Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Béatrice Piron

Séance en hémicycle du jeudi 30 mai 2024 à 15h00
Améliorer la réussite scolaire des jeunes ultramarins grâce à l'apprentissage des langues régionales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Piron :

Je tiens à remercier tout d'abord MM. Maillot et Chailloux pour la qualité des débats et des auditions menés en commission. Ces discussions ont permis d'explorer en profondeur le sujet crucial des langues régionales en outre-mer et les solutions possibles pour améliorer la réussite scolaire.

Grâce à ses territoires d'outre-mer, la France dispose d'une richesse linguistique insoupçonnée. Dans son rapport de 1999 intitulé « Les langues de France », le linguiste Bernard Cerquiglini a recensé soixante-quinze langues parlées par des ressortissants français, dont cinquante-cinq le sont en outre-mer. Les langues créoles en sont un exemple frappant : selon la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), le nombre de locuteurs actifs dépasse les deux millions. Le créole réunionnais, langue première de plus de 80 % de la population réunionnaise, est ainsi la langue régionale la plus parlée de France.

Il est essentiel de rappeler que cette proposition de loi concerne exclusivement l'outre-mer, comme le spécifie son titre. Cela s'explique par une différence cruciale : dans l'Hexagone, les langues régionales ne sont majoritairement pas pratiquées à la maison, alors que, dans les territoires d'outre-mer, elles sont dans la majorité des cas la langue maternelle.

En tant que coprésidente du groupe d'études sur l'illettrisme – l'autre coprésident, M. Perceval Gaillard, est d'ailleurs réunionnais –, je suis bien consciente des chiffres alarmants constatés dans certains territoires d'outre-mer. Jusqu'à 40 % des adultes y ayant suivi une scolarité normale dans une école française peuvent se trouver en situation d'illettrisme, alors que ce taux est inférieur à 10 % dans l'Hexagone.

Lors des auditions, les spécialistes ont été unanimes : l'apprentissage de deux langues dès la maternelle améliore les résultats scolaires. En Polynésie, par exemple, alors que l'enseignement des langues régionales est généralisé dans toutes les écoles, les quelques écoles publiques POM – il s'agit d'écoles primaires où certaines matières sont enseignées en langue régionale – qui ont doublé le temps consacré à la langue régionale obtiennent, sans aucun biais social, de meilleurs résultats aux évaluations de français et de mathématiques. Il convient en effet de distinguer l'enseignement de la langue régionale d'avec l'enseignement en langue régionale portant sur d'autres matières. Cette dernière approche, immersive, peut favoriser une meilleure maîtrise linguistique et un attachement plus profond à la culture locale tout en contribuant à une meilleure performance académique générale. L'exemple de la Polynésie démontre que dans l'enseignement du premier degré, cette méthode nécessite peu de moyens humains supplémentaires : il n'y a toujours qu'un enseignant par classe et toutes les académies ont déjà lancé des programmes de formation pour que les enseignants s'approprient ces nouvelles pédagogies. Il est également possible d'organiser des échanges de services au sein de l'école ou de la circonscription si l'enseignant ne maîtrise pas suffisamment la langue régionale.

L'apprentissage ou l'utilisation des langues régionales est donc essentiel pour améliorer les résultats scolaires et réduire le décrochage scolaire qui aboutit parfois à l'illettrisme. Des études montrent les avantages cognitifs du bilinguisme, notamment du point de vue de la mémorisation, de la compréhension et de la flexibilité cognitive.

L'objectif de cet enseignement dépasse la simple transmission de compétences linguistiques. Il vise à ancrer les enfants dans leur identité culturelle locale tout en leur offrant les outils nécessaires pour naviguer efficacement dans une société où le français est souvent la langue de l'éducation formelle et celle des affaires. En dissociant mieux la langue maternelle du français, les enfants peuvent acquérir une compréhension plus profonde de la diversité linguistique qui les entoure.

Malgré les nombreuses avancées législatives et réglementaires récentes, il est nécessaire d'accélérer et d'amplifier les initiatives déjà lancées. Cette proposition de loi vise à renforcer l'article L. 371-3 du code de l'éducation. En commission, nous avons trouvé ensemble un compromis de réécriture générale de l'article 1er afin que « l'enseignement des langues et des cultures régionales […] [soit] proposé dans toutes les écoles maternelles et élémentaires », car c'est à ce niveau scolaire que se joue l'avenir du parcours des élèves.

Dans le second degré, il existe diverses possibilités pour poursuivre ces apprentissages, soit en choisissant la langue régionale comme LVB – langue vivante B –, soit en la prenant en option. Cependant, l'approfondissement de l'apprentissage des langues régionales au collège et au lycée reste un défi. En Martinique, par exemple, plus de 80 % des collèges offrent la possibilité d'étudier le créole, mais seulement 14 % des collégiens le choisissent. Peu d'élèves choisissent la langue régionale comme LVB, préférant la prendre en option, mais beaucoup l'abandonnent à la première difficulté scolaire, souvent sous la pression de parents qui n'en voient pas la nécessité. Pour remédier à cette situation, une meilleure communication auprès des familles est nécessaire pour expliquer les bénéfices cognitifs et culturels du bilinguisme pour leur réussite scolaire.

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.