…mais surtout d'une main tremblante. Ces réserves faites, venons-en à la principale question : cette proposition de loi est-elle opportune ? Plus exactement, le principe de la protection de la santé, dont la sécurité sociale est l'une des traductions, a-t-il une valeur constitutionnelle ? Nous considérons qu'il existe déjà une protection constitutionnelle ; en l'état, votre rédaction est même contre-productive, parce qu'elle est ambiguë et, à tout le moins, source de confusion.
Selon nous, votre proposition est essentiellement principielle. À cet égard, monsieur Dharréville, permettez-moi de reprendre votre rapport, qui précise à juste titre que « sans mentionner [la sécurité sociale], les dixième et onzième alinéas du préambule accompagnent au niveau constitutionnel l'édification de la sécurité sociale ».
Vous ajoutez qu'elle fait l'objet d'une reconnaissance dans la Constitution. Même si vous jugez cette reconnaissance « discrète, technique, quasi implicite », il n'en demeure pas moins que la sécurité sociale figure dans le préambule de 1946 et qu'elle apparaît explicitement dans l'article 34 de la Constitution de 1958 et implicitement dans les articles 39, 42 et 47-1. De même Conseil constitutionnel exerce sur le respect de cette exigence constitutionnelle un contrôle bien réel, bien que vous l'estimiez insuffisant.
Dès lors, s'il est à tout moment loisible au législateur d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, l'exercice de ce pouvoir ne saurait cependant méconnaître des exigences à valeur constitutionnelle. C'est d'ailleurs sur le fondement même de cette jurisprudence constante que de nombreuses réformes que nous avons défendues n'ont pas fait l'objet d'une quelconque censure par le juge constitutionnel. Je pense notamment à la dernière loi de financement de la sécurité sociale ou au principe d'équilibre financier dégagé par le Conseil constitutionnel, dont on peut déduire que l'équilibre financier d'une institution est le gage de son existence et de sa reconnaissance, et donc, de sa pérennité.
Une fois admis que votre proposition est superfétatoire, le niveau de garantie apporté par la Constitution étant suffisant, le groupe Démocrate observe que la rédaction que vous proposez est plus que contestable. La constitutionnalisation de la sécurité sociale impliquerait la couverture de tout risque par l'assurance maladie obligatoire, ce qui ne laisserait donc plus de place aux assurances maladie complémentaires, dont l'existence est pourtant prévue par les ordonnances de 1945. Par conséquent, votre texte irait à rebours de libertés économiques elles-mêmes garanties par la Constitution.
Par ailleurs, la notion nouvelle d'« institution fondamentale », aujourd'hui dépourvue de définition juridique, reviendrait à instaurer une hiérarchie entre les institutions de la République. Notons que ces mots apparaissent à l'article 16 de la Constitution, relatif à la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels du Président de la République. Vous comprendrez qu'une telle sémantique est de nature à provoquer la confusion.
De la même façon, les missions que vous assignez à la sécurité sociale sont particulièrement mal définies. À titre d'exemple, les termes « membre de la société » ou « besoins » présentent de nombreuses incertitudes juridiques.
Pour ces raisons et compte tenu de ses trop nombreuses fragilités, le groupe Démocrate ne pourra que s'opposer à cette proposition de loi constitutionnelle.