Séance en hémicycle du jeudi 30 mai 2024 à 15h00

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Rappels au règlement

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La parole est à M. Emeric Salmon, pour un rappel au règlement.

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Il se fonde sur le troisième alinéa de l'article 70, en vertu duquel tout membre de l'Assemblée « qui se livre à une mise en cause personnelle, qui interpelle un autre député ou qui adresse à un ou plusieurs de ses collègues des injures, provocations ou menaces » peut faire l'objet de peines disciplinaires.

Le site linsoumission.fr, dont le directeur de la publication est Antoine Léaument, vient de publier une liste de noms – cela rappelle de mauvais souvenirs –, celle des députés qui ont voté en faveur de la sanction contre Sébastien Delogu.

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M. Léaument met ainsi une cible dans le dos des députés Renaissance, MODEM, LIOT, LR et RN, ce qui est grave et inadmissible.

Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Nous prenons bonne note de votre demande, qui sera transmise au bureau.

La parole est à Mme Raquel Garrido, pour un autre rappel au règlement.

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Il se fonde sur l'article 100 du règlement. Je rappelle que les votes à scrutin public sont, comme leur nom l'indique, publics, conformément à la transparence dont notre assemblée fait traditionnellement preuve.

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Certains préfèrent les dénonciations anonymes !

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Autrefois, nos concitoyens comptaient sur la presse, les dessins et les sculptures de Daumier pour s'informer. De nos jours, tout est public, les réseaux sociaux donnant accès à l'information en temps réel. Il n'y a rien de plus important que le lien entre les parlementaires et les citoyens. Nous ne sommes pas toujours très nombreux dans l'hémicycle, mais tout ce que nous y disons découle d'un mandat donné par les électrices et les électeurs.

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Informer les citoyens des votes des députés est tout à fait conforme au règlement.

M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.

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En tout état de cause, ce n'est pas à nous d'en juger, mais au bureau, s'il est saisi.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à constitutionnaliser la sécurité sociale (2472, 2641).

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La parole est à M. Pierre Dharréville, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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Ce geste par lequel nous nous assurons mutuellement des droits tout au long de l'existence, face aux aléas de la vie. Ce geste par lequel on se soigne, on goûte à la retraite, on affronte un accident du travail ou une maladie professionnelle, on subvient à l'éducation des enfants. « Ce qu'elle donne aux Français ne résulte pas de la compassion ou de la charité, elle est un droit profond de la personne humaine. » Voilà ce qu'Ambroise Croizat disait de la sécu, comme on l'appelle par son petit nom, parce qu'elle nous est familière, parce qu'elle nous appartient, parce qu'elle est notre bien commun. Et pourtant, elle ne figure que dans un recoin de notre loi fondamentale, comme par raccroc, et elle n'y figure que pour ce qu'elle coûte, dans la description de la tuyauterie des lois de financement. Où est le sens, où sont les principes, où est l'ambition ?

Cette anomalie nous a sauté aux yeux lors d'une tentative de remplacer l'expression « sécurité sociale » par « protection sociale » il n'y a pas longtemps. La sécurité sociale n'est-elle pas, depuis la Libération, une institution fondamentale de la République, une traduction essentielle de la république sociale ? Il ne surprendra personne que nous souhaitions la protéger et même la proclamer, non pas au nom du passé, mais au nom de l'avenir.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.

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Comment est-il possible que la sécurité sociale ne soit pas reconnue dans la Constitution comme une institution fondamentale ? Comment se fait-il que ses ambitions et ses principes n'y soient pas énoncés ? Pourquoi ne pas le faire aujourd'hui ? Qu'on me donne un seul argument valable contre cette proposition.

Toutes les fleurs ne sont pas sans épines, mais tout le monde ou presque ne parle de la sécurité sociale qu'avec des fleurs à la bouche. Même quand il s'agit de la raboter, en rognant les droits et les vies, les fleurs demeurent dans les discours. Si les mots sont sincères, alors il faut placer la sécurité sociale à sa juste place dans la Constitution, où elle occupe, au moment où je vous parle, une place inversement proportionnelle à son rôle. Elle est plus qu'une simple politique publique, elle est une institution structurante.

La rédaction de la proposition de loi constitutionnelle est simple et directe. Elle préserve les prérogatives du législateur et la marge d'interprétation du juge, mais elle leur donne une indication nouvelle. L'élévation de la protection de la sécurité sociale au niveau constitutionnel aura des effets concrets dans l'interprétation du droit. Elle figurera dans l'identité constitutionnelle de la France, au cas où notre modèle social serait mis en cause. Nous avons vu avec quelle brutalité le Rassemblement national considère la sécurité sociale, cherchant à la torpiller en la privant de ressources et à la plier au principe antirépublicain de la préférence nationale.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.

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S'il y a des projets dans les tiroirs que notre initiative viendrait contrarier, c'est le moment de le dire ! Il est vrai que certaines réformes, notamment celle des modes de scrutin, faites isolément, auraient des effets problématiques, mais il y a eu récemment quatre ou cinq projets de modification de la Constitution et l'argument selon lequel il ne faudrait la réviser que dans le cadre d'une révision générale est faible, cette perspective demeurant nébuleuse. Et c'est un partisan de la VIe République qui vous le dit.

La proposition de loi constitutionnelle vise à insérer un nouvel article après l'article 1er de la Constitution pour renforcer la notion de république sociale, dont la base juridique doit être consolidée. Contrairement à la position croissante du Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence, la solidarité ne se limite pas au soutien des plus défavorisés. En la reconnaissant comme institution de rang constitutionnel, nous énonçons ses principes fondateurs et rappelons le préambule de la Constitution de 1946, qui n'évoque pas la sécurité sociale à proprement parler : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. » Nous faisons ici œuvre de couture, de soudure. Nous affirmons le lien et la continuité.

Si la sécurité sociale s'est imposée, dans une bataille qui n'a jamais vraiment cessé, c'est parce que, face au drame incommensurable de l'occupation nazie et de la collaboration, face au danger fasciste, il fallait un antidote à la hauteur. Il fallait renouer avec l'espoir fondamental de la Révolution française. Il fallait un grand geste d'émancipation partagée, un grand geste d'affirmation de la dignité humaine. Il se dit en peu de mots, ce grand geste : « De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ». Les adversaires de la sécurité sociale l'affirment parfois pour la discréditer : il y a quelque chose du communisme dans la sécurité sociale.

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Mais je ne m'arroge pas sa propriété : elle est le patrimoine commun de notre peuple, inscrite dans ce que le général de Gaulle nommait « une démocratie sociale [...] garantissant la dignité et la sécurité de tous ». Elle « doit appartenir à tous les Français et toutes les Françaises, sans considération politique, philosophique ou religieuse », disait Ambroise Croizat.

Pour nous, il est urgent de lui donner un nouvel élan, pour mieux répondre aux besoins et décourager les appétits financiers qui sont toujours là. Il n'y a rien à privatiser dans la sécu. Le fait que des centaines de milliards d'euros de richesses produites par le travail soient socialisées, mutualisées, protégées de la cupidité du marché et rendues directement et socialement utiles, est difficile à supporter pour certains depuis le début.

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C'est aussi pour cela qu'on nous serine que la sécurité sociale coûte trop cher, que nos droits, nos vies coûtent trop cher, et qu'il faut s'en remettre au chacun pour soi. La Cour des comptes ne vient-elle pas de le faire en s'attaquant aux arrêts maladie ? La sécurité sociale ne doit pas être réduite à une bouée de secours. Nous combattons la remise en cause incessante de la cotisation comme mode de financement. La cotisation est la concrétisation du principe fondateur, vecteur de la solidarité mutuelle, dont vous avez sans doute perçu ce que Bernard Friot appelle « la dimension subversive » du salaire continué.

Nous discutons le mouvement d'étatisation engagé depuis 1995. L'une des intuitions fortes de la Libération a été de confier la gestion de la sécurité sociale aux travailleurs et travailleuses et nous pensons qu'il faut engager un mouvement de démocratisation, de réappropriation sociale et citoyenne de cette gestion par les assurés. Il faut lui permettre de mieux répondre aux défis contemporains.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Raquel Garrido et M. Benjamin Lucas-Lundy applaudissent également.

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Pour l'heure, ce que nous mettons sur la table, c'est simplement l'inscription de la sécurité sociale dans la Constitution. Notre proposition de loi constitutionnelle ne change pas le droit existant. Elle le protège et le renforce. Elle peut nous rassembler, dans ce moment de crise sociale et sanitaire qui dure, alors que notre peuple est fracturé et travaillé par les monstres du clair-obscur. Elle éclairera les débats sur les évolutions à venir et donnera à la sécurité sociale une existence qui ne dépend pas du bon vouloir du Parlement. Elle peut envoyer un signal retentissant.

Hier, dans une tribune publiée par Mediapart, Sophie Binet, Marylise Léon, Laurent Escure et Benoît Teste ont affiché, au nom de leurs organisations syndicales, leur soutien à cette constitutionnalisation

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES

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et appelé notre assemblée à « saisir cette occasion pour ouvrir un grand débat sur l'avenir de la sécurité sociale dans le pays ».

L'adoption de cette proposition de loi constitutionnelle serait un geste utile et historique pour l'avenir, pour continuer à inventer la sécurité sociale dont nous avons besoin. L'année prochaine, nous célébrerons son 80e anniversaire : nous pourrions le faire de façon concrète, en matérialisant notre attachement commun, en la confortant, en la consolidant. Imaginez ce grand moment d'unité populaire, ce grand geste politique que nous pourrions accomplir !

Pourquoi la sécurité sociale n'est-elle pas inscrite dans la Constitution ? Nul ne pense ici que cela réglerait tous les problèmes. Qu'on ne se méprenne pas, nous sommes vaccinés contre l'idée d'une institution froide, de papier, d'une idée qui se contenterait d'une existence juridique. Nous savons trop bien que la sécurité sociale est le résultat d'un rapport de forces social et politique. « Rien ne pourra se faire sans vous », s'exclamait Ambroise Croizat le 12 mai 1946. « La sécurité sociale n'est pas qu'une affaire de lois et de décrets. Elle implique une action concrète sur le terrain, dans la cité, dans l'entreprise. Elle réclame vos mains… », disait-il. Voici mes mains de parlementaire, nos mains, qui n'y suffiront pas, mais qui peuvent être utiles pour donner à la sécurité sociale une meilleure protection et une meilleure reconnaissance, pour créer des conditions plus favorables pour l'avenir. Vive la sécurité sociale !

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.

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La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

La sécurité sociale « est la garantie donnée à chacun qu'en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes », selon les termes de l'ordonnance du 4 octobre 1945. Elle fait partie de l'identité de la France. Elle est présente dans notre quotidien. Elle est le fruit de l'histoire moderne de notre pays.

J'éprouve, comme vous, un attachement particulier, indéfectible, à cette institution emblématique qui incarne, plus qu'aucune autre, les valeurs de solidarité et de justice sociale de notre république.

La sécurité sociale est bien plus qu'un simple mécanisme financier. Elle est le pilier de notre cohésion nationale, la garante de la dignité de chacun de nos concitoyens face aux aléas de la vie. Depuis sa création en 1945, elle est une réponse courageuse et visionnaire à la nécessité de protéger les travailleurs et leurs familles contre les risques de la maladie, de l'accident, de la vieillesse et du chômage.

Pierre Laroque, l'un de ses pères fondateurs, disait : « Il ne s'agit pas seulement de faire face aux risques sociaux, mais de bâtir une société plus humaine. » C'est cette ambition qui nous guide encore. La France bénéfice d'une protection sociale inégalée. Rendons-nous compte de ce privilège ; soyons conscients de ce que représente la sécurité sociale, alors que, pour certains, elle n'est que guichets ou déficits. Soyons fiers de faire vivre ce modèle si précieux. La sécurité sociale est l'un, si ce n'est le plus important, de nos services publics.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Elle est importante par le budget qui lui est consacré chaque année : 640 milliards d'euros en 2024. C'est un investissement massif, mais indispensable. Elle est importante par l'universalité des personnes qu'elle protège – tous les Français – et, surtout, par ses valeurs et ses principes fondamentaux, que nous devons préserver avec vigilance – la solidarité, l'universalité et la redistribution.

En tant que ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, je suis profondément attaché à ces valeurs. Elles sont le socle de notre modèle social et l'assurance que chaque Français pourra accéder à des soins de qualité, quelle que soit sa situation.

Face aux défis actuels, notamment le vieillissement de la population, l'augmentation des maladies chroniques, mais aussi les crises sanitaires, notre système de sécurité sociale doit s'adapter sans jamais renoncer à ses fondements.

Monsieur le rapporteur, vous l'aurez compris, nous avons la sécurité sociale en partage. J'approuve donc votre souhait de préserver ce modèle, mais il fait déjà l'objet d'une protection au plus haut niveau de la hiérarchie des normes.

La Constitution garantit en effet l'existence d'un système de protection sociale collective. Elle prévoit d'ailleurs explicitement son existence dans son article 34, et implicitement aux articles 39, 42 et 47-1, relatifs aux lois de financement de la sécurité sociale. Les alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, garantissent également l'existence de ce système.

En outre, cette protection constitutionnelle a été reconnue et utilisée par le Conseil constitutionnel, dont les décisions attestent de son effectivité. Sans faire un cours de droit constitutionnel, ni de juridisme pour le plaisir, je rappellerai simplement que la jurisprudence du Conseil, constante en la matière, est protectrice pour la sécurité sociale. Qu'il s'agisse de vieillesse, de maladie, d'accident du travail ou de famille, il s'est montré très clair, garantissant notamment « la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités » ou le droit à la protection de la santé.

De son côté, la rédaction de votre proposition de loi est très ambiguë, et a priori sans effet. La notion d'institution fondamentale, inscrite dans votre texte, n'est pas présente dans la Constitution. Il s'agirait donc d'introduire une nouvelle notion, de nature à créer une hiérarchie entre les institutions de la République.

Les missions assignées à cette institution sont en outre particulièrement larges et mal définies puisqu'elle devrait assurer chaque « membre de la société » contre l'ensemble des risques et aléas de l'existence. La distinction entre risque et aléa n'est pas davantage précisée, ni la nature de ces risques et aléas, qui pourraient aller bien au-delà des seuls risques sociaux et collectifs.

Votre dispositif prévoit que la sécurité sociale « concourt en particulier à la mise en œuvre des principes énoncés au dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. » Une telle précision n'apporte aucune plus-value puisque ces principes sont déjà énoncés et ne sont pas modifiés.

Enfin, votre proposition de loi constitutionnelle vise à imposer à la fois une forme et un niveau constitutionnalisés de garanties sociales, mais elle présente certains effets de bord qu'il ne faut pas sous-estimer.

M. Sansu s'exclame.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

En effet, elle pourrait impliquer la couverture de tous les risques par l'assurance maladie obligatoire, ne laissant plus de place aux assurances maladie complémentaires, telles que visées à l'article 18 de l'ordonnance du 4 octobre 1945.

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Ce n'est pas un effet de bord, c'est le 100 % Sécu !

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Un tel dispositif est contraire aux libertés économiques, également garanties par la Constitution.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sera défavorable à votre proposition de loi.

Mais cela ne veut pas dire que le débat doit être clos.

M. Benjamin Lucas-Lundy s'exclame.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Si la Constitution ne se modifie qu'avec une main tremblante, et après mûre réflexion, nous avons la sécurité sociale en partage et les Français rappellent régulièrement leur attachement profond à notre système de protection sociale.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Bien que défavorable à son texte, le Gouvernement salue l'initiative du rapporteur et partage son attachement à la sécurité sociale en tant qu'institution pilier de notre république.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et HOR.

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Vu l'ampleur des applaudissements, on se croirait à un meeting de Valérie Hayer !

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« Jamais nous ne tolérerons que soit renié un seul des avantages de la sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir, et avec la dernière énergie, cette loi humaine et de progrès[…]. » Ce sont les mots, tenus à cette même tribune en octobre 1950, peu avant sa disparition, par Ambroise Croizat, qui fut ministre du travail et de la sécurité sociale. Son combat était celui de la solidarité et de la dignité. Son but était de libérer nos concitoyens de l'angoisse du lendemain.

Près de trois quarts de siècle plus tard, nous voici réunis dans le cadre de la niche de notre groupe pour débattre de la proposition de loi constitutionnelle dont notre collègue Pierre Dharréville est le rapporteur, qui vise à inscrire la sécurité sociale dans notre Constitution.

Il est frappant, voire paradoxal, de constater l'absence, dans ce texte fondamental, de l'institution qui incarne le mieux la république sociale. La sécurité sociale constitue l'une des matérialisations quotidiennes les plus tangibles et puissantes de notre promesse républicaine. Ce modèle est un précieux acquis – ou plutôt conquis – du Conseil national de la Résistance. Il est reconnu, et parfois envié, à travers le monde. Il nous revient d'en reconnaître la profondeur historique.

Rappelons également que la sécurité sociale est conçue pour être financée par le salaire socialisé, et qu'elle était, à l'origine, gérée directement et majoritairement par les salariés. Car, oui, ce sont les salariés qui financent la protection sociale de notre pays puisque ce sont eux qui produisent ses richesses. Ce rappel des faits est plus que jamais utile à l'heure où vous avez choisi de faire les poches de l'assurance chômage, et donc celles des salariés.

Dès 1967, ces derniers ne disposent plus des trois quarts des postes d'administrateurs des caisses de sécurité sociale, et les élections à ces postes sont supprimées. En 1991, la contribution sociale généralisée (CSG) bouleverse le financement par la cotisation. Parallèlement, des politiques d'allègements des cotisations sociales se succèdent depuis trente ans, sans que personne ne s'interroge sur leur pertinence. Pire, l'an dernier, l'opposition de tous les conseils des caisses à la loi de financement de la sécurité sociale n'a eu aucun effet. Ce processus de dépossession – de désappropriation – ne peut pas continuer.

C'est pourquoi nous souhaitons réaffirmer notre attachement, et surtout celui des Françaises et Français que nous représentons, à la belle et grande sécurité sociale. Cet attachement n'a rien d'une nostalgie car cette institution fait pleinement partie de notre quotidien et de celui de nos concitoyens, en particulier dans les moments les plus difficiles.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.

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Cet attachement relève d'une espérance commune. Il suppose de protéger la sécurité sociale des marchés qui profitent de ses démantèlements pour spéculer et se développer au détriment de notre protection sociale. Les attaques successives contre notre modèle aboutissent à la moins bonne protection de nos concitoyens contre des risques sociaux pourtant bien identifiés.

Aucune branche n'est épargnée par ces attaques – reports de l'âge de la retraite, baisses des remboursements des soins et des médicaments, réductions de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. La sécurité sociale est attaquée et nous devons la protéger. C'est notre objectif, et le constat devrait sauter aux yeux de tous.

Pourtant, lors de l'examen de ce texte en commission des lois, plusieurs dizaines d'amendements ont été déposés par le groupe Renaissance, dont près de la moitié n'ont pas le moindre lien avec la sécurité sociale. C'est également le cas en séance, comme si la sécurité sociale ne vous intéressait pas. Avec gravité, nous nous interrogeons sur l'utilisation de telles méthodes lors de l'espace réservé à un groupe d'opposition.

Quant aux amendements de l'extrême droite, d'une autre nature, ils sont tout aussi révélateurs : ils illustrent bien à quel point le RN ne porte strictement aucun intérêt à la question sociale.

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Ses votes successifs dans l'hémicycle l'ont démontré depuis longtemps mais, dorénavant, il ne s'en cache plus. Pour les députés du groupe RN, la seule question qui vaille la peine d'être soulevée, c'est de savoir si celui qui bénéficie de la sécurité sociale est né sur le sol français.

Heureusement qu'en 1945, personne ne s'est demandé si la maladie ou la vieillesse avait une nationalité.

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Aujourd'hui, comme hier, les risques sociaux n'en ont pas – et ils n'en auront jamais.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.

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Réaffirmons donc haut et fort la vocation universelle de la sécurité sociale. C'est le principe qui a présidé à sa naissance, puis à son développement et, désormais, grâce à ce texte, à son avenir. Refuser d'inscrire la sécurité sociale dans la Constitution dès aujourd'hui, c'est permettre, demain, d'entraver cette vocation comme beaucoup le veulent déjà, y compris sur ces bancs.

À l'extrême droite, certains osent même citer l'existence de l'aide médicale d'État – qu'ils veulent pourtant supprimer ! – comme argument pour ne pas constitutionnaliser la sécurité sociale ! Ils ne seront jamais les défenseurs de la sécurité sociale puisqu'ils en sont les fossoyeurs !

Applaudissements quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Edwige Diaz s'exclame.

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Ils l'attaquent sur un flanc qui, jusqu'ici, ne faisait que peu l'objet d'attaques de la part du capital et du patronat. Mais pour combien de temps encore ?

Nous regrettons que la majorité ait usé d'explications alambiquées pour justifier le rejet de ce texte. Elle a, de fait, associé sa voix à celle du Rassemblement national pour refuser d'inscrire cette institution dans notre texte suprême. Je forme donc le vœu qu'elle se ressaisisse en séance et adopte cette proposition de loi, utile tant sur le fond que sur la forme.

Vous l'aurez compris, la sécurité sociale n'est pas un acquis tombé du ciel ; elle est le fruit d'un rapport de forces, tout comme le sont ses démantèlements successifs que nous continuerons à combattre. Il faut donc intervenir.

La Constitution est le sommet de notre ordre juridique. Elle a vocation à assurer la garantie des droits, comme en atteste la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Mais les jurisprudences successives ne donnent qu'une faible portée aux principes inscrits dans le préambule de la Constitution de 1946, comme celui « d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».

Dès lors, un tel acquis ne peut se satisfaire de dispositions qui sont du ressort de la technique budgétaire – comme celles relatives aux lois de finances ou de financement de la sécurité sociale – ou de principes généraux abstraits. Ainsi, la jurisprudence administrative considère notamment que le principe posé au dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 « ne s'impose au pouvoir réglementaire, en l'absence de précision suffisante, que dans les conditions et les limites définies par les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales incorporées au droit français ».

Ceux qui prétendent qu'en l'état du droit, la Constitution protège déjà notre modèle et son ambition sont dans l'erreur – ou ils mentent.

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Lors de son audition, le professeur Alain Supiot a montré que l'inscription des principes de la république sociale au rang constitutionnel avait permis de freiner la remise en cause de notre modèle.

Alors, allons plus loin ! Il nous revient, en tant que constituants, de proposer une solution, d'apporter cette précision nécessaire. Sinon, qui le fera ?

Cette proposition de loi constitutionnelle pourrait aussi permettre au Conseil constitutionnel de faire valoir l'identité constitutionnelle de la France en la matière, faisant ainsi primer certaines règles nationales sur des règles européennes. Nous donnerions ainsi à la sécurité sociale la force qu'elle mérite.

L'année prochaine, nous fêterons le quatre-vingtième anniversaire de cette institution. Célébrons dignement la naissance d'une forme poussée de protection sociale ! Soyons à la hauteur de ce moment historique, de ce débat essentiel pour l'avenir de toutes et tous ; votons ce texte.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

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Je remercie le groupe GDR d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour de sa niche parlementaire : il vise à conférer une valeur constitutionnelle à la sécurité sociale en la déclarant institution fondamentale de la République. La sécurité sociale est en effet notre bien commun, l'une des bases du pacte républicain. « Touche pas à ma sécu ! » : ce slogan pourrait être repris par la majorité des Français.

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En dépit de ses 80 ans, les Français sont très attachés à ce système que de nombreux pays nous envient.

C'est dans les moments difficiles que nous prenons conscience de la chance que nous avons de disposer d'une sécurité sociale forte et de droits protecteurs. Durant la pandémie du covid-19, c'est grâce à ce principe de solidarité que beaucoup de citoyens ont tenu bon. Ce n'est pas pour rien que 88 % des Français se déclarent fortement attachés à la sécurité sociale qu'ils voient comme un atout pour le pays, à l'heure où les services publics sont critiqués et attaqués.

Notre groupe réaffirme son attachement au système issu du programme du Conseil national de la Résistance qui, en dépit des attaques qu'il subit, traduit aujourd'hui encore le principe de fraternité dans notre quotidien. Ce système est l'aboutissement de luttes sociales : à partir de 1893, c'est la responsabilité du patron, et non celle du salarié, qui est engagée en cas d'accident du travail – une grande victoire. En 1919, autre grande victoire, certaines maladies professionnelles sont reconnues. En 1945, la naissance de la sécurité sociale ne consacre certes pas un droit à la santé, mais un droit au soin. Cela importe à nos concitoyens car nous ne sommes pas égaux en la matière : certains sont bien portants et ont de l'énergie, quand d'autres, malheureusement, ont une existence plus difficile. La sécurité sociale s'occupe des plus faibles.

Mais nous ne sommes pas à l'abri d'un retour en arrière. La Cour des comptes vient ainsi de proposer – idée géniale ! – de ne pas rembourser les arrêts de travail inférieurs à huit jours.

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Le migraineux qui se retrouve régulièrement cloué au lit une journée par un mal de tête carabiné ne percevra-t-il donc plus d'indemnités ? Qu'en est-il des petites grippes qui terrassent beaucoup d'entre nous pendant deux ou trois jours ? Ne sera-t-on plus indemnisé dans ce cas ? Certaines institutions sont dans l'excès : personne ne demande à tomber malade. J'ai parfois l'impression que le Gouvernement voudrait réduire nos droits sociaux – en tout cas le droit au chômage.

La sécurité sociale est garantie par l'État et nos institutions et nous évite d'être à la merci des aléas – boursiers, par exemple. Je pense à la faillite de Lehman Brothers, laquelle a laissé, du jour au lendemain, de pauvres salariés sans protection sociale et sans droits à la retraite. La protection sociale que nous avons en partage est le meilleur système car tous y contribuent selon leurs moyens ; c'est aussi le moins cher, par exemple par rapport aux États-Unis où l'on doit recourir à des assurances privées qui reviennent en fin de compte plus cher au citoyen. Nous sommes donc très attachés à la sécurité sociale.

En raison du manque de moyens et des tensions que subissent les professionnels concernés, nous sommes toutefois inquiets. Inscrire explicitement la sécurité sociale dans la Constitution apporterait une garantie supplémentaire ; c'est d'ailleurs ce qui a été fait pour le droit à l'avortement.

Notre groupe partage le constat des auteurs de ce texte : la protection constitutionnelle qui découle du préambule de la Constitution de 1946 paraît insuffisante et laisse une marge de manœuvre presque totale au législateur. Ce niveau de protection n'est pas à la hauteur des droits sociaux essentiels qui sont en jeu. La consécration explicite de la sécurité sociale et de ses principes fondamentaux dans la Constitution devrait relever de l'évidence. Cette inscription dans la norme suprême ne serait pas uniquement symbolique ; elle assurerait à chacun une meilleure protection et obligerait le législateur à préserver le principe de la solidarité nationale et d'une contribution selon ses moyens.

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Elle le forcerait également à prévoir une protection analogue dans tous les territoires de la République, y compris dans les territoires ultramarins, trop souvent délaissés.

Notre groupe votera évidemment pour ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.

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Nos collègues communistes tiennent de leur passé une part importante de leur légitimité historique ; ils la convoquent aujourd'hui pour nous proposer de graver la sécurité sociale dans le marbre de la loi suprême. Au nom de mon groupe, je les en remercie.

Je parle d'histoire, la grande, celle que l'on découvre dans les comptes rendus de séances qui habitent notre bibliothèque. Mais je veux aussi évoquer nos histoires plus intimes, parce que les conquêtes sociales et démocratiques se mêlent à notre héritage familial. J'ai une pensée pour mes grands-parents, nés à l'aube des années trente et adolescents au lendemain de la guerre. Après les larmes de peine et d'effroi du conflit, ils ont vu éclore celles de la Libération, joyeuses et pleines d'espoir. Elles célébraient non seulement la libération d'un territoire débarrassé du totalitarisme nazi, mais aussi la naissance d'une société nouvelle. Je ressens du haut de cette tribune un sentiment de dette à leur égard et à l'égard de toutes les générations qui nous ont transmis ce patrimoine à la valeur inestimable pour nos vies et pour la nation. Voter ce texte, c'est montrer notre fidélité à cette histoire commune, à ces histoires partagées.

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Il est des conquêtes qui obligent même celles et ceux qui, des décennies plus tard, se retrouvent en mesure de préserver et d'étendre des droits arrachés par leurs prédécesseurs. L'heure est au renouvellement du compromis historique qui a vu naître la sécurité sociale dans le tumulte des conquêtes qui succéda au chaos destructeur de la guerre.

Beaucoup de parlementaires – des gaullistes aux communistes – ont épousé cet héritage aux prémices de leur engagement. C'est pourquoi nous pouvons et devons nous retrouver autour de ce texte. En répondant à l'invitation de nos collègues du groupe GDR, nous nous inscrivons dans les pas de ceux qui ont créé la sécurité sociale.

J'invoque l'histoire, mais c'est au présent et à l'avenir qu'il nous faut songer, parce qu'il est des conquêtes qui peuvent être brisées en un rien de temps. Graver dans le marbre de la Constitution la sécurité sociale, c'est empêcher qu'un jour, si d'aventure et par malheur la marée de boue brune venait à submerger le pays, elle n'emporte avec elle tout l'édifice social et démocratique construit au fil des années.

Au regard de la violence des injustices et de la brutalité des inégalités, la sécurité sociale est un impératif du présent. La sécurité sociale, c'est la plus belle des sécurités. C'est une fierté patriotique, un modèle envié partout sur la planète – un peu notre carte d'identité républicaine.

Mme Marie-Charlotte Garin et M. Boris Vallaud applaudissent.

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C'est aussi une profession de foi, celle de notre attachement à la solidarité, à la protection de tous. C'est d'abord cela avant d'être un budget, une comptabilité, ou même une politique publique.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe GDR – NUPES

Absolument !

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La sécurité sociale est un pilier qui donne à notre devise républicaine sa traduction concrète, immédiate, perceptible dans la vie de chacune et de chacun. Car notre devise – Liberté, Égalité, Fraternité – ne peut se réduire à des mots creux, simplement inscrits aux frontons de nos édifices publics.

Voilà qui explique pourquoi la sécurité sociale est déjà dans le « cœur constitutionnel » des Français. Son absence de la Constitution est une incongruité qu'il nous appartient de corriger séance tenante.

Lors de l'examen du texte en commission, le Rassemblement national a une nouvelle fois montré son vrai visage, celui de l'extrême droite qui exècre les droits sociaux. Ses membres ont en effet évoqué les coûts financiers avant la protection sociale, puis en sont revenus à leur obsession à l'égard des étrangers – sans grand rapport avec le texte.

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Nos collègues lepénistes ont ensuite exprimé leur rejet de cette proposition. Je veux dire à ceux qui nous regardent et pensent trouver dans le vote RN une manière d'exprimer leur colère à l'encontre d'une société injuste que la preuve en est faite : l'extrême droite française sacrifierait les droits sociaux si d'aventure et par malheur elle parvenait au pouvoir – c'est ce que font ses alliés partout dans le monde.

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Les fascismes new look s'accommodent de l'ultralibéralisme – pour le dire pudiquement. La sécurité sociale s'est créée quand les prédécesseurs de Mme Le Pen ont été chassés du pouvoir avec la Libération. C'est aussi cette histoire-là qui resurgit et nous oblige. Cette aspiration magnifique dont nous avons hérité, ne la cantonnons pas à un passé dont nous serions nostalgiques, mais servons-nous-en pour construire un avenir désirable !

Chers collègues de la majorité, malgré les déclarations d'amour du ministre délégué à la sécurité sociale, il vous appartient de dissiper un doute légitime et raisonnable qui plane sur votre attachement à la sécurité sociale. Je suis moi-même convaincu que vous souhaitez détruire les droits sociaux, et sept ans de politique macroniste m'ont conforté dans cette intuition politique. En votant cette proposition de loi, vous pouvez rassurer les Françaises et les Français qui s'inquiètent de l'avenir de la sécurité sociale.

Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.

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Ce texte vise à ajouter après l'article 1er de la Constitution un nouvel article consacré à la sécurité sociale, sous prétexte que l'institution fondamentale de notre république sociale ne serait pas suffisamment garantie.

Or notre modèle de sécurité sociale est d'ores et déjà protégé à un niveau juridique très élevé, puisqu'il appartient au bloc de constitutionnalité. En effet, comme vous le relevez vous-même monsieur Dharréville, il est consacré par le préambule de 1946. L'alinéa 11 précise que la nation « garantit à tous […] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». En outre, il consacre un « droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Enfin, les principes fondamentaux du droit du travail et de la sécurité sociale sont déterminés par la loi, comme le souligne l'article 34 de la Constitution, lequel mentionne les lois de financement de la sécurité sociale.

Cette proposition de loi constitutionnelle étant déjà satisfaite, on peut s'interroger sur son intérêt. Vous nous dites vouloir protéger notre modèle social, et donc nos concitoyennes et nos concitoyens, mais votre ambition réelle, plus politique, n'est-elle pas de sanctuariser notre système tel qu'il existe aujourd'hui, de le figer pour toujours ?

Si nous sommes tous très attachés à notre modèle de sécurité sociale, nous ne partageons pas la même vision de notre société, de ses évolutions et des dispositifs de solidarité à déployer. Notre système d'assurance maladie en 2024 est bien éloigné de celui qui existait à l'époque d'Ambroise Croizat, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Et pour cause, car notre société a profondément changé. Le système de protection sociale a suivi cette évolution, en prenant en compte la tertiarisation de notre économie, les changements d'habitude, les évolutions sociales et sociétales, les différents modes de vie, le vieillissement de la population ainsi que l'entrée plus tardive dans la vie professionnelle. De la meilleure prise en considération des accidents du travail à la généralisation du tiers payant et à la mise en place du reste à charge zéro – et j'en passe –, ce système a beaucoup évolué ces dernières années. Nous travaillons aujourd'hui au déploiement d'un système de solidarité à la source qui permettra à chacun de nos concitoyens de percevoir automatiquement ses droits sociaux.

Il est révélateur, quant aux doutes que nous exprimons au sujet de votre proposition de loi, que ce ne soit pas le garde des sceaux qui siège au banc des ministres,…

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…mais le ministre de la santé. Soyez tout de même rassuré, monsieur le ministre, nous vous apprécions beaucoup !

Il paraît en effet préférable d'apporter des réponses aux questions que vous adressez au sujet des réformes que nous avons menées depuis 2017 plutôt qu'au sujet de la rédaction juridique que vous proposez pour notre Constitution.

Au-delà des débats de fond, malgré tout passionnants, je rappelle la position de principe du groupe Renaissance concernant les révisions de la Constitution. Nous ne souhaitons pas modifier notre texte fondamental par petites touches. Il est nécessaire d'actualiser sans cesse notre contrat social – cela a été fait avec l'inscription de la liberté de recourir à l'avortement – ou de tenir compte de certains enjeux d'organisation territoriale – c'est le cas concernant la Nouvelle-Calédonie et la Corse –, mais pour le reste, il faut engager une révision constitutionnelle d'ampleur – comme nous l'avions fait en 2018. C'est d'ailleurs pourquoi, madame Faucillon, nous avons déposé 13 amendements – pas plus – après l'article 1er . Nous verrons si nous les maintenons.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.

Je reconnais néanmoins, monsieur Dharréville, que votre proposition de loi présente deux intérêts majeurs. Elle a d'abord permis, peut-être mieux que n'importe quel texte jusqu'à présent, d'exposer pour une fois au grand jour, et de façon argumentée, le projet réel du Rassemblement national, une famille d'extrême droite qui n'a jamais changé. Par son modèle social xénophobe reposant entièrement sur la préférence nationale, le RN propose de mettre un terme à notre modèle de sécurité sociale, tel qu'il avait été pensé et construit au lendemain de la seconde guerre mondiale.

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Ça sent la gifle électorale aux élections européennes !

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…sans relâche.

Ensuite, votre proposition de loi nous oblige à envisager le pire, car il n'est pas exclu que cette famille politique revienne un jour aux responsabilités. Nous devons dès lors réfléchir à la meilleure manière de protéger notre modèle. J'espère qu'avec le Gouvernement et vous-même, cher collègue, nous parviendrons dans les prochains mois à un texte permettant de garantir cette protection par la Constitution.

Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Caroline Abadie applaudit aussi.

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Pour plus de 80 % des Français, la santé constitue une priorité. Pourtant, près de 60 % d'entre eux estiment que le système fonctionne mal, avec 22 millions de personnes qui vivent dans un désert médical. Cette situation a des conséquences dramatiques, car là où la démographie médicale se dégrade, on observe un taux de surmortalité supérieur à la moyenne nationale. C'est le cas dans mon département de la Gironde.

Pour attirer l'attention du Gouvernement sur ce délabrement de notre système de santé, les professionnels enchaînent, sans succès, les grèves et les manifestations. C'est le cas aujourd'hui des pharmaciens, à qui j'adresse le soutien de mon groupe. Ils réclament, légitimement, des revalorisations financières, donnent l'alerte à propos des pénuries de médicaments, dénoncent les risques d'une libéralisation de la vente en ligne et la multiplication des fermetures d'officines – 100 fermetures supplémentaires prévues en 2024, dont 30 dans ma région, l'Aquitaine. Nous attendons du Gouvernement qu'il apporte des réponses à cette profession si importante pour nos territoires ruraux.

Toujours dans le but de tirer la sonnette d'alarme, les malades, leurs familles, les professionnels de santé et les associations soutiennent l'institution de journées mondiales consacrées à telle ou telle maladie – on en compte environ 80 par an –, comme celle d'aujourd'hui, la Journée mondiale de lutte contre la sclérose en plaques.

Parallèlement à cette situation médicale alarmante, les finances de la sécurité sociale demeurent inquiétantes, malgré les incessants coups de rabot portés par le Gouvernement aux allocations familiales et plus généralement à la solidarité, qu'il s'agisse du déremboursement des frais médicaux, de la scandaleuse réforme des retraites ou de l'injuste réforme du chômage à venir.

Bien que les Français soient parmi les habitants les plus taxés au monde, ils découvrent, médusés, que ce gouvernement, de même que les précédents, est incapable de mettre un terme au déficit de la sécurité sociale. Ce dernier s'élevait, en 2023, à 8,8 milliards d'euros. La dette accumulée par la Cades, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, atteint désormais 145 milliards d'euros ! Les Français ont donc raison de se demander où va leur argent.

La Cour des comptes fournit un élément de réponse dans un rapport particulièrement sévère qui pointe l'absence de maîtrise des finances, le déséquilibre budgétaire, le montant des dettes non recouvrées et l'explosion de la fraude, contre laquelle rien n'est fait. La Cour n'a pas pu certifier les comptes pour 2023 de la Caisse nationale des allocations familiales. Les Français peuvent donc aussi s'interroger sur l'efficacité du plan de lutte contre la fraude annoncé en grande pompe par Gabriel Attal.

Il y a quelques années déjà, Marine Le Pen,…

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…aux côtés d'autres, comme le magistrat Charles Prats, amenait dans le débat public la question des millions de cartes vitales surnuméraires. Fermement décidée à lutter contre la fraude sociale, qui représente plus de 20 milliards d'euros annuels, Marine Le Pen…

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…propose la création d'un grand ministère de lutte contre la fraude,…

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Dirigé par d'anciens parlementaires européens lepénistes ?

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…la fin de la complaisance à l'égard des fraudeurs ou encore l'instauration de la carte vitale biométrique.

Alors que le système se délite, infligeant aux Français austérité et injustice sociale, voilà que le groupe communiste défend une constitutionnalisation de la sécurité sociale, sans plus de précisions, sans en définir les contours ni prévoir de garanties. Autrement dit, cette gauche déconnectée, naïve et ouvertement immigrationniste veut faire de la sécurité sociale une sécurité mondiale.

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C'est nul ! Dès qu'il s'agit des droits sociaux, on vous sent mal à l'aise !

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Parce qu'ils doivent se sentir trahis à l'écoute d'une telle proposition, j'ai une pensée pour nos compatriotes d'outre-mer, notamment les Mahorais, qui savent pertinemment que 90 % des consultations des services de protection maternelle et infantile effectuées dans leur île le sont au bénéfice d'étrangers en situation irrégulière.

Compte tenu de l'importance de notre système de sécurité sociale pour notre cohésion nationale, le groupe Rassemblement national aurait pu voter la constitutionnalisation de la sécurité sociale. Pour cela, il aurait fallu que le Gouvernement se montre capable de lutter contre la fraude et que la gauche envisage de protéger les Français en leur réservant le seul bénéfice de la sécurité sociale.

Les Français le savent : le Rassemblement national est à leurs côtés. Il est le défenseur de ceux qui sont en grande précarité, de ceux qui n'en peuvent plus du matraquage fiscal, de ceux qui ne supportent plus de ne plus être prioritaires chez eux. Le Rassemblement national partage l'indignation de ceux qui ont appris que désormais, à cause d'une décision du Conseil constitutionnel, les étrangers en situation irrégulière bénéficieront de l'aide juridictionnelle, financée par leurs impôts. Aujourd'hui, c'est l'aide juridictionnelle, demain ce sera la sécurité sociale.

À moins que vous n'adoptiez nos amendements visant à protéger les Français,…

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…nous voterons contre votre texte d'appauvrissement des Français et de destruction de la sécurité sociale.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Vous êtes les fossoyeurs de la sécurité sociale !

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Il y a encore deux heures, j'étais à un rassemblement d'agentes de services hospitaliers à Villeneuve-Saint-Georges. Vous le savez, les ASH sont ces femmes qui vous accueillent à l'hôpital, font et refont votre lit, vous apportent de la nourriture. Elles sont toujours en première ligne aux côtés des patients – en particulier pendant le covid, où elles ont tenu l'hôpital.

La direction de l'hôpital a décidé de les virer – tout simplement – au prétexte qu'elles seraient incompétentes, ce qui n'est pas vrai, comme tout le personnel médical peut en attester. Mais – et c'est très bizarre – elle prévoit également de les réembaucher aussitôt en sous-traitance.

À ce rassemblement, elles m'ont prié de vous demander, monsieur le ministre, comment un gouvernement incompétent peut laisser licencier pour incompétence des salariées compétentes…

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Quel est le rapport avec la proposition de loi ?

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…et pourquoi, malgré leur compétence, elles auraient à subir un gouvernement incompétent qui saccage l'hôpital public.

M. Antoine Léaument applaudit.

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En 2000, année de ma naissance, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) affirmait que le système de santé français était le meilleur au monde. Le monde regardait notre sécurité sociale et disait : « Quelle fierté ! »

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.

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Regardez ce que vous en avez fait : six réformes des retraites ; deux réformes à l'issue desquelles il faut désormais payer les médicaments ; la création d'un forfait hospitalier. Désormais, quand on va à l'hôpital, il faut payer, mais on n'est même pas sûr de trouver un soignant à proximité : vos mesures d'économies prises à la chaîne ont tout détruit ;

Mêmes mouvements

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elles ont dégoûté les soignants et les fonctionnaires ; et elles ont détruit cette fierté qu'est la sécurité sociale, cette richesse d'âme d'une France qui ne vous abandonnait pas.

Regardez ce que vous en avez fait, vous les libéraux, du macronisme au Rassemblement national, dont le programme économique tient en trois règles : un, les riches ne doivent surtout pas payer d'impôts ; deux, il faut faire toujours plus d'économies ; trois, tout ce sur quoi vous avez fait des économies doit être privatisé.

À la fin, le peuple payera toujours plus cher, mais ceux qui se sont enrichis avec les privatisations, avec les économies et avec les suppressions d'impôts, ceux-là continueront de vous soutenir, avec leurs médias et leurs chaînes de télévision. Telle est la scène politique de notre pays : des ultrariches qui soutiennent le macronisme et le Rassemblement national et qui attaquent frontalement La France insoumise, seule à mettre en cause leur monopole.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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C'est ça, le capitalisme ! C'est ce qui fonde le macronisme et que le Rassemblement national veut continuer.

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Votre objectif est de tout rendre marchand. Vous savez qu'avec la sécurité sociale, il y a un paquet de fric à se faire, donc vous la démantelez petit à petit. En trente ans, les cotisations patronales, initialement dues à la sécurité sociale, ont été baissées à quatre-vingt-deux reprises.

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Chaque année, 83 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales manquent pour financer les retraites, l'hôpital et l'aide aux familles. Vous dites que ces cadeaux fiscaux aident à créer de l'emploi, mais il y a encore dix fois plus de chômeurs que d'emplois disponibles ! Quand votre Mozart de la finance, Emmanuel Macron, bossait pour François Hollande, il a offert aux grandes entreprises 100 milliards d'euros sous forme de cadeaux fiscaux – c'était le CICE, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi –, afin qu'elles créent 1 million d'emplois. Résultat : elles en ont créé dix fois moins et sont parties avec le reste de la caisse ! Vos suppressions de cotisations ne servent pas à créer de l'emploi, mais à gaver les actionnaires de dividendes.

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C'est sous François Hollande que ces mesures ont été votées, nous sommes d'accord ?

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Elles servent aussi à creuser un immense trou dans le budget de la sécurité sociale, que vous faites payer au peuple français. Vous remboursez moins les Français pour les obliger à avoir recours aux mutuelles, aux retraites complémentaires et aux services de soins privés.

Cadeaux fiscaux, économies, moindres remboursements et privatisations : vous répétez ces opérations depuis trente ans et vous continuerez jusqu'à détruire la sécurité sociale.

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Détruire ce qui a été collectivisé par les travailleuses et les travailleurs pour le vendre au capital, voilà ce qui fonde le Macronisme et ce que le Rassemblement national veut continuer.

Nous adopterons la logique inverse : nous augmenterons les salaires pour que la consommation populaire crée de l'emploi et produise des cotisations, nous investirons dans l'urgence pour créer les millions d'emplois dont nous avons besoin afin d'affronter le réchauffement climatique et nous reconstruirons la sécurité sociale auquel le peuple français est attaché.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

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C'est à cela que sert la proposition de loi de notre collègue Darhéville et du groupe GDR : vous empêcher de détruire la sécurité sociale, célébrer son anniversaire avec le vote de ce texte – je rêve un peu.

La sécurité sociale, inspirée par le programme du Conseil national de la Résistance, a été instituée par une ordonnance d'octobre 1945. Elle est le fruit d'un compromis entre gaullistes et communistes, deux mouvements dont le Rassemblement national ne peut revendiquer l'héritage…

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…puisqu'il se situe plutôt de l'autre côté de la barricade.

C'est un grand ministre, dont vous effacez la mémoire, qui a fait la sécurité sociale : Ambroise Croizat.

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Grâce à lui, la Constitution contient encore aujourd'hui ces mots : « [la Nation] garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. » Voilà ce que nous devons au mouvement ouvrier français. Quelle fierté !

M. Antoine Léaument applaudit.

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Français qui m'écoutez, ne vous laissez pas racketter ; ne vous laissez pas voler votre sécurité sociale. À l'époque du Conseil national de la Résistance, le peuple français ne s'est pas laissé diviser par des questions de religion, d'origine ou de couleur de peau,…

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…il s'est rassemblé autour d'un projet d'intérêt général.

Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.

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Vive la République sociale ! Vive la France du Conseil national de la Résistance ! Et vive la sécurité sociale !

L'orateur brandit une carte Vitale. – Les députés LFI – NUPES, toujours debout, applaudissent et sont rejoints par quelques députés du groupe Écolo – NUPES.

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Je vous rappelle qu'il est interdit de brandir des documents à la tribune de l'Assemblée nationale.

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Non, vous ne faites pas ce que vous voulez. Cela vous a été rappelé récemment.

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Nous avons encore quelques drapeaux palestiniens en réserve…

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Face à une proposition de modification de la Constitution, le premier réflexe du groupe Les Républicains est très souvent la prudence, voire la méfiance, parce que nous sommes viscéralement attachés au texte de la Constitution de la Ve République.

Cet attachement n'est pas que littéral : il exprime une adhésion franche à un équilibre que la Constitution a su trouver, ainsi que l'attestent sa solidité et sa longévité ; un équilibre qu'il nous faut préserver.

Nous nous méfions également parce que de plus en plus de déclarations incantatoires servent de paravent à l'impuissance publique. Le président Gérard Larcher disait récemment que la Constitution ne doit pas devenir un catalogue, tandis que Simone Veil, en janvier 2009, dans l'avant-propos du rapport du comité de réflexion sur le préambule de la Constitution qu'elle présidait, écrivait : « L'urgence est moins de le compléter que d'en exploiter les richesses par des politiques ambitieuses, actives et concrètes. » Ainsi ferons-nous preuve a priori de prudence.

Cependant, force est de reconnaître que la proposition de loi constitutionnelle défendue par Pierre Dharréville nous étonne et nous amène à nous interroger : la sécurité sociale n'est-elle pas déjà constitutionnalisée ?

Notre système de sécurité sociale est un héritage du programme du Conseil national de la résistance (CNR) et du gaullisme, un socle auquel nos compatriotes sont profondément attachés. Juridiquement, la sécurité sociale est intégrée au bloc de constitutionnalité puisqu'elle est évoquée dans le préambule de la Constitution de 1946, mais elle n'est pas explicitement protégée. Il n'est pas fait référence à la sécurité sociale en tant qu'institution, bien qu'il soit question de sa loi de financement.

Le préambule reconnaît en effet le droit de « tous [à] la protection de la santé, [à] la sécurité matérielle, [au] repos et [aux] loisirs » ainsi que « le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». De ces dispositions, le Conseil constitutionnel a tiré une exigence, celle d'appliquer une politique de solidarité nationale tout en laissant aux législateurs le soin d'en choisir les modalités concrètes. La protection constitutionnelle existe, mais on peut se demander si elle est suffisante.

Depuis quelques années, il est vrai, nous sommes confrontés à des menaces qui fragilisent notre système de protection sociale. J'en veux pour preuve les déremboursements de certains médicaments et soins, mais aussi l'évolution dramatique de la démographie médicale, ou encore les attaques systématiques menées depuis une dizaine d'années contre la politique familiale, qui faisait pourtant consensus depuis des décennies. Ces attaques se sont notamment traduites par la fin de l'universalité des allocations familiales et par les remises en cause du congé parental.

Voilà ce qui nous amène à nous interroger sur la solidité du système de protection sociale et sur l'opportunité de son éventuel renforcement, auquel nous invite cette proposition de loi constitutionnelle. En ce sens, elle est pertinente. Malheureusement, sa rédaction est sujette à plusieurs débats.

Ainsi, la formulation : « Elle assure à chaque membre de la société la protection contre les risques et les aléas de l'existence » pourrait donner lieu à une interprétation trop large. Par ailleurs, en appeler aux principes du service public pourrait rigidifier à l'excès l'organisation et la gestion de notre système de protection sociale.

Enfin, si nous pouvons souscrire à l'idéal exprimé dans la dernière phrase du texte : « chacun y a droit selon ses besoins et y contribue selon ses moyens », nous devons aussi faire preuve de réalisme dans son application, compte tenu des contraintes économiques et sociales auxquelles nous sommes confrontés. Nous aurons l'occasion d'examiner des amendements visant à modifier cette rédaction ; j'espère qu'ils permettront de faire vivre le débat relatif à cette proposition de loi constitutionnelle, dans l'attente du scrutin qui les clôturera.

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Bien souvent, les journées de niche parlementaire sont l'occasion de susciter le débat, de nous interroger sur les normes, la Constitution et plus largement, le bloc de constitutionnalité. Il est dommage que certains s'en servent de tribune pour faire une capsule de communication, bien loin du texte que vous proposez, monsieur le rapporteur.

Lorsqu'il est question de modifier la Constitution dans le cadre d'une niche, le groupe Démocrate est interrogatif et précautionneux : toute modification doit être opérée avec humilité et pragmatisme,…

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…mais surtout d'une main tremblante. Ces réserves faites, venons-en à la principale question : cette proposition de loi est-elle opportune ? Plus exactement, le principe de la protection de la santé, dont la sécurité sociale est l'une des traductions, a-t-il une valeur constitutionnelle ? Nous considérons qu'il existe déjà une protection constitutionnelle ; en l'état, votre rédaction est même contre-productive, parce qu'elle est ambiguë et, à tout le moins, source de confusion.

Selon nous, votre proposition est essentiellement principielle. À cet égard, monsieur Dharréville, permettez-moi de reprendre votre rapport, qui précise à juste titre que « sans mentionner [la sécurité sociale], les dixième et onzième alinéas du préambule accompagnent au niveau constitutionnel l'édification de la sécurité sociale ».

Vous ajoutez qu'elle fait l'objet d'une reconnaissance dans la Constitution. Même si vous jugez cette reconnaissance « discrète, technique, quasi implicite », il n'en demeure pas moins que la sécurité sociale figure dans le préambule de 1946 et qu'elle apparaît explicitement dans l'article 34 de la Constitution de 1958 et implicitement dans les articles 39, 42 et 47-1. De même Conseil constitutionnel exerce sur le respect de cette exigence constitutionnelle un contrôle bien réel, bien que vous l'estimiez insuffisant.

Dès lors, s'il est à tout moment loisible au législateur d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, l'exercice de ce pouvoir ne saurait cependant méconnaître des exigences à valeur constitutionnelle. C'est d'ailleurs sur le fondement même de cette jurisprudence constante que de nombreuses réformes que nous avons défendues n'ont pas fait l'objet d'une quelconque censure par le juge constitutionnel. Je pense notamment à la dernière loi de financement de la sécurité sociale ou au principe d'équilibre financier dégagé par le Conseil constitutionnel, dont on peut déduire que l'équilibre financier d'une institution est le gage de son existence et de sa reconnaissance, et donc, de sa pérennité.

Une fois admis que votre proposition est superfétatoire, le niveau de garantie apporté par la Constitution étant suffisant, le groupe Démocrate observe que la rédaction que vous proposez est plus que contestable. La constitutionnalisation de la sécurité sociale impliquerait la couverture de tout risque par l'assurance maladie obligatoire, ce qui ne laisserait donc plus de place aux assurances maladie complémentaires, dont l'existence est pourtant prévue par les ordonnances de 1945. Par conséquent, votre texte irait à rebours de libertés économiques elles-mêmes garanties par la Constitution.

Par ailleurs, la notion nouvelle d'« institution fondamentale », aujourd'hui dépourvue de définition juridique, reviendrait à instaurer une hiérarchie entre les institutions de la République. Notons que ces mots apparaissent à l'article 16 de la Constitution, relatif à la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels du Président de la République. Vous comprendrez qu'une telle sémantique est de nature à provoquer la confusion.

De la même façon, les missions que vous assignez à la sécurité sociale sont particulièrement mal définies. À titre d'exemple, les termes « membre de la société » ou « besoins » présentent de nombreuses incertitudes juridiques.

Pour ces raisons et compte tenu de ses trop nombreuses fragilités, le groupe Démocrate ne pourra que s'opposer à cette proposition de loi constitutionnelle.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au fil des années, notre pays a construit un système de solidarité unique : la sécurité sociale. Habitante d'une circonscription proche de la Suisse, je peux vous dire que notre modèle fait des envieux. Avec un budget équivalent à une fois et demie celui de l'État, soit près d'un quart du PIB, la sécurité sociale fait partie intégrante du patrimoine des Français. Je tiens à rappeler l'attachement profond des députés du groupe Horizons et apparentés à cette institution et aux principes qui la sous-tendent.

La sécurité sociale d'aujourd'hui n'est toutefois pas celle d'hier, ni celle de demain. Le système, fondé sur une contribution selon ses moyens et une redistribution selon ses besoins, a considérablement évolué depuis 1945, pour tenir compte des évolutions démographiques et pour faire face à l'apparition de nouveaux risques. La pauvreté touche désormais davantage les jeunes ; les écarts de salaire entre les femmes et les hommes diminuent, mais persistent ; les trajectoires professionnelles évoluent ; le nombre de retraités augmente plus vite que celui des actifs. Bref, de nouveaux équilibres doivent être trouvés pour maintenir le financement du système de solidarité et assurer une redistribution juste.

La sécurité sociale et la solidarité entre les citoyens face aux risques et aux aléas de la vie sont si structurante dans la vie de notre pays et pour notre cohésion sociale que son principe est déjà inscrit dans la Constitution.

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Mais si ! Le préambule de 1946, qui fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité, garantit de manière explicite l'existence d'un système de protection sociale.

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Les alinéas 10 et 11 font directement référence à l'obligation faite à la nation d'assurer à l'individu et à la famille « les conditions nécessaires à leur développement », de garantir à tous – l'enfant, la mère, les vieux travailleurs – « la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs », d'offrir à toute personne dans l'incapacité de travailler « le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Autrement dit, toutes les obligations de solidarité – assurance chômage, retraites, allocations familiales ou réparation des accidents de travail et des maladies professionnelles – ont une valeur constitutionnelle. Serait donc censurée toute disposition législative qui aurait pour conséquence de réduire considérablement leur portée ou de les supprimer.

Ainsi, bien que cette proposition de loi vise un objectif louable, elle ne nous semble pas présenter une réelle plus-value – c'est-à-dire protéger davantage le système de sécurité sociale – au regard des dispositions constitutionnelles actuelles et de l'interprétation qui en est faite par le Conseil constitutionnel.

Plus encore, nous nous interrogeons sur certains de ses aspects. Tout d'abord, la disposition proposée érige la sécurité sociale en « institution fondamentale », ce qui paraît viser davantage son organisation que son contenu. Celui-ci, déjà garanti par la Constitution, est nettement plus important que sa forme, qui elle, doit évoluer en fonction des besoins de la population.

Ensuite, la notion selon laquelle « chacun y a droit selon ses besoins » introduit une incertitude quant à ce qu'implique le terme de besoins. Ainsi, cette notion pourrait-elle remettre en cause l'universalité des allocations familiales, partant du principe qu'une famille ayant suffisamment de moyens n'aurait pas besoin de percevoir des prestations familiales ?

Enfin, chacun sait qu'on ne touche à la Constitution qu'avec la main tremblante. Si nous entendons tout à fait l'intention politique conduisant à inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de cette niche parlementaire, vous comprendrez qu'il ne nous semble pas pertinent de modifier notre norme suprême dans ces conditions. En conséquence, le groupe Horizons et apparentés ne votera pas en faveur de ce texte.

« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.

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Je tiens à remercier sincèrement notre collègue Pierre Dharréville de nous permettre de débattre de la sécurité sociale autrement que par le seul prisme de son financement. L'examen de la loi de financement de la sécurité sociale auquel nous procédons chaque année tend en effet à nous le faire oublier : c'est en partant des principes et des besoins que nous devons réfléchir aux moyens que nous allouons.

En tant que socialiste, je partage ce combat pour la défense et la promotion de cette grande et belle institution républicaine qu'est la sécurité sociale, au même titre que notre assemblée ou que les collectivités locales – qui elles, figurent dans la Constitution.

La sécurité sociale concerne toutes et tous. Au sortir de la seconde guerre mondiale, peu après l'ordonnance du 4 octobre 1945 qui l'a créée, Ambroise Croizat déclarait : «Le plan de sécurité sociale est une réforme d'une trop grande ampleur et d'une trop grande importance pour la population de notre pays pour que quiconque puisse en réclamer la paternité exclusive. » Elle est dans notre ADN commun. Quatre-vingts années plus tard, nous sommes toutes et tous les héritiers de cette grande conquête des ouvriers, des travailleurs et des salariés, les héritiers de ce monument politique et historique qu'est la sécurité sociale.

Mesurons ce que les forces républicaines de ce pays ont réussi à construire et à entretenir : 470 milliards d'euros de prestations sont versés chaque année par les seuls régimes de base de la sécurité sociale, répartis dans cinq branches, soit plus que le budget de l'État et l'équivalent de 25 % du PIB. À tous les niveaux, cet héritage est tout bonnement d'une richesse incommensurable pour tous nos concitoyens, lesquels bénéficient chaque jour des prestations assurées par notre effort commun. Je le dis avec solennité : elle est une singularité française et non une anomalie qu'il faudrait invisibiliser.

Pour beaucoup de nos concitoyens, c'est dans la sécurité sociale que se matérialise quotidiennement la devise nationale, Liberté, Égalité, Fraternité, ce qui explique sa mention dans le préambule de la Constitution de 1946. On comprend pourquoi tant de nos concitoyens y sont attachés : quelle autre institution peut se targuer, sondage après sondage, de bénéficier d'un taux de popularité de 85 % ?

C'est surtout l'efficacité de la sécurité sociale qui doit être reconnue. Une étude menée en 2020 par l'Observatoire des inégalités a démontré qu'elle permet de faire baisser significativement le taux de pauvreté : en 2017, celui-ci atteignait 14 % – un niveau déjà trop élevé –, mais il aurait dépassé 22 % sans ce système protecteur. Derrière ces chiffres se trouvent sont autant de personnes âgées ou handicapées, de malades, de chômeurs, de femmes célibataires, d'étudiants. Plus généralement, ce sont toutes celles et tous ceux qui ont besoin de la magnifique idée qu'est la mutualisation des risques au service de la cohésion sociale.

Pour ces raisons, la sécurité sociale est une institution fondamentale de notre république, ce que rappelle avec justesse l'exposé des motifs de cette proposition de loi constitutionnelle. Sa mention dans notre Constitution conférera à son opposabilité un caractère plus effectif, sachant que jusqu'à présent, le juge constitutionnel a fait preuve d'une certaine frilosité à élever les droits sociaux au même niveau que les libertés publiques.

Mme Raquel Garrido applaudit.

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L'inscription dans la Constitution du système de sécurité sociale doit justement améliorer sa reconnaissance. Elle doit également offrir un point d'appui à sa défense et à sa promotion, contre celles et ceux qui le remettent en question ou qui contestent son universalité.

Même si leurs combats sont les mêmes, les adversaires de la sécurité sociale ne se ressemblent pas. À l'évidence, l'extrême droite en fait partie : elle n'était pas représentée dans le Conseil national de la Résistance et il est normal qu'elle n'aime ni la sécurité sociale ni la proposition que défend Pierre Dharréville aujourd'hui. Parmi eux se trouvent également, n'ayons pas peur de le dire, les comptables de Bercy qui, depuis des années, rêvent de rapatrier dans le giron de l'État les dépenses de sécurité sociale. Enfin, les acteurs privés considèrent comme une anomalie terrible que des milliards d'euros échappent aux règles du marché.

En votant la constitutionnalisation, nous renouerons avec l'idéal de démocratie sociale que défendait Jean Jaurès : non seulement nous défendrons la sécurité sociale, mais nous la généraliserons et couvrirons de nouveaux risques.

Vous l'aurez compris, les députés Socialistes et apparentés voteront pour ce texte proposé par le groupe GDR. Et puisqu'en cet instant, un socialiste s'adresse à un communiste, je citerai l'un de nos illustres prédécesseurs, qui avait lui-même réussi la jonction entre ces deux sensibilités politiques. Léon Blum déclarait ainsi que « Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté, doit commencer par leur garantir l'existence. » En inscrivant la sécurité sociale dans notre Constitution, nous ferons honneur à son exigence.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.

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Si l'intention des auteurs de cette proposition de loi est évidemment louable – protéger notre système de sécurité sociale et garantir constitutionnellement l'accès de tous à celui-ci –, on peut et on doit s'interroger sur la solidité et la pérennité de ce système.

Bien que le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, intégré à notre bloc de constitutionnalité, reconnaisse le droit de tous à la protection de la santé, à la sécurité matérielle, au repos et aux loisirs, la sécurité sociale n'est pas directement protégée par notre loi fondamentale. C'est en effet le Conseil constitutionnel qui a déduit de ces dispositions l'exigence constitutionnelle de mettre en œuvre une politique de solidarité nationale ; il a laissé au législateur le soin d'en déterminer les modalités concrètes et c'est bien effet à ce dernier qu'il revient de concevoir des politiques publiques garantissant la protection de la santé.

Notre système de sécurité sociale est une véritable institution, un socle auquel nos compatriotes sont profondément attachés. Il convient donc de le protéger contre les menaces de démantèlement. Toutefois, votre proposition ne va pas sans poser des questions de taille, notamment celle de la stabilité et de la viabilité financière du système. Il faut rappeler que la sécurité sociale sert chaque année 470 milliards d'euros de prestations, soit l'équivalent de 25 % de la richesse nationale : on ne peut donc pas traiter la question de son avenir à la légère.

Si l'OMS a jugé en 2000 que notre système de santé était le meilleur au monde, il a depuis été largement déclassé. Le service public de santé français, avec ses deux piliers – l'hôpital public et les professionnels de santé du premier recours –, s'effondre malheureusement petit à petit.

C'est tout notre système de santé qui est désormais en crise. Les déserts médicaux, l'essoufflement du système sanitaire et la crise des vocations médicales en attestent, sans parler de la grève déclarée aujourd'hui par les pharmaciens. Ceux-ci s'inquiètent d'une dérégulation du marché des médicaments, de la pénurie persistante de certains d'entre eux et de leur vente en ligne par des plateformes commerciales dotées de stocks déportés. À cette liste, je pourrais ajouter un système de soins palliatifs largement insuffisant – c'est d'actualité, compte tenu du texte que nous étudions cette semaine –, ou encore la dernière proposition faite par la Cour des comptes de cesser d'indemniser les arrêts de travail de moins de huit jours, afin de permettre à l'assurance maladie de dégager 470 millions d'euros d'économies. Les délais moyens de prise de rendez-vous avec un praticien s'allongent et le nombre de patients dépourvus de médecin traitant grandit, tout comme le nombre de médecins n'acceptant plus de nouveaux patients, signes que la capacité médicale est saturée en France. Parmi les patients sans médecin traitant, la part des plus précaires s'accroît, et de manière accélérée.

Il me semble donc plus important et surtout plus urgent de réparer le système de santé français que d'inscrire un nouveau droit élargi dans la Constitution, au risque de fragiliser encore plus l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Par ailleurs, si la protection sociale est universelle en France, notre système est ainsi construit qu'il faut remplir des conditions précises pour pouvoir en bénéficier, comme une résidence stable et régulière sur le territoire national ou l'exercice d'une activité professionnelle. Par réalisme financier, il me paraît important de s'en tenir au principe d'un financement par les cotisations des travailleurs et des entreprises plutôt que d'instituer un système sans aucune limite. Aujourd'hui, il me semble surtout urgent de repenser l'organisation du financement des dépenses de santé, et peut-être même de la décentraliser, de façon à tenir compte des besoins réels des populations locales.

Pour toutes ces raisons, je ne pourrai pas voter cette proposition de loi constitutionnelle en l'état.

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Vous imaginez bien que cette proposition de loi n'a pas été rédigée sur un coin de table : au contraire, elle a été élaborée avec le concours de juristes. Cela dit, rien ne nous empêche de discuter ses termes ; c'est même pour cette raison que nous sommes là. Ce débat nous intéresse d'autant plus que nous n'avons pas l'ambition de modifier seuls notre Constitution. C'est tout l'intérêt de la délibération parlementaire que de pouvoir affirmer des objections et de débattre de chaque terme d'un texte. Je remercie donc celles et ceux qui ont déposé des amendements à notre proposition de loi.

Aux autres, à qui celle-ci ne convient pas, je souhaite demander ce qu'ils ont à dire sur la sécurité sociale. Un débat à ce sujet me paraît nécessaire, d'autant plus que nous peinons à l'ouvrir dans le cours ordinaire de nos travaux. Après une bataille des retraites qui a laissé des traces, efforçons-nous d'échanger nos visions de la sécurité sociale et les ambitions que nous formulons à son endroit.

Pour certains, la définition de la sécurité sociale que nous proposons est trop large, mais je pense qu'une définition plus précise m'aurait valu le reproche inverse. Des deux possibilités qui s'offraient à nous, rédiger un article assez long, détaillant un certain nombre d'éléments ou rédiger un article aussi concis que possible pour ne s'en tenir qu'aux principes, nous avons retenu la deuxième. Celle-ci nous semblait la meilleure et bien qu'il soit possible de préciser encore notre définition, j'appelle votre attention sur le fait que le choix que nous avons fait laisse aux députés la latitude d'écrire la loi.

Nos divergences portent également sur le fond, ce que je déduis des différentes prises de parole dans la discussion générale. Certains veulent discuter les termes de la proposition de loi, notamment la formule « à chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins », qui n'apparaît ni dans la Constitution ni dans le bloc de constitutionnalité. S'il fallait la remettre en cause, nous devrions à tout le moins en discuter.

J'ai évoqué le bloc de constitutionnalité, qui n'évoque pas la sécurité sociale en tant que telle, mais des principes qui s'y rapportent. Nous considérons que des précisions s'imposent et que les interprétations successives du droit nous invitent à consolider la base juridique de la sécurité sociale.

Je comprends enfin votre embarras à voter contre la constitutionnalisation de la sécurité sociale. Je verrais d'ailleurs un problème à ce que vous n'en exprimiez pas et pourrais alors supposer l'existence de projets avec lesquels notre proposition de loi est incompatible. Si tel est le cas, discutons-en : c'est à mes yeux une exigence démocratique, à laquelle il est maintenant opportun de répondre.

Nous estimons que la protection sociale est insuffisante et nous souhaitons rendre aux droits sociaux, bien souvent sous-interprétés par le juge constitutionnel, leur juste place.

Monsieur le ministre, je vous invite à donner sa chance à notre proposition. Bien sûr, nous ne prétendons pas la présenter dans sa rédaction définitive : c'est à l'issue du parcours parlementaire que celle-ci sera trouvée et qu'une définition partagée de la sécurité sociale pourra être donnée. Nous ne devrions pas renoncer à un tel objectif, de sorte que je vous appelle à poursuivre et à faire prospérer cette discussion.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

La question de la constitutionnalisation de la sécurité sociale, loin de susciter l'embarras, nous rassemble plus qu'elle nous divise. Certes, nos appréciations juridiques de l'inscription de la sécurité sociale dans le bloc constitutionnel divergent. Nous devons en débattre, mais sans embarras aucun : je n'en ressens pas et les orateurs de la majorité ne m'ont pas paru en trahir.

Mon constat, partagé par plusieurs orateurs, c'est qu'aucune menace ne pèse sur la sécurité sociale, sur son évocation dans le bloc de constitutionnalité, sur sa solidité ou sur la priorité qui lui est donnée. Dans la discussion générale, certains ont évoqué les difficultés de notre système de santé et les tensions qui le traversent, mais celles-ci ne sont pas nouvelles.

Depuis 1945, l'histoire de la sécurité sociale est en effet ponctuée de périodes de difficultés et de tensions. Les Gouvernement qui ont eu à y faire face ont d'ailleurs cherché, avec les outils de leur époque, à répondre aux problèmes de l'accès aux soins, de l'enseignement de la médecine ou encore du renforcement de notre système hospitalier. Les tensions que nous connaissons ne sont pas inédites.

J'écoutais Jérôme Guedj qui en appelait aux mânes de Jean Jaurès et de Léon Blum pour nous exhorter à étendre les droits à la sécurité sociale, mais n'a-t-il pas oublié d'achever sa phrase par des remerciements à la majorité et à Emmanuel Macron pour avoir créé cette cinquième branche ?

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Ce n'est pas tout de créer une branche, il faut la financer !

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

C'est cette majorité qui a créé la cinquième branche et qui a ouvert de nouveaux droits pour la première fois depuis 1945. Rappelons les chiffres, sans esprit polémique : le budget des branches de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse est passé de 490 milliards en 2017 à 610 milliards en 2023, soit une augmentation de 25 %. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été fixé à 190 milliards en 2017 contre 260 milliards en 2024. Depuis 2017, cette majorité et les gouvernements successifs ont alloué les moyens nécessaires au système de solidarité pour répondre aux besoins des Français.

J'ajouterai que certains orateurs ont oublié de rappeler que le système de solidarité nous avait protégés pendant la crise du covid. Bref, il est clair que le système de sécurité sociale n'est pas menacé.

Mme Diaz, sans doute aveuglée par son obsession pour les immigrés, oublie, dans sa grande confusion, que le financement de la sécurité sociale repose sur les cotisations de tous les Français et de tous les étrangers qui travaillent. À partir du moment où une personne cotise, elle a le droit à la sécurité sociale.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

C'est l'un des principes fondateurs de la sécurité sociale. Mettons fin à cette grande confusion, ne faisons pas d'amalgames fâcheux. Laissons le système de solidarité fonctionner comme il se doit.

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J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Sur l'amendement n° 5 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

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La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour soutenir l'amendement n° 31 .

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Sans vouloir faire de mauvais jeu de mot, je voudrais dire, en préambule de la défense de l'amendement et du débat juridique qui s'ensuivra autour de la Constitution, qu'il n'y a pas d'un côté, ceux qui aiment la sécurité sociale et, de l'autre, ceux qui ne l'aiment pas.

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Non ! Au nom du groupe Renaissance, je réaffirme notre attachement tout particulier à la sécurité sociale, qui est le plus beau bijou créé par notre pays. C'est un bien très précieux que nous souhaitons toutes et tous défendre.

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Certains donnent des preuves d'amour quand d'autres ne font que des déclarations !

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Je souhaite également rendre hommage aux 150 000 salariés de la sécurité sociale grâce auxquels, quotidiennement, nous pouvons exercer nos droits.

Je vous rassure, monsieur le rapporteur, bien que nous ayons déposé plusieurs amendements, nous ne souhaitons pas faire de l'obstruction. Nous nous attarderons simplement sur ceux qui visent à modifier l'article 1er de la Constitution.

En l'espèce, il s'agit d'ajouter les mots « de sexe » après « distinction » à l'article 1er de la Constitution, afin que soient interdites les discriminations entre les femmes et les hommes, comme le sont celles faites en fonction de l'origine, de la race ou de la religion. À la suite de l'excellente révision constitutionnelle de 2008, qui a ajouté que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales », nous souhaitons inscrire dans la Constitution qu'aucune distinction entre les citoyens ne puisse être fondée sur le sexe.

M. Daniel Labaronne applaudit.

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Vous souhaitez maintenir les amendements visant à modifier l'article 1er de la Constitution ; peut-être retirerez-vous les autres. Ce premier amendement est sans lien avec le texte mais l'article 45 de la Constitution ne s'applique pas aux propositions de loi constitutionnelle.

Notre intention n'était pas d'ouvrir un débat sur l'ensemble des articles de la Constitution mais votre proposition m'embarrasse car je partage votre intention d'interdire les discriminations fondées sur le sexe ou le genre. La Constitution ne le prévoit pas. Pour autant, la rédaction de votre amendement est-elle, juridiquement du moins, la plus adaptée ? Ne convient-il pas, en la matière, de faire la part des choses entre ce qui relève de la distinction et ce qui relève de la discrimination ? L'adoption de votre amendement pourrait avoir des conséquences sur les mesures spécifiques prises en faveur des femmes. Même si votre intention est légitime et louable, je vous invite à retirer l'amendement.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Je souhaite rassurer Pierre Cazeneuve. L'amendement vise à modifier le premier alinéa de l'article 1er de la Constitution afin de préciser que l'égalité de tous les citoyens devant la loi est assurée sans distinction de sexe. Or notre droit garantit cette égalité.

Le mot « sexe » ne figure pas dans la Constitution mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au principe d'égalité interdit au législateur de faire des distinctions injustifiées fondées sur le sexe. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

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Je me fie à la sagesse du rapporteur, du ministre et surtout de M. Jumel, avec qui j'entretiens un certain nombre de relations nucléaires .

Sourires

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Dans le cadre d'une révision constitutionnelle plus large, je défendrai de nouveau cette proposition qui est juste et nécessaire. En attendant, pour le bon déroulement de nos débats, je retire mon amendement.

L'amendement n° 31 est retiré.

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La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, pour soutenir l'amendement n° 5 .

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante.

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La séance est reprise.

La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente.

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Il s'agit de supprimer le mot « race » de l'article 1er de la Constitution. J'ai bien conscience que l'amendement ne présente pas de lien avec le texte mais j'attends l'avis du rapporteur avant de décider de son maintien ou de son retrait.

Ce terme a été introduit en 1946 pour une raison bien particulière, celle de lutter contre les théories racistes. Il est à présent mal compris par nos concitoyennes et nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle, après un débat assez long dans l'hémicycle au cours de l'examen du projet de révision de la Constitution en 2018, nous avions adopté un amendement pour le supprimer. D'autres, allant dans le même sens, ont été par la suite débattus et adoptés en commission des lois.

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Vous imaginez, là encore, quel peut être mon avis sur votre amendement et à quel point je peux y être sensible. J'ai apporté ici le texte de la proposition de loi constitutionnelle, défendue en 2003 par l'un de mes prédécesseurs, Michel Vaxès, tendant à la suppression du mot « race » de notre législation.

L'orateur brandit un document.

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Votre proposition mérite que le Parlement s'y intéresse et aille au bout de cette démarche qu'il a engagée. Néanmoins, elle n'a pas de lien avec le texte que je vous soumets et, même si j'ai pu vous dire en commission, par plaisanterie, que j'y rendrais un avis favorable si vous m'assuriez de voter l'article unique, vous vous rendez bien compte que ce n'est pas ainsi que nous ferons avancer la proposition de loi constitutionnelle.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

En complément, je tenterai d'ajouter ma force de conviction aux propos du rapporteur, bien qu'il soit, en général, beaucoup plus convaincant que moi : le sujet que vous abordez par cet amendement – lequel est fondé juridiquement et politiquement – est légitime mais, du point de vue du Gouvernement, l'inscription de la sécurité sociale est suffisamment importante pour que nous n'engagions pas la discussion sur ce point. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

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La discussion sur le présent amendement arrive plus tôt qu'en commission. En commission, je l'avais maintenu parce qu'il intervenait après une heure de débat sur le modèle de préférence nationale défendu par le Rassemblement national, et il avait été adopté.

Monsieur le rapporteur, je ne peux m'engager à ce que nous votions en faveur du texte au cas où cet amendement serait adopté…

Sourires.

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Au-delà de la boutade, nous respectons le cadre de la proposition de loi constitutionnelle, ce qui ne nous empêchera pas de réaffirmer certaines positions importantes. Je retire donc l'amendement, dont je sais l'objet partagé sur nos bancs comme sur les vôtres, sans que vous ayez besoin d'en faire la démonstration.

L'amendement n° 5 est retiré.

L'amendement n° 6 est retiré.

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Nous en venons aux inscrits sur l'article.

La parole est à M. Mathieu Lefèvre.

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Je m'interroge, à la lecture du texte, quant aux effets d'une telle constitutionnalisation et je refuse l'alternative binaire présentée par M. le rapporteur, selon laquelle soit nous acceptons la constitutionnalisation de la sécurité sociale, soit nous avons un plan caché pour détricoter les acquis sociaux.

L'absence de constitutionnalisation n'a pas empêché les soignants de tenir durant la crise sanitaire. L'hôpital public a été financé à hauteur de plus de 100 milliards d'euros par an. Notre système social est résistant. Qu'attendez-vous concrètement de cette constitutionnalisation ? Pour perdurer, la sécurité sociale aurait surtout besoin de réformes. Nous en connaissons tous le contenu ; vous les avez refusées.

Finalement, nous devrions plutôt débattre de la manière dont nous pourrions financer la cinquième branche de la sécurité sociale,…

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…garantir le niveau des pensions, baisser les impôts et améliorer la qualité des services, inciter les Français à travailler et à retrouver une activité.

Les amendements que je défendrai visent à inscrire dans la Constitution une loi-cadre d'équilibre des finances publiques. Elle seule aurait des effets concrets sur les comptes publics, ce qui la rend donc indispensable à toute tentative tendant à pérenniser notre modèle social.

M. Arnaud Le Gall s'exclame.

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L'argent gratuit n'existe pas. Il convient de maîtriser les dépenses, donc les recettes.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.

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Vous siphonnez les comptes ! Vous avez détourné l'argent de la sécu !

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L'extrême gauche, main dans la main avec la Macronie, montre une nouvelle fois son vrai visage : celui de la préférence étrangère, au détriment de la préférence nationale.

Exclamations vives et prolongées sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

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Loin de résorber la dette colossale de la Cades et de préserver notre modèle social, les communistes veulent sacrifier ce dernier sur l'autel de l'utopie immigrationniste. Le présent texte est juridiquement fragile et politiquement dangereux, en plus d'être financièrement irresponsable.

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Vous n'avez jamais aimé la sécurité sociale !

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La sécurité sociale ne parvient pas à rétablir ses comptes et accuse un déficit de plus de 8 milliards d'euros en 2023. La fraude est évaluée à plus de 20 milliards d'euros par an.

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Les soins sont de moins en moins pris en charge. Un tiers des Français vivent dans un désert médical. Pourtant, la gauche veut ajouter de l'huile sur le feu et déverser des aides sur le monde entier.

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Cette vision totalement niaise de la politique sociale va à rebours de la volonté des Français : 70 % d'entre eux sont favorables à la priorité nationale en matière de logement, d'emploi, d'allocations sociales et familiales. Si elle était votée, la présente proposition de loi condamnerait les Français à une plus grande précarité,…

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Il faut soigner tout le monde ! La sécurité sociale n'a pas de frontières.

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Votez pour l'augmentation du Smic, on en reparlera !

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…alors qu'ils sont déjà exposés à d'innombrables difficultés d'accès aux soins, notamment en milieu rural. Pour résumer, la Macronie et la NUPES veulent enterrer la sécurité sociale. Le Rassemblement national veut la sauver,…

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…aussi voterons-nous contre l'article unique.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.

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Parce que la sécurité sociale fait partie de l'identité constitutionnelle de la République, de l'identité de ce pays, le groupe Insoumis votera en faveur de l'article unique de ce texte présenté par M. Dharréville, que nous remercions pour son travail.

Soixante-cinq millions d'assurés, c'est le nombre de personnes concernées par la présente proposition de loi constitutionnelle. Depuis le début de la session ordinaire, j'ignore si des lois ont déjà concerné autant de personnes, autant de travailleurs qui cotisent et qui sentent bien qu'ils sont privés du fruit de leurs cotisations : quand ils vont à l'hôpital, où l'accès aux soins est dégradé, parce que les soignants n'y sont pas assez payés et valorisés ; quand le Gouvernement tente de baisser leurs allocations chômage ; quand ils doivent attendre des semaines, des mois, pour obtenir une réponse de leur caisse d'allocations familiales (Caf).

Il faut constitutionnaliser la sécurité sociale, car elle est attaquée : par les forces de l'argent, bien sûr, qui préféreraient qu'elle soit un marché lucratif mais aussi par le Conseil constitutionnel, qui se montre trop frileux pour la défendre et pour défendre les droits sociaux en général, comme si les droits civiques étaient plus importants que ces derniers ! Nous ne sommes pas réunis comme des législateurs ordinaires, mais en tant que législateurs constituants ! Nous devons combler cette béance de la Constitution, comme nous l'avons fait pour l'interruption volontaire de grossesse (IVG) : constitutionnalisons d'urgence la sécurité sociale ! C'est une priorité !

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

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En tant que député d'une circonscription – la septième circonscription des Français établis hors de France – à cheval sur plusieurs pays où il arrive qu'on touche à la Constitution, j'estime que le texte constitutionnel ne doit pas être utilisé pour mener au score deux à zéro quand on mène déjà un à zéro. Les révisions constitutionnelles devraient porter sur des sujets susceptibles de rassembler et non de diviser. Toucher au socle, à la loi fondamentale, chercher à constitutionnaliser tel ou tel droit pour le protéger avant qu'une autre majorité ne vienne un jour, peut-être, le modifier, ne me paraît pas être une bonne méthode.

Je remercie Elsa Faucillon d'avoir rappelé que la cotisation n'est pas l'impôt – n'est-ce pas, monsieur Boyard – et qu'il y a une différence entre financement paritaire et étatique. La sécurité sociale n'est pas financée par l'argent de l'État. C'est la raison pour laquelle, soit dit en passant, nous aurions du mal à concevoir une loi de programmation portant sur une enveloppe d'environ 600 milliards d'euros, dont nous ne gérons qu'une petite partie…

Depuis quarante ans, je pose la même question aux membres du Rassemblement national qui veulent attribuer les prestations sociales selon un principe de préférence nationale : que faites-vous des cotisations sociales des 5 millions d'étrangers qui travaillent en France ?

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Qu'en faites-vous ? En quarante ans, je n'ai jamais obtenu de réponse ! Les payez-vous en brut, puis leur dites-vous d'aller se faire voir avec leurs cotisations, qu'ils n'en profiteront pas ? Ou les payez-vous en net, ce qui réjouira le Medef ?

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Je n'ai jamais eu de réponse… Que faites-vous de l'argent cotisé par les 5 millions d'étrangers qui travaillent en France ?

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

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Nous en venons aux amendements.

La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l'amendement n° 35 .

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Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article unique. Je vais vous expliquer pourquoi…

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Parce que vous n'aimez pas la sécurité sociale !

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Il cherche à faire de la sécurité sociale un droit universel et inconditionnel, autrement dit un droit opposable à l'État. L'intention est louable, mais garantir la sécurité sociale à tous, sans condition de cotisations ou autre, accélérerait la déstabilisation et précipiterait la ruine de ce système auquel le Rassemblement national est profondément attaché, contrairement à ce qui a été dit.

Alors que tous les grands services publics, celui de la santé, de l'enseignement, de la police, connaissent de grandes difficultés…

Sourires sur quelques bancs.

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Il n'y a pas de quoi plaisanter. Alors que le manque de moyens financiers et humains est de plus en plus criant, vous prétendez offrir la sécurité sociale à tous ceux qui sont sur le territoire ou qui arrivent en France.

Ce matin, lors d'une audition menée dans le cadre de la commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance, des juges des enfants et des avocats soulignaient encore combien la justice et les services de protection de l'enfance manquent de moyens financiers. Ainsi, 77 % des juges des enfants ont déjà –…

Brouhaha.

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Écoutez ce chiffre, c'est important : 77 % des juges des enfants ont déjà renoncé à prononcer des décisions de placement d'enfants en danger parce que les structures font défaut…

Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Mme Béatrice Roullaud s'exclame.

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Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Défavorable, car il nous priverait d'une discussion intéressante. J'ai beau être opposé au texte, le débat mérite d'exister. Par ailleurs, madame Roullaud, je ne comprends pas votre amendement : la constitutionnalisation de la sécurité sociale ne la rendrait pas inconditionnelle, cela n'a aucun sens. Le législateur conserve ses prérogatives : il pourra toujours définir les règles et le fonctionnement de la sécurité sociale.

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J'ai adoré l'expression « imposture sociale », monsieur le rapporteur. Depuis le début de la discussion, le groupe RN pointe sans cesse du doigt l'immigration, mais quel est son projet pour la sécurité sociale ? On parle de soigner des travailleurs, d'aider des familles.

L'orateur se tourne vers les bancs du groupe RN.

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Dans votre programme économique, on trouve des exonérations de cotisations à gogo ! Vous dites qu'il faut savoir gérer un déficit mais vous envisagez de faire encore des cadeaux aux grandes entreprises alors qu'elles profitent particulièrement de ces exonérations. Si vous vouliez vraiment remplir les caisses de l'État, vous plaideriez pour des augmentations de salaire !

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En effet, en augmentant les salaires, vous augmenterez mécaniquement les cotisations sociales perçues ; mais on ne vous entend pas à ce sujet, trop occupés que vous êtes à agiter le chiffon rouge de l'immigration.

Enfin, collègues macronistes, si nous sommes favorables à la constitutionnalisation de la sécurité sociale, c'est parce que nous vous soupçonnons de vouloir, à terme, la privatiser totalement.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

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Il faut faire un tour à l'asile, monsieur Boyard !

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Certaines mesures vous trahissent : lorsque vous obligez au paiement d'un forfait à chaque hospitalisation, vous faites entrer l'argent dans un domaine qui devrait rester en dehors du secteur marchand ; de même quand vous déremboursez les médicaments.

Nous faisons face à deux adversaires : le non-projet du Rassemblement national – ou plutôt le projet macroniste du Rassemblement national, qu'il légitime par la menace de l'immigration –, et le projet des macronistes de privatiser la sécurité sociale. C'est pourquoi nous refusons de supprimer l'article unique et demandons la constitutionnalisation de la sécurité sociale, en remerciant M. le rapporteur de défendre ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.

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Nous voterons contre l'amendement de suppression parce que, même si nous sommes opposés au texte, nous devons en débattre pour identifier d'éventuels travaux à mener. Par ailleurs, je veux rappeler à Mme Roullaud que déposer un amendement de suppression n'est pas une démarche anodine…

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…en ce qu'elle revient à signifier que le débat ne doit pas avoir lieu – y compris sur votre projet, contenu dans l'exposé sommaire de l'amendement, de remplacer la sécurité sociale par un système de préférence nationale.

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Nous ne voterons pas l'amendement de suppression afin que nous puissions débattre. Sortons des parties de ping-pong entre les Insoumis, le RN et la Macronie.

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C'est vrai qu'il faut y inclure les Républicains !

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Nous sommes là pour débattre des textes déposés dans le cadre de la niche parlementaire du groupe GDR, et faire état de nos accords et désaccords. La sécurité sociale est un sujet important. Respectons les niches et arrêtons ces parties de ping-pong qui lassent nos concitoyens !

M. Pierre-Henri Dumont applaudit.

L'amendement n° 35 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour soutenir l'amendement n° 32 .

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Nous entrons dans le vif du sujet : le débat sémantique. Mon propos pourra sembler contradictoire et je vous prie par avance de m'en excuser.

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Comme M. Gouffier Valente et le ministre, notamment, l'ont souligné, la sécurité sociale appartient déjà au bloc de constitutionnalité puisque ses grands principes sont consacrés dans le Préambule de la Constitution de 1946. Par extension, la sécurité sociale possède déjà une valeur constitutionnelle. Néanmoins, l'ajout à l'article 1er de la Constitution que prévoit le texte fait en particulier référence au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs […] le repos et les loisirs. » Que se passerait-il, monsieur le rapporteur, si pour une raison ou une autre, nous en venions à modifier la durée du travail ou le mode de financement de la sécurité sociale ? Est-ce que le droit aux loisirs consacré par le Préambule de la Constitution de 1946 auquel votre texte fait référence deviendrait opposable, parce que désormais inscrit à l'article 1er de notre Constitution ? Pour éviter de donner lieu à des contentieux infernaux, nous proposons de supprimer la seconde phrase de l'alinéa 2 de l'article unique.

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D'un côté, vous refusez d'inscrire la sécurité sociale dans la Constitution au motif qu'elle serait déjà présente au sein du bloc de constitutionnalité ; de l'autre, vous refusez d'inscrire dans la Constitution ce qui est déjà contenu dans le bloc de constitutionnalité, au motif que cela entraînerait des conséquences juridiques que vous jugez néfastes. J'ai du mal à vous suivre.

Les conséquences juridiques que le texte pourrait avoir en matière de loisirs, qui fondent votre objection, ne me paraissent pas poser problème : le législateur pourra décider des modifications qu'il souhaite apporter et le juge constitutionnel évaluera, avec le sens des proportions qui est le sien, leur conformité à la Constitution. Le ministre a indiqué tout à l'heure que la sécurité sociale était parfois inscrite de manière implicite dans la Constitution ; nous souhaitons qu'elle le soit de façon explicite. D'autre part, nous faisons le lien entre les principes consacrés par le Préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, mais qui ne figurent pas dans le texte constitutionnel lui-même, et la Constitution en vigueur. La référence que vous entendez supprimer vise simplement à rappeler la source de l'inspiration générale qui guide le fonctionnement de la sécurité sociale.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Je rejoins le constat de Pierre Cazeneuve s'agissant de la rédaction de la proposition de loi, mais comme le Gouvernement souhaite que l'article 1er soit entièrement rejeté, je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.

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Je vous l'accorde, monsieur le rapporteur, mon amendement est contradictoire. Cependant, je m'interroge sur la nouvelle appréciation que pourrait faire le juge constitutionnel de la référence que vous souhaitez inscrire à l'article 1er de la Constitution : consacrera-t-il un droit aux loisirs ? Ce serait source de contentieux et je préfère maintenir l'amendement.

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L'intervention de M. Cazeneuve est éloquente. Pour notre part, nous sommes pour le droit aux loisirs et au repos, et le fait qu'il soit mentionné dans le Préambule de la Constitution de 1946 n'est pas suffisant ; il faut le rendre effectif. Il en va de même du droit au logement, qui n'est malheureusement pas opposable en pratique, malgré la loi Dalo de 2007.

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Le législateur constituant doit s'efforcer de rendre ces droits les plus concrets possibles en en faisant des droits-créances opposables aux pouvoirs publics. Entendre la majorité confier son embarras face au droit aux loisirs et au repos est significatif. Je rappelle que la journée de huit heures – huit heures de travail, huit heures de repos et huit heures de loisir – a été instituée en 1919, il y a cent cinq ans, après des décennies de lutte. Il s'agit désormais d'approfondir cet acquis, en garantissant le droit aux loisirs et au repos – le fait que cette proposition de loi constitutionnelle y fasse référence permettra aux pouvoirs publics de concrétiser ce droit.

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Bien que le Préambule de la Constitution de 1946 figure dans le bloc de constitutionnalité, il fait partie d'une ère constitutionnelle révolue. C'est la raison pour laquelle il est impossible d'amender ce Préambule, de la même façon que, même dans nos fonctions de législateur constituant, nous ne pourrions modifier la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

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Heureusement, bien sûr. Cependant, nous voulons pouvoir réfléchir et développer notre propre conception de la déclaration des droits. C'est un travail qui est toujours en cours. C'est pourquoi il ne suffit pas de constater l'énoncé, aux alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946, des principes que nous cherchons à graver dans la Constitution de la Ve République. Ainsi, lorsque nous avons examiné le projet de loi constitutionnelle relatif à l'interruption volontaire de grossesse, j'avais déposé des amendements pour intégrer l'IVG dans le Préambule de la Constitution de 1946, qui ont été jugés irrecevables, parce qu'il s'agit d'un texte issu d'un moment juridique désormais clos. Il convient donc de ne pas assimiler le Préambule de la Constitution de 1946, qui ne peut plus être modifié, à la Constitution de la Ve République, dont nous sommes toujours les constituants, comme l'inscription de l'IVG en son sein l'a montré, ou comme en témoignent les propositions de loi constitutionnelle que nous déposons lors de nos niches parlementaires. La dernière en date, défendue par Jérémie Iordanoff, visait à supprimer l'article 49, alinéa 3 de la Constitution – s'il y a une réforme constitutionnelle urgente, c'est bien celle-là !

Plusieurs amendements déposés sur le présent texte tendent également à modifier la Constitution. Il s'agit d'un travail au long cours et important, qui ne doit pas être éconduit au prétexte qu'il ferait référence à des concepts que nous héritons de la grande période de l'après-guerre et du programme du Conseil national de la Résistance (CNR).

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J'apprécie le débat, mais restons précis. Le problème soulevé par M. Cazeneuve à propos du droit au repos tient au fait que ce dernier ne relève pas de la sécurité sociale, mais du droit du travail. De la même manière, les loisirs ne se bornent pas au temps libre mais impliquent l'éducation nationale, les bibliothèques, France Télévisions, etc.

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Le Préambule de la Constitution de 1946 confère une valeur constitutionnelle au droit aux loisirs et au repos, dont la mise en œuvre ne relève pas de la seule sécurité sociale mais de politiques publiques diverses.

L'amendement n° 32 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Louis Boyard, pour soutenir l'amendement n° 17 .

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Il vise à inclure à l'alinéa 2 la notion d'universalité. Je m'attendais à ce que le Rassemblement national hurle en entendant ce mot mais dès lors qu'on entre dans l'examen détaillé du texte, le Rassemblement national se tait.

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Notre pays, nos déclarations des droits et notre Constitution sont fondés sur le principe d'égalité de tous les êtres humains, et sur celui selon lequel tout être humain ne peut être privé de ce qui est nécessaire à sa survie et à la poursuite d'une existence autonome. Ainsi, une personne, quelle que soit sa nationalité, sa religion ou son genre, a le droit d'être soignée, éduquée, nourrie et logée. On ne peut pas lui reprocher – ce serait cruel – de se retrouver dans des conditions matérielles qui menacent sa survie. Quand on traite de la sécurité sociale, et donc des nombreux moyens nécessaires à la vie, il faut évoquer l'universalité. Parler d'universalité, c'est être républicain. J'irai même jusqu'à dire : on ne peut pas être républicain sans être pour l'universalité.

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Tel est le principe que défend cet amendement.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.

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Je souscris au principe défendu par l'amendement, mais il me semblait inclus dans les formules employées par la proposition de loi : « chaque membre de la société », « chacun y a droit selon ses besoins et y contribue selon ses moyens ». En commission, j'avais émis un avis favorable sur un amendement similaire de M. Guedj. À titre personnel, je suis donc favorable à l'amendement de M. Boyard, même si la commission y est, quant à elle, défavorable.

Il faudrait néanmoins préciser les contours de ce que vous nommez « universalité » ; elle implique aussi que personne ne puisse s'affranchir de son devoir de contribution et de solidarité, qui constitue une dimension importante du fonctionnement de la sécurité sociale.

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Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Cet amendement est dépourvu de portée. Introduire le principe d'universalité au fondement de la sécurité sociale n'apporte rien, puisque l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 « garantit à tous », d'ores et déjà, l'existence d'un système de protection sociale. Avis défavorable.

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M. le ministre affirme que cet amendement n'apporte rien ; je crois au contraire qu'il est riche d'enseignements. M. Boyard demande que la sécurité sociale bénéficie à toutes et à tous sans aucune distinction.

Apparaissent ici clairement les relents immigrationnistes de l'extrême gauche ,

Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES

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qui ne parle jamais des Français, ni de leur volonté de se voir donner, chez eux, la priorité. C'est sur l'autel de cet immigrationnisme…

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…qu'elle s'apprête à sacrifier l'essentiel. Je suis comme tous ces Français qui souhaitent qu'on ne puisse se voir ouvrir des droits que sous certaines conditions de nationalité, que si l'on travaille régulièrement…

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…et que si l'on réside régulièrement sur le territoire national.

Cet amendement nous permet de voir clairement que La France insoumise voudrait soigner tout le monde ,

« Oui ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES

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accorder des allocations à tout le monde, y compris aux 600 000 à 900 000 clandestins qu'on compte sur notre territoire.

Et pourquoi sont-ils si nombreux ? Parce que vous, les macronistes, vous êtes incapables de faire exécuter les OQTF (obligations de quitter le territoire français).

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Il y a plus d'OQTF exécutées en France qu'en Allemagne. Ce sont les chiffres !

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L'adoption d'un tel amendement promettrait de nous entraîner vers la destruction de la sécurité sociale.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.

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Voilà qui illustre parfaitement comment l'extrême droite, dans la poursuite de ses visées xénophobes, s'en prend en fait à tous les travailleurs de ce pays.

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Il y a 65 millions d'assurés sociaux et des millions de cotisants. Votre xénophobie et votre racisme vous poussent à nier la qualité de cotisants des étrangers, et à vouloir les exclure du système de la sécurité sociale.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.

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Mais, ce faisant, vous niez la qualité de cotisants de tous les Français, de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs. Vous voulez, rejoignant en cela l'oligarchie et le Gouvernement, détourner le fruit de leurs cotisations et voler celui de leur travail.

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Vos discours reviennent avec obsession sur les étrangers. Mais ceux qui sont étrangers et ceux qui ne le sont pas ont les mêmes intérêts : défendre leur sécurité sociale et le fruit de leur labeur, défendre une certaine idée de la République à laquelle vous, vous êtes étrangère !

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

L'amendement n° 17 n'est pas adopté.

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Sur l'amendement n° 19 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisie de trois amendements, n° 34 , 19 et 28 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l'amendement n° 34 .

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Au Rassemblement national, nous pensons qu'il n'est pas possible de donner au monde entier, et que notre premier devoir est de distribuer à ceux qui, sur notre territoire, remplissent certaines conditions.

Ce matin, des enfants en danger de mort n'ont pas pu être tirés des griffes de leurs parents et bourreaux, faute de place pour les accueillir dans des établissements.

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Je pense d'abord à eux, avant de penser au reste du monde ! Vous n'avez pas, à la NUPES, le monopole du cœur !

Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, GDR – NUPES et Écolo – NUPES.

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Notre humanité est dans nos actes, que nous préférons aux mots.

Mêmes mouvements.

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Si l'on vous suivait, en distribuant au monde entier, plus personne n'aurait rien ! Vous devriez avoir honte de ne pas vouloir protéger des enfants qui sont ici, sur notre territoire.

Mêmes mouvements.

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Cet amendement vise donc à rendre conditionnelle la protection apportée par la sécurité sociale, en substituant aux mots « à chaque membre de la société » les mots « aux personnes que la loi décide ».

Mêmes mouvements.

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La parole est à Mme Edwige Diaz, pour soutenir l'amendement n° 19 .

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Il vise à corriger la dangereuse imprécision qui caractérise la rédaction de cette proposition de loi – défaut manifeste à l'alinéa 2 de l'article unique prévoyant de consacrer le bénéfice de la sécurité sociale « à chaque membre de la société ».

M. Manuel Bompard s'exclame.

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Nous préférons une rédaction que l'on trouve déjà dans le code de la sécurité sociale, et qui permet de déterminer quelle partie de la population peut bénéficier de cette solidarité. C'est à la loi qu'il revient de le faire, en établissant des conditions relatives, notamment, à la nationalité française, à l'exercice d'un travail en France ou à une résidence régulière et stable en France.

La formulation « à chaque membre de la société » n'a pas de caractère juridique, et l'on ignore la catégorie de personnes qu'elle recouvre.

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Faut-il la comprendre comme désignant les Français, ou bien toutes les personnes, même les étrangers en situation irrégulière, vivant sur notre territoire ? Vous ne répondez pas à cette question – mais connaissant votre tropisme pour l'immigration irrégulière, il est permis de craindre le pire.

Conservons donc l'actuelle rédaction de l'article L. 160-1 du code la sécurité sociale, qui vise « toute personne travaillant […] ou résidant en France de manière stable et régulière. »

Notre rédaction, de plus, éviterait l'incertitude de l'expression « risques et aléas de l'existence » qui figure à l'article unique. Cette dernière, n'étant assortie d'aucune limite, ouvre sur une couverture sociale des plus étendues et fera le lit d'une fraude qui pourrait battre les records de celle que nous connaissons déjà.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 28 .

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Je me demande pourquoi mon amendement est en discussion commune avec les précédents : sa logique est tout autre. Ce sont les mystères de la séance, il faudra faire avec – mais je ne voudrais pas me retrouver au milieu de la partie de ping-pong qui se joue entre les Insoumis et le Rassemblement national.

La rédaction de votre alinéa 2, monsieur le rapporteur, fait explicitement référence à des principes énoncés dans le Préambule de la Constitution de 1946, pour les réintroduire dans le texte constitutionnel lui-même : il me semble que le serpent se mord la queue.

Je voulais donc vous proposer de reprendre les termes de la rédaction du dixième alinéa du Préambule de 1946, en faisant référence à « l'individu » et à « la famille » – cette dernière mention est importante, car la famille est un élément essentiel de la constitution de la société. Le Préambule mentionne également le « développement » de l'individu et de la famille. Je tiens aussi à ce point, car la sécurité sociale ne doit pas être enfermée dans une vision défensive, ne consacrant que la protection face aux aléas de la vie : elle est aussi un facteur d'épanouissement, particulièrement quand il s'agit de la famille.

C'est pour cela que nous vous proposons de rédiger ainsi l'alinéa 2 de l'article unique : « La sécurité sociale assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement, ainsi que la protection contre les risques et les aléas de l'existence. »

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Vous avez raison, monsieur Breton : il faut absolument distinguer votre amendement des deux amendements qui le précèdent dans la discussion commune. Ils ne sont pas du tout rédigés dans le même esprit.

Pour ce qui est de ces derniers, je crois que nous les avons bien cernés. Il s'agit d'écrire que ce sont « les personnes que la loi décide » – il me semble que c'est bien là votre formule, madame Roullaud – qui pourront bénéficier de la sécurité sociale. Votre idée est de critiquer, encore une fois, le principe d'universalité qui est celui de la sécurité sociale.

Vous avez évoqué, à notre endroit, l'idée de « tropisme ». Pour ce qui vous concerne, je reprendrai plutôt celle d'un « triste tropisme » – triste obsession.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe RE.

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Cela ne nous surprend pas. Mais coupons court à votre argumentation mal fondée : c'est évidemment au législateur de déterminer, comme il le fait déjà, comment les principes constitutionnels s'appliquent et, en l'occurrence, de définir le périmètre de ceux qui peuvent bénéficier de la sécurité sociale.

La formule « membre de la société », quant à elle, figure déjà dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, citée tout à l'heure par Mme Raquel Garrido et qui indique, dans son article 4, que « l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. » Nous ne faisons donc que reprendre une expression faisant déjà partie du bloc de constitutionnalité. Elle nous semble bien adaptée, et permettre au législateur de faire son travail. La Déclaration indique également qu'elle est adressée « à tous les Membres du corps social » : nous sommes donc en terrain connu.

Je connais, monsieur Breton, votre attachement à la branche famille et à son universalité – nous partageons un certain nombre de convictions à ce sujet. Je préfère cependant notre formulation. Je comprends votre effort pour l'alléger et supprimer son caractère référentiel, en reprenant les termes figurant dans le bloc de constitutionnalité. Il est vrai que si nous avions à écrire, aujourd'hui, un préambule à la Constitution, nous nous y prendrions peut-être différemment : mais je préfère m'y référer en tant que tel, indiquant notre source d'inspiration, et dans le respect du texte. Je suis donc, à titre personnel, défavorable à cet amendement. La commission avait, quant à elle, repoussé l'ensemble de ces trois amendements en discussion commune.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Tout comme M. le rapporteur, je distinguerai les deux premiers amendements de celui de M. Breton, qui est de nature et de portée différentes.

Pour ce qui est de l'amendement n° 34 , permettez-moi de reprendre le mot de M. le rapporteur : votre obsession de l'étranger, madame Roullaud, vous aveugle et vous empêche de comprendre les règles juridiques encadrant la Constitution. Votre amendement est soit inutile, le champ des bénéficiaires relevant déjà du domaine de la loi, soit inexact, parce que certaines dispositions relèvent déjà, quant à elles, du domaine réglementaire.

Mme Béatrice Roullaud s'exclame.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

J'y suis donc totalement défavorable non seulement pour la forme – elle justifierait à elle seule son rejet –, mais aussi pour le fond, et les pensées nauséabondes qu'il révèle.

Debut de section - Permalien
Une députée du groupe LFI – NUPES

Cet amendement n'a aucun sens !

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Je rappelle que la sécurité sociale doit rester accessible aux étrangers, et que c'est à la loi d'en préciser le champ.

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Mon amendement ne parle pas d'étrangers, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Avis défavorable également pour l'amendement n° 19 de Mme Diaz : conditionner le bénéfice de la sécurité sociale à la nationalité, la situation professionnelle ou la résidence, ne change rien à l'absence de portée de cet article, puisque c'est déjà là le fonctionnement ordinaire de notre ordre juridique. C'est la loi, encore une fois, qui détermine qui peut bénéficier de la sécurité sociale.

Permettez-moi enfin de rappeler, au sujet de l'amendement n° 28 de M. Breton, que, en 2008, le comité présidé par Simone Veil préalablement à la réforme constitutionnelle avait conclu à l'absence de toute nécessité d'apporter des modifications au Préambule de 1946. Ce texte, comme M. le rapporteur l'a dit, est un texte robuste dans son écriture, même si on tendrait sans doute à en changer aujourd'hui quelques termes. En recopier des phrases pour les intégrer à la Constitution ne me semble rien apporter. Avis défavorable.

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J'ai le sentiment qu'au Rassemblement national, au-delà même de la haine de l'étranger et de l'autre que laisse transpirer chacun de vos amendements, vous avez beaucoup de mal à comprendre le fonctionnement de la sécurité sociale.

La nationalité, tout d'abord, ne peut pas jouer comme un critère d'exclusion : un travailleur étranger qui cotise toute sa vie en France a le droit à la retraite. Est-ce clair ?

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Le caractère universel de la sécurité sociale, ensuite, ne signifie pas que tout l'univers est appelé à en bénéficier, mais que toute la population sur le territoire national peut en bénéficier : c'est un de ses principes fondateurs, dans la pensée qui était celle d'Ambroise Croizat au sortir de la seconde guerre mondiale.

Par ailleurs, une partie de la sécurité sociale présente une dimension universelle qui dépasse les conditions de nationalité et de cotisation : lorsqu'un étranger qui se trouve en France et ne cotise pas tombe malade, c'est l'honneur de la France que de le soigner ! Cela s'appelle l'aide médicale de l'État (AME) et nous y sommes très attachés !

Protestations sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – « On l'a vu ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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Quand on entend les arguments que, les uns et les autres, vous formulez, et qui finissent par se rejoindre, on sent votre fébrilité. Vos prises de parole traduisent votre anxiété à l'approche des élections et votre déconnexion avec les Français. Vous en êtes réduits à inventer, à caricaturer nos positions, à affirmer n'importe quoi, bref, à prendre les Français pour des imbéciles !

Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

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Nous vous avons demandé de clarifier votre position car, à cause de votre idéologie immigrationniste, vous reléguez les Français en seconde position. Oui – je pense que vous le savez –, 22 millions de nos compatriotes vivent dans un désert médical ! 61 % des Français ont déjà renoncé à acheter des médicaments en raison de leur prix trop élevé !

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Face à cette détresse médicale et sociale, vous voulez partager la générosité de la France avec les habitants de la terre entière, au premier rang desquels se trouvent les étrangers présents illégalement sur notre sol. Entendez-vous le cri des Français ?

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Ils ne comprennent pas pourquoi 600 000 à 900 000 clandestins présents sur le territoire national bénéficient de plus de largesses qu'eux !

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Ce d'autant plus que ce qui attend les Français est horrible !

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Le Gouvernement est incapable d'empêcher les clandestins d'entrer sur notre territoire et surtout de les expulser.

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Il y en a même qui les utilisent dans leurs vignes !

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Il en a expulsé à peine 17 000 l'année dernière, tandis qu'il en régularisait 30 000 ! Cela pose un vrai problème ! Mais vous ne voulez pas l'entendre et préférez répondre à côté. Ce n'est pas grave : les Français jugeront !

L'amendement n° 34 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 101

Nombre de suffrages exprimés 101

Majorité absolue 51

Pour l'adoption 15

Contre 86

L'amendement n° 19 n'est pas adopté.

L'amendement n° 28 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 30 .

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Il vise à rendre l'article aussi opérationnel que possible. Dans sa rédaction actuelle, il inclut la phrase : « Chacun y a droit selon ses besoins et y contribue selon ses moyens. » Elle est vieille de plusieurs siècles – de 2 000 ans, même – et doit nous inspirer. Mais l'insérer dans la Constitution rendra complexe l'application du texte.

Nous pourrions nous accorder sur une rédaction qui fasse référence au seul principe de solidarité nationale, avec tout ce que cela exprime.

L'amendement n° 30 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l'amendement n° 1 .

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Comme le rapporteur l'indiquait tout à l'heure, la discussion de cet amendement nous donne l'occasion de reparler d'universalité. Je voudrais, comme M. Cazeneuve plus tôt, m'assurer que nous parlions tous de la même chose. Les termes d'universalité et d'universalisation renvoient à deux concepts. Le premier est la généralisation de la sécurité sociale, engagée depuis 1945. Ce fut d'abord le minimum vieillesse, en 1956. Ce fut ensuite la généralisation des allocations familiales – c'est-à-dire la suppression de la condition d'exercice d'une activité professionnelle pour en bénéficier –, grâce à la loi du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale, promulguée lorsque Jacques Chirac était Premier ministre et entrée en vigueur le 1er janvier 1978. En matière d'assurance maladie, ce fut la couverture maladie universelle (CMU) créée par Martine Aubry, puis la Puma, ou protection universelle maladie.

Nous réaffirmons cette logique de généralisation, qui consiste à déconnecter la protection apportée par la sécurité sociale de toute activité salariée pour ne la conditionner qu'au fait de vivre en France, si l'on est français ou que l'on respecte les conditions régulières de séjour.

Mais la notion d'universalité renvoie également à l'idée de garantir à tous une prestation identique. Je le dis avec force : c'est extrêmement important ! Consentir à la sécurité sociale, c'est accepter que chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Or les besoins sont les mêmes : un malade a besoin de la même couverture qu'un autre.

L'universalité, c'est préférer le principe d'égalité à celui d'équité. C'est pourquoi j'étais, et je suis toujours, opposé à la modulation des allocations familiales suivant les revenus, telle qu'on l'a introduite en 2015 ou en 2016.

Mme Raquel Garrido et M. Benjamin Lucas-Lundy applaudissent.

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Il s'agit en effet d'un coup de canif terrible porté à ce principe d'universalité, qui peut faire renoncer au consentement à la sécurité sociale. Demain, un gouvernement très libéral pourrait introduire le remboursement des consultations médicales en fonction des revenus des personnes qui consultent. C'est une sécurité sociale à deux vitesses que l'on créerait alors. C'est la raison pour laquelle affirmer le principe d'universalité, c'est préférer, en bon républicain, l'égalité à l'équité.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Défavorable.

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Cet amendement est de la même veine que celui que défendait plus tôt notre collègue Louis Boyard. Nous y sommes donc très favorables.

Mes oreilles ont sifflé en entendant le Rassemblement national affirmer que nous ne pouvions pas rendre universelle la sécurité sociale, faute des moyens nécessaires pour en faire bénéficier tout le monde. Lors de l'étude du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), quel groupe a refusé que soit compensée chaque perte de la sécurité sociale ? C'est le Rassemblement national ! Qui a systématiquement refusé la création de cotisations exceptionnelles visant à renflouer les caisses de la sécurité sociale ? C'est vous, le Rassemblement national, qui creusez le trou de la sécu !

Dernier point : vous avez parlé des déserts médicaux, à nous en faire presque pleurer. Mais qui a permis que l'installation des médecins ne soit pas régulée ? J'espère que vos électeurs se rappelleront que c'est vous ! C'est votre groupe qui a voté contre cette régulation !

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et SOC.

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Si la situation des déserts médicaux est ce qu'elle est, c'est notamment de votre faute ! Il manquait quarante voix ! Ce sont vos quarante voix qui ont fait échouer l'amendement en question !

Mêmes mouvements.

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Vous êtes les fossoyeurs de la sécurité sociale !

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Une fois de plus, nous assistons à une démonstration de la mauvaise foi de l'extrême gauche, qui ne sait plus quoi faire pour exister et récupérer un électorat qu'elle a perdu. Heureusement que ceux qui le composent se sont montrés lucides et ne votent plus pour vous !

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Pourquoi voterons-nous contre cet amendement ? Parce que, dans l'exposé des motifs, vous vous indignez des remises en cause de l'aide médicale de l'État, alors même que l'inactivité du Gouvernement pourrait vous rassurer. Mme Borne nous avait promis que l'AME serait étudiée dans l'hémicycle, mais nous n'avons depuis reçu aucune nouvelle à ce sujet ! M. Attal avait aussi indiqué que nous nous pencherions sur cette question d'ici à l'été, mais, là encore, pas de nouvelle ! Soyez donc tranquilles : pour l'instant, on ne touchera pas à l'AME.

Il s'agit pourtant d'un problème, car l'AME coûte très cher aux Français !

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Plus de 1 milliard d'euros lui sont alloués chaque année ! Le nombre de ses bénéficiaires explose ! En 2015, ils étaient 316 000, en 2023, 466 000 !

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La sécurité sociale protège 65 millions de personnes !

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Je rappelle au passage que tous leurs frais de santé sont pris en charge, exception faite des cures thermales et de la gestation pour autrui (GPA).

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Le Rassemblement national veut mettre un coup d'arrêt à ce tourisme sanitaire et transformer l'aide médicale de l'État en aide médicale d'urgence, comme le souhaitent deux tiers des Français.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

L'amendement n° 29 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour soutenir l'amendement n° 33 .

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Il fait écho à celui de M. Guedj et aux propos de M. Breton, et vise à supprimer de l'alinéa 3 la phrase : « Chacun y a droit selon ses besoins et y contribue selon ses moyens. »

La sécurité sociale obéit à un principe d'égalité dont l'importance est cruciale. Il ne faut pas que la rédaction proposée par M. Dharréville le remette en cause. Si l'on commence à indexer le prix de la consultation sur le revenu du patient, si l'on commence à moduler les allocations familiales en fonction du revenu du foyer – ou plutôt si l'on continue à le faire, comme vous l'indiquez, monsieur Labaronne –, nos droits reculeront.

La France est régie par un principe d'équité. Notre pays est celui qui redistribue le plus. Ceux qui le peuvent, ceux qui gagnent le plus, cotisent plus et redistribuent plus. C'est une immense fierté ! Ce principe, il faut le préserver et l'enrichir.

Mais ne revenons pas, je vous prie, monsieur le rapporteur, sur les principes d'universalité et d'égalité devant la sécurité sociale. Nous nous opposerons à cette proposition de loi constitutionnelle, mais il faut, indépendamment de cette dernière, sécuriser ces principes.

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Ah non, non ! Je ne suis pas d'accord du tout !

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Je pense que votre lecture de la phrase en question constitue un contresens. Elle ne vise absolument pas à remettre en cause le caractère universel de la sécurité sociale, mais bien à l'affirmer. L'ensemble du dispositif que nous proposons l'indique et ne laisse aucune liberté d'interprétation de cette formule, qui est, depuis le début, le principe directeur de la sécurité sociale.

Attaché à la réaffirmation de ce principe, je suis défavorable à votre amendement à titre personnel. La commission, quant à elle, a repoussé l'ensemble des amendements, au cours de la réunion qui s'est tenue en application de l'article 88 du règlement.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Le Gouvernement est opposé à la proposition dans son intégralité. Il est par conséquent défavorable à l'aménagement de sa rédaction, tel que vous le proposez. Si je partage l'attachement que reflète votre amendement à l'idéal de solidarité, à son expression et à sa conciliation avec la réalité qu'est la contribution que l'on demande à nos concitoyens en vue de financer les droits sociaux, j'en demande néanmoins le retrait. À défaut, mon avis sera défavorable.

L'amendement n° 33 est retiré.

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La parole est à Mme Edwige Diaz, pour soutenir l'amendement n° 20 .

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Il prévoit de sécuriser une rédaction très vague. Nous renvoyons pour notre part à une rédaction consacrée par le code de la sécurité sociale et souhaitons supprimer la mention des besoins de chacun, qui ne sont pas universels et relèvent de situations spécifiques.

La rédaction actuelle n'est assortie d'aucune limite. Elle est susceptible de faire l'objet d'une lecture subjective : ce qui relève du besoin pour telle personne n'en relève pas nécessairement pour telle autre. Ce terme de besoin pourrait donc renvoyer à tout et n'importe quoi.

Comme on ne sait toujours pas à qui s'appliquerait la protection sociale, ce texte est bancal quant à son champ d'application, comme aux événements auxquels il se réfère.

Le Rassemblement national considère que la solidarité nationale doit s'appliquer aux seuls Français, dans des cas précis et déterminés par la loi : maladies, accidents de travail ou encore pertes d'autonomie.

Dans l'état actuel des choses, nous ne pouvons nous permettre de telles largesses, tout à fait irresponsables à l'heure où la Cour des comptes évalue la fraude à la TVA à environ 15 milliards d'euros et la fraude aux prestations sociales à un montant compris entre 10 et 20 milliards d'euros, alors même que les organismes sociaux n'ont détecté que 1 milliard d'euros de fraude.

Je vous demande d'adopter notre amendement, en vue toujours de sécuriser la sécurité sociale.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Défavorable également.

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Les membres de l'extrême droite veulent bien que les étrangers travaillent ,

« Non ! » sur quelques bancs du groupe RN

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qu'ils cotisent, qu'ils les soignent et s'occupent de leur bien-être. Toutefois, lorsque vous bénéficiez, madame, de l'un quelconque des droits auxquels vous pouvez prétendre en tant qu'assurée sociale, sachez que c'est aussi grâce au labeur et à la sueur des étrangers !

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.

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Cela ne vous gêne aucunement ! Cela ne vous gêne pas de profiter du travail des étrangers !

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Vous voudriez qu'ils travaillent et qu'ils cotisent, mais pas qu'ils soient soignés, ni qu'ils perçoivent des allocations familiales ou bénéficient de l'assurance chômage !

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Et lorsque ces personnes, qui travaillent, sont en situation irrégulière, il faut, précisément, les régulariser, pour être tous au même niveau !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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Voilà la beauté de notre histoire républicaine ! Nous, nous respectons le travail ; pas vous ! Vous gagnez 5 000 euros par mois, pour dire des sottises sur les étrangers.

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Il y a, dans cet hémicycle, de nombreuses personnes qui ne sont pas nées en France.

Protestations sur les bancs du groupe RN.

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Néanmoins, nous sommes fiers d'être Français et fiers d'être députés !

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

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Jamais nous ne laisserons brader cette grande idée de sécurité sociale que nous avons forgée au même titre que vous, à l'extrême droite.

Mêmes mouvements.

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Permettez-moi de m'indigner, même si, en réalité, je ne suis pas surprise des leçons de morale que la gauche essaie de nous donner ; cette même gauche qui se confond dans un spectacle affligeant et qui fait, une fois encore, la démonstration de sa déconnexion vis-à-vis des Français !

Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

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Vous n'avez pas le droit de nous faire la morale !

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D'ailleurs, vous ne parlez jamais des Français. Vous ne parlez jamais de ces gens qui souffrent et qui n'arrivent pas à se soigner, faute de moyens.

M. Benjamin Lucas-Lundy s'exclame.

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Vos accusations sont abjectes. Elles ne duperont personne et ne feront que renforcer la certitude des Français qui savent que vous ne roulez que pour une seule chose : votre idéologie immigrationniste.

L'amendement n° 20 n'est pas adopté.

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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 22 .

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J'ai déposé un amendement à notre propre texte, à la suite des auditions qui m'ont permis d'affiner une proposition que je n'avais pas réussi à finaliser auparavant. Il vise à compléter la formule « Chacun y a droit selon ses besoins et y contribue selon ses moyens » par la mention suivante : « et peut participer à sa gestion. » Il s'agit d'une dimension fondamentale de la sécurité sociale, révolutionnaire, oserai-je dire. C'est pourquoi il est nécessaire de le réaffirmer dans la Constitution. Cette participation pourrait intervenir sous différentes formes, y compris sous la forme actuelle, même si celle-ci ne me convient pas car je la juge trop restreinte. Quoi qu'il en soit, affirmer ce principe dans la Constitution me semble essentiel.

Permettez-moi de réagir aux propos du Rassemblement national : vous avez une vision de la France à géométrie variable. Nous sommes en train de défendre une proposition de loi qui concerne ce qui fonde l'unité de notre peuple. Cela fait l'honneur et la grandeur de la France !

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.

Debut de section - Permalien
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Comme je l'ai déjà précisé, le Gouvernement ne souhaite pas que cette proposition de loi soit adoptée ; en cohérence, il n'est pas nécessaire de l'amender. Par ailleurs, il est inutile d'inscrire ce principe de paritarisme dans la Constitution, puisqu'il fonctionne parfaitement, qu'il n'est pas menacé et qu'il s'exprime dans des avis réglementaires, à différents moments de la vie de nos institutions. Avis défavorable.

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Je vous informe que sur l'article unique, je suis saisie par les groupes Renaissance et Gauche démocrate et républicaine – NUPES d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jérôme Guedj.

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Je soutiens cet amendement. Réintroduire le principe de la participation de chacun des citoyens à la gestion de la sécurité sociale, c'est renouer avec l'origine du système de protection sociale. Vous parlez, monsieur le ministre, de paritarisme. Toutefois, un paritarisme qui ne s'appuie par sur des élections à l'intérieur des caisses de la sécurité sociale, ce n'est pas la démocratie sociale telle qu'elle a été conçue originellement, afin de permettre à chacun de participer.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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De la même manière que nous procédons du suffrage universel pour gérer le budget de l'État, ce devrait être le cas également en matière de gestion de la sécurité sociale.

Permettez-moi d'ajouter un mot en réponse aux propos de Pierre Cazeneuve, que je remercie d'avoir retiré son amendement. Il me semble qu'il fait un contresens : la formule « Chacun y a droit selon ses besoins » affirme le principe d'égalité. Il ne faut donc pas moduler le remboursement de la consultation maladie ou des allocations familiales en fonction des revenus de la personne – tout le monde doit être remboursé de la même manière. C'est la logique du consentement. Toutefois, en précisant que « chacun y contribue selon ses moyens », nous introduisons de la justice : c'est le principe de la progressivité de la contribution. Il faudra que nous nous penchions sur cette question avec lucidité : le financement de la sécurité sociale ne repose pas actuellement sur une base de progressivité ; il comprend une trop grande proportionnalité.

Une véritable réforme de justice sociale, fidèle aux principes fondateurs de la sécurité sociale, consiste à réaffirmer le principe d'égalité : « chacun selon ses besoins ». Cela signifie qu'il n'y aura pas de différenciation dans le montant du remboursement de la consultation ou de la journée d'hospitalisation en fonction du patrimoine ou des revenus du patient. En revanche, en ce qui concerne le financement de la sécurité sociale, il faut réintroduire de la progressivité : ce n'est le cas ni de la contribution sociale généralisée (CSG) ni des cotisations sociales. Nous avons besoin d'une grande réforme, qui passe par un financement de la sécurité sociale réellement progressif – comme l'est l'impôt sur le revenu.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.

L'amendement n° 22 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Edwige Diaz, pour soutenir l'amendement n° 21 .

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Une fois encore, nous proposons de corriger les errances inadmissibles de ce texte. Cet amendement vise à substituer au mot « moyens » celui de « ressources ». En effet, les ressources concernent uniquement les fonds financiers, alors que les moyens recouvrent un champ plus large et trop imprécis pour être pertinent. Ainsi, nous alignerions le texte sur l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale, qui vise les ressources et non les moyens.

En effet, la mention des moyens ouvrirait un boulevard encore plus large aux fraudeurs, alors que la lutte contre leurs agissements n'est pas suffisamment vigoureuse en France. Selon les bilans annuels publiés par Bercy, le montant des sommes exigées par le fisc aux fraudeurs baisse année après année : 13 milliards d'euros en 2017, 12 milliards en 2018 et 8 milliards en 2019. En outre, seuls 50 % à 60 % de ces sommes sont finalement recouvrées.

Compte tenu de l'état de la lutte contre la fraude dans notre pays et du manque de volonté politique forte, nous devons être précis et ne pas transformer la France en buffet social à volonté.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.

L'amendement n° 21 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 125

Nombre de suffrages exprimés 124

Majorité absolue 63

Pour l'adoption 56

Contre 68

L'article unique n'est pas adopté.

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Je regrette profondément le vote de notre assemblée. Le débat que nous avions entamé méritait d'être poursuivi. Je pense qu'il s'agit d'une erreur politique et d'une occasion manquée. Je le regrette sincèrement, car notre pays a besoin de ce débat et nous aurions pu esquisser ensemble un geste profondément rassembleur.

J'ai bien noté, cher collègue Gouffier Valente, votre main tendue, dans la discussion générale. Nous verrons ce qu'il en advient, mais je suis désolé du choix qui vient d'être fait.

Permettez-moi, pour que les choses soient claires, de citer la phrase d'Ambroise Croizat, déjà évoquée tout à l'heure par Elsa Faucillon : « Jamais nous ne tolérerons qu'un seul des avantages de la sécurité sociale soit mis en péril. Nous défendrons à en perdre la vie et avec la plus grande énergie cette loi humaine et de progrès. »

Je retire ma proposition de loi.

Les députés des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES se lèvent et applaudissent. – Mme Caroline Abadie, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, ainsi que quelques membres du groupe RE applaudissent également.

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Il est donc pris acte du retrait de la proposition de loi constitutionnelle par son auteur, en application de l'article 84, alinéa 2, du règlement.

En conséquence, il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion.

La discussion de la proposition de loi est interrompue.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures dix.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Frédéric Maillot et plusieurs de ses collègues pour une meilleure réussite scolaire des jeunes ultramarins grâce à l'apprentissage des langues régionales (2517, 2642).

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La parole est à M. Steve Chailloux, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

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Je me tiens devant vous aujourd'hui pour défendre une proposition de loi essentielle pour la réussite scolaire des jeunes ultramarins. Ce texte vise à renforcer l'apprentissage des langues régionales dans les établissements scolaires des académies d'outre-mer. La dynamique de valorisation des langues régionales, illustrée par la loi Molac de 2021 et l'installation du Conseil national des langues et cultures régionales (CNLCR). Ce sont des avancées prometteuses mais il est temps de franchir une étape supplémentaire pour garantir aux jeunes ultramarins une éducation adaptée à leur réalité linguistique et culturelle.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à exprimer mes sincères remerciements à M. Frédéric Maillot, député de La Réunion et auteur du texte ,

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES

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pour sa confiance et sa reconnaissance de mes profondes convictions ainsi que de mon expertise universitaire dans le domaine des langues régionales, notamment du tahitien – te reo tahiti. Il m'a offert l'honneur d'être le rapporteur de ce texte, que nous avons coconstruit au fil de l'eau et défendu ensemble en commission. Je ne veux surtout pas oublier notre collègue Béatrice Piron : par son assiduité lors des auditions, auxquelles elle a toutes assisté, ses remarques et ses propositions, elle a apporté une contribution substantielle à ce texte, dans un esprit de bienveillance, et ceci par-delà les frontières de nos appartenances politiques respectives.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe RE.

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Les langues régionales, reconnues comme partie intégrante du patrimoine français depuis la révision constitutionnelle de 2008, ne sont pas seulement des « joyaux culturels » pour reprendre la formule employée en commission par une collègue, elles représentent également une richesse inestimable, un héritage transmis de génération en génération et incarnent l'âme de nos territoires.

Elles sont le reflet de l'histoire, des traditions et des cultures locales qui enrichissent notre identité propre avant de nourrir l'identité nationale. La France compte une diversité linguistique exceptionnelle, avec une vingtaine de langues régionales dans l'Hexagone et plus de cinquante dans les territoires d'outre-mer. L'article 75-1 de la Constitution affirme depuis 2008 que ces langues « appartiennent au patrimoine de la France ».

Des lois successives, de la loi de 1951 relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux, dite loi Deixonne, à la loi Molac de 2021, ont d'ailleurs progressivement renforcé leur enseignement mais leur mise en œuvre reste souvent timide et incomplète. Il est donc crucial de rappeler que cette diversité linguistique est une richesse que nous devons absolument protéger et valoriser.

L'orateur prononce une phrase en tahitien.

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Les langues régionales contribuent à renforcer le sentiment d'appartenance et d'identité chez les jeunes. Elles permettent aux élèves de se sentir valorisés dans leur environnement scolaire, de reconnaître et d'apprécier la richesse de leur héritage culturel, toutes choses qui ont un impact positif sur l'estime de soi et sur la motivation à apprendre.

L'enseignement des langues régionales se décline selon plusieurs modalités : sensibilisation dès la maternelle, cours optionnels en primaire et dans le secondaire, sections bilingues, malheureusement encore peu nombreuses. À la rentrée 2022, 75 805 élèves du premier degré et 60 532 du second degré suivaient un enseignement de langues régionales, un chiffre prometteur mais encore insuffisant. Il est impératif de renforcer ces dispositifs pour offrir aux élèves la possibilité de bénéficier d'un enseignement en langue régionale s'ils le souhaitent.

Les études montrent que l'apprentissage d'une langue régionale, loin de constituer une entrave à la maîtrise du français, la conforte. Le bilinguisme développe des compétences cognitives supérieures comme la mémorisation et la compréhension. En outre, dans les écoles bilingues, les résultats en mathématiques et en français sont souvent meilleurs que dans les établissements monolingues. Ces résultats soulignent l'importance d'une éducation plurilingue, non seulement pour préserver notre patrimoine culturel

L'orateur prononce quelques mots en tahitien

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mais aussi pour améliorer la réussite scolaire des élèves.

Il est également prouvé que l'apprentissage des langues régionales contribue à une meilleure intégration sociale et culturelle. En permettant aux élèves de s'exprimer dans leur langue maternelle, nous renforçons leur sentiment d'appartenance et leur confiance en eux. Cela se traduit par une participation accrue en classe et de meilleures interactions avec leurs camarades et leurs enseignants. C'est un aspect fondamental pour le développement harmonieux des enfants, en particulier dans les territoires d'outre-mer où la diversité linguistique est une réalité quotidienne.

Malgré des intentions louables, la couverture de l'enseignement bilingue reste inégale. En Guadeloupe, seules treize écoles sur 286 proposent un tel enseignement. La situation est similaire en Guyane et à La Réunion. La Martinique, quant à elle, a consenti un effort notable avec une augmentation significative des classes bilingues mais leur maillage reste insuffisant. Il est crucial de réduire ces disparités pour garantir un accès équitable à tous les élèves ultramarins.

Pour surmonter ces défis, nous devons également nous attaquer à certaines réticences culturelles et surtout idéologiques, dépourvues de tout fondement philosophique et scientifique. Beaucoup de familles ultramarines, dévalorisant leur propre langue maternelle, considèrent encore à mon grand désarroi, comme chez moi en Polynésie, que la réussite passe exclusivement par le français. Je le dis ici, devant les représentants de la nation, du plus profond de mon âme polynésienne :

L'orateur s'exprime à nouveau en tahitien

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les langues s'enrichissent entre elles ; elles ne s'oblitèrent pas et elles ne retranchent rien. Une campagne de communication fondée sur des données objectives et scientifiques pourrait renverser ces idées reçues linguistiquement mortifères et montrer que la maîtrise des langues régionales est un atout pour la réussite scolaire.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et SOC.– Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Faire comprendre aux familles que les langues régionales peuvent coexister avec le français et renforcer les compétences globales des élèves est une étape essentielle pour l'adoption de cette proposition de loi.

Le développement de l'enseignement des langues régionales nécessite bien évidemment une formation adéquate des enseignants. Les places au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (Capes) pour les langues régionales sont limitées et les formations continues restent insuffisantes. Il est indispensable d'intégrer ces enjeux dans la réforme de la formation des enseignants. Former des enseignants compétents et passionnés par les langues régionales est un pilier fondamental pour assurer le succès de cette initiative.

Nous devons également considérer les ressources matérielles. Les manuels scolaires, les dictionnaires et les supports pédagogiques adaptés aux réalités locales sont encore insuffisants. Par exemple, à Mayotte, le caractère essentiellement oral de la langue rend difficile l'accès à des supports écrits. Il est essentiel de développer ces ressources pour fournir aux enseignants et aux élèves les outils nécessaires à un enseignement efficace et enrichissant.

La pluralité des langues est une force et non un obstacle à la construction d'une République qui ne cesse pourtant de porter un discours laudatif sur ses territoires d'outre-mer.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cela, nous l'avons bien compris. En imposant aux établissements scolaires des académies d'outre-mer de proposer systématiquement un enseignement de langue régionale, nous envoyons un signal fort : les langues régionales ont de la valeur et un rôle à jouer dans la réussite scolaire.

L'orateur prononce quelques mots en tahitien.

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Adoptons cette loi pour que nos jeunes, particulièrement ceux des territoires d'outre-mer, puissent bénéficier d'une éducation qui respecte et valorise leur patrimoine linguistique et culturel.

Chers collègues, nous avons aujourd'hui l'occasion de faire une différence significative dans la vie de nombreux élèves ultramarins. Adoptons cette proposition de loi pour leur offrir les meilleures chances de succès et pour célébrer ensemble la richesse de notre diversité linguistique millénaire.

Les groupes GDR – NUPES et SOC se lèvent et applaudissent.– Mme Sophie Taillé-Polian se lève et applaudit également.– Plusieurs députés du groupe Écolo – NUPES applaudissent.

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La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

J'hésite à m'adresser à votre assemblée en patois,…

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

…mais je vais garder cette langue au plus profond de mon cœur. Les langues vivantes régionales font partie, comme vient le rappeler M. le rapporteur, du patrimoine de la France dans toute sa diversité. Elles sont à la fois un héritage précieux de notre histoire complexe et un atout important pour l'avenir.

En tant qu'ancienne rectrice de l'académie de Toulouse, patrie de l'occitan, je sais toute l'importance que revêt une langue régionale pour l'identité des habitants de nombre de nos territoires. C'est pourquoi je suis très attachée à ce que ces langues soient non seulement préservées mais aussi et surtout promues, et donc enseignées, partout où elles sont en usage.

Cette exigence est particulièrement forte dans les territoires d'outre-mer, où l'enjeu de l'école porte essentiellement sur la maîtrise du français, qui est loin d'être nécessairement la langue maternelle de tous les enfants. À ce titre, l'enseignement d'une langue vivante régionale est d'autant plus précieux qu'il peut justement être une porte d'entrée vers l'apprentissage du français. C'est d'ailleurs ce qu'avait déclaré, lors d'une audition devant la commission des affaires culturelles de cette assemblée, Gabriel Attal alors ministre de l'éducation nationale : « Je soutiens les langues régionales et leur apprentissage. Et je les soutiens d'autant plus qu'elles permettent souvent et parfois d'améliorer l'apprentissage du français. »

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

C'est aussi le point d'entrée choisi par l'auteur de cette proposition de loi, Frédéric Maillot, que je remercie ainsi que son groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour l'occasion qu'ils nous donnent d'avoir ensemble ce débat.

Pour répondre à cet enjeu, le ministère de l'éducation nationale mène une action résolue en faveur de la promotion et de l'apprentissage des langues régionales, notamment en outre-mer où elles sont nombreuses. Parmi elles, il y a le créole bien sûr, dans toute sa diversité entre les Antilles et La Réunion, mais aussi le shimaoré et le kibushi à Mayotte ou encore le nenge et les langues amérindiennes en Guyane, sans oublier le tahitien et les langues mélanésiennes dans le Pacifique, dont vous nous avez donné un écho, monsieur le rapporteur. Il s'agit là d'une incroyable richesse pour le pays tout entier.

L'enseignement de ces langues vivantes régionales dans le second degré s'appuie sur des professeurs titulaires du Capes ou de l'agrégation de langues régionales, qui comprennent une section créole et une section tahitien. Un pilotage du développement qualitatif des langues concernées est également assuré grâce au conseil académique des langues régionales et au travail de nos inspecteurs, que je tiens à saluer.

Plusieurs textes législatifs et réglementaires protègent et promeuvent les langues régionales tout en organisant leur enseignement, en métropole comme en outre-mer. Je pense bien sûr à l'article L. 312-10 du code de l'éducation qui dispose que « les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage » et que « cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité ».

De même, la possibilité de l'enseignement des langues vivantes régionales dans les établissements scolaires dans les territoires concernés, tout au long de la scolarité, est organisée grâce à l'article L. 312-11-2 du code de l'éducation, introduit par la loi Molac en mai 2021, selon lequel « la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l'enseignement de la langue régionale à tous les élèves ».

Citons encore la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République qui tenait déjà compte des spécificités des territoires d'outre-mer en valorisant l'enseignement des langues régionales. Son article 46, devenu l'article L. 371-3 du code de l'éducation dispose en effet que « dans les académies d'outre-mer, des approches pédagogiques spécifiques sont prévues dans l'enseignement de l'expression orale ou écrite et de la lecture au profit des élèves issus de milieux principalement créolophone, amérindien ou mahorais ».

Enfin, l'application de la circulaire de 2021 a en particulier permis le déploiement des langues vivantes régionales locales – principalement le créole, mais pas uniquement – dans les établissements scolaires, selon différentes modalités, de l'enseignement optionnel au bilinguisme, ainsi qu'à travers de multiples actions et projets concrets dans les cinq départements d'outre-mer. Cette démarche s'effectue, vous l'avez rappelé, en lien étroit avec l'apprentissage de la langue française, voire d'autres langues dans une logique de plurilinguisme.

Grâce notamment à ce corpus juridique complet et dédié, l'accent mis par l'éducation nationale depuis plusieurs années se traduit dans les différentes académies d'outre-mer par le développement fructueux de dispositifs d'enseignement adaptés à leurs contextes spécifiques. Citons le dispositif académique des intervenants en langue maternelle (ILM) en Guyane. Mis en place dès 1998 et pérennisé en 2012, il a précisément pour objectif d'améliorer la maîtrise de la langue française, en valorisant la langue et la culture maternelles. Ces intervenants sont présents dans les classes plusieurs heures par semaine, principalement à l'école maternelle, au côté du professeur, auprès d'enfants linguistiquement et culturellement étrangers à la langue et à la culture françaises.

À Mayotte, les dispositifs « plurilinguisme » et « éveil aux langues » mis en place en maternelle favorisent les échanges avec les familles pour faciliter l'intégration de l'école dans le quotidien. Il s'agit d'augmenter progressivement la place consacrée au français dans la scolarité et de faire découvrir la diversité des langues du monde.

La signature, en novembre 2023, du pacte linguistique entre Rima Abdul-Malak, alors ministre de la culture, et l'ensemble des exécutifs réunionnais témoigne de cette même volonté politique qui ne demande qu'à être soutenue. En effet, ce pacte prévoit de nommer ou de recruter des référents dédiés au secteur linguistique au sein de chaque collectivité, mais aussi de promouvoir le créole réunionnais tant sur le plan linguistique que sur le plan de la création artistique et de sa diffusion.

Mesdames et messieurs les députés, le cadre législatif et réglementaire en vigueur me semble dès lors apporter toutes les garanties nécessaires à l'accès des élèves ultramarins à la langue ou aux langues de leur territoire. Grâce à ce corpus qui protège les langues vivantes régionales et permet le développement d'enseignements adaptés à chaque territoire, au plus près de leur réalité, nous pouvons noter que le taux d'exposition dans le premier degré – qui mesure le nombre d'écoles qui proposent un enseignement en langues vivantes régionales –, certes variable selon les territoires ultramarins, est très élevé dans certains d'entre eux. Les taux les plus bas sont en Guyane – 16,4 % – ou à La Réunion – 17,5 %. En revanche, en Martinique et en Guadeloupe, ils s'élèvent respectivement à 72 % et 76,8 %. Je souhaite soutenir et améliorer ces résultats par un suivi et un pilotage dynamiques de ces langues vivantes régionales.

Vous aurez compris toute l'importance que le Gouvernement attache aux langues régionales dans notre pays. Leur préservation et leur mise en valeur mobilisent pleinement les personnels de l'éducation nationale, qui s'appuient sur une réglementation unique au monde, dans un objectif permanent de réussite de tous les élèves dans tous les territoires. Au vu notamment de ces résultats, permis par le cadre juridique existant, l'évolution de celui-ci ne me paraît pas absolument nécessaire pour atteindre l'objectif que nous partageons pleinement et fixé par cette proposition de loi, alors que l'ensemble des implications de cette modification ne me semble pas avoir été pleinement mesuré – je veux parler de ressources humaines et de leur formation. Le Gouvernement s'en remettra donc à la sagesse de l'Assemblée quant au vote de ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE, sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES ainsi que sur ceux des commissions.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Frédéric Maillot.

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« Ne laissons pas nos rois et nos reines devenir fous dans le jeu d'échec scolaire. » Ces paroles, à elles seules, caractérisent l'esprit de cette proposition de loi, dans laquelle il est question de la réussite scolaire et des moyens de lutter contre le décrochage scolaire et l'illettrisme. Dans nos pays dits d'outre-mer, l'illettrisme atteint jusqu'à 30 % alors qu'il n'est que de 11 % dans l'Hexagone. De même, les taux de décrocheurs y sont nettement supérieurs. A-t-on tout essayé ? A-t-on usé de tous les outils dont nous disposons pour raccrocher les décrocheurs ?

Nous avons souvent cette fâcheuse tendance à aller chercher loin des solutions qui sont à portée de main. Et si la solution était tout simplement cette langue dans laquelle nos parents nous ont éduqués et que l'enfant entend dès son plus jeune âge ? Si la solution était cet inestimable héritage culturel que sont nos langues créoles maternelles et paternelles ? Ancien décrocheur, ayant moi-même connu un parcours scolaire singulier, je sais que ma langue créole et ma culture régionale m'ont sauvé d'une noyade quasi certaine dans le bassin de l'ignorance. Cette proposition de loi se veut une bouée de sauvetage pour combattre fermement le décrochage et l'illettrisme.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Elle m'oblige à vous parler du rôle qu'a joué ma langue, le créole réunionnais, dans mon parcours. Comme pour beaucoup, elle m'a redonné confiance, elle m'a fait découvrir l'amour du beau, elle m'a redonné goût au savoir. En m'intéressant de près à la grande littérature réunionnaise – oui, il en existe une – j'ai découvert celui qui allait devenir pour moi le maître des bons mots, Georges Brassens. C'est avec son œuvre que j'ai découvert l'ampleur et la richesse de la langue française, de Villon à Ronsard en passant par Lamartine. Je peux l'affirmer : ma langue créole a été la passerelle vers ces poètes de génie que j'aurais été bien malheureux de ne pas découvrir.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Roger Chudeau applaudit également.

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En octobre dernier, nous auditionnions celui qui était alors ministre de l'éducation nationale et qui déclarait : « Je soutiens les langues régionales et leur apprentissage, d'autant plus qu'elles permettent souvent l'apprentissage du français. » Ces mots, madame la ministre, sont ceux de votre prédécesseur, devenu depuis votre Premier ministre, Gabriel Attal. Au-delà de nos différences politiques, jamais un ministre de l'éducation n'avait affirmé de façon aussi déterminée et appuyée son soutien à l'enseignement des langues régionales. Les scientifiques et les linguistes, eux aussi, s'accordent à dire tous les bienfaits de l'enseignement bilingue. Ainsi, le bilinguisme que proposeraient les enseignements de langues régionales serait bénéfique pour les capacités de mémorisation et de compréhension, mais il permettrait aussi d'accroître la densité de matière grise, en raison de la sollicitation de fonctions exécutives générales résultant de la bascule d'une langue à l'autre.

Mes chers collègues, priver l'enfant de l'expression dans sa langue première, n'est-ce pas le priver de sa spontanéité ? Or la spontanéité, selon les experts, est cette capacité fabuleuse qu'ont tous les enfants dès la naissance. « Les enfants ne sont ni des vases à remplir, ni un feu à allumer : ils sont un foyer ardent à ne pas éteindre. » Ce sont les mots d'André Stern.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.

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Mettre en péril et tuer la spontanéité, c'est donc plonger l'enfant dans un mutisme qui parfois le suivra tout au long de sa vie. Notre richesse, c'est de posséder deux langues, le créole et le français. Notre richesse bilingue a été pendant longtemps refusée, notre imaginaire créole oublié, et la fée Carabosse a failli tuer Granmèrkal : c'est devenu chez certains une douleur !

Chaque fois qu'un adulte bien intentionné refoule le créole dans la gorge d'un enfant, c'est un coup porté à son imagination et un envoi en déportation de sa créativité. Ne donnons plus de place aux briseurs de l'élan créole, aux coupeurs d'ailes, aux coupeurs de l'imagination et de la créativité créoles. Il nous faut installer avec fierté le bilinguisme, qui véhicule notre moi profond, notre inconscient collectif et notre génie populaire. La langue créole est en nous et dit ce que nous sommes. Sortons des oppositions stériles entre le créole et le français, acceptons le bilinguisme potentiel et ouvrons la voie au multilinguisme en capturant d'autres langues comme l'anglais, le chinois, l'espagnol et d'autres encore… Nous sommes entourés de près de 2 milliards d'anglophones dans la région indo-océanique, c'est pourquoi l'apprentissage non facultatif de cours d'anglais dans toutes les écoles municipales est aussi un objectif à atteindre. Être créole, ce n'est pas être monolingue, c'est avoir l'appétit de toutes les langues du monde car la créolité est la fusion des langues et des cultures.

Mme Elsa Faucillon applaudit.

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Il y a peu de temps encore, on nous faisait croire que nous n'avions qu'un dialecte, mais nous avons toujours su que nous possédions une langue, avec une grammaire, une conjugaison et un vocabulaire nourris d'apports africains, asiatiques, européens, arabes et indiens.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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Notre langue créole est la recomposition de mondes diffractés. Il est temps en effet que les langues créoles soient au cœur, à l'épicentre et non plus en périphérie ou en ultrapériphérie de l'enseignement. Notre collègue Tematai Le Gayic aime à dire que la France hexagonale est l'outre-mer de nos pays. Et c'est au cœur de La Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe, de Mayotte et de la Guyane que nous nous adressons au monde. C'est de notre épicentre que doit se décider ce qui est bon pour nous. Or l'enseignement des langues et de la culture régionales est bon pour la réussite scolaire de nos enfants, puisque toutes les expérimentations prouvent que les classes bilingues possèdent un taux de réussite plus élevé que les classes non bilingues.

Je profite du temps qui m'est accordé pour saluer le travail des professeurs des écoles qui ont compris l'importance de l'enseignement des langues régionales. Plus de 400 sont habilités à l'enseignement des langues créoles dans le premier degré. On compte trente-deux titulaires du Capes en langues créoles et deux agrégés dans l'académie de La Réunion. Je salue aussi le travail des enseignants militants qui n'ont jamais baissé les bras pour que nos langues soient acceptées et considérées :

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et SOC

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Axel Gauvin, Laurence Dalleau Gauvin, Francky Lauret, Isabelle Testa, Aurélie Filain, Fabrice Georget, Éric Naminzo, Stéphane Marcy. Je salue enfin les artistes militants à qui on doit la survie de la langue dans les médias et les milieux populaires : Danyèl Waro – un maître en la matière –, Patrice Treuthardt, Gaël Velleyen – pour la nouvelle génération – pour La Réunion ; Patrick Saint-Éloi, Jocelyne Béroard et le groupe Kassav' qui ont fait résonner la langue créole dans le monde entier, mais aussi Sylviane Cédia pour la Guyane.

Je vous répète cette phrase : « Ne laissons pas nos rois devenir fous dans le jeu d'échec scolaire. » Autant de langues tu parleras, autant de vies tu vivras. N'empêchez pas nos enfants de vivre une vie créole. En laissant nos langues aux portillons des écoles, c'est une partie de nos âmes que nous y laissons. C'est ainsi que la confiance de nombreux jeunes est brisée dès le plus jeune âge par un système de hiérarchisation. Même si nos langues ne permettaient pas un meilleur apprentissage du français, je me battrais quand même pour qu'elles soient enseignées car elles sont patrimoniales et constituent le ciment de notre identité réunionnaise, martiniquaise, guadeloupéenne, guyanaise et mahoraise. C'est tout naturellement que je terminerai en faisant résonner le plus bel héritage que m'ont légué mes parents et dont je suis fier : ma langue créole.

L'orateur prononce quelques mots en créole réunionnais.

Les députés des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LR, Dem, SOC et Écolo – NUPES. – L'orateur, de retour à son banc, reçoit les félicitations de ses collègues.

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Un sujet qui m'est cher revient donc dans l'hémicycle : merci, cher Frédéric Maillot ! En effet, la France est riche de ses langues et de ses cultures, avec environ soixante-dix langues différentes : nous sommes Français dans la diversité. Or ce n'est pas vraiment ce qu'on nous a dit à l'école et cela ne s'est pas fait sans heurts. Les Français sont à la fois différents et unis dans la République. Ils ne se définissent pas en tant que peuple ou en tant qu'ethnie mais bien dans leur rapport à la République et à sa définition. Le regretté Guy Carcassonne demandait justement : « La République a-t-elle besoin d'une langue ? » On peut penser qu'elle a besoin d'une langue commune ; mais d'une langue unique, c'est évidemment une autre affaire.

Les relations entre la République et les langues régionales ont mal commencé. « Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton ; l'émigration et la haine de la République parlent allemand ; la contre-révolution parle l'italien et le fanatisme le basque. » Ce sont les mots de Barère, prononcés durant la Terreur, en 1794, lors d'une réunion du Comité de salut public dont il était membre. Pour lui, ces langues, qu'il qualifie d'idiomes, sont des jargons barbares. De cette conception naît l'idée qu'il faut envoyer dans les régions des enseignants qui ne parlent que la langue française – ou plutôt une forme de langue française très spéciale, un peu parisienne et parlée, à l'époque de la Révolution française, par à peine 10 % de la population.

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Cela a provoqué diverses vexations et incompréhensions. Quand j'ai fait adopter la loi de 2021 sur les langues régionales, on m'a encore parlé de la punition dite de la vache. L'instituteur accrochait un sabot usagé au cou du premier élève surpris à prononcer un mot de breton dans la cour de récréation – car l'usage du breton était interdit dans l'enceinte de l'école –, qui devait à son tour trouver un camarade en train de parler breton pour lui transmettre le sabot. L'élève qui portait le sabot à la fin de la journée, c'est-à-dire souvent le plus faible, recevait soit quelques coups – à cette époque, on ne répugnait pas à en donner –, soit quelque autre punition. Malheureusement, de telles pratiques entraînaient une grande mésestime de soi et de nombreux problèmes psychologiques.

Il a fallu attendre 1983 pour que, pour la première fois, un ministre de l'éducation nationale – Alain Savary, en l'occurrence – autorise la création de classes bilingues français-langues régionales, qui se sont développées en Bretagne, puis dans d'autres régions comme le Pays basque. Nous n'avions alors que vingt-cinq à trente ans de retard par rapport au Pays basque espagnol ou encore au pays de Galles. Petit à petit, donc, la répression s'est faite moins sévère, les classes bilingues sont apparues et les langues régionales ont commencé à entrer dans l'école.

Les ministres peuvent être plus ou moins bien intentionnés à l'égard des langues régionales. Un de vos prédécesseurs, madame la ministre, ne l'était pas beaucoup. Sa réforme du bac a malheureusement conduit les effectifs des classes de breton au lycée à diminuer de moitié, et ceux des classes de gallo à diminuer de trois quarts. Bref, certains ministres sont éclairés et d'autres non.

M. Maillot voulait d'abord rendre obligatoire l'enseignement des langues régionales.

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L'idée n'est pas mauvaise car ce qui est obligatoire est perçu comme important. Or, à l'école primaire, le seul enseignement facultatif est celui de la langue régionale et, au collège, il n'y a guère que le latin et la langue régionale qui ne soient pas obligatoires. Je pense que cette mesure est souhaitable car un enfant ne peut développer une saine estime de soi quand on lui dit à l'école qu'il parle la mauvaise langue, voire – si sa langue maternelle est proche du français – qu'il ne parle pas français comme il faut.

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Quand l'enfant parle à l'école la langue qu'il entend à la maison, on lui dit qu'il ne sait pas parler français ! C'est ce qui arrive à de nombreux Créoles. Forcément, l'enfant qui vit cela se sent un peu seul.

Je suis donc très favorable à cette proposition. La République peut s'enorgueillir de reconnaître les langues régionales et de les enseigner à l'école.

Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, GDR – NUPES et Écolo – NUPES.

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Je remercie Steve Chailloux, Frédéric Maillot et leurs collègues du groupe Gauche démocrate et républicaine de nous donner l'occasion d'échanger nos points de vue sur les identités et sur ce que nous avons de commun. Merci à eux de mettre au cœur du débat la question des langues, qui est intimement politique. Il est difficile de m'exprimer après Steve, Frédéric et Paul, dont on ne peut qu'admirer l'engagement personnel et l'expérience quasi charnelle des langues régionales.

Cette discussion est ô combien précieuse dans un moment politique où les liens de colonialité en Nouvelle-Calédonie-Kanaky sont sur le devant de la scène. J'ai une pensée particulière pour le peuple kanak ,

Les députés des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC, et GDR – NUPES se lèvent pour applaudir. – M. le rapporteur applaudit également

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confronté à des actions et à des réactions gouvernementales – jusqu'au plus haut niveau de l'État – incompréhensibles car elles refusent de prendre en compte la dimension coloniale de la situation.

Au-delà du contexte, cette discussion permet d'allier respect, justice et dignité de toutes les Françaises et de tous les Français, de nos parents, de nos enfants et de nos petits-enfants, dans tous les territoires de la République française, en particulier dans les territoires ultramarins que nous avons tendance à délaisser et dont nous nions trop souvent les spécificités. Cela paraît incroyable, mais force est de constater que proposer un enseignement des langues régionales sur le temps scolaire dans les académies d'outre-mer constitue une rupture, car cela était encore imaginable il y a quelques années.

Cette proposition de loi s'affirme comme un refus de l'« exotisation » des langues régionales qui ne sont ni des langues mortes ni un divertissement pour touristes. La France a longtemps refusé la diversité linguistique, pourtant réelle et très ancienne. Si cette stratégie a été parfois conduite au nom d'une nécessaire compréhension commune et d'une volonté d'unification, au nom de l'égalité et de l'accès au droit et à l'information, elle a aussi été un outil de domination et d'effacement des identités singulières.

Dans une tribune parue le 3 septembre 2023 dans Le Monde, l'écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau s'exprime ainsi : « Si nous restons à patauger dans l'imaginaire colonial, la guerre des langues restera en vigueur. »

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.

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Cette guerre des langues s'exprime par leur hiérarchie, façonnée et induite par notre histoire coloniale. Patrick Chamoiseau parle aussi d'imaginaire monolingue ; comme si notre langue officielle – celle de la République, de l'école, de l'administration, des services publics –, le français, était seule protégée de remparts contre la langue de l'autre. Cet imaginaire n'est qu'un mythe, une pauvre croyance qui ne reflète pas la réalité des territoires de la France ni la diversité des identités qui la façonnent.

Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne fixait l'objectif de décoloniser l'universel. Allons-y ! Nous avons devant nous un premier chantier qui consiste à décoloniser nos imaginaires en ce qui concerne la langue française, encore trop souvent perçue comme l'universel, comme étant, pour ainsi dire, la bonne langue. Mais la bonne langue, c'est celle qui vit, celle qui est parlée, celle qui est partagée.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.

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Les bonnes langues sont toutes celles qui sont transmises et qui sont chevillées au corps. Les bonnes langues, ce sont celles qui construisent les identités à travers les soubresauts de l'histoire. Ce sont celles qui sont parlées dans les foyers, dans la rue et même parfois dans les cours d'école. Oui, invitons ces langues à se déplacer de la cour de récréation jusque sur les bancs de l'école.

Mme Karine Lebon applaudit.

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C'est essentiel pour célébrer et mettre à l'honneur toutes les identités.

Nos identités passent par les langues qui existent dans les territoires de France. La langue est un enjeu politique évident pour toutes les raisons que j'ai évoquées, mais aussi un enjeu éducatif. Selon toutes les études neurocognitives, le plurilinguisme est bénéfique au développement du cerveau chez l'enfant et permet d'améliorer les capacités de compréhension et de mémorisation. Il s'agit donc de réussite scolaire, comme le rappelle le titre de la proposition de loi.

Le texte s'ajoute aux progrès considérables réalisés en la matière dans les dernières années : il y a quelques décennies, il était inconcevable de parler créole à l'école. Il doit être suivi de moyens et de changements concrets et profonds s'agissant de l'enseignement des langues régionales dans tous les territoires. Nous sommes bien sûr d'accord pour mettre l'accent sur l'enseignement dans le cycle primaire, moment charnière où on apprend à lire et à écrire, mais il faut aussi aller plus loin en envisageant son inscription au collège et au lycée. Nous souhaitons également, madame la ministre, que tous les moyens soient déployés à cette fin. C'est pourquoi nous voterons cette proposition de loi et espérons qu'elle pourra prospérer.

Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC, GDR – NUPES et LIOT.

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Je tiens à remercier tout d'abord MM. Maillot et Chailloux pour la qualité des débats et des auditions menés en commission. Ces discussions ont permis d'explorer en profondeur le sujet crucial des langues régionales en outre-mer et les solutions possibles pour améliorer la réussite scolaire.

Grâce à ses territoires d'outre-mer, la France dispose d'une richesse linguistique insoupçonnée. Dans son rapport de 1999 intitulé « Les langues de France », le linguiste Bernard Cerquiglini a recensé soixante-quinze langues parlées par des ressortissants français, dont cinquante-cinq le sont en outre-mer. Les langues créoles en sont un exemple frappant : selon la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), le nombre de locuteurs actifs dépasse les deux millions. Le créole réunionnais, langue première de plus de 80 % de la population réunionnaise, est ainsi la langue régionale la plus parlée de France.

Il est essentiel de rappeler que cette proposition de loi concerne exclusivement l'outre-mer, comme le spécifie son titre. Cela s'explique par une différence cruciale : dans l'Hexagone, les langues régionales ne sont majoritairement pas pratiquées à la maison, alors que, dans les territoires d'outre-mer, elles sont dans la majorité des cas la langue maternelle.

En tant que coprésidente du groupe d'études sur l'illettrisme – l'autre coprésident, M. Perceval Gaillard, est d'ailleurs réunionnais –, je suis bien consciente des chiffres alarmants constatés dans certains territoires d'outre-mer. Jusqu'à 40 % des adultes y ayant suivi une scolarité normale dans une école française peuvent se trouver en situation d'illettrisme, alors que ce taux est inférieur à 10 % dans l'Hexagone.

Lors des auditions, les spécialistes ont été unanimes : l'apprentissage de deux langues dès la maternelle améliore les résultats scolaires. En Polynésie, par exemple, alors que l'enseignement des langues régionales est généralisé dans toutes les écoles, les quelques écoles publiques POM – il s'agit d'écoles primaires où certaines matières sont enseignées en langue régionale – qui ont doublé le temps consacré à la langue régionale obtiennent, sans aucun biais social, de meilleurs résultats aux évaluations de français et de mathématiques. Il convient en effet de distinguer l'enseignement de la langue régionale d'avec l'enseignement en langue régionale portant sur d'autres matières. Cette dernière approche, immersive, peut favoriser une meilleure maîtrise linguistique et un attachement plus profond à la culture locale tout en contribuant à une meilleure performance académique générale. L'exemple de la Polynésie démontre que dans l'enseignement du premier degré, cette méthode nécessite peu de moyens humains supplémentaires : il n'y a toujours qu'un enseignant par classe et toutes les académies ont déjà lancé des programmes de formation pour que les enseignants s'approprient ces nouvelles pédagogies. Il est également possible d'organiser des échanges de services au sein de l'école ou de la circonscription si l'enseignant ne maîtrise pas suffisamment la langue régionale.

L'apprentissage ou l'utilisation des langues régionales est donc essentiel pour améliorer les résultats scolaires et réduire le décrochage scolaire qui aboutit parfois à l'illettrisme. Des études montrent les avantages cognitifs du bilinguisme, notamment du point de vue de la mémorisation, de la compréhension et de la flexibilité cognitive.

L'objectif de cet enseignement dépasse la simple transmission de compétences linguistiques. Il vise à ancrer les enfants dans leur identité culturelle locale tout en leur offrant les outils nécessaires pour naviguer efficacement dans une société où le français est souvent la langue de l'éducation formelle et celle des affaires. En dissociant mieux la langue maternelle du français, les enfants peuvent acquérir une compréhension plus profonde de la diversité linguistique qui les entoure.

Malgré les nombreuses avancées législatives et réglementaires récentes, il est nécessaire d'accélérer et d'amplifier les initiatives déjà lancées. Cette proposition de loi vise à renforcer l'article L. 371-3 du code de l'éducation. En commission, nous avons trouvé ensemble un compromis de réécriture générale de l'article 1er afin que « l'enseignement des langues et des cultures régionales […] [soit] proposé dans toutes les écoles maternelles et élémentaires », car c'est à ce niveau scolaire que se joue l'avenir du parcours des élèves.

Dans le second degré, il existe diverses possibilités pour poursuivre ces apprentissages, soit en choisissant la langue régionale comme LVB – langue vivante B –, soit en la prenant en option. Cependant, l'approfondissement de l'apprentissage des langues régionales au collège et au lycée reste un défi. En Martinique, par exemple, plus de 80 % des collèges offrent la possibilité d'étudier le créole, mais seulement 14 % des collégiens le choisissent. Peu d'élèves choisissent la langue régionale comme LVB, préférant la prendre en option, mais beaucoup l'abandonnent à la première difficulté scolaire, souvent sous la pression de parents qui n'en voient pas la nécessité. Pour remédier à cette situation, une meilleure communication auprès des familles est nécessaire pour expliquer les bénéfices cognitifs et culturels du bilinguisme pour leur réussite scolaire.

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera ce texte.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR – NUPES et LIOT, ainsi que sur les bancs des commissions. – M. Frantz Gumbs applaudit également.

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La présente proposition de loi a pour objet central la « meilleure réussite scolaire des élèves ultramarins » et, au fond, le véritable problème qui la sous-tend est l'état du système éducatif dans les territoires d'outre-mer. Aux évaluations à l'entrée en sixième, les scores des départements d'outre-mer sont tous, sans exception, largement situés sous la moyenne nationale. Tous les indicateurs scolaires y sont au rouge.

Madame la ministre, comment expliquez-vous ces écarts de performances ? Comment justifiez-vous le fait que ces écarts, qui se retrouvent évidemment dans les chiffres de l'orientation et in fine dans le chômage des jeunes, aient pu s'enkyster littéralement depuis des décennies ? Ne voyez-vous pas ce que ces écarts signifient dans l'ordre symbolique pour nos compatriotes d'outre-mer ? Où croyez-vous que se forgent les violences qui émaillent régulièrement la vie des sociétés ultramarines ? Dans le laisser-aller, dans l'indifférence, dans une forme, j'ose le dire, de mépris objectif de la part des ministres successifs.

Revenons-en à la question linguistique. Il est affirmé dans l'exposé des motifs que la maîtrise des langues régionales serait de nature à favoriser la réussite scolaire et à réduire le décrochage. Le bilinguisme serait, du point de vue cognitif, un puissant stimulant, et faciliterait grandement l'acquisition des connaissances enseignées dans les écoles, les collèges et les lycées.

Disons ici d'emblée que le groupe Rassemblement national est partisan de la promotion de l'enseignement des langues régionales, constitutives de la culture des territoires d'outre-mer comme il l'est aussi de celle des régions métropolitaines de la République. Nous estimons en effet que l'identité nationale du peuple français se construit aussi par un enracinement dans les traditions patrimoniales locales, y compris linguistiques. Nous n'opposons donc en rien l'apprentissage du français et de la littérature française à l'apprentissage des langues vernaculaires.

Les évaluations pédagogiques réalisées dans les écoles Diwan en Bretagne ou dans les écoles franco-basques, comme dans toutes les écoles bilingues, corroborent l'affirmation des rédacteurs de la proposition de loi selon laquelle des élèves bilingues sont plus agiles intellectuellement que leurs camarades non bilingues.

Il existe cependant une différence notable en matière linguistique entre des élèves d'école basques, par exemple, et des élèves d'écoles situées dans les territoires d'outre-mer, car les jeunes ultramarins ne maîtrisent qu'imparfaitement la langue nationale, le français, qui est pour eux une langue seconde, comme l'indiquent clairement leurs résultats aux évaluations nationales et internationales. C'est pourquoi nous considérons que cette proposition de loi comporte une légère lacune car son objectif, une meilleure réussite scolaire, ne peut se réaliser qu'en renforçant également l'enseignement du français.

Nous estimons indispensable de considérer la question de la réussite scolaire des jeunes ultramarins, puisque c'est le sujet, à la fois de manière différenciée et d'un point de vue plus global. Chacun sait, par exemple, que Mayotte et la Guyane sont confrontées à une immigration incontrôlée qui déstabilise le système éducatif de ces départements.

Exclamations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.

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Par exemple, à Mayotte, les cours doivent être dédoublés dans la journée, exactement comme dans certains pays du tiers-monde. Le bâti scolaire est totalement dépassé et insuffisant dans ces deux départements.

En fait, pour ces deux départements, que l'on peut considérer comme sinistrés du point de vue éducatif, il faut un plan d'urgence global incluant des mesures d'ordre pédagogique, parmi lesquelles votre texte trouve toute sa place, mais aussi des dispositions concernant les infrastructures, la gestion du personnel enseignant, sa formation au contexte spécifique, ainsi qu'un pilotage renforcé et dédié, au plus près des besoins des territoires outre-mer. Les départements et régions des Antilles et de La Réunion devraient eux aussi bénéficier d'un plan de remise à niveau doté de moyens renforcés.

C'est d'ailleurs ce que prévoit le programme présidentiel de Marine Le Pen avec, en particulier, dans le domaine linguistique, le doublement des moyens des centres académiques pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (Casnav). Nous prévoyons également le renforcement des moyens dédiés aux élèves non scolarisés antérieurement, ainsi que le développement d'internats éducatifs.

Votre proposition de loi ne répond donc, selon nous, qu'en partie à ce qu'exigerait la situation de l'école outre-mer. Pour en revenir à la question strictement linguistique, nous estimons donc qu'il faut en quelque sorte, comme je l'ai dit en commission, marcher sur deux jambes, et renforcer l'enseignement du français dans les écoles et établissements des collectivités d'outre-mer concomitamment au renforcement de l'enseignement des langues régionales.

Les rédacteurs de la proposition de loi soulignent à juste titre que l'enjeu de la réussite scolaire est aussi, in fine, l'intégration des jeunes dans le tissu économique, qu'il soit régional, national ou international. Le taux de chômage des 15-24 ans dans les territoires d'outre-mer varie d'un département à l'autre de 40 % à 52 % ; cela est intolérable. La maîtrise de la langue française est la condition sine qua non de l'insertion des jeunes dans le tissu économique.

Ce texte est toutefois un pas dans la bonne direction, monsieur le rapporteur. Ce pas, nous le franchirons avec vous.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. le rapporteur applaudit également.

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Si la France est indivisible, elle est multiple. De l'Hexagone jusqu'à l'Océan indien, ses habitantes et ses habitants sont riches d'une culture commune qu'ils ont construite depuis plusieurs siècles et de ces cultures locales qui font la particularité de notre nation, et dont les langues font évidemment partie. Si à La Réunion, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à Mayotte, on parle le français, bon nombre de leurs concitoyennes et concitoyens ont un autre idiome pour langue première. Je précise que je préfère parler de langue première plutôt que de langue régionale. D'ailleurs, quand les élections européennes sont au cœur de l'actualité politique, ne pourrait-on pas dire que le français est lui aussi une langue régionale en Europe ?

Cette proposition de loi vise à donner aux enfants ultramarins la possibilité d'apprendre à l'école cette langue première car bien maîtriser cette langue maternelle, c'est donner à ces enfants l'opportunité d'approfondir leur culture tout en leur permettant de mieux maîtriser la langue française.

Vous le savez sans doute, la promesse égalitaire de notre République n'est pas tenue dans les académies d'outre-mer. Pour s'en persuader, il suffit d'observer la situation à Mayotte : des milliers de jeunes non scolarisés, des classes bondées, l'absence de cantine scolaire, un bâti scolaire délabré, des écoles vétustes où l'eau potable même fait défaut. Je vous le dis, les académies ultramarines ne peuvent pas être les oubliés de la République. Pour rappel, en 2023 encore, les évaluations de niveau montraient des écarts considérables puisque 21,5 % des élèves entrant en sixième à La Réunion avaient une maîtrise insuffisante ou fragile du français, 25 % à la Martinique, 28,7 % en Guadeloupe, 44,2 % en Guyane et 75,4 % à Mayotte,…

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…contre 13,3 % au niveau national.

Le rapport de la Cour des comptes sur le système éducatif dans les académies ultramarines du 10 décembre 2020 explique que, si nous devons répondre à la forte revendication à l'égalité de traitement des élèves dans ces territoires, il faut néanmoins que l'éducation nationale apprenne à y appliquer différemment certains dispositifs. À travers cette proposition de loi, il nous est proposé d'utiliser les langues premières pour tenter d'y remédier. Il y a plus de dix ans, la loi pour la refondation de l'école de la République a inscrit la possibilité du recours à ces langues pour l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Cela s'est traduit dans le code de l'éducation par la formulation suivante : « des approches pédagogiques spécifiques ». Nous devons désormais préciser le type de pratique qui permettra de les appliquer, en l'occurrence l'apprentissage des langues premières.

Dans les académies ultramarines, des enfants vivent dans des communautés multilingues et ce n'est qu'à l'école qu'ils découvrent le français. Ce décalage de connaissance aboutit souvent à des résultats d'apprentissage médiocres, à des redoublements et à l'abandon scolaire. Pour bien faire, il faut aussi valoriser la langue parlée dès la petite enfance car cela permettra au jeune d'être reconnu dans son identité. Il est également nécessaire de mettre l'accent sur la formation des enseignants et sur la production de matériel didactique.

Surtout, il est indispensable d'améliorer les mobilités dans ces territoires et les conditions de vie de leurs habitants. Nous le savons, en France, l'origine sociale a un impact important sur la réussite scolaire, or nos compatriotes ultramarins scolarisent un nombre bien plus important que l'Hexagone d'enfants issus de milieux modestes.

Pour conclure, nous devons tout faire pour relever le défi que représente la lutte contre ces inégalités scolaires récurrentes qui débouchent nécessairement sur des inégalités sociales et économiques entre les habitants des territoires ultramarins et ceux de l'Hexagone. Ici comme à l'autre bout du monde, ainsi que le soutient le sociologue François Dubet, l'égalité scolaire est un enjeu de survie pour la démocratie.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES. – M. le rapporteur applaudit également.

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Ainsi que nous l'avons déjà exprimé en commission, Les Républicains se félicitent que notre assemblée se penche sur les problèmes ultramarins, trop souvent relégués au second plan. Alors que certains de nos concitoyens d'outre-mer s'interrogent sur l'opportunité de leur appartenance à la République, il est indispensable que nous démontrions que nos débats et nos décisions ne se limitent pas à l'Hexagone. C'est l'objet de la proposition de loi que nous examinons.

Monsieur le rapporteur, comme plusieurs collègues l'ont fait remarquer en commission, la proposition de loi souffrait initialement d'une difficulté majeure, celle de l'applicabilité au vu de nos moyens, difficulté qui aurait pu faire de votre texte une simple proposition de loi d'appel, sans effets tangibles.

Il est heureux que ce ne soit pas le cas, et que le texte ait pu être retravaillé en commission. Cette proposition de loi porte sur le sujet crucial de la reconnaissance et de l'intégration des langues régionales d'outre-mer dans notre système éducatif. Loin de n'être qu'un sujet symbolique, la bonne articulation de ces langues natales et du français dans le système éducatif est une des conditions de l'épanouissement de nos enfants dans ces territoires.

Pouvoir bénéficier d'un enseignement dans sa langue maternelle facilite l'intégration et la formation des jeunes enfants. On l'a dit, c'est un outil indispensable pour lutter contre l'illettrisme et le décrochage scolaire.

Ce texte renforce la préservation de ces langues qui font partie du patrimoine immatériel français, cet héritage culturel qui fait la richesse de notre pays. La réussite scolaire et l'intégration à la nation de ces enfants sont également en jeu.

Par ce texte, nous renforcerons sensiblement l'enseignement des langues régionales ultramarines dans les écoles maternelles et élémentaires. Cette avancée majeure, c'est la vôtre, monsieur le rapporteur, cher Steve Chailloux, et la vôtre, cher Frédéric Maillot qui êtes à l'initiative de cette proposition de loi. Le groupe Les Républicains est heureux de s'y associer en la votant. Comme lors du vote de la loi Molac, nous serons à vos côtés, en restant toutefois particulièrement vigilants, madame la ministre, aux modalités du décret d'application de ce texte qui sont attendues et qui restent à définir.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES. – M. le rapporteur applaudit également.

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Je remercie le groupe Démocrate de m'avoir confié la parole sur ce sujet important qui me tient à cœur. Les langues régionales sont une richesse indéniable de notre République car elles portent une culture, une histoire et des traditions dans les territoires où elles sont parlées et, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, elles font partie du patrimoine de la France.

Dans les territoires ultramarins, plus encore qu'en France hexagonale, la diversité linguistique est une réalité : cinquante-quatre des soixante-quinze langues reconnues comme « langues de France » sont issues de ces territoires, dont une trentaine sur le seul territoire de Nouvelle-Calédonie et une douzaine en Guyane. Ces différentes langues sont couramment pratiquées dans la sphère sociale et la vie quotidienne et elles sont transmises dans le cadre familial. Dans la plupart des cas, la langue française s'est ajoutée aux langues parlées dans ces territoires et la langue d'usage est la langue maternelle.

Dans ce contexte de bilinguisme ou de plurilinguisme, la langue française, si elle est connue, entendue et qu'elle est la langue de la République, n'est pas toujours maîtrisée par les élèves, notamment lors de leur entrée à l'école. Ainsi, je viens d'une île où, au sein de la population, l'anglais saint-martinois est plus parlé que le français. Le plus souvent, les élèves évoluent dans un environnement familial et socio-culturel non francophone et ils n'utilisent presque jamais le français en dehors de l'école. Du point de vue de l'élève, ce bilinguisme se traduit par la cohabitation d'une langue maternelle ou première et de la langue française, qui n'est d'abord que la langue de scolarisation. Une telle situation n'est pas favorable à la réussite scolaire.

Pour illustrer ces propos, permettez-moi de vous donner ici deux chiffres qui viennent des services de l'éducation nationale pour Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. En 2021-2022, dans un des trois collèges de Saint-Martin, à peine 4 % des élèves utilisaient le français dans leur famille, là où 62 % utilisaient l'anglais, 16 % l'espagnol et 19 % le créole haïtien.

Deuxième chiffre : trois quarts des élèves de CP ne parlent pas le français en dehors de la classe. Rendez-vous compte ! Comme le soulignait, en 2021, le rapport d'information sur l'enseignement de la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, l'illettrisme est trois fois plus important aux Antilles et à La Réunion que dans l'Hexagone.

Or l'illettrisme se trouve souvent à l'origine du décrochage scolaire, qui est un des axes prioritaires de la politique éducative dans les territoires d'outre-mer. Il s'agit donc d'une question centrale. En ce sens, l'enseignement des langues et des cultures régionales présente une importance particulière dans les territoires ultramarins car il favorise le lien entre l'environnement familial et social, et le système éducatif.

Oui, la possibilité d'enseigner les langues vivantes régionales dans tous les établissements scolaires, sur les territoires concernés, et tout au long de la scolarité, est déjà inscrite dans la loi. Toutefois, dans la pratique, comme l'a souligné le rapporteur Steve Chailloux, l'offre d'enseignement en langue régionale est encore très modeste et la demande souvent assez faible.

Or le groupe Démocrate est convaincu que la langue régionale est un facteur de réussite, qui peut constituer un pont vers la langue française. Il est persuadé de l'intérêt de ce texte et soutient donc l'idée de renforcer l'apprentissage de ces langues, dans le premier degré d'abord, par souci d'efficacité et de rapidité dans la mise en œuvre du dispositif, mais aussi parce qu'on connaît l'apport de l'apprentissage précoce des langues vivantes régionales à la réussite des élèves.

Je suis un fervent partisan de la contextualisation des programmes et des méthodes d'éducation. Selon moi, la proposition systématique d'enseignement des langues et des cultures régionales dans toutes les écoles maternelles et primaires des académies d'outre-mer permettra de mieux tenir compte des spécificités des territoires, d'améliorer le rapport des élèves à l'école et de favoriser une meilleure réussite scolaire.

Comme l'affirmait notre collègue Sophie Mette en commission, l'apprentissage des langues régionales peut même améliorer l'apprentissage d'autres matières. Par exemple, certains élèves pourraient mieux comprendre les mathématiques ou l'histoire, si ces matières leur étaient enseignées dans la langue régionale.

Renforcer l'enseignement des langues et des cultures régionales, c'est donc permettre une meilleure réussite scolaire et se donner les moyens de mieux lutter contre l'illettrisme et le décrochage scolaire. Telle est la portée de ce texte, en faveur duquel le groupe Démocrate votera.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LFI – NUPES, SOC et LIOT.

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La langue française est un véritable joyau du patrimoine de notre pays, un élément fondamental de partage et de cohésion nationale. Elle est notre langue nationale et officielle, inscrite dans la loi fondamentale. En effet, la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 a ajouté à l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 la précision que la langue de la République était le français. La Constitution se réfère à la langue, qui est une chose évolutive. Toutefois, le Conseil constitutionnel a rappelé que l'usage d'une terminologie ou le bannissement de certains mots ne pouvaient être imposés qu'aux personnes morales de droit public ou aux personnes privées dans l'exercice d'une mission de service public. Il n'y a donc pas de police de la langue.

Tout autant que le français, les langues régionales reflètent notre histoire, notre attachement aux traditions et aux coutumes, et incarnent la nécessité de préserver des identités locales. Les langues régionales de France ont été officiellement reconnues comme faisant partie intégrante du patrimoine national depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Elles ne sont pas simplement des vestiges historiques ou des curiosités locales ; elles représentent un bien commun, une richesse culturelle indéniable qui nous rappelle des histoires séculaires multiples, par-delà le rapport de l'abbé Grégoire de 1794 sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française. Cette reconnaissance formelle souligne l'importance de préserver et de valoriser ces langues, qui constituent des vecteurs essentiels de notre identité collective et de notre mémoire historique.

Chaque année, plus de 120 000 élèves s'initient aux langues régionales à l'école, grâce à un enseignement extensif qui leur est dédié. Ces cours se déroulent sur des plages horaires hebdomadaires spécifiques, permettant aux élèves de se familiariser avec les langues régionales et de s'immerger dans leur culture locale, et même familiale. En outre, un enseignement bilingue reposant sur une parité horaire entre le français et la langue régionale est également proposé, offrant une expérience d'apprentissage équilibrée et approfondie. Ce modèle éducatif permet non seulement de préserver ces langues mais aussi de les transmettre aux générations futures, contribuant ainsi à leur pérennité et à leur vitalité.

Depuis plusieurs années, notamment depuis la loi du 21 mai 2021, la législation française s'est ainsi résolument engagée en faveur de la protection et de la promotion des langues régionales. Cette loi constitue une avancée majeure car elle intègre dans le code du patrimoine l'existence d'un patrimoine linguistique composé de la langue française et des langues régionales. Par cette reconnaissance officielle, le législateur élève ces langues au rang de trésor national, affirmant leur valeur inestimable pour notre patrimoine culturel.

Le groupe Horizons et apparentés partage donc l'idée selon laquelle les cultures régionales, dont les langues régionales sont une part importante, sont un ensemble de trésors qui constituent une véritable richesse pour l'ensemble du pays. Je remercie le rapporteur Steve Chailloux, ainsi que Frédéric Maillot pour son témoignage en commission. Ce moment très fort a fait comprendre, à ceux qui ne l'avaient pas compris, l'importance de cette proposition de loi pour que tous les enfants puissent étudier dans leur langue maternelle. Le travail en commission a aussi permis de trouver un accord pour conserver l'équilibre constitutionnel, car il existait un risque d'inconstitutionnalité. Tous les groupes se sont mobilisés pour éviter ce risque. Nous pensons que le législateur doit créer les conditions favorables à la promotion et à la pérennité des langues et des cultures régionales, dans le respect de nos principes républicains et de la Constitution, en particulier de ses articles 1er et 2. En conséquence, le groupe Horizons et apparentés votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et GDR.

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Je remercie M. le rapporteur Steve Chailloux, ainsi que M. Frédéric Maillot pour cette initiative et leur engagement constant pour la défense des langues territoriales. Pour aider, soutenir et développer nos langues, il est urgent de mener une politique volontariste.

Il existe plus de soixante-dix langues dans notre pays, en particulier dans les territoires d'outre-mer. Ces langues sont d'une richesse exceptionnelle puisqu'elles font partie de notre patrimoine ; elles en sont également le véhicule. En effet, nos langues sont un moyen fort de transmission et de cohésion. Elles sont la porte d'entrée de l'histoire locale et des mémoires collectives, mais elles représentent aussi une riche compétence socio-économique.

Préserver nos langues territoriales, dont l'appartenance au patrimoine français est garantie par la Constitution, et permettre qu'elles continuent à être parlées, comprises, transmises, c'est aussi préserver nos diversités locales, qui sont les fondations d'une France riche dans son unité. Il convient de ne pas renvoyer dos à dos le français et les langues territoriales, les secondes faisant partie du premier, et l'ensemble concourant à la richesse de notre patrimoine culturel.

Le développement des langues territoriales ne portera donc pas atteinte à l'existence du français – bien au contraire. Permettez-moi de reprendre les propos de notre collègue Castellani dans l'hémicycle, au moment de la discussion de mon amendement au projet de loi d'orientation agricole, qui visait à permettre l'enseignement des langues territoriales dans les lycées agricoles : les langues ne s'annulent pas, elles se multiplient.

Si le créole, le basque, l'occitan, le corse ou le breton venaient à disparaître, ce ne serait pas uniquement préjudiciable pour les territoires d'outre-mer, le Pays basque, le Béarn, la Corse ou la Bretagne, mais pour la France tout entière car ces langues font partie de notre patrimoine commun. La diversité linguistique de la France, la première d'Europe, est une richesse. Les jeunes générations y sont particulièrement attachées. Ainsi, favoriser l'apprentissage des langues territoriales – d'autant plus si c'est au bénéfice de la réussite scolaire – est une bonne chose.

Dans le cadre du groupe d'études « Langues et cultures régionales », nous avons eu l'occasion d'entendre plusieurs jeunes nous raconter leur scolarité. Leur récit confirme les arguments de cette proposition de loi : oui, maîtriser des langues, territoriales comme étrangères, permet une meilleure réussite scolaire. En effet, la langue n'est pas seulement un moyen de communication, elle est porteuse d'une culture et d'une vision singulière du monde. Dans le cadre scolaire, la reconnaissance accordée à la langue dans laquelle évolue l'enfant donne une plus forte légitimité à son statut d'élève. L'interaction entre les langues est considérée comme un bienfait dans les milieux privilégiés ; cette chance doit être offerte à tous, en dépassant les préjugés de classe, d'origine ou de territoire.

Les jeunes attendent que l'apprentissage des langues territoriales soit sécurisé par la loi. Nous avons aujourd'hui l'occasion de poser une nouvelle pierre, de faire un nouveau pas vers la reconnaissance et la promotion de notre diversité linguistique sur l'ensemble du territoire français. La préservation et la transmission des langues sont un combat de tous les jours, à l'école, dans la société et dans nos institutions. Il est temps de ratifier enfin la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et LIOT.

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Il est temps de mettre à leur juste place les langues territoriales dans les examens du diplôme national du brevet (DNB) et du bac, mais aussi dans la formation des enseignants. Jusqu'à présent, vos prédécesseurs à ce ministère sont restés sourds à ces demandes. C'est à ce titre que je soutiens sans réserve l'appel à la mobilisation du collectif « Pour que vivent nos langues » qui aura lieu samedi 1er juin.

Enfin, à ceux qui, par jacobinisme forcené, ont empêché que nos prénoms – comme le mien, par exemple – soient correctement orthographiés et reconnus, et qui ont trouvé judicieux de dénoncer, en saisissant le Conseil constitutionnel, l'article 2 de la loi Molac visant à reconnaître les signes diacritiques, je dis que non, le tilde sur mon prénom n'est pas un affront à la République !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. – M. Paul Molac applaudit également.

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À ceux qui considèrent que l'apprentissage et la transmission de nos langues montrent une défiance envers la République, comme j'ai pu l'entendre la semaine dernière, nous répondons que nos territoires font l'histoire de notre nation et que nous serons plus forts que votre obscurantisme rabougri.

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Je suis un député français, fier d'être basque et béarnais, béarnais et basque, mais qui ne maîtrise pas la langue de ses grands-parents et de ses parents, du fait d'un défaut dans l'enseignement proposé, mais aussi de l'ombre du régime franquiste qui en a interdit l'usage. Ce député peut vous dire qu'il s'agit d'un déchirement et d'une douleur au plus profond de soi, comme si une pièce manquait dans sa construction personnelle et parfois même un sentiment de honte.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Mme Karen Erodi applaudit également.

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Pour que vivent nos langues, nous voterons ce texte. Je vous remercie.

L'orateur remercie en béarnais et en basque.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – De nombreux députés de ce groupe se lèvent pour applaudir.

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Je remercie les orateurs pour leurs discours qui reflétaient le ton et l'ambiance des débats en commission,…

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…c'est-à-dire une approche bienveillante, qui dépassait la tentation des postures politiciennes stériles : nous faisons preuve d'apaisement, d'honneur, de respect et de dignité.

Applaudissements sur tous les bancs.

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Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

L'une d'entre vous a évoqué le refus de l'exotisation des langues vivantes régionales. Cela est depuis longtemps dépassé : plus personne n'évoque ce sujet dans mon ministère. Nous sommes persuadés que les langues de France constituent un atout important pour notre patrimoine et notre capacité à acquérir une meilleure maîtrise des savoirs fondamentaux. Je m'en suis remise à la sagesse de l'Assemblée sur cette proposition de loi, fort bien exposée par le rapporteur, parce qu'il me semble que son objet est déjà satisfait par la loi Molac qui dispose que la langue régionale est enseignée dans les écoles, les collèges et les lycées, sur tout ou partie des territoires concernés. Je m'interroge donc sur l'apport de votre proposition de loi, même si le Gouvernement partage pleinement les objectifs que vous avez soulignés.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et GDR.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

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La parole est à M. Frédéric Petit, inscrit sur l'article 1er .

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Je voudrais à nouveau témoigner de mon expérience personnelle, car je suis confronté au multilinguisme et au plurilinguisme au quotidien.

Tout d'abord, je rappelle, parce qu'on l'oublie trop souvent et que les jeunes générations ne le savent peut-être pas, que le plurilinguisme de l'Union européenne n'a pas été une décision subie, mais le fruit d'un choix politique des années 1990 – ceux qui ont mon âge s'en souviendront. À l'issue d'un long débat, alors que l'Union européenne se construisait petit à petit, il a été décidé qu'elle compterait vingt-quatre langues officielles, afin d'éviter le recours à l'anglais ou l'espéranto – qui avait espéré à cette occasion faire son grand retour. Parmi ces langues, il y a le gaélique, par exemple, et il existe, au sein de l'Union européenne, le métier de traducteur allemand-gaélique.

Je rebondis ensuite sur le magnifique témoignage que nous avons entendu tout à l'heure. Un de mes copains, en Égypte, disait : « On ne parle pas une langue, on l'habite. » Quand on parle plusieurs langues, on habite un espace plus grand. On entend souvent que le plurilinguisme est une richesse ; je crois que c'est aussi une nécessité. Comme j'ai coutume de le dire dans les réunions publiques, la biodiversité est aussi utile à la planète que la « linguo-diversité » à l'humanisme et à la démocratie. Certaines choses s'expriment mieux dans une langue que dans une autre, et le plurilinguisme permet de mieux appréhender la réalité. Dans le monde troublé dans lequel nous vivons, le plurilinguisme, loin d'un simple confort, est une véritable nécessité.

M. Frantz Gumbs applaudit.

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Sur l'article 1er , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Si vous en êtes d'accord, mes chers collègues, je vais mettre aux voix l'article 1er sans attendre le délai réglementaire de cinq minutes.

Assentiment.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 53

Nombre de suffrages exprimés 53

Majorité absolue 27

Pour l'adoption 53

Contre 0

L'article 1er est adopté à l'unanimité.

Applaudissements sur tous les bancs.

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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 3 .

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L'article L. 312-11-2 du code de l'éducation dispose que « dans le cadre de conventions entre l'État et les régions, la collectivité de Corse, la Collectivité européenne d'Alsace ou les collectivités territoriales régies par l'article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées […] dans le but de proposer l'enseignement de la langue régionale à tous les élèves. »

Cet amendement de coordination juridique vise à préciser que cela se fait sans porter atteinte aux « approches pédagogiques spécifiques […] prévues dans l'enseignement de l'expression orale ou écrite et de la lecture au profit des élèves issus de milieux principalement créolophone, amérindien ou mahorais. » – une disposition prévue à l'article L. 371-3 du code de l'éducation.

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Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement n° 3 est adopté.

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La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir les amendements n° 8 et 7 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Dus à notre collègue Philippe Naillet, ils tendent à allonger le délai dans lequel le rapport prévu à l'article 1er bis doit être remis au Parlement afin que les conséquences de l'article 1er puissent être correctement évaluées – l'amendement n° 8 tend à l'allonger de dix-huit à vingt-quatre mois, l'amendement n° 7 à faire courir le délai de dix-huit mois non à partir de la promulgation de la loi, mais de la publication des décrets d'application de l'article 1er .

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Le délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi paraît suffisant car le rapport n'a pas vocation à dresser un bilan de l'application de la loi, mais seulement à présenter l'ensemble des dispositifs en vigueur et à en mesurer les effets. Si cela se révélait pertinent, il pourrait également contenir la présentation de l'application de la loi dans le premier degré, mais ce n'est pas son objectif premier. Avis défavorable.

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Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Sagesse.

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Monsieur Echaniz, vous proposez de reporter de quelques mois la remise du rapport dont nous avons adopté le principe en commission. Je comprends votre crainte – les décrets d'application se font parfois un peu attendre – mais, comme l'a rappelé le rapporteur, ce rapport n'a pas vocation à mesurer les effets de l'application de la loi dans les écoles, d'autant que dans certaines académies d'outre-mer, comme en Polynésie, ce dispositif est déjà appliqué. L'objectif est de recenser les méthodes appliquées dans les différentes académies ultramarines et d'évaluer leurs effets, afin d'encourager toutes les autres académies à imiter celles où le développement de l'enseignement des langues régionales est gage de réussite pour les élèves. Partant, allonger de quelques mois le délai de remise du rapport ne me semble pas nécessaire : je m'abstiendrai sur l'amendement n° 8 et voterai contre l'amendement n° 7 , qui me semble excessif.

Les amendements n° 8 et 7 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Les amendements n° 4 , 5 et 6 de M. le rapporteur sont rédactionnels.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

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Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Sagesse.

Les amendements n° 4 , 5 et 6 sont successivement adoptés.

L'article 1er bis, amendé, est adopté.

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Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance et Gauche démocrate et républicaine – NUPES de demandes de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

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La parole est à M. Rodrigo Arenas, pour soutenir l'amendement n° 1 , portant article additionnel après l'article 1er bis .

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Adopter une loi, c'est bien ; l'appliquer, c'est mieux ! Cet amendement vise à s'assurer que les écoles maternelles et primaires ultramarines disposeront des moyens nécessaires pour proposer effectivement aux élèves qui le souhaitent un enseignement en langue régionale. Pourrez-vous nous en dire un mot, madame la ministre ?

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…car nous sommes bien conscients que le développement de ces formations et des supports pédagogiques adaptés nécessitera des moyens importants. Il faudra que l'État communique rapidement à ce sujet après l'adoption du texte.

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Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Je n'émettrai pas le même avis que vous, monsieur le rapporteur.

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Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Ne soyez pas si déçu, monsieur Bernalicis : le rapport prévu à l'article 1er bis détaillera évidemment l'ensemble des moyens mobilisés pour atteindre les objectifs de la proposition de loi. Un second rapport ne me paraît pas utile, et j'émettrai donc un avis défavorable.

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Je suivrai l'avis de la ministre : mesurer les moyens supplémentaires nécessaires sera d'autant plus compliqué que la majorité des professeurs des écoles qui dispenseront cet enseignement – car aucun poste spécifique ne sera créé à cette fin –, recrutés localement, maîtrisent déjà bien la langue régionale et n'auront pas besoin de suivre la formation permettant d'y être habilité. En outre, cette formation – par ailleurs rapide, et le plus souvent dispensée en dehors des heures d'enseignement – se confondra avec celles déjà suivies chaque année par les professeurs du premier degré. Les moyens devront être davantage orientés vers le développement de manuels et, plus largement, d'outils pédagogiques, encore très peu nombreux. Ce sujet pourra être abordé dans le cadre du rapport prévu à l'article 1er bis .

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Nous voterons cet amendement qui permet de rappeler à l'État qu'il a une obligation de moyens pour assurer l'application de loi. Augmenter le nombre d'heures dédiées à l'enseignement des langues régionales – notamment le créole – et le nombre d'élèves concernés suppose de former des professeurs, définir des horaires, préparer des évaluations : c'est une organisation complexe, et prévoir un délai de six mois pour l'évaluer semble nécessaire. Au-delà de l'aspect purement technique, cette disposition nécessite d'engager des moyens financiers importants, faute de quoi le texte serait rapidement vidé de sa substance. Le groupe Rassemblement national sera donc attentif à ce que l'État remplisse son obligation.

L'amendement n° 1 est adopté.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.

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La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour soutenir les amendements n° 9 et 11 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Si vous le voulez bien, je présenterai également les amendements n° 12 , 13 et 14 , madame la présidente, car tous sont des demandes de rapport.

Nous ne disposons ni d'un bilan des dispositifs existants ni d'étude d'impact du texte – je ne vous en fais pas grief, monsieur le rapporteur, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi. Aussi les rapports demandés dans les amendements n° 9 , 11 , 12 et 14 visent-ils à établir une cartographie claire des établissements proposant l'enseignement d'une langue régionale en outre-mer et du nombre d'élèves concernés, et le rapport demandé dans l'amendement n° 13 a-t-il pour objet d'évaluer les effets de la loi.

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L'amendement n° 12 de M. Pierre Cazeneuve, qui vient d'être défendu, fait l'objet d'un sous-amendement n° 16 .

La parole est à Mme Béatrice Piron pour le soutenir.

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Il vise à étendre le champ du rapport demandé par notre collègue Cécile Rilhac – qui a travaillé sur les langues régionales dites maternelles – à La Réunion, probablement l'île où sont parlées le plus grand nombre de langues régionales maternelles – …

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…parmi lesquelles celle de l'auteur de la proposition de loi –, ainsi qu'à la Guadeloupe et à la Martinique.

En outre, il me semble que cette évaluation pourrait être intégrée au rapport déjà prévu par l'article 1er bis .

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L'amendement n° 13 , que M. Cazeneuve a également défendu, fait l'objet d'un sous-amendement n° 17 .

La parole est à M. Roger Chudeau, pour le soutenir.

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Si nous souscrivons au principe d'un rapport évaluant les bénéfices linguistiques de l'enseignement des langues régionales sur les résultats obtenus par les élèves du premier degré en français, le délai de douze mois pour sa remise au Parlement nous semble tout à fait insuffisant. Nous plaidons pour un délai de vingt-quatre mois.

Il faut en effet laisser le temps aux élèves de pratiquer les langues régionales avant de procéder à une évaluation. Dans l'éducation nationale, on a pour habitude d'estimer que les conséquences d'une réforme ne se mesurent qu'au bout de plusieurs années – jusqu'à une dizaine – car il faut pouvoir les analyser toute une cohorte d'élèves.

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L'amendement n° 14 , de M. Pierre Cazeneuve, précédemment défendu, fait l'objet d'un sous-amendement n° 15 .

La parole est à Mme Béatrice Piron, pour le soutenir.

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Il s'agit d'une correction rédactionnelle, la proposition de loi employant le mot « métropole » alors que « hexagone » est plus approprié.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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J'émets un avis défavorable sur l'ensemble des amendements et sous-amendements puisque ces données seront présentées dans le rapport désormais prévu par le texte.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Même avis que le rapporteur. Le rapport demandé à l'article 1er bis présentera les diverses pratiques outre-mer et évaluera leur impact sur la réussite des élèves. Il s'agira donc d'un rapport complet, qui nous permettra également d'évoquer la question des moyens.

Par vos amendements, vous demandez quel est le nombre d'élèves suivant les enseignements de langues régionales outre-mer, le nombre d'établissements proposant des enseignements en langues régionales dites maternelles, par exemple. Ces éléments figureront aussi dans le rapport.

En outre, une simple question écrite au ministère de l'éducation nationale nous permettra de vous répondre immédiatement, sans qu'il soit besoin d'établir un nouveau rapport.

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En effet, l'adoption de l'article 1er bis répond à nos requêtes. De plus, les excellents arguments du rapporteur et de la ministre me conduisent à retirer les amendements, et ainsi nous pourrons examiner plus rapidement les textes suivants.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.

Les amendements n° 9 , 11 , 12 , 13 et 14 sont retirés. En conséquence, les sous-amendements n° 16 , 17 et 15 tombent.

L'article 2 est adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 82

Nombre de suffrages exprimés 82

Majorité absolue 42

Pour l'adoption 82

Contre 0

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.

Applaudissements sur tous les bancs. – Les députés du groupe GDR – NUPES, ainsi que plusieurs députés des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES et quelques députés du groupe RE se lèvent pour applaudir.

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Il est interdit de filmer dans l'hémicycle, cher collègue, je me permets de vous le rappeler.

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C'est original ! J'espère que vous me montrerez la vidéo !

La parole est à M. Steve Chailloux, rapporteur.

Les députés du groupe GDR – NUPES applaudissent debout. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES – M. Rémy Rebeyrotte applaudit également.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Fabien Roussel et plusieurs de ses collègues, visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l'assurance maladie (2643, 2519).

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La parole est à M. Fabien Roussel, rapporteur de la commission des affaires sociales.

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Chaque année, le 8 mars, nous célébrons la Journée internationale des droits des femmes. Je me souviendrai longtemps de celle de l'an passé. Des femmes, atteintes d'un cancer du sein, nous ont interpellés, notre collègue Yannick Monnet et moi-même.

Elles étaient en colère. À leur souffrance, à leur détresse physique et morale, s'ajoutaient d'angoissantes difficultés financières. Nous leur avons promis d'agir et d'inscrire ce sujet à l'ordre du jour de nos travaux. C'est chose faite.

Le cancer du sein meurtrit profondément les femmes ; il les atteint dans leur chair, dans leur intimité, dans leur féminité, dans tous les rapports qu'elles ont avec la société, dans leur couple comme dans leur vie professionnelle. Une femme sur huit affronte l'épreuve au cours de sa vie. « Le 22 juin, j'étais seule quand l'oncologue m'a détaillé le protocole de soins à venir », nous a raconté Marie-Noëlle. Elle poursuit : « Début juillet, démarrage de la chimio, puis opération : mastectomie totale et curage axillaire. Pas de prothèse. Ça fait vide… »

Oui, le cancer du sein est le cancer des femmes, même si 1 % des diagnostics concernent les hommes. Chaque année, 60 000 femmes de plus sont touchées par cette maladie, dont on guérit heureusement de plus en plus souvent, mais qui reste le cancer féminin le plus meurtrier, provoquant plus de 12 000 décès par an.

En 2023, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) recensait plus de 700 000 femmes vivant avec un cancer du sein. Parmi elles, beaucoup expriment des craintes de ne pas pouvoir assumer les dépenses non prises en charge, dont le niveau est variable, mais qui s'élèvent à plusieurs centaines d'euros, voire davantage – certains malades nous ont parlé de 1 300, voire 2 500 euros de restes à charge lors des auditions.

L'attente est donc immense pour venir à bout de telles injustices, des injustices en contradiction avec le statut protecteur des affections de longue durée (ALD). L'assurance maladie parle de prise en charge intégrale du traitement mais, en réalité, il reste de nombreuses lacunes.

C'est à cela que s'attaque cette proposition de loi qui vise la prise en charge par l'assurance maladie des soins liés au traitement du cancer du sein. L'article 1er , dans sa version adoptée à l'unanimité par la commission, garantit une meilleure prise en charge de nombreuses dépenses liées à ce cancer. Il s'agit de l'ensemble des participations forfaitaires, forfaits et franchises, souvent angoissantes pour les plus précaires. Ils ne seront plus applicables, ce qui représente au minimum une économie de plus de 100 euros par an pour les patientes.

Il s'agit également de la prise en charge intégrale des prothèses capillaires, quels que soient leur catégorie et leur tarif, et du remboursement du renouvellement des prothèses mammaires au bout de dix ans. Plus largement, l'ensemble des soins et des dispositifs prescrits, dont les soins de support, seront pris en charge intégralement par les organismes d'assurance maladie.

La liste sera définie par décret et nous vous proposons, par amendement, d'associer à sa rédaction les associations de malades, les associations d'aide aux victimes du cancer et les médecins spécialistes. C'est très important car de nombreux restes à charge proviennent d'achats de produits qui ne sont pas prévus dans le panier de soins, bien qu'ils soient prescrits et souvent indispensables. Désormais, quand ils seront prescrits, ils seront remboursés.

Il s'agit par exemple des brassières postopératoires ou compressives, des mousses mobilisatrices que l'on utilise en cas d'œdème du sein, du thorax, ou de lymphœdème au niveau du bras, des manchons pour le lymphœdème chronique qui peuvent coûter jusqu'à 100 euros, également non pris en charge alors qu'ils sont, je le répète, indispensables.

En cas de reconstruction, les soutiens-gorge postopératoires ne sont pas plus pris en charge. Or, ils peuvent coûter 70 euros le premier mois et la patiente doit les porter vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il en faut donc deux, ce qui représente une dépense de 140 euros.

Les patientes les plus précaires renoncent à certains soins ou produits qui s'avèrent trop onéreux. C'est le cas des soins de support, dont la liste est pourtant établie par l'Institut national du cancer : activité physique adaptée (APA), consultations de diététique, suivi psychologique ou encore soins de socio-esthétique, indispensables pour les patientes, mais non remboursés par l'assurance maladie.

Prenons l'exemple de l'APA dont nous parlons beaucoup tous les ans lors de l'examen du budget de la sécurité sociale : alors que son efficacité sur les risques de récidive est scientifiquement démontrée, elle n'est pas remboursée par la sécurité sociale, même lorsqu'elle est prescrite par un médecin.

Or il faut compter 40 euros par séance, pour une dizaine de séances au minimum, soit 400 euros supplémentaires à la charge de ces femmes. En l'absence de remboursement, les professionnels de l'APA sont parfois des charlatans – tout le monde peut proposer cette activité puisqu'elle n'est pas remboursée – qui exercent auprès de femmes déjà affaiblies par la maladie.

Elles ont exprimé leur colère lors des auditions : « Si on avait une pilule dont il est démontré qu'elle réduit le risque de cancer, serait-elle remboursée ? Bien sûr que oui ! Alors pourquoi on ne rembourse pas l'APA ? »

C'est tout cela que l'article 1er prévoit de prendre en charge, tant que les soins sont prescrits par un médecin. Le signal envoyé aux malades et à toutes les associations qui se mobilisent à leurs côtés est donc très clair : nous allons réparer l'injustice que vous vivez ; nous allons vous accompagner et l'argent ne sera pas un frein à vos chances de guérison et de reconstruction après le cancer.

C'est un pas considérable mais il en reste un à franchir, celui qui concerne les dépassements d'honoraires pour des soins réalisés dans le secteur privé, en l'absence d'offre accessible dans le secteur public. C'est le cas pour la chirurgie de reconstruction après l'ablation du sein, pour laquelle les dépassements d'honoraires atteignent 5 000 euros par sein – soit 10 000 euros pour un résultat symétrique. Il en est de même de la reconstruction de l'aréole, sur le mamelon, également considérée comme de la chirurgie esthétique. Elle coûte cher, et n'est pas prise en charge.

Devant de telles sommes, dont la dépense est vécue comme une injustice flagrante, beaucoup de femmes renoncent aux soins. Ainsi, Marion, frappée par un cancer du sein à 38 ans, est dans l'incapacité de faire face aux dépenses de reconstruction mammaire : « Comment peut-on avancer dans la vie ? Comment tourner la page ? » s'indigne-t-elle légitimement. « On a associé mon opération de reconstruction à de la chirurgie esthétique. Or je veux juste me reconstruire, pas avoir une poitrine de bimbo ! J'ai 38 ans, je pense que j'ai le droit de bénéficier d'une reconstruction sans avoir à me battre ; j'ai assez donné pendant la maladie. »

Ces dépassements d'honoraires sont bien sûr le résultat de politiques de santé publique qui ont abouti à la création de déserts médicaux. Est-ce aux patientes de payer l'absence de régulation de l'offre médicale sur le territoire ? Non, bien sûr !

C'est pourquoi je regrette que la prise en charge intégrale des dépassements d'honoraires que nous avions prévue ait été supprimée en commission. Je comprends que c'est parce qu'il s'agit d'un poste de dépenses important. Il l'est pour les patientes atteintes du cancer du sein, mais aussi pour beaucoup de nos concitoyens atteints de maladies graves, qui ont besoin de spécialistes ou de chirurgiens.

C'est pourquoi j'appelle notre assemblée à trouver des réponses adaptées pour le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). La présidente de la commission, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, a proposé de lancer une mission d'information sur les dépassements d'honoraires et je l'en remercie. Je souhaite que la mission fasse des propositions et que nous puissions les étudier dans les prochains mois.

Malgré tout, dans la rédaction qui vous est soumise, cette proposition de loi est une avancée importante pour toutes les femmes atteintes de cancer du sein. J'espère que cette proposition de loi, humaine et juste, pourra être adoptée ce soir et poursuivre son chemin vers le Sénat, puis revenir à l'Assemblée pour y être adoptée définitivement.

J'espère que, d'ici à quelques mois, nous pourrons faire connaître cette grande nouvelle aux 700 000 femmes concernées et inquiètes. J'espère, tout simplement, que nous n'aurons plus jamais à entendre ce que l'on nous a confié lors d'une audition : « Entre se soigner ou se nourrir, il faut choisir. » Votons ce texte qu'attendent avec impatience les femmes atteintes d'un cancer du sein.

Les députés du groupe GDR – NUPES applaudissent debout. – Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Caroline Abadie applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion sur la proposition de loi visant à la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l'assurance maladie ;

Discussion de la proposition de loi constitutionnelle tendant à la création d'une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer ;

Discussion de la proposition de loi visant à réduire la précarité sociale et monétaire des familles monoparentales.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra