Je souhaite prendre quelques instants pour parler de ce que Stendhal évoquait lorsqu'en 1817, il écrivait : « L'admission de la femme à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation ; elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain et ses chances de bonheur. »
En France, en 2023, nous avons gravi de nombreuses marches vers plus d'égalité, mais le combat n'est pas terminé. Le droit de vote des femmes instauré en 1944, l'entrée au palais Bourbon de trente-trois femmes députées en 1945, l'institution en 1965 du droit pour les femmes d'exercer une profession et d'ouvrir un compte bancaire sans l'autorisation de leur mari, la dépénalisation de l'IVG par la loi Veil en 1975 sont autant de jalons que ceux qui nous ont précédés sur les bancs de l'hémicycle ont posés. Ce sont autant de discours et de débats qui ont marqué l'histoire de notre institution et de notre pays.
Je tiens à saluer le travail des sénatrices Annick Billon, Martine Filleul et Dominique Vérien, qui sont à l'initiative de ce texte qui n'a rien anodin. Le fait que le Parlement en soit à l'origine montre que nous avons toutes et tous conscience de l'aspiration des Françaises et des Français à donner aux femmes toute leur place dans la société.
Durant nos débats, certains se sont opposés à cette proposition de loi, arguant qu'une femme devait être nommée à tel poste non parce qu'elle était une femme mais parce qu'elle avait les compétences requises. Si cela serait en effet souhaitable, il faut rappeler qu'être une femme, c'est se heurter, à chaque étape de son parcours professionnel, à des plafonds de verre. Pour accéder aux postes auxquels elles candidatent, les femmes doivent prouver systématiquement qu'en plus d'être aussi compétentes – voire davantage – qu'un homme, elles sont dotées des qualités considérées comme étant naturelles chez les hommes. En outre, elles ont souvent à choisir entre construire une carrière et fonder une famille. Ce sont autant d'obstacles qu'elles ont à surmonter.
Je tiens à saluer le travail du rapporteur et de M. le ministre, qui nous a permis de suivre la bonne direction pour élaborer un texte répondant à la nécessité de poursuivre les efforts consentis par la fonction publique depuis plus de dix ans et permettant de donner aux femmes la place qui leur revient. Le fait qu'un consensus entre notre assemblée et le Sénat ait été trouvé montre qu'il est possible de progresser. Nul doute que nous continuerons dans cette voie.
L'esprit qui a présidé à nos travaux nous a permis d'obtenir de belles avancées. Citons, parmi elles, le relèvement du taux de primo-nominations à 50 %, l'obligation pour les cabinets ministériels de publier chaque année le nombre de femmes et d'hommes nommés, ou encore la création de l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. Les améliorations que nous avons apportées sont issues d'un travail commun, car nous sommes pour la plupart d'accord sur les objectifs et les dispositifs que nous devons mettre en place afin de les atteindre.
Ce texte a des implications fortes pour les agentes des différents versants de la fonction publique. Il appelle surtout à un accompagnement renforcé de ces dernières par les employeurs publics, afin de les aider à accéder aux postes à responsabilité pour lesquelles elles ont toutes les compétences. Car si certains caricaturent cette proposition de loi en prétendant que nous obligerions les employeurs publics à recruter en fonction non des compétences mais du sexe de la personne, il n'en est rien. Ce que nous faisons, c'est paver la voie pour les millions de femmes qui occupent les deux tiers des postes de la fonction publique, afin que, demain, elles puissent devenir plus facilement directrice de cabinet ou directrice générale des services.
Deux cent six ans après le vœu d'égalité parfaite formé par Stendhal, nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte qui constitue un pas de plus en ce sens. Deux cent trente ans après la mort d'Olympe de Gouges place de la Concorde, à quelques pas de notre hémicycle, nous rappelons notre détermination à lutter contre « l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme [qui] sont les seules causes des malheurs publics », pour reprendre ses mots.
Aussi les députés du groupe Renaissance voteront-ils en faveur de cette proposition de loi.