Nous examinons cet après-midi le texte issu de la commission mixte paritaire sur le projet de loi visant à « donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces ». Ce titre nous a conduits à nous interroger, puisque le texte ne donne aucun nouveau moyen financier aux douaniers ; il a en cela un goût d'inachevé. Nous espérons que des propositions seront formulées à ce sujet dans le projet de loi de finances pour 2024.
Le présent projet de loi n'a pas pour origine une volonté propre du Gouvernement de mettre à jour l'arsenal juridique des douanes. Remontons le cours de l'histoire : depuis plus de soixante-dix ans, les douanières et les douaniers peuvent fouiller les véhicules partout où ils le souhaitent en France. En septembre dernier, le Conseil constitutionnel a considéré que ce pouvoir était disproportionné et empiétait sur la liberté d'aller et venir et sur le droit au respect de la vie privée. Il a censuré l'article 60 du code des douanes, mais a reporté les effets de cette censure au 1er septembre prochain. Le Gouvernement disposait donc de dix mois pour proposer une nouvelle rédaction permettant la recherche des auteurs d'infractions tout en respectant les libertés fondamentales.
Monsieur le ministre délégué, vous auriez pu mener des consultations pendant un, deux ou trois mois, afin de parvenir à une bonne rédaction du nouvel article 60 – et de lui seul. Vous auriez pu ensuite proposer cette nouvelle rédaction au Parlement, avant de la transmettre au Conseil constitutionnel pour sécuriser le dispositif. Tel n'a pas été votre choix. À la place, vous avez présenté un texte contenant non seulement une réforme de l'article 60, certes urgente, mais aussi un paquet de mesures relatives à l'administration des douanes, sans lien direct avec cet article. Si certaines d'entre elles sont bienvenues et permettent de moderniser l'arsenal juridique des douanes, d'autres suscitent des interrogations de notre part – nous avons eu le loisir de vous le dire durant les débats.
Quoi qu'il en soit, il faut un nouvel article 60 du code des douanes, urgemment : nous ne pouvons évidemment pas envisager de laisser les douanières et les douaniers dans l'impossibilité de fouiller les véhicules et d'exercer leur utile travail, que je tiens à saluer, tout comme leur dévouement. Ce texte doit donc être voté ; autant le dire tout de suite, le groupe Socialistes et apparentés ne s'y opposera donc pas.
Toutefois, les débats nous ont permis de signaler nos interrogations et nos réserves. Je vais vous les rappeler, pour vous indiquer les points sur lesquels nous serons vigilants au cours des prochains mois et des prochaines années. Ce qui manque avant tout à la douane, au-delà de nouveaux arsenaux juridiques, ce sont des moyens humains et financiers. Le nombre d'agents a diminué d'un cinquième ces dernières années, alors que les trafics à démanteler, eux, ne diminuent pas.
Il faudrait pouvoir renforcer les moyens humains de manière pérenne ; à cet égard, la création d'une réserve opérationnelle pour les douanes nous laisse perplexes. Nous avons entendu vos engagements prononcés la main sur le cœur : la création de cette réserve n'empêchera pas le recrutement, voire le facilitera en faisant découvrir ces métiers. Un amendement socialiste, visant à évaluer le dispositif en matière de recrutement, a été adopté. C'est une avancée dans la mesure où l'existence même de l'observation influe sur le sujet observé – c'est un principe scientifique de physique. J'espère donc qu'elle s'exercera dans le bon sens, c'est-à-dire celui de vos propos. Le PLF pour 2024 sera un premier moment de vérité pour juger de vos engagements en matière d'effectifs.
Il y aura donc une réserve douanière. Nous souhaitions que le port d'armes soit cantonné aux réservistes connaissant la pratique des armes de par leur métier actuel ou passé – s'agissant des retraités. Vous avez répondu que ce serait largement le cas en pratique, mais sans accepter de le graver dans la loi. La question de la formation au port d'arme se pose donc.
Le combat contre le trafic de tabac s'impose comme une évidence. Il faut certes punir les trafiquants, mais les mesures proposées ne sont pas proportionnées – elles relèvent surtout de l'affichage – et leur caractère dissuasif suscite nos doutes. Le groupe Socialistes et apparentés tient à rappeler, en toute occasion, son attachement à la proportionnalité des peines.
Enfin, l'article 15 habilite pendant trois ans le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour recodifier les douanes, ce qui entraîne ipso facto le dessaisissement du Parlement sur l'intégralité du code des douanes pendant la période correspondante. Nous l'avons dit, vous auriez pu faire autrement.
En raison de ces griefs, nous ferons montre d'une abstention vigilante et resterons attentifs quant à l'application de ce texte.