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Intervention de Jérôme Guedj

Séance en hémicycle du jeudi 30 mai 2024 à 15h00
Constitutionnaliser la sécurité sociale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Guedj :

Je tiens à remercier sincèrement notre collègue Pierre Dharréville de nous permettre de débattre de la sécurité sociale autrement que par le seul prisme de son financement. L'examen de la loi de financement de la sécurité sociale auquel nous procédons chaque année tend en effet à nous le faire oublier : c'est en partant des principes et des besoins que nous devons réfléchir aux moyens que nous allouons.

En tant que socialiste, je partage ce combat pour la défense et la promotion de cette grande et belle institution républicaine qu'est la sécurité sociale, au même titre que notre assemblée ou que les collectivités locales – qui elles, figurent dans la Constitution.

La sécurité sociale concerne toutes et tous. Au sortir de la seconde guerre mondiale, peu après l'ordonnance du 4 octobre 1945 qui l'a créée, Ambroise Croizat déclarait : «Le plan de sécurité sociale est une réforme d'une trop grande ampleur et d'une trop grande importance pour la population de notre pays pour que quiconque puisse en réclamer la paternité exclusive. » Elle est dans notre ADN commun. Quatre-vingts années plus tard, nous sommes toutes et tous les héritiers de cette grande conquête des ouvriers, des travailleurs et des salariés, les héritiers de ce monument politique et historique qu'est la sécurité sociale.

Mesurons ce que les forces républicaines de ce pays ont réussi à construire et à entretenir : 470 milliards d'euros de prestations sont versés chaque année par les seuls régimes de base de la sécurité sociale, répartis dans cinq branches, soit plus que le budget de l'État et l'équivalent de 25 % du PIB. À tous les niveaux, cet héritage est tout bonnement d'une richesse incommensurable pour tous nos concitoyens, lesquels bénéficient chaque jour des prestations assurées par notre effort commun. Je le dis avec solennité : elle est une singularité française et non une anomalie qu'il faudrait invisibiliser.

Pour beaucoup de nos concitoyens, c'est dans la sécurité sociale que se matérialise quotidiennement la devise nationale, Liberté, Égalité, Fraternité, ce qui explique sa mention dans le préambule de la Constitution de 1946. On comprend pourquoi tant de nos concitoyens y sont attachés : quelle autre institution peut se targuer, sondage après sondage, de bénéficier d'un taux de popularité de 85 % ?

C'est surtout l'efficacité de la sécurité sociale qui doit être reconnue. Une étude menée en 2020 par l'Observatoire des inégalités a démontré qu'elle permet de faire baisser significativement le taux de pauvreté : en 2017, celui-ci atteignait 14 % – un niveau déjà trop élevé –, mais il aurait dépassé 22 % sans ce système protecteur. Derrière ces chiffres se trouvent sont autant de personnes âgées ou handicapées, de malades, de chômeurs, de femmes célibataires, d'étudiants. Plus généralement, ce sont toutes celles et tous ceux qui ont besoin de la magnifique idée qu'est la mutualisation des risques au service de la cohésion sociale.

Pour ces raisons, la sécurité sociale est une institution fondamentale de notre république, ce que rappelle avec justesse l'exposé des motifs de cette proposition de loi constitutionnelle. Sa mention dans notre Constitution conférera à son opposabilité un caractère plus effectif, sachant que jusqu'à présent, le juge constitutionnel a fait preuve d'une certaine frilosité à élever les droits sociaux au même niveau que les libertés publiques.

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