Je remercie le groupe Démocrate de m'avoir confié la parole sur ce sujet important qui me tient à cœur. Les langues régionales sont une richesse indéniable de notre République car elles portent une culture, une histoire et des traditions dans les territoires où elles sont parlées et, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, elles font partie du patrimoine de la France.
Dans les territoires ultramarins, plus encore qu'en France hexagonale, la diversité linguistique est une réalité : cinquante-quatre des soixante-quinze langues reconnues comme « langues de France » sont issues de ces territoires, dont une trentaine sur le seul territoire de Nouvelle-Calédonie et une douzaine en Guyane. Ces différentes langues sont couramment pratiquées dans la sphère sociale et la vie quotidienne et elles sont transmises dans le cadre familial. Dans la plupart des cas, la langue française s'est ajoutée aux langues parlées dans ces territoires et la langue d'usage est la langue maternelle.
Dans ce contexte de bilinguisme ou de plurilinguisme, la langue française, si elle est connue, entendue et qu'elle est la langue de la République, n'est pas toujours maîtrisée par les élèves, notamment lors de leur entrée à l'école. Ainsi, je viens d'une île où, au sein de la population, l'anglais saint-martinois est plus parlé que le français. Le plus souvent, les élèves évoluent dans un environnement familial et socio-culturel non francophone et ils n'utilisent presque jamais le français en dehors de l'école. Du point de vue de l'élève, ce bilinguisme se traduit par la cohabitation d'une langue maternelle ou première et de la langue française, qui n'est d'abord que la langue de scolarisation. Une telle situation n'est pas favorable à la réussite scolaire.
Pour illustrer ces propos, permettez-moi de vous donner ici deux chiffres qui viennent des services de l'éducation nationale pour Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. En 2021-2022, dans un des trois collèges de Saint-Martin, à peine 4 % des élèves utilisaient le français dans leur famille, là où 62 % utilisaient l'anglais, 16 % l'espagnol et 19 % le créole haïtien.
Deuxième chiffre : trois quarts des élèves de CP ne parlent pas le français en dehors de la classe. Rendez-vous compte ! Comme le soulignait, en 2021, le rapport d'information sur l'enseignement de la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, l'illettrisme est trois fois plus important aux Antilles et à La Réunion que dans l'Hexagone.
Or l'illettrisme se trouve souvent à l'origine du décrochage scolaire, qui est un des axes prioritaires de la politique éducative dans les territoires d'outre-mer. Il s'agit donc d'une question centrale. En ce sens, l'enseignement des langues et des cultures régionales présente une importance particulière dans les territoires ultramarins car il favorise le lien entre l'environnement familial et social, et le système éducatif.
Oui, la possibilité d'enseigner les langues vivantes régionales dans tous les établissements scolaires, sur les territoires concernés, et tout au long de la scolarité, est déjà inscrite dans la loi. Toutefois, dans la pratique, comme l'a souligné le rapporteur Steve Chailloux, l'offre d'enseignement en langue régionale est encore très modeste et la demande souvent assez faible.
Or le groupe Démocrate est convaincu que la langue régionale est un facteur de réussite, qui peut constituer un pont vers la langue française. Il est persuadé de l'intérêt de ce texte et soutient donc l'idée de renforcer l'apprentissage de ces langues, dans le premier degré d'abord, par souci d'efficacité et de rapidité dans la mise en œuvre du dispositif, mais aussi parce qu'on connaît l'apport de l'apprentissage précoce des langues vivantes régionales à la réussite des élèves.
Je suis un fervent partisan de la contextualisation des programmes et des méthodes d'éducation. Selon moi, la proposition systématique d'enseignement des langues et des cultures régionales dans toutes les écoles maternelles et primaires des académies d'outre-mer permettra de mieux tenir compte des spécificités des territoires, d'améliorer le rapport des élèves à l'école et de favoriser une meilleure réussite scolaire.
Comme l'affirmait notre collègue Sophie Mette en commission, l'apprentissage des langues régionales peut même améliorer l'apprentissage d'autres matières. Par exemple, certains élèves pourraient mieux comprendre les mathématiques ou l'histoire, si ces matières leur étaient enseignées dans la langue régionale.
Renforcer l'enseignement des langues et des cultures régionales, c'est donc permettre une meilleure réussite scolaire et se donner les moyens de mieux lutter contre l'illettrisme et le décrochage scolaire. Telle est la portée de ce texte, en faveur duquel le groupe Démocrate votera.