Permettez-moi de m'attarder sur l'article 4 qui fait l'objet de tant de débats.
J'ai entendu les points de vue exprimés, qui sont très différents, aussi bien au sein de chaque chambre parlementaire qu'entre celles-ci. Au terme de ce débat, je demeure convaincue que la représentation nationale ne peut pas rester sourde aux difficultés dont témoignent les services opérationnels et les victimes. Oui, il y a des gourous, des influenceurs, des prétendus soignants, qui sont des criminels parce qu'ils promeuvent des pratiques qui tuent.
Monsieur Dupont-Aignan, le Conseil d'État l'a exprimé dans l'avis qu'il a rendu : « la légitimité de l'objectif poursuivi par le projet de loi est incontestable ».
L'article 4 vise à empêcher les abus délétères et souvent mortels de la liberté d'expression. Il crée une nouvelle infraction qui réprime deux types de discours de provocation : la provocation à interrompre ou à s'abstenir de prendre un traitement lorsque cela aurait des conséquences particulièrement graves sur la santé, ainsi que la provocation à empoisonner.
Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont bien entendu les critiques formulées à l'encontre du projet de loi initial. Elles portaient sur trois points essentiels : le texte doit garantir la liberté de conscience, préserver la liberté de critique médicale – ce n'est pas moi qui dirai le contraire – et s'abstenir de réprimer ce qu'on pourrait appeler les discours familiaux, les jugements à l'emporte-pièce tenus au cours d'un repas.
Sur ces trois points, nous avons apporté des garanties rédactionnelles.
S'agissant de la liberté de conscience, dans la rédaction actuelle, dès lors qu'une personne ne provoque pas à interrompre un traitement qui maintient en vie ou en bonne santé, il n'y a pas d'infraction. L'alinéa 2 exige en effet que l'abandon ou l'abstention du traitement soit présentée comme « bénéfique » ; tandis que l'alinéa 5 formule l'exigence d'une « volonté libre et éclairée de la personne ».
Ensuite, afin de préserver la liberté de critique médicale, l'alinéa 6 exclut explicitement les lanceurs d'alerte du champ d'application de ces délits.
En outre, le critère de gravité des conséquences de l'abandon ou de l'abstention du traitement a été rehaussé : la rédaction actuelle mentionne des « conséquences particulièrement graves ».
Comme l'a dit la rapporteure, cessez de prétendre qu'Irène Frachon n'aurait pas pu nous alerter si ces dispositions avaient été inscrites dans la loi, car c'est faux.
Enfin, les discours tenus dans la sphère privée et les paroles en l'air sont clairement exclus du champ d'application du projet de loi, car l'alinéa 2 précise que les provocations concernées doivent faire l'objet de « pressions et de manœuvres réitérées », ce qui, à l'évidence, ne correspond pas à une conversation familiale ou entre amis.
Puisque les débats parlementaires sont une source d'interprétation du droit, je le déclare devant la représentation nationale : il n'est pas dans l'intention du Gouvernement d'interdire la critique médicale, d'empêcher les malades de décider en toute conscience, leur volonté étant pleinement éclairée, de prendre ou de s'abstenir de prendre un traitement, fût-ce manifestement au détriment de leur santé, ni d'épingler les discussions familiales ou amicales. En revanche, il est bien dans l'intention du Gouvernement de mettre hors d'état de nuire les gourous 2.0, les guérisseurs malhonnêtes, les escrocs qui mettent en danger, qui font souffrir et qui tuent nombre de nos concitoyens.
Je l'ai déjà dit à de multiples reprises : provoquer à interrompre une chimiothérapie pour lui substituer un jus de légumes n'est en rien un usage de bon aloi de la liberté d'expression.
Mesdames et messieurs les députés, je crois au débat parlementaire, à la sagesse des assemblées. Ce texte en est issu.
Je suis certaine que chacun pourra en conscience se prononcer sur un texte qui est bien différent de celui qui a été soumis à l'avis du Conseil d'État – je l'assume complètement – ainsi qu'à l'examen initial des deux assemblées.
Ce texte amélioré par le travail parlementaire – merci, monsieur Delaporte, de l'avoir souligné – apporte toutes les garanties contre l'arbitraire et préserve les libertés.
L'avis du Gouvernement sur les amendements tendant à supprimer l'article 4 est donc défavorable.