Ce texte vise à ajouter après l'article 1er de la Constitution un nouvel article consacré à la sécurité sociale, sous prétexte que l'institution fondamentale de notre république sociale ne serait pas suffisamment garantie.
Or notre modèle de sécurité sociale est d'ores et déjà protégé à un niveau juridique très élevé, puisqu'il appartient au bloc de constitutionnalité. En effet, comme vous le relevez vous-même monsieur Dharréville, il est consacré par le préambule de 1946. L'alinéa 11 précise que la nation « garantit à tous […] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». En outre, il consacre un « droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Enfin, les principes fondamentaux du droit du travail et de la sécurité sociale sont déterminés par la loi, comme le souligne l'article 34 de la Constitution, lequel mentionne les lois de financement de la sécurité sociale.
Cette proposition de loi constitutionnelle étant déjà satisfaite, on peut s'interroger sur son intérêt. Vous nous dites vouloir protéger notre modèle social, et donc nos concitoyennes et nos concitoyens, mais votre ambition réelle, plus politique, n'est-elle pas de sanctuariser notre système tel qu'il existe aujourd'hui, de le figer pour toujours ?
Si nous sommes tous très attachés à notre modèle de sécurité sociale, nous ne partageons pas la même vision de notre société, de ses évolutions et des dispositifs de solidarité à déployer. Notre système d'assurance maladie en 2024 est bien éloigné de celui qui existait à l'époque d'Ambroise Croizat, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Et pour cause, car notre société a profondément changé. Le système de protection sociale a suivi cette évolution, en prenant en compte la tertiarisation de notre économie, les changements d'habitude, les évolutions sociales et sociétales, les différents modes de vie, le vieillissement de la population ainsi que l'entrée plus tardive dans la vie professionnelle. De la meilleure prise en considération des accidents du travail à la généralisation du tiers payant et à la mise en place du reste à charge zéro – et j'en passe –, ce système a beaucoup évolué ces dernières années. Nous travaillons aujourd'hui au déploiement d'un système de solidarité à la source qui permettra à chacun de nos concitoyens de percevoir automatiquement ses droits sociaux.
Il est révélateur, quant aux doutes que nous exprimons au sujet de votre proposition de loi, que ce ne soit pas le garde des sceaux qui siège au banc des ministres,…