Vous imaginez bien que cette proposition de loi n'a pas été rédigée sur un coin de table : au contraire, elle a été élaborée avec le concours de juristes. Cela dit, rien ne nous empêche de discuter ses termes ; c'est même pour cette raison que nous sommes là. Ce débat nous intéresse d'autant plus que nous n'avons pas l'ambition de modifier seuls notre Constitution. C'est tout l'intérêt de la délibération parlementaire que de pouvoir affirmer des objections et de débattre de chaque terme d'un texte. Je remercie donc celles et ceux qui ont déposé des amendements à notre proposition de loi.
Aux autres, à qui celle-ci ne convient pas, je souhaite demander ce qu'ils ont à dire sur la sécurité sociale. Un débat à ce sujet me paraît nécessaire, d'autant plus que nous peinons à l'ouvrir dans le cours ordinaire de nos travaux. Après une bataille des retraites qui a laissé des traces, efforçons-nous d'échanger nos visions de la sécurité sociale et les ambitions que nous formulons à son endroit.
Pour certains, la définition de la sécurité sociale que nous proposons est trop large, mais je pense qu'une définition plus précise m'aurait valu le reproche inverse. Des deux possibilités qui s'offraient à nous, rédiger un article assez long, détaillant un certain nombre d'éléments ou rédiger un article aussi concis que possible pour ne s'en tenir qu'aux principes, nous avons retenu la deuxième. Celle-ci nous semblait la meilleure et bien qu'il soit possible de préciser encore notre définition, j'appelle votre attention sur le fait que le choix que nous avons fait laisse aux députés la latitude d'écrire la loi.
Nos divergences portent également sur le fond, ce que je déduis des différentes prises de parole dans la discussion générale. Certains veulent discuter les termes de la proposition de loi, notamment la formule « à chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins », qui n'apparaît ni dans la Constitution ni dans le bloc de constitutionnalité. S'il fallait la remettre en cause, nous devrions à tout le moins en discuter.
J'ai évoqué le bloc de constitutionnalité, qui n'évoque pas la sécurité sociale en tant que telle, mais des principes qui s'y rapportent. Nous considérons que des précisions s'imposent et que les interprétations successives du droit nous invitent à consolider la base juridique de la sécurité sociale.
Je comprends enfin votre embarras à voter contre la constitutionnalisation de la sécurité sociale. Je verrais d'ailleurs un problème à ce que vous n'en exprimiez pas et pourrais alors supposer l'existence de projets avec lesquels notre proposition de loi est incompatible. Si tel est le cas, discutons-en : c'est à mes yeux une exigence démocratique, à laquelle il est maintenant opportun de répondre.
Nous estimons que la protection sociale est insuffisante et nous souhaitons rendre aux droits sociaux, bien souvent sous-interprétés par le juge constitutionnel, leur juste place.
Monsieur le ministre, je vous invite à donner sa chance à notre proposition. Bien sûr, nous ne prétendons pas la présenter dans sa rédaction définitive : c'est à l'issue du parcours parlementaire que celle-ci sera trouvée et qu'une définition partagée de la sécurité sociale pourra être donnée. Nous ne devrions pas renoncer à un tel objectif, de sorte que je vous appelle à poursuivre et à faire prospérer cette discussion.