Cette réserve opérationnelle n'est qu'un cache-misère. Elle ne peut être à la hauteur des enjeux et répondre aux besoins d'une administration en souffrance et en sous-effectif structurel.
Pire, elle peut constituer un danger pour le pays et la population. D'abord, elle s'inscrit dans le processus général de destruction d'un service public qui, si on lui en donnait les moyens, pourrait admirablement fonctionner. Ensuite, des agents formés à la va-vite et armés seront envoyés sur le terrain pour effectuer de périlleuses missions que les douaniers titulaires ont mis des années à maîtriser. Plus encore aujourd'hui que lors de nos précédents débats, armer des réservistes mal formés apparaît comme une folie.
De même, le remplacement du service d'enquête judiciaire des finances par le nouvel Office national antifraude risque d'alourdir encore un peu plus la charge de travail des douaniers. Le projet de loi prévoit que les agents de ce service seront dorénavant compétents en matière de fraude sociale. Les moyens supplémentaires qui doivent leur permettre d'accomplir cette nouvelle tâche, pourtant annoncés à grand renfort de communication ministérielle lors de la présentation du plan « fraude », viendront plus tard, en 2024 – enfin peut-être, on espère, on verra, on ne sait pas…
Le lancement d'un plan de recrutement massif constitue pourtant une urgence absolue si nous voulons que les douanes puissent mener à bien leurs missions. Cette administration est en sous-effectif chronique. Les chiffres sont là, implacables : la France compte 17 000 douaniers contre 48 000 en Allemagne, soit 2,3 fois moins de douaniers par habitant, alors qu'elle compte 3,9 fois plus de kilomètres de frontière et une superficie terrestre et maritime 29 fois supérieure.
Les suppressions de postes se poursuivent : alors que, dans nos ports, moins d'un conteneur sur 1 000 est contrôlé et que la fraude à la TVA fait perdre chaque année 25 milliards d'euros aux caisses de l'État, les douanes ont encore perdu 270 agents affectés aux contrôles depuis 2019.
Les douaniers méritaient mieux qu'un texte qui entérine trente ans de baisses d'effectifs, trente ans d'une politique néolibérale qui détruit le service public. Les citoyennes et les citoyens aussi méritaient mieux, car, comme le note le syndicat Solidaires douanes dans un récent communiqué, « se battre pour la douane, c'est ne pas se battre seulement pour les douaniers. C'est se battre pour la société en général, depuis la relocalisation des activités, jusqu'à la lutte contre les trafics, en passant par le bon financement des services publics. »
Oui, le pays tout entier méritait mieux. Nous voilà donc coincés, car il faut permettre aux douaniers de poursuivre leur travail en septembre prochain en validant un mauvais texte qui contribue à poursuivre la casse de ce service public essentiel. Le groupe LFI – NUPES s'abstiendra et nous nous battrons, notamment lors de l'examen du prochain projet de loi de finances, pour les douanes.