Face à une proposition de modification de la Constitution, le premier réflexe du groupe Les Républicains est très souvent la prudence, voire la méfiance, parce que nous sommes viscéralement attachés au texte de la Constitution de la V
Cet attachement n'est pas que littéral : il exprime une adhésion franche à un équilibre que la Constitution a su trouver, ainsi que l'attestent sa solidité et sa longévité ; un équilibre qu'il nous faut préserver.
Nous nous méfions également parce que de plus en plus de déclarations incantatoires servent de paravent à l'impuissance publique. Le président Gérard Larcher disait récemment que la Constitution ne doit pas devenir un catalogue, tandis que Simone Veil, en janvier 2009, dans l'avant-propos du rapport du comité de réflexion sur le préambule de la Constitution qu'elle présidait, écrivait : « L'urgence est moins de le compléter que d'en exploiter les richesses par des politiques ambitieuses, actives et concrètes. » Ainsi ferons-nous preuve a priori de prudence.
Cependant, force est de reconnaître que la proposition de loi constitutionnelle défendue par Pierre Dharréville nous étonne et nous amène à nous interroger : la sécurité sociale n'est-elle pas déjà constitutionnalisée ?
Notre système de sécurité sociale est un héritage du programme du Conseil national de la résistance (CNR) et du gaullisme, un socle auquel nos compatriotes sont profondément attachés. Juridiquement, la sécurité sociale est intégrée au bloc de constitutionnalité puisqu'elle est évoquée dans le préambule de la Constitution de 1946, mais elle n'est pas explicitement protégée. Il n'est pas fait référence à la sécurité sociale en tant qu'institution, bien qu'il soit question de sa loi de financement.
Le préambule reconnaît en effet le droit de « tous [à] la protection de la santé, [à] la sécurité matérielle, [au] repos et [aux] loisirs » ainsi que « le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». De ces dispositions, le Conseil constitutionnel a tiré une exigence, celle d'appliquer une politique de solidarité nationale tout en laissant aux législateurs le soin d'en choisir les modalités concrètes. La protection constitutionnelle existe, mais on peut se demander si elle est suffisante.
Depuis quelques années, il est vrai, nous sommes confrontés à des menaces qui fragilisent notre système de protection sociale. J'en veux pour preuve les déremboursements de certains médicaments et soins, mais aussi l'évolution dramatique de la démographie médicale, ou encore les attaques systématiques menées depuis une dizaine d'années contre la politique familiale, qui faisait pourtant consensus depuis des décennies. Ces attaques se sont notamment traduites par la fin de l'universalité des allocations familiales et par les remises en cause du congé parental.
Voilà ce qui nous amène à nous interroger sur la solidité du système de protection sociale et sur l'opportunité de son éventuel renforcement, auquel nous invite cette proposition de loi constitutionnelle. En ce sens, elle est pertinente. Malheureusement, sa rédaction est sujette à plusieurs débats.
Ainsi, la formulation : « Elle assure à chaque membre de la société la protection contre les risques et les aléas de l'existence » pourrait donner lieu à une interprétation trop large. Par ailleurs, en appeler aux principes du service public pourrait rigidifier à l'excès l'organisation et la gestion de notre système de protection sociale.
Enfin, si nous pouvons souscrire à l'idéal exprimé dans la dernière phrase du texte : « chacun y a droit selon ses besoins et y contribue selon ses moyens », nous devons aussi faire preuve de réalisme dans son application, compte tenu des contraintes économiques et sociales auxquelles nous sommes confrontés. Nous aurons l'occasion d'examiner des amendements visant à modifier cette rédaction ; j'espère qu'ils permettront de faire vivre le débat relatif à cette proposition de loi constitutionnelle, dans l'attente du scrutin qui les clôturera.