La mondialisation, l'ouverture des frontières et l'intégration européenne ont longtemps laissé penser que l'échelon national était périmé et que le rôle des douanes allait décliner. Pourtant, dans un monde où la criminalité dispose de toujours plus de moyens pour se livrer à ses activités, les douanes apparaissent aujourd'hui comme indispensables.
Elles défendent, en effet, notre souveraineté territoriale en assurant le contrôle aux frontières. Lorsque les douaniers veillent à ce que les marchandises importées soient conformes aux standards européens, en matière sanitaire par exemple, ils protègent les consommateurs contre les malfaçons – marchandises contrefaites et médicaments falsifiés, notamment – et les entreprises confrontées à la violation des droits de propriété intellectuelle et à une perte de chiffre d'affaires. Lorsque la DGDDI – direction générale des douanes et droits indirects – lutte contre le trafic de tabac, de stupéfiants et de précurseurs de drogues, elle participe également aux objectifs de santé publique et contribue à limiter la perte de recettes fiscales. Enfin, l'administration des douanes protège notre modèle social, en évitant que des abus à la liberté de circulation des personnes et des marchandises soient commis dans l'espace Schengen, et en luttant contre le crime organisé et le financement du terrorisme.
Pour remplir toutes ces missions, la douane a besoin d'un cadre d'action rénové, mais également de moyens humains importants. Or, sur ce dernier point, nous regrettons que le projet de loi ne fasse pas mention de la forte baisse des emplois survenue ces dernières années, ni des moyens nécessaires pour inverser la tendance. Des chiffres illustrent ce constat : le programme budgétaire Facilitation et sécurisation des échanges comportait près de 17 000 équivalents temps plein en 2019, contre 16 380 à la fin de l'année 2022, soit une diminution de plus de 550 postes en quatre ans.
Permettez-moi donc de saluer les douaniers qui travaillent au quotidien partout en France, notamment chez moi, en Corse, où la douane est implantée à Bastia. Elle possède également des antennes dans la plupart des circonscriptions des membres du groupe LIOT, comme à Valenciennes, Foix, Pointe-à-Pitre ou Saint-Pierre.
Je tiens à revenir sur la mouture finale du projet de loi. Le texte a été enrichi au cours de la navette parlementaire, particulièrement lors de son examen à l'Assemblée nationale, il y a deux semaines. Il acte d'abord la refonte du droit de visite des douanes. Les dispositions en vigueur ont été déclarées contraires à la Constitution au mois de septembre 2022 et nous avons jusqu'à l'automne pour préserver l'un des principaux moyens d'action de la DGDDI. Malgré l'urgence, à chaque fois, notre groupe a défendu une position équilibrée. En effet, l'efficacité de la lutte contre les fraudes ne doit pas restreindre la protection des libertés individuelles ; nous tenons à l'une comme à l'autre.
Face aux importantes capacités financières et technologiques mobilisées chaque jour par les organisations criminelles, il importe de mettre à jour l'arsenal législatif et technique de la douane. Néanmoins, nous considérons que les techniques d'enquête et les outils utilisés lors des contrôles sont parfois exagérés et n'offrent pas les garanties suffisantes pour protéger la vie privée. Je pense aux techniques d'écoute et de captation d'images, au gel prolongé des données numériques ou encore à l'extension de l'utilisation des drones.
Par ailleurs, nous regrettons la création des catégories d'agents de douanes judiciaires et d'agents fiscaux judiciaires par voie d'amendement. Ces dispositions ne reposent sur aucune étude d'impact préalable. Pour rappel, dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes a proposé d'élargir le périmètre des études d'impact aux amendements, lesquels permettent de facto au Gouvernement de passer outre le contrôle préalable du Conseil d'État.
Enfin, nous prenons acte de la création d'une réserve opérationnelle. L'article 7 a donné lieu à des débats de qualité sur la protection des salariés, le port d'arme et Frontex. Toutefois, cette réserve semble devoir concourir à plusieurs objectifs : le Gouvernement a annoncé qu'elle devra, tour à tour, répondre à des pics d'activité, doper l'attractivité des postes permanents de la DGDDI et permettre l'acquisition de compétences rares, notamment en informatique. Il peut être contreproductif de chercher à atteindre autant d'objectifs et nous attendons de pouvoir juger de son efficacité.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe LIOT voteront très majoritairement pour ce projet de loi.