sans faille mérite respect et remerciements.
Nous saluons la création d'un nouveau chapitre relatif à la prévention des infractions commises au moyen d'internet dans le code des douanes. La douane doit effectivement s'adapter. C'est une avancée importante face à l'ampleur des fraudes à la TVA, dont le montant est estimé entre 20 et 25 milliards d'euros par an selon l'Insee, ce qui représente un véritable manque à gagner pour l'État.
Bien qu'il y ait consensus sur le fait que la commission mixte paritaire devait être conclusive, le groupe Écologiste – NUPES réitère ses réserves. D'abord, nous ne sommes pas convaincus de la pertinence du développement d'une réserve opérationnelle – cela a été souligné à de nombreuses reprises, nous le répétons –, alors même que l'administration des douanes dispose déjà de personnels dits Paris-Spéciaux. Surtout, il est nécessaire de déployer des moyens humains de façon pérenne pour faire face aux menaces déjà existantes, notamment en matière de contrôle des frontières et des zones maritimes.
Alors que la stratégie des trafiquants et des fraudeurs a évolué, il faut disposer de compétences spécifiques, mobilisables de manière durable. Or ni la réserve opérationnelle ni la suppression de plus de 2 000 postes au sein de l'administration des douanes en 2022 et 2023 ne permettent de relever ce défi. Ce texte alloue à la douane des moyens essentiellement juridiques, et non humains. En ce sens, nous avions déposé un amendement visant à modifier l'intitulé du projet de loi pour retenir le titre suivant : « Donner à la douane les moyens juridiques de faire face aux nouvelles menaces ».
Par ailleurs, l'habilitation à légiférer par ordonnance, donnée au Gouvernement pour trois ans, dessaisira le Parlement de ses prérogatives législatives pendant une période trop importante. Pour rappel, le présent projet de loi est le premier à être consacré à la douane depuis plus d'un demi-siècle. Conformément aux compétences qui nous sont dévolues par la Constitution, nous, parlementaires, étions tout à fait disposés à examiner tout texte relatif aux douanes et au contrôle des marchandises et des biens, notamment dans le contexte actuel. Nous en serons privés. De nombreux parlementaires se sont dessaisis de leur pouvoir de statuer sur un texte aussi important. Nous estimons que cette autorisation est nécessaire uniquement pour prémunir l'administration douanière d'une éventuelle censure de la nouvelle rédaction de l'article 60 du code des douanes. Nous avions fait à cet égard des propositions qui ménageaient un équilibre satisfaisant entre la protection de l'exercice du droit de visite et le respect des prérogatives du Parlement – mais, manifestement, certains parlementaires ne souhaitent pas voter.
Enfin, le recours aux drones suscite des inquiétudes. À ce jour, la police et la gendarmerie sont les seules administrations autorisées par le Conseil constitutionnel à les utiliser. Dès lors, nous plaidons plutôt pour le statu quo et une synergie d'action entre ces corps et l'administration douanière.
En conclusion, notre groupe s'abstiendra. Il s'agit d'une abstention constructive, eu égard aux prérogatives que l'article 60 consacre. Ce choix est guidé par la volonté de donner aux douaniers les moyens nécessaires à l'exercice de l'indispensable droit de visite. Par cette abstention, nous faisons preuve d'exigence. Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, nous tenterons de résoudre les nombreux problèmes que j'ai évoqués et de répondre au manque crucial de moyens de la douane.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Le projet de loi a fait l'objet d'un examen dans des délais particulièrement contraints, en raison de la nécessité de doter les douanes d'un nouveau dispositif de droit de visite. Le texte, issu des travaux de la CMP, qui nous est soumis aujourd'hui, est loin de nous satisfaire. À l'exception de l'article 60 du code des douanes, qui a fait l'objet d'une réécriture équilibrée, et d'autres dispositifs sur lesquels pesait un risque d'inconstitutionnalité, les dispositions du projet de loi ne répondent malheureusement pas à l'ambition affichée dans son titre.
Rappelons ici le travail remarquable de cette administration et de ses 17 000 agents, que certains avaient pourtant jugé désuète à la faveur de l'ouverture des frontières.
En 2022, la douane a saisi 104 tonnes de stupéfiants, représentant un montant supérieur à 1 milliard d'euros, 640 tonnes de tabac et 11,5 millions d'articles de contrefaçon. Cela dit, force est de constater que les flux illégaux se multiplient et que les criminels sont de mieux en mieux organisés.
Dans ce contexte, de l'avis de l'ensemble des syndicats, les moyens alloués se révèlent clairement insuffisants. Depuis 1993, près de 6 000 postes ont été supprimés, soit une diminution de plus de 25 % des effectifs. Dans cette guerre contre le trafic, les moyens humains constituent la clé de voûte. Alors que ce texte franchit un nouveau pas vers une société de surveillance, en prévoyant un dispositif de lecture automatisée des plaques d'immatriculation ou le recours aux drones, c'est au contraire la présence, l'expérience, le flair même des douaniers qui permettent de mener une lutte efficace.
Face à ce constat, le texte passe donc à côté de l'objectif qu'il se donne, à savoir donner des moyens à la douane, tant en matière d'effectifs que de qualification et de formation. J'insiste sur ce point car il permet d'ores et déjà d'enfoncer un coin s'agissant de la réserve opérationnelle. Cette douane low cost soulève plus de questions qu'elle n'en règle, questions auxquelles vous n'avez pu répondre, monsieur le ministre délégué. Quelles missions précises ces volontaires effectueront-ils ? Quelle formation leur sera dispensée et qui la suivra ? Dans ce contexte, et étant donné le sous-effectif de l'administration douanière, nous ne pouvons cautionner la création de cette réserve. Nous avons besoin d'emplois statutaires pour renforcer le service public douanier, afin que celui-ci se concentre sur son cœur de métier.
C'est l'autre point sur lequel je souhaite revenir, car votre texte opère également un glissement en la matière. Vu ses moyens restreints, la douane doit se concentrer sur son cœur de métier, à savoir le contrôle des marchandises. Et croyez-moi, au vu des chiffres que j'ai rappelés, il y a déjà fort à faire !
La douane n'a pas pour rôle de colmater les sous-effectifs de la PAF – police aux frontières – ni de surveiller la frontière gréco-turque dans le cadre de Frontex – Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Elle n'a pas non plus pour mission de venir en appui des opérations de maintien de l'ordre. Or ce texte accroît sensiblement le lien entre l'administration douanière et la police aux frontières, en multipliant les transmissions d'informations entre les deux administrations. Cette porosité traduit un glissement des missions des douanes, lesquelles contrôleraient davantage les personnes aux frontières.
Le projet de loi renforce aussi le pouvoir judiciaire des douanes, en créant la possibilité de doter les douaniers des attributions des officiers de police judiciaire.
Enfin, je conclus en évoquant la création, au débotté, de l'Office national antifraude qui remplacera le service d'enquêtes judiciaires des finances. Nous regrettons cette évolution, tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, l'Onaf a été créé par un amendement du Gouvernement laissant le soin à un décret de fixer le champ de ses compétences. Sur le fond, nous regrettons la disparition du service d'enquêtes judiciaires des finances, qui effectuait un travail efficace contre la fraude fiscale et douanière et qui paie aujourd'hui les conséquences de l'obsession du Gouvernement en matière de fraude sociale.
C'est n'importe quoi !
Vous comprendrez donc que, dans ces conditions et malgré la nécessité de réécrire l'article 60 du code des douanes, nous ne pourrons apporter notre soutien à ce texte. Nous nous abstiendrons donc sur le vote de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
La mondialisation, l'ouverture des frontières et l'intégration européenne ont longtemps laissé penser que l'échelon national était périmé et que le rôle des douanes allait décliner. Pourtant, dans un monde où la criminalité dispose de toujours plus de moyens pour se livrer à ses activités, les douanes apparaissent aujourd'hui comme indispensables.
Elles défendent, en effet, notre souveraineté territoriale en assurant le contrôle aux frontières. Lorsque les douaniers veillent à ce que les marchandises importées soient conformes aux standards européens, en matière sanitaire par exemple, ils protègent les consommateurs contre les malfaçons – marchandises contrefaites et médicaments falsifiés, notamment – et les entreprises confrontées à la violation des droits de propriété intellectuelle et à une perte de chiffre d'affaires. Lorsque la DGDDI – direction générale des douanes et droits indirects – lutte contre le trafic de tabac, de stupéfiants et de précurseurs de drogues, elle participe également aux objectifs de santé publique et contribue à limiter la perte de recettes fiscales. Enfin, l'administration des douanes protège notre modèle social, en évitant que des abus à la liberté de circulation des personnes et des marchandises soient commis dans l'espace Schengen, et en luttant contre le crime organisé et le financement du terrorisme.
Pour remplir toutes ces missions, la douane a besoin d'un cadre d'action rénové, mais également de moyens humains importants. Or, sur ce dernier point, nous regrettons que le projet de loi ne fasse pas mention de la forte baisse des emplois survenue ces dernières années, ni des moyens nécessaires pour inverser la tendance. Des chiffres illustrent ce constat : le programme budgétaire Facilitation et sécurisation des échanges comportait près de 17 000 équivalents temps plein en 2019, contre 16 380 à la fin de l'année 2022, soit une diminution de plus de 550 postes en quatre ans.
Permettez-moi donc de saluer les douaniers qui travaillent au quotidien partout en France, notamment chez moi, en Corse, où la douane est implantée à Bastia. Elle possède également des antennes dans la plupart des circonscriptions des membres du groupe LIOT, comme à Valenciennes, Foix, Pointe-à-Pitre ou Saint-Pierre.
Je tiens à revenir sur la mouture finale du projet de loi. Le texte a été enrichi au cours de la navette parlementaire, particulièrement lors de son examen à l'Assemblée nationale, il y a deux semaines. Il acte d'abord la refonte du droit de visite des douanes. Les dispositions en vigueur ont été déclarées contraires à la Constitution au mois de septembre 2022 et nous avons jusqu'à l'automne pour préserver l'un des principaux moyens d'action de la DGDDI. Malgré l'urgence, à chaque fois, notre groupe a défendu une position équilibrée. En effet, l'efficacité de la lutte contre les fraudes ne doit pas restreindre la protection des libertés individuelles ; nous tenons à l'une comme à l'autre.
Face aux importantes capacités financières et technologiques mobilisées chaque jour par les organisations criminelles, il importe de mettre à jour l'arsenal législatif et technique de la douane. Néanmoins, nous considérons que les techniques d'enquête et les outils utilisés lors des contrôles sont parfois exagérés et n'offrent pas les garanties suffisantes pour protéger la vie privée. Je pense aux techniques d'écoute et de captation d'images, au gel prolongé des données numériques ou encore à l'extension de l'utilisation des drones.
Par ailleurs, nous regrettons la création des catégories d'agents de douanes judiciaires et d'agents fiscaux judiciaires par voie d'amendement. Ces dispositions ne reposent sur aucune étude d'impact préalable. Pour rappel, dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes a proposé d'élargir le périmètre des études d'impact aux amendements, lesquels permettent de facto au Gouvernement de passer outre le contrôle préalable du Conseil d'État.
Enfin, nous prenons acte de la création d'une réserve opérationnelle. L'article 7 a donné lieu à des débats de qualité sur la protection des salariés, le port d'arme et Frontex. Toutefois, cette réserve semble devoir concourir à plusieurs objectifs : le Gouvernement a annoncé qu'elle devra, tour à tour, répondre à des pics d'activité, doper l'attractivité des postes permanents de la DGDDI et permettre l'acquisition de compétences rares, notamment en informatique. Il peut être contreproductif de chercher à atteindre autant d'objectifs et nous attendons de pouvoir juger de son efficacité.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe LIOT voteront très majoritairement pour ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur les bancs des commissions.
Nous sommes réunis pour examiner, sur le rapport de la commission mixte paritaire, le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Ce texte est historique pour les douaniers, car il s'agit du premier projet de loi dédié aux procédures douanières depuis 1965 et parce que la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022 nous a obligés à trouver une solution efficace dans un temps très contraint. Cette solution, c'est le projet de loi que nous examinons.
Celui-ci définit un nouveau cadre législatif applicable à l'action des agents douaniers, en permettant de mieux circonstancier l'exercice de leur droit de visite et en tenant compte des lieux et des motifs de sa mise en œuvre ainsi que des garanties apportées aux droits des personnes, afin d'assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions douanières et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. Les pouvoirs d'investigation des douaniers seront ainsi modernisés et adaptés aux évolutions des menaces criminelles et au recours croissant, par les fraudeurs, à des technologies leur permettant de faire prospérer leurs trafics en protégeant leur anonymat.
Je salue le consensus trouvé entre les députés et les membres de la Haute Assemblée ; il montre que le Parlement, au-delà des clivages politiques, est le lieu de la définition de l'intérêt général.
Je pense notamment à l'accord trouvé, à l'article 2, sur la mise en conformité du droit de visite douanière. S'agissant de l'obligation d'information du procureur de la République, la dérogation relative aux visites prévue à l'alinéa 5 du futur article 60-7 du code des douanes a été précisée et mentionne désormais explicitement « les visites des marchandises et des moyens de transport, y compris en présence d'une personne ». Une dérogation supplémentaire a été ajoutée pour les visites réalisées dans les lieux mentionnés au futur article 60-4 du code des douanes, créé par ce même article 2.
La commission mixte paritaire a également sécurisé les dispositifs d'anonymisation des agents des douanes et aggravé les amendes applicables en matière d'infractions liées au tabac. Elle a aussi donné la possibilité aux douaniers de retenir temporairement toute substance non classée qui pourrait être utilisée pour fabriquer des stupéfiants.
Ce texte équilibré vise à maintenir un haut niveau d'efficacité de l'action de la douane française dans ses missions de surveillance, de contrôle et de lutte contre les fraudes sur l'ensemble du territoire, conformément aux ambitions du projet de loi initial. Donner des moyens aux douaniers, c'est leur permettre de mieux protéger nos concitoyens. Le bilan des douanes est en effet éloquent : au cours de la seule année 2022, 104 tonnes de drogues, 649 tonnes de tabac et de cigarettes, et 11 millions d'articles de contrefaçon ont été saisis.
Pour continuer de donner aux douaniers les moyens d'exercer leurs missions quotidiennes, pour continuer de faire de la douane une administration au très haut niveau d'efficacité et d'exigence, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Dans sa décision du 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a demandé au Gouvernement de vider de sa substance le droit de visite des agents douaniers, droit qui constitue pourtant le principe structurant de leur action.
Dans son discours de présentation du projet de loi aux agents des douanes, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a pourtant annoncé qu'il n'y avait pas de remise en cause du droit de visite des douanes, mais une « mise en conformité », ajoutant : « il y a un devoir d'information, il n'y a pas de devoir d'autorisation préalable » de l'autorité judiciaire. Or ces deux affirmations sont en contradiction avec le contenu du projet de loi.
Le droit de visite permet aux agents douaniers, dont l'objectif est la recherche de la fraude douanière, de procéder de plein droit à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes, sur la voie publique, dans l'ensemble du territoire douanier, à toute heure.
C'est grâce à ce droit que les agents douaniers peuvent valablement constater la flagrance sans avoir besoin de se fonder sur un indice ou une apparence préalable. Imposer aux douaniers de caractériser la flagrance ou d'avoir des « raisons plausibles de soupçonner la commission […] d'une infraction » avant d'agir constituerait un changement de paradigme. De facto, les fonctionnaires ne pourraient plus mener à bien leur mission car l'infraction, comme les raisons plausibles de la soupçonner, ne se découvre, par définition, qu'au cours du contrôle, et non a priori.
À l'heure où la contrebande et les trafics de tabac, d'armes et de drogue s'intensifient, à l'heure où la traite des êtres humains et le proxénétisme se répandent sur notre territoire, notamment par l'action de réseaux mafieux de migrants, ce gouvernement s'apprête à contraindre les douaniers à rédiger des procès-verbaux ! Davantage de procédure et moins d'opérationnel : telle est la stratégie d'un gouvernement qui agit à rebours du bon sens et de l'efficacité.
De surcroît, cette nouvelle condition ouvre les vannes d'un nouveau contentieux – une aubaine pour les narcotrafiquants et leurs avocats, qui pourront désormais plaider la discrimination raciale et le délit de faciès, à l'instar de l'extrême gauche qui, depuis ses bancs,…
…à l'encontre de nos douaniers, de nos militaires et de l'ensemble des forces de l'ordre, auxquelles je tiens à renouveler notre plein soutien.
Quels que soient les textes examinés dans notre hémicycle, l'invariant politique de ce gouvernement, c'est l'inversion des valeurs. Son seul principe politique, c'est celui du détournement des lois et des institutions. Son seul cap, c'est le contournement du peuple français qui l'a mis en minorité et de ses représentants élus.
Le projet de loi prévoit par ailleurs que le procureur de la République devra être informé par les agents systématiquement et préalablement à tout contrôle, et qu'il pourra s'opposer à celui-ci. En tant qu'administration, la douane est autonome et a toujours fonctionné efficacement de la sorte. En conférant au procureur de la République le pouvoir de s'opposer à son action et de bloquer ses interventions, le projet de loi place l'administration des douanes sous sa tutelle.
Vous entendez satisfaire aux exigences dictées par la jurisprudence européenne en matière d'exercice des libertés publiques, puisque le Conseil constitutionnel poursuit lui-même, dans le cadre national – ou ce qu'il en reste – l'œuvre jurisprudentielle de la Cour européenne des droits de l'homme. On s'étonnera qu'un gouvernement de juges constitutionnels nommés par le pouvoir en place entende ainsi soumettre le législateur, élu par le peuple français. Le groupe Rassemblement national regrette ce gouvernement des juges et ce déséquilibre manifeste.
Selon M. Le Maire, « la douane est la garante de notre souveraineté économique » ; elle mène un combat « vital pour la nation française », dont elle garantit même l'« unité ». Au vu de ce texte, ces beaux éléments de langage sonnent bien faux aux oreilles de ladite nation française. Que reste-t-il en effet d'une nation quand ses gouvernants, à défaut de volonté et d'intelligence politique,…
…ne sont plus que les exécutants de décisionnaires extranationaux ?
Autre point, et non des moindres : la limitation du rayon d'action de la douane à 40 kilomètres à partir du littoral et des frontières terrestres n'était, pour le coup, ni une nécessité ni une exigence des juges de la rue de Montpensier, mais une simple recommandation. Conformément à ses nombreuses demandes et aux amendements qu'il a défendus, le groupe Rassemblement national a donc suggéré de s'en passer, dans la mesure où, la douane étant garante de notre souveraineté économique,…
…« on évitera », pour reprendre les mots justes de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Merci.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Charlotte Leduc.
Nous voici réunis pour l'examen final du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Ce sera pour moi l'occasion de redire ce que j'ai déjà indiqué en première lecture, puisque le texte n'a pas évolué dans le sens que nous souhaitions.
Oui, une réforme des douanes est nécessaire, ne serait-ce que pour récrire l'article 60 du code des douanes, censuré par le Conseil constitutionnel en septembre dernier. Le Gouvernement a souhaité aller au-delà en présentant un projet de loi plus conséquent, qui aurait dû être l'occasion d'une réelle réflexion sur l'avenir de cette administration…
…et sur les moyens à lui donner pour qu'elle puisse remplir ses missions. C'était d'ailleurs ce que promettait le titre même du projet de loi. Mais force est de constater, hélas, que le texte issu de la CMP n'est pas à la hauteur.
Le projet de loi paraît, en définitive, bâclé. Comment pourrait-il en être autrement, en l'absence d'une véritable concertation – sans parler d'une coconstruction – avec les agents eux-mêmes ? Je rappelle en effet que les organisations syndicales n'ont été nullement associées au processus de décision, mais seulement consultées a posteriori. Comment le texte pourrait-il ne pas être bâclé, alors que le Gouvernement a attendu le dernier moment pour présenter sa réforme, de sorte que, nous, parlementaires, sommes sommés de le voter dans l'urgence afin que les contrôles douaniers ne s'arrêtent pas subitement le 1er septembre prochain ?
Que contient finalement le projet de loi ? Toujours plus de missions pour les douaniers et toujours pas de moyens humains ou matériels supplémentaires. Rappelons-le, les douanes sont censées être la police des marchandises. Or, par cette réforme, le Gouvernement transforme les douaniers en supplétifs de la police, mobilisables pour contrôler les personnes. Plusieurs articles dévoient ainsi le travail de la douane en lui assignant des missions de police migratoire. Demain, les douaniers pourront contrôler l'identité de chaque personne se trouvant dans le rayon des douanes, les réservistes pourront être mobilisés dans le cadre de Frontex et les drones des douanes seront utilisés pour surveiller les frontières et lutter contre leurs franchissements irréguliers.
Non, les douaniers ne sont pas des garde-frontières, et les lancer dans une chasse aux migrants absurde et inhumaine ne peut qu'augmenter les tensions et abîmer un peu plus la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais, comme je l'évoquais à l'instant, les douanes ne bénéficieront pas des moyens nécessaires pour assumer ces nouvelles missions : seule la création d'une réserve opérationnelle est censée leur permettre de faire face à ce surplus d'activité. Or, cette réserve sera composée d'agents peu formés ou de retraités usés. Être douanier est pourtant un métier qui s'apprend et qui nécessite une mise à niveau permanente ainsi que la pleine maîtrise de ses capacités physiques et intellectuelles.
Cette réserve opérationnelle n'est qu'un cache-misère. Elle ne peut être à la hauteur des enjeux et répondre aux besoins d'une administration en souffrance et en sous-effectif structurel.
Pire, elle peut constituer un danger pour le pays et la population. D'abord, elle s'inscrit dans le processus général de destruction d'un service public qui, si on lui en donnait les moyens, pourrait admirablement fonctionner. Ensuite, des agents formés à la va-vite et armés seront envoyés sur le terrain pour effectuer de périlleuses missions que les douaniers titulaires ont mis des années à maîtriser. Plus encore aujourd'hui que lors de nos précédents débats, armer des réservistes mal formés apparaît comme une folie.
De même, le remplacement du service d'enquête judiciaire des finances par le nouvel Office national antifraude risque d'alourdir encore un peu plus la charge de travail des douaniers. Le projet de loi prévoit que les agents de ce service seront dorénavant compétents en matière de fraude sociale. Les moyens supplémentaires qui doivent leur permettre d'accomplir cette nouvelle tâche, pourtant annoncés à grand renfort de communication ministérielle lors de la présentation du plan « fraude », viendront plus tard, en 2024 – enfin peut-être, on espère, on verra, on ne sait pas…
Le lancement d'un plan de recrutement massif constitue pourtant une urgence absolue si nous voulons que les douanes puissent mener à bien leurs missions. Cette administration est en sous-effectif chronique. Les chiffres sont là, implacables : la France compte 17 000 douaniers contre 48 000 en Allemagne, soit 2,3 fois moins de douaniers par habitant, alors qu'elle compte 3,9 fois plus de kilomètres de frontière et une superficie terrestre et maritime 29 fois supérieure.
Les suppressions de postes se poursuivent : alors que, dans nos ports, moins d'un conteneur sur 1 000 est contrôlé et que la fraude à la TVA fait perdre chaque année 25 milliards d'euros aux caisses de l'État, les douanes ont encore perdu 270 agents affectés aux contrôles depuis 2019.
Les douaniers méritaient mieux qu'un texte qui entérine trente ans de baisses d'effectifs, trente ans d'une politique néolibérale qui détruit le service public. Les citoyennes et les citoyens aussi méritaient mieux, car, comme le note le syndicat Solidaires douanes dans un récent communiqué, « se battre pour la douane, c'est ne pas se battre seulement pour les douaniers. C'est se battre pour la société en général, depuis la relocalisation des activités, jusqu'à la lutte contre les trafics, en passant par le bon financement des services publics. »
Oui, le pays tout entier méritait mieux. Nous voilà donc coincés, car il faut permettre aux douaniers de poursuivre leur travail en septembre prochain en validant un mauvais texte qui contribue à poursuivre la casse de ce service public essentiel. Le groupe LFI – NUPES s'abstiendra et nous nous battrons, notamment lors de l'examen du prochain projet de loi de finances, pour les douanes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d'abord appeler l'Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
Je demande une suspension de séance de dix minutes, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq.
La séance est reprise.
L'amendement n° 5 du Gouvernement est rédactionnel.
Quel est l'avis de la commission ?
J'ai eu le temps, monsieur le ministre délégué, de regarder l'ensemble de vos amendements. Le seul qui me pose un problème est celui-ci, l'amendement n° 5 , qui supprime, à l'alinéa 20 de l'article 2, les mots « ou une même zone ».
Prenons l'exemple concret d'une entreprise – faute d'un terme plus adapté – de fabrication de cigarettes de contrebande, installée dans une zone industrielle. Les douaniers vont l'investir, mais il se trouve, comme c'est souvent le cas, que les marchandises sont stockées ailleurs. La nouvelle rédaction que vous proposez va pourtant empêcher les douaniers d'intervenir sur le lieu du stockage, ce qui me semble regrettable.
Votre amendement n'est pas seulement un amendement rédactionnel, car il a une réelle incidence sur la manière dont pourront travailler les douaniers, qui vont se trouver contraints de n'intervenir que dans un seul lieu.
Vous avez raison de m'interroger sur ce point, car nos débats ont vocation à éclairer le sens de la loi en cas de contentieux, mais je veux vous rassurer. Si nous avons retiré la référence à la zone, c'est que l'emploi de ce terme impliquait juridiquement l'impossibilité de mener des contrôles consécutifs dans la zone frontière. L'emploi du mot « lieu » est moins contraignant pour les contrôles des douaniers et, dans le cas particulier que vous visez, la nouvelle rédaction n'empêchera nullement le droit de visite de s'exercer. Tout ceci a été examiné juridiquement de très près par les divisions des lois des deux chambres et validé par le rapporteur de la majorité sénatoriale, qui a donné un avis favorable à cette rédaction, précisément parce qu'elle est moins contraignante pour les douaniers.
L'amendement n° 5 , modifiant l'article 2, est adopté.
L'amendement n° 4 , modifiant l'article 10 bis AA, accepté par la commission, est adopté.
L'amendement n° 1 , modifiant l'article 10 bis AC, accepté par la commission, est adopté.
L'amendement n° 2 , modifiant l'article 12, accepté par la commission, est adopté.
L'amendement n° 6 , modifiant l'article 12 ter, accepté par la commission, est adopté.
L'amendement n° 3 du Gouvernement est un amendement de coordination.
Quel est l'avis de la commission ?
J'attendais des précisions sur la modification apportée à l'article 2, et je suis content que Mme Dalloz ait interrogé le ministre délégué.
En ce qui concerne le présent amendement, j'aimerais savoir pourquoi vous estimez qu'il n'est plus nécessaire de remplacer les mots « produits stupéfiants » par les mots « marchandises mentionnées au 1
Nous supprimons cet alinéa, car vous constaterez que les termes en question sont utilisés à l'alinéa précédent. Il s'agit donc bien d'un amendement de coordination.
L'amendement n° 3 , modifiant l'article 12 quater, est adopté.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 223
Nombre de suffrages exprimés 181
Majorité absolue 91
Pour l'adoption 181
Contre 0
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique (n° 1447).
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Je ne peux commencer mon propos sans partager avec vous ma satisfaction du travail accompli sur la proposition de loi qui nous rassemble – une proposition de loi sur laquelle nous avons trouvé un accord avec nos collègues sénateurs la semaine dernière.
Cette satisfaction est triple. Elle émane d'abord du fait que nous ayons pu retravailler sur cette question de l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités dans la fonction publique aussi rapidement après la loi de transformation de la fonction publique de 2019. Un travail exemplaire a été réalisé en la matière par les sénatrices Annick Billon, Martine Filleul et Dominique Vérien. Il a commencé par l'évaluation de l'application de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite loi Sauvadet, avant de déboucher sur la présente proposition de loi.
Celle-ci est structurée autour de la réévaluation des objectifs de primo-nomination, de l'introduction d'un index de l'égalité professionnelle dans le secteur public et de l'inscription dans la loi d'un objectif de 40 % au moins de personnes de chaque sexe dans les postes à responsabilité. Il s'agit de dispositifs affirmant d'emblée leur force, soutenus par le Gouvernement, dont je salue ici l'engagement au travers de l'action volontariste du ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini.
Ce texte, nous l'avons amélioré ensemble, de manière transpartisane, mes chers collègues, d'abord à travers nos travaux à l'Assemblée nationale : merci à toutes celles et ceux qui se sont engagés. C'est forts de l'ensemble de ces avancées que nous avons tenté de construire, avec la rapporteure au Sénat, Mme Françoise Dumont – que je salue chaleureusement –, un consensus et un texte aussi ambitieux et efficace que possible.
Ce constat m'amène à mon second motif de satisfaction : le texte que nous nous apprêtons à voter est ambitieux et lisible ; il couvre tous les versants de la fonction publique et crée les bons outils d'accompagnement des employeurs publics pour atteindre l'égalité.
Son ambition, d'abord, se traduit par des objectifs élevés : 50 % de personnes de chaque sexe dans les primo-nominations et 40 % pour ce qui concerne le vivier – car, comme vous, monsieur le ministre, je récuse le terme de stock –, ces objectifs devant être atteints d'ici la fin du quinquennat, puisque l'obligation sera rehaussée à partir de 2026 pour les primo-nominations et qu'elle deviendra effective pour le vivier à partir de 2027. L'index de l'égalité professionnelle, quant à lui, entrera en vigueur dès la fin de cette année pour la fonction publique d'État et à compter du 30 septembre 2024 s'agissant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière.
Ensuite, le texte est lisible, car les objectifs qu'il prévoit couvriront les trois branches de la fonction publique. Nous avons notamment élargi les obligations aux postes de chef de pôle et de chef de service au sein de la fonction publique hospitalière et, sous une forme légèrement différente, aux juridictions administratives et financières, ainsi qu'aux cabinets ministériels et à celui de la présidence de la République.
Après échanges avec le Sénat, nous avons néanmoins maintenu les dispositions limitant ces obligations aux collectivités comptant plus de 40 000 habitants et au moins trois emplois fonctionnels.
Par ailleurs, nous avons conforté l'intensité des niveaux de sanction. Nous avons clarifié le dispositif des nominations équilibrées pour les employeurs concernés, et choisi de faire peser la sanction sur l'autorité décisionnaire des nominations et des affectations. Enfin, nous avons appelé de nos vœux que l'index de l'égalité professionnelle soit publié chaque année au mois de septembre par l'ensemble des employeurs publics, en attendant qu'il le soit, un jour, dès le mois de mars, comme dans le secteur privé.
Ces objectifs ambitieux et lisibles s'accompagnent de dispositions adéquates afin d'accompagner les employeurs publics.
Ainsi nos travaux aboutissent-ils à un texte qui muscle fortement les dispositions relatives à l'accès des femmes aux responsabilités. Un tel renforcement est indispensable eu égard à la réalité des inégalités professionnelles. Les trois quarts des postes de direction sont occupés par des hommes, alors même que la fonction publique est composée à 64 % par des femmes et que l'écart salarial s'élève toujours à 10 %. Il nous faut regarder ces inégalités en face et agir en conséquence.
Tout au long de nos travaux, comme il est de coutume en matière d'égalité, nous avons entendu différents avertissements : les dispositions seraient difficiles à appliquer, certaines structures ne seraient pas adaptées, le niveau de compétence des futurs responsables serait moins élevé. Toutes ces critiques ne sont en réalité que les marques d'un déni : déni des compétences des femmes aux postes de responsabilité ; déni des inégalités structurelles qu'elles vivent au quotidien. Eu égard à notre combat, qui n'est autre que la grande cause du quinquennat, et aux positions que nous défendons au niveau international, aucun de ces prétendus arguments ne tient et ne saurait être retenu. Une seule boussole doit nous guider : celle de l'action pour l'égalité, pour le féminisme, pour la disruption, voire pour la transgression.
Cela m'amène à mon dernier motif de satisfaction : celui de voir que, dans le contexte international de repli des droits des femmes que nous connaissons, nous adoptons une loi importante et concrète, qui sera porteuse de transformations positives pour notre pays, mais aussi une loi modèle sur la scène internationale, comme l'avait été la loi Pénicaud – loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le texte que nous allons adopter répond en effet à un triple objectif d'égalité, d'exemplarité et d'amélioration de la construction de la décision publique.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter cette proposition de loi et je forme le vœu qu'elle soit promulguée le plus rapidement possible.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions. – Mme Sandra Regol applaudit également.
La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Nous y voilà ! Trois mois après l'adoption de cette proposition de loi à l'unanimité par le Sénat et quelques semaines après son adoption à l'unanimité républicaine par l'Assemblée nationale, vous vous apprêtez à voter un texte important, fruit des travaux que vous avez menés et de l'accord que vous avez trouvé en commission mixte paritaire (CMP), afin de renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. J'ai eu l'occasion de le dire, ce texte constitue une pierre essentielle à l'édifice que nous bâtissons dans ce domaine.
Il est issu d'une initiative parlementaire et du travail de coconstruction que j'ai souhaité engager dès l'été 2022, aussi bien avec la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, qu'avec celle de l'Assemblée nationale, dont je salue ici la présidente, Véronique Riotton. Cette proposition de loi est le résultat d'un travail concerté, construit collectivement, et qui devrait donc nous permettre d'aboutir à un vote unanime des forces républicaines.
Ce texte incarne le combat commun mené par tous les groupes politiques véritablement engagés en faveur du progrès, de la parité, de l'égalité et, avant tout, de l'efficacité de la fonction publique. C'est pour toutes ces raisons, mesdames et messieurs les députés, que je souhaite en cette occasion commencer par vous dire merci.
Merci, d'abord, d'avoir fait le choix d'inscrire ce texte dans le temps parlementaire transpartisan – je le dis à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, ainsi qu'à l'ensemble de l'Assemblée nationale. C'est l'honneur du Parlement que de s'engager pour faire avancer l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les champs de notre société.
Merci, ensuite, monsieur le rapporteur, d'avoir rappelé combien le Parlement a amendé, questionné et, au fond, poussé les curseurs au maximum afin de renforcer l'ambition de chacun des dispositifs prévus dans ce texte. Je pense à la parité réelle en matière de primo-nominations, à l'intégration des postes de chef de pôle et de chef de service au sein de la fonction publique hospitalière parmi les emplois visés – la disposition était très attendue dans cette branche –, ainsi qu'à l'accélération de l'application de ce texte. Cette accélération concernera l'obligation de porter à au moins 40 % et de manière permanente la part de femmes dans le vivier des emplois, mais aussi l'entrée en vigueur de l'index de l'égalité professionnelle, qui devra être effective dès la fin 2023 pour la fonction publique d'État et à la mi-2024 s'agissant de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale.
Merci, aussi, d'avoir travaillé en bonne intelligence avec la chambre haute et d'être parvenus à vous entendre avec elle sur un texte à la fois ambitieux, proportionné, effectif et opérationnel. Je crois que nous pouvons le dire, ce texte respecte l'intention initiale de ses autrices, Annick Billon, Martine Filleul et Dominique Vérien, à qui je rends hommage ; intègre les progrès défendus à l'Assemblée nationale et tient compte des attentes des sénateurs.
Monsieur le rapporteur, tout au long du cheminement du projet de loi, vous avez été à l'écoute de chacun des groupes – je crois qu'ils pourront en témoigner –, établissant un vrai dialogue et un vrai travail transpartisan, mais aussi de vos homologues au Sénat, ainsi que du Gouvernement, afin de construire un texte clair et à la hauteur des enjeux.
Ce texte est désormais autant le vôtre que le nôtre. Il nous oblige et nous permettra d'agir très concrètement en vue, tout simplement, de rendre nos services publics plus efficaces. Oui, permettre à davantage de femmes d'accéder aux postes à hautes responsabilités dans la fonction publique, c'est reconnaître leurs compétences et, j'insiste, c'est rendre nos administrations plus efficaces, plus performantes et plus justes. Il nous donnera les moyens de bâtir des politiques publiques plus équilibrées.
J'ajoute que la loi que vous vous apprêtez à voter, mesdames et messieurs les députés, nous permettra de développer deux piliers de notre action. Le premier consiste à en finir une fois pour toutes avec le plafond de verre, et le second à travailler de manière pérenne, pour ne pas dire définitive, à la réduction des inégalités de rémunération dans l'ensemble de la fonction publique. À cet égard, c'est une grande et nouvelle étape que nous franchissons aujourd'hui.
Je ne reviendrai pas en détail sur toutes les dispositions très concrètes que comporte la proposition de loi et me contenterai de saluer l'instauration de cette pierre essentielle à l'édifice que nous bâtissons ensemble. Au-delà des questions d'égalité salariale et d'égalité professionnelle, le renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes induit en effet de nombreux autres enjeux. Je pense en premier lieu à l'amélioration des conditions de travail dans la fonction publique, ainsi qu'à l'éradication de pratiques qui ne doivent plus exister, que l'employeur soit public ou privé : je fais ici référence à la question fondamentale de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. J'ai pris l'engagement de travailler très concrètement avec les DRH – directeurs des ressources humaines – et l'ensemble des administrations pour faire progresser les dispositifs que nous avons élaborés.
L'égalité professionnelle passe aussi par l'amélioration des conditions de travail sur le plan sanitaire. Nous avons pris des engagements visant à améliorer la santé des femmes au travail. Vous l'avez approuvée il y a quelques semaines : décision a été prise de supprimer le jour de carence pour les femmes victimes d'une fausse couche. Il s'agit là aussi d'une avancée très concrète montrant que l'employeur public se modernise et fait bouger les lignes.
Autre domaine d'action : la lutte contre les maladies chroniques, qui constituent un sujet encore trop tabou. J'ai lancé il y a quelques semaines un plan de prévention dans ce domaine, lequel s'adresse évidemment à l'ensemble des fonctionnaires, mais mettra l'accent sur les cancers féminins, qui tendent à survenir de plus en plus tôt dans la vie professionnelle des agentes. D'une manière générale, nous devons prendre des engagements très concrets pour faire avancer cette cause.
Nous œuvrerons aussi pour mieux prendre en compte l'endométriose dans la fonction publique, pathologie qui touche une femme sur dix.
Nous avons adopté la résolution de Clémentine Autain sur l'endométriose, l'année dernière !
À cet égard, je tiens à saluer le travail précieux accompli au sein des délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale et du Sénat sur plusieurs questions importantes, comme la lutte contre les maux invisibles qui touchent les femmes, ou encore la santé mentale. Nous intégrerons tous ces travaux afin de faire progresser la place des femmes, de faire bouger les lignes et de moderniser la fonction publique.
Je le disais, c'est l'honneur du Parlement et du ministre que je suis que de défendre une loi en faveur du progrès et de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Il est des combats qui rassemblent – celui-ci en fait partie – et qui nécessitent d'agir en dépassant les clivages partisans. Nous pouvons être collectivement fiers du travail que nous avons accompli et du texte auquel nous avons abouti.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.
À la lecture du titre de cette proposition de loi, je m'attendais, tout comme mes collègues du groupe Rassemblement national, à y trouver des mesures visant à inciter, non à imposer.
Car il n'y a rien de plus offensant pour une femme que d'être traitée en quota.
Sourires et exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce forcing en faveur de la parité extrême dans tous les domaines, même lorsqu'elle est matériellement impossible à obtenir, nous interroge. Comment le législateur peut-il se transformer en Guépéou d'une comptabilité malsaine qui, en favorisant un sexe au détriment d'un autre, produit nécessairement une nouvelle discrimination ?
Il nous semble, chers collègues, que c'est le problème de cette proposition de loi qui, au prétexte de « renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique », va créer des situations que nous ne pourrons démêler.
Comme je l'avais dit en commission des lois, il est impensable que le choix d'un candidat dans la fonction publique soit désormais fonction de son sexe plutôt que de ses compétences. De l'outre-mer à l'Hexagone, des campagnes aux villes, notre territoire est vaste et divers. La fonction publique recrute comme elle peut et compte parfois un peu plus d'hommes et parfois un peu plus de femmes, mais tous sont en poste parce qu'ils sont compétents. Or vous expliquez que, désormais, des femmes aux compétences moindres pourront être favorisées. Cette discrimination prétendument positive est dangereuse : il y va de l'efficacité du service rendu au public et de la qualité de l'exercice des métiers.
En tant que femme, je n'aimerais pas que l'on me choisisse pour un poste dans la fonction publique non parce que je suis compétente, mais pour la simple et unique raison que je suis une femme. Quel signal enverrions-nous aux femmes en agissant de la sorte ? Les femmes compétentes travaillant dans la fonction publique doivent être reconnues dans leur travail grâce à leurs compétences, non en raison de leur sexe.
De la même manière, nous nous opposons à ce qu'un homme puisse être discriminé au prétexte qu'il est un homme s'il dispose de meilleures compétences. Quel signal enverrions-nous aux hommes ?
Dans les deux cas, vous renvoyez les gens à leur sexe, non à leur compétence, ce qui est inadmissible.
Dans ma ville de Marseille et mon département des Bouches-du-Rhône, les postes au sein des directions générales sont majoritairement occupés par des femmes, lesquelles sont donc mieux payées. Comptez-vous renvoyer une partie d'entre elles pour respecter la parité et faire de la place aux hommes ?
De tels quotas sont dangereux pour les femmes, en ce qu'ils risquent d'entraîner des refus d'embauche, des non-renouvellements de contrat, voire une hausse du chômage. Demanderez-vous à la fonction publique d'État, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière, où les femmes sont, selon l'Insee, majoritaires à respectivement 62 %, 59 % et 76 %, de licencier une partie de leurs effectifs ?
J'insiste, les hommes y sont minoritaires et avec les avancements de carrière et le temps, ils sont appelés à le devenir encore davantage. C'est ce phénomène presque naturel que nous devrions prendre en compte, sans imposer.
La fonction publique compte aujourd'hui plus de 5 millions d'agents, dont près de 64 % sont des femmes, et j'en suis heureuse. Les services dans lesquels ils travaillent tiennent encore, malgré, parfois, des dysfonctionnements dont les Français souffrent. Pourquoi donc vouloir y mettre le bazar avec ce texte ? Quel est votre véritable objectif ?
Comment peut-on être favorable à un texte qui prône des sanctions pour tous ? L'employeur peut ainsi être pénalisé financièrement s'il n'embauche pas une femme, et ce même s'il ne trouve pas de candidates suffisamment qualifiées pour le poste ! Vous rendez-vous compte ? Dans ces conditions, que fera-t-il pour éviter l'amende ? Il emploiera une femme, même si elle est moins qualifiée qu'un candidat homme.
Il se trouvera alors pénalisé par le travail d'une employée moins qualifiée, qui se sentira d'ailleurs probablement en difficulté.
Ces expériences ne sont pas sans incidence sur nos concitoyens, qui en sont les cobayes. Les Français payent des impôts pour avoir des services qui fonctionnent. Ils se fichent que le poste soit tenu par une femme ou un homme : ils veulent que leur dossier soit traité ; ils veulent que leur hospitalisation se passe bien et être soignés par des serviteurs de l'État compétents, qui, aujourd'hui, se donnent à fond. Je le répète : cette proposition de loi est dangereuse pour la qualité des services publics utilisés par les Français, car les employeurs se trouveront incités à embaucher des personnels moins compétents.
Mais enfin, les femmes ne sont pas moins compétentes ! C'est incroyable !
Avant de la voter, je vous invite donc à bien réfléchir aux dégâts qu'elle pourrait causer et dont vous seriez responsables.
Soyons concrets : dans les petites villes et dans les outre-mer, qui connaissent des difficultés de recrutement, le risque est de voir des postes laissés vacants pour éviter de ne pas respecter les quotas.
Nous saluons à cet égard les efforts effectués en commission mixte paritaire pour revenir au seuil initial de 40 000 habitants, après son abaissement à 20 000 habitants par l'Assemblée nationale. Ces obligations auraient eu des effets désastreux pour de si petites communes en accentuant leurs difficultés de recrutement et en augmentant le nombre de vacances de poste. Mais votre objectif n'est-il pas précisément d'affaiblir ces communes avant, peut-être, d'envisager leur suppression ?
Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national, qui préfère la méritocratie et les incitations au forcing et aux quotas, votera contre ce texte, qui est une offense à l'intelligence des femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.
Il y a maintenant quarante ans, presque jour pour jour, la loi du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dite loi Roudy, consacrait ce principe dans le droit français. Mais avant de parler d'égalité salariale, encore faut-il que les femmes puissent accéder aux mêmes postes que les hommes !
On sait que ce n'est pas le cas : le plafond de verre reste une réalité pour les femmes dans tous les secteurs de l'économie.
Onze ans après la loi Sauvadet, qui a cherché à remédier à la faible représentation des femmes aux postes à responsabilité dans la fonction publique, à peine plus d'un tiers des emplois de direction et d'encadrement sont occupés par des femmes – la proportion est même moindre dans certains secteurs.
Je remercie les autrices de cette proposition de loi – Mmes Annick Billon, Martine Filleul et Dominique Vérien –, car elle répond à un vrai besoin, celui de passer à la vitesse supérieure. Si l'égalité n'est toujours pas atteinte en haut, c'est notamment parce que la loi Sauvadet impose des quotas uniquement pour les primo-nominations et non pour l'ensemble des postes concernés.
C'est également parce qu'il existe des résistances de la part des employeurs : ici, on bricole le périmètre des quotas pour améliorer son score ; là, on se livre à de petits exercices comptables pour arrondir les chiffres dans le bon sens. Certains employeurs préfèrent même payer les pénalités plutôt que d'appliquer les règles !
Le Président de la République, lui, répète depuis six ans à quel point l'égalité entre les femmes et les hommes est importante pour lui. On ne demande qu'à le croire ! Il en a fait une grande cause du quinquennat et a annoncé des plans pour l'égalité, mais que deviennent ces grands principes quand il s'agit de les mettre en application ? Ils disparaissent ! Il suffit de regarder la composition du cabinet de M. Macron : j'y ai compté trente-quatre « monsieur » et dix-sept « madame », soit une proportion d'une femme pour deux hommes.
La NUPES a réussi à faire voter un amendement de Marie-Charlotte Garin qui impose la parité dans les cabinets ministériels et présidentiel ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
malgré l'avis défavorable du Gouvernement. On ne peut que se féliciter de cette mesure, même si le Gouvernement et le Président de la République sont exonérés de pénalités financières – il ne faudrait pas non plus les contraindre trop fermement à respecter leurs beaux principes !
Les débats ont été instructifs : ils ont montré toute la frilosité des macronistes et de la droite dès qu'il s'agit de contraindre les employeurs à appliquer l'égalité. Chaque fois qu'une avancée a été acquise, certains se sont empressés de la limiter par des dérogations, dont le texte est truffé : l'égalité, d'accord, mais surtout, pas trop vite !
Bref, si le texte final va dans le bon sens, nous déplorons son manque d'ambition. Employeurs publics qui êtes particulièrement mauvais en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, rassurez-vous : le Gouvernement et la droite sont venus à votre rescousse ! Il faudra juste vous améliorer un tout petit peu : 1 % par-ci, trois points par-là. Et ne vous inquiétez pas, les sanctions financières ne sont pas pour tout de suite !
Nous avons également été frappés par les arguments rances que l'extrême droite a avancés au cours des débats. Pour les députés du groupe Rassemblement national, les quotas, c'est mal,…
Selon eux, s'il y a moins de femmes aux postes d'encadrement et de direction, c'est simplement parce qu'elles sont moins compétentes que les hommes ou parce qu'elles n'ont pas envie d'exercer ces fonctions. Elles préfèrent sans doute faire des gâteaux et élever des gosses !
Pour les collègues de Marine Le Pen, les quotas aboutiront au recrutement de femmes incompétentes au seul motif qu'elles sont des femmes et le monde va s'écrouler.
Au RN, c'est par la transmission familiale que les femmes peuvent accéder aux responsabilités : c'est une conception un peu particulière…
Nous entendons ces arguments depuis des décennies, mais nous en avons assez ! La réalité est tout autre : les femmes sont plus diplômées que les hommes et les entreprises qui comptent davantage de femmes aux postes d'encadrement et de direction se portent bien mieux.
Mme Raquel Garrido applaudit.
Arrêtons de nous voiler la face : les femmes sont encore systématiquement discriminées par rapport aux hommes, tout au long de leur parcours. Ce n'est pas un problème de compétences ou de volonté, mais de sexisme.
Nous avons besoin de mesures fortes si nous voulons être enfin traitées de manière égale aux hommes dans le monde du travail, à tous les niveaux de l'échelle sociale.
Nous voterons en faveur de ce texte qui, bien qu'insuffisant, diminuera les inégalités auxquelles sont confrontées les femmes : c'est maintenant que nous devons avancer.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Dix ans après l'entrée en vigueur de la loi Sauvadet, il fallait en dresser le bilan, notamment pour évaluer la réalisation de ses ambitions visant à l'égalité des sexes dans le milieu professionnel. Tel a été l'objet de l'excellent travail de mes collègues sénatrices Martine Filleul et Dominique Vérien mené sous l'égide de Mme la présidente Annick Billon et qui a abouti à un rapport publié il y a maintenant un an. Que faut-il en retenir ?
D'abord, les objectifs de quotas chiffrés dont le non-respect peut être sanctionné financièrement sont efficaces : ils ont permis une réelle amélioration de la situation générale dans les secteurs d'activité visés par la loi Sauvadet.
Ensuite, cette réalité, globalement encourageante, masque des disparités, des pesanteurs et des résistances qui imposent de poursuivre ce combat pour la féminisation des emplois de la fonction publique. À l'issue de discussions constructives entre les deux chambres, marquées par un désir commun de progresser rapidement et fortement, eu égard à l'importance de cette question pour la vie professionnelle de nombre de nos concitoyennes, nous sommes aujourd'hui réunis pour que ce combat entre dans une deuxième phrase.
La proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique n'est pas, contrairement à certains des textes qui nous sont régulièrement soumis, une loi d'affichage dont les nobles intentions cacheraient mal les faiblesses structurelles : avec ce texte nous franchissons un cap dans la concrétisation des ambitions qui nous rassemblent, au groupe Les Républicains comme sur d'autres bancs.
Ainsi, le texte prévoit le relèvement à 50 % du taux de personnes de chaque sexe pour les primo-nominations aux emplois supérieurs et dirigeants ; l'élargissement du champ d'application de la loi Sauvadet ; la systématisation des pénalités financières à l'encontre des employeurs publics ne respectant pas l'obligation de nominations équilibrées ; l'instauration d'un index de l'égalité professionnelle, identique à celui existant déjà dans le secteur privé, conformément à une exigence de transparence fondamentale pour les citoyens. Grâce à cet index, les Français pourront enfin connaître la situation précise des administrations et des collectivités territoriales – communes, départements et régions –, mais aussi au sein de chaque établissement hospitalier et de chaque direction de ministère.
Par ailleurs, les travaux de la commission mixte paritaire ont permis de rassurer un certain nombre d'acteurs publics, sans revenir sur les mesures fortes du texte. Ainsi, c'est bien le seuil de 50 % de femmes primo-nominées pour les postes concernés qui a été retenu, et non, comme cela avait été proposé, celui de 40 % ou de 45 %.
Le groupe Les Républicains, qui s'est toujours tenu aux côtés des femmes dans leur juste lutte pour l'égalité de traitement et de droits, votera naturellement ce texte utile, efficace et proportionné.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Dem et HOR.
Dix ans après l'adoption de la loi Sauvadet du 12 mars 2012, un bilan d'application dressé en juin 2022 a mis en évidence un certain nombre de lacunes dans la mise en œuvre de la parité au sein de la fonction publique. Ce bilan préconise d'aller encore plus loin, en renforçant les politiques publiques visant à promouvoir la parité et à garantir une représentation équilibrée des femmes dans la fonction publique.
J'ai déjà rappelé ces chiffres à plusieurs reprises au cours de nos débats, mais ils sont tellement édifiants qu'il m'a semblé important de le faire une dernière fois : dans la fonction publique d'État, seulement un tiers des emplois à responsabilité sont occupés par des femmes ; dans la fonction publique territoriale, 20 % des postes de direction générale des services et 15 % des postes de direction générale des services techniques sont occupés par des femmes, alors qu'elles représentent 59 % des effectifs de fonctionnaires territoriaux ; dans la fonction publique hospitalière, 27 % des postes de direction d'hôpital sont occupés par des femmes alors qu'elles représentent 76 % des fonctionnaires hospitaliers. Ces ratios déséquilibrés méritent d'être rappelés car ils ont aussi une incidence sur la rémunération des femmes.
Les élus du groupe Démocrate voient dans la représentativité des femmes dans tous les secteurs d'activité, et à plus forte raison dans la fonction publique, un enjeu crucial. Je tiens donc à saluer une nouvelle fois Mme la présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, Annick Billon, ainsi que ses collègues, pour avoir proposé un texte allant en ce sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La version adoptée en commission des lois était certes plus ambitieuse que le texte initial du Sénat, mais les chiffres que j'ai évoqués précédemment montrent bien qu'il est plus que nécessaire d'accélérer l'accès des femmes aux postes à responsabilité, notamment dans la fonction publique.
La commission mixte paritaire a accepté le rétablissement à 50 % du taux de femmes dans les primo-nominations aux emplois supérieurs des trois versants de la fonction publique. Les quotas sont dénoncés par certains, mais soyons réalistes et objectifs : sans eux, les lignes ne bougeraient pas, ou alors de manière tellement infime que les améliorations resteraient imperceptibles, malgré toutes les compétences que les femmes possèdent.
Gardons à l'esprit qu'avec ses 5,6 millions d'agents, la fonction publique est le premier employeur de France. Elle se doit donc d'être exemplaire dans un monde où la persistance des inégalités professionnelles est inacceptable, voire révoltante. À maintes reprises, la fonction publique nous a prouvé qu'elle était capable de relever les défis. Nul doute que celui-ci le sera, au même titre que les précédents. Le Gouvernement n'est pas en reste, puisque le taux de 50 % de femmes dans les primo-nominations aux emplois supérieurs s'applique également aux cabinets ministériels et au cabinet du Président de la République.
Je ne peux donc que me réjouir du travail collaboratif que nous avons mené tous ensemble, en commission des lois, en séance publique et, bien sûr, en commission mixte paritaire. Je remercie encore M. le rapporteur pour la qualité de nos échanges. Après de longs débats, un texte équilibré a été trouvé. Il permettra de faire un pas de plus vers une parité qui se matérialise chaque jour davantage. Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, le groupe Démocrate votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR.
Nous discutons aujourd'hui d'un texte qui ne devrait pas exister. Comment expliquer qu'en 2023 les femmes soient à peine un tiers à occuper des postes à responsabilité dans la fonction publique ? Comment accepter qu'elles restent payées 12 % de moins que les hommes ? Dans la magistrature, sujet qui nous occupe en ce moment avec l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, le plafond de verre est bien en place et limite l'accès des femmes aux fonctions hiérarchiques les plus élevées, au siège comme au parquet.
Dix ans après la loi Sauvadet, beaucoup reste à faire. Dès lors, ce texte s'impose. Monsieur le rapporteur, je veux saluer votre engagement pour cette cause ; cette proposition de loi vous doit beaucoup. Nous savons que les collectivités rencontrent des difficultés pour recruter, dans un contexte particulièrement compliqué. Il est certain que nous devons travailler pour rendre la fonction publique territoriale, et plus généralement la fonction publique, plus attractive car, de fait, la parité et l'attractivité relèvent du même combat. Toutefois, les femmes ne peuvent servir de variable d'ajustement.
Il y a dix ans, la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral en inquiétait plus d'un, mais aujourd'hui, nous ne pouvons que nous féliciter du renforcement de la place des femmes en politique. Je tiens à saluer les parlementaires, femmes, qui ont contribué à ce texte : Martine Filleul, Annick Billon, Dominique Vérien, Marie-Noëlle Battistel et Fatiha Keloua Hachi, qui a défendu les amendements du groupe Socialistes en séance. Je tiens aussi à remercier Guillaume Gouffier Valente pour le travail constructif que nous avons mené ensemble.
Cette proposition de loi apporte des solutions. Alors que la droite sénatoriale avait revu à la baisse les ambitions du texte, son passage à l'Assemblée nationale a permis de renforcer les dispositions, en partie grâce aux amendements de notre groupe.
Nous nous réjouissons que le taux des primo-nominations soit relevé à 50 % dès 2026 et que les administrations aient l'obligation, à partir de 2027, de respecter un taux minimal de 40 % de personnes d'un même sexe dans les emplois de direction. Nous saluons aussi l'élargissement du périmètre des emplois concernés à d'autres fonctions, comme celles de chef de service et de chef de pôle dans les hôpitaux.
Parce que nous nous devons d'être exemplaires, mon groupe a contribué à l'extension de l'objectif de parité aux assemblées parlementaires. Pour les mêmes raisons, et c'est une bonne chose, le taux minimal de nomination s'appliquera désormais aux cabinets ministériels ainsi qu'au cabinet du Président de la République.
Enfin, grâce aux amendements du groupe Socialistes, l'index de l'égalité professionnelle, qui sera instauré dans la fonction publique sur le modèle de celui qui existe pour le secteur privé, fera l'objet d'une publication sur le site internet des administrations et d'un débat au sein des assemblées délibérantes.
Nous ne pouvons que regretter que le Sénat ait eu le dernier mot en commission mixte paritaire sur deux points qui nous étaient chers. Alors que nous avions adopté en commission des amendements, dont un du rapporteur, visant à abaisser à 20 000 habitants le seuil de population des collectivités concernées, celui-ci a été relevé à 40 000 habitants. Par ailleurs, la publication des salaires les plus hauts, des salaires les plus bas et du salaire moyen, avec une répartition par sexe, adoptée à l'initiative du groupe Socialistes, a été abandonnée. Nous le regrettons car nous voulons que les femmes ne se retrouvent plus systématiquement en bas de l'échelle ; cette publication aurait permis de renforcer la transparence sur les écarts de rémunération et aurait démontré de manière magistrale la situation que vivent les femmes dans un certain nombre de secteurs.
Nous avions formulé des propositions pour les secrétaires de mairies, ces petites mains de nos territoires, dont les rémunérations sont trop souvent faibles et les perspectives d'évolution de carrière limitées. Malheureusement, on nous a opposé que ce n'était pas l'objet de ce texte.
Malgré ces regrets, nous voterons en faveur de ce texte, avec enthousiasme. Il est temps d'opter pour une approche paritaire dans tous les domaines que nous abordons. La parité, parce qu'elle introduit la diversité, aide à une décision mieux équilibrée. Je suis persuadée qu'elle constituera une réponse efficace, parmi d'autres, au déficit d'attractivité de la fonction publique. C'est le chemin que nous devons tracer ensemble.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Cette proposition de loi est une preuve de plus, s'il en fallait, de la capacité de nos deux chambres à dialoguer, et même à s'accorder. Députés comme sénateurs, nous étions animés par une conviction forte : il faut renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. L'État, premier employeur de France avec ses services centraux, déconcentrés et décentralisés, doit être exemplaire. Il doit montrer le chemin. N'oublions jamais que la fonction publique est l'une des richesses de notre pays : 5,7 millions de personnes s'engagent au quotidien pour nos services publics et notre démocratie, partout sur le territoire. Nous nous devons de renforcer son attractivité et son efficacité.
Dix ans après sa promulgation, la délégation aux droits des femmes du Sénat a constaté que la loi Sauvadet a bien permis d'accélérer la féminisation des emplois dans la fonction publique. Rappelons qu'elle impose un taux minimal d'hommes et de femmes parmi les personnes nommées pour la première fois aux principaux emplois supérieurs et dirigeants de l'État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière. Depuis 2017, ce taux est fixé à 40 % ; il a été atteint dans les trois versants de la fonction publique pour la première fois en 2020. C'est une petite victoire – bien que 2020 soit une date bien récente au regard de l'entrée en vigueur de l'obligation.
Je fais mien le titre du rapport de la délégation aux droits des femmes : il est temps de « changer de braquet ». Force est de constater que la féminisation des emplois supérieurs dans la fonction publique demeure extrêmement variable selon les types d'emplois, les versants et les ministères. À titre d'exemple, quatre départements ministériels ont dû s'acquitter en 2020 de pénalités financières dont la somme dépassait le million d'euros. De la même manière, dans la fonction publique hospitalière, les femmes demeurent moins nombreuses aux postes considérés comme les plus prestigieux : on compte seulement 27 % de femmes parmi les directeurs d'hôpital et 39 % de femmes parmi les directeurs de CHU – centre hospitalier universitaire. Oui, le nombre de femmes occupant des emplois à responsabilité progresse, mais bien trop lentement.
Alors que faire ? La systématisation, dès 2027, des pénalités financières infligées aux employeurs publics qui ne respecteraient pas l'obligation de primo-nominations paritaires est l'objet de l'article 1er . Mais féminiser la fonction publique et réduire les écarts de rémunérations ne pourra se faire sans constat objectif – c'est le but de la transposition dans le secteur public de l'index de l'égalité professionnelle qui existe depuis six ans maintenant dans le secteur privé. Cet effort de transparence est nécessaire ; nous nous réjouissons que l'amendement visant à accélérer son entrée en vigueur ait fait l'objet d'un accord au sein de la CMP.
Malgré ces grandes ambitions, il faut faire preuve de pragmatisme, de réalisme. À ce titre, nous rejoignons totalement le Sénat, dont la position a été d'imposer le dispositif des nominations équilibrées aux seules collectivités de plus de 40 000 habitants, et non à celles de plus de 20 000 habitants, comme l'avait décidé l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, l'honnêteté nous oblige à vous faire part d'une interrogation : est-ce le rôle du Parlement que d'imposer au Gouvernement des règles de nomination ? Nous n'en sommes pas convaincus. Ne vous y trompez pas : nous pensons qu'il faut, partout, de la parité, et aussi de la transparence – c'est la raison pour laquelle nous soutenons l'obligation de publication – mais nous nous demandons si le principe cardinal de séparation des pouvoirs ne nous interdit pas de nous immiscer dans le fonctionnement de l'exécutif.
En tout état de cause, le rapporteur, Guillaume Gouffier Valente, et le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, ont su accompagner et soutenir l'ambition que revêt ce texte. Je les remercie pour leur engagement profond en faveur de cette cause si structurante pour notre société et qui nous tient tant à cœur. Rejeter cette proposition de loi, c'est cela qui ferait injure à l'intelligence des femmes ! Le groupe Horizons et apparentés la soutiendra.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem.
À poste égal, les femmes sont plus diplômées que les hommes. Pourtant, elles occupent deux fois moins de postes à responsabilité – je le répète en direction des bancs situés à ma droite, semble-t-il atteints de surdité – et leurs salaires sont 30 % moindres. Ces inégalités sont connues et documentées scientifiquement, tout comme les réponses à y apporter. N'oublions pas que les « derniers de corvée » sont, dans leur quasi-totalité, des femmes.
Malgré tout, ces inégalités perdurent, dans les discours et jusque dans cet hémicycle – parce qu'elles sont structurelles, construites par des années d'habitude, renforcées par des choix politiques, et trop souvent par l'inaction politique.
Pendant que l'extrême droite cherche ses références dans une littérature qui tient probablement plus de La Servante écarlate que des études du CNRS – Centre national de la recherche scientifique –, nous tentons d'agir, notamment avec ce texte. Certes, nous aurions pu faire mieux et plus vite, agir dans plus de structures. Certes, nous ne résoudrons pas les problématiques qui structurent ces inégalités – tant s'en faut – mais nous nous attaquons à leur expression dans le champ des institutions publiques. Je parle bien de toutes les institutions publiques, puisque l'amendement de mon excellente collègue Marie-Charlotte Garin, aidée par la délégation aux droits des femmes – un travail collectif est toujours plus efficace –, a inclus les cabinets ministériels et présidentiel dans le champ du dispositif.
Alors oui, l'administration sera bientôt paritaire, enfin ! Ce n'est pas anodin : le service public doit montrer l'exemple pour entraîner avec lui toute la société. C'est un petit pas, mais il a le mérite d'exister et de nous amener ainsi à prendre date.
Je ne redirai pas ici, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, tous nos regrets quant aux reculs en CMP et au manque global d'ambition. Mais si le travail sur ce texte, en commission, en séance publique et en CMP, a été apaisé – puisque le mot est à la mode –, c'est qu'à chaque étape, le dialogue a prévalu. Dialoguer, c'est entendre, écouter, comprendre et agir. Dans cet hémicycle, la responsabilité du succès du dialogue, de la coconstruction, incombe à celles et ceux qui ont le pouvoir et tiennent les rênes. Ils font le choix d'orienter nos travaux dans cette direction, ou dans celle du conflit.
C'est trop peu souvent que nous pouvons, depuis les bancs de l'opposition, saluer le travail réalisé ou célébrer la coconstruction. C'est trop peu souvent qu'à l'inverse des éléments de langage martelés ad nauseam, nous est offerte la possibilité de dialoguer, d'être entendus et d'adopter une approche transpartisane. Sur les quelque 150 textes soumis à la sagesse de notre assemblée depuis un an, les textes pour lesquels ce dialogue a été possible se comptent sur les doigts d'une main.
Alors, merci, monsieur le rapporteur, d'avoir su offrir le dialogue là où il n'existe quasiment jamais. Merci, monsieur le ministre, d'avoir choisi la même dynamique. Combien de séances auraient gagné sur le fond, la forme, combien d'examens auraient bénéficié aux Françaises et aux Français si vos collègues, si la Première ministre ou le Président avaient choisi la même approche ? Combien de progrès sociaux et environnementaux avons-nous ratés parce que la tactique prend systématiquement le pas sur la politique ?
Cet après-midi, c'est chouette, nous pouvons être soulagés : nous avons franchi une étape pour l'égalité, grâce au dialogue. La coconstruction, c'est pas mal, finalement – nous y prendrions presque goût ! Cela donnera peut-être des idées à l'exécutif – je vous fais confiance pour en toucher deux mots à vos collègues, monsieur le ministre. Nos concitoyens vous en sauraient gré. Les Françaises vous sont reconnaissantes, aujourd'hui, pour ce début de dialogue. C'est pour cette raison que le groupe Écologiste – NUPES votera en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Permettez-moi, pour commencer, de me désoler du fait qu'en 2023, l'égalité entre les femmes et les hommes demeure un combat de premier plan. Certains combats semblent malheureusement ne jamais devoir cesser. C'est la raison pour laquelle il nous faut continuer à œuvrer en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel en plaçant cet objectif au cœur de nos travaux. Nous agissons en ce sens avec cette proposition de loi qui vise à renforcer les dispositions de la loi Sauvadet. Motivée par la volonté de soutenir la nomination des femmes dans les emplois d'encadrement supérieur et de direction au sein des trois fonctions publiques, celle-ci avait inscrit un objectif clair dans notre législation : atteindre 40 % de primo-nominations féminines aux 6 000 postes à responsabilité de la fonction publique – notons que l'égalité ne faisait pas alors partie des ambitions du législateur. Malheureusement, dix ans après, nous devons constater que cette loi n'a pas permis de briser le plafond de verre.
Devant de telles limites, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat a voulu rendre les dispositions législatives efficientes. Je tiens à saluer l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi issue de ses travaux ainsi que les nombreuses avancées obtenues au cours de la navette parlementaire.
Nous nous félicitons tout d'abord de la suppression de la dispense de la pénalité financière pour non-respect des quotas de primo-nominations dans les emplois d'encadrement supérieur et de direction de la fonction publique, tout en regrettant que certains employeurs préfèrent encore s'acquitter d'une amende plutôt que de nommer des femmes à des postes à responsabilité.
Les échanges entre nos deux assemblées ont permis de relever de 40 % à 50 % le taux de personnes de chaque sexe pour les primo-nominations, ce qui garantit une parité réelle. L'élargissement des postes concernés au sein des administrations dans les régions, dans les départements, dans les communes, en passant par les cabinets ministériels et le cabinet du Président de la République, constitue aussi un progrès. L'obligation de verser des pénalités financières et des contributions forfaitaires, lorsque les objectifs fixés par la loi ne sont pas atteints, est également une avancée.
Toutefois, nous divergeons sur un point : nous considérons qu'il ne suffit pas que la fonction publique montre l'exemple pour que les entreprises privées le suivent. Il faut être clair : l'incitation sans contrainte n'a que peu d'effets concrets, comme la loi Sauvadet l'a montré. Si cette proposition de loi actionne différents leviers pour renforcer l'accès des femmes aux postes à responsabilité dans la fonction publique, il y a encore beaucoup à faire pour parvenir à l'égalité réelle dans notre société.
Le premier frein à la candidature des femmes à de tels postes reste la charge mentale qui pèse sur elles et les tâches quotidiennes qui leur incombent. Occuper un poste à responsabilité se traduit souvent par des contraintes accrues d'organisation et des horaires alourdis, car ce sont encore elles qui effectuent la majorité des tâches domestiques et des soins prodigués aux enfants. Tant que les femmes, en plus de leur travail, devront assurer la plus grande part de l'intendance dans la sphère privée, il y aura peu de candidates à des postes importants. Par ailleurs, parce que les stéréotypes de genre persistent et qu'ils sont intériorisés par les femmes, souvent dès leur plus jeune âge, le phénomène d'autocensure est plus marqué lorsque des postes à responsabilité se libèrent. À cela s'ajoute la persistance de différences de rémunération, à compétences et postes égaux, entre les hommes et les femmes, problème que plusieurs de mes prédécesseures à cette tribune ont dénoncé.
Je tiens aussi à appeler l'attention sur les situations administratives ubuesques que nous connaissons dans les outre-mer. Je prendrai le cas, monsieur le ministre, de Valérie, réunionnaise admise au concours interne d'ingénieur de la police technique et scientifique. Classée deuxième au niveau national, première pour la zone de l'océan Indien et première à La Réunion, elle a accédé à son nouveau grade le 1er juillet dernier au moment où deux postes se libéraient à La Réunion. Pourtant, pour des raisons administratives, elle n'a pas été affectée à La Réunion où elle était déjà en poste, mais en Martinique, ce qui a conduit plusieurs parlementaires à interpeller le ministère de l'intérieur et des outre-mer sur sa nomination. Je précise qu'à La Réunion, seules 11 % des personnes nommées à des postes d'encadrement dans la fonction publique sont d'origine réunionnaise et que, parmi elles, moins de la moitié sont des femmes – vous connaissez, monsieur le ministre, mon attachement à cet enjeu.
Valérie est un symbole pour toutes les femmes réunionnaises, celui de la réussite et de l'excellence féminine dans un territoire où les inégalités sont exacerbées. Pourquoi, alors que deux postes correspondant à son grade sont vacants à La Réunion, l'administration lui impose-t-elle une mutation à 13 000 kilomètres de distance ? C'est une bouteille à la mer que je lance vers vous, monsieur le ministre, car nous n'avons obtenu aucune réponse de la part du ministère de l'intérieur et des outre-mer. Si la fonction publique doit montrer l'exemple, peut-être pourriez-vous commencer par apporter des solutions à Valérie en particulier et aux outre-mer en général, où les retards en ce domaine sont criants.
C'est ce type de décision administrative incompréhensible qui fait renoncer certaines femmes à leurs ambitions professionnelles et les pousse à accepter des postes pour lesquels elles seront certes surqualifiées, mais qui auront moins de répercussions sur leur vie personnelle. C'est tout le fonctionnement de notre société qu'il nous faut repenser pour parvenir à l'égalité. Parce que celle-ci ne se décrète pas mais se construit et parce que cette proposition de loi comporte de réelles avancées, nous voterons en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Nathalie Bassire applaudit également.
Sur vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
Nous y sommes. Depuis son dépôt au Sénat en novembre 2022 jusqu'à l'accord trouvé en CMP en juin dernier, cette proposition de loi aura fait du chemin : en huit mois, nous avons réussi à construire un texte ambitieux qui permettra d'aller vers une véritable parité dans les trois fonctions publiques. Le combat pour l'égalité est certes loin d'être gagné, mais il progressera à coup sûr si nous adoptons ces nouvelles dispositions. Notre assemblée a déjà voté plusieurs mesures destinées à renforcer les obligations qui pèsent sur les employeurs publics. Cette proposition de loi s'inscrit dans cette logique. L'accord trouvé en CMP, après un vote favorable tant au Sénat qu'à l'Assemblée, est un signe fort. Presque tous les groupes, tant de l'opposition que de la majorité relative, ont cependant conscience des progrès qu'il reste à faire.
Nous partageons tous le même constat : alors que les trois versants de la fonction publique comptent plus de 60 % de femmes, les différences entre les femmes et les hommes persistent en matière de traitement, de situation, de responsabilité et de parcours professionnel. Pour réduire cette fracture, la proposition de loi apportera des solutions concrètes. Notre groupe salue en particulier le choix de relever de 40 % à 50 % le taux de représentation de chaque sexe pour les primo-nominations aux postes à responsabilité. C'est un nouveau pas vers l'égalité réelle.
Dans le même sens, notre groupe salue la création d'un nouveau seuil obligatoire de 40 % pour le stock, c'est-à-dire le vivier d'emplois. La loi ne doit en effet pas se contenter de favoriser les nominations : elle doit aussi garantir la continuité de la présence des femmes à ces postes publics. Plus encore, j'estime indispensable que ces obligations aient force contraignante. Il était nécessaire de mettre fin progressivement à la dispense de pénalité financière pour les employeurs ne respectant pas leurs obligations.
Je sais que certains ici auraient souhaité une entrée en vigueur plus rapide de ces mesures. Cependant, il me semble que nos deux assemblées ont fait le bon choix en privilégiant une application échelonnée de toutes ces normes. Il est nécessaire de laisser le temps aux employeurs publics, en particulier aux élus locaux, de s'approprier ces nouveaux outils.
De la même manière, notre groupe salue le choix de la CMP de ne pas avoir retenu l'abaissement du seuil de population des collectivités soumises aux obligations de parité. En voulant le faire passer de 40 000 à 20 000 habitants, notre assemblée répondait à un objectif louable, mais une telle disposition aurait mis en difficulté certaines communes. S'il est nécessaire en effet de développer une culture de la parité dans tous les secteurs, il aurait été contre-productif de faire peser des contraintes irréalistes sur les élus locaux de petites collectivités.
À nos yeux, les plus gros efforts doivent peser sur l'État, qui est loin d'être exemplaire. En 2019, six des onze départements ministériels n'avaient pas atteint la cible de 40 % de primo-nominations et avaient dû payer plus de 2 millions d'euros de pénalité – un résultat peu motivant !
Notre groupe se réjouit de voir que, dans le texte issu de la CMP, l'application du principe de parité dans les cabinets ministériels et dans le cabinet du Président de la République a été maintenue. C'est un signal positif : il est essentiel que les ministères et les services de la présidence soient exemplaires. Cela rend d'autant plus difficile à comprendre le choix de supprimer toute mention de la fonction publique parlementaire : pourquoi ce recul, alors que notre assemblée avait tenu à ajouter un objectif non contraignant pour les fonctions publiques des deux chambres ? Même si je n'ignore pas les particularités de ces dernières, il me semble regrettable que nous donnions l'impression à nos concitoyens que les règles que nous votons s'appliquent à tous sauf à nous-mêmes.
En dépit de cet unique regret, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera pour cette proposition de loi qui constitue une avancée indéniable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Je souhaite prendre quelques instants pour parler de ce que Stendhal évoquait lorsqu'en 1817, il écrivait : « L'admission de la femme à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation ; elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain et ses chances de bonheur. »
En France, en 2023, nous avons gravi de nombreuses marches vers plus d'égalité, mais le combat n'est pas terminé. Le droit de vote des femmes instauré en 1944, l'entrée au palais Bourbon de trente-trois femmes députées en 1945, l'institution en 1965 du droit pour les femmes d'exercer une profession et d'ouvrir un compte bancaire sans l'autorisation de leur mari, la dépénalisation de l'IVG par la loi Veil en 1975 sont autant de jalons que ceux qui nous ont précédés sur les bancs de l'hémicycle ont posés. Ce sont autant de discours et de débats qui ont marqué l'histoire de notre institution et de notre pays.
Je tiens à saluer le travail des sénatrices Annick Billon, Martine Filleul et Dominique Vérien, qui sont à l'initiative de ce texte qui n'a rien anodin. Le fait que le Parlement en soit à l'origine montre que nous avons toutes et tous conscience de l'aspiration des Françaises et des Français à donner aux femmes toute leur place dans la société.
Durant nos débats, certains se sont opposés à cette proposition de loi, arguant qu'une femme devait être nommée à tel poste non parce qu'elle était une femme mais parce qu'elle avait les compétences requises. Si cela serait en effet souhaitable, il faut rappeler qu'être une femme, c'est se heurter, à chaque étape de son parcours professionnel, à des plafonds de verre. Pour accéder aux postes auxquels elles candidatent, les femmes doivent prouver systématiquement qu'en plus d'être aussi compétentes – voire davantage – qu'un homme, elles sont dotées des qualités considérées comme étant naturelles chez les hommes. En outre, elles ont souvent à choisir entre construire une carrière et fonder une famille. Ce sont autant d'obstacles qu'elles ont à surmonter.
Je tiens à saluer le travail du rapporteur et de M. le ministre, qui nous a permis de suivre la bonne direction pour élaborer un texte répondant à la nécessité de poursuivre les efforts consentis par la fonction publique depuis plus de dix ans et permettant de donner aux femmes la place qui leur revient. Le fait qu'un consensus entre notre assemblée et le Sénat ait été trouvé montre qu'il est possible de progresser. Nul doute que nous continuerons dans cette voie.
L'esprit qui a présidé à nos travaux nous a permis d'obtenir de belles avancées. Citons, parmi elles, le relèvement du taux de primo-nominations à 50 %, l'obligation pour les cabinets ministériels de publier chaque année le nombre de femmes et d'hommes nommés, ou encore la création de l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. Les améliorations que nous avons apportées sont issues d'un travail commun, car nous sommes pour la plupart d'accord sur les objectifs et les dispositifs que nous devons mettre en place afin de les atteindre.
Ce texte a des implications fortes pour les agentes des différents versants de la fonction publique. Il appelle surtout à un accompagnement renforcé de ces dernières par les employeurs publics, afin de les aider à accéder aux postes à responsabilité pour lesquelles elles ont toutes les compétences. Car si certains caricaturent cette proposition de loi en prétendant que nous obligerions les employeurs publics à recruter en fonction non des compétences mais du sexe de la personne, il n'en est rien. Ce que nous faisons, c'est paver la voie pour les millions de femmes qui occupent les deux tiers des postes de la fonction publique, afin que, demain, elles puissent devenir plus facilement directrice de cabinet ou directrice générale des services.
Deux cent six ans après le vœu d'égalité parfaite formé par Stendhal, nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte qui constitue un pas de plus en ce sens. Deux cent trente ans après la mort d'Olympe de Gouges place de la Concorde, à quelques pas de notre hémicycle, nous rappelons notre détermination à lutter contre « l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme [qui] sont les seules causes des malheurs publics », pour reprendre ses mots.
Aussi les députés du groupe Renaissance voteront-ils en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d'abord appeler l'Assemblée à statuer sur l'amendement dont je suis saisie.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Cet amendement de coordination vise à aligner la rédaction de l'article 3 bis sur celle de l'article 2, tel que vous l'avez adopté en commission.
L'amendement n° 1 , modifiant l'article 3 bis, accepté par la commission, est adopté.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l'amendement adopté par l'Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 156
Nombre de suffrages exprimés 154
Majorité absolue 78
Pour l'adoption 119
Contre 35
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (n° 1346, 1440 deuxième rectification).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 297 à l'article 3.
Sur l'amendement n° 846 , je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 1330 , je suis saisie par le groupe Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis certain que cet amendement de mon collègue Ian Boucard vous satisfera, monsieur le garde des sceaux, puisqu'il vise à compléter l'alinéa 125 pour n'autoriser l'activation à distance d'un appareil électronique qu'aux seuls cas de risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes et aux biens, conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2018. Nous en avons déjà longuement débattu hier et, en toute objectivité, cet amendement est le meilleur de tous.
La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l'amendement n° 846 .
Dans le prolongement de nos débats d'hier, nous souhaitons mieux encadrer les techniques d'activation à distance d'appareils électroniques et proposons deux évolutions à ce titre. Nous souhaitons qu'il soit inscrit dans la loi, d'une part, que l'activation à distance doit être justifiée par la nature et la gravité des faits suspectés, d'autre part, que le juge des libertés doit veiller à l'usage proportionné de ces nouveaux moyens.
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune.
Je remercie Mme Moutchou de son amendement, qui va dans le sens des trois garanties dont j'ai parlé hier soir avant la levée de séance. Avis favorable.
Non, pardon ! Celui de M. Boucard, présenté avec brio par M. Minot, a beau être le meilleur de leurs amendements, j'y suis défavorable.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
M. Minot a essayé de bien nous vendre cet amendement en le surqualifiant, si j'ose dire, puisqu'il a précisé que c'était le meilleur des amendements. Je partage néanmoins l'avis du rapporteur : il ne peut pas être retenu. Avis défavorable.
En revanche, rappeler la proportionnalité me paraît une excellente chose, même si celle-ci doit naturellement être de mise dans tous les actes judiciaires. Cependant, abondance de biens ne nuit pas. Je suis donc favorable à votre amendement, madame Moutchou.
Comme précédemment, je donnerai la parole à un orateur en faveur des amendements et à un contre.
La parole est à Mme Cécile Untermaier.
L'amendement de Mme Moutchou avait retenu mon attention en commission des lois et la proportionnalité qu'il introduit répond d'ailleurs à l'avis du Conseil d'État, que j'ai déjà évoqué. À titre personnel, je le voterai.
Néanmoins, je considère que les garanties demandées par mon groupe ne sont pas encore au rendez-vous. J'ai lu attentivement le rapport d'activité de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), qui avait été instituée en 2015 lorsque nous avions doté les services de renseignement de ce dispositif, que vous souhaitez étendre désormais au domaine judiciaire.
Ce rapport est édifiant : il constate « un dépassement de la durée d'autorisation » délivrée par la Première ministre ; il souligne qu'« à deux reprises, les services se sont introduits dans un véhicule sans disposer d'une autorisation en cours de validité », ou encore « que les techniciens dépêchés sur le terrain ne s'étaient pas assurés que l'autorisation […] était encore valable. » Il insiste également sur la nécessité d'une meilleure traçabilité. Je pense que nous devrions être plus précis sur ce point, monsieur le garde des sceaux, ainsi que sur l'utilisation de ces nouvelles techniques d'investigation.
En effet, sur quelle base le procureur assurera-t-il le contrôle de la traçabilité ? Il est indispensable de produire des fiches de traçabilité pour l'autorité judiciaire, comme ça l'est pour la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ainsi que le rappelle la CNCTR. Le même rapport souligne également que le dépassement de la durée légale de conservation des données brutes a posteriori a été constaté à de multiples reprises.
Ce dispositif est peut-être efficace ; toutefois, il est attentatoire aux libertés s'il n'est ni contrôlé ni garanti. Nous pourrions progresser sur ce sujet.
L'amendement n° 297 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 64
Contre 15
L'amendement n° 846 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l'amendement n° 696 .
Il vise à supprimer les deux dernières phrases de l'alinéa 125. En effet, l'article 706-95-16 du code de procédure pénale régit les durées maximales d'autorisation applicables aux techniques spéciales d'enquête, auxquelles est assimilable l'activation à distance d'un appareil électronique. Or les deux dernières phrases de l'alinéa ont pour effet la création d'un nouveau régime juridique prévoyant des délais spécifiques à cette technique. Dans un souci de simplification – puisque vous employez souvent cet argument –, nous estimons préférable de soumettre au même régime juridique la durée maximale d'autorisation et les conditions de renouvellement de l'ensemble des techniques spéciales d'enquête.
Défavorable. Votre amendement, qui vise à supprimer toutes les garanties attachées à cette nouvelle technique d'enquête, prouve que notre position est équilibrée. Le contraste entre notre souci d'encadrement et d'équilibre et votre désir de les supprimer montre que nous empruntons la voie du juste milieu.
L'activation à distance d'un appareil électronique, sans doute plus intrusive que les techniques existantes, n'en est pas moins nécessaire, comme l'a reconnu le Conseil d'État. Pour autant, il convient d'être très attentif aux délais qui l'encadrent, car son caractère intrusif nécessite des garanties et une grande vigilance de notre part. Avis défavorable.
L'amendement n° 696 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 1330 .
Il fait suite à l'amendement n° 1328 , examiné hier, qui tendait à préciser que l'exception dont bénéficient les journalistes en matière de géolocalisation s'applique à chacun d'entre eux. De la même manière, l'amendement n° 1330 propose une précision similaire en ce qui concerne l'activation à distance d'un appareil électronique à des fins d'écoute.
J'ai en mémoire vos arguments d'hier contre cette modification, mais je rappelle qu'il existe deux définitions d'un journaliste : celle du code du travail et celle de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. De nombreux journalistes couvrant des manifestations ou d'autres événements similaires ont affaire à des agents de police qui leur font obstacle et les empêchent de faire valoir leurs droits. Or ce sont ces mêmes agents qui mettront en œuvre les mesures prévues dans le texte. Il nous semble donc prudent, voire nécessaire, d'inscrire explicitement dans l'article que l'exception s'applique à tous les journalistes, qu'ils soient titulaires ou non d'une carte de presse. Nous sommes d'accord sur le fond, mais comme l'a dit M. le ministre, abondance de biens ne nuit pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous l'avez rappelé, nous avons déjà présenté hier nos arguments à ce sujet. Rien n'a changé depuis. Avis défavorable.
La nuit, qui porte souvent conseil, ne m'a pas fait changer d'avis. Le texte contient déjà les références au droit positif permettant d'établir que l'ensemble des journalistes sont bel et bien concernés, qu'ils soient porteurs ou non d'une carte de presse. C'est ainsi que chacun ici l'entend. Il n'est pas souhaitable de préciser dans chaque alinéa à quel type de journalisme une mesure fait référence, car il est évident que le mot « journaliste » désigne tous les journalistes. Je comprends – et partage – la préoccupation qui motive votre amendement, mais j'estime que le texte est parfaitement clair. Avis défavorable.
Étant donné que la loi pénale est d'interprétation stricte, votre avis défavorable me pousse à conclure que les appareils électroniques des journalistes sans carte de presse pourront être activés à distance. Cela pose un problème démocratique d'autant plus profond que la majorité des journalistes, en raison de la précarisation croissante du métier, ne disposent pas d'une carte de presse.
En quelques années, le nombre de détenteurs d'une carte de presse a diminué de 3 400. Il convient d'en tenir compte : l'article en serait non seulement plus juste et plus rigoureux, mais reconnaîtrait également à leur juste valeur les journalistes les plus précaires, c'est-à-dire ceux pour qui il est le plus difficile de faire valoir la liberté de la presse, car l'absence de carte de presse les rend totalement dépendants de leur supérieur hiérarchique.
Mais bien sûr !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 96
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 21
Contre 75
L'amendement n° 1330 n'est pas adopté.
L'alinéa 127 fait l'inventaire – insuffisamment poétique pour être considéré comme un inventaire à la Prévert – des exceptions à la possibilité d'activation à distance d'un appareil électronique. Opposés par principe à cette technique d'enquête, nous considérons que l'ensemble des citoyens devraient en être préservés. Comme je l'ai dit hier soir, je suis surprise que le Gouvernement préfère exploiter les failles des appareils connectés plutôt que de les sécuriser dans l'intérêt des Français.
L'inventaire des exceptions comprend les notaires et les huissiers. Nous avons souhaité l'amender, ce qui ne signifie pas que nous adhérons au dispositif. Nous peinons à comprendre pourquoi les notaires et les huissiers constitueraient une exception. Au contraire, il est facile d'imaginer en quoi ces professions peuvent être liées à des activités illicites. Nous proposons donc de les retirer de l'inventaire, pour ne conserver que les médecins.
Favorable.
Il est illogique que les notaires et les huissiers fassent partie de la liste des exceptions, alors que d'autres professions, comme les psychologues – qui, sans être médecins, exercent un métier reposant sur le lien de confiance avec leurs patients –, n'y figurent pas.
Nous avons déposé un amendement visant à extraire de la liste les notaires et les huissiers, ce qui correspond d'ailleurs à votre logique, puisque vous ne voulez pas protéger grand monde. Il ne faut toutefois pas y voir un signe d'adhésion à votre dispositif. J'insiste sur le fait que nous sommes contre la possibilité d'activer à distance des objets connectés, quelle que soit leur nature.
Mais pourquoi ?
Non, je vous écoute attentivement !
Je rappelle que les huissiers et les notaires, en tant qu'officiers ministériels, ont des responsabilités spécifiques. Par ailleurs, l'exposé sommaire des motifs de l'amendement est rédigé en écriture inclusive, ce qui est rédhibitoire.
Rires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il concerne les interprètes judiciaires, au nombre de 7 500, dont je tiens à rappeler qu'ils éprouvent de grandes difficultés à se faire payer par le ministère de la justice. En 2021, les paiements ont été interrompus en août ; cette année encore, les interprètes attendaient d'être rémunérés pour leurs prestations. Cela explique peut-être pourquoi vous proposez qu'ils fassent leur travail par l'intermédiaire de moyens de télécommunication : puisqu'ils n'auront plus à se déplacer, vous pourrez les payer pour des missions moins longues.
Peut-être cette disposition est-elle plutôt motivée par votre confiance dans le tout numérique. Il ne serait pas étonnant que vous proposiez dans quelques années de confier l'interprétariat à un robot, sans vous soucier des nombreuses erreurs de traduction qui s'ensuivront : c'est en tout cas ce que peut laisser craindre la lecture du mode d'emploi d'appareils connectés en provenance du Japon qui, truffé d'erreurs, est d'un piètre secours lorsqu'il s'agit d'utiliser les produits en question.
L'enjeu est fondamental : nous parlons de personnes gardées à vue ou de victimes – qui, de notre point de vue, ont besoin d'un contact humain. La traduction n'est pas un travail de robot, mais un travail humain de communication, qui repose sur le regard et la gestuelle et ne saurait donc passer par la télécommunication.
Il vise à empêcher que la mission de l'interprète soit accomplie à distance. En Guyane et plus généralement en outre-mer, de nombreuses personnes parlent une autre langue que le français. Dans de tels cas, il importe au plus haut point qu'un interprète soit présent pour expliquer ses droits au prévenu. L'intervention à distance ne constitue nullement un progrès, car la présence physique de l'interprète auprès du prévenu, en garde à vue comme au tribunal, facilite grandement la communication.
Nous sommes donc opposés à la médiation par un écran, qui fera obstacle à la communication et risque de conduire à surinterpréter les propos traduits.
M. Jean-Paul Lecoq applaudit.
Je ne comprends pas votre position, monsieur Rimane : vous préférez laisser sans interprète une personne gardée à vue,…
C'est vrai !
…qui parle une langue que personne ne comprend au commissariat, plutôt que d'organiser une visioconférence avec un interprète qui lui exposera ses droits et, dans certains cas, lui expliquera pourquoi il est là et pourra le rassurer.
Dans ma circonscription, il y a un commissariat à Concarneau et une brigade de gendarmerie à Quimperlé notamment. Pour certaines langues, il est impossible de trouver un interprète : il n'arriverait pas avant deux ou trois heures, ou même quatre ou cinq heures pour une langue comme le tagalog.
Je ne comprends vraiment pas votre position, alors que nous voulons rassurer les personnes gardées à vue en leur exposant leurs droits. La commission émet un avis défavorable.
Totalement défavorable.
Prendre des exemples rares, des situations extrêmes, pour en faire une loi – sans mauvais jeu de mots – générale, est devenu une de vos figures rhétoriques de prédilection, cependant cette habitude n'est pas convaincante. Nous ne devons pas légiférer de cette façon.
Nous commençons à vous connaître, de sorte que nous savons à quels glissements vous procédez. Dans un moment si important pour celui qui est gardé à vue comme pour ceux qui l'interrogent, la traduction exige une relation directe et posée.
Je ne sais pas comment vous avez vécu le confinement, pendant lequel nous avons beaucoup travaillé en visioconférence, mais force est de constater que cette situation, dans laquelle on ne voit pas le regard de ses interlocuteurs, par exemple, affecte la qualité de la discussion. Passe encore pour nos réunions qui perdent une partie de leur sens et de leur intérêt quand elles ont lieu en visioconférence, mais dans le cas présent la situation de celui qui est mis en cause dépend de la qualité de la traduction ; il ne faut donc pas rigoler avec ça.
Ne prenez pas des exemples extrêmement minoritaires pour en faire une loi générale. Vous ne payez pas les interprètes…
Mais bien sûr !
S'ils n'ont plus à se déplacer, vous les paierez encore moins cher, bien sûr ! À vrai dire, toute cette affaire, y compris l'activation des objets connectés à distance, ne consiste que dans la gestion de la pénurie : on embauche moins de policiers…
Mais comment pouvez-vous dire des trucs pareils ?
C'est lunaire, ce que vous dites !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Après ce débat et pour aller dans le sens de ce que propose le Gouvernement, il nous paraît pertinent de permettre la consultation d'un interprète à distance pour les mineurs de plus de 13 ans.
Je tiens à rappeler que les actes de délinquance commis par des mineurs non accompagnés (MNA) étrangers prennent des dimensions préoccupantes, notamment dans les grandes villes : à Paris, en 2020, plus de 40 % des vols à la tire, 30 % des vols avec violence et 30 % des cambriolages étaient le fait de MNA, qui représentent 80 % des défèrements de mineurs.
Je tiens à signaler que cet amendement a été rédigé avant les faits malheureux de la semaine dernière. Bien sûr, un débat doit s'ouvrir sur la situation des mineurs.
Cependant, nous voulons tout simplement rendre le processus judiciaire plus fluide. Permettre à un interprète de traduire à distance peut contribuer à accélérer les procédures et à rendre la justice plus rapidement. En effet, plus la sanction est prononcée rapidement après les faits de délinquance, plus la peine est efficace. L'amendement va donc dans le sens de ce que vous proposez dans ce projet de loi.
Il me semble important de conserver la différence entre les majeurs et les mineurs, dont la garde à vue est plus strictement encadrée, ce qui est normal. Ces personnes plus jeunes ne comprennent pas toujours leur situation ; être placé en garde à vue alors qu'on a moins de 18 ans est difficile. Nous voulons donc maintenir l'exigence de présence d'un interprète. L'avis de la commission est défavorable.
Monsieur Guitton, vous proposez d'insérer dans le code de procédure pénale une extension de l'autorisation de l'interprétation par visioconférence aux mineurs alors que c'est impossible, puisque toutes les dispositions qui concernent les mineurs sont rassemblées dans le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) voté en 2021. Les dispositions concernant les mineurs ne peuvent pas figurer dans le code de procédure pénale, puisqu'ils relèvent d'un autre code.
En outre, comme vous l'imaginez sans doute, je suis défavorable à la position que vous explicitez.
L'avis du Gouvernement est donc évidemment défavorable.
Nous voyons quelle frénésie s'empare du Rassemblement national dès qu'il s'agit d'enfermer des gens, en particulier des étrangers, et encore davantage des mineurs !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Comme l'a dit M. le garde des sceaux, ce projet de loi ne concerne pas les mineurs, mais vous y allez tout de même de votre couplet ! Vous avez tellement de haine…
…pour ces gens-là, pour ces jeunes qui ont eu un parcours d'exil terrible.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Nous avons bien compris que vous ne voulez pas les accueillir, mais, en plus, vous voulez les enfermer toujours plus vite, toujours plus fort ! Chaque fois qu'il s'agit des étrangers, vous êtes lamentables.
Chaque fois que vous le pouvez, vous exprimez votre haine et votre racisme. Vous en rendez-vous compte ? C'est terrible, quand même !
Bien sûr, nous voterons contre cet amendement.
C'est intéressant de voir comment votre racisme utilise les moindres failles pour s'exprimer.
Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.
Mêmes mouvements.
Sur le fondement des alinéas 3 et 4 de l'article 70. Sur un point qui n'est pas le plus emblématique de ce projet de loi de programmation, le groupe LFI – NUPES nous sert la seule chose qu'il soit capable de servir : de pures insultes.
Nous ne tomberons pas dans le même travers. Cependant nous rappellerons que ceux qui incitent à brûler les écoles, les mairies, …
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
ceux qui s'abstiennent de condamner les blessures de nombreux policiers, les dégâts dont le montant s'élève à 1 milliard d'euros, la mise à l'arrêt des entreprises dont les salariés se retrouvent au chômage à cause des gens que vous téléguidez, c'est vous !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Je veux revenir sur l'amendement n° 443 . Pourquoi étendre l'interprétation par visioconférence aux mineurs ? Je ne suis pas d'accord avec ce qu'a dit le rapporteur.
En observant ce qui s'est passé la semaine dernière, on voit bien qu'il y a des mineurs qui se comportent comme des adultes.
Ils ne parlent pas français ? Vous dites n'importe quoi, ce sont des petits Français !
Je comprends l'argument juridique, mais nous pouvons tout de même avoir un débat – car il s'agit aussi d'un amendement d'appel – sur la condition des mineurs. Vous ne voulez pas les traiter de la même manière que des adultes, alors qu'ils se comportent comme des adultes et même pire qu'eux.
Je ne reviendrai pas sur les provocations de l'extrême gauche : vous nous faites le procès du racisme, alors que je ne vois pas de racisme dans cet amendement. Les règles de la République doivent s'appliquer aux personnes françaises ainsi qu'à celles qui ne le sont pas.
Nous défendons la citoyenneté française, la priorité nationale. Dans ce cas, il y a des mineurs non accompagnés, des mineurs étrangers, qu'il faut distinguer des mineurs français. La distinction que nous faisons dans tous nos amendements est éminemment républicaine. À chaque fois que nous parlons de priorité nationale, de mineurs étrangers et de mineurs français, nous ne faisons que reprendre la distinction qui existe dans la citoyenneté, et qui figure sur la carte d'identité. C'est tout ce que nous faisons.
Nous ne faisons jamais preuve de racisme ; vous n'en verrez jamais au sein du Rassemblement national.
« Mais bien sûr ! » sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Gardez donc vos provocations et vos déclarations purement formelles pour vous. Vous ne savez que nous calomnier ; vous n'avancez jamais d'arguments sur le fond pour nous porter la contradiction.
C'est tout. Les Français nous soutiennent ; vous pouvez toujours essayer d'obtenir le même soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je vous répondrai sur le fond, chers collègues du Rassemblement national.
D'abord, M. le garde des sceaux a rappelé que nous étions en train de discuter du code de la procédure pénale, tandis que les mineurs relèvent du code de la justice pénale des mineurs. Votre amendement ne fonctionne pas, dès lors qu'il vise à modifier le code de procédure pénale pour y inclure des dispositions concernant les mineurs.
Ensuite, les chiffres que vous avancez concernant les mineurs étrangers non accompagnés, je suis désolé de vous le dire, ne sont pas du tout exacts. Je vous renvoie au rapport d'information sur les mineurs non accompagnés et la sécurité déposé par MM. Jean-François Eliaou et Antoine Savignat : les chiffres qu'ils donnent sont très inférieurs. Il n'est pas vrai que 40 % des vols à la tire soient le fait de mineurs non accompagnés. Ceux-ci sont en cause dans moins de 5 % des actes de délinquance.
Ces deux arguments sur le fond devraient vous inciter à retirer l'amendement. En tout cas, l'avis de la commission est défavorable.
L'amendement n° 443 n'est pas adopté.
Je voudrais d'abord rappeler que, quand il existe de vraies stratégies d'insertion, avec de vrais moyens, les jeunes, qu'ils soient étrangers ou français, ne recommencent plus leurs conneries.
Mme Élisa Martin applaudit.
Dans mon département, il y a des centres éducatifs fermés – écoutez bien – qui suivent à leur sortie des jeunes qui ont fait de grosses conneries, et qui constatent dans les trois ans qui suivent la sortie 95 % de résultats positifs, grâce aux moyens qui sont mis à disposition. Quand on donne à un jeune des moyens et qu'on essaye de l'insérer, il y a des résultats. La dignité humaine exige que nous nous occupions des jeunes dans cette situation, qu'ils soient français ou étrangers.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
L'amendement n° 531 est un amendement de repli. Il vise à préciser au moins que la possibilité de recourir à la visioconférence lors des gardes à vue pour l'exercice du droit à un interprète doit se faire avec le consentement exprès et éclairé de la personne concernée.
Nous avons été interpellés à de nombreuses reprises au sujet des difficultés à participer à des gardes à vue en visioconférence avec des personnes qui ne sont pas éclairées et ne comprennent rien à la situation. Nous serions rassurés si on pouvait vérifier le consentement exprès et éclairé de la personne concernée dans le cadre de cette procédure particulière ; à défaut, il serait préférable de s'en tenir à la procédure traditionnelle.
Mêmes mouvements.
J'avoue que l'amendement est un peu baroque. Comment l'officier de police judiciaire (OPJ) expliquera-t-il à quelqu'un les modalités de l'exercice du droit à un interprète et obtiendra-t-il son accord éclairé quand celui-ci ne parle pas français ?
C'est bien la preuve qu'il faut parfois, pour énoncer les droits, expliquer la situation et gagner du temps dans l'intérêt du gardé à vue, permettre cette traduction par visioconférence.
Comment peut-on qualifier cet amendement de « baroque » ? C'est tout de même bien le moins que la personne concernée donne son accord ! Son refus imposera la présence d'un interprète en chair et en os ; au cas où celle-ci serait impossible, les services de l'État disposent généralement de formulaires en un certain nombre de langues,…
…ce qui permettra aux intéressés de comprendre où ils en sont. Soyons sérieux : de telles situations restent marginales. L'amendement vise simplement à ce qu'en cas de recours à ce dispositif de traduction par visioconférence, la personne gardée à vue exprime son accord, ce qui est, je le répète, le minimum que l'on puisse exiger.
Nous voterons évidemment contre l'amendement : j'avoue pour ma part avoir du mal à comprendre – et je rejoins sur ce point M. le rapporteur – comment la personne en cause pourrait donner son consentement exprès et éclairé au recours à la visioconférence en vue de l'intervention d'un interprète, alors qu'elle le ferait sans interprète, par définition.
En l'absence de formulaire rédigé dans sa langue et d'officier de police ou de gendarmerie qui parle celle-ci, la seule solution consisterait à solliciter un interprète par visioconférence afin que l'intéressé accepte que l'interprète qui l'assistera le fasse par visioconférence !
Bien sûr ! Bien sûr !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
L'amendement n° 531 n'est pas adopté.
L'amendement n° 837 de M. Erwan Balanant, rapporteur, est rédactionnel.
L'amendement n° 837 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 444 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Peut-être est-ce trop m'avancer, mais j'ai conscience que la provenance des amendements identiques au mien ne facilitera pas son adoption.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Je suis sur la même longueur d'onde que vous, chers collègues, comme l'indique cette liasse d'identiques, mais notre diversité même pourrait en perturber certains au moment du vote.
Justement : à nous tous, nous obtiendrons la majorité des voix, et ça passera !
Sourires.
On verra ! Reste qu'il est quelque peu délicat qu'en cas d'annulation pour irrégularité d'une procédure de placement en détention provisoire, l'intéressé puisse faire l'objet d'une assignation à résidence sous surveillance électronique (Arse), autre forme de contrainte. Évidemment, je conçois bien l'effet de bord qui ferait que l'annulation entraîne la remise en liberté pure et simple de gens qu'il serait nécessaire de suivre de près. Cependant, cette modalité de recours à l'Arse requerrait à tout le moins un certain nombre de critères que ne prévoit pas l'article 3 : il y a là une forme d'arbitraire, en tout cas de difficulté en matière de respect des droits de la défense, d'où cet amendement.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l'amendement n° 529 .
De même que notre collègue Gosselin, j'ai été très frappé, monsieur le ministre, à la lecture de l'alinéa 137 de l'article 3, qui fait abstraction des règles de droit les plus classiques et même du principe de séparation des pouvoirs. L'État de droit repose sur la dissociation du législatif, du judiciaire et de l'exécutif, lequel dispose de la police et de la gendarmerie : à cet égard, l'alinéa – que ces amendements tendent à supprimer – est troublant, puisqu'il prévoit la possibilité de soumettre à l'Arse une personne dont la détention provisoire a été reconnue irrégulière. S'il n'y avait pas lieu de la placer en détention, pourquoi continuer à la sanctionner ? En tant qu'avocat, monsieur le garde des sceaux, vous vous êtes élevé contre tant de procédures,…
Oui, oui ! Ça va, maintenant !
…tant d'atteintes aux libertés individuelles, y compris à votre encontre, que je ne comprends guère ce qui est en train de se passer. Tout de même, je ne rêve pas, je ne fantasme pas la généralisation dans notre pays d'un État policier !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Jérémie Iordanoff applaudit également.
Si, à chaque difficulté qui se présente, nous en rajoutons une couche, quitte à nous écarter des fondements traditionnels de la justice, pour mettre les gens au trou ou plus largement les priver de leurs libertés, je ne sais pas où nous allons ! Peut-être, monsieur le garde des sceaux, me suis-je trompé en faisant cette analyse : je me ferai un plaisir de vous écouter, voire, le cas échéant, de retirer notre amendement. Mais enfin, encore une fois, je suis troublé !
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l'amendement n° 940 .
Les quelques lignes de cet alinéa visent à réduire à néant l'utilité du code de procédure pénale et même l'État de droit. Un placement en détention provisoire est jugé irrégulier en raison d'un vice de procédure : on assigne à résidence la personne concernée, sous surveillance électronique ! Je rappelle que la privation de liberté constitue une mesure d'une extrême gravité, et qu'en pareil cas le code de procédure pénale prévoit la possibilité d'un contrôle judiciaire. Ouvrons cette porte : demain, n'importe quelle irrégularité touchant la procédure pénale sera couverte par de telles dispositions, si bien qu'il n'y aura plus besoin de code – nous serons soumis au règne de l'arbitraire.
De surcroît, nous parlons ici de personnes soupçonnées, voire mises en examen, mais qui n'ont pas été condamnées définitivement et continuent donc d'être présumées innocentes !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.
Non, mais c'est lunaire !
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 1323 .
Nous nous opposons également à cette mesure : remplacer un écrou irrégulier par un autre reviendrait à priver d'effectivité le constat de l'illégalité de la détention provisoire. Les règles qui encadrent cette dernière ne sont pas optionnelles, mais visent à protéger les mis en cause : « Nul ne peut être arbitrairement détenu », dispose l'article 66 de la Constitution. Certains objecteront qu'il s'agit de formalisme ; reste que la citation qui fait de la procédure la « sœur jumelle de la liberté » a été mainte fois évoquée en commission. Le droit est affaire de principes, et je ne vois aucun de ces principes qui aille dans le sens d'une telle mesure. Par ailleurs, le scrutin public sur ces amendements a été demandé par le Rassemblement national, qui espère certainement instrumentaliser par la suite le vote de chacun d'entre nous.
M. Jocelyn Dessigny s'exclame.
Encore une fois, tenons-nous-en au droit, ne dérivons pas : restons sérieux !
J'ai relevé, de la part des orateurs, certaines confusions : ainsi, l'irrégularité de la procédure consiste en un défaut de mainlevée, par exemple, et ne signifie aucunement que le prévenu est innocent ! Plutôt que de le remettre en liberté, l'idée est donc de conserver la possibilité d'une Arse,…
…ne serait-ce que dans l'intérêt de l'enquête, par exemple si l'on peut craindre qu'il fasse pression sur les témoins. Avis défavorable.
Madame K/Bidi, comme vous y allez ! À vous entendre, si ces amendements identiques ne sont pas adoptés, nous pouvons jeter nos codes de procédure pénale ! Je m'étonne que vous, qui êtes une professionnelle, ayez oublié quelque chose d'essentiel : la nullité, si elle affecte… vous ne m'écoutez pas !
Elle vous écoute, monsieur le ministre, elle vous écoute ! C'est de ma faute : je lui ai posé une question.
Bon ! Je serai bref, vous allez voir. Si la nullité affecte toute la procédure, celle-ci n'existe plus : une nullité substantielle, ou d'ordre public, balaie tout. Dans cette hypothèse, l'Arse ne peut être décidée, puisqu'il n'y a, je le répète, plus de procédure, plus rien ! En revanche, si la nullité affecte le mandat de dépôt, que se passe-t-il, en l'état du droit ?
L'intéressé est mis en liberté, avec possibilité d'un placement sous contrôle judiciaire.
Le juge, monsieur Pancher, peut ordonner un contrôle judiciaire ! Il ne s'agit donc que d'instaurer une possibilité supplémentaire. Soyez cohérents : souvenez-vous de nos débats d'hier ! Quelqu'un ne respecte pas les obligations liées à son contrôle judiciaire : le juge, qui en est saisi, dispose de la faculté de modifier ce contrôle par des mesures supplémentaires, mais il pourra désormais également – vous l'avez adopté hier ! – recourir à l'Arse. Donnons à présent dans le pratico-pratique : supposons la mise en liberté d'un individu extrêmement dangereux.
Sourires sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Mais oui, cela arrive !
Le cas s'est produit à deux reprises, il y a quelques jours, parce que les délais d'audiencement n'avaient pas été respectés – deux types que vous n'auriez peut-être pas envie de rencontrer. Si nous avions disposé à la fois du contrôle judiciaire et de l'Arse, nous aurions utilisé celle-ci, qui constitue une protection supplémentaire.
Ce n'est pas plus compliqué que ça ! La détention est annulée, le contrôle judiciaire insuffisant, resteront la possibilité de modifier ce contrôle et désormais celle de recourir à l'Arse. Une dérive rarissime amène parfois un magistrat à penser que le contrôle judiciaire qu'il s'apprête à ordonner serait si compliqué à respecter qu'il finirait par être révoqué : l'Arse est plus simple, plus claire, et nécessaire. Avis défavorable.
Vous venez de rappeler, monsieur le ministre, la possibilité d'un placement sous contrôle judiciaire – si celui-ci n'est pas respecté, le juge des libertés et de la détention (JLD) peut proposer une nouvelle détention. Toutefois, vous semblez établir un parallèle ou du moins une analogie entre contrôle judiciaire et Arse : vous devez pourtant bien voir la différence, monsieur le ministre ? Le degré de liberté n'est pas tout à fait le même !
Si : cela dépend du contrôle judiciaire !
Vous nous expliquez également que cette mesure permettra de régulariser une privation de liberté jugée irrégulière. Constatez-vous que le manque de moyens dont souffre la justice entraîne davantage de vices de procédure ? Comptez-vous y remédier en faisant en sorte que la loi les couvre ? Ce serait extrêmement grave :
Mme Élisa Martin applaudit
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Par ordre de sévérité décroissante, madame Faucillon, nous avons la prison, l'Arse et le contrôle judiciaire – en théorie.
Dans les faits, un contrôle judiciaire très étroit, exigeant par exemple un pointage quotidien, voire davantage, peut être bien plus gênant qu'un bracelet. C'est ainsi que les grands principes se fracassent parfois contre la réalité ! Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue l'essentiel du projet de loi. Vous évoquiez le manque de moyens de la justice : votez ce texte ,
Mme Elsa Faucillon s'exclame
car en effet, elle en a besoin !
Mme Caroline Yadan applaudit.
Il faut replacer les choses dans leur contexte. L'alinéa 137, dont vous demandez la suppression, s'appuie sur les articles 803-7 et 144 du code de procédure pénale. Leur lecture vous permettra de constater que la situation dont nous parlons est déjà prévue : en cas de remise en liberté immédiate, quelle qu'en soit la raison, le magistrat peut placer la personne sous contrôle judiciaire ou sous Arse – puisque le dispositif existe déjà – pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144. Il ne le fait pas par plaisir, mais pour répondre à des objectifs très précis : pour conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité, pour empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille, pour empêcher une concertation frauduleuse, pour protéger la personne mise en examen, pour garantir le maintien de celle-ci à la disposition de la justice, pour mettre fin à l'infraction ou pour prévenir son renouvellement. Cela ne vous gêne peut-être pas, chers collègues, mais quant à moi, cela m'ennuierait qu'une personne se retrouve dans la nature au mépris d'un seul de ces critères. Le dispositif existe déjà, et il n'a pas pour objet de couvrir quelque nullité que ce soit.
Il s'agit simplement de tenir compte d'une nouvelle disposition, l'Arse. J'ai eu l'occasion de dire tout le mal que j'en pensais…
…mais, puisqu'elle existe, il faut bien l'inclure dans le code de procédure pénale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Il ne faudrait pas tomber dans la caricature : ce n'est pas parce que nous nous opposons à ce qu'une irrégularité soit ainsi couverte que nous souhaitons que les personnes soient laissées dans la nature ! Même s'il existe un panel de possibilités pour le juge, il me semble préjudiciable de s'asseoir, d'une certaine façon, sur des irrégularités.
Cela revient en effet à remettre en cause un certain nombre de principes juridiques, ni plus ni moins. Je ne suis pas opposé à l'Arse mais, faute de critères plus objectifs et précis, il me semble préférable de s'abstenir de légiférer pour le moment. Tel qu'il est rédigé, cet alinéa ouvre la porte de façon un peu trop large. Certes, plusieurs possibilités existaient déjà et l'Arse n'en est qu'une supplémentaire, plus récente. Je trouve tout de même que le texte va un peu loin et que, petit à petit, on s'assoit sur quelques principes ; c'est ce qui me dérange.
Je n'engage que moi en disant cela, et non mon groupe. Le juriste que je suis – peut-être trop puriste, monsieur le ministre – se sent un peu blackboulé.
On mélange le fond et la forme, sur ce sujet. Ce qui est en jeu, ce n'est pas la culpabilité ou l'innocence de la personne suspectée.
La remise en liberté ne signifie pas, en l'espèce, la fin de l'enquête. Celle-ci se poursuit. C'est une modalité, celle de la détention provisoire, qui disparaît. La question est : que faire de la personne pendant la poursuite de l'enquête ? La possibilité de la remettre en détention provisoire a donné lieu à un vrai débat doctrinal. La jurisprudence est allée parfois dans un sens, parfois dans l'autre. Il y a donc une vraie question : il ne s'agit pas d'acter simplement que la personne est en liberté. Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce qu'il y ait une nouvelle détention provisoire simplement parce que la précédente aurait été annulée. Un débat est nécessaire ; cela ne peut pas fonctionner ainsi.
Ce n'est pas possible, d'ailleurs.
Le garde des sceaux a raison : une personne dont la détention provisoire est irrégulière peut déjà être placée sous contrôle judiciaire. Ce dernier n'est cependant pas adapté à toutes les situations. Pour éviter la fuite ou la récidive ou pour protéger les victimes, il faut parfois aller plus loin. L'Arse me semble à cet égard une disposition intéressante, notamment en matière de violences conjugales.
Bien sûr !
Contrairement au contrôle judiciaire, l'Arse permettrait de protéger la victime.
M. Lionel Royer-Perreaut applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 19
Contre 75
L'amendement n° 543 de M. Erwan Balanant, rapporteur, est rédactionnel.
L'amendement n° 543 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 453 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il trouve son origine dans le rapport de la mission d'évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, que j'ai menée avec Jean Terlier. Nous partageons tous deux le souhait que la justice restaurative – ou réparatrice, pour s'en tenir à la terminologie québécoise – soit davantage promue, s'agissant des mineurs.
Je profite de l'occasion pour préciser que le CJPM a vocation à s'appliquer à tous les mineurs, qu'ils soient étrangers ou non, de la même façon que nos lois sont celles de la République avant de n'être que pour les Français.
Sur l'article 3, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 903 .
Ma collègue a presque tout dit. J'ajouterai simplement que nous avons fait le constat, au cours de notre mission d'information, que les juges prononçaient davantage de mesures de réparation lorsque l'ordonnance de 1945 s'appliquait, et trop peu aujourd'hui. C'est un point sur lequel les associations nous ont sensibilisés. Nous ne souhaitons évidemment pas rendre obligatoires ces mesures, mais simplement permettre qu'elles soient plus facilement proposées par le juge – sous le contrôle du magistrat qui appréciera leur pertinence, et sous réserve de l'approbation de la partie civile et de l'auteur des faits. Cet amendement va donc dans le bon sens, et le sous-amendement du Gouvernement vise à préciser le dispositif.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir le sous-amendement n° 1481 .
Nous souhaitons donner un nouvel élan au module de réparation et le mettre en œuvre chaque fois que cela est possible, dans l'esprit des amendements identiques de Mme Untermaier et de M. le rapporteur Jean Terlier. Cette disposition concernerait les mineurs de plus de 13 ans. Quant aux autres mesures – travail d'intérêt général ou travail non rémunéré – que peut ordonner un délégué du procureur notamment, elles ne peuvent concerner que les mineurs de plus de 16 ans. Le Gouvernement souhaite encourager les juridictions à proposer le module de réparation. C'est une mesure pratico-pratique, qui permet de mobiliser immédiatement les jeunes de plus de 13 ans pour qu'ils réparent, par exemple, ce qu'ils ont dégradé. J'y suis personnellement attaché. J'émets un avis favorable aux amendements qui ont été présentés, sous réserve de l'adoption du présent sous-amendement.
Je tiens à remercier Mme Untermaier et M. le rapporteur Terlier pour leurs amendements. Je suis en effet convaincue que les mesures de réparation pénale ont un effet particulièrement bénéfique sur les mineurs.
Et immédiat.
Grâce à une association qui s'appelait alors MARS 95, intervenant dans ma circonscription, j'ai pu constater qu'elles favorisaient la réflexion individuelle des mineurs et qu'elles participaient d'une démarche particulièrement pédagogique. Des mineurs qui avaient allumé des feux près d'établissements scolaires avaient ainsi pu rencontrer des sapeurs-pompiers de la caserne de Sannois. Les échanges avaient été très intéressants et j'avais pu sentir qu'ils conduisaient les jeunes à une prise de conscience.
Les mesures de réparation sont évidemment un outil parmi d'autres, à n'utiliser – le garde des sceaux à raison – que lorsque les conditions le permettent ; il ne s'agit pas de les imposer. Mais il faut y recourir dès que possible, car elles ont une vertu pédagogique et réparatrice pour les mineurs. Il est donc intéressant qu'elles figurent dans la palette d'outils à disposition du juge.
J'aimerais pouvoir vous dire que je partage votre enthousiasme au sujet de cette mesure, mais je ne le ferai pas. J'aurais pu le faire si vous aviez écrit « elle peut proposer aux parties » au lieu de « elle propose aux parties ».
« Oh là là ! » sur les bancs du groupe RE.
C'est le sens du sous-amendement !
Nous avons beaucoup parlé des mineurs délinquants, mais que faites-vous des victimes, qu'elles soient mineures ou non ? Ce texte renvoie aux mesures de réparation prévues par l'article L. 112-8 du code de la justice pénale des mineurs, qui sont de deux sortes : une activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité, ou bien une médiation entre le mineur et la victime. Pour avoir assisté des mineurs et leurs familles dans de telles situations, je peux témoigner du fait que la dernière chose dont ils ont envie, la plupart du temps, est bien de se retrouver en présence de l'auteur de l'infraction. Il me paraît donc difficile d'imposer de telles mesures.
Mais vous avez raison !
C'est exactement le sens du sous-amendement du Gouvernement, qui propose d'ajouter les mots « chaque fois que cela est possible ». Une telle formulation n'impose rien ; elle préserve la liberté juridictionnelle de recourir à cette mesure ou non.
Nous venons de vivre des événements qui nous ont presque tous bouleversés.
Eh oui ! J'ai demandé qu'une réponse très rapide, ferme et systématique y soit apportée. Mais toutes les situations ne sont pas les mêmes : je pense en particulier aux mineurs les plus jeunes, ou à ceux qui ont commis les actes les moins graves. Je ne me réfère jamais à la profession des uns et des autres : c'est vous-même qui avez dit, madame la députée, que vous connaissiez ces sujets. Je pense d'ailleurs que vous avez dû plaider dans ce type d'affaire, car aucun avocat ne peut y échapper. Je refuse la systématisation des mesures, car celles-ci ne sont pas adaptées à toutes les situations. « Chaque fois que cela est possible » : voilà les six mots que je propose d'ajouter avec mon sous-amendement, qui va dans le sens de vos propos.
Non, cela n'est pas possible, madame la députée.
La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur.
Monsieur le ministre a été très complet, mais je voudrais moi aussi vous convaincre de voter nos amendements sous-amendés, car ils vont dans le sens de vos propos, madame la députée. Nous ne souhaitons pas rendre obligatoires les mesures de réparation. Vous avez tout à fait raison de dire qu'elles peuvent être considérées comme non pertinentes par le juge, en raison par exemple de la nature de l'infraction. En outre, elles pourront toujours être refusées par la victime ou par l'auteur des faits ; tout cela est clairement défini.
Encore une fois, cet amendement nous semble essentiel, parce que la mesure de réparation, très souvent prononcée quand l'ordonnance de 1945 s'appliquait, l'est un peu moins sous l'empire du code de justice pénale des mineurs. Sans doute est-ce parce que les mineurs visés comparaissent plus rapidement que dans le passé, l'audience d'examen de la culpabilité ayant lieu entre dix jours et trois mois après la saisine de la juridiction – nous avons fait d'immenses progrès en la matière – ou parce que l'indemnisation des victimes est également plus rapide.
Si, madame, je vous le confirme. Le rapport d'information « L'évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs », déposé par Cécile Untermaier et moi-même, indique bien que le délai moyen entre la poursuite et le jugement d'un mineur est passé de dix-huit mois à huit mois, que les victimes sont indemnisées plus rapidement et que l'audience d'examen de la culpabilité permet aux mineurs visés d'être jugés entre dix jours et trois mois après la saisine de la juridiction. Je peux vous en donner une copie, j'en ai une dans ma sacoche.
Le sous-amendement n° 1481 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 80
Contre 24
L'article 3, amendé, est adopté.
Le présent amendement permettrait d'apporter des éléments importants en faveur de la victime, en élargissant la possibilité d'intervention ou de mise en cause des assureurs devant les juridictions pénales des mineurs à l'ensemble des infractions pénales.
Actuellement, une telle intervention ou une telle mise en cause des assureurs appelés à garantir le dommage n'est possible qu'en cas d'homicide involontaire et de blessure involontaire. Un tel amendement profiterait aux victimes, en permettant que les préjudices qu'elles ont subis soient réparés dès la première audience.
La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 904 .
Cet amendement reprend l'une des préconisations du rapport d'information déposé par Mme Untermaier et moi-même. Nous avons constaté un raccourcissement des délais de passage devant le juge, notamment dans le cadre de l'audience d'examen de la culpabilité. Dès lors, il faut prévoir des mécanismes pour accélérer l'intervention des assureurs à ces audiences et permettre l'indemnisation des victimes.
Favorable.
Nous soutenons évidemment cet amendement, qui permet de s'apercevoir que – c'est incroyable ! – les assureurs peuvent intervenir dans certaines situations où les mineurs ont fait des bêtises – alors que certains laissaient entendre que le coût des dégâts causés par des mineurs, dans l'actualité récente par exemple, ne pouvait être assumé que par leurs familles. Voilà qui remet les choses à l'endroit.
Par ailleurs, sans vouloir ouvrir un débat complexe, je m'autorise à rappeler à cette assemblée – dont les membres ont tendance à ne pas appartenir aux milieux les plus défavorisés – que les difficultés parentales – de n'importe quel ordre – sont la chose la mieux partagée au monde. N'est-ce pas ?
La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 907 .
Cet amendement aussi reprend les préconisations formulées par Mme Untermaier et moi-même. Je la laisse les présenter.
Cet amendement s'appuie sur l'évaluation menée après l'entrée en application du code de la justice pénale des mineurs. La césure du procès pénal que celui-ci introduit donne lieu à l'ouverture quasi systématique d'une période de mise à l'épreuve éducative, au cours de laquelle le juge des enfants prononce une ou plusieurs mesures. Le nombre de mesures prononcées a ainsi fortement augmenté, ce dont je me félicite.
Toutefois, dans certains cas, les juges des enfants considèrent que la mise à l'épreuve éducative n'exige pas de prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse et que l'obligation de justifier de l'assiduité à un enseignement ou de l'exercice d'une activité professionnelle devrait suffire. Cette solution était d'ailleurs prévue, dans le cadre du contrôle judiciaire, sous l'empire de l'ordonnance de 1945.
Même avis.
Les mineurs requièrent la protection. D'ailleurs, je m'étonne encore de l'illégalité dans laquelle la France se place en ne respectant pas de nombreuses dispositions, en refusant en particulier de reconnaître la présomption de minorité, ce qui a conduit à la catastrophe de la place du Palais-Royal : les forces de l'ordre ont cherché à disperser comme des moineaux les mineurs isolés qui s'étaient installés devant le Conseil d'État pour faire reconnaître ce principe ; l'intervention fut très violente. En tant que parlementaire, en tant que républicaine, le fait que la France ne respecte pas le droit, notamment international, me pose problème.
Pour offrir aux mineurs la protection qu'ils requièrent, il faut permettre de partager les « rapports éducatifs et documents individuels de prise en charge » et de dresser un bilan des mesures éducatives qui les concernent, comme le prévoit l'amendement. Nous le soutenons donc.
Tout ça pour ça…
Nous examinons actuellement l'amendement n° 907 du rapporteur, relatif au partage des rapports éducatifs, or j'ai l'impression, madame Untermaier, que vous avez défendu le n° 761, qui appartient à la discussion suivante. Est-ce le cas ?
Puisque M. Terlier vous a laissé son temps de parole, je croyais que vous défendiez l'amendement n° 907 à sa place. En tout état de cause, je mets celui-ci aux voix.
L'amendement n° 907 est adopté.
Je remercie Mme Moutchou pour l'attention dont elle a fait preuve et, puisque j'ai déjà défendu cet amendement, je me bornerai à rappeler qu'il vise à permettre au juge de prononcer une nouvelle mesure : le suivi d'une scolarité ou d'une formation ou l'exercice d'une activité professionnelle. Ainsi, le juge ne serait pas dans l'obligation de proposer des dispositifs lourds, alors que l'assiduité à une formation peut être jugée suffisante pendant la césure, avant le prononcé de la sanction.
La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 906 .
Mme Untermaier l'a rappelé, le code de la justice pénale instaure une césure du procès pénal, avec une procédure en trois temps : une audience permettant de statuer sur la culpabilité ; le prononcé d'une mise à l'épreuve éducative ; une audience visant à décider d'une sanction.
Or il est apparu qu'à l'issue de l'audience d'examen de la culpabilité, lors du prononcé de la mise à l'épreuve éducative, les options en matière de mesure éducative n'étaient pas forcément pertinentes. Des mesures provisoires moins contraignantes peuvent suffire. L'amendement reprend ainsi une demande des juges des enfants, celle de leur permettre de prononcer l'obligation de suivre une scolarité ou d'exercer une activité professionnelle.
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 1465 .
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements et ce sous-amendement ?
Avis favorable.
Cette affaire est déterminante. La formation est un vecteur d'émancipation en ce qu'elle permet à chacun de trouver sa place dans le monde, et à ceux qui ont fait des bêtises, commis un délit, de revenir à une certaine normalité. Il en va de même pour le travail. Nous soutenons donc cet amendement.
Le sous-amendement n° 1465 est adopté.
Si je vais retirer cet amendement, je souhaite néanmoins rappeler quelques éléments qu'il a permis d'apporter au débat en commission.
Alors que près d'un Français sur deux ne fait plus confiance à la justice et que près de sept sur dix estiment qu'elle fonctionne mal, il pourrait être judicieux de s'inspirer de la législation pénale d'autres pays, notamment celle du Canada. Dans ce grand pays libre, démocratique, où le principe de séparation des pouvoirs est respecté, le pouvoir d'appréciation des juges est encadré, lorsqu'il s'agit de décisions susceptibles d'altérer la confiance de la population envers l'institution judiciaire.
L'amendement n° 125 est retiré.
Sur les amendements n° 307 , 895 , 972 rectifié , 987 rectifié et 962 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l'amendement n° 439 .
Cet amendement de M. Jacobelli vise à créer un article 1 bis du code de procédure pénale, disposant que « les magistrats sont les garants de la confiance publique envers l'institution judiciaire. La gravité de l'infraction prime sur toute autre considération dans le prononcé de la peine. »
Comme notre collègue vient de l'indiquer, si la justice est rendue au nom du peuple français, selon de nombreux sondages, un Français sur deux n'a plus confiance en la justice française. Il faut que nos compatriotes aient une bonne image de la justice, qu'ils soient favorables à cette institution.
Cet amendement d'appel vise à ouvrir le débat sur le sentiment, partagé par de nombreux Français, d'une certaine impunité. De nombreux membres des forces de l'ordre et, plus généralement, de nombreux membres de notre société, ont l'impression que les peines prononcées sont insuffisantes.
Je ne porte pas de jugement de valeur et ne souhaite pas non plus remettre en cause le principe légal d'individualisation de la peine. Toutefois, les Français n'ont plus confiance dans la justice de notre pays, parce qu'ils considèrent les peines trop faibles. Je ne reprendrai pas tous les chiffres que j'ai sous les yeux, mais le taux de récidive montre que notre pays est effectivement confronté à un problème en la matière.
C'est ce type d'amendement qui, progressivement, sape la confiance des Français en la justice.
…mais va-t-il le faire pour répondre à la pression populaire ? Non, un juge dit le droit – c'est le principe dans un État de droit. Les magistrats sont formés et, en connaissance, ils disent le droit.
En outre, vous oubliez que, dans notre pays, beaucoup de décisions de justice sont prises par des jurys populaires. C'est le peuple qui juge les crimes. Comment faire en l'espèce ?
Il faut faire confiance à la justice de notre pays, c'est important.
M. Jordan Guitton s'exclame.
Comment retrouver cette confiance ? Le projet de loi alloue des moyens conséquents, d'une ampleur inédite, à la justice, afin de la réarmer, de lui permettre d'aller plus vite, d'être meilleure et de résoudre les conflits.
Nous, hommes et femmes politiques de ce pays,…
Mme Élisa Martin pointe du doigt les bancs des commissions et du Gouvernement.
…devons arrêter de critiquer chaque décision de justice, car la justice est souveraine. Nous devons arrêter de faire d'un cas particulier une généralité. Respectons le secret de l'enquête et des procédures. Faisons collectivement ce choix de respecter la justice ! C'est peut-être ainsi qu'elle regagnera la confiance des Français.
En outre, et je pense que cela fait partie des projets du garde des sceaux, il faut expliquer aux Français ce qu'est la justice, filmer certains procès et les diffuser. Les magistrats, les assistants de justice et les greffiers devraient également aller plus souvent dans les écoles afin d'expliquer le fonctionnement de la justice.
La confiance en la justice ne se décrétera pas par le biais d'amendements visant à mettre la pression sur les juges. Avis défavorable.
Vous avez une curieuse façon de présenter votre amendement, monsieur Guitton… Vous semblez sur la défensive : vous clamez qu'il ne s'agit pas de remettre en cause le principe de l'individualisation des peines, mais c'est ce que vous faites !
Mais si ! Tous les avocats ici présents le savent : où sont les équilibres, où sont les critères et où est placé le curseur quand une femme est battue comme plâtre pendant trente-cinq ans par un mari alcoolique ? Laissez faire les juges, ils font preuve de discernement.
Vous qui avez souvent le « peuple » à la bouche – ce n'est pas un gros mot –, avez-vous oublié que la souveraineté populaire s'exprime aux assises ? Je l'ai même renforcée, puisque j'ai souhaité la présence d'un juré supplémentaire pour décider de la culpabilité, alors que ce n'était plus le cas.
Laissons les choses se faire. Quand on affirme que la justice n'est pas au rendez-vous, c'est comme lorsque l'on critique âprement la police.
M. le ministre désigne la gauche de l'hémicycle.
Ces deux grandes institutions doivent fonctionner ensemble, dans la même barque républicaine, je n'ai de cesse de le dire. Je ne suis donc pas favorable à votre amendement.
Renseignez-vous auprès d'avocats – il y en a dans vos rangs. J'ai moi-même plaidé des tas d'affaires. Les équilibres que vous appelez de vos vœux sont infiniment précaires et ne sauraient être gravés dans le marbre ! Je le répète, laissez faire les juges.
Ainsi, ils écartent parfois l'excuse de minorité quand ils considèrent que les faits sont tellement graves qu'elle ne peut jouer.
Rencontrez un président de cour d'assises, il vous l'expliquera.
De grâce, pas d'a priori et, je le répète, laissons faire la justice. En matière criminelle, comme d'ailleurs délictuelle, le quantum est en augmentation depuis de nombreuses années, c'est un fait. Ne touchons pas à ces équilibres essentiels !
Nous ne sommes pas surpris, car nous commençons à connaître l'idéologie du Rassemblement national – elle n'est pas nouvelle.
Votre exposé sommaire fait état de sondages, mais d'où les sortez-vous ? Je veux bien entendre qu'il existe un malaise entre les citoyens et la justice, mais que fait le Rassemblement national ? Il jette de l'huile sur le feu !
Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
Mêmes mouvements.
Votre amendement va à l'encontre d'un principe fondamental : l'individualisation des peines. En outre, je ne comprends pas : vous semblez vouloir vous immiscer dans les délibérés et donner des ordres aux magistrats pour qu'ils frappent plus fort. Vous cherchez toujours à répondre à l'émotion que suscitent les faits divers, faits divers qui sont votre fonds de commerce.
Cessez de jeter de l'huile sur le feu et de diviser la société en montant une partie de la population contre l'autre !
Protestations sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs des groupes RE et LR.
Vous voulez savoir quelles sont nos sources, je vais vous les donner : selon un sondage Ifop commandé par le barreau de Paris, 54 % des Français ne font pas confiance à la justice. Que voulez-vous de mieux ?
Protestations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
Eh bien, votez le projet de loi !
Évidemment, nous n'irons pas contre le renforcement des moyens de la justice. Depuis le début de l'examen du texte en commission, nous avons voté pour de telles dispositions, et continuerons à participer au renforcement de ces moyens.
Nous voulons aussi plus de places de prison. Mais ce que les Français réclament aussi largement, ce sont des peines planchers. C'est ce que nous défendons dans notre programme : une justice plus ferme.
Il ne s'agit pas de transmettre des injonctions aux magistrats ou de les forcer. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'individualisation des peines, mais de faire en sorte que la justice soit plus ferme pour que les Français se sentent en sécurité et que les condamnations soient à la hauteur des délits et crimes commis dans notre pays.
Exclamations sur un banc du groupe LFI – NUPES.
Il faut combattre le sentiment d'impunité, relayé par tous les sondages ainsi que par nos compatriotes. Écoutez les Français ! Contrairement à vous, nous arriverons un jour au pouvoir, parce que nous défendons les Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 439 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l'amendement n° 1166 .
Il s'agit d'un amendement d'appel de mon collègue de Lépinau. Changeons de sujet – cela fera peut-être un peu de bien avant la levée de la séance.
Nous souhaitons modifier les modalités de notification des principaux actes en matière pénale. L'objectif étant le zéro papier, il s'agit de communiquer par voie électronique, sauf si l'une des parties ne le souhaite pas. En l'état du droit, la notification par recommandé des principaux actes de la procédure pénale pose problème, a fortiori quand les délais commencent à courir à l'envoi, et non à la réception des documents. Les délais sont alors amputés par le temps de trajet, de délivrance et de réception du pli recommandé.
Nous souhaitons donc qu'en matière pénale, la notification électronique devienne la règle et comporte également la mention des voies de recours.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Votre amendement est satisfait, puisque de telles dispositions ont déjà été adoptées dans le cadre de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. La procédure pénale numérique (PPN) se déploie progressivement et le présent projet de loi prévoit des moyens supplémentaires afin que ce déploiement soit plus rapide et efficace. Demande de retrait.
Je suis sur la même ligne que le rapporteur, à une nuance près : si la loi de 2019 l'autorise déjà, la PPN n'est pas totalement fonctionnelle, même si – je tiens les chiffres à votre disposition – nous avons considérablement progressé.
Comme le rapporteur, je vous propose de retirer votre amendement – au demeurant, vous avez bien spécifié qu'il s'agissait d'un amendement d'appel –, qui est satisfait : l'article 803-1 du code de procédure pénale autorise déjà la communication par voie électronique. C'est une excellente chose, car il faut alléger la paperasserie – si vous me permettez l'expression – qui grève considérablement le travail des greffiers.
Votre amendement va dans le bon sens, puisque nous devons effectivement tendre vers le zéro papier, mais il est satisfait par les textes et il ne reste qu'à mettre pleinement en application ce qu'ils permettent.
Nos débats tournent toujours autour de la rapidité avec laquelle la justice peut faire son œuvre. À cette occasion, je tiens à appeler l'attention du ministre sur la transmission des jugements des conseils des prud'hommes. Il semblerait qu'à plusieurs reprises, les jugements aient été notifiés un an après le délibéré, à tel point que les avocats sont dans une situation extrêmement délicate, leurs clients ne voulant plus les croire.
Monsieur le ministre, si vous nous écoutez, pourriez-vous, dans vos circulaires, rappeler la nécessité de la notification du jugement, une fois l'audience terminée et le délibéré rendu ?
M. le ministre opine du chef.
J'appelle votre attention, monsieur le ministre, car beaucoup d'avocats me l'ont signalé – aucun client ne peut imaginer que le conseil des prud'hommes n'a toujours pas envoyé le jugement alors que l'audience s'est tenue un an plus tôt. En l'espèce, la notification électronique serait plus rapide.
L'amendement n° 1166 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra