La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quatorze heures.
Sourires.
Madame la ministre de la culture, le débat public s'est focalisé ces dernières semaines sur la régulation du paysage audiovisuel, sur le respect de l'indépendance des médias et du pluralisme et sur la fiabilité de l'information. Le sujet est la confiance dans l'information. En démocratie, il n'y a pas de liberté d'opinion, pas de liberté d'expression, sans respect de ces principes. Le problème ne se limite pas aux seules chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) et à la presse quotidienne régionale (PQR). L'enjeu va bien au-delà et concerne l'ensemble des médias traditionnels : la radio, la télévision, la presse écrite, les agences de presse et évidemment internet, les plateformes et les réseaux sociaux. Face aux fake news, aux tentatives de déstabilisation et aux manipulations d'origine étrangère, les moyens d'information sont vulnérables – nous venons de le voir avec le scandale des punaises de lit, monté de toutes pièces.
Au moment où vous annoncez votre projet de réforme de l'audiovisuel public, le groupe Démocrate souhaite vous interroger sur plusieurs points. Comment garantir les conditions légales d'une information pluraliste, indépendante et fiable sur tous les canaux de diffusion ? Comment nous protéger contre les manipulations et les ingérences étrangères ? Comment conjurer les risques liés à la concentration des entreprises de presse, à leur logique financière et au poids des Gafa, les géants du numérique, qui sont autant de menaces au droit d'être informé et d'informer et au travail des journalistes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Sourires.
Vous avez raison de rappeler l'importance de la confiance en l'information diffusée par les médias. Toutes les questions que vous posez relèvent, vous le savez, des états généraux de l'information, dont les conclusions seront rendues cet été. Je peux cependant vous présenter les quelques pistes sur lesquelles nous travaillons.
En ce qui concerne les concentrations, il est vital, pour le développement des médias, mais aussi pour la fiabilité de l'information, qu'ils soient soutenus par des groupes industriels. Deux sujets méritent d'être examinés. Le premier concerne les limites du mécanisme de contrôle, aujourd'hui obsolète car il ne prend pas suffisamment en compte les concentrations entre différents types de médias, l'assiette sur laquelle il se fonde étant trop restreinte pour évaluer efficacement le niveau de concentration. Le deuxième sujet est la fiabilité de l'information. La voie que nous explorons est la certification, nous l'avons évoquée avec plusieurs parlementaires.
Le pluralisme, vous le savez, est une liberté fondamentale, rappelée dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Les critères et les modalités d'application de ce texte relèvent de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), que le Conseil d'État invite, dans sa décision du 13 février 2024, à rechercher de nouvelles définitions pour ces critères et ces modalités d'application. Le président de l'Arcom s'est engagé à nous rendre sa copie dans quelques semaines.
Quant à la lutte contre les ingérences étrangères, les pouvoirs de l'Arcom vont être renforcés dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique qui sera bientôt adopté par votre assemblée.
Monsieur le Premier ministre, l'intégralité des aides 2023 de la politique agricole commune (PAC) devait être versée au plus tard le 15 mars : tel était l'engagement que vous aviez pris par écrit auprès des agriculteurs, le 21 février dernier. Le compte n'y est toujours pas !
« Eh non ! » sur les bancs du groupe SOC.
Les remontées font apparaître des situations très différentes selon les départements, illustrant le fossé entre les annonces du Gouvernement et les moyens donnés aux services déconcentrés pour les respecter.
Si les aides par hectare ont effectivement été versées, les aides couplées pour le bio, l'assurance récolte, les compléments protéagineux et les aides fourragères ne sont toujours pas arrivées. Dans le Gers, par exemple, 22 dossiers d'aides au maintien bio seront payés fin mars sur les 582 déposés. Pour les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), 264 dossiers ont été payés sur les 642 déposés, obligeant à des avances de trésorerie alors que les taux d'emprunt à court terme peuvent atteindre jusqu'à 6,5 %.
Résultat, la colère gronde à nouveau dans l'Indre, dans les départements picards et en Occitanie, en particulier en Haute-Garonne et dans le Gers.
La situation demeure chaotique et la confiance en la parole du Gouvernement fragile. Les directions départementales des territoires (DDT) font leur maximum, mais, faute de moyens et d'effectifs suffisants – ils fondent depuis des années –, elles ne peuvent à la fois répertorier les exploitations en difficulté et instruire des dossiers dont elles reconnaissent ne pas être en capacité d'évaluer les délais et les montants. Certains préfets essaient de trouver des solutions au cas par cas et je salue l'action de celui du Gers, qui travaille avec les banques et la Mutualité sociale agricole (MSA) afin d'identifier des mesures pour soutenir les agriculteurs. Mais la situation reste disparate selon les départements.
Monsieur le Premier ministre, faute d'avoir respecté votre engagement, déciderez-vous un moratoire sur le versement des cotisations, des taxes et des charges au niveau national jusqu'au règlement définitif des aides ? Il y va de la crédibilité de la parole politique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Je vous remercie de votre question, qui me permet de faire le point de la situation, et je vous invite à un peu de modestie sur la question des aides de la PAC : quand cette majorité est arrivée en 2017, certains dossiers de la campagne 2015 n'étaient toujours pas payés.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
C'est la réalité.
Le Président de la République et le Premier ministre ont pris l'engagement de solder au plus tard le 15 mars les aides dont le versement a été retardé en 2023, parce que nous étions en première année de programmation et parce que le mécanisme est complexe. L'engagement a été tenu, monsieur Taupiac ; c'est la vérité des prix !
Vous connaissez les mécanismes de la PAC et vous savez que jamais les mesures agroenvironnementales et climatiques, les aides de l'agriculture bio et l'assurance récolte n'ont été payées avant le mois de mars. Rien n'a changé de ce point de vue. Nous avons commencé à verser des aides pour le bio à hauteur de 300 millions d'euros. Sur un peu plus de 9 milliards de la PAC, 7,5 milliards ont été dépensés. Je vous invite à interroger aussi les régions, qui doivent encore payer 800 millions aux agriculteurs. Pour sa part, le Gouvernement est au rendez-vous de la promesse qu'il a faite sur le calendrier des aides.
Pour les dossiers restants – je pense aux mesures agroenvironnementales et climatiques, au bio et à l'assurance récolte –, nous accélérons les procédures autant que faire se peut. C'est le calendrier habituel de la PAC et vous devriez le savoir.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le ministre chargé des comptes publics, dans un contexte inflationniste qui leur aura fait perdre 1,3 milliard d'euros en 2022 et en 2023, les départements, premiers acteurs de la cohérence et de la solidarité territoriales, doivent faire face à de nouveaux transferts de charges non compensés par l'État.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.
Après l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires et les revalorisations salariales découlant du Ségur de la santé, les départements ont découvert, lors du discours de politique générale du Premier ministre, que l'allocation de solidarité spécifique (ASS) serait transférée vers le dispositif du revenu de solidarité active (RSA), sans la moindre concertation.
En Saône-et-Loire, 1 900 personnes seraient concernées, ce qui engendrera une dépense supplémentaire de 14 millions d'euros pour le département.
L'afflux de mineurs non accompagnés pose de plus en plus de problèmes aux départements. Les durées d'accompagnement s'allongent et l'arrivée de jeunes filles enceintes ou déjà mères appelle une adaptation des conditions d'accueil. Toujours en Saône-et-Loire, 320 mineurs étaient accompagnés fin 2023, contre 271 un an plus tôt, ce qui a entraîné une dépense supplémentaire de 1 million d'euros, sans que le département ne bénéficie, là non plus, d'une aide compensatrice de l'État.
« Eh non ! » sur les bancs du groupe LR.
Alors que les budgets des départements sont très contraints par la hausse des dépenses sociales liées à l'inflation, sur laquelle ne sont pas indexées les dotations, l'État prend le risque, en poursuivant ce transfert de charges non compensé, de paralyser l'action de la majorité de ces collectivités, qui ne disposent plus d'aucun levier fiscal.
Afin d'éviter cette situation, quelles sont les modalités de compensation financière à même de rétablir des relations sereines et de confiance entre l'État et les collectivités territoriales, notamment les départements, qui assument 60 % des dépenses sociales imposées par l'État ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC.
Nous partageons votre constat sur la situation des départements, confrontés à une baisse rapide des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Toutefois, ce ne sont pas leur seule ressource…
…et leur situation doit être examinée dans sa globalité. Les départements font également face à une augmentation de leurs dépenses sociales, mais le tableau d'ensemble est très hétérogène. Certains s'en sortent plutôt bien alors que d'autres sont en grande difficulté. Nous constatons une baisse de 39 % de leur épargne. Que faisons-nous face à cette situation ?
Avant d'évoquer les transferts de charges – je sens votre impatience –, je veux rappeler ce que nous avons fait en matière de recettes. La réforme de la taxe d'habitation a eu pour conséquence le transfert d'une part de TVA très dynamique, soit 250 millions de plus à destination des départements. Nous avons créé un fonds de sauvegarde, doté de 106 millions, précisément pour accompagner ceux qui sont en difficulté : quatorze d'entre eux vont en bénéficier. Le fonds de péréquation des DMTO représente quant à lui 250 millions. J'ajoute que les départements ont eux-mêmes anticipé un éventuel retournement des prix de l'immobilier, à hauteur de 1 milliard.
Nous poursuivons le dialogue avec eux au sujet de leur situation financière et des conséquences des réformes engagées, notamment sur le marché du travail. Le Premier ministre a rencontré récemment François Sauvadet, président de Départements de France, pour évoquer avec lui les conséquences de la suppression, en flux, de l'ASS.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Notre combat commun doit être de tout faire pour augmenter l'activité. En favorisant l'emploi, nous réduirons les dépenses sociales des départements.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
« C'est dur pour ces salariés qui ont beaucoup d'expérience et de savoir-faire. Une grande partie a plus de 50 ans. Beaucoup d'entre eux ont eu leur papa ou même leur grand-père qui ont travaillé sur le site. » Tels étaient les mots de Christian Gueth, délégué syndical, après l'annonce de la fermeture de l'usine Duravit à Bischwiller. Celle-ci a été un choc pour l'ensemble des habitants du territoire et surtout pour les 193 salariés concernés. Seule une activité logistique sera maintenue.
Le choc est d'autant plus grand que cette entreprise a bénéficié d'aides fiscales des collectivités et d'une aide régionale de 200 000 euros pour financer l'outil productif. En 2021, les salariés du site ont signé un accord de performance collective (APC) dans lequel la société s'engageait à ne procéder à aucun licenciement économique d'ici 2024. L'engagement n'a pas été tenu. C'est une véritable trahison.
Approbation sur les bancs du groupe SOC.
Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, comment faire pour que les entreprises qui ont bénéficié du soutien de l'État, de l'argent des Françaises et des Français, maintiennent leurs activités en France au lieu de les relocaliser en Allemagne et en Égypte – en dehors de la zone euro –, comme c'est le cas ici ?
Je suis aux côtés des élus locaux, du maire de Bischwiller, Jean Lucien Netzer, et du président de la communauté d'agglomération de Haguenau, Claude Sturni, pour engager la direction de Duravit à revoir sa copie. Nous sommes avant tout préoccupés de voir que l'entreprise ne tient pas ses engagements envers les salariés : le plan social n'est pas à la hauteur.
Mme Christine Pires Beaune approuve.
Comment l'État peut-il nous aider à maintenir les activités sur le site, ou à le réutiliser, et à obtenir un accord digne des attentes des salariés, que je veux saluer, ainsi que leurs familles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La parole est à Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Je vous remercie pour votre question et pour votre mobilisation aux côtés des salariés de cette entreprise et des habitants de Bischwiller. En tant qu'ancienne élue locale, je comprends parfaitement la situation que vous évoquez, c'est-à-dire l'engagement de toute une commune autour d'une entreprise.
Cette entreprise, bien connue de nos concitoyens, fabrique des équipements pour nos salles de bains, notamment des équipements en céramique, et des lavabos. Aujourd'hui, Duravit souhaite délocaliser la production d'équipements en céramique, pour ne garder que la production d'équipements en résine.
Concrètement, pour les salariés, il est certain que cela se solderait par un projet de restructuration qui concernerait 193 postes ; seuls 13 postes seraient créés en parallèle. C'est la première fois que Duravit annonce un plan de sauvegarde de l'emploi. C'est évidemment un traumatisme pour l'entreprise, mais aussi pour toute la commune.
Le ministère du travail peut difficilement intervenir, dans la mesure où les procédures en cours doivent être respectées. J'ai fait le point avec mes services, qui ont validé, depuis le 8 octobre 2023, la mobilisation de l'activité partielle pour la production de céramique.
Un accord de méthode a été signé le 14 décembre dernier. L'objectif est que les négociations en cours portent sur les mesures d'accompagnement des salariés. Certes, le cycle économique doit être pris en compte ; mais, dans tous les cas, il faut trouver le moyen d'aider l'ensemble des salariés à retrouver un emploi.
J'ai demandé aux équipes locales d'être très vigilantes sur les indemnités supralégales et sur les mesures d'accompagnement du reclassement des salariés.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Ma question s'adresse à Mme Rachida Dati, ministre de la culture.
Récemment, un journaliste et éditorialiste reconnu a été écarté de l'antenne de France Info en raison des liens – supposés – qu'il entretenait avec Jordan Bardella.
Dans le même temps, une journaliste, elle aussi reconnue, continue ses interviews matinales sur France Inter, alors qu'elle est en couple – ce qui est, bien sûr, son droit le plus strict – avec l'une des têtes de liste aux élections européennes. Comme le veut la réglementation, cette journaliste se mettra en retrait de l'antenne six semaines avant le scrutin. Il est probable que ce sera la même échéance à France 2.
Toutefois, n'y a-t-il pas deux poids, deux mesures, dans cette histoire ? Où est la cohérence déontologique, dans tout cela ? Y a-t-il d'un côté, les gentils, et de l'autre côté, les présumés vilains ?
Voilà ce qui se passe dans les médias publics. À présent, passons aux médias privés.
L'un des chroniqueurs de « Quotidien », questionné sur l'absence de Marine Le Pen ou de représentants du RN au programme de cette émission, a répondu : « Nous sommes une chaîne privée, nous faisons ce que nous voulons. » Bienvenue à bord !
Il y a quelques jours, un ancien ministre, invité de cette émission, remerciait et saluait le présentateur et toute l'équipe, du fait qu'elle ne recevait pas d'élus de ce qu'il appelait l'extrême droite.
« Quelle honte ! » sur les bancs du groupe RN.
C'est beau, l'ouverture d'esprit.
Madame la ministre, avec l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), comment comptez-vous faire respecter le pluralisme, donc la démocratie et la liberté, afin que la France ne sombre pas dans une démocratie illibérale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Votre question est tout à fait pertinente.
Vous avez raison, en ce qui concerne le pluralisme des médias. Je suis personnellement convaincue qu'il faut éviter le « deux poids, deux mesures ». Pour autant, depuis le 5 juin 2023, Radio France a adopté des règles précises et très strictes, afin de prévenir les conflits d'intérêts et d'encadrer les collaborations extérieures.
J'ai demandé des informations, ce qui justifie votre question : ces règles s'appliquent à l'ensemble des journalistes de Radio France, en amont de toute collaboration, et même de toute discussion. Monsieur Ballard, vous qui avez été journaliste, vous savez que, pour éviter tout conflit d'intérêts, il suffisait qu'un journaliste informe sa direction qu'une collaboration était envisagée.
Cela n'a pas été le cas pour ce que vous évoquez, puisque Radio France l'a appris par la presse. Afin de lever tout doute sur l'existence d'un conflit d'intérêts, Radio France a décidé de suspendre Jean-François Achilli de l'antenne de France Info, à titre conservatoire. En attendant les résultats de l'enquête, il reste rémunéré. Pour l'instant, j'ignore si des mesures seront prises à son encontre. Le cas échéant, j'ai demandé qu'on me les communique.
S'agissant de Léa Salamé, l'information est connue de tous, y compris de sa direction. On m'a indiqué qu'à partir du 15 avril, elle ne mènerait plus aucun entretien politique sur les antennes que vous avez citées.
M. Jérémie Patrier-Leitus applaudit.
Vous avez rappelé la date du 15 avril : le 9 juin, date des élections, n'est pas si loin. La charte déontologique de Radio France, à laquelle vous faites référence, a été écrite, si j'ai bien compris, en juin dernier. Le phénomène n'est pourtant pas nouveau.
Permettez-moi de citer quelques noms de journalistes qui ont collaboré avec des personnalités politiques – ce qui est tout à fait leur droit : Alain Duhamel ; Edwy Plenel ; Jean Michel Djian, de France Culture ; Cécile Amar ; Léa Salamé, qui a écrit des ouvrages d'entretiens politiques ; et Claude Askolovitch, qui a publié un livre d'entretiens avec vous, madame Rachida Dati, en 2007.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sourires.
Mercredi dernier, un jeune homme originaire de La Courneuve, dans ma circonscription, est décédé après avoir été percuté par une voiture de police qui le poursuivait en raison d'un refus d'obtempérer.
Ce jeune homme avait la vie devant lui. Quand donc ces drames cesseront-ils ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et SOC. – Mme Laure Miller s'exclame.
Dimanche, après ce terrible événement, le commissariat de La Courneuve a été attaqué par des tirs de mortiers et des jets de cocktails Molotov.
Je tiens à être claire : je partage l'émotion que suscite le décès de ce jeune homme, mais la colère ne peut pas s'exprimer par la violence. Nous ne voulons pas revivre les émeutes qui ont suivi les morts tragiques du jeune Nahel, et de Zyed et Bouna.
Les habitants sont toujours les premières victimes des émeutes.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Il faut que ces drames cessent. Nous en avons assez de faire le décompte funeste de toutes ces vies brisées.
Nous en avons assez d'adresser nos condoléances à des familles anéanties, en quête de justice. Un refus d'obtempérer ne peut pas causer la mort. La réponse policière doit toujours être strictement proportionnée. La population souffre, les forces de l'ordre aussi.
Il faut refonder la doctrine du maintien de l'ordre, revenir à une utilisation mesurée de la réponse policière et réhabiliter la médiation, qui doit être au cœur de la relation entre la police et la population.
Nous demandons donc le rétablissement de la police de proximité, car celle-ci a fait ses preuves, notamment dans les quartiers populaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Enfin, le ministère de l'intérieur ne peut plus fermer les yeux sur le fléau du racisme systémique, dont les contrôles au faciès sont un triste exemple.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre, allez-vous admettre que la doctrine à l'œuvre dans notre pays ne fonctionne pas ? Allez-vous prendre des mesures pour restaurer le lien de confiance, si affaibli, entre la police et la population ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Madame la députée, quand il y a un mort, c'est toujours un drame, qui nous émeut collectivement.
Dans ce cas, il s'agit d'un jeune qui a refusé d'obtempérer. Il arrive aussi que des policiers et des gendarmes perdent la vie, du fait de ces refus d'obtempérer. Il y en a eu cinq depuis que je suis ministre de l'intérieur, et je regrette que vous n'ayez pas eu un mot pour eux.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – De nombreux députés des groupes LR et RN applaudissent également. – Protestations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Je regrette que le groupe communiste, qui s'est montré jusqu'à présent solidaire des policiers, pose de plus en plus de questions qui ressemblent à celles de La France insoumise.
Exclamations sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Que s'est-il passé à La Courneuve ? Un jeune de dix-huit ans, malheureusement décédé, a refusé d'obtempérer. Nous déplorons tous sa mort. À son âge, ce jeune homme était connu des forces de l'ordre pour plus de quarante faits, dont deux refus d'obtempérer.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chacun constate que cela n'avait rien à voir avec l'ordre public ou avec un supposé racisme systémique dans la police. Par vos propos, vous accusez les milliers de policiers et de gendarmes qui sont blessés chaque année parce qu'ils rétablissent l'ordre républicain.
Deux enquêtes ont été ouvertes, l'une pour un refus d'obtempérer aggravé. Si nous voulons mettre fin aux refus d'obtempérer et à la mort de policiers et de gendarmes, comme de conducteurs de scooters et de voitures, nous devons nous arrêter quand la police nous le demande. Vous devez le dire, en tant qu'élue de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR, LR et RN.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et SOC.
J'avais très bien compris votre question, et je regrette que vous n'ayez pas non plus dit un mot de tous ceux qui ont attaqué des commissariats, des chauffeurs de bus et des policiers, dans la nuit qui a suivi la mort de ce jeune.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, GDR – NUPES et SOC.
Je regrette votre clientélisme, alors que nous devons soutenir les policiers et les gendarmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR et RN. – Vives protestations sur les bancs du groupe SOC.
Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, je tiens à vous interpeller car, aujourd'hui, encore plus qu'hier, la Guadeloupe subit une déferlante de violence insupportable, qui est renforcée par des réseaux venant de la Caraïbe.
Des trafics en tous genres – armes, cocaïne – progressent de façon exponentielle. Les attaques à l'arme blanche succèdent aux agressions par arme à feu ; elles frappent l'île entière et endeuillent quotidiennement les familles. Des jeunes et des commerçants sont tués en pleine rue. Au chômage et à la précarité vertigineuse s'ajoute la douleur.
Il y a eu trente-six homicides en 2023. La réalité est effroyable ! Le nombre d'homicides volontaires enregistré en Guadeloupe dépasse, en valeur absolue, celui qui est constaté dans les agglomérations beaucoup plus peuplées, comme Marseille ou Toulouse : il serait sept fois plus élevé.
Les Guadeloupéens n'en peuvent plus. Cette violence est insoutenable. Face à cette situation, il n'est plus possible de se contenter d'opérations « Déposez les armes ».
Il faut des moyens, comme le réclament les forces de l'ordre : des moyens renforcés, stables et durables.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Comment expliquez-vous que la Guadeloupe ne soit toujours pas dotée d'une brigade de recherche et d'intervention, contrairement aux autres zones de l'Hexagone ?
« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Les magistrats eux-mêmes s'indignent de la disparité des moyens alloués aux forces publiques pour lutter contre la criminalité.
Monsieur le ministre, quand allez-vous mener une véritable politique, afin de stopper cette spirale de violence et de trafic, et, surtout, d'assurer la sécurité de notre jeunesse, de nos mères et de nos pères de famille ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Frédéric Maillot applaudit aussi.
Je vous remercie de m'interroger sur les moyens alloués aux forces de l'ordre dans nos outre-mer. D'abord, permettez-moi de rappeler qu'entre 2017 et 2022, 10 000 effectifs supplémentaires de policiers et de gendarmes sont venus abonder le territoire national.
Pourtant, ils passent moins de temps sur le terrain ! Il faut alléger les procédures !
Ensuite, la majorité a voté la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) qui prévoit le recrutement de 8 500 policiers et gendarmes supplémentaires.
Enfin, 1 700 policiers et gendarmes sont actuellement mobilisés en Guadeloupe. Il faut rendre hommage à leur travail : ils sont sur tous les fronts, que ce soit le trafic d'armes ou de drogue. Je tiens également à saluer leur engagement dans le cadre des opérations « place nette » qui ont déjà permis, depuis le début de l'année, la saisie de 500 kilogrammes de cocaïne et de résine de cannabis.
Vous appelez au renforcement des moyens alloués aux forces de l'ordre. Je tiens à vous rassurer : ils ont déjà été renforcés.
Nous avons créé une antenne de l'Office français antistupéfiants (Ofast) et une antenne du Raid – recherche assistance intervention dissuasion. En matière de renseignement, nous coopérons avec l'île de la Dominique. Cette coopération est essentielle pour sécuriser la zone maritime. Nous avons financé, à hauteur de 13 millions d'euros, l'installation de deux radars qui contribueront également à la sécurité des Guadeloupéens.
En outre, trois des deux cents nouvelles brigades annoncées par le Président de la République seront créées en Guadeloupe, où vous savez combien elles sont essentielles pour la sécurité de la population et du territoire.
Enfin, avec le ministre de l'intérieur et des outre-mer, nous nous rendrons dans quelques semaines en Guadeloupe, où nous annoncerons des mesures importantes visant à doter les forces de sécurité intérieure de moyens supplémentaires.
M. Didier Parakian applaudit.
La parole est à Mme Amélia Lakrafi, à laquelle je souhaite un joyeux anniversaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sourires.
Merci beaucoup, madame la présidente, je suis très touchée.
Je suis heureuse de m'adresser à vous en ce 20 mars, jour où, partout dans le monde, sur les cinq continents, on célèbre la Journée internationale de la francophonie. Bien plus qu'un simple outil de communication, notre langue incarne l'esprit de la francophonie telle que l'ont voulue les pères fondateurs, comme Senghor et Bourguiba : une communauté vibrant au rythme de plus de 320 millions de voix, principalement ancrées en terre africaine, comme le soulignait récemment le Président de la République en déclarant que le bassin du fleuve Congo était l'épicentre de notre espace linguistique.
Cette journée met en avant notre diversité et notre capacité à tisser des liens solides entre les peuples. En étant hôte du 19
Hélas, je constate que la francophonie ne suscite pas l'intérêt qu'elle mérite, et, en tant que présidente de la section française de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), je souhaiterais que les élus eux-mêmes se saisissent davantage de ce sujet.
Face à ce constat, et au-delà de l'organisation de ce sommet, comment envisagez-vous d'impliquer concrètement la France – et plus particulièrement sa jeunesse – dans la redécouverte et l'appropriation de l'esprit de la francophonie ? Comment comptez-vous transformer ce sommet en une véritable célébration populaire, qui reflète l'ouverture, le partage et l'unité que notre langue peut offrir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie et des Français de l'étranger.
Je vous souhaite également un très joyeux anniversaire, madame Lakrafi, ainsi qu'à Mme Louwagie.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LR. – Sourires.
En cette Journée internationale de la francophonie, je vous remercie pour votre question, qui me donne l'occasion de souligner votre engagement et votre travail au service de la francophonie, notamment à travers la mission d'information sur son avenir, dont vous êtes l'une des rapporteurs.
Vous l'avez rappelé, les 4 et 5 octobre prochains, la France accueillera, à Villers-Cotterêts et Paris, le sommet de la francophonie – une première depuis trente-trois ans. Après les Jeux olympiques, ce sera un nouvel événement international majeur, qui réunira, sous la houlette du Président de la République, les quatre-vingt-huit chefs d'État et de gouvernement des pays membres de l'Organisation internationale de la francophonie, cette formidable enceinte de dialogue multilatéral et de coopération dont nous avons bien besoin.
La thématique de ce sommet sera « Créer, innover et entreprendre en français ». Au-delà des discussions entre États, il doit, vous l'avez rappelé, permettre à tous les francophones du monde de se saisir de cette chance extraordinaire que nous avons de parler la même langue. Alors que la société est de plus en plus fracturée et que l'on pointe sans cesse ce qui nous sépare plutôt que ce qui nous rassemble, il est essentiel de se rappeler que nous sommes plus de 320 millions à parler français dans le monde. Ce chiffre est en constante progression, grâce à la démographie, bien sûr,…
…mais aussi à toutes celles et tous ceux qui, partout dans le monde, se mobilisent pour enseigner le français. À cet égard, je tiens à remercier l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), qui compte 580 établissements et 400 000 élèves, ainsi que les instituts français, les alliances françaises et leurs enseignants.
Pour rassembler les francophones et faire de ce sommet une grande fête de la francophonie, nous avons lancé aujourd'hui le Festival de la francophonie, baptisé « Refaire le monde ». Cet événement sera l'occasion d'associer tout le monde à cette belle fête de la francophonie, en France et dans le monde.
Je profite de cette occasion pour saluer et remercier très chaleureusement tous les acteurs des industries culturelles et créatives (ICC) des musiques urbaines, notamment Aya Nakamura, qui fait rayonner la langue française bien au-delà de l'espace francophone.
Exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Didier Parakian applaudit.
Monsieur le Premier ministre, la colère agricole n'est pas éteinte. Les agriculteurs sont toujours fermement opposés aux accords de libre-échange qui mettent la production agricole française en concurrence déloyale avec des produits de faible qualité vendus à bas coût.
M. Raphaël Schellenberger s'exclame.
Demain, le Sénat se prononcera enfin sur le Ceta, accord économique et commercial global de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, dont la plupart des dispositions sont déjà appliquées depuis 2017 alors que près de dix États, dont la France, ne l'ont pas ratifié.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela montre bien à quel point ces accords, conclus en catimini à Bruxelles, bafouent la souveraineté populaire.
Vous savez très bien qu'aujourd'hui, vous n'avez aucune majorité pour autoriser la ratification de cet accord.
Mêmes mouvements.
Déjà, en 2019, le texte n'avait été adopté à l'Assemblée qu'à une courte majorité – la Macronie, seule contre tous. Après cela, comment pouvez-vous assurer aux producteurs, droit dans les yeux, que vous voulez les protéger ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ils ne veulent pas d'un énième accord qui ouvre les vannes à l'importation de viande produite sous antibiotiques et vendue 30 % moins cher que la viande française. Alors que le Canada utilise près de quarante molécules de pesticides interdites dans l'Union Européenne, et malgré la promesse faite par le Gouvernement aux agriculteurs d'en prévoir dans chaque accord de libre-échange, le Ceta ne comporte aucune clause miroir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le Ceta n'est qu'un accord parmi tant d'autres que vous tentez d'imposer : alors même qu'il a annoncé publiquement que la France suspendait les négociations, Emmanuel Macron laisse Bruxelles négocier l'accord sur le Marché commun du Sud (Mercosur).
Avec ou sans clause miroir, les accords de libre-échange tuent notre agriculture.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Si le Sénat s'oppose à la ratification, prenez-vous l'engagement de l'inscrire rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? Notre agriculture ne doit pas être une monnaie d'échange. Dans cette assemblée comme au Parlement européen, La France insoumise s'oppose, et s'opposera toujours, aux accords de libre-échange.
Mêmes mouvements.
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent vivement.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité, de la francophonie…
Sourires.
Vous êtes dans l'idéologie et la posture ; nous, nous sommes dans la réalité des chiffres et des résultats.
Les dispositions du Ceta sont effectivement appliquées, mais à titre provisoire, comme les règles le prévoient. Le traité doit désormais être ratifié :…
…l'Assemblée nationale s'y est montrée favorable, et le Sénat se prononcera demain sur ce sujet. Quand les accords ne nous conviennent pas, nous ne les soutenons pas – c'est le cas avec le Mercosur ;
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
mais lorsqu'ils sont bénéfiques pour notre économie et notre agriculture, nous les soutenons et souhaitons les ratifier.
Depuis l'application provisoire du Ceta, les exportations françaises, tous secteurs confondus, ont augmenté de 33 %,…
…et notre excédent commercial en matière agricole et agroalimentaire a triplé – triplé, madame la députée !
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Christophe Bex s'exclame.
Les exportations de fromages français ont augmenté de 60 %. Le Ceta, c'est aussi la protection de quarante-deux appellations d'origine protégée (AOP), comme le roquefort, les pruneaux d'Agen, ou encore le foie gras de canard du Sud-Ouest cher au rapporteur général du budget.
Sourires.
En 2019, certains craignaient que l'accord menace la filière bovine : il n'en est rien, puisque les cinquante-deux tonnes de viande bovine importées du Canada ne représentent que 0,0034 % du marché français. Et c'est justement grâce aux mesures miroirs, qui interdisent l'importation de produits canadiens nourris aux hormones et aux antibiotiques.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Telle est la réalité !
Alors de grâce, ne prenez pas en otage nos entreprises et nos agriculteurs à des fins idéologiques, et aidez les sénateurs à voter pour la ratification de cet accord bénéfique pour l'économie française.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur de nombreux bancs du groupe Dem.
La réalité, c'est que tous les syndicats agricoles sont opposés à l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Maxime Minot applaudit aussi. – « C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. le Premier ministre et M. le ministre chargé du commerce extérieur font un signe de dénégation.
Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, les manifestants pacifiques qui s'opposent au projet d'autoroute A69 et occupent légalement les zones protégées sont privés d'approvisionnement en eau et nourriture. C'est une violation flagrante des droits fondamentaux énoncés à l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ,
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
qui dispose que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être […] notamment pour l'alimentation […] ».
Malgré les alertes très récentes du rapporteur des Nations unies, Michel Forst, sur la tendance à la hausse de la répression et de la criminalisation des défenseurs de l'environnement en France,…
…vous persistez et, s'agissant du projet d'A69, soumettez forces de l'ordre et corps préfectoral à une politique de tension permanente qui les conduit à enfreindre la loi.
En effet, par un courrier daté du 27 février, j'ai demandé au préfet du Tarn, en ma qualité de rapporteure de la commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute A69, la communication du rapport justifiant la modification des dates de défrichement et de déboisement du bois de la Crémade, qui, contrairement à ce qui est prévu dans l'arrêté d'autorisation environnementale, pourraient commencer avant le 1er septembre.
Brouhaha.
Malgré une relance le 13 mars, cette demande, qui appelle une réponse obligatoire dans un délai raisonnable, est restée sans réponse.
Le brouhaha se poursuit.
Aujourd'hui, vous êtes donc en infraction : l'approvisionnement alimentaire des écureuils s'impose à vous, et l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires vous oblige à me communiquer le rapport demandé. Voici donc ma question – si toutefois le bruit qui règne dans l'hémicycle vous permet de l'entendre, monsieur le ministre :
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR
Vieux de vingt ans, ce projet dans le Tarn et la Haute-Garonne, qui vise à désenclaver une partie du Sud-Ouest de la France d'un point de vue économique,…
…est soutenu par tous les élus ,
« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES
y compris la présidente de la région Occitanie, Carole Delga. Tous les actes contestés devant les tribunaux ont été confirmés, et les activistes – car c'est bien ce qu'ils sont, ceux que vous appelez les écureuils –,…
…déboutés des vingt et un recours qu'ils ont formés contre l'État et les collectivités, donnant raison à ces derniers. Que le préfet de la République et les gendarmes soient pour ou contre le projet n'entre pas en ligne de compte : ils se contentent d'appliquer les décisions rendues par la justice en fonction du droit de la République.
Certains pensent que les décisions individuelles l'emportent sur l'État de droit, les délibérations des collectivités locales et les lois adoptées par le Parlement ; j'espère que vous ne soutenez pas le point de vue des activistes sur ce sujet.
Pour notre part, nous sommes évidemment du côté de l'État de droit, et appliquons donc les décisions de justice. Les personnes perchées dans les arbres se mettent elles-mêmes en danger, et certaines ont été évacuées ; si nous leur livrons évidemment de l'eau,…
Sont-ils incapables de se nourrir tous seuls ? C'est vraiment incroyable !
…il faut qu'elles acceptent la décision de la justice et descendent des arbres. J'attendais d'une députée d'un groupe républicain qu'elle soutienne le préfet, les gendarmes, les élus locaux et les décisions de justice, plutôt que de tenir des discours un peu démagogiques.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Laurent Panifous applaudit également.
Sourires.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Caroline Fiat.
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le gouvernement du Land du Bade-Wurtemberg relatif à la création d'une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin (n° 2141, 2249).
Ce texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je vais le mettre aux voix, en application de l'article 106 du règlement.
Le projet de loi est adopté.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 23 à l'article 1er A.
L'amendement n° 23 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 76 .
Il tend à compléter les dispositions de l'article 1er
La parole est à Mme la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Comme je l'ai dit en commission et lors de la discussion en la première lecture, la Miviludes intervient déjà auprès des élus locaux. Avis défavorable.
La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
L'amendement n° 76 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Clémence Guetté, pour soutenir l'amendement n° 15 .
Il vise à conclure des conventions bilatérales de partenariat entre la Miviludes et les agences régionales de santé (ARS).
Des partenariats existent déjà entre la Miviludes et les ARS. Avis défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
L'article 1er
Il vient d'affirmer que je suis fou ! Vous ne lui dites rien, madame la présidente ?
Non, ce n'est pas ce qu'il a dit. Par ailleurs, je viens de faire un avertissement et je ne vais pas le répéter tout l'après-midi !
L'amendement n° 16 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er BA est adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques de suppression, n° 8 et 25.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 8 .
Deux questions continuent à se poser à propos de cet article. Son champ d'application se limite-t-il aux dérives sectaires ou est-il plus large – auquel cas je m'interroge sur sa présence dans ce texte ? Comment s'articule-t-il avec la législation existante relative à l'abus de faiblesse ? En commission, la rapporteure a affirmé que les deux infractions seraient complémentaires. Est-ce à dire que les cas visés par la nouvelle incrimination ne l'étaient pas par la qualification d'abus de faiblesse ? S'ils l'étaient déjà, ne va-t-il pas y avoir doublon ? Faute d'une réponse claire, nous maintenons cet amendement de suppression.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 25 .
L'article 1er porte un risque d'application abusive, étendue à l'emprise dans le cadre des violences intrafamiliales où s'exercent des états de sujétion physique ou psychologique, ce qui ne me semble pas le but recherché par le texte. En outre, selon la formule souvent usitée par Mme la ministre et Mme la rapporteure, l'objectif de l'article est satisfait : la loi réprime déjà les comportements que la nouvelle infraction entend viser. Il convient donc de supprimer cet article, qui n'a aucune pertinence.
Le débat a déjà eu lieu en commission et à l'occasion de la première lecture. Je le dis une nouvelle fois : cet article est indispensable, car quoi que vous en pensiez, il comble une lacune juridique réelle en créant une nouvelle incrimination attendue avec beaucoup d'impatience par les associations de victimes qui assistent à notre débat. Avis défavorable.
Le nouveau délit représente une avancée décisive dans la lutte contre les dérives sectaires, car il tient davantage compte des spécificités de l'emprise sectaire. En supprimant l'article 1er , vous priveriez l'autorité judiciaire d'un outil utile à la lutte contre les dérives sectaires et laisseriez les victimes sans réponse satisfaisante, s'agissant notamment de l'indemnisation du préjudice. La création d'un nouveau délit permettra aux autorités judiciaires de réagir plus vite, avant que l'emprise sectaire ne dégénère en abus de faiblesse.
Cette proposition est issue des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires. Elle est soutenue unanimement par les associations de victimes et de prévention des dérives sectaires, qui sont présentes en tribune et qui savent, mieux que quiconque, le prix à payer pour une victime qui subit l'emprise sectaire d'un gourou, le temps qu'il lui faut pour se reconstruire et la difficulté du combat. Avis défavorable.
Vous nous faites des réponses de principe. Or nos questions sont précises et ne remettent pas en cause l'opportunité de la création du délit, mais seulement ses modalités. S'étend-il, oui ou non, au-delà des dérives sectaires et s'applique-t-il à d'autres cas ? Diffère-t-il totalement de l'abus de faiblesse existant et comment s'en distingue-t-il ? À ces deux questions, vous ne répondez pas. Les associations approuvent unanimement la mesure, mais à moins de ne servir à rien, les parlementaires sont là pour poser des questions et faire leur travail : nos questions précises méritent des réponses précises.
L'article 1er est adopté.
L'article 1er
Je suis saisie de deux amendements de suppression identiques, n° 9 et 26.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 9 .
Il s'agit d'un amendement de cohérence avec l'amendement de suppression de l'article 1er .
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 26 .
Il relève en effet de la même logique que notre amendement tendant à supprimer l'article 1er . Le droit existant suffit largement à caractériser les situations d'emprise psychique ou psychologique visées par le projet de loi. Voyez ce qui se produit dans le monde du cinéma, où éclatent des scandales impliquant des jeunes actrices et des jeunes acteurs soumis à un état de sujétion psychologique ou psychique de la part d'adultes, réalisateurs notamment. Un arsenal juridique permet déjà de lutter contre de tels abus de position de force d'un individu sur un autre. Pourquoi donc sophistiquer inutilement ce projet de loi dans ce sens ?
Vous l'avez dit, monsieur Coulomme : la logique est la même que pour l'article 1er . Mon avis est donc le même : défavorable.
Même avis.
L'article 2 est adopté.
Je suis saisie de deux amendements de suppression identiques, n° 12 et 27.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 12 .
Nous abordons le sujet des thérapies de conversion. La récente loi du 31 janvier 2022 interdit les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Les circonstances qui ont présidé à son adoption sont les mêmes qu'aujourd'hui : rédaction bâclée et bricolage juridique. Nous vous avions alerté sur les problèmes que nous anticipions et qui ont effectivement surgi puisque nous légiférons à nouveau sur le sujet, en utilisant ce texte relatif aux dérives sectaires. Or, alors que les dispositifs prévus par la loi du 31 janvier 2022 n'ont toujours pas été correctement évalués, son application donne lieu à une fuite en avant et à l'introduction de circonstances aggravantes. Mon propos n'est pas de défendre les thérapies de conversion, mais de veiller à ce qu'en ciblant des pratiques inacceptables, on n'en bride pas d'autres qui auraient leur place dans notre société. D'autres amendements concernent les thérapies de conversion, et votre avis nous intéresse.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 27 .
L'examen de ce texte illustre la manière dont le Gouvernement et le groupe Renaissance légifèrent depuis le début de la législature : pour ne pas grever les finances publiques, les lois adoptées augmentent le quantum de peines.
Cela n'a jamais dissuadé quiconque : aucun délinquant ne s'amuse à se promener avec un exemplaire du code pénal sous le bras et, avant de passer à l'acte, à le consulter pour savoir ce qu'il risque ! Ces mesures sont donc inopérantes ; c'est pourquoi nous réclamons davantage de moyens pour la justice et une meilleure prise en charge des victimes, notamment celles de thérapies de conversion, qui relèvent du crime, non de l'activité sectaire – elles tombent d'ailleurs déjà sous le coup de la loi. Avec cette logique d'alourdissement des peines, si l'on considère un parti comme celui d'en face, favorable à la peine de mort …
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN
…il n'y aurait qu'à appliquer celle-ci à tous les crimes et délits ; puisqu'elle est si dissuasive, personne n'en commettrait plus ! Voyez-vous où se situe l'erreur dans ce raisonnement ? Ça ne marche pas !
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe RN.
Défavorable. Monsieur Breton, il s'agit là de faire de l'abus de faiblesse reposant sur l'état de sujétion de la victime, défini à l'article 1er , une circonstance aggravante de l'infraction relative aux thérapies de conversion. Vous dites que nous n'avons pas légiféré sur ce point auparavant : nous ne pouvions, en 2022, nous référer à des dispositions qui n'existaient pas encore ! Il est d'autant plus important qu'elles soient désormais créées.
Monsieur Coulomme, vous me voyez quelque peu surprise : si ma mémoire est bonne, comme je le crois, votre groupe a voté en commission pour l'amendement concernant les thérapies de conversion. En outre, vous parlez de dépense publique, dont l'article ne fait pas mention.
Même avis. Contrairement à ce que suggèrent ces amendements, messieurs les députés, il ne s'agit pas de modifier les éléments constitutifs de pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre – considérées depuis plus de deux ans comme une infraction –, mais, en toute cohérence, d'instaurer comme circonstance aggravante l'état de sujétion psychologique ou physique, au sens du texte proposé pour l'article 223-15-3 du code pénal, qui vise particulièrement groupements sectaires et bandes organisées. Cet article renforcera donc la protection des victimes de thérapies de conversion.
Monsieur Breton, vous avez déclaré que des thérapies de conversion étaient sans doute mauvaises : je souhaiterais que ne soit pas sous-entendu, dans le cadre du débat parlementaire, qu'il en existe de bonnes. Il n'y a pas, comme les chasseurs, de bonnes et de mauvaises thérapies de conversion ;…
…ou alors, il faudrait m'expliquer la bonne manière d'expliquer à un jeune qu'il se trompe de sexualité et doit renoncer à sa façon d'aimer. Nous devons tous être clairs à ce sujet : encore une fois, que ce soit en principe ou en pratique, aucune thérapie de cet ordre n'est acceptable.
M. Rémy Rebeyrotte applaudit.
Vous faites référence aux questions d'orientation sexuelle, mais ce sont surtout les dispositions de la loi du 31 janvier 2022 relatives à l'identité de genre qu'il nous faut approfondir. Que dit l'exposé sommaire d'un des amendements à l'origine de ces circonstances aggravantes ? « Le présent amendement a pour objet de lever les difficultés d'application de la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Deux ans après la promulgation de la loi, la réponse pénale […] est inexistante, […]. » Vous ne pouvez donc soutenir qu'il n'existe aucun rapport entre elle et ce texte ! Vous vous inscrivez dans la même logique et, au lieu de vous demander pourquoi la loi ne fonctionne pas, vous optez pour la fuite en avant. Les circonstances aggravantes, c'est un moyen, certes ; mais vous n'en refusez pas moins, je le répète, de vous interroger.
Nous retrouvons les mêmes procédés qu'en 2022 : pas d'évaluation préalable de la législation existante, une procédure accélérée, un texte bâclé, si souvent revu que, pour finir, personne n'y comprend rien. C'est pourquoi ce projet de loi sera tout aussi dénué d'effets !
L'article 2 bis A est adopté.
L'article 2 bis est adopté.
L'amendement n° 17 de Mme Ségolène Amiot, tendant à supprimer l'article 2 ter, est défendu.
L'amendement n° 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 ter est adopté.
L'article 2 quater est adopté.
Il a trait à un point dont nous débattons depuis des semaines : ç'aurait été plus court si vous n'aviez pas mal rédigé le texte, nous obligeant à revenir quatre fois sur le même sujet. Jusqu'à présent, lors des procédures judiciaires concernant des dérives sectaires, seules pouvaient se constituer partie civile les associations reconnues d'utilité publique, ce qui suppose une certaine stabilité dans le temps, une masse critique d'adhérents, et la compétence nécessaire pour accompagner les victimes au cours du procès – le meilleur moyen qu'elles aillent jusqu'au bout de leur démarche, puisque, comme nous l'avons encore constaté tout récemment, il n'est guère de gourou dont des victimes, incomplètement libérées de l'emprise, ne se rétractent pas devant le tribunal.
Vous souhaitez remplacer ce système par l'obtention d'un agrément ministériel, qui présenterait moins de garanties ; c'est pourquoi nous souhaitons un double régime, similaire à celui prévu par la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, dont l'article 13 dispose que peut se constituer partie civile « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits dont l'objet statutaire comporte la lutte contre l'esclavage, la traite des êtres humains, le proxénétisme ou l'action sociale en faveur des personnes prostituées », et que si elle est reconnue d'utilité publique, il lui est possible de le faire sans l'accord de la victime. Ce dispositif permet de renforcer la prise en charge des personnes. Hier, à vingt-trois heures vingt, Mme la ministre s'est prononcée, à titre personnel, en sa faveur : si tel est bien le cas, nous sommes prêts à avancer avec vous.
La législation existante, fondée sur la reconnaissance d'utilité publique, garantit le sérieux, l'indépendance et la représentativité des associations admises à se constituer partie civile. Vous proposez, non de compléter, mais de remplacer ce dispositif par la nécessité d'une procédure d'agrément qui, même soumise à des critères, sera moins lourde, moins objective, et accroîtra le risque d'arbitraire, dont aucun soupçon ne saurait pourtant être toléré. Certes, il n'existe à ce jour qu'une association en mesure d'agir, mais plutôt que de la ravaler au niveau de l'agrément, incitez-en d'autres, en travaillant avec elles, à entamer une procédure de reconnaissance d'utilité publique ! Si vous ne le faites pas, c'est que vous cherchez en réalité à mettre ces associations sous tutelle ; ce serait dommage. Ne les opposez pas les unes aux autres : il y a de la place pour tout le monde ! Afin de tenir compte des spécificités de chacune, reconnaissance d'utilité publique et agrément peuvent coexister.
Monsieur Breton, c'est précisément pour éviter ce que vous venez d'évoquer, en d'autres termes un « deux poids, deux mesures » où l'association, selon qu'elle serait munie d'un simple agrément ou reconnue d'utilité publique, paraîtrait plus ou moins apte à l'accompagnement des victimes, que j'émettrai un avis défavorable à ces amendements. Il importe de lisser les choses afin que tout Français puisse recourir à une association, quelle que soit sa situation géographique. Du reste, pour obtenir l'agrément, il ne suffira pas de le demander : seront requis un objet d'intérêt général, la transparence financière, la collégialité, un certain nombre d'adhérents, un contrat d'engagement républicain (CER). Il s'agira donc d'une procédure sérieuse et rigoureuse.
Monsieur Clouet, votre argumentaire me laisse sceptique : l'article prévoit que les associations concernées pourront également se constituer partie civile en vue de défendre les victimes de thérapies de conversion.
Même avis. Ces amendements visent à supprimer, pour certaines associations, la possibilité de se constituer partie civile : je comprends votre démarche, mais son résultat ne serait pas acceptable, puisque l'article vise précisément à accroître le nombre des associations en mesure d'agir. Actuellement, seule l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (Unadfi) est reconnue d'utilité publique et possède donc la faculté d'exercer les droits de la partie civile en matière d'infractions à caractère sectaire. Je partage le souci, exprimé dans l'exposé sommaire des amendements, que des associations ne constituent pas le faux nez de mouvements sectaires : les critères nécessaires à l'agrément tendent à en barrer la route à ces entités malveillantes, tandis que les associations réellement utiles aux victimes pourraient appuyer ces dernières au cours de la procédure – je l'ai rappelé hier, l'accompagnement des victimes constitue l'un des axes de ce texte.
C'est là un drôle de discours, madame la ministre : vous avez donc changé d'avis en quelques heures, puisque vous émettiez hier soir l'idée qu'associations agréées et associations d'utilité publique cohabiteraient tout à fait ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous invite à rester plutôt droite dans vos bottes, à assumer votre opinion, car nous la partageons si bien que nous retirerons l'amendement n° 18 si vous vous engagez à émettre un avis favorable au n° 19, lequel vise à permettre cette cohabitation.
Néanmoins, nous conservons une certaine méfiance au sujet de la capacité des associations à obtenir l'agrément. Des critères que vous avez cités, madame la rapporteure, quel est celui auquel Anticor aurait cessé de satisfaire, pour que son agrément lui soit retiré par le Gouvernement ? Nous ne pouvons donc pas faire entièrement confiance à ce dispositif en vue de la défense des victimes !
Je suis désolée, monsieur Coulomme, Anticor nous éloigne du sujet.
Anticor a été supprimé par la justice…
…et sur la requête de l'un de ses propres membres ; nous ne sommes pas du tout dans le même cadre.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 82
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 40
Contre 42
Il est défendu.
Ces amendements n'ont pas vocation à cibler telle ou telle association. Nous nous intéressons simplement à la procédure de sélection des associations, qui passe soit par l'agrément, soit par la reconnaissance d'utilité publique. En vertu de la liberté associative, les associations sont libres de vivre leur vie et de déposer une demande d'agrément ou de reconnaissance d'utilité publique. Mais la procédure doit être la plus objective et sérieuse possible et apporter toutes les garanties nécessaires.
Nous combattons bien sûr les thérapies de conversion – nous avions d'ailleurs voté la loi de 2022 qui a interdit ces pratiques abjectes. Toutefois, pour des motifs de précaution juridique, nous souhaitons supprimer les alinéas 1 à 3, qui ouvrent une boîte de Pandore. Ils tendent en effet à créer une exception juridique en permettant à une association de se constituer partie civile, même si la victime ne l'a pas demandé, voire ne le souhaite pas. Il convient de respecter la victime, qui doit pouvoir donner son accord, en dernier ressort, à l'association qui souhaiterait se constituer partie civile à sa place.
Nous sommes ici au cœur du sujet. C'est précisément parce que les victimes de thérapies de conversion peuvent être dans un état de sujétion – et nous avons fait un délit des agissements destinés à susciter un tel état – que nous souhaitons accorder aux associations la possibilité de les défendre, y compris sans leur accord. Cette disposition permettra de protéger les personnes soumises à des dérives sectaires ou à une thérapie de conversion et qui, parce qu'elles sont sous état de sujétion, n'ont pas conscience d'être des victimes ; c'est donc pour elles que nous avons souhaité cette modification. Avis défavorable.
Même avis.
Nous avons déjà eu ce débat, d'ailleurs souvent détourné par l'extrême gauche…
…qui voulait donner le sentiment que le Rassemblement national était défavorable à toutes les avancées obtenues ces dernières années en matière de lutte contre les thérapies de conversion. Or, lors de la précédente législature, nos députés avaient bien voté en faveur de ces avancées.
Vous savez bien qu'en matière pénale, même si la victime ne souhaite pas se constituer partie civile ou s'engager dans un procès, le ministère public peut décider de poursuivre ceux qui détruisent moralement des jeunes au motif qu'ils aiment une personne du même sexe – sujet qui nous a mobilisés ces dernières années. La question n'est donc pas de refaire le débat sur la lutte contre les thérapies de conversion, mais de s'assurer que la victime est d'accord sur la constitution de partie civile : il n'appartient pas à une association catégorielle de s'engager dans un procès à la recherche d'une aubaine ou pour se faire de l'argent – tel n'est pas l'objectif.
En outre, si l'on veut permettre à la victime de se reconstruire, il ne faut pas lui forcer la main. Elle doit pouvoir refuser qu'une association soit partie au procès. C'est plutôt en accordant aux associations des moyens supplémentaires pour leur permettre d'accompagner les victimes que nous agirons contre les thérapies de conversion – même s'il y a déjà eu des avancées ces dernières années, qui ont été adoptées, je le répète, avec les voix des députés du Rassemblement national.
L'exposé sommaire de l'amendement, qui avait déjà été défendu en première lecture par le Rassemblement national, insiste sur l'engagement et la sincérité de ce dernier en matière de lutte contre la LGBTphobie. Permettez-moi d'observer toutefois que les votes du groupe et les positions de certains de ses membres, par exemple sur la question des personnes trans, sont parfois très surprenants.
Partons de la réalité. Les thérapies de conversion sont pratiquées sur des personnes qui sont majoritairement mineures. Ces dernières, sous emprise et envoyées suivre ces thérapies par leurs parents, sont dans l'incapacité de se défendre. Si les associations ne peuvent pas se constituer partie civile, les victimes resteront sous emprise. En voulant interdire aux associations de se porter partie civile sans l'accord des victimes, vous ne protégez pas ces dernières ! Dans le cas précis des mineurs, les associations permettent de les protéger. D'une certaine façon, votre amendement revient donc à autoriser les thérapies de conversion ! C'est un grand malheur !
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Nous devrons passer un long moment ensemble, puisque je préside encore ce soir. Essayons de continuer dans le calme.
L'amendement n° 60 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vous informe que sur l'amendement n° 19 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 19 et 34 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 19 .
Puisque nous pouvons avoir fromage et dessert, pourquoi choisir ? Cet amendement ouvre aux associations reconnues d'utilité publique comme à celles qui bénéficient d'un agrément la possibilité d'ester en justice. Il n'existe d'ailleurs pas tant d'organisations ou d'associations qui défendent les victimes de dérives sectaires pour se permettre de déshabiller les unes et ne conserver que celles qui seraient agréées. Ouvrons donc les vannes ! Le projet de loi dispose déjà de peu de moyens et ne porte pas une grande ambition, si ce n'est celle d'augmenter le quantum des peines. Donnons-nous au moins les moyens d'accompagner les victimes et favorisons la prévention en démultipliant le nombre d'associations habilitées à faire le travail que l'État ne fait pas.
L'amendement n° 34 de Mme Béatrice Descamps est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, ne conserver que la procédure de l'agrément permettra de garantir l'égalité territoriale. En outre, conserver les deux régimes – agrément et reconnaissance d'utilité publique – risquerait d'entraîner une hiérarchisation entre les associations.
Pensons d'abord aux victimes : une victime qui se trouverait éloignée d'une association reconnue d'utilité publique serait-elle moins bien défendue par une association agréée plus proche ? Je ne comprends pas votre amendement, d'autant qu'il y a, bien sûr, des garanties. Il n'existe actuellement en France qu'une seule association reconnue d'utilité publique ; elle obtiendra, quoi qu'il arrive, son agrément, c'est une évidence. L'objectif est de garantir l'équité sur l'ensemble du territoire. Avis défavorable aux amendements.
Si je ne suis pas opposée à l'idée de donner aux associations reconnues d'utilité publique – en pratique l'Unadfi – la possibilité de se porter partie civile au même titre que les associations agréées, la rédaction de vos amendements me pose problème. En effet, par l'amendement n° 19 , vous supprimez la possibilité, pour les associations concernées, d'agir contre le nouveau délit de sujétion.
En revanche, en ce qui concerne l'amendement n° 34 de Mme Descamps, dont la rédaction me satisfait plus, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée nationale.
Vous mentionnez, madame la rapporteure, une question de géographie du droit, en expliquant que la victime pourrait se trouver à distance d'une association reconnue d'utilité publique. Toutefois, cet argument ne tient pas puisque, par principe, pour être reconnue d'utilité publique, une association doit avoir un rayonnement qui dépasse le cadre local et intervenir partout dans le territoire. La victime sera donc forcément prise en charge et accompagnée par une association d'utilité publique. Vous avez évoqué l'Unadfi. Prenons cet exemple : elle coordonne une quarantaine d'associations et d'antennes réparties dans l'ensemble du territoire. La crainte que vous mentionnez est donc métaphysique ; elle n'a pas lieu d'être.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce que nous proposons, en revanche, c'est d'élargir le spectre des associations habilitées à se porter partie civile. Pourquoi avez-vous peur d'accroître le nombre d'associations à même de lutter contre la scientologie ou tout autre type de structure sectaire ? Que craignez-vous ?
Sourires.
Vous n'avez pas d'argument rationnel à nous opposer en la matière. D'ailleurs, Mme la ministre déclarait hier, à vingt-trois heures trente, qu'elle était convaincue par notre idée alors qu'aujourd'hui, elle s'en remet à la sagesse de l'Assemblée ! Si je fais durer mon propos une dizaine de minutes, je finirai peut-être par obtenir un avis favorable – qui sait ?
Rires sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous ne devons pas lâcher sur ce sujet, d'autant que nous sentons, chez la ministre, une certaine fragilité : cela signifie qu'il y a un doute méthodique.
C'est le début de la défense intellectuelle contre toutes les dérives sectaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
C'est une bonne chose.
En revanche, les agréments ne sont jamais une garantie d'égalité des droits.
Il y a eu des exemples. Ce n'est pas parce que le ministère de l'intérieur accorde des agréments que vous avez la certitude que, sur le temps long, les motifs pour lesquels ces agréments ont été consentis resteront les mêmes.
Grâce à notre amendement, la victime pourra recourir à la fois à des associations reconnues d'utilité publique, qui assurent stabilité et sûreté, et à des associations agréées. Là où vous craindrez une certaine faiblesse du maillage territorial, vous pourrez accorder des agréments.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Et dans les territoires où les associations sont en nombre suffisant et ont la capacité d'agir, vous les maintiendrez. Voilà qui nous permettrait de repartir satisfaits.
Enfin, vous évoquez le déséquilibre géographique…
Je termine, madame la présidente, mais le débat est tellement intéressant.
C'est toujours intéressant de vous écouter, mais vous reprendrez la parole tout à l'heure.
Je conclus. Le moyen d'aider les associations, c'est de les accompagner dans l'obtention de la reconnaissance d'utilité publique. Pour cela, vous savez qu'il est nécessaire de rassembler au moins 200 adhérents. Menez des campagnes de prévention, et ils seront 200 !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écologiste – NUPES.
Si vous considérez, madame la ministre, que la rédaction de l'amendement n° 19 pose problème, vous pouvez le sous-amender pour qu'il soit conforme à vos souhaits !
Ainsi, si vous êtes d'accord avec les arguments développés, vous résoudrez la question simplement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces deux amendements sont en discussion commune. S'il fallait en choisir un – ce que je me refuse à faire –, sachez que celui de Mme Descamps est mieux rédigé que le vôtre.
Le vôtre supprime l'alinéa 7, qui est un alinéa de coordination. Cela ne tient pas. Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 57
Contre 65
L'amendement n° 19 n'est pas adopté.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 118
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 86
Contre 28
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et LIOT.
Il s'inscrit dans le prolongement du débat relatif aux dispositions de la loi de 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. La législation et les pratiques vont trop loin. Dans le rapport sénatorial relatif à la transidentification des mineurs publié hier, Jacqueline Eustache-Brinio, la sénatrice du Val d'Oise qui a conduit sa rédaction, évoque l'un des « plus grands scandales éthiques de l'histoire de la médecine ». Les militants transactivistes, qui se situent dans une logique transaffirmative, ne supportent pas que nous ayons des positions plus prudentes ou plus modérées.
Des milliers d'adolescents vivent des situations difficiles. Le milieu trans risque de causer des dérives sectaires. Des associations militantes transactivistes, qui s'inscrivent dans des logiques sectaires, coupent les jeunes de leur famille et organisent sur les réseaux sociaux l'enfermement dans une transition de genre qui n'est pas nécessairement volontaire et qui, de toute façon, mérite d'être accompagnée avec prudence. Nous devons faire attention : il y va de la souffrance présente de milliers de jeunes mais aussi de leur avenir. De plus en plus de jeunes sont engagés dans des procédures de détransition.
Malheureusement, les militants et les activistes souhaitent la rendre irréversible, ce qui empêcherait ceux qui se questionnent de prendre le temps de la réflexion.
La loi du 31 janvier 2022 et le présent projet de loi organisent un monopole des pro-trans au détriment des acteurs qui souhaitent accompagner ces jeunes.
Madame la ministre, que comptez-vous faire des propositions du rapport sénatorial…
La présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé.
Monsieur Breton, les thérapies de conversion sont interdites en France – c'est un délit depuis 2022. Elles ont des liens très étroits avec les dérives sectaires – ils ont été mis en évidence par la Miviludes. J'émettrai donc un avis défavorable.
Avis défavorable.
Madame la ministre, vous qui avez la charge de toutes ces questions en lien avec l'enfance et la jeunesse, j'aurais souhaité votre avis sur le rapport sénatorial. N'allons-nous pas trop loin ? Les sénateurs ne sont pas les seuls à le dire – nous aussi, de même que de nombreux professionnels. Votre silence fait de vous la complice des drames passés et à venir. En effet, nous avons laissé le monopole à une mouvance transactiviste ,…
Mme la rapporteure s'exclame
…et vous ne prenez pas en considération les personnes en quête de réponses adaptées à leurs réalités et à leurs souffrances, d'un accompagnement, et surtout d'une réversibilité – que l'on veut interdire. J'ai entendu des réactions quand j'ai évoqué les détransitions. Certains ne supportent même pas que l'on prononce ce mot, ce qui montre la fuite en avant et la voie sans issue dans lesquelles nous nous trouvons.
Nous aurions aimé vous entendre sur ces questions qui sont beaucoup plus complexes.
Mmes Caroline Parmentier et Laurence Robert-Dehault applaudissent.
Quel dommage de voir la droite française tomber dans cette idéologie nord-américaine !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Quel dommage de la voir reproduire les théories des QAnon ! Quel dommage de la voir tenir le même discours que Donald Trump – un discours non pas transactiviste, mais transphobe !
Le seul problème auquel les personnes et les mineurs trans sont confrontées, c'est le suicide ! Vos discours les discriminent et le rapport de la sénatrice est à charge. Des médecins qui y ont participé commencent à dire qu'elle a détourné leurs propos. Ce rapport est une instrumentalisation politique et son seul objectif est de s'attaquer aux plus faibles : les mineurs trans. Vous avez leur sang sur les mains.
Exclamations sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 11 n'est pas adopté.
L'article 3, amendé, est adopté.
Je vous informe que je suis saisie de plusieurs demandes de scrutins publics : par les groupes Renaissance, Rassemblement national, Socialistes et apparentés sur le vote de l'amendement n° 55 ; par le groupe Rassemblement national sur le vote du sous-amendement n° 86 et de l'amendement n° 84 ; par les groupes Renaissance et Socialistes et apparentés sur le vote des amendements n° 56 et 57 ; et par le groupe Socialistes et apparentés sur le vote de l'amendement n° 54 . Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 21 visant à supprimer l'article.
C'est mon tour de vous dire que cet article est fort mal rédigé. Il confond les délits d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses, dont les auteurs subiraient une peine complémentaire de bannissement numérique. Pourquoi avez-vous accolé ces deux délits alors que celui de pratique commerciale trompeuse devrait faire l'objet d'un autre projet de loi et n'a pas sa place dans ce projet de loi relative aux dérives sectaires ? Cette incohérence et cette confusion pourraient facilement donner lieu à des dérives pénales et juridiques.
Ensuite, l'inflation pénale comme élément de rétorsion n'est pas notre tasse de thé – vous nous connaissez, nous préférons la prévention, la formation et l'éducation. Malheureusement, vous retirez tous les moyens nécessaires à la formation des jeunes esprits pour lutter contre les emprises sectaires. Nous voterons contre cet article, dont nous demandons la suppression.
Avis défavorable. Nous avons réintroduit en commission la peine complémentaire de suspension du compte d'accès pour les délits d'exercice illégal de la médecine, de la pharmacie, de la biologie médicale et les pratiques commerciales trompeuses. Il n'y a aucune raison de ne pas conserver cette évolution bienvenue : nous changeons d'époque, nous sommes ici pour traiter le cas des gourous 2.0. Allons jusqu'au bout.
Vous le savez, monsieur le député, la promotion des pratiques non conventionnelles en santé pouvant conduire à des dérives sectaires se passe en grande partie en ligne. Il en est de même pour la promotion de l'arrêt des traitements médicaux – là aussi, je ne vous apprends rien. Pour lutter contre ce phénomène, il est utile de prévoir la circonstance aggravante de commission en ligne, devenue assez classique en droit pénal. Mon avis est donc doublement défavorable.
Cet article ne nous convient ni sur le fond ni sur la forme. Sur le fond, il pénalise les pratiques commerciales trompeuses. Les chiffres sur le commerce en ligne montrent que de très nombreux sites, qui ne font pas nécessairement du prosélytisme sectaire, se livrent à de telles pratiques. Sur la forme, pourquoi avez-vous introduit les pratiques commerciales trompeuses dans cet article ? Ce choix nous laisse sceptiques et nous gêne. Quelles sont vos arrière-pensées ? S'agit-il de taxer de pratiques commerciales trompeuses des sites qui ne conviendraient pas à des intérêts financiers ou des lobbys ?
L'amendement n° 21 n'est pas adopté.
L'amendement n° 78 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer la peine complémentaire de bannissement pour les délits d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses, en cohérence avec l'article 5 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (Sren). L'idée d'une peine complémentaire de bannissement numérique, qui constitue un outil innovant pour lutter contre la haine en ligne, est en effet satisfaite par ce dernier projet de loi.
En commission, en séance et encore aujourd'hui dans les échanges en vue de la commission mixte paritaire qui doit se réunir pour examiner le projet de loi Sren, nous nous sommes efforcés de garantir la proportionnalité du dispositif. En effet, cette peine restreint la liberté de communication à venir des personnes condamnées. La proportionnalité repose sur la limitation dans le temps de la peine complémentaire et sur celle des délits pour lesquels le juge peut prononcer cette peine.
J'appelle également votre attention sur la conformité de l'article 4 A au droit européen. Les échanges avec la Commission européenne, notamment sur l'obligation de moyens imposée aux plateformes, n'ont pas encore abouti. Légiférer dans la précipitation alors que le projet de loi Sren n'est pas arrivé au bout de son parcours législatif ne règle rien. Enfin, le délit d'exercice illégal de la médecine est déjà sanctionné par la loi.
Le juge peut prononcer une interdiction d'exercer pour une durée de cinq ans, ce qui est plus efficace qu'une suspension de compte pour protéger les Français. Je vous invite donc à soutenir cet amendement.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir le sous-amendement n° 86 .
Il tend à corriger une erreur matérielle dans le texte de l'amendement. Dans le cadre du projet de loi Sren, nous avons des discussions très serrées avec la Commission européenne. Or la rédaction de l'article 4 A nous mettrait en difficulté lorsque nous devrons défendre devant elle l'équilibre que nous tentons d'obtenir dans le projet de loi Sren. En l'état, cet article est anticonventionnel – contraire au droit de l'Union. Nous devons donc absolument adopter l'amendement de Mme Morel sous-amendé et renvoyer aux travaux relatifs au projet de loi Sren l'intégralité de la discussion avec la Commission.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir l'amendement n° 84 .
Il tend à supprimer la peine complémentaire de bannissement numérique pour la commission de certains délits. Les Français doivent bien comprendre la situation ubuesque que nous vivons aujourd'hui : Mme la rapporteure, membre de la majorité, avait soutenu cette peine complémentaire. Mme Morel, membre de la majorité, et nous-mêmes, l'avions supprimée. Mme la rapporteure l'a réintroduite contre l'avis de la majorité. Mme Morel veut de nouveau supprimer cette peine – comme nous le préconisons depuis plusieurs mois.
Madame la rapporteure, quand vos propres alliés vous désavouent, vous devez cesser de vous obstiner. Nous ne le répéterons jamais assez : vouloir empêcher des personnes condamnées de créer de nouveaux comptes, comme la rédaction actuelle le prévoit, c'est accepter que les géants du numérique puissent savoir qui se cache derrière chaque pseudonyme ; c'est mettre entre les mains de réseaux sociaux les outils d'un traçage généralisé des Français ; c'est signer un blanc-seing autorisant Facebook, Snapchat, TikTok et d'autres à lever notre anonymat, ce qui est inacceptable.
M. Arthur Delaporte s'exclame.
Les réseaux sociaux n'ont aucune légitimité pour porter atteinte à l'un des principes les plus basiques de l'internet libre : l'anonymat en ligne. Toutefois, l'anonymat véritable n'existe pas sur internet. Il n'y a pas et il ne doit pas y avoir d'impunité en ligne. Nous pouvons retrouver des personnes qui commettent des délits en ligne si nous y mettons les moyens techniques. Cet anonymat doit être levé par la police dans le cadre d'une enquête sous le contrôle de magistrats, et non par des réseaux sociaux, sans contrôle et en toute impunité.
Le véritable problème renvoie aux moyens alloués à notre police. Est-elle en mesure de traquer ceux qui commettent des délits ? La réponse est non.
Alors, madame la ministre, madame la rapporteure, au lieu de vouloir fliquer les Français, donnez des moyens à nos policiers.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cet amendement, qui tombera si l'amendement n° 55 est adopté, vise à supprimer les alinéas 5 à 9 qui concernent l'exercice illégal des professions de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme. Pour qu'une peine complémentaire soit efficace, il faut que le juge soit en mesure d'en vérifier l'application effective. Dans le cas contraire, privée de sa substance, elle renforce le sentiment d'impunité des prévenus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune et sur le sous-amendement ?
L'avis défavorable est motivé non par des raisons de fond mais par notre désaccord avec votre volonté d'articuler ces dispositions avec l'article 5 de la loi Sren dont vous avez été l'une des rapporteures thématiques, madame Morel. Nous sommes ici pour lutter contre les dérives thérapeutiques à caractère sectaire commises en ligne et non pour discuter du projet de loi Sren.
La peine complémentaire de suspension de compte que nous introduisons dans le présent texte est autonome par rapport à ce texte. Ce dispositif juridique n'en dépendra pas pour s'appliquer de façon opérationnelle.
Il est sûr qu'il faudra notifier cette peine de bannissement à la Commission européenne, ce qui risque de retarder de quelques semaines la promulgation de la loi. Toutefois, j'assume ce choix car cette disposition me paraît essentielle pour apporter une protection aux victimes des dérives sectaires. Cet article permettra d'éviter qu'une personne condamnée ne reprenne contact avec ses victimes pour tenter une nouvelle fois de les manipuler. Les professionnels de santé que j'ai auditionnés, tous sans exception, ont accueilli favorablement cette évolution.
J'ajouterai que, comme le projet de loi Sren n'est pas définitivement adopté, il nous faut prendre en compte le cadre juridique actuel et le faire évoluer en comblant ses indéniables lacunes afin de mieux protéger les victimes des gourous 2.0. Il ne faudrait pas que le projet de loi Sren ne vienne percuter notre débat sur le présent projet de loi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – Mme Ségolène Amiot applaudit également.
L'article 4 A prévoit une peine complémentaire de bannissement numérique pour sanctionner les infractions visant l'exercice illégal des professions de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme, de pharmacien, de biologiste médical ainsi que pour les pratiques commerciales trompeuses. Ce dispositif risque d'entrer en incohérence avec le projet de loi Sren, toujours en discussion, qui veut limiter ce type de peine aux infractions initialement commises sur Internet.
Les mesures de ce projet de loi, et spécialement cette peine de bannissement, font l'objet de discussions avec la Commission européenne. J'ai assisté à une réunion récente, où a été abordée la question de la procédure de notification.
Le projet de loi Sren dresse une liste d'infractions pour lesquelles ce type de peines complémentaires est applicable. Rien ne s'opposera à ce que cette liste soit étendue aux dérives sectaires lorsque les discussions avec la Commission européenne auront abouti. Notons d'ailleurs que ce texte prévoit déjà d'y inclure les infractions liées à l'abus de faiblesse visées par l'article 223-15-2 de code pénal, à la suite de l'adoption de l'amendement n° 825 du groupe Dem en commission.
Madame Morel, nous avons participé à la rédaction du rapport d'information sur l'application de la loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Vous savez comme moi que si les questions relatives à la notification à la Commission européenne ont leur importance, cette procédure, comme nous l'avons nous-mêmes souligné dans ce rapport, ne doit pas avoir pour conséquence d'entraver le législateur.
Dans ce projet de loi, il s'agit d'introduire une peine complémentaire afin de protéger les potentielles victimes de gens comme Thierry Casasnovas que j'ai déjà évoqué lors de mon intervention dans la discussion générale. Condamné, il continue de diffuser des messages sur les réseaux sociaux, en particulier à travers sa chaîne YouTube qui rassemble plus d'un million d'abonnés. Il faut absolument que les personnes condamnées ou mises en examen pour exercice illégal de la médecine soient bannies de l'espace numérique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
On ne saurait considérer les sanctions punissant l'exercice illégal de la médecine comme suffisantes, au prétexte, comme vous semblez le penser, qu'elles seraient plus lourdes. Il faut aussi les assortir de cette peine complémentaire.
Si nous supprimons cette peine complémentaire, le projet de loi perdra de sa cohérence car son objectif premier, rappelons-le, est de lutter contre les gourous 2.0. Nous suivrons donc Mme la rapporteure : le groupe Socialistes et apparentés votera contre ces amendements.
Madame la rapporteure, nous essayons en vain de vous convaincre. Vous ne pouvez pas dire que les dispositions de l'article 4 A risquent de percuter la loi Sren ; c'est une certitude : elles percuteront ce projet de loi. La Commission européenne nous a déjà répondu par trois fois que les dispositions de ce projet de loi n'étaient pas conformes au droit de l'Union et qu'elles venaient notamment empiéter sur les prérogatives relevant du Digital Services Act (DSA),…
…règlement européen adopté avec le soutien de la France lorsque notre pays présidait le Conseil de l'Union.
Nous sommes confrontés à un problème de cohérence et je rejoins Mme la secrétaire d'État quand elle souligne que les dérives sectaires pourront être intégrées à la liste établie dans la loi Sren, lorsque nous aurons trouvé un accord avec la Commission, ce qui sera sans doute le cas dans les jours qui viennent.
L'obligation de notifier ce dispositif à la Commission européenne vous fera aller droit dans le mur…
…et fragilisera l'intégralité des discussions que nous sommes en train de mener sur le numérique. C'est un véritable problème mais vous ne voulez pas l'entendre !
La Commission a encore écrit la semaine dernière à la secrétaire d'État chargée du numérique pour lui indiquer que les dispositions initiales du texte Sren n'étaient pas conformes au droit européen et qu'il fallait trouver un point d'accord. Nous sommes en cours de négociation. La commission mixte paritaire nous permettra d'en définir les termes et d'intégrer à l'intérieur du projet de loi Sren les dérives sectaires.
En vous opposant à ces amendements, vous prenez le risque de détruire la loi Sren, madame la rapporteure.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 140
Nombre de suffrages exprimés 140
Majorité absolue 71
Pour l'adoption 77
Contre 63
Le sous-amendement n° 86 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 139
Majorité absolue 70
Pour l'adoption 77
Contre 62
Mme Rist a bien voulu me laisser cosigner son excellent amendement. L'article 4 A vise à renforcer, en l'actualisant, la répression des délits d'exercice illégal de certaines professions de santé, notamment les médecins, les pharmaciens, les dentistes, et des pratiques commerciales trompeuses dès lors qu'elles ont un support numérique.
Les dispositions introduites, parallèlement au projet de loi Sren, sont nécessaires mais ont besoin d'être complétées. Le présent amendement propose de les étendre à l'exercice illégal des professions de masseur-kinésithérapeute, d'infirmier et de pédicure-podologue. Les professions de santé réglementées seront ainsi couvertes dans leur ensemble.
Mes chers collègues, nous parlons ici de personnes qui promeuvent des actes dangereux, hors du champ réservé aux professionnels de santé formés et responsables. Nous devons agir contre ceux qui, à travers les réseaux sociaux, présentent des pratiques déviantes, frauduleuses, dangereuses, par exemple l'utilisation de médicaments antidiabétiques comme coupe-faim ou encore la publication de contenus détaillant des manipulations articulaires.
La parole est à Mme Louise Morel, pour soutenir le sous-amendement n° 85 .
J'ai déjà exposé mes arguments : par principe, je suis opposée à l'extension de la peine complémentaire de bannissement numérique alors même que la loi introduisant ce dispositif n'a pas encore été promulguée.
La peine complémentaire a pour objectif de lutter contre l'impunité sur les réseaux sociaux. Or ce qui est visé ici, c'est l'exercice illégal de la profession d'infirmier ou de masseur-kinésithérapeute, délits déjà sanctionnés par une peine d'emprisonnement et une interdiction d'exercice et dont le lien avec le numérique m'apparaît ténu.
Je pense que la peine complémentaire de suspension du compte d'accès utilisé pour commettre les infractions d'exercice illégal des professions de masseur-kinésithérapeute, de pédicure-podologue ou d'infirmier est une avancée majeure pour renforcer notre cadre juridique. C'est la raison pour laquelle mon avis sera favorable à cet amendement et défavorable au sous-amendement présenté par Mme Morel.
Favorable à l'amendement sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Rires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 119
Majorité absolue 60
Pour l'adoption 73
Contre 46
Le sous-amendement n° 85 est adopté.
L'amendement n° 62 , sous-amendé, est adopté.
L'article 4 A, amendé, est adopté.
Cette séance a un air de déjà-vu : il y a quelques semaines, en effet, notre assemblée a voté la suppression de l'article 4, article qui, on ne le dira jamais assez, en plus d'être attentatoire aux libertés publiques et dangereux pour la liberté d'expression et le débat scientifique, viendra demain museler les lanceurs d'alerte. Rappelons que le Sénat l'avait supprimé en première lecture, dès le stade de la commission. Lors de son examen par notre assemblée, il a ensuite été rétabli en commission puis supprimé en séance publique, ce qui vous a poussé, madame la secrétaire d'État, tout le monde s'en souvient, à demander une seconde délibération au mépris du vote exprimé par les députés.
Dans cette ambiance de fin de règne marquée par l'entêtement permanent qui caractérise la présidence d'Emmanuel Macron, vous voulez emmener le Parlement dans votre naufrage mais, malheureusement, l'opposition vous dérange et elle vous dérangera, semble-t-il, toujours. Elles sont déjà bien loin les déclarations d'un Premier ministre angélique qui faisait, en janvier, la promesse de toujours écouter les oppositions et de toujours travailler avec elles.
Seuls contre tous, vous êtes pourtant toujours là avec un article 4 que vous avez maquillé de nuances maladroites qui, hélas, ne viennent pas gommer la dangerosité originelle du délit que vous voulez créer.
En politique comme en construction, on n'érige pas un édifice durable sur des fondations fragiles. Or l'article 4 est juridiquement fragile, politiquement dangereux et scientifiquement absurde.
Comme le disait Victor Hugo, « une idée fixe aboutit à la folie ou à l'héroïsme ». Pardonnez-moi de vous le dire, mais je ne vois aucun héroïsme dans votre obstination. C'est pourquoi ma collègue Edwige Diaz défendra dans quelques instants, au nom du groupe Rassemblement national, un amendement de suppression et que nous continuerons à nous opposer frontalement à l'article 4.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le Conseil d'État a été sage lorsqu'il a estimé que l'article 4 n'était ni nécessaire, ni proportionné. Le Sénat, puis l'Assemblée nationale ont été sages lorsqu'ils l'ont rejeté. Bien sûr, dans votre entêtement permanent, vous êtes revenus à la charge et l'avez fait adopter en seconde délibération. Après l'échec de la commission mixte paritaire, nous revoilà en séance, sur le point de débattre d'une disposition profondément dangereuse pour les libertés comme pour l'évolution de la science.
Il va de soi que, contrairement à l'idée que vous vous faites d'une science fixe, d'une science d'État, dominée par certains laboratoires pharmaceutiques qui vous donnent des ordres, la liberté est fondamentale pour le médecin lorsqu'il pèse le bénéfice et le risque d'un traitement. Ce dialogue intime entre le médecin et le patient fait l'honneur de la médecine et permet à chaque patient de disposer de son corps, conformément à la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner.
L'objectif de l'article 4 n'est nullement la lutte contre les dérives sectaires, qui n'est qu'un prétexte. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais M. Véran qui, pour ainsi dire, a avoué le crime le 14 février, lors de la seconde délibération. Il a fait de cette mesure l'alpha et l'oméga de sa vengeance contre le professeur Raoult, qu'il a nommément cité. En réalité, l'article 4 est fait pour bâillonner ceux qui, à l'instant T, n'épousent pas la science d'État, la science des intérêts, celle qui a mené au naufrage pendant la crise du covid-19.
De grâce, reprenez vos esprits. Supprimons l'article 4 avant que le Conseil constitutionnel ne le censure.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Le parcours législatif de l'article 4 a déjà été rappelé, mais je souhaite revenir sur un point qui appelle une vraie réflexion. Le texte a pour objectif de lutter contre les dérives sectaires. Or l'avis du Conseil d'État est très clair : un certain nombre de dispositions existantes, contenues notamment dans le code de la santé ou dans le code pénal, permettent déjà d'agir.
Dans cet avis, dont je rappelle qu'il a été rendu à la demande du Gouvernement, le Conseil d'État suggère de retirer l'article 4, « [constatant] qu'il ne lui a pas été loisible, dans le délai imparti pour l'examen du texte, d'élaborer une rédaction » différente. Il est très troublant de voir le Gouvernement s'obstiner, alors que l'institution qui le conseille lui indique que la rédaction proposée sera inutile et même contre-productive. Cet entêtement est incompréhensible. D'ailleurs, nos débats nous ont permis de constater la faiblesse des arguments gouvernementaux.
Posez-vous la question des libertés publiques. Demandez-vous en quoi cette rédaction les soutiendra et en quoi elle permettra de lutter plus efficacement contre les dérives sectaires, et vous vous apercevrez qu'il n'en sera rien. Par contre, elle mettra les libertés publiques en danger, ce qui est inquiétant.
L'article 4 est le cœur du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Nous avons entendu les adversaires de la démocratie – le Rassemblement national, M. Dupont-Aignan –…
…exposer leurs arguments habituels en prétendant défendre la liberté. Je leur réponds que le texte vise simplement à protéger la vie des gens et à faire en sorte que ceux qui prônent l'abstention thérapeutique soient punis. C'est pourquoi nous créons une infraction. Toutefois, l'incrimination ne se fera pas sans contrôle du juge, sans contrôle du respect des libertés ni sans contrôle de conventionnalité.
Par ailleurs, je rappelle que l'article a été enrichi par l'adoption d'un amendement du groupe Socialistes visant à protéger les lanceurs d'alerte. Chers collègues, il n'y a aucune crainte à avoir. N'écoutez pas les oiseaux de mauvais augure qui, se cachant derrière le paravent de la démocratie, défendent en réalité les pires dérives.
L'article 4 est l'article central du texte ; c'est lui qui, lors de la première lecture, y compris en deuxième délibération, nous a beaucoup occupés. Je suis surpris d'entendre M. Dupont-Aignan parler des valeurs de la science, car il me semble qu'en général, il ne les partage pas. Il fait flèche de tout bois pour s'opposer au Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il faut rappeler quel type de provocations à l'abstention thérapeutique nous essayons de condamner. Il ne s'agit pas de celles qu'adresse un médecin à son patient, qui, comme le relève le Conseil d'État, doivent être traitées séparément, mais aux provocations impersonnelles et générales qui parviennent aux victimes potentielles par voie de presse, par exemple. Elles leur pourrissent la vie et peuvent entraîner des conséquences très graves en les incitant à abandonner leur traitement ou à le remplacer par des poudres de perlimpinpin. Nous cherchons donc à lutter contre de telles manœuvres, rendues de plus en plus fréquentes par le développement d'internet et des réseaux sociaux, en trouvant le bon équilibre entre la protection de la santé et celle des libertés individuelles. Ce fut un exercice difficile, je le reconnais ; je vous invite à voter non en fonction d'une rédaction antérieure, mais en fonction de la rédaction actuelle, adoptée en nouvelle lecture par la commission des lois, qui prévoit expressément la liberté de conscience, la liberté individuelle de refuser un traitement ou encore la protection des lanceurs d'alerte.
Réfléchissez bien. L'article 4 est absolument nécessaire pour protéger les potentielles victimes de dérives sectaires, et nous avons veillé à trouver un équilibre qui, s'il ne sera probablement jamais parfait, me paraît suffisant pour le voter.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sourires
je vous rappelle l'article 70, alinéa 3, de notre règlement, souvent invoqué : « Peut faire l'objet de peines disciplinaires […] qui se livre à une mise en cause personnelle, qui interpelle un autre député ou qui adresse à un ou plusieurs de ses collègues des injures, provocations ou menaces. » Je vous demande d'éviter toute interpellation, pour que les débats se déroulent au mieux. Je le dis avec gentillesse, sympathie et diplomatie ; j'aimerais ne pas avoir à le redire. Je vous rappelle enfin que l'article 70 a trait aux sanctions.
Sur les amendements identiques n° 14 , 42 et 79 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 14 , 42 et 79 , tendant à supprimer l'article.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 14 .
Hier, lors de la discussion générale, j'ai qualifié l'article 4 d'article maudit. Le Conseil d'État lui-même, qui, n'en déplaise à M. Delaporte, n'est pas un ennemi de la démocratie, a estimé que le texte était liberticide dans son intention initiale. Le Sénat l'a rejeté, il n'a été adopté en première lecture par notre assemblée qu'au prix d'une seconde délibération scabreuse, puis il a été adopté à une voix près par la commission des lois en nouvelle lecture. Bref, son cheminement est très difficile.
Cela n'est pas étonnant : puisque l'intention était d'emblée liberticide et ne respectait pas l'équilibre entre la protection de la santé d'une part, les libertés individuelles et publiques de l'autre, vous en étiez réduits au bricolage législatif. Comme vous avez pu le faire pour la loi du 31 janvier 2022 relative aux thérapies de conversion, vous avez entrepris une fuite en avant, tentant de requalifier et de réécrire un texte qui était déséquilibré dès le départ. Résultat, il en est devenu illisible. Je crois donc qu'il est temps d'arrêter de s'agripper à cet article.
Si encore le texte avait connu une navette parlementaire normale plutôt que d'être soumis à la procédure accélérée, complètement inutile dans ce genre de cas, nous aurions pu l'améliorer. Au lieu de cela, nous assistons à une confrontation stérile entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Arrêtons les frais et votons l'amendement de suppression.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir l'amendement n° 42 .
Je compléterai brièvement mon intervention précédente par quelques arguments. Le Gouvernement se rattrape aux branches en ajoutant à l'article 4 une disposition visant à protéger les lanceurs d'alerte. Le problème, c'est que les lanceurs d'alerte ne sont jamais reconnus comme tels dès le début ! Cet ajout est donc aberrant.
Vous aurez beau brailler en dénonçant les atteintes à la démocratie de ceux qui sont en désaccord avec vous ; si les dispositions de l'article 4 étaient inscrites dans la loi, Irène Frachon serait restée dans son coin et le scandale du Mediator aurait continué.
Mais arrêtez avec Irène Frachon ! C'est faux, l'article 4 n'aurait eu aucune conséquence dans son cas !
C'est précisément l'objectif de l'article : faire taire ceux qui ne sont pas d'accord avec la science d'État.
La science, pour progresser, ne doit pas être sous le joug du code pénal. C'est cela, la réalité ! Vous pourrez brailler tant que vous voudrez, cela ne change rien au fait que vous tuez tous les lanceurs d'alerte du pays ! Vous tuez ceux qui sont libres, ceux qui refusent de laisser cette science d'État paralyser la vraie science et faire régresser la France. Vous êtes l'Inquisition !
Cette mesure est aberrante. Je ne comprends pas comment vous pouvez insister à ce point pour faire voter cet article rejeté sans équivoque par le Conseil d'État, par le Sénat et par toutes les personnalités de bon sens.
Comme depuis le début de l'examen du texte et pour la troisième fois en séance publique, le Rassemblement national s'oppose à l'article 4. Collègues macronistes, vous avez été alertés sur son caractère dangereux et inopportun par le Conseil d'État, par la commission des lois du Sénat et par le Rassemblement national. Pourtant, bille en tête, vous foncez vers l'inconstitutionnalité sans écouter personne. Vous voulez à tout prix maintenir cet article au mépris de la représentation nationale, qui avait réussi à le supprimer.
Entendons-nous bien, tout le monde ici est d'accord pour lutter contre les irresponsables qui appellent des gens atteints de cancer à arrêter leur chimiothérapie. Toutefois, lutter contre ces personnes ne doit pas mener à s'en prendre aux lanceurs d'alerte. Ainsi, Irène Frachon, pneumologue et lanceuse d'alerte dans l'affaire du Mediator, aurait pu tomber sous le coup de ces dispositions.
Dans votre entêtement, vous avez essayé de sauver l'article 4 en prétendant exclure les lanceurs d'alerte du périmètre des poursuites. Cependant, cette disposition est illusoire, car, par définition, un lanceur d'alerte n'en est pas un avant d'être reconnu comme tel et a tort avant d'avoir publiquement raison, parfois des années après les faits qu'il a médiatisés.
Il est clair que les corrections apportées à cet article ne suffisent pas à le rendre souhaitable. Revenez donc à la raison et retirez-le en votant notre amendement de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Au contraire, il est attendu, espéré et essentiel dans le cadre de ce projet de loi visant à lutter contre les dérives sectaires. Il s'agit d'une des dispositions les plus importantes de tout le texte.
Le droit commun ne permet pas de sanctionner le discours de promotion des dérives thérapeutiques, qui utilise des méthodes propres aux dérives sectaires pour manipuler son audience. Permettez-moi de citer un seul fait pour vous en convaincre : le délit d'exercice illégal de la médecine ne suffit pas à les condamner.
Nous avons entendu les critiques, écouté les arguments et procédé à des modifications de l'article 4. Il ne s'agit plus de la rédaction qu'a étudiée le Conseil d'État.
Ainsi, nous avons mieux défini les éléments constitutifs des infractions visées. La provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, pour être constituée, doit résulter de manœuvres et de pressions réitérées et entraîner des conséquences particulièrement graves pour la santé de la personne.
Nous avons explicitement exclu du champ d'application de ces infractions les lanceurs d'alerte. À aucun moment, Mme Irène Frachon, qui a été tellement précieuse pour nous tous, n'aurait pu être incriminée en vertu de l'article 4 : elle n'a jamais demandé à quelqu'un d'arrêter sa chimiothérapie ou de la remplacer par du jus de carotte ; elle n'a jamais prétendu qu'elle proposait un meilleur traitement. Arrêtez de l'impliquer dans vos discours totalement infondés !
Protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
En commission, nous avons encore précisé les conditions d'application des infractions : elles ne seront pas applicables lorsqu'il est établi que la personne a librement consenti à l'abandon de soins. Nous avons également prévu une protection particulière pour les personnes qui sont placées dans un état de sujétion psychologique ou psychique.
La rédaction actuelle de l'article garantit la liberté de conscience ainsi que le principe de libre choix de son traitement ; elle préserve la liberté d'expression et le rôle des lanceurs d'alerte ; enfin, elle permet de lutter efficacement contre les nouvelles formes de dérives thérapeutiques à caractère sectaire.
J'ai rencontré tant de victimes, des familles qui souffrent pendant des années parce qu'elles ont perdu un être cher qui a arrêté son traitement en écoutant un de ces gourous, qui recommandent par exemple à une personne atteinte d'un cancer des os de les reconstituer en buvant du jus de citron. Pour elles, je défendrai l'article 4 jusqu'au bout ; s'il n'en reste qu'une, je serai celle-là !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'avis de la commission sur les amendements tendant à supprimer l'article 4 est donc défavorable.
Permettez-moi de m'attarder sur l'article 4 qui fait l'objet de tant de débats.
J'ai entendu les points de vue exprimés, qui sont très différents, aussi bien au sein de chaque chambre parlementaire qu'entre celles-ci. Au terme de ce débat, je demeure convaincue que la représentation nationale ne peut pas rester sourde aux difficultés dont témoignent les services opérationnels et les victimes. Oui, il y a des gourous, des influenceurs, des prétendus soignants, qui sont des criminels parce qu'ils promeuvent des pratiques qui tuent.
Monsieur Dupont-Aignan, le Conseil d'État l'a exprimé dans l'avis qu'il a rendu : « la légitimité de l'objectif poursuivi par le projet de loi est incontestable ».
L'article 4 vise à empêcher les abus délétères et souvent mortels de la liberté d'expression. Il crée une nouvelle infraction qui réprime deux types de discours de provocation : la provocation à interrompre ou à s'abstenir de prendre un traitement lorsque cela aurait des conséquences particulièrement graves sur la santé, ainsi que la provocation à empoisonner.
Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont bien entendu les critiques formulées à l'encontre du projet de loi initial. Elles portaient sur trois points essentiels : le texte doit garantir la liberté de conscience, préserver la liberté de critique médicale – ce n'est pas moi qui dirai le contraire – et s'abstenir de réprimer ce qu'on pourrait appeler les discours familiaux, les jugements à l'emporte-pièce tenus au cours d'un repas.
Sur ces trois points, nous avons apporté des garanties rédactionnelles.
S'agissant de la liberté de conscience, dans la rédaction actuelle, dès lors qu'une personne ne provoque pas à interrompre un traitement qui maintient en vie ou en bonne santé, il n'y a pas d'infraction. L'alinéa 2 exige en effet que l'abandon ou l'abstention du traitement soit présentée comme « bénéfique » ; tandis que l'alinéa 5 formule l'exigence d'une « volonté libre et éclairée de la personne ».
Ensuite, afin de préserver la liberté de critique médicale, l'alinéa 6 exclut explicitement les lanceurs d'alerte du champ d'application de ces délits.
En outre, le critère de gravité des conséquences de l'abandon ou de l'abstention du traitement a été rehaussé : la rédaction actuelle mentionne des « conséquences particulièrement graves ».
Comme l'a dit la rapporteure, cessez de prétendre qu'Irène Frachon n'aurait pas pu nous alerter si ces dispositions avaient été inscrites dans la loi, car c'est faux.
Enfin, les discours tenus dans la sphère privée et les paroles en l'air sont clairement exclus du champ d'application du projet de loi, car l'alinéa 2 précise que les provocations concernées doivent faire l'objet de « pressions et de manœuvres réitérées », ce qui, à l'évidence, ne correspond pas à une conversation familiale ou entre amis.
Puisque les débats parlementaires sont une source d'interprétation du droit, je le déclare devant la représentation nationale : il n'est pas dans l'intention du Gouvernement d'interdire la critique médicale, d'empêcher les malades de décider en toute conscience, leur volonté étant pleinement éclairée, de prendre ou de s'abstenir de prendre un traitement, fût-ce manifestement au détriment de leur santé, ni d'épingler les discussions familiales ou amicales. En revanche, il est bien dans l'intention du Gouvernement de mettre hors d'état de nuire les gourous 2.0, les guérisseurs malhonnêtes, les escrocs qui mettent en danger, qui font souffrir et qui tuent nombre de nos concitoyens.
Je l'ai déjà dit à de multiples reprises : provoquer à interrompre une chimiothérapie pour lui substituer un jus de légumes n'est en rien un usage de bon aloi de la liberté d'expression.
Mesdames et messieurs les députés, je crois au débat parlementaire, à la sagesse des assemblées. Ce texte en est issu.
Je suis certaine que chacun pourra en conscience se prononcer sur un texte qui est bien différent de celui qui a été soumis à l'avis du Conseil d'État – je l'assume complètement – ainsi qu'à l'examen initial des deux assemblées.
Ce texte amélioré par le travail parlementaire – merci, monsieur Delaporte, de l'avoir souligné – apporte toutes les garanties contre l'arbitraire et préserve les libertés.
L'avis du Gouvernement sur les amendements tendant à supprimer l'article 4 est donc défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
On ne peut pas laisser dire ce que M. Dupont-Aignan a soutenu : il a parlé d'« inquisition », de « science d'État ». À vous entendre, on a l'impression que cet article assassine la République. Permettez-moi de vous rappeler qu'il n'y a pas une science d'État, mais qu'existe bien quelque chose qui s'appelle la science ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE
un dispositif élaboré à partir de démonstrations, qui prend appui sur les controverses et le débat libre et éclairé, et qui vise, dans le cas de la médecine, à établir ce qui protège le mieux la santé.
Monsieur Dupont-Aignan, il me semble que vous n'avez pas lu l'article 4 : pour être puni, il faut que les propos tenus aient eu des conséquences particulièrement graves pour la santé physique ou psychique d'une personne ou que l'accusé ait provoqué à adopter des pratiques qui « exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ». Les propos qu'a tenus Irène Frachon n'ont jamais causé la mort ou entraîné une infirmité permanente. Vous agitez des fantasmes pour faire croire que ce texte est un outil de privation de liberté alors c'est un outil de sauvegarde de la santé de nos concitoyens.
Voilà pourquoi ces amendements de suppression doivent être rejetés avec vigueur.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE et Écolo – NUPES.
J'avais prévu d'appliquer le principe « un pour, un contre », mais dès lors que M. Dupont-Aignan a été interpellé, alors que j'avais fortement déconseillé de le faire, je lui donnerai la parole afin qu'il puisse répondre.
Auparavant, la parole est à M. Thomas Ménagé.
C'est la quatrième fois que nous débattons sur ce point, mais nous n'avons toujours aucune réponse.
À présent, vous soutenez que l'argumentation développée à partir de l'exemple d'Irène Frachon ne tient pas. Je rappelle cependant qu'elle avait sorti un livre intitulé Mediator 150 mg : combien de morts ? Vous prétendez qu'elle n'aurait pas pu tomber sous le coup de l'article 4. Cependant, dès lors qu'elle a soutenu que le Mediator entraînait des morts, certains Français ont cessé de prendre ce traitement. Même si c'est à juste titre, il n'en reste pas moins qu'ils ont abandonné le traitement. Vous n'avez pas répondu sur ce point.
Surtout, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, vous n'avez pas répondu à la question de la temporalité, au sujet de laquelle je vous ai interpellées à plusieurs reprises. En effet, une personne n'est reconnue comme un lanceur d'alerte que plusieurs années après avoir divulgué des informations.
Ceux qui lancent l'alerte sont d'abord jugés fous, cloués au pilori, salis, avant que leur réputation soit rétablie et que l'on reconnaisse la pertinence de leurs propos. Pendant ce laps de temps, ils peuvent être condamnés au titre de l'article 4, dans sa rédaction actuelle.
Vous avez beau vous raccrocher aux branches en voulant faire de la légistique bas de gamme, en ajoutant un alinéa pour déclarer que les lanceurs d'alerte sont exclus, ça ne vaut strictement rien. Répéter le même mensonge afin de donner le sentiment que vous protégez les lanceurs d'alerte n'en fait pas une vérité.
Mobilisons-nous tous pour rejeter l'article 4 en votant l'amendement de suppression n° 79, déposé par le Rassemblement national. Si malheureusement nous ne parvenons pas à faire tomber cet article attentatoire aux libertés et au débat scientifique, je pense que le Conseil constitutionnel, comme le Conseil d'État vous en a alertées, vous sanctionnera. Non seulement ce sera largement mérité, mais ce sera une bonne nouvelle pour la liberté d'expression.
Applaudissements et « bravo ! » sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
Je vous serais reconnaissante de montrer comment on fait pour s'exprimer sans interpeller personne.
Sourires.
Madame la présidente, je me plains d'être interpellé ; je ne le ferai pas moi-même.
Je veux souligner une contradiction majeure dans la position du Gouvernement. L'article 4 est ambigu et compliqué : il mentionne une « provocation » et confère aux juges un pouvoir extravagant, alors même que le Conseil d'État rappelle que les faits visés sont amplement couverts par des dispositions précises existantes, telles que la répression pénale de l'exercice illégal de la médecine, des pratiques commerciales trompeuses, de la non-assistance à personne en danger, de la mise en danger de la vie d'autrui, du délaissement d'une personne hors d'état de se protéger ou de l'entrave aux mesures d'assistance. Pourquoi ne pas appliquer le droit existant, comme le recommande cet avis, au lieu d'inventer un droit fumeux et de donner un pouvoir extravagant aux juges ? C'est une aberration.
Pour conclure, je rappellerai à l'honorable parlementaire ce qu'écrivait Rabelais : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ».
S'en souvenir nous éviterait de verser dans une idéologie scientiste d'État.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 174
Nombre de suffrages exprimés 171
Majorité absolue 86
Pour l'adoption 68
Contre 103
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je me fonde sur l'article 100, qui garantit la bonne tenue de nos débats.
Madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, pourrions-nous avoir une réponse sur la temporalité ? Pouvez-vous nous donner un cas pratique ? Imaginez que nous soyons à l'université, que vous soyez chargées de travaux dirigés, et que vous nous expliquiez concrètement comment fonctionnera l'article 4.
Protestations sur les bancs du groupe RE.
Comment quelqu'un qui soulève un problème scientifique comme l'a fait Irène Frachon ne serait pas condamné sur la base de l'article 4, dès lors qu'il ne serait pas reconnu comme un lanceur d'alerte avant plusieurs années ?
C'est bien de vouloir faire de la politique, mais ici nous faisons du droit, or le droit doit pouvoir s'appliquer.
Je vous demande des réponses, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure !
Sur l'article 4, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 63 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
L'amendement n° 63 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à apporter une précision à l'alinéa 3, qui mentionne « l'état des connaissances médicales », en ajoutant le terme « avérées ». Il s'inspire de formulations analogues déjà en vigueur dans le code de la santé publique.
La précision que vous proposez ne me paraît pas nécessaire. En outre, elle est de nature à entraîner des difficultés d'application. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 37 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 5 introduit en commission. Plutôt que de grands discours, je crois qu'il me suffit de vous lire cet alinéa et vous verrez combien il est inintelligible : « Lorsque les circonstances dans lesquelles a été commise la provocation définie au premier alinéa permettent d'établir la volonté libre et éclairée de la personne, eu égard notamment à la délivrance d'une information claire et complète quant aux conséquences pour la santé, les délits définis au présent article ne sont pas constitués, sauf s'il est établi que la personne était placée ou maintenue dans un état de sujétion psychologique ou physique au sens de l'article 223-15-3. » Dès le milieu de la phrase, on commence à être perdus et à la fin, on l'est complètement.
On voit bien que c'est du bricolage juridique : l'alinéa indique ce qui n'est pas le délit alors qu'il serait de bonne légistique, au contraire, de définir celui-ci clairement, permettant ensuite à la jurisprudence de se construire. On est ici à la fois dans une fuite en avant rédactionnelle et dans du bricolage, et on en arrive à un texte qui est complètement inintelligible. C'est pourquoi il faut supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir l'amendement n° 48 .
Pour mon dernier amendement sur ce texte, je rejoins M. Breton : il faut vraiment lire cet alinéa pour comprendre combien il est délirant sur le plan juridique, contraire à toutes les règles de bonne écriture de la loi. On se demande comment vous avez pu, mes chers collègues, en arriver là.
L'alinéa que vous voulez supprimer est indispensable pour assurer l'équilibre du texte. Il permet de garantir le respect de la liberté de conscience et de choix du traitement – liberté à laquelle M. Dupont-Aignan est si attaché. Avis défavorable.
L'amendement n° 64 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à préciser que le délit de provocation à l'abstention ou à l'arrêt d'un traitement médical n'est jamais constitué en cas d'absence d'un consensus médical sur la question. Il s'agit, une fois encore, de préserver les lanceurs d'alerte qui mettraient en garde contre certains traitements dont les effets sur la santé ne sont pas encore certains. L'amendement permettra toujours de réprimer les cas les plus graves, par exemple celui d'une personne provoquant des patients à l'arrêt de la chimiothérapie : dans ce cas, puisqu'il existe un consensus médical, la personne pourra toujours être condamnée.
Votre amendement prévoit l'exclusion de responsabilité pénale en l'absence de consensus médical, mais ce n'est ni nécessaire ni opérationnel car il serait alors impossible de déterminer quand l'infraction deviendrait applicable ou non, ce qui soulèverait un problème juridique au regard du principe de la légalité des délits et des peines, et du principe de précision de la loi pénale. L'avis est donc défavorable.
Vous proposez de préciser qu'en l'absence de consensus médical quant aux effets sur la santé du traitement médical thérapeutique ou prophylactique, le délit défini au deuxième alinéa de l'article 4 ne soit pas constitué. Or cette précision ne me paraît pas nécessaire. En effet, cet alinéa prévoit que la provocation doit être appréciée au regard de « l'état des connaissances médicales », ce qui implique qu'il doit exister un consensus médical quant aux effets dudit traitement. Par ailleurs, l'emploi de l'adverbe « manifestement » à l'alinéa 2 et de l'adjectif « manifeste » à l'alinéa 3 permet précisément de retenir seulement les cas qui font l'objet d'un consensus médical. Je vous demande donc de retirer l'amendement ; sinon, l'avis sera défavorable.
Il est important de prendre en compte cet amendement de M. Molac et que vient de défendre Mme Froger. En effet, j'ai appris pendant mes études que la médecine était un art plus qu'une science, un art qui s'appuyait sur la science. Celle-ci étant en constante évolution, l'amendement soulève une question importante : comment protéger les gens tout en préservant leur libre choix, comment préserver la liberté des lanceurs d'alerte sans pour autant passer pour un complotiste ou un gourou ? En l'occurrence, le texte manque un poil d'équilibre.
Il s'agit de protéger les gens tout en leur permettant de faire des choix en leur âme et conscience. Car il y a en effet des traitements qui donnent parfois des résultats mais qui ne sont pas forcément adaptés à tous les patients. La liberté de les refuser après avoir été dûment informé devrait être offerte à tout un chacun. Il faut réussir à protéger la personne qui émet un avis différent de ce qui lui a été conseillé par le corps médical, notamment s'agissant de traitements expérimentaux.
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.
Chère collègue, la question de savoir si la médecine est un art ou une science était en effet débattue quand j'étais sur les bancs de la fac, mais elle a été tranchée depuis déjà un certain nombre d'années. Ce qu'on appelle l'Evidence-Based Medecine (EBM), la médecine fondée sur des preuves, s'appuie sur des données statistiques obtenues à partir d'observations faites sur des milliers, voire des millions de patients, et sur des recherches thérapeutiques en vie réelle pour vérifier si elle doit ou non évoluer. Il ne s'agit pas d'une médecine d'État, mais bien d'une médecine scientifique.
Parfois, la médecine se plante et son histoire est aussi faite d'erreurs. Prenons l'exemple de la mort subite du nourrisson : pendant des années, les médecins ont dit qu'il fallait coucher les bébés sur le ventre pour l'éviter, avant de se rendre compte qu'il fallait les coucher sur le dos.
Nul n'est infaillible, mais la science médicale a l'avantage de reposer sur des arguments rationnels et non sur des intuitions, voire des lubies. Au contraire, l'histoire de la médecine dégradée est celle d'individus dotés d'un ego important et animés d'une lubie, qui se sont sentis tout-puissants – je ne parle pas seulement des exemples actuels – et ont causé pour le moins des désagréments, voire de véritables carnages dans certains pays.
Madame la députée, il existe une très belle loi, celle du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui autorise les patients à refuser un traitement et qui oblige le praticien à leur délivrer une information claire, loyale et appropriée. C'est fondamental parce que cette information doit se fonder sur les données actuelles de la science, y compris lorsqu'il y a des marges d'incertitude. L'article 4 traite de cas complètement différents : il cible des individus motivés par le besoin de reconnaissance – ils veulent avoir une petite communauté autour d'eux – ou par l'appât du gain – ils fournissent alors des prestations fortement monnayées –, des individus qui bafouent toutes les données statistiques et percutent frontalement et sciemment les données de la science, induisant des patients en erreur, avec des conséquences dangereuses pour la santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur de nombreux bancs du groupe RE.
L'amendement n° 38 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 169
Nombre de suffrages exprimés 166
Majorité absolue 84
Pour l'adoption 93
Contre 73
L'article 4, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Didier Parakian applaudit également.
L'amendement n° 22 de Mme Ségolène Amiot, tendant à supprimer l'article 5, est défendu.
L'amendement n° 22 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l'amendement n° 58 .
Après l'épisode de l'article 4, qui a été finalement sauvé par l'absentéisme de la gauche, voici l'article 5. Il prévoit que les ordres professionnels soient informés seulement en fin de course, c'est-à-dire lorsque la condamnation est intervenue. Mon amendement permettrait de les informer bien plus en amont, c'est-à-dire lorsqu'une information judiciaire est ouverte ou qu'une juridiction de jugement est saisie. Les ordres professionnels pourraient ainsi jouer pleinement leur rôle d'information auprès des victimes potentielles, prendre des mesures conservatoires, demander des actes et, surtout, se constituer partie civile. Tout cela est évidemment impossible si on les informe de la situation seulement une fois le jugement rendu.
Je ne suis pas favorable à cette extension du champ d'application des dispositions prévues. L'information des ordres professionnels à ce stade me semble suffisante car elle suppose qu'il existe des indices graves et concordants qui ont justifié la mise en examen et le placement sous contrôle judiciaire de la personne concernée. Avis défavorable.
Je me dois de rappeler ce qu'est l'article 5 puisque l'amendement tend à supprimer des dispositions visant à permettre l'information des ordres et à leur donner la possibilité de prendre des mesures conservatoires en cas d'enquête sur des pratiques problématiques en matière de santé. Je comprends évidemment votre vigilance s'agissant du respect du secret de l'instruction, mais il ne s'agit pas dans cet article d'autoriser une large communication sur les faits ni sur les personnes incriminées : l'information est destinée aux seuls ordres professionnels concernés afin de leur permettre de prendre des mesures conservatoires le cas échéant. Avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Madame la secrétaire d'État, je pense que vous ne l'avez pas lu. Ce n'est pas un amendement de suppression, il ne supprime rien du tout.
Pardon, je me suis trompée.
Il prévoit simplement l'information des ordres professionnels avant que la juridiction de jugement statue. Il ne s'agit surtout pas de les évincer des procédures mais, bien au contraire, de renforcer leur présence et de profiter de leur vigilance en amont du jugement.
L'amendement n° 58 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
L'article 6 est adopté.
Le code pénal prévoit, à l'article 226-13, le secret médical. Cette disposition précieuse, qui fait partie des libertés individuelles majeures dans notre pays et dans le monde, est encore renforcée dans le code de la santé publique. Or l'article 6 bis du projet de loi prévoit d'y déroger de façon exagérée. Cette nouvelle dérogation au secret médical est inutile puisque nous disposons déjà de l'arsenal juridique nécessaire : je pense, par exemple, à l'obligation pour un professionnel de santé de signaler les cas de maltraitance sur enfant, révélés notamment par des marques sur le corps. Le présent article étend encore davantage le champ des dérogations, c'est pourquoi nous en demandons la suppression.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 80 .
Si l'article 6 bis part d'une bonne intention, qui est de faciliter la détection des dérives sectaires, il risque d'avoir des effets totalement contre-productifs, ce qui nous amène à demander sa suppression, comme nous l'avions déjà fait en première lecture, en séance publique.
Un médecin, c'est souvent quelqu'un à qui l'on se confie parce qu'on a confiance en lui et c'est souvent aussi quelqu'un qui nous soutient, nous conseille et nous aide. Si l'on parle librement à son médecin, c'est parce que l'on sait que ce qu'on lui dit est couvert par le secret professionnel. Le droit pénal a su trouver jusqu'ici un équilibre subtil entre le secret dû par le professionnel de santé à son patient et la nécessité de protéger l'intérêt général et les intérêts, par exemple, des mineurs.
En mettant fin à cette confidentialité, comme le prévoit l'article, on s'expose à un effet boomerang. Une personne sous emprise n'est par nature pas disposée à évoquer son état. Si elle sait que son médecin est susceptible de faire un signalement qui l'entraînera dans une procédure pénale lourde et éprouvante, qu'elle n'est pas prête à affronter, elle sera peut-être dissuadée de montrer tout signe de sujétion ou d'en parler. Alors que l'on veut encourager les médecins à signaler les situations de ce genre, leurs patients seront moins disposés à s'exposer ou à se confier. Voilà qui est paradoxal !
Faisons confiance aux médecins pour aiguiller, conseiller, orienter les patients qui se trouvent dans un état de sujétion. Ce sont des professionnels dévoués, qui sont au service de leurs patients et qui sauront comment agir face de telles situations.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'étais plutôt réservée sur l'article en première lecture, mais il a été retravaillé et la nouvelle rédaction me paraît tout à fait cohérente et acceptable. Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.
Avis défavorable.
Vous souhaitez supprimer la dérogation à l'obligation de secret professionnel par un professionnel de santé qui constaterait des faits de placement ou de maintien d'une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique. L'article 226-14 du code pénal prévoit déjà des hypothèses limitées de levée du secret médical en se dispensant de l'accord du patient, à savoir quand un mineur est en danger à cause de sévices ou de privations. Cela vaut aussi pour une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychologique ou pour une personne majeure victime de violences conjugales sous l'emprise de son conjoint et qui court un danger immédiat. Les médecins ont leur rôle à jouer dans la prévention et la détection des dérives sectaires qui fragilisent les personnes qui en sont victimes. J'estime que la situation de vulnérabilité d'une personne placée en état de sujétion psychologique justifie une telle dérogation. Il est parfois nécessaire de protéger les gens malgré eux.
Cet article est important. D'abord, le secret médical n'est pas absolu. Ensuite, on apporte une réserve à sa levée. Si la victime est libre et consentante, son accord est en effet nécessaire pour porter les faits à la connaissance du procureur de la République. Ce n'est que si la personne est vulnérable ou mineure que le médecin peut le faire de son propre chef.
L'objectif est de protéger les gens, leur santé. Les victimes étant souvent sous emprise, elles ne s'adresseront pas d'elles-mêmes à la justice. Leur médecin peut, s'il l'estime nécessaire – ce n'est, encore une fois, qu'une possibilité –, transmettre l'information.
L'article 6 bis est adopté.
Les articles 7, 8 et 9 sont successivement adoptés.
Il s'agit presque d'un amendement rédactionnel, puisqu'il vise à mettre en conformité l'intitulé du texte avec son orientation générale.
Rappelons les épisodes précédents. Il y a un an se sont déroulées les assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires. Le travail lancé place Beauvau par la secrétaire d'État Backès portait sur sept axes distincts : formation professionnelle, santé publique, prérogatives de la Miviludes, influenceurs sur internet… Vous n'en avez retenu qu'un seul, le volet répression pénale. Nous nous sommes battus contre cette orientation mais vous avez gagné. Dont acte. Nommons donc le texte pour ce qu'il est, à savoir un texte de répression pénale. Tel est le sens du présent amendement.
J'ajoute que cela permettra une plus grande clarté de la loi, qui est un principe à valeur constitutionnelle. Rendons service au peuple en lui permettant de saisir immédiatement le sens de cette loi, malheureusement purement répressive.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Bien qu'il s'agisse du dernier amendement en discussion, je ne pourrai pas y être favorable.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous m'en voyez désolée, monsieur le député – mais vous verrez, on s'y habitue.
Sourires.
Le texte permettra en effet une meilleure sanction des auteurs, de nouvelles incriminations, une meilleure indemnisation des victimes, une extension du délai de prescription et l'élargissement des facultés pour les associations d'agir en justice.
Défavorable.
Madame la rapporteure, vous venez de donner raison sur toute la ligne à M. Clouet,…
…puisque les mesures que vous avez listées ne relèvent que du domaine pénal. Assumez-le !
Pour notre part, nous déplorons cette approche parce que nous pensons qu'il est préférable et plus efficace d'agir sur les causes plutôt que sur les conséquences. J'ai cru un instant que vous alliez défendre l'idée que la répression était préventive – ce qui m'aurait beaucoup amusé puisque les sciences, la science humaine en particulier, ont fait la démonstration du contraire ; or je sais que vous êtes attachée à la science puisque vous voulez combattre les dérives sectaires.
Votez donc cet amendement, chers collègues : en réalité, il a reçu – quoique de manière détournée – un avis favorable de la rapporteure.
Applaudissements et sourires sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 29 n'est pas adopté.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance et Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Comme les dernières interventions de mes excellents collègues l'ont souligné, nous sommes déçus. Certes, nous ne nous faisions pas beaucoup d'illusions. Néanmoins, ce projet de loi se contente d'aggraver les peines pécuniaires et le quantum des peines de prison. Nous commençons à en avoir un peu assez. Au cours des derniers mois, nous avons examiné dans cet hémicycle énormément de lois qui ne jouaient que sur le levier de la répression. Pourquoi ? Parce que vous n'avez pas le courage d'aller chercher l'argent où il se trouve pour financer de véritables politiques publiques, des politiques qui aillent dans le sens de l'intérêt général.
Il n'y a rien dans ce texte qui concerne la prévention, rien qui concerne la formation, rien qui concerne l'information. Nous avions pourtant déposé un grand nombre d'amendements visant par exemple à renforcer les moyens dont disposent les services publics pour être informés des dérives sectaires, ou à augmenter les effectifs de la Miviludes, qui ont diminué de manière drastique ces dernières années. Si les moyens humains sont en baisse, il sera difficile de lutter sérieusement et de bonne foi contre les dérives sectaires !
Nous nous réjouissons toutefois de l'article 3 dans lequel nous avons réintégré la possibilité offerte aux organisations d'utilité publique et aux associations agréées d'ester en justice et d'accompagner les victimes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet.
C'est une mince consolation.
Nous sommes également déçus parce que le texte est mal rédigé et mal conçu. Des termes comme « emprise » ou « sujétion » ne sont pas définis : c'est un problème ! On risque d'en faire des interprétations aléatoires et subjectives.
Nous sommes contre les mesures de bannissement numérique : on ne sait trop comment les décisions seront prises ni comment elles s'appliqueront.
Nous avons également acté que, contrairement à ce que vous prétendez, les lanceurs d'alerte ne seront pas protégés. En général, ce n'est en effet qu'une fois que la justice leur a donné raison qu'ils sont protégés ; avant, les lobbys, les groupes de pression et, souvent, le Gouvernement ont tendance à les poursuivre – la loi relative à la protection du secret des affaires a d'ailleurs mis à mal leur statut.
Une loi sans moyens ni budget ne présente, de notre point de vue, aucun progrès significatif par rapport à la loi About-Picard. Par conséquent, notre groupe votera contre ce texte en nouvelle lecture.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous terminons cette nouvelle lecture avec des sentiments partagés. D'un côté, des dispositions vont dans le bon sens, comme la reconnaissance par la loi de la Miviludes, un apport du Sénat en première lecture auquel nous tenons particulièrement. De l'autre, la rédaction de l'article 4 n'est guère lisible et laisse planer des menaces.
Si nous votions pour le texte, nous lui donnerions un blanc-seing avant qu'il ne reparte au Sénat. Si nous votions contre, nous ne prendrions pas en considération les avancées obtenues. Par son abstention, le groupe Les Républicains invite à dialoguer avec le Sénat afin de trouver une rédaction qui aille dans le bon sens, de sortir de la logique uniquement répressive du projet de loi initial au profit d'une logique d'accompagnement, et de renforcer les moyens de la lutte contre les dérives sectaires. Nous espérons qu'en lecture définitive, le dialogue aura succédé à la confrontation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
La lutte contre les dérives sectaires est un combat que l'ensemble des élus et les membres du Gouvernement doivent mener afin de mieux protéger les victimes, toujours plus nombreuses et toujours plus en détresse. Elle ne tend en aucun cas à stigmatiser les pratiques dites non conventionnelles ni la recherche du bien-être, encore moins à entraver la liberté d'accepter ou de refuser un traitement médical spécifique ou de choisir un autre type de traitement, liberté essentielle à la maîtrise de son propre destin et à l'autonomie personnelle, comme l'a rappelé la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans un arrêt en date du 10 juin 2010.
Inutile de rappeler toutes les horreurs survenues sur fond de dérives sectaires – meurtres, viols, tortures et autres actes de barbarie – pour affirmer la nécessité de voter pour le texte. Les dérives sectaires portent également atteinte à la santé des victimes, notamment lorsque celles-ci arrêtent leurs traitements médicaux, en particulier dans le cas de pathologies graves.
Les médecines dites non conventionnelles ne sont pas problématiques en soi ; bien au contraire, elles sont très souvent des compléments essentiels au bien-être des personnes, voire apportent des solutions. Néanmoins, il incombe aux praticiens d'informer la personne de toutes les conséquences possibles sur sa santé. Son choix doit en effet être libre et éclairé.
Il est essentiel qu'en dépit de nos divergences politiques, nous apportions des réponses concrètes. C'est pourquoi le groupe Démocrate votera pour ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Enfin nous y voilà ! Les débats nombreux – et parfois non exempts de redites – qui nous ont amenés à ce vote auront permis de révéler la structure de l'Assemblée nationale. On y trouve un intérêt profond pour les victimes des gourous 2.0 aux millions d'abonnés, ces gourous qui contribuent à déstabiliser un grand nombre de personnes. Le texte que nous nous apprêtons à voter – de façon définitive, j'espère – offrira à celles-ci une meilleure protection.
En ce jour, c'est d'abord à toutes les victimes des sectes que je pense, que nous pensons. Leur sort doit guider notre vote car en résultera une loi qui, comme cela a été dit, permettra de sanctionner les dérives. Toutefois, au-delà de la définition par le législateur des délits et des peines, il faut que l'État se dote de moyens suffisants pour l'accompagnement, l'investigation et la prévention nécessaires. Il reste beaucoup à faire et l'État est encore à la traîne. J'appelle donc le Gouvernement à mobiliser des moyens à la hauteur de l'enjeu. Il y va de la santé publique et de la protection des plus fragiles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Le chemin a été assez long, il faut le reconnaître, mais tout sauf inutile. Nous avons pris nos responsabilités pour protéger les victimes des dérives sectaires plus qu'elles ne l'ont jamais été, d'une part en renforçant les pouvoirs de la Miviludes – cela était nécessaire – et d'autre part en accordant un rôle plus important aux associations reconnues d'utilité publique ou agréées.
Par ailleurs – et il n'y a pas de raison de s'en sentir mal à l'aise –, nous avons renforcé les leviers du droit pénal pour agir en la matière. La législation actuelle, ancienne, était devenue tout à fait insatisfaisante. Elle protège contre les abus de faiblesse, dont la définition renvoie à des catégories objectives de victimes mais ne peut s'appliquer aux cas, plus subjectifs, auxquels nous confrontent les dérives sectaires. Nous avons donc créé le délit autonome dont nous avions besoin et aggravé les peines.
La lutte contre les provocations, dont nous avons longuement parlé lors de nos débats sur l'article 4, était à nos yeux tout aussi nécessaire. Il ne fait pas de doute que c'est un sujet délicat mais nous arrivons à un texte équilibré, qui offre enfin des moyens d'action tout en préservant dans d'excellentes conditions la liberté individuelle. Il concerne des personnes qui, soumises à des sujétions, ne maîtrisent plus ni leur présent ni leur avenir.
Je remercie l'orateur précédent pour les propos qu'il a tenus au nom de son groupe. Le mien, le groupe Renaissance, comme les autres composantes de la majorité, votera sans aucune ambiguïté ni difficulté la version actuelle du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – MM. Nicolas Turquois et François Gernigon applaudissent également.
Comme tant d'autres, ce texte aura constitué un fiasco. Un fiasco sur le fond, d'abord, parce que, malgré de petites avancées ou des semblants de renforcement du droit pénal, rien ne changera pour les victimes des dérives sectaires. Leur accompagnement ne sera pas amélioré car, misant tout sur la répression, ce texte ne prévoit rien en matière de prévention.
Un fiasco aussi pour les collectivités territoriales qui, comme toujours, devront suivre les directives de l'État central sans informations ni implication suffisante des élus locaux, en première ligne face aux phénomènes sectaires dans le monde rural. Vous avez choisi de repousser les amendements que nous avions déposés à ce sujet.
Un fiasco juridique ensuite car le texte est timide là où il faudrait être intransigeant, et impitoyable là où il faudrait être prudent. Je parle bien sûr de l'article 4, qui est politiquement dangereux, juridiquement maladroit et scientifiquement absurde. Comme je l'ai déjà dit, il musellera les lanceurs d'alerte comme Irène Frachon avec le Mediator,…
…nuira au débat scientifique et attentera gravement à la liberté d'expression.
Le groupe Rassemblement national n'a cessé de le dénoncer. Pour nous rassurer, vous affirmez qu'avec la nouvelle rédaction, les lanceurs d'alerte seront exclus de l'infraction. Il s'agit d'une illusion car ces derniers donnent l'impression d'avoir tort avant qu'on leur accorde publiquement raison, et sont considérés comme fous avant d'être reconnus comme lanceurs d'alerte. Vous avez vainement tenté de corriger ce problème de temporalité, auquel vous n'apportez aucune réponse malgré nos multiples demandes.
Nous avons salué la disparition de cet article 4 au Sénat. Nous avons combattu sa réintroduction en commission des lois à l'Assemblée et, dans une victoire pour les libertés publiques dans notre pays, avons fait adopter un amendement de suppression en séance publique lors de la première lecture. Puis la politicaillerie d'une Macronie en marche vers le vieux monde a refait surface et, en cela, ce texte est aussi un fiasco politique.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Alors que la représentation nationale avait voté la suppression de l'article 4, le Gouvernement a demandé une nouvelle délibération, faisant appel à ses troupes bien dispersées la veille. Par cette petite manœuvre, le Gouvernement a fait rentrer l'article 4 par la fenêtre de la magouille…
…alors que, que vous le vouliez ou non, il était sorti par la porte de la démocratie parlementaire.
Après tous ces débats, après tant de tentatives de ramener la Macronie à la raison, l'article 4 est toujours là…
…et le Rassemblement national est toujours là pour s'y opposer et pour défendre la liberté. Comme le disait Victor Hugo ,
Exclamations sur les bancs du groupe RE
« [l]e législateur, en élaborant la loi, ne doit jamais perdre de vue l'abus qu'on peut en faire ».
Drieu la Rochelle, pour vous ! Citez éventuellement Céline, pas Victor Hugo !
Le législateur que vous êtes a complètement oublié son devoir de prudence et le Gouvernement fonce dans l'abus. C'est pourquoi, aujourd'hui comme hier, le Rassemblement national votera contre ce texte ; aujourd'hui comme hier, il est attaché aux libertés publiques et il continuera à les défendre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 184
Nombre de suffrages exprimés 169
Majorité absolue 85
Pour l'adoption 104
Contre 65
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et SOC.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires (n° 1998, 2335).
La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.
Je suis très heureuse que la présente proposition de loi, d'initiative sénatoriale, soit inscrite à l'ordre du jour d'une semaine du Gouvernement. Elle a trait à un sujet absolument majeur : l'accompagnement des collectivités territoriales face au défi de la transition écologique. Depuis hier, nous avons confirmation que l'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée. L'adaptation de notre vie à cette nouvelle donne climatique est une nécessité et une urgence absolue. Lorsque l'on sait que les bâtiments scolaires représentent un sixième des bâtiments publics des collectivités territoriales, il apparaît évident qu'une mesure clé pour accélérer notre transition écologique est de faciliter les conditions de leur rénovation énergétique. Tel est l'objet même de ce texte, issu des travaux des sénateurs Nadège Havet et Jean-Marie Mizzon, que je salue. Je les rejoins à la fois sur le constat et sur les solutions à apporter.
Commençons par le constat : avec près de 50 000 bâtiments scolaires, représentant 50 millions de mètres carrés et accueillant 10 millions d'élèves et 1 million de membres des personnels éducatifs, la rénovation énergétique du parc scolaire est un défi titanesque. C'est un défi non seulement pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, mais aussi pour adapter les conditions de vie des professeurs et des élèves à un climat qui change. Le scénario vers lequel nous nous dirigeons est celui d'une France où il fera 4 degrés de plus en 2100. En conséquence, on ne pourra ni construire, ni vivre, ni étudier dans des bâtiments qui sont des passoires thermiques. Pour toutes ces raisons, il est absolument essentiel de s'atteler à l'immense chantier de la rénovation énergétique du bâti scolaire.
La réponse de l'État à ce défi est claire : c'est l'accompagnement des collectivités, en confiance, comme l'a rappelé le Président de la République en mai dernier lorsqu'il a lancé le plan de rénovation énergétique des écoles. De Paris à l'Indre-et-Loire, des Bouches-du-Rhône – je pense en particulier à Marseille – à la Seine-Saint-Denis, de l'Alsace à La Réunion, ce sont en effet les collectivités qui devront mener bien des travaux de rénovation énergétique du bâti scolaire.
Les montants qu'elles doivent mobiliser dans ce chantier sont absolument considérables. Les premières estimations évoquent le chiffre de 5,2 milliards d'euros par an, soit plus du double du niveau actuel de financement. C'est pourquoi le Gouvernement a mis en place une large palette de solutions de financement. Je tiens à rappeler devant vous que nous avons maintenu à des niveaux historiquement élevés la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). En 2021, elles ont permis de soutenir près de 6 500 projets, pour 200 millions d'euros. Je pense également aux 500 millions d'euros de crédits du fonds Vert dédiés à la rénovation des écoles – annoncés par le Président de la République le 5 septembre dernier –, au programme Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique (Actee), aux certificats d'économie d'énergie (C2E), au fonds Chaleur, à l'expérimentation du tiers financement ou encore au programme ÉduRénov de la Banque des territoires, qui comprend 2 milliards d'euros de financements intracting.
Malgré ces solutions de financement, les collectivités les plus fragiles peuvent parfois rencontrer des difficultés pour mobiliser les fonds nécessaires. Bien que l'État puisse financer jusqu'à 80 % du coût total des travaux, les 20 % obligatoires de reste à charge peuvent s'avérer insurmontables pour les collectivités. C'est précisément la raison pour laquelle il est nécessaire de réduire, de 20 % à 10 %, la participation minimale du maître d'ouvrage au financement des projets de rénovation énergétique des bâtiments scolaires lorsque cette participation de 20 % apparaît disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage.
En levant un obstacle financier important, voire majeur, cette proposition de loi de bon sens sert les objectifs du Gouvernement en matière de transition écologique. Elle offre aux collectivités les plus fragiles une plus grande flexibilité dans la mobilisation des fonds nécessaires à ces investissements cruciaux. En même temps, elle préserve l'objectif de responsabilisation des collectivités territoriales puisqu'elle prévoit, d'une part, de conserver un reste à charge réduit et, d'autre part, que la dérogation doit être décidée par le préfet en tenant compte de la capacité financière du maître d'ouvrage. C'est une approche équilibrée, que je soutiens.
Quand on doit escalader une montagne, il faut partir parfaitement outillé. Tout ce qui peut renforcer notre arsenal pour améliorer l'efficacité énergétique du parc de bâtiments doit être accueilli favorablement. Ces évolutions me semblent pertinentes pour faciliter la vie des collectivités, surtout de celles qui sont le plus fragiles financièrement. Le Gouvernement sera favorable au texte issu des travaux du Sénat, sous réserve qu'une participation minimale du maître d'ouvrage soit maintenue. Je salue une nouvelle fois le travail de très grande qualité réalisé par les rapporteurs Stéphane Sautarel, au Sénat, et Daniel Labaronne, à l'Assemblée nationale. Je souhaite que ce texte d'intérêt général reçoive un large soutien.
La parole est à M. Daniel Labaronne, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Dans notre quête d'un avenir plus durable, il est crucial de reconnaître la valeur des petits gestes. La présente proposition de loi s'inspire de ce principe fondamental. Elle a été adoptée à l'unanimité par le Sénat, sous l'impulsion de la sénatrice Nadège Havet, que je salue. Benjamin Franklin, inventeur du paratonnerre, l'a exprimé très sagement : « Les petites causes ont parfois de grands effets ». Avec cette proposition de loi, nous choisissons de concrétiser cet adage en prenant une mesure tangible pour soutenir les collectivités dans leurs efforts en faveur de la transition écologique.
Sourires.
Cette proposition de loi prévoit une mesure spécifique et équilibrée visant à soutenir les collectivités territoriales les plus fragiles dans l'effort indispensable de rénovation des bâtiments scolaires. En réduisant leur reste à charge de 20 % à 10 %, l'État, par le truchement efficace des préfets – nous y reviendrons dans la discussion –, contribuera à alléger le fardeau financier des collectivités tout en favorisant la modernisation de nos infrastructures éducatives.
Il s'agit d'une mesure équilibrée, qui ne présente pas de caractère automatique : elle permettra de cibler les collectivités dont le reste à charge serait disproportionné au vu de leur capacité financière. En adoptant cette proposition de loi, nous opterons pour une approche de bonne gestion, qui assurera non seulement la qualité des infrastructures éducatives, mais aussi la capacité des collectivités à entretenir ces investissements à long terme.
Ce dispositif, plus crucial qu'anecdotique, complète l'arsenal de mesures instauré par notre majorité au service des collectivités territoriales. Les principales dotations de soutien à l'investissement des collectivités – DETR, DSIL, dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID), dotation politique de la ville (DPV) – représentent désormais plus de 2 milliards d'euros, un chiffre historique pour ces quatre dotations.
Vous vous en souvenez, le soutien à l'investissement a été renforcé pendant la crise sanitaire par la création d'une DSIL exceptionnelle, qui finance des projets majoritairement dédiés à la transition écologique.
À cela s'ajoutent les 2 milliards du fonds Vert, créé en 2023 et reconduit en 2024, qui permettent aux collectivités de surmonter les défis de la transition écologique.
Néanmoins, financer l'investissement ne suffit pas. Il est également essentiel de donner aux collectivités les moyens de se saisir des outils mis à leur disposition et de leur offrir un soutien en matière d'ingénierie. À cet égard, je tiens à saluer le travail remarquable de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), créée en 2019, qui conseille et soutient les collectivités dans la conception, la définition et la réalisation de leurs projets. L'ANCT est un acteur central dans les projets de développement du territoire relevant notamment des programmes Action cœur de ville, Petites Villes de demain et Villages d'avenir. Elle contribue ainsi à renforcer l'attractivité et la vitalité de nos territoires.
Pour terminer, je tiens à souligner les mesures nouvelles introduites dans la loi de finances pour 2024, qui témoignent de notre engagement continu en faveur des collectivités territoriales. En particulier, l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et la création d'une dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales illustrent notre volonté de renforcer les ressources des collectivités pour relever les défis environnementaux et sociétaux auxquels nous sommes confrontés.
En ma qualité de rapporteur, je vous invite à adopter cette proposition de loi sans modification. En suivant le vote unanime du Sénat, nous assurerons une mise en œuvre rapide et efficace de la mesure. Nous répondrons ainsi aux besoins urgents des collectivités et contribuerons à accélérer notre transition vers un avenir plus durable.
Mme la secrétaire d'État et Mme Nadia Hai applaudissent.
Nous le savons tous ici, les collectivités territoriales sont chargées de financer les travaux de rénovation des bâtiments scolaires de l'enseignement public primaire et secondaire. En lien avec cette responsabilité, elles disposent de plusieurs solutions financières afin de mener à bien leurs projets.
Cette politique prend un sens tout particulier à l'heure où la France s'est fixé d'importants objectifs en matière de transition écologique. Les collectivités territoriales prennent toute leur part à la réalisation de cette ambition, la rénovation énergétique des bâtiments scolaires constituant une partie importante de leur contribution. Néanmoins, le législateur a imposé une participation minimale, égale à 20 % du coût total, de la collectivité maître d'ouvrage. Ce plancher peut correspondre à un reste à charge trop important, ce qui conduit à reporter ou à annuler des projets pourtant nécessaires à l'entretien des bâtiments et à la réduction des factures énergétiques des collectivités.
Pour rappel, en 2022, l'investissement public local s'est élevé à 68 milliards d'euros, soit les deux tiers de l'investissement public global, alors même que les administrations publiques locales (Apul) représentaient seulement 9 % de la dette publique. Ces chiffres témoignent, s'il en était besoin, de la bonne gestion des collectivités territoriales, surtout au regard des comptes de l'État.
Fondée sur ces constats, la présente proposition de loi, transpartisane et adoptée par le Sénat à la fin de l'année 2023, vise à lever un frein au lancement de certaines opérations en abaissant à 10 % le seuil du reste à charge. Elle désigne en outre le préfet comme garant de la dérogation, en fonction de la capacité financière de la collectivité.
Nous souscrivons à cette approche, car la mesure est susceptible de débloquer les projets de certaines collectivités dont les capacités d'investissement sont limitées. L'Association des maires ruraux de France (AMRF) a pointé du doigt l'absurdité de certaines situations : il arrive que des projets de petites communes échouent pour seulement quelques milliers d'euros. Rappelons que le code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit déjà de nombreuses dérogations au seuil de 20 %. En fournissant ce levier de financement à un panel élargi de communes, cette proposition de loi est source de simplification, de clarification et d'efficacité.
Le texte va dans le bon sens, mais il ne réglera pas l'ensemble des problèmes. Si le seuil de financement par les communes est abaissé, celles-ci devront multiplier les efforts afin de trouver des partenaires financiers capables de couvrir la part – 10 % du coût – dont elles seront délestées. Il est plus que vraisemblable qu'elles se tourneront alors vers le département. Or, nous le savons tous mais il importe de le garder en tête, les finances des départements sont déjà très dégradées, comme l'a rappelé récemment l'association d'élus Départements de France. Cet échelon ne pourra donc pas systématiquement être au rendez-vous.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires a martelé à de nombreuses occasions, notamment lors des débats budgétaires, que l'asphyxie financière des collectivités par l'État constitue un frein inquiétant dans plusieurs domaines, notamment en matière de transition environnementale.
Symboles de ce que nous dénonçons : la non-indexation de la DGF sur l'inflation et, plus récemment, l'annulation de 400 millions d'euros de crédits de paiement du fonds Vert. Ce dernier arbitrage du Gouvernement fait de la rénovation des bâtiments scolaires une variable d'ajustement des finances publiques. Enfin, non négligeable à l'échelle de projets qui se jouent à quelques milliers d'euros près, la suppression de la réserve parlementaire a également réduit les canaux de financement des petites communes en difficulté.
Puisque la transition écologique est un impératif national, il est nécessaire d'encourager les collectivités dans leurs projets de rénovation. Bien qu'imparfaite, cette proposition de loi transpartisane contient des avancées qui nous semblent souhaitables. Notre groupe la soutiendra.
Nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi de notre collègue sénatrice Nadège Havet, qui vise à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales pour l'attribution des subventions et dotations pour l'investissement relatif à la transition écologique dans les bâtiments scolaires.
Cette proposition de loi est l'occasion de nous pencher de plus près sur le comportement de l'État vis-à-vis des collectivités territoriales ces sept dernières années. Elle permet aussi de rendre un hommage appuyé aux maires et aux présidents de région, de département et d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui coordonnent au quotidien leurs efforts au service de nos concitoyens, dans un contexte parfois compliqué – ces dernières années ne nous ont pas épargnés. Je veux également rendre hommage aux services de l'État, aux préfets et à leurs équipes, qui ne ménagent ni leur énergie ni leurs efforts en appui aux collectivités. Le couple maire-préfet a été abondamment salué et je suis persuadée qu'il n'y a pas de meilleur attelage pour le développement de nos territoires.
Certains se plaisent à dire que l'État n'a pas soutenu et ne soutient toujours pas les collectivités territoriales. Ce sont des déclarations de posture, que les faits contredisent. M. le rapporteur, Daniel Labaronne, a brillamment rappelé, dans une liste non exhaustive, les mesures prises par le Gouvernement – je dis brillamment, car il a lui-même participé à l'élaboration de certaines d'entre elles dans le cadre de l'Agenda rural. L'État a pris des mesures conjoncturelles en soutien aux collectivités durant les différentes crises que notre pays a traversées. Il a également adopté des mesures structurelles pour le développement des territoires. Il y a trois ans, un plan de relance inédit et ambitieux a été impulsé par le Président de la République, qui a convaincu ses partenaires européens de lever 750 milliards d'euros pour atténuer les effets de la crise du covid-19 dans les États membres et mieux préparer l'Europe aux défis de la transition écologique et numérique. Lors du lancement du volet français du plan, le président Emmanuel Macron a dit qu'il n'y aurait pas de transformation de notre pays sans développement de nos territoires.
Bon nombre de mesures pour l'investissement dans les collectivités territoriales ont été déployées soit directement, par les préfets, soit par l'intermédiaire des agences de l'État, comme l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et l'Agence nationale du sport (ANS). En 2023, nous avons adopté un mécanisme de soutien budgétaire pour venir en aide aux communes les plus en difficulté. Le président Emmanuel Macron a même pensé à des plans territoriaux ciblés, comme celui de la Seine-Saint-Denis, du Val-d'Oise ou encore le plan Marseille en grand, lesquels concentrent des moyens pour faire face à l'urgence dans laquelle se trouvent ces collectivités. Oui, le Gouvernement soutient les collectivités territoriales ; c'est un fait, et les faits sont têtus.
Malgré une crise économique internationale inflationniste, l'année passée a été une année positive pour les finances locales, toutes collectivités confondues. Toutefois, la situation financière des collectivités est contrastée et certaines d'entre elles ne vont pas bien.
C'est pourquoi il nous faut prendre des mesures en faveur des collectivités territoriales qui en ont le plus besoin, et cibler des objets précis.
La proposition de loi notre collègue Nadège Havet se place dans la continuité des mesures prises par le Gouvernement en faveur des collectivités. Dans un contexte de finances publiques tendues, l'équilibre trouvé au Sénat nous paraît de bon sens : abaisser de 20 % à 10 % le reste à charge minimum revenant aux collectivités permettra d'aider les communes à mieux isoler les écoles de nos enfants. Le groupe Renaissance votera cette proposition de loi qui vise à tenir compte de la capacité des collectivités à financer le reste à charge en matière d'investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, en cohérence avec notre volonté de soutenir les collectivités territoriales chaque fois que nécessaire. Vivent nos territoires pour que vive la France !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Dans un contexte de crise mondiale de l'énergie, le prix de celle-ci s'est envolé et pèse désormais lourdement sur le budget des collectivités. Réduire la consommation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales est devenu une nécessité économique. C'est pourquoi cette proposition de loi, qui prévoit un abaissement de 20 % à 10 % de la participation minimale du maître d'ouvrage pour la rénovation thermique des bâtiments scolaires dans le cas où cette participation apparaît disproportionnée, est pertinente. Elle a été adoptée à l'unanimité par la Chambre haute. Elle fait consensus entre l'Association des maires ruraux, l'Assemblée des départements de France et la direction générale des collectivités locales.
Dans son rapport annuel, la Cour des comptes a souligné l'importance d'associer les communes à la planification locale de l'adaptation au changement climatique en prévoyant l'élaboration de stratégies conjointes avec le niveau intercommunal et en adoptant une approche partenariale et participative avec les collectivités territoriales détentrices d'un important parc immobilier. L'État doit prévoir, dès à présent, un réel travail de concertation avec les collectivités.
Les petites communes rurales, sous-dotées en agents administratifs et en moyens d'ingénierie, consacrent un temps disproportionné à la recherche de financements pour assurer la gestion des infrastructures et des réseaux. Cette charge est trop lourde, car les économies d'échelle sont moindres. Or ces communes assurent la structuration du territoire et garantissent un accès universel à l'instruction. Pour elles, la création d'une dotation spéciale dédiée à la rénovation énergétique, comme l'avait proposé le Sénat, eût été bénéfique. Dans ma circonscription rurale du sud de l'Aisne, ces petites communes sont légion. La municipalité de Villers-Cotterêts attend de réunir les fonds nécessaires à l'isolation par l'extérieur de l'école de Moncond'huy, dont le coût des travaux a été estimé à 1,2 million d'euros. Pour son maire, Franck Briffaut,…
…ainsi que pour tous les maires ruraux des communes les plus modestes, la baisse de leur participation financière à 10 %, sur décision préfectorale, est donc la bienvenue.
La proposition de loi constitue une avancée pour les communes rurales et les députés du groupe Rassemblement national la voteront. Toutefois, monsieur le rapporteur, par souci de précision, pourriez-vous nous dire pourquoi le texte ouvre une dérogation spécifique uniquement en matière de rénovation thermique et uniquement pour les bâtiments scolaires des collectivités ? Le troisième alinéa du III de l'article 1111-10 du code général des collectivités territoriales prévoit déjà une dérogation en matière de rénovation des bâtiments non protégés, lorsque le représentant de l'État « estime que la participation minimale est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage. » Nous pensons que la vocation de la loi est d'être générale et impersonnelle, comme le rappelle le Conseil d'État depuis 1998 dans ses rapports successifs. Pour citer l'écrivain Françoise Chandernagor : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête qu'une oreille distraite. » Gardons-nous de la tendance qui consiste à croire que l'on réglera chaque problème avec une loi de plus. Si un nouveau tempérament que celui qui est déjà prévu par le droit en vigueur peut être ouvert, il serait pertinent qu'il le soit à l'ensemble des travaux de rénovation des bâtiments communaux et intercommunaux sous le contrôle du représentant de l'État. C'est en ce sens que nous avons déposé un amendement unique que je défendrai tout à l'heure.
Enfin, monsieur le ministre délégué chargé du logement, permettez-moi de vous demander un éclaircissement sur ce qui apparaît comme l'exécution confuse d'une manœuvre qu'on peine à qualifier de politique publique. Hier, j'ai eu l'honneur d'auditionner la directrice générale de l'Anah, laquelle vient de se voir retirer 1 milliard d'euros par Bercy parce que le ministre se serait trompé dans ses estimations de croissance. Ce milliard représente un tiers du financement du dispositif MaPrimeRénov'.
C'est faux ! Vous n'avez pas les bons chiffres.
Les ménages recevront donc moins d'aides pour la rénovation thermique de leur logement, que la loi « climat et résilience » – loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – leur impose par ailleurs. En parallèle, dans la loi de finances pour 2024, l'État a transformé deux crédits d'impôt, le crédit d'impôt lié à la rénovation lourde des logements sociaux et du parc ancien et le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), en crédits d'impôt local ouvrant aux propriétaires de nouvelles exonérations, de courte durée, de la taxe foncière.
L'État français est un paquebot à la dérive. Manifestement, le commandant a quitté le navire depuis un bon moment. Il est temps de lui donner un cap, un objectif à atteindre. Le peuple français l'attend et il en a besoin. Avec Marine Le Pen,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous accueillons positivement cette proposition de loi qui permettra l'abaissement à 10 %, contre 20 % actuellement, du reste à charge supporté par les collectivités lors de la rénovation énergétique des bâtiments scolaires. Cette proposition vise à soulager les collectivités territoriales dans leurs travaux de rénovation énergétique, à accélérer la transition écologique et, surtout, à améliorer considérablement le bien-être des élèves et du personnel enseignant.
Nos institutions, comme la Cour des comptes, confirment que, dans le contexte actuel, ces mesures sont de bon sens. Il est urgent d'accélérer la rénovation des bâtiments du patrimoine de l'État, quand seulement 14 % des bâtiments scolaires correspondent aux normes de base de consommation énergétique. Il est urgent d'améliorer le bien-être de nos 10 millions d'élèves et de leurs enseignants, surtout quand on sait que certains lycéens ont dû passer le baccalauréat sous une température atteignant 31 degrés en classe l'année dernière.
Il est urgent d'accélérer les efforts de notre pays, quand le Gouvernement a annoncé vouloir rénover 44 000 écoles en dix ans. Encore faut-il y mettre les moyens !
Selon la ministre déléguée chargée des collectivités et de la ruralité, Dominique Faure, il faudrait 50 milliards d'euros rien que pour rénover les écoles élémentaires. Dans ce cas, pourquoi couper les 500 millions d'euros du fonds Vert, qui était destiné à atteindre cet objectif ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Au rythme où nous allons, il faudrait un siècle avant de terminer la rénovation des seules écoles publiques, sans même parler des collèges, des lycées et des universités. Nous nous réjouissons que le texte fasse consensus et nous sommes d'accord pour aller vite. Néanmoins, comme moi, vous connaissez le dicton : « Vite fait, mal fait. » Pourquoi aller aussi vite sur un texte attendu de tous, si c'est pour faire du sur place ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Certains aspects n'ont pas été assez discutés en commission des finances. Il est pourtant essentiel de comprendre l'idée du texte et la nécessité d'aller plus loin pour aider réellement nos collectivités. Il faut garder à l'esprit que les moyens du fonds Vert alloués à la rénovation énergétique des bâtiments scolaires ne sont pas suffisants et qu'ils ont été amputés par Bercy ; qu'une grande partie des dépenses liées à la rénovation des bâtiments publics est déjà supportée par les collectivités, comme l'a confirmé l'audition de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) la semaine dernière, en commission des finances ; que le reste à charge demeure trop élevé pour les collectivités. C'est d'ailleurs la principale raison de la non-sollicitation des fonds de l'État pour ces rénovations.
Les collectivités font donc face à un véritable mur qui entrave leurs investissements, notamment à cause du manque de visibilité de leurs recettes et des atteintes à leur autonomie fiscale.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
D'ailleurs, nos collègues Graziella Melchior et Francesca Pasquini l'ont rappelé en commission et dans leur rapport d'information sur l'adaptation de l'école aux enjeux climatiques : nous manquons d'outils pour avoir une vision cohérente du patrimoine immobilier de nos collectivités et leur offrir un cadre clair en la matière. De ce fait, les aides qui leur sont accordées pour rénover leurs bâtiments publics – notamment scolaires – ne sont pas assez ciblées.
Ainsi, prévoir l'abaissement du reste à charge minimal à 10 % sans le rendre obligatoire ni le flécher revient à ne pas vraiment traiter le problème. Certains veulent absolument un vote conforme dès aujourd'hui, mais pourquoi donc ? À quoi serviraient alors la navette parlementaire et le Parlement lui-même ? Non, l'argument n'est pas sérieux.
Ce qu'il faut, c'est agir vite et agir bien. Deux choix s'offrent à nous : soit nous votons pour nous dépêcher, ce qui implique de prémâcher le travail de chacun en rendant automatique la procédure du passage à 10 % ; soit nous laissons la procédure à la discrétion du préfet, auquel cas nous devons encadrer ses décisions.
Voter la loi en l'état reviendrait à entériner son manque d'effectivité, car le préfet pourrait ne pas appliquer l'exonération de 90 %, sans même avoir à le justifier. En revanche, si nous prenons nos responsabilités de députés, nous pouvons guider l'action du préfet pour garantir aux collectivités qu'elles pourront bénéficier automatiquement du dispositif.
C'est l'objet des amendements que nous avons déposés de nouveau en séance, après leur rejet en commission : si l'exemption complète de participation minimale ou sa baisse automatique à 5 % ne sont pas acceptées, il faudra nécessairement que nous encadrions la décision du préfet. Pour ce faire, nous proposons d'introduire des critères comme la taille et la capacité fiscale des communes, afin de mieux flécher l'exonération vers les petites communes les plus pauvres.
Nous proposons également de cibler davantage les établissements situés en zone REP (réseau d'éducation prioritaire) et REP+ (réseau d'éducation prioritaire renforcé), qui sont souvent les quartiers dans lesquels le manque d'investissement des pouvoirs publics est le plus important.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
De manière générale, le texte part d'une bonne intention mais nous invitons la majorité à saisir cette occasion…
…pour améliorer concrètement le fonctionnement du dispositif et permettre à nos collectivités de respirer sur le plan financier.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Disons-le d'emblée, la présente proposition de loi va dans le bon sens, mais elle ne constitue pas pour autant la solution miracle qui permettra aux communes de financer massivement la rénovation de leurs bâtiments scolaires. Leur faire croire cela, ce serait les bercer d'illusions et prendre le risque de créer chez elle une déception future qu'elles ne nous pardonneraient pas. Restons donc très modestes, chers collègues, même si nous ne pouvons qu'approuver le principe de ce texte – et je salue au passage le travail des rapporteurs Stéphane Sautarel, au Sénat, et Daniel Labaronne, ici à l'Assemblée.
Le rapporteur Labaronne a en effet un grand mérite, celui de tenter de répondre à l'impératif de rénover rapidement nos bâtiments scolaires dans un contexte où les communes rencontrent de grandes difficultés pour financer ces travaux, très lourds et très coûteux, malgré l'existence de divers fonds d'État tels que le fonds Vert, la DSIL, la DPV ou la DETR. De nombreux bâtiments scolaires ont été construits dans les années 1960 pour répondre à l'évolution démographique et à l'allongement de 14 à 16 ans de la scolarité obligatoire, à une époque où les exigences en matière d'isolation étaient rudimentaires. Le parc actuel doit donc être rénové pour des raisons réglementaires, économiques et environnementales.
Le texte propose de déroger à la règle selon laquelle la participation des communes à ces travaux de rénovation doit s'élever à 20 % au moins. Sur le papier, une telle mesure peut sembler utile afin de lancer des projets qui, sans cela, se trouveraient bloqués. Elle a d'ailleurs reçu le soutien de l'Association des maires ruraux de France, qui souligne « qu'il manquait parfois seulement quelques milliers d'euros » à une commune pour finaliser le financement d'un projet. Cependant, je crains que la proposition de loi ne permette de débloquer qu'un nombre limité de situations.
Au-delà de son principe vertueux, le texte n'est pas sans poser plusieurs questions de fond. C'est d'ailleurs à mettre à son crédit : cela nous permet d'avoir un vrai débat et de nous interroger notamment sur son application. En effet, croire que les communes pourraient monter des projets avec seulement 10 % de financements propres relève de l'utopie. C'est là le vrai problème : avec quel argent va-t-on financer ces rénovations thermiques ? Quand on arrive à 40 % de subventions, on est déjà très content ! C'est d'ailleurs un véritable chemin de croix que d'y parvenir.
Il faut donc tenir compte du principe de réalité. On imagine mal comment l'État pourra accompagner le financement de ces travaux à l'avenir, alors que nous venons de subir un décret d'annulation de 10 milliards d'euros de crédits budgétaires. Cette proposition de loi est donc positive, mais c'est un peu l'éléphant au milieu du magasin de porcelaine. Dans ma circonscription, quatre projets de ce type sont en cours, dans des petites communes comme Myans ou Barberaz, où le chiffre de 30 % de subventions publiques est très loin d'être atteint. Ces projets sont donc en attente et nous ne savons pas s'ils se réaliseront.
Par ailleurs, comme l'ont indiqué nos collègues Marie-Christine Dalloz et Josiane Corneloup, un tel changement pourrait conduire les communes à se tourner vers les départements pour compléter leur financement et atteindre les 90 % de subventions publiques. On connaît pourtant la situation des finances départementales ! C'est déjà ce qui se passe dans certaines régions : j'ai la chance d'être élue dans une région, Auvergne-Rhône-Alpes, dans laquelle nous avons instauré, avec le président Laurent Wauquiez,…
…une aide aux communes pour financer des projets sur nos fonds propres.
Mme Nadia Hai s'exclame.
C'est la ruralité, chère collègue, ça compte aussi ! Or ce mécanisme est optionnel, mais une commune reproche désormais à la région de ne pas suffisamment financer son école. En clair, les collectivités, ici, comptent sur la région pour compléter leurs financements, alors que cela ne relève pas de ses compétences – ni de celle, d'ailleurs, des départements.
Ensuite, je regrette, comme beaucoup de mes collègues, que nous laissions au préfet la faculté de sélectionner les projets concernés, au lieu de rendre la procédure automatique ; tout cela participe d'un fonctionnement exagérément étatiste.
Surtout, gardons-nous de voir dans cette proposition de loi autre chose que ce qu'elle est, c'est-à-dire un premier pas intéressant vers la rénovation des bâtiments publics, sachant que les montants à engager sont considérables et que des freins demeurent.
Le frein principal, c'est le manque de moyens dont souffrent nos collectivités, qui est lié à plusieurs mesures prises depuis 2012 : assèchement systématique des ressources de nos communes ; baisse de la DGF, sur laquelle le Gouvernement n'est jamais revenu ; augmentation massive du Fpic (fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales) ; suppression de la taxe d'habitation, dont on ne sait pas jusqu'à quand elle sera compensée ; et suppression de la réserve parlementaire, qui contribuait au financement de ces projets d'investissement. Il aurait été plus judicieux de laisser à nos communes les moyens leur permettant de les réaliser.
Le groupe LR votera donc la proposition de loi, mais les défis à relever sont immenses. Pour conclure, je salue les élèves de la commune d'Aiton, qui sont directement concernés ; ils n'ont pas le droit de me faire signe, mais ils sont présents en tribune
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe RE
En soumettant à notre examen une mesure hautement symbolique en faveur de nos écoles, celles de la République, la présente proposition de loi nous amène à nouveau à considérer très concrètement la question du financement de la transition écologique, plus particulièrement l'indispensable rénovation énergétique des bâtiments scolaires.
Partout sur le territoire national, les communes ont la responsabilité d'un patrimoine immobilier considérable, qui nous rappelle la grandeur de l'héritage légué par la III
De nombreuses écoles de village ou de hameau ont disparu, hélas, tout au long du XX
Nous savons que d'importants travaux de rénovation énergétique s'imposent pour que les établissements accueillant nos enfants – il y a tout de même 10 millions d'élèves en France ! – satisfassent aux normes actuelles de construction, de qualité de l'air, de confort et de bien-être.
De nombreux textes de loi ont conduit à accroître, dans un but certes légitime, les contraintes en la matière ; pour beaucoup d'élus, le simple fait d'appréhender ces nouvelles règles fut un véritable choc, car elles ne sont malheureusement pas sans incidences pour eux. C'est notamment le cas des petites communes, que leur situation budgétaire rend déjà très dépendantes de l'aide de l'État et qui doivent souvent faire face à un reste à charge très lourd pour leurs projets d'investissement.
La proposition de loi vise à diminuer de moitié, s'agissant des opérations de rénovation énergétique des bâtiments scolaires, la quote-part restant obligatoirement à la charge des communes sur le montant total des financements apportés par des personnes publiques.
C'est d'abord pour ces collectivités un enjeu financier, susceptible d'affecter leurs investissements mais aussi leurs frais de fonctionnement, puisque de telles opérations peuvent très concrètement contribuer à faire baisser leurs factures de chauffage.
Mais c'est aussi, on le conçoit aisément, un enjeu de responsabilité, compte tenu des risques qu'entraîne un mauvais état des bâtiments : les conditions de travail des écoliers et des personnels qui les encadrent en dépendent. On ne compte plus les bâtiments publics qui, dans nos villes et nos villages, sont encore de véritables passoires thermiques.
Il faut aussi souligner le caractère symbolique et tout l'intérêt d'une mesure qui concerne l'école de la République et vient soutenir l'éducation à la transition écologique, essentielle à la formation des citoyens de demain.
La proposition de loi nous paraît donc particulièrement intéressante : elle donne compétence aux préfets pour déterminer quelles communes peuvent bénéficier de la dérogation légale, eu égard aux moyens financiers dont elles disposent. Nous approuvons sans réserve le dispositif, qui nous semble de bon sens, car le dialogue maire-préfet est essentiel au niveau local. Le texte devrait permettre de donner sa pleine efficacité au concours apporté par l'État, en particulier celui du fonds Vert, dont plus d'un tiers des dossiers concerne des bâtiments scolaires, et de concrétiser pleinement la planification écologique dans les territoires, dont les écoles sont le cœur battant.
Je rejoins ici les propos du rapporteur, qui a bien insisté sur le fait que la bonne application du texte nécessitera d'apporter aux élus une aide en ingénierie, afin qu'ils puissent se saisir de tous les outils mis à disposition par l'État. Pour que le texte prenne toute son ampleur, il faut bien sûr accompagner les collectivités.
Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate soutient sans réserve le dispositif ; je précise qu'il a fait l'unanimité au Sénat mais aussi lors de son examen en commission des finances, puisque l'ensemble des groupes parlementaires l'ont approuvé.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
La présente proposition de loi vise à faciliter le financement de projets de rénovation énergétique du bâti scolaire par les collectivités territoriales. Elle a été adoptée en première lecture au Sénat et, à l'unanimité et sans modification, en commission des finances de l'Assemblée nationale, la semaine dernière.
Sa mesure principale permet au préfet de fixer la participation minimale de la collectivité, en tant que maître d'ouvrage, à 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques. La dérogation proposée permet ainsi de prendre conscience des règles strictes qui sont imposées aux collectivités en matière de participation financière.
L'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales que nous nous proposons de modifier a, depuis de nombreuses années, fait l'objet de plusieurs adaptations et dérogations. Par exemple, le préfet s'est vu offrir la possibilité de déroger à la participation minimale de 20 % aux projets d'investissement ayant trait à la rénovation de monuments protégés.
Outre qu'elles sont soumises à des règles strictes, les collectivités territoriales doivent respecter des obligations en matière d'économies d'énergie. Cette contrainte s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, mais aussi de l'obligation faite aux États membres de l'Union européenne de rénover chaque année au moins 3 % de la surface au sol totale des bâtiments appartenant à des organismes publics. Or les trois quarts de la consommation d'énergie des collectivités territoriales sont liés aux bâtiments, et la surface du parc scolaire public représente près de la moitié de leur patrimoine.
Au vu des objectifs que nous nous sommes fixés et du coût de la transition écologique et énergétique, nous devons accompagner les collectivités territoriales. Les opérations de rénovation du bâti scolaire induisent des coûts de construction particulièrement élevés. Dans un rapport de 2020 consacré à la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, le Conseil général de l'économie soulignait qu'il faudrait investir 40 milliards d'euros pour atteindre l'objectif de réduction de 40 % de consommation d'énergie à l'horizon 2030. Certaines communes rencontrent de grandes difficultés pour financer la rénovation énergétique des écoles – et même si les collectivités territoriales peuvent déjà, pour ce faire, bénéficier de dotations d'investissement relevant de plusieurs missions du budget de l'État, ce soutien ne suffit pas toujours.
Tel est l'objet de cette proposition de loi : au vu des obligations d'économies d'énergie qui s'imposent aux collectivités territoriales et de la place centrale du bâti scolaire dans cette démarche, il est indispensable de les doter d'outils pleinement adaptés pour relever le défi. La nouvelle dérogation envisagée ne s'appliquera pas de plein droit, mais pourra être utilisée par le préfet s'il estime qu'une participation minimale de 20 % est disproportionnée au vu de la capacité financière de la collectivité concernée. Le texte permettra ainsi une plus grande adaptabilité et offrira davantage de souplesse pour traiter les diverses situations, tout en levant les difficultés auxquelles font face certaines communes pour financer la rénovation énergétique des écoles. Il devra cependant être accompagné de mesures complémentaires. Il est par exemple indispensable de donner plus de visibilité aux collectivités sur les dotations d'investissement dont elles bénéficient, comme s'y est engagé le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale.
Parce qu'elle vise à donner aux collectivités territoriales plus de liberté et de souplesse dans la conduite de leurs politiques, la proposition de loi s'inscrit pleinement dans l'approche des députés du groupe Horizons et apparentés, qui voteront donc en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à ce texte, même si ses membres s'interrogent sur l'effectivité de la mesure proposée, tout simplement parce que les départements sont en grande difficulté : alors qu'ils subventionnent habituellement de nombreux projets, peut-être auront-ils tendance, dans le contexte actuel, à se recentrer sur leurs dépenses obligatoires. Nous nous interrogeons également sur son articulation, à nos yeux nécessaire, avec les taux maximaux de subventions autorisés dans le cadre des dossiers d'attribution de la DETR et de la DSIL, ainsi qu'avec les fonds de concours – car même si on l'oublie souvent, les EPCI peuvent aussi cofinancer des projets.
Nous comprenons votre volonté d'adopter un texte conforme à la rédaction retenue par le Sénat et n'avons donc pas déposé d'amendements. Nous tenons néanmoins à signifier à nos collègues sénateurs qu'il aurait été intéressant d'intégrer dans le dispositif les 12 % de bâtiments universitaires qui appartiennent aux collectivités, dans la mesure où les universités ne sont pas mieux loties que les écoles.
Si cette proposition de loi constitue un pas dans la bonne direction, elle ne peut être considérée comme une solution à elle seule : nous devons également aborder d'autres défis cruciaux auxquels les collectivités locales sont confrontées. Parmi ceux-ci figurent l'état financier global des collectivités – en particulier les plus petites –, ainsi que l'insuffisance des ressources humaines et financières dont elles disposent pour mener à bien ces projets ambitieux. Nous devons garantir à chaque collectivité, quelle que soit sa taille ou sa situation géographique, la possibilité d'accéder aux financements et aux ressources nécessaires pour entreprendre les rénovations qui s'imposent.
En outre – et c'est un élément de réflexion en vue de l'élaboration du prochain budget –, nous devrions créer un fonds, d'une durée de trois ou quatre ans, pour aider les collectivités à disposer d'une photographie de leur patrimoine, car nombre d'entre elles ne disposent pas d'informations pourtant essentielles.
Enfin, nous devons reconnaître que la rénovation énergétique des bâtiments scolaires n'est qu'un élément d'une transition énergétique et d'une politique de développement durable plus vastes. Il est impératif d'intégrer cette initiative dans une stratégie globale visant à réduire notre empreinte environnementale et à promouvoir un mode de vie plus respectueux de la planète.
Mes chers collègues, le temps des discours est révolu.
Il faut maintenant passer à l'action. En soutenant cette proposition de loi, nous envoyons un message fort : nous sommes résolus à investir dans l'avenir de nos enfants, à protéger notre planète et à construire une société plus durable et plus juste pour tous. Voter en faveur de cette proposition de loi nous engage à prendre des mesures effectives pour concrétiser notre vision d'un avenir plus vert et plus prometteur pour tous.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. le rapporteur applaudit également.
Le groupe Écologiste soutiendra évidemment ce texte. Permettez-moi de rappeler en préambule que l'urgence écologique est le plus grand défi auquel l'humanité ait été confrontée au cours de son histoire. Relever ce défi colossal, vertigineux, nécessite plus que des mots, des slogans et des demi-mesures : il faut un « quoi qu'il en coûte » écologique. Nous devons déployer des moyens sans précédent pour limiter les causes du réchauffement et en atténuer les effets, déjà nettement perceptibles.
Cette réalité, monsieur le représentant du Gouvernement, est incompatible avec la trajectoire austéritaire que vous nous imposez.
C'est pourtant une question de sécurité nationale ; une question qui détermine nos conditions même d'existence ; une question – ce texte le montre – qui conditionne notre capacité à assurer pleinement la continuité du service public, notamment du service public de l'éducation. Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a récemment donné l'alerte sur l'impréparation de la France face aux effets du changement climatique. Cette préoccupation s'applique évidemment à nos écoles : si nous n'agissons pas dès maintenant pour les adapter à ces défis, c'est la continuité du service public de l'éducation qui risque d'être compromise – elle l'est déjà, à vrai dire, quand, comme cela a été rappelé, des enseignements sont interrompus et des écoles fermées parce qu'il fait trop froid ou trop chaud dans des bâtiments devenus de véritables passoires thermiques. Cet état de fait remet profondément en cause la capacité de l'école à permettre la réussite éducative de toutes et tous et affecte durablement et de façon inacceptable les conditions d'enseignement ainsi que les conditions de travail du personnel éducatif. Je veux d'ailleurs leur rendre hommage, notamment à celles et ceux qui ont été sanctionnés et pourchassés précisément pour avoir dénoncé ces conditions – je pense à ce qu'il s'est passé récemment en Seine-Saint-Denis.
Mme Soumya Bourouaha applaudit.
Alors que près de 86 % des écoles ne répondent pas aux normes de basse consommation énergétique et que les coûts de rénovation oscillent entre 1 100 et 1 700 euros par mètre carré, les investissements consentis devront être massifs. En septembre dernier, le Président de la République annonçait son intention de rénover entre 40 000 et 44 000 bâtiments scolaires en dix ans, une enveloppe de 500 millions d'euros prélevée sur le fonds Vert devant être spécifiquement allouée à cet objectif dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.
Ce budget semblait déjà largement insuffisant, puisque même en retenant un coût de rénovation de 700 euros par mètre carré – soit une estimation extrêmement basse –, rénover les 130 millions de mètres carrés de bâti scolaire que compte le parc français supposerait de débloquer 91 milliards d'euros d'argent public, comme nous proposions d'ailleurs de le faire dans le dernier projet de loi de finances. Il serait d'ailleurs bon, si vous me pardonnez cette parenthèse, que vous nous laissiez parfois voter le budget sans avoir recours à l'article 49.3 – mais nous aurons bientôt l'occasion de le supprimer en adoptant la proposition de loi de notre collègue Jérémie Iordanoff, qui sera examinée lors de la journée de niche du groupe Écologiste, le 4 avril prochain.
M. Marcellin Nadeau applaudit.
Ce sont donc 4 milliards par an pendant dix ans qu'il faudrait consacrer à cette unique tâche. Mais le Gouvernement préfère les coupes budgétaires – 10 milliards cette année – et l'école, une fois de plus, attendra ou s'effondrera. Elle s'effondre d'ailleurs déjà. La hausse du fonds Vert se limitera finalement à 100 millions d'euros, ce qui semble compromettre sérieusement nos ambitions climatiques et contredire les propos tenus à cette tribune pendant la présentation du texte.
Ces rabotages budgétaires sont incompréhensibles. La hausse du fonds Vert aurait pu donner un élan précieux aux collectivités pour entreprendre des actions concrètes susceptibles d'avoir un impact local réel. La réduire, c'est entraver leurs efforts et reléguer encore une fois nos ambitions écologiques au second plan. Cette réduction est d'autant plus incompréhensible qu'en 2024, pour la première fois, le fonds Vert avait pour objectif de financer non seulement les travaux d'atténuation du changement climatique dans les écoles, mais aussi les mesures d'adaptation. Nous espérons donc, monsieur le rapporteur, que vous ne balaierez pas d'un revers de main notre amendement visant à inclure ces dernières dans le texte.
Pour en venir au contenu de la proposition de loi, elle vise à faciliter le financement des projets de rénovation par les collectivités. La modification envisagée, qui consiste à abaisser de 20 % à 10 % la participation minimale des collectivités au financement des travaux de rénovation énergétique des bâtiments scolaires, semble aller dans le bon sens. Elle soulève pourtant un paradoxe : réduire la participation minimale des collectivités sans augmenter à due proportion les fonds alloués par l'État ne garantit pas que la disposition aura des impacts significatifs sur le terrain et ne nous permettra sûrement pas d'atteindre nos objectifs en la matière.
Ces choix budgétaires d'austérité interrogent réellement : comment comptez-vous aider les collectivités à franchir le mur d'investissements climatiques auquel elles font face ? Sûrement pas en continuant de considérer les moyens des collectivités comme une simple variable d'ajustement des politiques économiques et budgétaires nationales ! Ce dont les collectivités ont besoin, au contraire, c'est de stabilité financière et d'un soutien pérenne pour déployer des politiques ambitieuses en matière de transition écologique.
Vous l'aurez compris, nous voterons ce texte, mais nous attendons de la représentation nationale et du Gouvernement bien plus que ces demi-mesures certes indispensables aujourd'hui, mais qui appellent une ambition bien différente demain.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
La présente proposition de loi vise à instaurer une dérogation permettant, dans certains cas, de réduire la participation minimale de la collectivité maître d'ouvrage de 20 % à 10 % pour une opération de rénovation écologique d'un bâtiment scolaire.
Le chantier s'annonce massif : avec près de 51 000 établissements scolaires pour beaucoup construits dans les années 1960 et 1970, dont une majorité écrasante d'écoles du premier degré, les collectivités territoriales consacrent en moyenne 76 % de leur consommation d'énergie aux bâtiments, dont l'essentiel est composé d'établissements scolaires. Le coût des projets pouvant varier, selon l'ampleur de la rénovation et l'état initial du bâti, de 300 à 3 000 euros par mètre carré, la rénovation des écoles représente des investissements massifs pour certaines collectivités. Comme nous l'avons récemment constaté à travers l'exemple du lycée Blaise-Cendrars à Sevran, les établissements scolaires sont parfois dans un état de vétusté très avancé et nous ne pouvons nous satisfaire de voir les élèves apprendre dans de telles conditions. Il est donc nécessaire de soutenir les collectivités, tant sur le plan économique que sur le plan écologique.
Dans cette perspective, nous sommes particulièrement dubitatifs quant aux effets de cette proposition de loi, pour une raison simple : elle ne s'attaque pas aux problèmes réels des collectivités en matière de financement. D'abord, en soulignant que la participation minimale du maître d'ouvrage peut constituer un frein à l'investissement, vous reconnaissez que les collectivités peinent à dégager de l'autofinancement. C'est bien à cela qu'il faut s'attaquer en priorité. Or cette majorité a systématiquement refusé les mesures susceptibles de sécuriser les ressources des collectivités,…
…à commencer par la proposition de loi du groupe GDR visant à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation.
M. Marcellin Nadeau applaudit.
L'autre difficulté en matière d'autofinancement concerne bien entendu l'accès au crédit bancaire. Là aussi, il y a beaucoup à dire et à faire. Les collectivités font face, comme l'ensemble de la population, à la montée des taux d'intérêt et au rationnement du crédit. Le temps des emprunts à 1 % semble définitivement révolu et il est plus que jamais nécessaire d'intégrer cette donnée pour traiter de la question des investissements des collectivités.
Pourquoi ne pas imaginer des dispositifs qui permettent de contourner les contraintes bancaires en promouvant, par exemple, des prêts à taux zéro (PTZ) octroyés par la Banque des territoires ?
Enfin, comment ne pas évoquer les difficultés d'accès aux dotations d'investissement, dont vous voulez pourtant porter la part à 90 % du montant total des travaux ?
Ces dotations, de plus en plus spécialisées, supposent une ingénierie importante dont ne disposent pas certaines communes. La concurrence entre les projets s'avère d'autant plus vive que le montant global des dotations s'amenuise. Le décret d'annulation de crédits du 21 février 2024 a raboté le fonds Vert de 400 millions d'euros, ramenant à moins de 2 milliards d'euros le montant total des subventions d'investissement.
L'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) estime que la rénovation des bâtiments scolaires représente à elle seule un effort budgétaire de 1,4 milliard d'euros par an. Avec des dotations en baisse, comment accroître le subventionnement des rénovations d'écoles lorsque la priorité est également donnée aux programmes Villages d'avenir, Petites villes de demain ou Action cœur de ville ?
Les dotations versées représentent en moyenne 50 % du montant des projets. Le taux de 80 % est rarement atteint. Est-il utile de faciliter le subventionnement sans augmenter le montant des dotations ?
Votre texte pourrait même susciter des incompréhensions, car tous les maires ne vont pas bénéficier à l'avenir de 90 % de subventions sur la rénovation thermique des écoles, d'autant que la facilité ouverte par le texte est laissée à la discrétion du préfet.
Malgré ces réserves, nous voterons cette proposition de loi – mais sans illusion, car elle ne favorisera la réalisation de projets de rénovation que de manière très marginale. Pour agir sur l'investissement des collectivités, il convient de pérenniser et de sécuriser leurs ressources de fonctionnement, de leur donner assez de visibilité et de cesser d'en faire les variables d'ajustement de vos politiques de coupes budgétaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de loi.
À mon tour, je salue la proposition de loi de notre collègue sénatrice du Finistère, Nadège Havet, qui s'inscrit dans la continuité des engagements de la majorité au service des collectivités territoriales et de la transition écologique.
En rendant possible la réduction de 20 % à 10 % du reste à charge des collectivités pour les projets d'investissements liés à la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, ce texte constitue une avancée supplémentaire qui s'ajoute aux mesures prises pour donner corps aux engagements du Président de la République. Sous son impulsion, la rénovation du bâti scolaire est devenue une priorité pour l'État : une enveloppe de 800 millions d'euros lui est consacrée dans le plan de relance. Le fonds Vert, créé en 2022, y contribue fortement avec une enveloppe de 2 milliards d'euros, augmentée de 500 millions d'euros dans le dernier projet de loi de finances (PLF).
Le Gouvernement s'est mobilisé pour accélérer son action en la matière avec le programme EduRénov qui, par l'intermédiaire de la Banque des territoires, financera la rénovation de 10 000 écoles d'ici à 2027 et 40 000 d'ici à 2034, soit la quasi-totalité du parc du premier degré.
À l'occasion de la mission relative à l'adaptation de l'école aux enjeux climatiques que ma collègue Francesca Pasquini…
…et moi-même avons conduite, nous avons pu mesurer l'importance que revêt le bâti scolaire dans la transition écologique. Nous avons constaté que l'accès aux financements existants peut être complexe et le reste à charge financier élevé, notamment pour les élus des petites communes.
Je vous invite donc à voter pour cette proposition de loi. Elle offrira aux élus un dispositif supplémentaire dans un arsenal qui ne cesse de s'étoffer pour mieux les accompagner dans le processus de rénovation énergétique des bâtiments scolaires.
Mmes Stella Dupont et Mireille Clapot applaudissent.
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 8 , par le groupe Rassemblement national ; sur l'amendement n° 7 , par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public ; sur l'article unique, par le groupe Rassemblement national ; et sur l'ensemble de la proposition de loi, par le groupe Renaissance.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 8 .
Le champ d'application du texte est actuellement limité aux travaux de rénovation énergétique des bâtiments scolaires. L'amendement propose de l'élargir en généralisant, aux mêmes conditions, l'octroi de la dérogation aux travaux de rénovation énergétique de tous les bâtiments communaux et intercommunaux.
Si les modalités d'application de la présente proposition de loi sont efficaces, il y a lieu d'en faire bénéficier l'ensemble des travaux de rénovation de bâtiments communaux et intercommunaux, sous le contrôle du représentant de l'État.
Le Gouvernement n'ayant de cesse d'attaquer l'autonomie fiscale des collectivités, celles-ci voient leurs ressources propres se réduire comme peau de chagrin. Dans le PLF pour 2024, l'État a transformé deux crédits d'impôts nationaux en un crédit d'impôt local en ouvrant aux propriétaires la possibilité de nouvelles exonérations temporaires de taxe foncière.
Cet amendement propose donc de traverser le brouillard des manœuvres contre les collectivités et d'élargir le spectre des subventions qui leur sont octroyées en matière de rénovation du bâti au-delà de la seule rénovation thermique des bâtiments scolaires.
Vous disiez tout à l'heure que lorsque la loi est bavarde, le citoyen l'écoute d'une oreille distraite. Cette proposition de loi est centrée sur les bâtiments scolaires, qui représentent en effet une part importante de la surface des bâtiments communaux et constituent des gouffres financiers en ces temps d'énergie chère car ce sont souvent des passoires thermiques. Si nous devions élargir le champ d'application du texte à d'autres types de bâtiments, nous perdrions en efficacité. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Dessigny, je ne peux vous laisser dire que les recettes des collectivités territoriales régressent. Elles ont augmenté d'environ 4 % sur l'année 2018 : qu'on ne nous dise donc pas qu'elles se réduisent !
En 2023, l'investissement des collectivités locales atteindra un niveau record de 80 milliards d'euros. Le texte vise à aider les collectivités à investir ; dire qu'elles n'ont pas les moyens de le faire est inexact.
D'autre part, à trop généraliser cette dérogation, si l'on raisonne à somme nulle, nous diminuerions le nombre de projets que l'État pourrait aider et ainsi le nombre de collectivités ayant recours à cette aide. C'est une mauvaise idée. Concentrons-nous sur les bâtiments scolaires et la transition écologique qui constituent nos deux priorités et, de grâce, n'élargissons pas le champ de la mesure !
Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, vous n'avez de cesse depuis deux ans de nous seriner votre vision selon laquelle les collectivités locales bénéficient de davantage de crédits qu'elles n'en ont jamais eu.
Cependant lorsqu'on rencontre les maires, ce que je fais avec mes collègues, et ce que vous faites sans doute aussi, le discours est différent. La DGF s'est effondrée depuis dix ans. Les communes n'ont plus de ressources vives ; le département de l'Aisne rencontre même de grandes difficultés pour payer ses fonctionnaires faute de moyens. Vous aurez beau répéter encore pendant trois ans que les collectivités territoriales vivent mieux, sur le terrain ce n'est pas le cas.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je m'abstiendrai sur cet amendement bavard car il sera sans effet du fait d'un problème fondamental : les collectivités sont dépourvues des moyens nécessaires pour investir. Je suis engagée en politique depuis douze ans ; j'ai vu et vécu, en lien avec les maires, la chute de leurs recettes propres. Ce fût d'abord la baisse considérable de la DGF sous François Hollande puis l'explosion du Fpic. On demande aux communes ayant quelques moyens d'aider celles qui en ont moins car l'État est incapable de leur faire bénéficier de la solidarité nationale, ce qui est incroyable.
En outre, la réserve parlementaire permettait d'aider massivement les écoles ; vous l'avez rabotée.
Nous devons rétablir une véritable autonomie fiscale des collectivités et leur laisser les moyens d'investir.
Dans le sud de la Gironde, où je suis élu, nous nous bagarrons avec l'État pour que le Réolais soit reconnu comme zone de revitalisation rurale (ZRR). Cela étant, dans cette période où les élus font montre de misérabilisme, j'ai demandé au préfet de calculer le montant total attribué à cette communauté de communes et aux quarante et une communes qui en sont membres au titre de la DETR, de la DSIL et du fonds Vert entre 2020 et 2023 : en tout, 5,7 millions ont été versés pour un territoire de 25 000 habitants, soit 20 000 euros par habitant pendant quatre ans. On ne peut guère parler d'abandon des zones rurales !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 65
Nombre de suffrages exprimés 62
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 12
Contre 50
L'amendement n° 8 n'est pas adopté.
Cet amendement de notre collègue Francesca Pasquini précise la portée du texte en l'étendant aux opérations de végétalisation et de désimperméabilisation des cours d'écoles. Ces opérations de rénovation des bâtiments scolaires participent à leur transition écologique et énergétique, objet de la proposition de loi.
Les travaux préalables à l'examen du texte au Sénat ont montré que cet amendement est conforme à la volonté du rapporteur – vous noterez l'esprit constructif de ma collègue – qui cite « la question de l'adaptation du bâti scolaire aux vagues de chaleur » parmi les objectifs des opérations de rénovation des bâtiments scolaires.
De plus, les opérations de rénovation des bâtiments scolaires combinent généralement, au sein d'un projet global, une opération de rénovation énergétique des murs et des toits des bâtiments d'une part et, de l'autre, une opération de désimperméabilisation de la cour d'école.
Nous avons eu ce débat en commission des finances. Je persiste à dire que, pour renforcer son efficacité, il y a lieu de concentrer le dispositif de cette proposition de loi sur le financement de la rénovation des bâtiments scolaires en évitant le saupoudrage des dotations.
Des fonds spécifiques existent pour investir dans des mesures de végétalisation ou de renaturation. Ainsi, le fonds Chaleur est doté de 820 millions d'euros et n'est pas en concurrence avec d'autres dispositifs budgétaires. Il ne me semble donc pas opportun d'élargir le dispositif prévu par cette proposition de loi alors que certains fonds visent déjà les travaux liés aux îlots de chaleur.
À ce point du débat, je souhaite saluer le travail remarquable de nos collègues Francesca Pasquini et Graziella Melchior sur la question de l'adaptation de l'école au changement climatique. Leur rapport d'information indique précisément qu'il est certes important de financer les mesures permettant de lutter contre les îlots de chaleur mais que cela ne suffit pas : il faut surtout établir des stratégies d'adaptation, notamment du temps scolaire.
Concentrons donc le dispositif sur les établissements scolaires. Ne le confondons pas avec d'autres dispositifs, déjà financés, et évitons de saupoudrer les différentes dotations.
La végétalisation des cours d'école est un véritable enjeu technique : les cours doivent pouvoir maintenir la fraîcheur tout en restant accessibles aux fauteuils roulants. Le problème est que leur surface est souvent recouverte d'écorces ou d'herbes qui rendent l'utilisation d'un fauteuil roulant particulièrement difficile.
Ainsi, il est important d'envisager des solutions techniques et opérationnelles pour réduire la chaleur tout en assurant la praticabilité des sols pour tous, quel que soit le handicap.
Je rejoins les propos du rapporteur : grâce à l'investissement massif que le Gouvernement propose de consentir pour accompagner les opérations de rénovation des écoles, les collectivités feront des économies sur leur facture énergétique qu'elles pourront ensuite réinvestir dans les travaux de végétalisation, qui sont en effet essentiels.
Notre objectif prioritaire est de créer des leviers de financement en faveur des collectivités territoriales afin qu'elles puissent réaliser les travaux et éviter des dépenses d'énergie. Encore une fois, les économies d'énergie pourront être redéployées pour améliorer les conditions de travail des élèves. En clair, en le concentrant sur les économies d'énergie, on fait de ce texte un dispositif vertueux.
Mme Stella Dupont applaudit.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à donner au représentant de l'État, et à lui seul, la faculté de suspendre complètement la participation minimale des collectivités à la rénovation d'un bâtiment scolaire, dans le cadre de la transition écologique. Ainsi, les collectivités pourront accélérer les projets de rénovation, en particulier celles dont le reste à charge, trop élevé, constitue un frein à l'investissement.
Comme nous l'avons entendu la semaine dernière en commission, lors de l'audition de l'AMF, il ne manque souvent que quelques dizaines de milliers d'euros pour qu'une collectivité engage des travaux de rénovation. J'ajoute à l'intention de M. Cazeneuve que si l'investissement a été fort cette année, il ne fait que retrouver son niveau de 2017, comme a tenu à le préciser le président de l'AMF.
Quant à l'état des finances locales, l'épargne brute des communes de plus de 3 500 habitants est en baisse, alors qu'elle augmente dans les petites communes de moins de 3 500 habitants. En effet, à l'heure actuelle, ces communes ne peuvent pas envisager d'entamer des investissements importants.
En 2023, les collectivités n'ont sollicité que 300 millions d'euros de fonds disponibles aux fins de travaux de rénovation des bâtiments scolaires. C'est peu, dit le Gouvernement. Toutefois, pour nombre de collectivités, le reste à charge de 20 % reste trop élevé, et un reste à charge de 10 % risque de l'être également.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Permettez-moi de vous livrer le témoignage d'un député qui participe à la commission consultative pour la DETR de son département tourangeau d'Indre-et-Loire. Tous les élus locaux reconnaissent l'effort considérable que l'État consent pour abonder les dotations en faveur de l'investissement, qu'il s'agisse de la DETR ou de la DSIL, et le rôle du préfet est de rappeler cette hausse – mais je m'arrête là, parce que notre débat ne porte pas sur les dotations aux collectivités locales.
Le dispositif que nous examinons est utile. La règle de participation minimale du maître d'ouvrage est une règle de bonne gestion, parce qu'elle vise à assurer la qualité des projets présentés par les collectivités. Elle révèle aussi la capacité financière de la collectivité porteuse du projet à entretenir l'investissement.
Qualité des projets et capacité financière des collectivités : ces deux points ont été soulignés par les sénateurs, qui ont même estimé que le reste à charge de 0 % serait contraire à l'autonomie de gestion des collectivités. En effet, cela leur enlèverait toute responsabilité dans le financement. La commission avait déjà examiné cet amendement et émis un avis défavorable, que je maintiens.
L'exposé des motifs de cet amendement explique que les recettes des communes ont baissé, ce qui est totalement faux.
À deux reprises, nous avons augmenté la DGF de 300 millions d'euros. Quant à la DETR, nos communes n'ont jamais été autant aidées dans leurs investissements.
N'importe quoi ! Vous êtes totalement déconnectée ! Quittez l'hémicycle et allez sur le terrain !
Vous évoquez la taxe d'habitation, que nous avons supprimée. Je rappelle que les communes ont été compensées à l'euro près, et même plus : celles dont le delta était de 10 000 euros ont pu garder ce montant.
Mais bien sûr ! Les communes n'ont jamais été aussi bien servies ! Tout va bien, madame la marquise !
La suppression de la taxe d'habitation est un gain moyen de pouvoir d'achat d'environ 600 à 800 euros par personne, mais vous y êtes opposés, comme on peut l'entendre dans l'exposé de vos motifs.
Quand nos communes se plaignent d'avoir perdu leur autonomie fiscale, qu'ont-elles perdu, en réalité ? Elles ont perdu la faculté d'augmenter les impôts fonciers, ce qu'elles n'avaient pas fait depuis dix ou quinze ans.
Nos échanges donnent l'impression que les collectivités territoriales vont contracter un prêt en contribuant à l'investissement par un simple apport, comme si elles achetaient un bien immobilier. C'est faux : en réalité, c'est le préfet qui a la main. Qui mieux que lui, qui représente l'État, peut estimer la solvabilité et la bonne santé financière des communes ?
Rappelons que cette proposition de loi ne vise pas toutes les communes. Au fond, elle est faite pour les communes les plus en difficulté, à qui vous demanderez de montrer patte blanche afin de pouvoir bénéficier d'un soutien financier auquel elles font appel précisément parce qu'elles ne peuvent pas financer leurs projets par leurs propres moyens.
Vos propos et la manière dont vous qualifiez les amendements présentés à tour de rôle par des députés de groupes différents dénaturent l'esprit et la lettre de votre proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
L'amendement n° 4 n'est pas adopté.
Cet amendement de notre collègue Pasquini, dont je tiens à saluer, une fois de plus, le travail sur ces questions…
…vise à rendre automatique la mesure contenue dans la proposition de loi. Notre objectif est simple : que le maximum de collectivités bénéficient de ce seuil de participation minimal de 10 %.
Nous sommes tous d'accord sur un point, ce qui n'arrive pas souvent dans cet hémicycle : la rénovation des écoles est une priorité politique pour l'État et les collectivités. Toutes les collectivités doivent s'y atteler, car huit écoles sur dix ne sont pas aux normes.
Si nous voulons atteindre le rythme de 4 000 rénovations par an, tous les leviers doivent être activés et le soutien de l'État aux collectivités doit être massif. Le texte ne doit pas être que déclaratif : montrons que nous voulons nous donner les moyens de relever le plus grand défi de l'histoire de l'humanité, c'est-à-dire la lutte contre le réchauffement climatique, dans ses implications actuelles et futures, dont dépend notre capacité à faire étudier nos enfants dans de bonnes conditions. Joignons les actes à la parole et votons l'automaticité de cette mesure. J'espère que l'engagement de notre collègue Pasquini, à travers cet amendement, rencontrera un plein succès.
Si je reconnais la qualité du travail de nos collègues Pasquini et Melchior, ce n'est pas pour autant que je suis prêt à accepter toutes ces propositions d'amendement.
Sourires.
L'intérêt du dispositif réside précisément dans son caractère non automatique, qui permettra au préfet de cibler les projets des communes se trouvant dans une situation financière difficile. Or cet amendement en atténue le caractère péréquateur.
En outre, je suis étonné de votre défiance à l'égard du corps préfectoral. Nous avons eu ce débat en commission des finances mais permettez-moi cette parenthèse, même si je sais que vous êtes partisan d'une VI
Je dis « plutôt » pour ne pas trop vous gêner… Quoi qu'il en soit, nous souhaitons que le préfet conserve une vision transversale. Il doit donc rester présent dans le choix des collectivités qui, en vertu de ce texte, pourront bénéficier d'un reste à charge de 10 % du montant des opérations de rénovation.
Monsieur le rapporteur, je suis un républicain. Je ne manifeste donc aucune défiance – surtout pas ici – à l'égard du corps préfectoral. Je regrette cette mise en cause, d'autant que le débat était de bonne tenue.
M. Jean-René Cazeneuve rit.
Si, monsieur Cazeneuve, il est de bonne tenue.
Ensuite, vos propos sont frappés d'une certaine forme d'hypocrisie. Nous avons confiance dans le corps préfectoral, dans la fonction publique et dans les services publics – que nous soutenons d'ailleurs régulièrement contre vous – mais c'est en vous que nous n'avons pas confiance ! Nous n'avons pas confiance dans ce gouvernement et cette majorité qui, sur les questions écologiques comme éducatives, ont souvent fait de belles déclarations d'amour. Ce ne sont que des mots, encore des mots, toujours des mots ; derrière, les actes ne suivent pas, et les objectifs annoncés ne sont accompagnés ni des moyens ni des politiques publiques qu'ils exigent.
L'automaticité proposée par notre collègue Pasquini vise à garantir l'effectivité de la rénovation et de l'adaptation du bâti scolaire à la réalité du changement climatique, afin que tous les enfants puissent étudier, apprendre et s'émanciper dans de bonnes conditions – car, encore une fois, nous n'avons pas confiance en vous, et cela ne changera pas.
Je ne remettais pas en cause votre appréciation de l'action et du rôle du corps préfectoral dans notre belle République. Je constate seulement que vous êtes adepte d'une autre République et que vous considérez que les orientations du Gouvernement, mises en œuvre par le préfet, ne sont pas les bonnes.
Vous parlez de mots ; laissez-moi vous parler d'actes. Le budget vert, innovation unique au monde, classifie les dépenses publiques en fonction de leur impact sur l'environnement : dépenses vertes, brunes ou grises.
M. Sébastien Peytavie s'exclame.
Les dépenses publiques en faveur de la transition écologique représentent au total 35 milliards d'euros. Le fonds Vert a été mis en place en 2023 puis maintenu en 2024, et 2 milliards d'euros supplémentaires ont été alloués à l'investissement des collectivités locales. Ce sont bien des actes.
Autre chose : ces mesures budgétaires, qui découlent d'une véritable volonté politique, ne seraient-elles pas à l'origine de la baisse de 4,8 % de nos émissions de gaz à effet de serre en 2023 ?
Ce résultat, que nous avons appris aujourd'hui, est absolument remarquable et nous devrions tous nous en féliciter !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'en profite pour remercier tous les acteurs qui sont conscients de la nécessité du développement durable et de la rénovation énergétique.
Je ne connais pas un seul maire qui se désintéresse de l'école de sa commune, et je saisis cette occasion pour saluer l'action des élus locaux – comme vous tous, je suppose.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
En proposant de fixer à 10 % le reste à charge pour les communes les plus en difficulté, l'amendement de mon collègue Michel Sala manquait presque d'ambition : celui-ci vise donc à abaisser ce taux à 5 %.
Laisser penser, monsieur le rapporteur, que la France serait le seul pays à conduire une action écologique déterminée et responsable me semble non seulement exagéré, mais aussi faux : la chambre parlementaire d'un autre pays européen, pas très éloigné de la France, a ainsi désavoué le budget présenté par son gouvernement, qu'elle ne jugeait pas assez vert – comme quoi la France n'a pas le monopole de la préoccupation écologique !
Ensuite, restreindre l'analyse de l'action écologique de la France au taux d'émission de gaz à effet de serre sur le territoire hexagonal nous incite à nous exonérer de toute responsabilité dans les émissions d'autres pays moins vigilants en la matière ; pourtant, en important les biens qui y sont produits, nous y participons directement.
Mme Manon Meunier applaudit.
Par exemple, comme nous l'avons dit lors de l'examen de la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile, nous continuons, en France, d'acheter des vêtements fabriqués dans des pays qui ne se soucient ni des droits humains ni de l'écologie. Essayons donc d'élargir notre point de vue au-delà d'un simple périmètre hexagonal.
J'en reviens à l'amendement. Il y a quelques années, le maire de Sevran, en Seine-Saint-Denis, où se trouve justement le lycée Blaise-Cendrars, a fait une grève de la faim non loin de l'Assemblée nationale, sur la place du Président-Édouard-Herriot, pour dénoncer l'absence de moyens de certaines collectivités locales, incapables de couvrir une partie des dépenses liées aux écoles. Le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a lui-même dû recourir à un plan pluriannuel d'investissement (PPI) pour financer des opérations dans les collèges. Même la région Île-de-France cherche des financements pour rénover les lycées de ce département ! On prend souvent l'exemple de la Seine-Saint-Denis, parce qu'il est emblématique, mais cette situation, nous le savons tous, touche bien d'autres collectivités dans notre pays. À l'image de ce qui a été fait avec la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, abaisser à 5 % le reste à charge, comme nous le proposons, permettrait aux communes en difficulté de rentrer dans le droit commun et de ne plus dépendre du pouvoir discrétionnaire des préfets, qui laisse parfois à désirer – étant entendu que le corps préfectoral en tant que tel n'est évidemment pas en cause.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Un reste à charge à 10 % me semble équilibré et pertinent, et les sénateurs étaient du même avis.
La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis défavorable.
Nous ne soutiendrons pas cet amendement car, comme nous l'avons dit précédemment, il nous paraît important de prévoir un reste à charge suffisant,…
…ne serait-ce que pour s'assurer que les collectivités territoriales pourront faire face aux dépenses de fonctionnement de ces infrastructures, puisqu'elles leur échoient.
Par ailleurs, je ne peux pas laisser dire que la baisse des émissions de gaz à effet de serre n'est pas le fruit de l'action que nous menons depuis sept ans. À travers le plan de relance européen, un plan d'investissement massif…
…de 750 milliards d'euros déployé sous l'impulsion de la France et du Président de la République, Emmanuel Macron, l'Union européenne abonde le plan France relance à hauteur de 40 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 60 milliards d'euros de financements de l'État. Or, sur ces 100 milliards, 35 milliards sont spécialement dédiés à la transition écologique.
Nous avons bel et bien de bons résultats et nous inscrivons effectivement la France dans une démarche de transition écologique grâce à une trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Il est normal de le rappeler, ne vous en déplaise. Votre opposition de posture est déplacée : les chiffres contredisent vos propos et nous donnent raison.
Mme Stella Dupont applaudit.
Bien que présentées sur un ton sympathique, les réponses de M. le rapporteur sont dogmatiques.
J'ai été maire, et je sais que la transition écologique passe certes par la rénovation thermique, mais aussi par la prise en compte des risques accrus auxquels certaines communes sont exposées en raison du changement climatique. Abaisser le reste à charge des communes en difficulté est donc intéressant : fixer ce seuil à 5 % est un premier pas, mais les communes qui sont à la fois en très grande difficulté et confrontées à des risques nécessitant la reconstruction ou la rénovation urgente des bâtiments scolaires devraient pouvoir bénéficier d'un financement intégral. Il me semblerait opportun de donner aux préfets la possibilité d'apprécier à la fois la situation financière des collectivités concernées, mais aussi l'urgence et la nécessité de construire ou de rénover une école.
Nous sommes donc favorables à l'amendement visant à donner au préfet la possibilité de fixer le reste à charge à 5 %, comme nous étions favorables à ce qu'il puisse décider d'une prise en charge intégrale.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous proposons que l'abaissement à 10 % du reste à charge – puisque c'est le seuil qui semble se dessiner – soit automatique pour les collectivités qui en ont vraiment besoin, c'est-à-dire, à nos yeux, les petites communes très peu denses au sens de l'Insee et celles des territoires où le taux de pauvreté est plus élevé que la moyenne nationale, qui mettent souvent très longtemps à dégager les fonds suffisants pour les opérations de rénovation énergétique car leur budget est déjà largement mobilisé sur d'autres sujets, comme le désamiantage ou la lutte contre l'insalubrité.
Le principe d'automaticité est contraire à l'esprit de la proposition de loi et remet en cause la péréquation défendue dans le texte. Je ne peux donc qu'être défavorable à cet amendement.
Si nos émissions de gaz à effet de serre n'avaient pas diminué de 4,8 % – un résultat tout à fait exceptionnel –, mais augmenté d'autant, nous vous aurions beaucoup entendus. Il est dommage que nous soyons les seuls à nous réjouir des belles réussites qu'enregistre la France, alors que nous devrions tous nous en féliciter.
M. le rapporteur devrait porter davantage attention aux félicitations que nous adressons aux militants et élus locaux ainsi qu'aux communes – tous bords politiques confondus – pour leurs actions positives. Par exemple, en tant que député La France insoumise de Paris, je soutiens la généralisation des cours oasis dans les écoles de la capitale. Votre remarque me semble, à tout le moins, illustrer votre ignorance quant à nos positions – je vais rester courtois.
Contrairement à ce qu'a dit tout à l'heure Nadia Hai – mais peut-être a-t-elle simplement été maladroite dans ses propos, ou a-t-elle mal lu nos amendements –, nous ne sommes pas contre le principe du reste à charge, en témoignent nos amendements visant à en fixer le plancher à 5 % ou 10 %.
L'amendement de M. Sala, que je vais évidemment soutenir, vise à appliquer le droit commun à toutes les communes – y compris celles en difficulté –, comme nous l'avons fait en sanctionnant d'une amende les villes qui ne respectent pas les obligations de construction de logement social fixées dans la loi SRU – même si certaines s'enorgueillissent de préférer payer l'amende –, car leur refus met en difficulté les communes alentour qui, elles, conformément aux valeurs de la République, font le choix fraternel d'accueillir celles et ceux qui ont besoin d'être logés.
L'abaissement automatique du reste à charge, qui aura pour effet de soumettre les communes en difficulté aux règles du droit commun, ne me semble donc pas affaiblir votre texte mais bien le renforcer, en garantissant que les communes puissent bénéficier d'une aide à laquelle aujourd'hui, les crédits qu'elles sont en mesure de mobiliser ne leur permettent pas de prétendre ; j'y reviendrai à l'amendement suivant.
M. Michel Sala applaudit.
L'amendement n° 6 n'est pas adopté.
Je peux comprendre qu'il soit difficile à l'Assemblée de savoir ce que l'on entend exactement par « ville pauvre », car c'est un critère certes technique mais parfois subjectif. En revanche, nous pouvons tous – du moins à celles et ceux qui s'intéressent à l'éducation nationale – nous accorder sur le classement en REP ou en REP+ d'établissements qui se situent évidemment dans des quartiers et des territoires qui doivent recevoir une attention particulière. Les écoles sont fréquentées par des enfants ; il faut prendre soin de leur environnement.
C'est pourquoi cet amendement vise à rendre automatique l'abaissement du taux de reste à charge – qu'il soit de 5 % ou de 10 % – pour les écoles des zones REP et REP+, car ce critère, non soumis à la décision subjective d'un préfet, est plus communément partagé sur les bancs de cette assemblée.
Comme je l'ai dit, le principe d'automaticité est contraire à l'esprit du texte. Je suis donc défavorable à cet amendement.
C'est bien dommage. Je pensais que l'esprit de votre proposition de loi était justement d'encourager et de soutenir tous les maires et présidents de conseils départementaux ou régionaux qui ont à cœur de rénover les bâtiments scolaires.
Comme cela a été souligné tout à l'heure avec l'amendement de Mme Pasquini, tout ne se résume pas au béton : il faut penser la rénovation globalement, dans son environnement. Par exemple, comme tous ceux qui s'intéressent à l'écologie le savent, il est utile de planter des arbres à proximité des écoles car ils agissent comme un filtre naturel – en faisant baisser la température en été et en protégeant les écoles l'hiver ; de surcroît, c'est souvent beaucoup moins coûteux pour les finances publiques que d'isoler les bâtiments par l'extérieur.
Je regrette que vous ne voyiez pas l'automaticité comme un gage d'égalité républicaine pour les élèves et les enseignants des communes en grande difficulté, qui doivent dépendre du droit commun, et non du pouvoir discrétionnaire du préfet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, monsieur Arenas, et j'ai cru percevoir une petite dose de mépris au début de votre intervention,…
…lorsque vous avez sous-entendu que nous n'étions pas assez attentifs aux territoires fragiles et aux communes où le taux de pauvreté est important – mais peut-être me suis-je trompée.
En tout état de cause, il y a une chose que vous ne maîtrisez pas :…
Vous établissez un lien causal entre la santé financière d'une collectivité et la présence d'écoles classées REP ou REP. Il existe pourtant des quartiers prioritaires et des écoles classées REP ou REP+ dans des communes qui n'ont pas de difficultés financières ; à l'inverse, des communes où aucune école n'est classée REP ou REP+ peuvent être en difficulté. Attention, donc, à ne pas conditionner l'abaissement du taux de reste à charge au classement d'un établissement en REP ou en REP+, comme le propose cet amendement – que j'ai lu avec attention –, d'autant que ces établissements bénéficient déjà d'un accompagnement inédit de l'État, qu'il s'agisse du financement du soutien scolaire et de l'accompagnement à la scolarité, ou du soutien aux plans d'investissement des collectivités territoriales.
Prenons l'exemple de Marseille,…
…ou même, dans ma circonscription, de Chanteloup-les-Vignes, qui ne compte pas, loin de là, parmi les communes les plus riches : elle bénéficie d'un plan d'accompagnement exceptionnel de l'État. Ce n'est pas moi qui le dis ; ce sont les élus locaux et la maire elle-même. Donc, avant d'adopter vos positions, regardez ce que font le Gouvernement et l'État pour les collectivités, cela vous évitera de faire des confusions.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 90
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 26
Contre 53
L'amendement n° 7 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 89
Contre 0
L'article unique est adopté.
Le rapporteur se glorifiait à l'instant d'une baisse des émissions des gaz à effet de serre dans notre pays : une baisse minime…
…dont tout démontre qu'elle résulte essentiellement de l'explosion des prix de l'énergie et de l'inflation, et pas du tout des prétendus efforts et investissements auxquels vous auriez consenti pour la transition écologique. Si nous ne traversions pas une crise écologique aussi grave, de tels propos, monsieur le rapporteur, seraient risibles. Mais ils sont dramatiques, car ils démontrent, à l'instar de votre refus d'accepter nos amendements qui visaient à mieux accompagner les investissements des collectivités en faveur de la transition écologique, que vous maquillez votre inaction climatique par une forme de cynisme et d'opportunisme ,
Exclamations sur les bancs du groupe RE
mais tous ces slogans, ces belles déclarations, sont rarement suivis d'effets ! Or, pour affronter le péril climatique, le plus grand défi de l'histoire de l'humanité, il faut un « quoi qu'il en coûte » écologique.
Le problème avec le « quoi qu'il en coûte », c'est qu'on n'a plus les moyens de payer quoi que ce soit !
Nous constatons depuis 2017 que vous n'y êtes pas prêts et nous l'avons encore vérifié aujourd'hui.
Soit. Vous avez mis du temps à réagir à l'annonce de la baisse de 4,8 % des émissions des gaz à effet de serre.
Après quelques recherches, vous avez forgé l'argument selon lequel cette baisse ne serait pas due à notre action mais à la hausse du coût de l'énergie. C'est de bonne guerre, mais il n'empêche : en 2023, malgré une croissance économique de 1 % – c'est malheureusement peu, mais cela représente quand même une création de richesses de 25 milliards d'euros – nous avons réussi à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cela prouve qu'on peut combiner croissance économique et transition écologique – ou, du moins, réduction des émissions.
J'en viens à l'amendement, qui demande un rapport sur les financements apportés par l'État aux collectivités territoriales pour les projets de rénovation énergétique des bâtiments scolaires. S'il est un domaine où nous disposons d'informations, c'est bien celui-là – je n'en dirai pas de même pour d'autres. En effet, les rapports sur le financement des collectivités locales par l'État ne manquent pas, qu'il s'agisse du rapport sur les finances publiques locales annexé au projet de loi de finances ou des rapports détaillés, dotation par dotation, que publie sur son site internet la direction générale des collectivités locales concernant l'emploi des fonds de soutien à l'investissement des collectivités – DETR, DSID, DSIL, DPV. De plus, les documents budgétaires présentent la ventilation des crédits du fonds Vert, reconduit en 2024. S'y ajoutent la loi de règlement de 2023 et les rapports annuels de performances (RAP) associés, que nous examinerons au printemps et qui décrivent la situation en détail. La documentation étant très riche, un rapport supplémentaire n'est pas nécessaire. Avis défavorable.
Personne ne remet en question, à moins de vouloir déformer les chiffres de l'Insee, les progrès réalisés par la France dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre hexagonal. En revanche, si nous intégrons notre consommation alimentaire et nos importations de matières premières, il faut bien admettre que nous faisons payer une partie de notre transition énergétique à d'autres pays, y compris le coût social de certaines productions importées.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Il suffit de penser à nos téléphones portables, dont certains composants sont fabriqués dans des pays qui émettent les gaz à effets de serre nécessaires à leur production. Et quand on sait que les portes de nos bâtiments publics sont parfois montées en Chine avec du chêne français, on comprend qu'une vision globale est nécessaire. C'est dans cet esprit que s'exprimait mon collègue Benjamin Lucas.
Mêmes mouvements. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
Qu'il n'y ait pas de malentendu : nos propos n'ont rien de méprisant et nous allons voter cette proposition de loi. Mais laissez s'exprimer des visions différentes de l'écologie, des interdépendances et des liens qui nous unissent avec le reste du monde ! Assumons le fait que la France, dont l'importation de lithium australien, nécessaire aux voitures électriques, provoque un écocide et des dégâts culturels parmi les peuples autochtones, ne peut faire abstraction de sa responsabilité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
Cette proposition de loi est bavarde. En effet, l'alinéa 3 du III de l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales permet déjà aux préfets d'aller au-delà du taux de 80 % de participation de l'État aux projets des collectivités locales. Pourquoi donc une disposition spécifique à la rénovation thermique et aux bâtiments scolaires, alors qu'elle est déjà possible de façon générale ? Je vous ai posé la question et vous ne m'y avez pas répondu. Peu importe, mais sachant qu'on a retiré 1 milliard d'euros à l'Anah, soit un tiers des crédits de MaPrimeRénov', je ne vois pas comment on va rendre plus accessible la rénovation thermique si les ménages, eux, ne peuvent plus financer ce type d'opérations.
La transformation de crédits d'impôts d'État en un crédit d'impôt local pèse, je le rappelle, sur la taxe foncière dont les recettes vont aux collectivités territoriales. En réalité, vous donnez d'une main ce que vous prenez de l'autre : c'est la marque de fabrique du gouvernement Macron qui ne trompe plus personne. Vous naviguez en matière de transition énergétique comme ailleurs : sans cap, sans capitaine et sans vision. Vivement 2017…
Rires sur divers bancs.
Merci, madame la présidente, d'avoir aussi bien présidé cette séance, dans des conditions excellentes pour la sérénité de nos débats, ce qui est très précieux.
Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, notre groupe votera ce texte, car toute avancée dans la voie de la rénovation énergétique de nos bâtiments et de l'adaptation rapide de nos établissements scolaires au réchauffement et aux aléas climatiques toujours plus nombreux, est bonne à prendre.
Néanmoins, nous sommes obligés de dire qu'il faut aller beaucoup plus loin. Dans nos circonscriptions et nos territoires, nous constatons régulièrement les conditions d'insalubrité dans lesquelles se déroulent certains cours et que dénoncent les enseignants et les enseignantes, auxquels je veux rendre hommage.
Mme Soumya Bourouaha applaudit.
Avec les conditions indignes, pas seulement climatiques, dans lesquelles ils doivent faire cours, c'est tout le service public de l'éducation nationale qui est entravé, c'est la capacité des enfants à apprendre dans de bonnes conditions qui est remise en cause. C'est surtout le cas des territoires les plus en difficulté et des quartiers populaires. Des cours sont annulés, des classes sont fermées quand il fait trop froid ou trop chaud : c'est inacceptable.
Il faut donc un « quoi qu'il en coûte » écologique et scolaire. À cet égard, votre action affligeante pour l'école de la République laisse à penser que nous pourrions faire beaucoup plus qu'avec ce texte – qui n'est pas mauvais, puisque nous le voterons, mais qui est insuffisant au vu des enjeux scolaires qui sont devant nous.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Comme l'a indiqué mon collègue Michel Sala lors de la discussion générale, notre groupe votera ce texte. Tous les députés se sont engagés en politique, façonnés par leur expérience. À titre personnel, j'étais jeune représentant de parents d'élèves quand, dans l'est de la France, des écoliers avaient eu du mal à se réveiller de leur sieste après avoir subi pendant leur sommeil un coup de chaleur qui les a conduits aux urgences. Voilà l'état de notre pays. Les responsabilités sont certes partagées mais il ne s'agit pas ici d'identifier les responsables ; il faut des solutions.
Certes, ce texte ne va pas assez loin si l'on considère les amendements que nous avons proposés. La situation est générale et ne se limite pas à certains départements. Tous les enfants scolarisés dans notre pays demandent une attention particulière de la puissance publique, surtout ceux des écoles de la République, car elles ne pratiquent pas le tri sélectif à l'entrée et proposent un accueil universel. Par ailleurs, notre vision doit s'élargir au-delà des frontières hexagonales. Nous avons un devoir d'exemplarité pour les pays qui n'en ont pas les moyens ou qui ne partagent pas notre volonté de faire des écoles de la République des lieux accueillants où les enfants trouvent le bonheur et n'ont pas peur d'aller.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Nous voterons le texte, mais nous espérons que notre main tendue au service des enfants sera saisie de nouveau lors de textes ultérieurs, afin de travailler ensemble à des textes de loi, des décrets gouvernementaux et des engagements ministériels qui iront beaucoup plus loin que la proposition de loi votée aujourd'hui. Nos enfants le méritent et ils en ont besoin. C'est de cette manière que la France rayonnera, non en excluant les individus mal nés, qui n'auraient pas la bonne couleur de peau ou la bonne origine.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nous voterons cette proposition de loi transpartisane. C'est une petite loi et nous avons conscience de ses limites. En particulier, les conseils généraux devront être à la hauteur des demandes exprimées par les communes, mais le texte va dans le bon sens et contribue aussi, à la marge, à lutter contre les effets du réchauffement climatique. Il témoigne de la sollicitude pour nos collectivités, dont nous savons combien elles ont besoin d'être soutenues au quotidien.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Nous allons évidemment voter cette loi, mais nous voulons insister sur la nécessaire prise en compte des inégalités territoriales. Je pense singulièrement à la situation urgente des outre-mer, où des écoles sont exposées à des risques d'inondation et des risques liés au changement climatique. Le cas existe aussi en France dite métropolitaine. Soyons conscients des difficultés qu'ont les communes à mobiliser un financement, même minimum. Ce qui compte n'est pas le pourcentage de financement érigé en dogme, mais la garantie de la sécurité de nos enfants, et ce, comme l'a dit mon collègue Lucas, quoi qu'il en coûte.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
J'avais initialement renoncé à cette explication de vote, supposant que les autres groupes feraient de même ; cela dit, je comprends l'intérêt que vous portez tous à cette proposition de loi, due à la sénatrice Nadège Havet et adoptée par le Sénat à l'unanimité – c'est du reste afin que les deux chambres l'adoptent dans les mêmes termes que l'Assemblée a rejeté les amendements. Bien entendu, elle ne constitue qu'une brique parmi tant d'autres : pourrait-elle à elle seule assurer la transition écologique dans les bâtiments scolaires ?
En sept ans, le Gouvernement a-t-il pris d'autres mesures en la matière ?
La réponse est oui. Vous pouvez prétendre le contraire tant que vous voudrez : comme je le disais tout à l'heure, les faits sont têtus ! Les faits, c'est le soutien de l'État aux collectivités territoriales pour qu'elles traversent successivement la crise sanitaire, la crise économique internationale et la crise inflationniste que nous continuons de vivre – soutien manifesté par des mesures conjoncturelles, mais aussi structurelles qui visent à transformer durablement nos territoires sur le plan des investissements, ainsi qu'à concrétiser dans le bâti la transition écologique que nous appelons tous de nos vœux.
S'il existe un sujet susceptible de nous réunir, c'est cette transition – l'enjeu du XXI
J'en veux pour preuve, lors de la crise sanitaire, le plan France Relance, doté d'un budget inédit de 100 milliards d'euros.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Et combien de milliards d'endettement ? La planche à billets fonctionne bien !
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et LR.
Vous pouvez sauter comme des puces sur tous les sièges de l'hémicycle : encore une fois, les faits sont têtus.
Mme Caroline Abadie applaudit. – M. Benjamin Lucas s'exclame
en vue de la transformation des territoires, ce n'est pas une utopie ni une fiction, mais une réalité due au président Macron et à cette majorité.
Nos collègues supporteront bien de souffrir encore deux minutes, voire un peu moins.
« Non ! » sur divers bancs.
Monsieur Arenas, pourrais-je achever mon propos, comme vous avez eu tout loisir de le faire ?
« Ah ! » sur divers bancs
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur divers bancs.
Il existe des sujets qui doivent nous réunir, des enjeux pour notre pays…
Brouhaha persistant.
Si vous n'en pouvez plus, monsieur Minot, vous êtes libre de quitter l'hémicycle. Nous, nous n'en pouvons plus depuis longtemps de vous entendre hurler.
Un rappel au règlement est impossible pendant les explications de vote, monsieur Minot.
Sourires.
Merci, madame la présidente. Je reprends : s'il y a des enjeux en mesure de nous unir, ce sont ceux qui traverseront le XXI
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Ian Boucard fait mine d'applaudir également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 102
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 102
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur divers bancs.
Prochaine séance, mardi 26 mars, à neuf heures :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra