C'est aussi le point d'entrée choisi par l'auteur de cette proposition de loi, Frédéric Maillot, que je remercie ainsi que son groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour l'occasion qu'ils nous donnent d'avoir ensemble ce débat.
Pour répondre à cet enjeu, le ministère de l'éducation nationale mène une action résolue en faveur de la promotion et de l'apprentissage des langues régionales, notamment en outre-mer où elles sont nombreuses. Parmi elles, il y a le créole bien sûr, dans toute sa diversité entre les Antilles et La Réunion, mais aussi le shimaoré et le kibushi à Mayotte ou encore le nenge et les langues amérindiennes en Guyane, sans oublier le tahitien et les langues mélanésiennes dans le Pacifique, dont vous nous avez donné un écho, monsieur le rapporteur. Il s'agit là d'une incroyable richesse pour le pays tout entier.
L'enseignement de ces langues vivantes régionales dans le second degré s'appuie sur des professeurs titulaires du Capes ou de l'agrégation de langues régionales, qui comprennent une section créole et une section tahitien. Un pilotage du développement qualitatif des langues concernées est également assuré grâce au conseil académique des langues régionales et au travail de nos inspecteurs, que je tiens à saluer.
Plusieurs textes législatifs et réglementaires protègent et promeuvent les langues régionales tout en organisant leur enseignement, en métropole comme en outre-mer. Je pense bien sûr à l'article L. 312-10 du code de l'éducation qui dispose que « les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage » et que « cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité ».
De même, la possibilité de l'enseignement des langues vivantes régionales dans les établissements scolaires dans les territoires concernés, tout au long de la scolarité, est organisée grâce à l'article L. 312-11-2 du code de l'éducation, introduit par la loi Molac en mai 2021, selon lequel « la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l'enseignement de la langue régionale à tous les élèves ».
Citons encore la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République qui tenait déjà compte des spécificités des territoires d'outre-mer en valorisant l'enseignement des langues régionales. Son article 46, devenu l'article L. 371-3 du code de l'éducation dispose en effet que « dans les académies d'outre-mer, des approches pédagogiques spécifiques sont prévues dans l'enseignement de l'expression orale ou écrite et de la lecture au profit des élèves issus de milieux principalement créolophone, amérindien ou mahorais ».
Enfin, l'application de la circulaire de 2021 a en particulier permis le déploiement des langues vivantes régionales locales – principalement le créole, mais pas uniquement – dans les établissements scolaires, selon différentes modalités, de l'enseignement optionnel au bilinguisme, ainsi qu'à travers de multiples actions et projets concrets dans les cinq départements d'outre-mer. Cette démarche s'effectue, vous l'avez rappelé, en lien étroit avec l'apprentissage de la langue française, voire d'autres langues dans une logique de plurilinguisme.
Grâce notamment à ce corpus juridique complet et dédié, l'accent mis par l'éducation nationale depuis plusieurs années se traduit dans les différentes académies d'outre-mer par le développement fructueux de dispositifs d'enseignement adaptés à leurs contextes spécifiques. Citons le dispositif académique des intervenants en langue maternelle (ILM) en Guyane. Mis en place dès 1998 et pérennisé en 2012, il a précisément pour objectif d'améliorer la maîtrise de la langue française, en valorisant la langue et la culture maternelles. Ces intervenants sont présents dans les classes plusieurs heures par semaine, principalement à l'école maternelle, au côté du professeur, auprès d'enfants linguistiquement et culturellement étrangers à la langue et à la culture françaises.
À Mayotte, les dispositifs « plurilinguisme » et « éveil aux langues » mis en place en maternelle favorisent les échanges avec les familles pour faciliter l'intégration de l'école dans le quotidien. Il s'agit d'augmenter progressivement la place consacrée au français dans la scolarité et de faire découvrir la diversité des langues du monde.
La signature, en novembre 2023, du pacte linguistique entre Rima Abdul-Malak, alors ministre de la culture, et l'ensemble des exécutifs réunionnais témoigne de cette même volonté politique qui ne demande qu'à être soutenue. En effet, ce pacte prévoit de nommer ou de recruter des référents dédiés au secteur linguistique au sein de chaque collectivité, mais aussi de promouvoir le créole réunionnais tant sur le plan linguistique que sur le plan de la création artistique et de sa diffusion.
Mesdames et messieurs les députés, le cadre législatif et réglementaire en vigueur me semble dès lors apporter toutes les garanties nécessaires à l'accès des élèves ultramarins à la langue ou aux langues de leur territoire. Grâce à ce corpus qui protège les langues vivantes régionales et permet le développement d'enseignements adaptés à chaque territoire, au plus près de leur réalité, nous pouvons noter que le taux d'exposition dans le premier degré – qui mesure le nombre d'écoles qui proposent un enseignement en langues vivantes régionales –, certes variable selon les territoires ultramarins, est très élevé dans certains d'entre eux. Les taux les plus bas sont en Guyane – 16,4 % – ou à La Réunion – 17,5 %. En revanche, en Martinique et en Guadeloupe, ils s'élèvent respectivement à 72 % et 76,8 %. Je souhaite soutenir et améliorer ces résultats par un suivi et un pilotage dynamiques de ces langues vivantes régionales.
Vous aurez compris toute l'importance que le Gouvernement attache aux langues régionales dans notre pays. Leur préservation et leur mise en valeur mobilisent pleinement les personnels de l'éducation nationale, qui s'appuient sur une réglementation unique au monde, dans un objectif permanent de réussite de tous les élèves dans tous les territoires. Au vu notamment de ces résultats, permis par le cadre juridique existant, l'évolution de celui-ci ne me paraît pas absolument nécessaire pour atteindre l'objectif que nous partageons pleinement et fixé par cette proposition de loi, alors que l'ensemble des implications de cette modification ne me semble pas avoir été pleinement mesuré – je veux parler de ressources humaines et de leur formation. Le Gouvernement s'en remettra donc à la sagesse de l'Assemblée quant au vote de ce texte.