France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 13.
Je suis saisie de trois amendements de suppression de l'article, n° 672, 802 et 930.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 672 .
Je ne serai pas très longue car mon argumentation n'est pas différente de celle que j'ai développée auparavant. L'article 13 suit votre logique de simplification, logique que nous ne partageons pas car nous estimons nécessaire un renforcement des garanties. Nous avons l'impression que vous considérez le contrôle exercé par la justice comme une perte du temps – je sais que vous me répondrez que ce n'est pas tout à fait ça, mais tout de même.
L'article prévoit d'étendre les autorisations générales de réquisition. Par cette disposition comme par d'autres, vous semblez vouloir répondre au fil du texte à celles et ceux qui estiment que l'intervention de la justice est un problème pour le bon déroulement des enquêtes de police. Je profite de cet amendement de suppression pour vous demander si vous comptez évaluer l'intérêt pratique d'une telle modification : permet-elle un gain réel de temps ? contribue-t-elle à la solidité des enquêtes ?
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 802 .
La question est bel et bien de savoir quel est l'intérêt opérationnel de cette mesure. Nous ne sommes pas convaincus qu'elle en ait un et aimerions avoir des précisions à ce sujet.
Dans son avis du 10 mars dernier, le Conseil d'État note que cette mesure « traduit une certaine érosion des pouvoirs de direction et de contrôle des enquêtes par le parquet » et s'interroge sur « l'intérêt pratique et le gain réel de temps » qu'elle apporte. Je rejoins cette préoccupation légitime qui motive cette demande de suppression.
La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Chère Elsa Faucillon, sur la question de la simplification de la procédure finale ,
Sourires sur plusieurs bancs
Oui, j'ai peut-être été inspiré par la lutte finale, mais au fond, pourquoi pas, vous ne connaissez pas tout mon passé, chers collègues…
« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce matin, lors de son audition devant la mission d'information sur la réforme de la police judiciaire, le procureur général François Molins a reconnu – et je parle sous le contrôle d'Ugo Bernalicis qui en est le corapporteur – que la complexité de notre procédure pénale constituait bien un problème. Je ne parlerai pas des autres aspects de son intervention mais il a lui-même souligné que la question de la simplification de cette procédure se posait. Il ne faut donc pas l'évacuer comme si elle procédait d'une certaine mauvaise foi pour apprécier les garanties que la procédure pénale apporte aux victimes et aux auteurs présumés d'infractions. En réalité, il ne me semble pas qu'il y ait de désaccord entre nous sur ce sujet.
Ce projet de loi n'est d'ailleurs pas un texte de simplification de la procédure pénale…
…enjeu que nous aborderons sans doute dans le projet de loi « Justice » avec le garde des sceaux. Le dispositif apporte des réponses ciblées à des situations problématiques, réponses très attendues par les policiers et les gendarmes et que les magistrats eux-mêmes, lors des auditions, ont considérées comme intéressantes.
Ce matin, nous avons évoqué les centaines de milliers de réquisitions formelles existantes. À l'article 12, nous avons adopté la possibilité de ne pas mentionner l'habilitation dans la procédure tout en conservant, bien sûr, le caractère obligatoire de cette habilitation pour la consultation des traitements de données. Le présent article vise à étendre les autorisations générales de réquisition données par le procureur de la République.
L'article 39-3 du code de procédure pénale autorise, dans sa rédaction actuelle, le procureur de la République à délivrer des instructions générales dans le cadre d'une enquête préliminaire aux fins de réquisitionner des examens techniques, scientifiques, des informations ou des documents. Ces instructions peuvent porter sur la réalisation d'examens médicaux sur les victimes ou les auteurs présumés d'une infraction sexuelle commise sur une personne mineure ainsi que sur la comparaison d'empreintes génétiques. L'article 13 prévoit une extension de ces réquisitions à cinq autres cas dont la remise d'enregistrements issus d'un système de vidéoprotection ou la recherche de comptes bancaires.
Il apporte des garanties très fortes : les autorisations générales doivent être limitées à six mois ; le procureur doit préciser chacune des infractions visées ; il doit aussi indiquer les réquisitions susceptibles d'être faites et peut, s'il le juge nécessaire, rapporter la réquisition.
Sur ces amendements de suppression, l'avis de la commission est défavorable car le dispositif est très bien encadré.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.
Ce n'est pas parce qu'un dispositif est très bien encadré qu'il apporte des garanties en matière de droits et de libertés.
Voyez le cas des périmètres de sécurité définis dans la loi « Sécurité intérieure » :…
Cela a évité que des attentats soient commis !
…le régime avait beau être encadré, les faits ont montré que les réquisitions pourtant limitées et bornées dans le temps se succédaient, en dépit même de ce que prévoyait la loi, ce qui a conduit à apporter des correctifs. Les garanties posées dans la loi ne sont donc pas forcément des garanties réelles. Nous y reviendrons lorsque nous aborderons le libre choix du service enquêteur.
Que la procédure pénale se soit complexifiée, je suis moi-même prêt à le reconnaître à la suite de bien d'autres. Mais une fois ce constat posé, deux choix s'offrent à nous : soit simplifier, ce qui suppose de savoir ce que l'on garde et ce que l'on enlève, soit mettre l'accent sur la formation et lui accorder davantage de moyens partant du principe que la complexification correspond à une spécialisation accrue des enquêtes et à une prise en compte plus pertinente de l'équilibre des droits comme de multiples autres éléments pertinents.
Il faut bien voir que des magistrats et des organisations de magistrats, notamment les conférences, ont fini par considérer que les autorisations générales les arrangeaient, car ils estiment n'être pas assez nombreux et manquer de temps pour répondre à chaque enquêteur et délivrer en temps et en heure toutes les réquisitions demandées, si pertinentes soient-elles. Or cette simplification ne se fait pas sans pertes en ligne : dans le cadre de ces autorisations générales, il y a des réquisitions que le procureur n'aurait pas acceptées si elles lui avaient été soumises une par une.
Ce dispositif emporte des conséquences car ces autorisations octroient aux enquêteurs des prérogatives exorbitantes du droit commun puisqu'elles leur permettent de faire intrusion dans la vie privée des gens.
Sur l'article 13, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 1040 .
Cet amendement de repli propose une expérimentation de ce dispositif. Il ne semble en effet pas opportun de le généraliser sans évaluation préalable. Je ne reviendrai pas sur l'argumentation développée par mes collègues, à laquelle j'adhère.
La prudence voudrait en effet qu'on expérimente d'abord. Ces autorisations générales ne sont pas une petite affaire. Ce n'est pas parce que ce dispositif a été appliqué à certains cas qu'il faudrait l'étendre à d'autres. Sachez que dès que vous mettrez le doigt dans l'engrenage des autorisations générales, vous nous trouverez sur votre chemin. On vous connaît ! La prochaine fois, vous reviendrez avec un autre projet de loi pour procéder à un nouvel élargissement. Il n'est qu'à voir ce qui s'est passé avec les techniques spéciales d'enquête : censées initialement être réservées au haut du spectre, à la criminalité organisée ou au terrorisme, elles ont été étendues parce que vous avez considéré qu'elles fonctionnaient très bien. Ce faisant, les possibilités d'intrusion se sont accrues.
Je ne nie pas que cette évolution a été mue par des bons sentiments : la volonté de lutter contre des actes pénalement répréhensibles que nous désirons tous voir condamnés. Toutefois, il faut garder à l'esprit qu'il nous incombe en tant que législateurs de garantir un équilibre. Certains disaient qu'il ne nous fallait toucher au code de procédure pénale ou au code pénal que d'une main tremblante. Or j'ai l'impression qu'aujourd'hui, il y a un phénomène d'accoutumance qui pousse à donner tous les moyens possibles et imaginables à la répression et à l'investigation sans considération pour la balance qu'il est de notre responsabilité d'établir.
S'agissant de cet amendement de repli, faisons preuve d'un peu de sagesse et adoptons-le, chers collègues.
L'amendement n° 1040 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l'amendement n° 389 .
Il vise à préciser que les réquisitions d'images de vidéosurveillance peuvent aussi concerner les appareils utilisés par des particuliers pour surveiller des lieux privés afin de faciliter la localisation et la mise en examen de personnes suspectées d'avoir commis des infractions.
L'amendement n° 389 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1113 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 42
Contre 15
L'article 13, amendé, est adopté.
Cet article s'inscrit, une fois de plus, dans la droite ligne des textes qui ont permis, ces cinq dernières années, d'opérer un double glissement : des prérogatives qui relevaient exclusivement du juge d'instruction dans le cadre d'une information judiciaire sont passées au procureur de la République dans celui de l'enquête préliminaire, puis de l'enquête préliminaire à la flagrance où ce qui relevait uniquement de l'officier de police judiciaire (OPJ) est étendu à l'agent de police judiciaire (APJ), puis à l'agent de police judiciaire adjoint (APJA).
Au bout du compte, il en résulte – d'ailleurs, les procureurs de la République et le garde des sceaux eux-mêmes l'admettent – une perte de qualité des enquêtes menées et des actes correspondants. Des milliers de procédures n'aboutissent pas parce que la qualité de l'enquête ne permet pas à la justice de confondre les auteurs des infractions et de les condamner. La rigueur de l'enquête et la sécurisation de la procédure sont des enjeux majeurs pour réprimer les actes délictuels et garantir, dans la foulée, que la justice puisse juger.
C'est pourquoi nous nous opposerons à l'article 13 bis , même s'il est empreint de bons sentiments : face au manque d'OPJ, pourquoi ne pas faire appel aux agents de police judiciaire pour les décharger de telle tâche ou de telle mission ? D'ailleurs, puisque le présent projet de loi crée une fonction d'assistant d'enquête qui bénéficiera d'une qualification d'agent de police judiciaire, on peut très bien imaginer que le glissement continue et que les prérogatives propres aux OPJ entrent, demain, dans le périmètre des missions dévolues aux assistants d'enquête, sous réserve de la formule magique habituelle : « sous le contrôle d'un OPJ » – nous savons très bien, en réalité, ce que cela signifie.
Je prolongerai les propos de mon collègue Ugo Bernalicis, qui a présenté et analysé cet article de façon générale. Lorsque nous parlons de qualité de l'enquête, il ne s'agit pas seulement de la beauté de l'art – nous en convenons tous. Un défaut de qualité signifie que les droits de la défense pourraient ne pas être respectés comme ils le devraient – dans un État de droit, reconnaissez que c'est embêtant – ou que des procédures mal ficelées pourraient entraîner la levée de la garde à vue d'un individu qui, sans remettre en question la présomption d'innocence, serait soupçonné d'avoir commis un délit grave, et même un homicide, alors qu'il serait nécessaire de poursuivre l'interrogatoire.
Cet article induit un double phénomène : d'abord, une érosion du pouvoir judiciaire, pourtant nécessaire dans un État de droit, parce qu'il apporte des garanties démocratiques – là encore, il ne s'agit pas de la beauté de l'art ; ensuite, et pardon pour cette expression caricaturale, je le reconnais d'emblée, un risque de police judiciaire low cost. Ce n'est pas de cette façon que nous rattraperons les années d'extrême disette que nos services de sécurité publique ont connues.
Enfin, j'ajoute un point que j'ai déjà évoqué hier : il va bien falloir réfléchir à la manière de recréer de l'appétence envers ces métiers – il y a de quoi faire !
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 673 .
Beaucoup de choses ont déjà été dites. Nous rencontrons tous dans nos circonscriptions des concitoyens qui, confrontés à la police ou à la justice dans le cadre d'une enquête, partagent l'envie de voir les procédures s'accélérer et considèrent le service public de la justice comme défaillant sur ce plan. Toutefois, ma crainte est que la réponse apportée dans cet article et au fil du texte ne conduise à dégrader la qualité de l'enquête et ne compromette le respect des grands principes fondamentaux qui fondent notre État de droit. Bien sûr, nous avons envie, nous aussi, que la justice se prononce plus vite et que les enquêtes aboutissent mieux, mais nous voulons aussi que le service rendu soit de bonne qualité.
Ce texte ne permet pas de sortir du dilemme posé par, d'un côté, les policiers qui disent qu'ils font ce qu'ils peuvent, mais que la justice est trop lente ; de l'autre, par la justice qui estime que le travail de la police n'est pas assez bien fait. On ne peut pas leur répondre par une loi faite sur un coin de table.
De la même manière que précédemment s'agissant de la formation des OPJ, nous avons l'impression que vous confondez vitesse et précipitation. En effet, vous fragilisez la frontière entre l'officier de police judiciaire et l'agent de police judiciaire, alors qu'elle doit être maintenue. Certes, il faut augmenter les effectifs d'OPJ et la pression sur ce point est forte, mais la distinction entre les deux fonctions doit être conservée. Tel est le sens du présent amendement.
L'article 13 bis étend les prérogatives des APJ dans trois situations supplémentaires uniquement, qui s'ajoutent aux actes qu'ils peuvent déjà réaliser tels que des réquisitions lors des enquêtes ou encore, pendant une garde à vue, la possibilité d'informer la personne ou son avocat de ses droits – je ne dresserai pas toute la liste. Nous sommes donc très loin, pardon de vous le dire, des craintes que vous exprimez. Avis défavorable.
Je formulerai deux observations : la première, c'est que vous vous placez dans une logique de fuite en avant puisque, comme vient de le rappeler le rapporteur, cet article changera la situation dans deux ou trois cas de figure seulement.
Trois, merci. Mais on sait comment cela fonctionne : on procède par petits pas et on crante. Année après année, réforme liberticide après réforme liberticide, on élargit le domaine de compétence de tel ou tel, chacun perdant sa spécificité mais gagnant des pouvoirs d'intrusion dans la vie des citoyens.
La deuxième, c'est que vous prenez le problème à l'envers. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il faut des APJ et des OPJ. La distinction qui existe entre les deux est fondée, historiquement, pour garantir les droits et les libertés des citoyens et des justiciables. Dès lors, pourquoi revenir sur cette différence ? Parce qu'il n'y a pas assez d'OPJ. Et c'est pour cette raison, en réalité, que vous souhaitez déléguer leur travail à des APJ. Pourquoi ne créez-vous pas plutôt des postes d'officiers de police judiciaire ? Vous répondriez ainsi au besoin.
Eh bien, votez la Lopmi, notre loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur !
Vous prenez le problème à l'envers, je le répète. Pour des raisons d'économie, et peut-être avec des desseins moins honorables mais je ne veux pas faire de procès d'intention, vous restreignez le domaine des libertés publiques.
L'article 13 bis est adopté.
L'article 14 concerne l'amende forfaitaire délictuelle (AFD), qui constitue l'une des avancées du présent projet de loi, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il s'agit d'une amende de constat : les policiers ou les gendarmes qui infligeront une AFD seront sur place pour constater le délit. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises, faisons leur confiance. Ensuite, l'amende sera payée sur-le-champ – un délai de quarante-cinq jours, je crois, est prévu en cas de télépaiement –, ce qui permettra d'éteindre l'action publique, sachant toutefois que le ministère public conserve la possibilité, s'il le souhaite, d'engager des poursuites.
En fin de compte, l'amende forfaitaire délictuelle permettra un gain de temps pour les policiers et les gendarmes qui pourront ainsi se consacrer à leurs missions premières, à savoir être dans la rue et non plus derrière un bureau. Prenons l'exemple du tapage nocturne, que j'ai évoqué récemment avec des policiers : la constatation d'un tapage nocturne équivaut à plus de quatre heures de procédure – le temps de se rendre sur place, de s'entretenir avec les personnes concernées, de les convoquer pour un rendez-vous. C'est pourquoi notre groupe a déposé des amendements visant à étendre la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle que ce soit dans les cas de vente de billets d'accès à des événements sportifs ou en cas de tapage nocturne, comme je viens de l'évoquer.
Le titre du chapitre où s'inscrit l'article 14, « Améliorer la réponse pénale », ne correspond pas, loin s'en faut, au contenu du présent article. En effet, en quoi une généralisation à tout-va – car il s'agit bien de cela – de l'amende forfaitaire délictuelle, y compris pour des délits d'importance moyenne sur l'échelle pénale et en cas de récidive, pourrait-elle améliorer la réponse pénale ? Peut-on sérieusement parler d'amélioration de la réponse pénale alors que le taux actuel de recouvrement des AFD est à peine d'un tiers ? Peut-on sérieusement parler d'amélioration de la réponse pénale lorsque des délits qui sont actuellement passibles d'une peine d'emprisonnement de deux ans et de 30 000 euros d'amende, ne seraient plus passibles, si l'article 14 était adopté, que d'une peine d'amende de 200 euros ? Où est l'amélioration ? Ou, plus exactement, à qui profite cette amélioration ? Certainement pas à la victime.
La généralisation à tout-va des AFD pose le problème du sens de la peine, de son utilité et, surtout, de sa personnalisation.
Que dire de la récidive, revisitée par ce texte, qui deviendrait une simple réitération, selon ce qui nous a été précisé par M. le rapporteur hier soir, puisque l'AFD ne serait pas une condamnation définitive ?
Cela fait longtemps, cela ne date pas d'aujourd'hui et ce n'est pas dans ce texte !
Voilà donc des délinquants sanctionnés par une amende dérisoire, sans aucun lien avec les sanctions pénales actuelles, amende, de surcroît, qu'ils ne paieront pas deux fois sur trois. Et s'ils réitèrent leurs délits, ils ne seront plus en situation de récidive et écoperont de la même amende dérisoire qu'ils s'empresseront, à nouveau, de ne pas payer. Le message qui leur est ainsi envoyé est totalement inacceptable.
Que dire également du sort réservé à la victime, qui sera privée d'un procès pénal et de la possibilité de faire valoir ses droits dans des conditions acceptables ? En conséquence, il s'agit d'une dépénalisation qui ne dit pas son nom.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'article 14 est extrêmement grave. Le Conseil d'État lui-même a observé que la généralisation de ces amendes forfaitaires délictuelles « méconnaît le principe d'égalité devant la justice ». Le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature et la Ligue des droits de l'Homme estiment que l'extension de l'amende forfaitaire délictuelle « doit être combattue car elle produira une explosion statistique des condamnations donnant satisfaction aux " sécuritaires ", sans individualisation de la réponse pénale, la privant ainsi de son efficacité sociale ; tout au contraire, la multiplication des peines financières automatiques ne peut que contribuer à nourrir le ressentiment face à une telle injustice et nuire à la paix sociale. »
Mon collègue Antoine Léaument a déjà évoqué la manière dont ces amendes pourraient être utilisées pour empêcher toute contestation à la politique de maltraitance sociale de la Macronie. Moi, je veux vous alerter sur un autre point, monsieur le ministre : celui des amendes au faciès. La Défenseure des droits a soulevé cette question et estime qu'il existe un risque d'accroissement des pratiques discriminatoires, constatant que « ces verbalisations répétées concernent presque exclusivement des hommes jeunes […], parfois des mineurs, perçus comme étant d'origine étrangère, verbalisés dans un périmètre géographique restreint autour de leur domicile, souvent par les mêmes agents. »
Vos chiffres montrent d'ailleurs que les amendes forfaitaires délictuelles sont beaucoup plus nombreuses en Seine-Saint-Denis que dans le Val-d'Oise ou l'Oise, entre autres exemples.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
En conséquence, certaines familles sont surendettées. Des avocats rapportent que certains jeunes cumulent 20 000 euros d'amende ! En définitive, vous créez un outil qui accentuera la discrimination et l'arbitraire. Nous critiquons l'extension de ce dispositif qui ne résout en rien la délinquance. Allez rencontrer les acteurs de terrain : ils vous expliqueront qu'ils ne peuvent pas mener leur travail de réinsertion dans ces conditions. Quand vous savez que votre premier salaire sera ponctionné pour rembourser des amendes, vous n'avez pas envie d'aller travailler ! Ce système pourrait même pousser des jeunes vers la délinquance, pour payer leurs amendes.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ajoute que ce dispositif octroie au service public des pouvoirs arbitraires, qui sont dénoncés, à juste titre, par de plus en plus d'acteurs.
Mêmes mouvements.
L'article 14 vise à étendre l'amende forfaitaire délictuelle à de nouveaux délits. L'objectif de l'AFD a toujours été simple : donner une réponse pénale systématique, qui rappelle l'interdit et contribue à désengorger les juridictions. Avec quelques années de recul, il apparaît que l'AFD fonctionne et qu'elle est efficace.
Murmures sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Prenons l'exemple de l'AFD pour usage illicite de stupéfiants, issue d'une initiative parlementaire que j'ai eu l'honneur de défendre dans un rapport en janvier 2018…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE
…et qui a été inscrite dans la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Depuis 2020, plus de 200 000 AFD ont été délivrées pour usage illicite de stupéfiants. Elles affichent un taux de recouvrement de 34 à 36 %, très proche de celui des amendes des juridictions pénales – 38,5 % en 2019.
Certains problèmes persistent néanmoins, dont la récidive. Il est faux de croire qu'en excluant la récidive de l'application de l'AFD, on évitera que plusieurs AFD soient prononcées pour une même personne. Depuis 2019, le paiement de l'AFD ne constitue plus une condamnation définitive. De fait, l'application de l'AFD en cas de récidive aurait avant tout une visée pratique : si les récidivistes en étaient exclus, les agents devraient vérifier le casier judiciaire de chaque contrevenant – alors qu'au contraire, l'AFD vise à traiter des faits simples et facilement objectivables. Un tel alourdissement de la procédure contreviendrait à l'objet même de l'AFD, et réduirait nettement son efficacité. Je ne doute pas que nous en reparlerons au cours du débat.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'extension de l'AFD nous est présentée comme une autre mesure de simplification, qui aidera les personnels sur le terrain. Elle a pourtant un revers : elle conduira à une justice de moins en moins individualisée – ce qui touche aux fondements mêmes de notre justice –, et toujours plus expéditive. Le principe constitutionnel d'individualisation de la peine perdrait tout son sens, tant l'AFD serait élargie.
Nous regrettons l'absence d'évaluation préalable de ce dispositif. Comme il l'a indiqué dans son avis du 10 mars, le Conseil d'État partage d'ailleurs ce point de vue – je me réfère souvent à lui, me direz-vous. Vous n'avez pas évalué les résultats des extensions précédentes de l'AFD avant de proposer de l'étendre encore plus largement. Cela entraîne un risque de décisions arbitraires, de discrimination – Mme Panot l'a très justement rappelé – et de rupture du principe d'égalité devant la justice et devant la loi. À cela s'ajoute un important risque d'inconstitutionnalité – tel est en tout cas l'avis du Conseil d'État. Entre autres exemples, le transfert de prérogatives induit par l'extension de l'AFD relève de la compétence du législateur, en application de l'article 34 de la Constitution ; il ne relève pas des autorités chargées de la politique pénale. Votre dispositif irait donc à l'encontre de l'article 34, en plus des nombreux griefs que nous nourrissons à son encontre. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 14.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Revenons à la définition de l'amende forfaitaire délictuelle : elle permet d'éviter un jugement en bonne et due forme et aussi que la victime ne se constitue partie civile ; elle ignore l'élément fondateur de notre droit qu'est l'individualisation de la peine ; enfin, elle contourne l'appréciation des circonstances de la commission du délit. Cette procédure soulève donc de vrais problèmes au regard du droit, particulièrement des droits des victimes. Certes, nous revenons de loin, puisque le texte initial envisageait d'élargir les AFD à tout délit passible d'un an de prison. Nous serions alors passés de 11 à 3 400 délits pouvant faire l'objet d'une AFD… Notez par ailleurs que les évaluations de l'AFD sont mitigées : pour certains types de délits, le taux de recouvrement des amendes est particulièrement bas ; dans d'autres cas, l'AFD se révèle quasiment inutile.
Nous souhaitons distinguer, d'une part, les AFD pour atteintes aux biens – car certains méfaits sont incontestables et n'ont pas pour victimes des personnes physiques –, et, d'autre part, les AFD pour atteintes à la personne.
La question de la récidive se pose également – nous y reviendrons au cours du débat. Lorsqu'il y a récidive après une AFD, cela signifie que la première AFD n'a pas fonctionné.
J'exprimerai la position globale du groupe Les Républicains sur l'article 14, ce qui nous permettra d'être plus brefs dans la défense de nos nombreux amendements. L'AFD n'est pas un système idéal, nous en convenons tous. Elle permet néanmoins de sanctionner concrètement des délits et des incivilités du quotidien, qui pourrissent la vie de nos concitoyens. Sans l'AFD, ces incivilités ne seraient tout simplement pas sanctionnées. C'est pourquoi nous proposerons d'étendre le périmètre des infractions et des délits pouvant faire l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle. Je reconnais, comme nos collègues, que nous pourrions faire mieux : nous préférerions que chaque délit trouve une réponse pénale, mais, en l'état actuel, c'est impossible. Nous soutiendrons donc l'article 14. Nous sommes favorables au principe des AFD et proposerons d'étendre le champ des délits concernés. J'espère que nous recueillerons la bienveillance de M. le rapporteur et M. le ministre.
L'article 14 est important ; je comprends qu'il suscite de nombreuses interventions liminaires. Je tiens à apporter quelques éclaircissements sur l'AFD – car, si chacun a le droit d'être pour ou contre, et s'il est légitime de débattre de son champ d'application, elle ne correspond guère aux présentations que vous en avez faites.
Les députés du groupe Rassemblement national répètent à chaque séance – Mme Le Pen l'a encore fait hier – que l'AFD n'est recouvrée qu'à 35 % : c'est totalement faux. Le taux de 35 % se rapporte uniquement au paiement des AFD consécutif à l'envoi du procès-verbal par le ministère de l'intérieur. Trente-cinq pourcent des personnes répondent à ce courrier en envoyant un chèque ou en faisant un virement. Celles qui n'y répondent pas reçoivent une relance des finances publiques, comme pour tout procès-verbal et toute amende – qu'ils émanent de la RATP, de la SNCF, ou encore d'Ilévia dans la métropole lilloise. L'amende est alors majorée. Vingt-cinq pourcent des personnes s'acquittent de l'AFD après cette relance – à ce stade, plus de la moitié des amendes totales est donc payée. L'étape suivante consiste en des saisies administratives à tiers détenteur, c'est-à-dire en des retenues sur les salaires, sur les minima sociaux et sur les comptes bancaires.
Je le répète, les 35 % de recouvrement ne concernent que la première étape, après l'envoi du premier courrier. Une fois toutes les étapes franchies, l'ensemble des AFD sont recouvrées. Cela prend parfois un peu plus de temps, et le montant est majoré. En définitive, les AFD sont toujours payées. Cela conduit d'ailleurs Mme Panot à citer un exemple – qui me paraît excessif, mais peut-être existe-t-il –, dans lequel des personnes cumulent des AFD impayées, comme elles le feraient d'amendes dans les transports en commun, et doivent finalement s'acquitter de montants très élevés.
Une fois encore, madame Bordes, les amendes forfaitaires délictuelles sont toujours payées – sauf, évidemment, quand le contrevenant n'est plus de ce monde. Je peux vous en assurer, puisque durant les trois ans où j'ai été ministre de l'action et des comptes publics, j'ai suivi l'entrée en vigueur des AFD, après leur création par un gouvernement cher au cœur de M. Vicot – je m'étonne incidemment que M. Vicot combatte désormais ces amendes. Je vous invite donc à cesser de répéter que le taux de recouvrement des AFD est de 35 % : ce chiffre étant faux, il ne renforce pas votre argumentaire.
Vous affirmez par ailleurs que les AFD empêchent les victimes d'obtenir justice. Or l'AFD s'applique précisément lorsqu'il n'y a pas de victime. Quand il y a consommation de cannabis sur la voie publique, où est la victime ? Quand un bâtiment est tagué, où est la victime ?
Mais il y a réparation au civil.
L'AFD vise à sanctionner des actes qui relèvent du délit – il est important de le préciser. Si l'on ne veut pas qu'un délit soit sanctionné, peut-être faut-il le supprimer – je le dis à l'attention des députés du groupe LFI – NUPES, qui souhaitent légaliser le cannabis. Il est logique que vous ne vouliez pas appliquer l'AFD à la consommation de cannabis sur la voie publique, puisque vous souhaitez que ce ne soit plus un délit. L'argument est respectable, mais ce n'est pas le sujet qui nous occupe.
Les dégradations sur des biens privés sont considérées comme des délits, qui occasionnent une peine de prison ou une amende – le débat reste ouvert sur le quantum de peine approprié ou l'application de l'AFD à ces situations. Toutefois, l'AFD n'épuise en aucun cas la réparation au civil. C'est bien cette réparation qui compte pour la victime, plutôt que le montant de l'éventuelle amende infligée au contrevenant. L'AFD exprime la réponse de la société à un délit. En parallèle, l'action civile demande une réparation pour la dégradation d'un bien. L'une n'empêche pas l'autre.
Je trouve très intéressant que le groupe Rassemblement national se prononce contre l'article 14 – si je peux me permettre, je m'en réjouis d'avance ! S'il est une belle politique, plébiscitée par les policiers et les gendarmes, c'est l'extension de l'amende forfaitaire délictuelle ! Il faut très peu rencontrer les policiers et les gendarmes pour ne pas savoir qu'ils sont les premiers à demander la généralisation de l'AFD.
Dans le monde réel, madame Bordes, si vous aviez été maire, vous sauriez que notre droit comporte une foule de délits qui ne donneraient lieu à aucune réponse pénale – tout au mieux un rappel à la loi, mais nous l'avons supprimé. N'étant pas ministre de la justice, il ne me revient pas de proposer de supprimer ou d'ajouter des délits. Le ministère de l'intérieur a pour mission d'appliquer le code pénal en l'état. Qui met en garde à vue et qui présente au procureur de la République une personne ayant fumé du cannabis sur la voie publique, pour qu'elle soit condamnée ? Personne, en aucun cas !
Mieux vaut suivre l'adage de Beccaria : « Ce n'est point par la rigueur des supplices qu'on prévient le plus sûrement les crimes, c'est par la certitude de la punition. » Si l'on s'attache à la réponse de la société à un délit, il ne sert à rien d'adresser une convocation par officier de police judiciaire (COPJ) à une personne qui a consommé du cannabis : elle aura passé une journée et demie en garde à vue – et encore, cela n'arrive quasiment jamais –, pour apprendre qu'on lui fera un rappel à la loi un an et demi plus tard. C'est totalement délirant, et c'est, je crois, ce que vous dénoncez dans vos discours. Pour autant, j'ai bien compris que vous ne souhaitiez pas simplifier la vie des policiers ; nous aurons l'occasion d'en reparler.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
C'est un fait premier !
Nous verrons comment vous voterez à l'article 14, et je me satisfais bien volontiers d'avoir cette grande différence avec vous : pour notre part, notre travail est d'être pragmatiques.
Rencontrez des policiers et des gendarmes, ils vous en apprendront beaucoup.
Madame Panot, vous avez lu l'avis du Conseil d'État correspondant au texte initialement déposé par le Gouvernement, qui prévoyait en effet la généralisation des AFD. C'est justement pour tenir compte de cet avis que nous avons finalement choisi, en accord avec le Sénat, d'établir plutôt la liste des infractions susceptibles de donner lieu à une AFD.
Il va de soi que l'avis du Conseil d'État est important. L'ayant entendu, nous avons modifié le texte en conséquence : vous ne pouvez donc pas nous opposer cet argument.
Vous affirmiez ensuite que des mineurs se voient infliger des AFD. Je veux bien que vous me les présentiez, car l'AFD est explicitement inapplicable aux mineurs !
Faites donc, à condition qu'il s'agisse de vrais mineurs, bien sûr.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En fin de compte, quand bien même un policier aurait infligé une amende à une personne ne relevant pas du champ infractionnel défini dans la circulaire pénale et dans la loi, cette amende passerait ensuite, comme j'ai eu maintes fois l'occasion de le dire, par le centre national de traitement de Rennes, placé sous la responsabilité du parquet. Le procureur de la République de Rennes assure d'ailleurs lui-même le contrôle de légalité des AFD – un fait très rare dans notre système de justice – et en annule un certain nombre.
Je vous assure donc que les mineurs ne sont pas concernés : ne rendez pas confuse une situation claire.
Vous nous accusez par ailleurs de généraliser les AFD pour les habitants des quartiers populaires, en particulier pour des hommes, qui seraient contrôlés au faciès.
En réalité, cela est impossible, car 60 % des AFD sont liées à des infractions routières : circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance, conduite d'un véhicule avec un permis de conduire d'une catégorie n'autorisant pas sa conduite ou encore conduite d'un véhicule sans permis. Ces infractions représentent environ 350 000 AFD sur les 550 000 infligées lors des quatre dernières années.
Ces infractions touchent d'abord les habitants des quartiers populaires !
Même en imaginant que tous les policiers, comme vous le dites, soient mus par un désir irrépressible de réaliser des contrôles au faciès,…
C'est votre remarque : nous vous avons entendu la formuler.
Vous avez affirmé que les AFD servent à réaliser des contrôles au faciès. C'est une opinion…
…que j'ai le droit de contester. L'immense majorité des AFD fait suite à un contrôle routier. Or les contrôles routiers ne peuvent pas être faits au faciès, à moins d'avoir une vue particulièrement perçante !
Prenons l'exemple de la seule ville de Paris, puisque vous la connaissez bien, en considérant les différents types d'AFD infligées dans chaque arrondissement. Environ 14 000 AFD pour consommation de stupéfiants ont été infligées à Paris, parmi lesquelles 8 200 l'ont été dans les arrondissements qu'on pourrait qualifier de beaux quartiers, comme le 16
Mme Sandra Regol s'exclame.
Cela tend à démontrer que les policiers établissent des procès-verbaux en fonction des infractions commises et non en fonction des personnes qui les commettent.
D'ailleurs, il semble utile de rappeler cette maxime de bon sens : si vous ne voulez pas subir d'amende, il ne faut pas commettre d'infraction.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Sur les amendements identiques n° 550 , 674 et 939 , l'amendement n° 1173 et les amendements identiques n° 635 et 940 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 550 , 674 et 939 , tendant à supprimer l'article 14.
La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l'amendement n° 550 .
La défense de ces amendements nous fournit une occasion de poursuivre notre débat avec M. le ministre de l'intérieur au sujet des AFD. Nous considérons l'AFD comme une sanction expéditive, arbitraire et discriminatoire.
Expéditive, car il s'agit d'une condamnation pénale inscrite au casier judiciaire sans passer par la case justice.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Arbitraire, car elle donne à l'agent les fonctions cumulées de policier, d'enquêteur et de juge. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on bafoue ainsi quelques fondements de l'État de droit, tout cela pour des actes qui sont sujets à interprétation. C'est justement le rôle de la justice que d'interpréter l'acte en question pour apprécier s'il relève ou non du régime pénal.
Monsieur le rapporteur, je vous invite à me répondre plus tard, sans quoi mon temps de parole en sera diminué.
Une occupation d'immeuble doit être interprétée, car il importe de définir si les personnes qui se trouvent dans l'immeuble sont dans leur bon droit. C'est également le cas de divers actes inscrits dans la liste des infractions pouvant donner lieu à une AFD. C'est là le rôle de l'enquête et de la justice : décider si tel ou tel acte constitue une infraction pénale.
Discriminatoire enfin, car plusieurs éléments, contrairement à ce qu'a affirmé M. le ministre, démontrent que les forces de police, dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis, se livrent à une discrimination sociale ou raciale – entre guillemets – avant même d'infliger une AFD.
C'est le cas des contrôles d'identité. Vous avez attribué à Mathilde Panot des observations qui émanent en réalité de la Défenseure des droits. Certes, celle-ci ne parle pas de problématiques systémiques, mais elle présente des chiffres qui confirment les remarques du Conseil d'État selon lesquelles les risques de contrôle varient en fonction de la couleur de peau et de l'origine sociale.
Votre temps de parole est écoulé, cher collègue. Je vous prie de conclure.
L'usage des amendes contraventionnelles pendant le confinement démontre également l'existence de pratiques discriminatoires. Vous savez comme moi qu'elles ont été trois fois plus nombreuses en Seine-Saint-Denis que dans la moyenne des départements, alors que, de l'aveu même du ministère de l'intérieur et du préfet de police, le confinement y était aussi bien respecté qu'ailleurs.
La généralisation de l'AFD s'accompagne donc d'un danger attesté de discrimination sociale, de pression et de contrôle sociaux exercés sur les quartiers populaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous n'en avez pas marre d'accuser toujours les policiers de tous les maux ?
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 674 .
L'article 14 est important et mérite que nous y passions du temps. En effet, l'extension du champ des AFD contrevient à de nombreux principes qui nous sont chers et qui devraient d'ailleurs être chers à l'ensemble des parlementaires, puisqu'ils fondent notre État de droit.
La procédure de l'AFD est expéditive. Monsieur le ministre, vous faisiez remarquer qu'elle répond à des infractions sans victime. Mais la justice n'est pas faite que pour les victimes : le procès permet de juger du contexte, d'individualiser la peine. Cela compte, lorsqu'on rend la justice.
Dans le cas d'une occupation d'immeuble, par exemple, il importe de déterminer si les occupants font partie d'une association, d'un collectif de personnes sans logement, par exemple, s'il s'agit de grévistes exerçant leur droit de grève, ou encore de personnes aisées ayant simplement décidé de squatter. Même en l'absence de victime, même si la police a constaté un flagrant délit, l'intervention du juge demeure essentielle pour apprécier le contexte et individualiser la peine. J'espère que vous en conviendrez.
Par ailleurs, un membre de la majorité prenait pour exemple les AFD pour usage de stupéfiants, en estimant que ce dispositif fonctionnait bien.
Pourquoi considère-t-il qu'il fonctionne bien ? Parce que beaucoup d'amendes ont été infligées ? Est-ce un motif de satisfaction ? La France reste le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre de consommateurs de cannabis et le plus grand nombre d'amendes de cette nature ; est-ce une bonne nouvelle sur le plan sanitaire ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Impersonnelle, arbitraire, difficilement contestable faute d'information : telle est la justice promue par l'article 14. L'extension de l'AFD à de nombreux délits, qu'il s'agisse de l'occupation des établissements scolaires ou de l'outrage à agent, revient à généraliser une forme d'arbitraire en normalisant une peine prononcée sans procès.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) appelait début octobre à rejeter cette généralisation, au motif que l'AFD prive le justiciable des garanties fondamentales de la procédure et donne au policier chargé de la verbalisation des pouvoirs arbitraires qu'il ne demande d'ailleurs pas. Elle estimait enfin que le texte n'offrait pas de garanties suffisantes. Les députés écologistes souscrivent sans réserve à ces critiques.
S'il est parfaitement compréhensible de vouloir accélérer le traitement des affaires, cette évolution nécessaire ne saurait se faire au détriment des citoyens, de la liberté et des droits. Elle doit au contraire s'effectuer dans leur intérêt, en améliorant la sécurité de chacun, sans inégalité territoriale. Ce n'est absolument pas l'effet qu'ont les AFD, ni l'effet qu'aurait l'extension de leur champ.
Pour toutes ces raisons, les députés écologistes proposent également la suppression de cet article.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Monsieur Coquerel, pardonnez-moi de vous avoir interrompu : je me suis laissé emporter par mon enthousiasme à vous répondre.
Je ne partage pas votre opinion. Vous affirmez que l'AFD est contraire au principe de l'individualisation des peines. Je vous ferai observer non seulement que le Conseil constitutionnel a jugé le contraire – ce qui est en soi une réponse suffisante, car il fait autorité –, mais également que le mécanisme même de l'amende forfaitaire délictuelle donne toute sa place à l'individualisation.
Premièrement, le contrevenant est libre de reconnaître ou non les faits qui lui sont reprochés. À la suite de nos auditions, la question de la difficulté de la contestation a d'ailleurs été soulevée à juste titre en commission. Il n'est pas toujours simple de contester une amende, car cela implique de régler une consignation. J'avais souhaité introduire dans le texte la notion d'une consignation modulée en fonction des revenus, mais nous avons depuis constaté qu'un tel système ne fonctionnait pas. Un amendement visera donc la suppression de la consignation, sauf dans le cas des AFD routières, car il est possible de contester ces dernières sans verser de consignation, en prouvant par exemple que le véhicule était conduit par une autre personne ou que le conducteur n'était pas réellement en défaut d'assurance.
Il existe donc une possibilité de contestation, que nous nous attacherons à faciliter. Il revient ensuite au juge de trancher. Il peut ou non considérer la contestation comme recevable, poursuivre le contrevenant ou, au contraire, renoncer aux poursuites.
Si c'était là la seule modulation existante à l'AFD, je pourrais comprendre que vous l'estimiez insuffisante. Toutefois, le procureur a également la possibilité de mener une instruction pénale locale, ce qu'il fait d'ailleurs systématiquement.
D'autres modulations existent encore selon les territoires, afin de prendre en compte la réalité locale de telle ou telle infraction. Pour reprendre l'exemple de l'usage de stupéfiants, comme vous le savez fort bien, il existe des territoires où l'on considère que la consommation d'une substance donnée ne doit pas donner lieu à une AFD, mais systématiquement à des poursuites pénales. Le procureur de la République – et non le ministre de l'intérieur, ni le législateur – peut également estimer que les conditions locales nécessitent une adaptation de la loi, de telle sorte qu'une quantité donnée de stupéfiants ne peut donner lieu à une AFD.
C'est pourquoi le Conseil constitutionnel juge que la procédure d'AFD respecte le principe d'individualisation de la peine.
Je rappelle à nouveau que M. Vincendet a déposé un amendement, n° 1288 rectifié , que je compte d'ailleurs sous-amender, visant à lever systématiquement la consignation, car elle peut effectivement faire obstacle à la contestation. Avis défavorable.
Monsieur Coquerel, votre démonstration serait valide si la procédure ne reconnaissait pas l'identité du contrevenant. Mais elle la reconnaît, puisque l'AFD n'est valable que si la personne qui subit l'amende appose sa signature – électronique, en l'occurrence – au procès-verbal, reconnaissant ainsi sa culpabilité. Cela simplifie le rapport entre le justiciable et l'autorité judiciaire, puisque le policier ou le gendarme n'agit ici qu'en application d'une circulaire pénale, comme vient de le rappeler M. le rapporteur.
Cette procédure n'est donc ni expéditive ni dénuée de contradictoire ; elle est simplifiée et suppose une reconnaissance des faits par la personne concernée. Si celle-ci ne les reconnaît pas, le délit peut toujours être constitué : on en revient alors au fonctionnement classique, si j'ose dire, de la poursuite pénale. Par conséquent, je ne vois pas très bien en quoi votre démonstration renforce l'argument selon lequel cette procédure reposerait sur un déni du contradictoire et serait contraire au fonctionnement général de la justice.
Le régime des amendes forfaitaires délictuelles, nous y sommes opposés, vous le savez. D'abord parce que la présomption d'innocence en est absente. Un policier se transforme en juge, inflige une amende, sans procès
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et sans qu'on ait le droit d'être défendu par un avocat.
Ensuite, vous nous dites, monsieur Darmanin, que l'amende peut être contestée. Mais si vous étiez un jeune d'un quartier populaire, vous sauriez que lorsqu'on conteste une amende devant un policier, cela se passe mal.
Mêmes mouvements.
Par ailleurs, en l'absence de jugement, il n'y a ni individualisation de la peine – les éventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes ne sont pas prises en considération – ni acquittement possible.
En outre, ces amendes sont discriminatoires. Elles frappent d'abord – les statistiques en témoignent et la Défenseure des droits le dit – les jeunes des quartiers populaires, en particulier les jeunes racisés. Elles sont, qui plus est, inefficaces parce qu'elles ne concourent pas à faire baisser le nombre des délits – c'était leur objectif initial – et ignorent les éventuelles victimes des délits ainsi sanctionnés.
Enfin, monsieur Darmanin, vous créez, dans ce texte, de nouvelles amendes forfaitaires délictuelles qui, une fois encore, ciblent davantage les quartiers populaires – je pense notamment à la filouterie de carburant. Surtout – et je ne vous lâcherai pas sur ce sujet –, vous préparez la répression des mouvements sociaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Vous prévoyez en effet des amendes d'un montant de 500 euros à 1 000 euros pour les étudiants et lycéens qui occuperont leur lieu d'étude…
…et d'un montant de 800 euros à 1 600 euros pour les gens qui bloqueraient des routes, comme le faisaient les gilets jaunes pour défendre leurs droits. Déjà 14 000 personnes ont signé une pétition pour s'opposer à la création de ces amendes. Encore une fois, nous ne vous lâcherons pas : nous avons déposé de nombreux amendements à ce sujet.
L'ensemble de mes collègues sauront, je l'espère, qu'on ne laisse pas passer ce type de mesures. Car nous vivons dans un pays qui, en 1793 ,…
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je comprends que vous contestiez les AFD, mais vous ne pouvez pas utiliser des arguments aussi fallacieux
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et, je le dis publiquement, manifestement faux. Vous faites un procès d'intention au Gouvernement ; c'est inacceptable.
Sourires.
Qu'est-ce que l'AFD ? Elle a été créée pour rétablir la réponse pénale face à un interdit – je rappelle en effet que la consommation de stupéfiants sur la voie publique est prohibée en France. Il s'agissait donc de punir un délit qui ne l'était plus car, si vous vivez dans le même monde que moi, vous aurez constaté qu'à l'époque, les consommateurs de stupéfiants ne passaient jamais devant un juge – jamais : on prononçait un rappel à la loi ou une mesure alternative aux poursuites.
L'AFD rétablit donc l'interdit pénal.
Par ailleurs, dans cette procédure, le délit est reconnu par son auteur, qui peut donc le contester – il est faux d'affirmer qu'il n'est pas contestable. Et lorsque l'amende est recouvrée, la poursuite est éteinte.
Enfin, je sais que votre obsession est de lutter contre les contrôles d'identité, les contrôles au faciès ,…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Mais vous voyez bien qu'il n'est pas question de cela ici. Faites confiance à la justice : les parquets diffusent des circulaires pénales adaptées aux différents territoires dans lesquels l'AFD est appliquée. Cessez donc d'user d'arguments fallacieux et de répéter des choses fausses. Nous sommes parfaitement en mesure de délivrer des AFD de manière juste et équilibrée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur Léaument, nous pouvons tout à fait débattre et confronter nos opinions – c'est le sens même du Parlement. Mais affirmer des contrevérités et – j'ai prononcé le mot hier et pourtant je le prononce rarement dans l'hémicycle – mentir, ce n'est pas acceptable.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous pourrez faire un rappel au règlement.
J'ai lu votre tweet, hier soir, car je consulte les bonnes références.
Sourires.
Vous écrivez que nous allons nous en prendre aux lycéens qui bloquent les établissements scolaires. Mais les mineurs ne sont pas concernés, monsieur Léaument !
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Qu'en sera-t-il des lycéens majeurs ? Et des étudiants qui se rendent dans les lycées ?
Vous prétendez également que nous allons contraindre les étudiants qui bloquent les universités. Mais les universités ne sont pas des établissements scolaires, monsieur Léaument ! Pourquoi mentez-vous ? Quel est l'intérêt ?
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous êtes membre de la représentation nationale, et vous employez des arguments plus que fallacieux.
L'AFD est une mesure transactionnelle qui, pardon de le rappeler à mes collègues socialistes, a été décidée en 2016. Si on la rejette, quelle est l'alternative ? Soit le grand rien, comme le disait Ian Boucard, c'est-à-dire l'absence de réponse pénale ; soit, cher monsieur Léaument, l'interpellation. Faut-il comprendre que vous plaidez en faveur de l'interpellation systématique, d'une retenue automatique pour vérification d'identité ? Est-ce là votre logique ? Pardon de le dire mais, au mensonge, vous ajoutez l'inefficacité.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Ce qui m'étonne, d'abord, dans les interventions de ceux de nos collègues qui s'opposent à l'AFD, c'est leur manière de lier systématiquement délinquance et classes populaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le délinquant, celui qui est concerné par l'AFD, c'est systématiquement le pauvre !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Laissez-moi vous le dire, chers collègues : l'expérience nous enseigne que les amendes forfaitaires délictuelles permettent précisément de verbaliser, au lieu de laisser impunie, la consommation de stupéfiants par les classes les plus aisées qui font leur marché dans les quartiers populaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
De fait, en 2012 ou en 2014, lorsque vous vous rendiez aux abords du stade Bauer, à Saint-Ouen, vous voyiez des voitures ou des scooters de luxe immatriculés dans le 92 ou le 75, dont les occupants venaient acheter de la cocaïne ou du cannabis. C'est cela, la réalité et c'est ce que nous voulons sanctionner !
C'est bien de travailler sur l'offre de stupéfiants, mais il est tout aussi essentiel de se préoccuper de la demande. Verbaliser des gens qui, en consommant des stupéfiants, sont complices de fait de la criminalité organisée, voilà notre objectif.
De manière générale, nous entendons lutter contre l'impunité dont profitent tous ceux qui croient que l'on peut taguer la maison d'un élu, brûler sa permanence – pour prendre un exemple au hasard… ou exploiter irrégulièrement un véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC) – cela va peut-être vous parler, chers collègues.
Tous ces délits qui étaient impunis ne le sont plus désormais. Lorsque l'on attrape quelqu'un la main dans le pot de confiture, on dresse une contravention et, comme par hasard, son destinataire reconnaît les faits. Ainsi, l'AFD permet de réprimer des délits qui ne l'étaient plus.
Nous sommes contre l'impunité, contre le fait que l'exploitation de la misère, les dégradations, la casse, bref : tous ces faits inacceptables, échappent au contrôle du juge et de la police. C'est pourquoi nous sommes pour l'amende forfaitaire délictuelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement.
Sur quel fondement, monsieur Léaument ?
Sur le fondement de l'article 70, alinéa 3, qui a trait aux mises en cause personnelles.
Monsieur le rapporteur, je constate tout d'abord que, s'agissant des amendes visant les personnes qui bloqueraient la circulation, vous ne m'avez pas répondu ; vous me donnez donc raison.
« Ce n'est pas un rappel au règlement ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Si c'est une attaque personnelle, veuillez la mentionner, cher collègue.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Lorsque le rapporteur m'accuse de mentir, ce n'est pas une mise en cause personnelle ? Il m'a pourtant nommément cité.
Je réponds sur le fond, si vous le permettez.
Premièrement, vous me donnez raison, monsieur le rapporteur, en ne me répondant pas sur le point de savoir si les personnes qui bloquent la circulation, comme le faisaient les gilets jaunes, pourront se voir infliger une AFD.
Si, parce que, lorsqu'on accuse quelqu'un de mentir, il faut dire pourquoi.
Deuxièmement, et je vous demande de répondre à cette question à voix haute, de manière que vos propos figurent au compte rendu : oui ou non, les étudiants qui se rendront dans des lycées lors de mouvements sociaux pourront-ils se voir infliger une amende forfaitaire délictuelle ? Oui ou non, les lycéens majeurs qui participeront à des blocages pourront-ils être sanctionnés ? Répondez-moi, monsieur le rapporteur : je veux que votre réponse soit inscrite dans le compte rendu.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Tout d'abord, je relève une légère incohérence dans vos propos. Hier et ce matin, vous nous reprochiez de prévoir des peines de prison, lesquelles seraient selon vous inutiles ; à présent, nous parlons d'amendes, et vous êtes également contre. En fait, vous ne voulez ni peines de prison ni amendes : vous ne voulez pas de délits ! Évidemment, ce serait plus simple…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous savez très bien que c'est une incohérence : vous combattez cette mesure par principe, et non par pragmatisme.
Deuxièmement, s'agissant des lycées et des universités, outre le fait que les mineurs ne sont pas concernés – comme l'a précisé M. Le rapporteur –, je rappelle que la police n'intervient dans une université que lorsque son président fait appel à elle. La chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi jugé, dans un arrêt du 11 décembre 2012, que les policiers ne pouvaient pas infliger des amendes forfaitaires délictuelles ou des amendes simples au sein des universités ou des écoles relevant de l'enseignement supérieur.
Vous le savez parfaitement ; vous répétez, une nouvelle fois, une contrevérité.
Enfin, dans la même intervention, vous soupçonnez la police tout en considérant que c'est dans les quartiers populaires que la délinquance est la plus nombreuse. Vous avez vous-même indiqué que la filouterie de carburant était plus fréquente dans ces quartiers qu'ailleurs ! Vous vous faites une drôle d'idée des quartiers populaires. Moi qui y ai grandi – sans doute comme beaucoup d'entre vous –…
…et qui y ai été élu, je comprends pourquoi les gens ont voté pour moi et non pour vous.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 141
Majorité absolue 71
Pour l'adoption 65
Contre 76
Avec l'amende forfaitaire délictuelle, c'est le risque d'arbitraire qui entre dans la loi. Ce risque est d'autant plus grand, monsieur le ministre, que votre gouvernement n'est obsédé ni par l'efficacité ni par la justice, mais principalement par la politique du chiffre, laquelle conduit les policiers, en raison de la pression à laquelle ils sont soumis, à commettre des erreurs, comme ils en ont déjà commis.
Se tiendra, dans quelques jours, le procès d'un fonctionnaire de police accusé d'avoir infligé de multiples amendes à un jeune en particulier, et ce de manière totalement arbitraire puisque ce dernier n'était parfois même pas présent, comme l'a montré le bornage de son téléphone mobile. Or, pour faire reconnaître la vérité, ce jeune doit suivre un parcours judiciaire très long, compliqué et coûteux que de nombreux jeunes n'auront pas la possibilité de suivre.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
On assiste, depuis 2016, à un déluge d'amendes, dont la Défenseure des droits dit : « Ces verbalisations répétées concernent presque exclusivement des hommes jeunes, parfois des mineurs, perçus comme d'origine étrangère, verbalisés dans un périmètre géographique restreint autour de leur domicile. » En d'autres termes, des jeunes des quartiers populaires. Ce sont eux qui seront la cible de l'extension du domaine des amendes forfaitaires délictuelles. On connaît la méthode : c'est celle de votre mentor, Sarkozy.
Cette méthode ne vise ni la justice ni l'efficacité, mais elle repose sur des coups de communication, à la Sarkozy. Vous finirez comme lui, détesté par une partie de la jeunesse de votre propre patrie.
Quant au résultat de votre élection dans les quartiers populaires, monsieur Darmanin, je vous rappelle que lors des élections législatives, à Tourcoing, vous êtes arrivé derrière la candidate de la NUPES, et que dans le quartier de la Bourgogne, vous avez été largement battu. Et vous le serez encore !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
…pour défendre les AFD et refuser le récépissé de contrôle d'identité – franchement, il faut le faire !
Je ne fais que lui répondre.
Je propose à M. Éric Poulliat, qui prétendait que nous sommes obsédés par les contrôles au faciès, de prendre avec moi tous les matins le métro à la station Gabriel Péri sur la ligne 13.
Très bien ! Vous verrez comment se passent les contrôles d'identité. Vous verrez s'il n'y a pas de contrôle au faciès. Quand on descend vers la ligne 13, avant même d'avoir présenté son passe ou mis un ticket dans la machine, on est contrôlé. Mes voisins, mes voisines, parce qu'ils sont noirs ou parce qu'on suppose qu'ils sont musulmans ,…
Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et Dem
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ils sont parfois contrôlés plusieurs fois par semaine. Du reste, ce phénomène est chiffré. Même le Président de la République l'a reconnu à la fin de l'année 2020.
En nous accusant de faire un lien entre la délinquance et les quartiers populaires, monsieur le ministre, ne sentez-vous pas que votre discours est légèrement démagogique ?
Mêmes mouvements.
Votre politique du chiffre repose sur les contrôles d'identité et sur la présence des policiers dans les quartiers populaires comme dans les manifestations. C'est vous qui faites le lien entre délinquance et quartiers populaires !
Mêmes mouvements.
Revenons sur le principe de l'AFD, au lieu d'être dogmatiques et de dresser un parallèle insupportable entre la délinquance et les forces de police, qui sont là pour nous protéger.
Vous connaissez, bien sûr, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, prévue par le code pénal et le code de procédure pénale.
Elle permet de juger rapidement l'auteur d'une infraction qui reconnaît les faits reprochés. On parle aussi de plaider-coupable. Elle est appliquée à certains délits à la demande du procureur de la République…
…ou de l'auteur des faits. Le procureur propose alors une peine. Si la peine est acceptée par l'auteur des faits, l'affaire est transmise au juge pour homologation. On a donc la possibilité de contester la peine.
Il n'y a donc pas d'arbitraire.
Sur l'AFD, le raisonnement est presque le même.
En effet, la sanction proposée doit être acceptée par l'auteur des faits, qui exprime cet accord par sa signature. Si ça n'est pas le cas, il peut la contester à ce moment-là.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous vous fourvoyez en affirmant que ce principe n'est pas respecté. Si c'était le cas et si cette sanction était arbitraire, jamais le Conseil constitutionnel n'aurait rendu sa décision de conformité en 2019.
Les ministres ne peuvent pas faire de rappel au règlement au sein de l'Assemblée, mais ils peuvent prendre la parole quand ils le souhaitent. Madame Faucillon, les propos que vous avez tenus sont extrêmement blessants pour tous les fonctionnaires de police et de gendarmerie.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – MM. Thomas Ménagé et Serge Muller applaudissent également.
Vous prétendez que les policiers et les gendarmes contrôlent les personnes noires, ou dont ils supposent qu'elles sont musulmanes – je reprends vos propos.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Monsieur Bernalicis, je sais que vous pensez que « la police tue », vous l'avez dit pendant la campagne présidentielle. On a compris que vous n'aviez aucune confiance dans les services de police. Désormais, vous soutenez que la police est raciste.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
C'est exactement ce qu'a dit Mme Faucillon.
Il vous aura fallu deux jours et demi, mesdames et messieurs les parlementaires de la NUPES, pour dire une fois de plus tout le mal que vous pensez des fonctionnaires de police qui, pour quelques milliers d'euros par an, nous protègent et vous protègent parfois dans les manifestations, où certains de vos amis les insultent. Le ministre de l'intérieur de la République se doit de vous dire que vos propos sont non seulement blessants, mais ignominieux, scandaleux et insultants.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, Dem et HOR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 126
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 30
Contre 96
L'amendement n° 1173 n'est pas adopté.
Il vise à supprimer les alinéas 2 et 3 de l'article 14, qui tendent à ajouter la vente au déballage et la vente à la sauvette à la panoplie des délits susceptibles d'être sanctionnés par une amende forfaitaire délictuelle. Cela concerne ceux qui ouvrent un parapluie dans le métro pour vendre des cravates ou des nouilles.
Qui ces amendes sanctionneront-elles ? Pas de personnes qui ont les moyens de payer une patente pour ouvrir un magasin, on s'en doute, mais plutôt des gens qui cherchent simplement à survivre.
Au-delà du public concerné par cette sanction, comment les agents de police caractériseront-ils le délit ? Il leur suffira de constater qu'une personne détient une collection de ceintures, de tours Eiffel ou de lunettes de soleil en plastique.
Tel est le contexte dans lequel cette procédure s'inscrira. Une autre visée plus perverse, en quelque sorte, de cette amende forfaitaire pour vente à la sauvette serait de sanctionner les vendeurs de fanzines militants qui montent un stand au cours d'une manifestation.
Dans le même esprit que celui qui conduit à réprimer les mouvements sociaux, cela pourrait dissuader les militants de s'exposer en public.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l'amendement n° 940 .
C'est le premier d'une longue série d'amendements qui visent à supprimer un par un les délits susceptibles de donner lieu à une amende forfaitaire délictuelle. Par l'amendement n° 940 , nous proposons de retirer la vente au déballage de la liste des délits concernés. Cependant, je voudrais revenir de manière plus générale sur la question des AFD. On parle beaucoup dans cet hémicycle de discriminations, de contrôle au faciès par la police.
Vous pouvez faire comme si cela n'existait pas, mais le phénomène est réel. Le Défenseur des droits, notamment, l'a confirmé, ainsi que de nombreux chercheurs.
Si on veut réinstaurer des liens de confiance entre la police et la population,…
…travaillons-y. Au lieu d'instaurer des dispositifs qui aggraveront le phénomène, tentons d'y mettre des garde-fous. Ce n'est pas ce que vous faites – c'est dommage, et c'est grave car le fossé se creuse entre la police et une partie de la population, laquelle se sent à juste titre discriminée au quotidien.
Les AFD ne sont qu'une illustration, parmi tant d'autres, de la politique que vous menez depuis cinq ans : vous faites sans cesse reculer l'État de droit en augmentant la place des policiers au détriment de celle du juge. Nous ne pouvons évidemment l'accepter. Nous rejetons cette procédure comme nous avons rejeté toutes vos initiatives relevant de cette logique.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Aurélien Saintoul applaudit également.
Avis défavorable.
Monsieur Coulomme, le délit de vente à la sauvette existe déjà ; la sanction par les AFD ne le créera pas. Vous dites que ces sanctions atteindront par exemple de pauvres petits commerçants qui, à Libourne, dans ma circonscription, ne peuvent pas payer les 800 à 1 200 euros que coûte la location d'un local commercial, et sont donc contraints de vendre au déballage sur le trottoir. Mais ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit ! Les personnes visées participent à des filières de contrefaçon ou de contrebande – de tabac, par exemple.
Cela n'a rien à voir avec la situation naïve que vous évoquez.
Ne laissez donc pas croire que nous voudrions taxer les petits commerçants qui ne pourraient pas payer un local ; il ne s'agit pas du tout de cela. Vous avez totalement déformé les intentions qui sont les nôtres.
Avis défavorable.
On peut faire des reproches à la police, mais on ne peut absolument pas reprocher aux policiers d'être racistes ou de faire des contrôles de faciès.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Ils font leur devoir. Je veux témoigner d'une chose, si vous me laissez parler. Je suis avocate et, pendant des années, j'ai assuré des permanences pendant les gardes à vue. J'ai pu constater que les policiers sont scrupuleux dans l'accomplissement de leurs missions.
Exclamations continues sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Parmi eux, il y a beaucoup de personnes d'origine étrangère, de personnes de couleur et de musulmans. Vous insultez toute la police, aussi je demande des excuses au nom des policiers.
« Oh ! » sur les mêmes bancs.
Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Si dans certains quartiers, davantage de personnes sont contrôlées, c'est parce que dans certains quartiers il y a plus de trafic ! On n'y peut rien, ni eux, ni vous, ni moi, si quelquefois telle ou telle personne est plus souvent contrôlée qu'une autre.
Mêmes mouvements.
Il m'est arrivé d'assister à une confrontation entre une personne de couleur et deux policiers de couleur aussi. L'un d'eux a dit à l'autre : « Vous êtes raciste ». Le policier a ri en s'exclamant : « Raciste, moi ? Avez-vous vu ma couleur ? »
Cessez donc de raconter n'importe quoi. Moi, je rends hommage aux policiers qui font ce qu'ils peuvent. Beaucoup d'entre vous n'auraient pas la conscience professionnelle dont ils font preuve. Allez faire leur travail,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
On peut se projeter facilement dans la peau et dans la vie d'un policier après cette extension massive des AFD : sur la voie publique, avec leurs tablettes, les policiers contrôleront, ficheront et colleront des AFD. Bonjour le sens de la mission !
Nous les caractérisons comme des gardiens de la paix, car c'est ce qu'ils sont pour nous, mais les inciter à coller des amendes n'aidera pas à résoudre la crise de recrutement à laquelle l'institution est confrontée.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que les AFD permettraient de garder un œil sur les filières de contrebande, mais c'est tout l'inverse !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Plusieurs policiers nous l'ont dit, et vous l'avez vous-même écrit dans le texte : une fois l'amende distribuée, l'action publique est éteinte. Concrètement, nous allons donc nous priver de renseignements, y compris en matière de trafic de stupéfiants – encore une fois, ce n'est pas moi que le dis, ce sont des policiers !
Antoine Léaument vous a interrogés sur les potentielles dérives en cas de mouvement social. Prenons un autre exemple : celui d'enfants à la rue, sans logement…
…et dont les parents n'ont, naturellement, pas de travail – leur nombre a été multiplié par deux, me semble-t-il : dans un pays aussi riche que le nôtre, c'est incroyable. Imaginons que, révoltés, des parents d'élèves décident d'occuper l'école de leurs enfants – souvent avec le soutien de députés, d'ailleurs – jusqu'à ce que les services de l'État mettent à l'abri ces enfants sans logement et leurs familles. Que se passera-t-il alors ? Seront-ils soumis à une AFD ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il se fonde sur l'article 100. Au début de la séance de ce matin, nous sommes convenus avec les responsables des groupes d'avancer un peu plus rapidement. Certes, l'article 14 est important, je comprends que nous prenions le temps d'en débattre et il est normal que chacun puisse s'exprimer, mais nous étions tous d'accord pour nous en tenir, après la défense de chaque amendement, à un orateur pour et un orateur contre. Une centaine d'amendements ont été déposés sur cet article : tout le monde pourra largement donner son opinion sur l'AFD.
À midi, vous m'avez dit que pour terminer les débats avant demain soir à minuit, il fallait maintenir une moyenne de quarante-deux amendements par heure. J'en appelle donc à mes collègues, s'ils ne veulent pas passer samedi et dimanche ici, à respecter notre accord pour garantir la vitesse des débats, et éviter qu'il y ait cinq ou six prises de parole à chaque fois .
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas s'exclame également
Et je vous demande, madame la présidente, de bien vouloir faire respecter la règle « un pour, un contre ».
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Nous allons continuer sur le même modèle que ce matin.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un autre rappel au règlement.
Il se fonde également sur l'article 100, relatif à la qualité de nos débats, et qui prévoit la règle « un pour, un contre ». Avant même le début du débat, le ministre avait indiqué à qui voulait bien l'entendre qu'il était disponible samedi et dimanche – j'avais répondu que j'étais libre également, et que nous voulions pouvoir développer nos arguments.
C'est bien ce que vous faites en ce moment !
Depuis tout à l'heure, seule une prise de parole pour l'amendement et une prise de parole contre ont été autorisées, à l'exception d'un amendement où un orateur par groupe a pu s'exprimer. Continuons comme cela !
Nous utilisons les deux minutes qui nous sont octroyées pour défendre nos amendements, parfois aussi rebondir sur les propos du rapporteur et du ministre : ces mesures sont prévues par le règlement, ne vous en offusquez pas ! Si vous ne voulez pas siéger dimanche – ce que je peux comprendre –, cela ne regarde que vous :
Exclamations sur quelques bancs du groupe HOR
nous, nous voulons pouvoir développer nos arguments.
La France insoumise ne s'est jamais engagée à accélérer le débat…
Non, non ! Nous n'avons pris aucun engagement en ce sens. Si vous préférez parler moins pour que les débats avancent plus vite, pas de problème ; mais ne nous privez pas de notre temps de parole.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 121
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 31
Contre 90
Sur les amendements identiques n° 290 , 582 et 1060 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de cinq amendements, n° 898 rectifié , 396 rectifié , 290 , 582 et 1060 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 290 , 582 et 1060 sont identiques.
La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l'amendement n° 898 rectifié .
Il vise à assurer l'impossibilité du recours à la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle en cas de récidive. En effet, cette dernière doit être sévèrement sanctionnée. Or la procédure de l'amende forfaitaire montre des faiblesses en termes de taux de recouvrement, donc de sanction. Il est donc préférable qu'elle ne soit applicable qu'en cas de première infraction.
Par cohérence, l'amendement vise également à supprimer la possibilité de recourir à l'AFD en cas de récidive prévue par plusieurs dispositions déjà en vigueur.
L'amendement n° 396 rectifié de M. Romain Baubry est défendu.
La parole est à M. Roger Vicot, pour soutenir l'amendement n° 290 .
Il tend à supprimer la possibilité de recourir à l'AFD en cas de récidive. En effet, si une personne récidive après s'être acquittée d'une AFD pour le même délit, c'est que l'amende n'a absolument pas été dissuasive.
La parole est à Mme Pascale Bordes, pour soutenir l'amendement n° 582 .
Il tend également à supprimer la possibilité de bénéficier de l'AFD pour les délinquants en situation de récidive ou de réitération – nous avons bien compris hier que ces deux notions étaient différentes. En effet, si des délinquants déjà sanctionnés par une amende forfaitaire délictuelle particulièrement dérisoire n'ont pas compris le message et poursuivent leurs délits, cela signifie que la sanction pénale n'a plus aucun sens, qu'elle est complètement foulée aux pieds. Le principe même de la nécessité de la peine s'en trouve alors remis en cause, ce qui est particulièrement dangereux, à la fois pour la société, à qui on laisse penser que l'impunité est totale, et pour les victimes, dont le nombre augmente à chaque réitération. Autoriser le recours à l'AFD en cas de récidive, c'est permettre la réitération ad vitam aeternam !
Je pense avant tout aux victimes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, pour elles, l'AFD est un véritable parcours du combattant. Il est plus facile de demander des dommages et intérêts lors d'une audience pénale que d'attendre une citation devant le tribunal ! À ce sujet, le texte que vous proposez ne précise d'ailleurs pas qui, du procureur ou de la victime, devra citer le contrevenant à une audience devant le tribunal pour statuer sur les intérêts civils. Dans le deuxième cas, la victime devra s'armer de courage, car les délais actuels de citation devant les juridictions sont de plusieurs mois, voire un ou deux ans !
Pour toutes ces raisons, je souhaite que le recours à l'AFD ne soit pas possible en cas de récidive.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 1060 .
Il tend à revenir sur une disposition adoptée en commission à l'initiative du rapporteur. En effet, le texte initial prévoyait que tout premier délit pouvait être puni d'une amende forfaitaire délictuelle – nous y sommes d'ailleurs opposés –, mais que toute récidive serait jugée selon une procédure pénale classique, c'est-à-dire un jugement puis, éventuellement, un procès. À l'initiative du rapporteur, la commission a rendu possible le recours à l'AFD en cas de récidive pour certains délits. C'est passé très vite, nous n'avons pas pu en débattre, et c'est dommage, car la question n'est pas sans importance !
En effet, c'est précisément parce que l'AFD n'est pas simplement une première étape dans l'échelle des sanctions qu'il était prévu qu'en cas de récidive, la procédure pénale, qui permet de prononcer des peines plus lourdes et de les individualiser – en cas de circonstances aggravantes, par exemple –, suive son cours. Nous considérons donc qu'il faut rétablir le texte initial prévoyant qu'une amende forfaitaire délictuelle ne peut être délivrée plusieurs fois pour les mêmes faits.
En effet, le recours multiple à l'AFD pose en outre plusieurs problèmes, notamment de surendettement. Des personnes pourraient se mettre à dealer pour payer les amendes :
Exclamations sur les bancs du groupe RE. – M. Alexandre Vincendet s'exclame également
la mesure serait alors totalement contreproductive. Je vous invite à y réfléchir.
Chers collègues, si vous voulez débattre, il faut parler de situations concrètes : certaines personnes ne trouveront pas d'autre solution que dealer pour payer les amendes. Vous rendez-vous seulement compte du ridicule de votre proposition ?
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et RN.
Ce que je dis vous agace, mais ce que vous prévoyez ne fonctionnera pas ! Pour ma part, j'étais favorable à la suppression des AFD : je suis cohérent.
Les arguments qui soutiennent les différentes demandes d'exclusion de la récidive du champ de l'AFD sont exactement inverses et la discussion se fait parfois à front renversé ! Je pense très sincèrement que cela résulte d'une confusion entre le terme de « récidive » employé dans le dispositif, et celui de « réitération » – Mme Bordes a d'ailleurs utilisé les deux.
Je vous rappelle tout d'abord que l'AFD s'applique à des faits simples et objectivables, pour lesquels il n'existe actuellement aucune réponse pénale, parce qu'il n'y a pas de dispositif adapté à la verbalisation de toutes les infractions possibles.
Ensuite, les AFD n'ont jamais constitué une condamnation définitive :
M. Antoine Léaument s'exclame
c'est une mesure transactionnelle de nature pénale, que vous défendiez vous-mêmes à une époque, chers collègues de la gauche. Cela devrait donc vous plaire ! Par conséquent, être puni d'une AFD n'est pas une sorte de premier strike menant à une condamnation définitive et annulant toute possibilité d'autre sanction : voilà pourquoi il est nécessaire de prévoir également la possibilité de recourir à l'AFD en cas de récidive.
Votre proposition, chers collègues, implique l'accès de l'agent verbalisateur au casier judiciaire du contrevenant au moment de verbaliser le délit : ce n'est pas possible, puisque la consultation du casier judiciaire est soumise à l'accord du procureur de la République. En revanche, toute AFD est inscrite au fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) dans les quatre-vingt-seize heures suivant sa délivrance, fichier que l'agent verbalisateur peut tout à fait consulter immédiatement pour savoir s'il y a réitération du délit. La circulaire pénale qui aura été délivrée par le procureur de la République et le bon sens de l'agent verbalisateur permettront à ce dernier de juger s'il convient ou non de renoncer à l'AFD et d'engager des poursuites pénales.
Le dispositif prévu, qui, contrairement à ce que j'ai entendu sur certains bancs, permet d'adapter la réponse pénale, me semble donc opérationnel. Avis défavorable.
Je ne m'étais pas encore exprimé, mais, pour expliquer clairement notre position sur ce sujet, il faut poser les choses.
Tout d'abord, nous ne remettons pas en cause le principe de l'AFD, ni même l'extension de son champ d'application. Vous avez rappelé que c'est un procédé utile, et nous sommes d'accord. Mais, comme nous l'avons dit en commission, nous considérons que le dispositif que vous défendez crée une dépénalisation de la peine, car la verbalisation remplace la sanction pénale.
Prenons le cas de deux individus : le premier fume de la drogue, le second se présente chez un restaurateur et part sans payer. Si on ne limite pas le recours à l'AFD en cas de récidive, combien de fois pourront-ils réitérer leurs délits ? Une, deux, trois fois ? Cinq ou dix ?
Si on ne pose pas des barrières, plus personne ne sera jugé pour de telles infractions. L'AFD sera étendue au maximum : c'est un cercle vicieux. À un moment, les délinquants doivent être jugés par un tribunal, et non faire simplement l'objet d'une verbalisation, qui est une sanction administrative.
La généralisation de l'AFD que vous proposez affaiblit la justice. Qui sait si, demain, le recours à l'AFD ne sera pas possible pour des vols à main armée, par exemple ? C'est pourquoi nous souhaitons mettre des barrières et rendre impossible le recours à l'AFD pour les infractions sur les biens et les personnes. Je répète qu'il faut que les personnes qui se rendent coupables de telles infractions passent devant un tribunal, sans quoi, c'est la porte ouverte à toutes les dérives : l'AFD sera généralisée et qui sait si un jour, elle ne finira pas par remplacer la justice, tout simplement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous voilà dans le vif du sujet : la question des AFD renvoie à celle des moyens de la justice. Vous nous dites qu'elles permettront de désengorger les tribunaux ; nous reviendrons sur ce point une autre fois, mais à la fin des fins, si vous voulez éviter que les AFD ne se généralisent, vous devrez effectivement donner davantage de moyens aux tribunaux pour traiter les dossiers.
Quant à la récidive, monsieur le rapporteur, nous voyons bien pourquoi vous voulez l'inclure dans le champ des AFD : personne n'arrive à savoir si les intéressés ont déjà reçu une telle amende. En reconnaissant que les policiers n'y parvenaient pas, vous avez en quelque sorte vendu la mèche. Supprimer la distinction entre première infraction et récidive vous permettra d'administrer des AFD à tour de bras, tombant ainsi dans les travers que je dénonçais à l'instant : surendettement…
…et inefficacité. En outre, vous ne pouvez prétendre que les AFD constituent un règlement transactionnel, puisqu'elles sont inscrites au casier judiciaire.
Notre conception de ce que devrait être le droit, de la manière dont la police devrait gérer les choses, a du moins le mérite de la cohérence ; ce n'est pas le cas de la vôtre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Pris séparément, les débats au sujet des AFD et de leur efficacité sont bien légitimes ; pour autant, monsieur Léaument, ne confondons pas tout. Sept des onze AFD existantes incluent les cas de récidive ,
M. Antoine Léaument s'exclame
les quatre autres étant celles qui sanctionnent des infractions au code de la route et représentent aujourd'hui 60 % des AFD infligées – j'en ai parlé tout à l'heure. En matière de récidive, nous n'inventons donc pas grand-chose ; nous n'avons pas de plan caché. Par ailleurs, vous évoquez sans cesse – à dessein – une inscription des AFD au casier judiciaire, ce qui nécessiterait l'intervention d'un juge, alors qu'il est question de les inscrire au TAJ.
Au TAJ, je le répète, monsieur le député. Lorsqu'un policier cherche à savoir si vous avez déjà reçu une AFD, il prend sa tablette ou son téléphone NEO et consulte le TAJ, ne serait-ce que pour s'assurer de votre identité, ce qui est son devoir le plus strict. Imaginez que vous ayez fait l'objet d'une AFD, par exemple pour consommation de cannabis : quarante-huit ou soixante-douze heures après le procès-verbal, la mention figure en toutes lettres au TAJ et cet agent la verra aussitôt s'afficher.
Quant à vous, monsieur Guitton, je comprends votre souci de circonscrire le recours aux AFD, autrement dit d'éviter qu'elles ne finissent par être appliquées aux braquages à main armée, comme vous l'avez exprimé non sans emphase. « C'est un peu court », répondrait le Cyrano d'Edmond Rostand. Il existe un considérant fort clair du Conseil constitutionnel, remontant à l'époque où le Gouvernement socialiste inaugurait de telles dispositions, et rappelé lorsque nous en avons proposé à notre tour : on ne peut rendre passibles d'une AFD que les infractions pour lesquelles la peine encourue ne dépassait pas trois ans de prison.
Les délits les plus graves, et par définition les crimes, sont ainsi constitutionnellement exclus du champ de l'AFD. Ce n'est donc pas la peine de crier au loup : le loup ne viendra pas ! Je vous invite à tenir des propos plus raisonnables, d'autant que vous avez changé de discours au sujet de l'AFD :
Protestations sur quelques bancs du groupe RN
vous considérez désormais qu'elle peut constituer un outil intéressant. Sans doute vous a-t-on rapporté, à la suite de mon intervention, que les policiers et les gendarmes y étaient favorables. Vous déclarez donc à présent qu'elle convient à certains délits. Que ne vous absteniez-vous de réclamer par voie d'amendement, de concert avec les Insoumis, la suppression de l'article 14, vous prononçant contre le principe de l'AFD !
Nous y avons passé quarante-cinq minutes ; à présent, vous vous efforcez de vous rattraper en vous apercevant que …
Exclamations sur les bancs du groupe RN
C'est un fait premier !
Vous vous apercevez que la mesure plaît aux policiers, aux gendarmes, aux élus locaux, et que vous avez par conséquent fait une bêtise en vous y opposant. Somme toute, certains ont mis des années à découvrir que nous avions raison de confisquer les motos des participants aux rodéos urbains ; quelques dizaines de minutes vous auront suffi pour vous rendre compte que nous avions raison d'aider les policiers !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Les amendements n° 898 rectifié et 396 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 45
Contre 65
Il vise à ce que les personnes verbalisées dans le cadre d'une procédure d'AFD soient informées de façon systématique de leur droit d'exercer un recours. Cette garantie est nécessaire en vue d'un minimum de respect des droits de la défense : si les agents se bornent à dresser procès-verbal, la plupart des intéressés n'auront aucune possibilité de savoir qu'ils peuvent contester l'amende.
Par ailleurs, ce que vous avez dit est grave, monsieur le ministre. Vous ne pouvez laisser s'installer un face-à-face entre les forces de sécurité et une partie de la population. Lorsqu'il ressort de tous les sondages, de toutes les enquêtes de terrain, que des jeunes disent subir des contrôles au faciès, il est grave de soutenir que pareille chose n'existe pas. Personne ne saurait avoir raison contre le réel. « Quand on a une couleur de peau qui n'est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé » : ces mots, monsieur le ministre de l'intérieur, ont été prononcés fin 2020 par Emmanuel Macron.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous venez de nier la réalité de ces contrôles, de nier la science statistique, la science sociologique, le vécu sur le terrain, les conclusions de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ! Cette forme de trumpisme n'a rien à faire au sein de l'Assemblée !
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous pouvons connaître des désaccords – nous en reparlerons – sur les mesures qu'il convient de prendre pour combattre le racisme et les contrôles au faciès ; nous ne pouvons nier un fait social, sociologique, une réalité vécue par des milliers de nos concitoyens. Monsieur le ministre, le racisme est partout dans la société. J'ose espérer que nous le combattons ensemble partout, comme nous avons été capables de le faire dans l'enceinte même de l'Assemblée nationale. Comment pouvez-vous affirmer que les opérations de police en seraient miraculeusement exemptes ? C'est à la faveur de tels dénis de réalité qu'il se propage et se légitime !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Lucas, je me disposais à intervenir de manière tout à fait apaisante : c'est dommage.
Approbation sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Attendez la fin, chers collègues ! Lors de la discussion générale, j'ai indiqué que nous veillerions à apporter les garanties que nous estimions nécessaires, et j'ai évoqué tout à l'heure la consignation. Vous souhaitez une information systématique en matière de droit au recours : nous y sommes favorables !
J'aurais dû vous en prévenir par texto, monsieur Lucas, peut-être votre prise de parole s'en serait-elle ressentie. En revanche, n'y voyez aucune forme d'injure, mais la rédaction de l'amendement n'est pas vraiment opérationnelle. Je vous propose donc de le retirer au bénéfice du n° 938 ; à défaut, avis défavorable.
Nous en sommes à l'alinéa 3 de l'article 14 et le n° 938 porte sur l'alinéa 62, c'est-à-dire qu'il sera examiné bien plus tard !
Même avis que le rapporteur.
Je retiens le fait que M. le rapporteur s'est montré favorable aux dispositions contenues dans l'amendement n° 314 , en raison de notre convergence, je maintiens celui-ci : vous aurez du reste noté qu'il s'agit d'un amendement de repli. Étant donné qu'à ce stade de l'examen du texte, les mesures concernant les AFD n'ont pas été modifiées, il convient de les assortir d'une information suffisante. J'ai certes déposé un autre amendement en ce sens, mais il s'écoulera énormément de temps avant qu'il ne soit examiné à son tour : un Tiens vaut mieux que deux Tu l'auras.
Je vais préciser ma réponse : Mme Regol a déposé plusieurs amendements en vue d'associer un droit au recours à chacune des AFD créées. Nous lui proposons d'en retenir un, le n° 938, qui chapeaute en quelque sorte toutes ces nouvelles AFD, et d'intégrer ainsi au texte une disposition générale, d'ailleurs plus favorable. Je réitère donc ma demande de retrait de l'amendement n° 314 .
L'amendement n° 314 est retiré.
La parole est à M. Alexandre Vincendet, pour soutenir l'amendement n° 1288 rectifié , qui fait l'objet d'un sous-amendement, n° 1310 .
Il vise à supprimer d'une part les dispositions adoptées en commission qui prévoient que les personnes souhaitant contester une AFD puissent demander à être dispensées, en raison de l'insuffisance de leurs ressources, de la consignation du montant de celle-ci, et d'autre part l'exigence même de consignation pour la plupart des délits auxquels l'AFD sera étendue. L'objectif est d'éviter que des contestations systématiques ne finissent par engorger le parquet de Rennes et paralyser le système.
Par ailleurs, n'ayant pu réagir tout à l'heure aux propos de nos collègues d'extrême gauche, je saisis cette occasion de le faire. Je suis un élu de banlieue ; j'ai été durant près de neuf ans maire de Rillieux-la-Pape, l'une des villes les plus populaires de France.
Ma circonscription inclut Bron et Vaulx-en-Velin. Ce que vous faites est un scandale pour les habitants de ces communes, car vous entretenez l'amalgame entre leurs jeunes et les voyous qui leur pourrissent l'existence, qui les empêchent de vivre en paix, de sortir librement de chez eux, d'aller prendre leur voiture sans craindre de la trouver brûlée !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, RN et Dem.
Savez-vous comment ils vous répondent ? Petit à petit, ils balaient de leurs quartiers cette gauche qui défend les dealers et qui n'est capable que de renvoyer les gens à la couleur de leur peau, à leur religion. C'est vous qui êtes pour l'assignation à résidence !
Mêmes mouvements.
Il sait de quoi il parle. Regardez ce qu'il a fait à Rillieux-la-Pape !
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 1310 .
Il est rédactionnel. L'amendement de M. Vincendet va au-delà des dispositions retenues en commission : nous avons établi un rapport entre consignation et niveau de revenu afin de faciliter la contestation, lui souhaite supprimer cette consignation pour les AFD ne concernant pas le code de la route, ce qui constituerait une avancée importante.
Supprimer la consignation serait une bonne chose en tant qu'elle constitue manifestement un frein à la contestation, mais cela nous permet également de revenir sur un certain nombre de contre-vérités. Ainsi, si vous souhaitez contester l'AFD et refusez donc de signer le procès-verbal, celui-ci n'en est pas moins dressé : or vous aviez déclaré, monsieur le ministre, que ce refus de signer entraînait le retour à une procédure classique, avec garde à vue. C'est certes une hypothèse ; ce n'est pas la seule ! Vous pourriez aussi bien recevoir l'AFD et la contester a posteriori. Par ailleurs, il est bien indiqué sur www.service-public.fr, notamment au sujet de l'AFD stup', que l'amende forfaitaire payée est inscrite au casier judiciaire. C'est écrit noir sur blanc !
Je ne comprends même pas que vous contestiez ce point !
Elle est inscrite au TAJ !
Non, non, au casier judiciaire ! Je suis formel, j'ai vérifié en long, en large et en travers ! La vérité, c'est que vous n'avez pas su réaliser l'enregistrement au casier judiciaire, en raison d'un problème technique, et que les AFD sont donc inscrites au TAJ faute de mieux ! Les représentants de la DACG – direction des affaires criminelles et des grâces – nous l'ont confirmé lors de leur audition. Vous pouvez dire que c'est faux, monsieur le ministre, mais il me semble que ceux qui sont bien informés connaissent bien le problème que j'évoque.
Ma question subsidiaire est la suivante : pourriez-vous nous préciser, monsieur le rapporteur, si la non-consignation s'applique seulement aux AFD nouvelles, introduites par le présent texte, ou si elle s'applique aussi aux AFD antérieures ? En d'autres termes, quel est le périmètre visé ? Vous évoquez en effet les précédentes AFD. Or celles-ci ne concernent pas uniquement les délits routiers : il existe aussi des AFD pour l'occupation d'un hall d'immeuble, l'usage de stupéfiants…
Le sous-amendement n° 1310 est adopté.
L'amendement n° 1288 rectifié , sous-amendé, est adopté. En conséquence, les amendements n° 263 et identiques, 808, 583, 264 et identique, 588 et identique, 266 et identiques, 818 et identiques, 1219, 947 et 1164 tombent.
M. Ugo Bernalicis proteste.
Bravo monsieur Vincendet ! Il faudrait que vous restiez, pour faire avancer nos débats !
Sourires.
L'amendement n° 94 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Une fois de plus, j'ai manqué de vigilance. Mon rappel se fonde sur l'article 100 de notre règlement, relatif à l'organisation de la discussion des amendements et de nos débats. On sait qu'on peut organiser une discussion commune entre des amendements qui s'excluent mutuellement, mais l'adoption d'un amendement vient d'en faire tomber beaucoup d'autres qui n'avaient pas le même objet. Nous sommes ainsi privés de discussion à cause d'une simple technique légistique consistant à faire adopter un amendement précis pour faire chuter les autres en cascade au prétexte qu'ils ne se retrouveraient plus placés au bon endroit du texte. Je trouve cela minable.
Soupirs sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je comprends que vous vous en émouviez, monsieur Bernalicis, mais ces amendements n'avaient pas lieu d'être en discussion commune, en vertu de règles constantes.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 160 .
Le tapage nocturne et les bruits injurieux rendent fous nombre de nos concitoyens, provoquant des appels quotidiens aux forces de police. Le présent amendement propose tout simplement de les inscrire au même niveau qu'un délit et d'étendre dans le même temps l'amende forfaitaire délictuelle à cette infraction.
Je demande une suspension de séance d'au moins dix minutes, afin que nous puissions nous réorganiser puisque vous venez de décaler certains de nos amendements.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.
L'amendement n° 160 est adopté.
La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l'amendement n° 828 rectifié .
Nous proposons plusieurs amendements visant à étendre le champ de l'AFD. Celui-ci en particulier propose de l'étendre au délit de recours à la prostitution d'une personne majeure, prévu au premier alinéa de l'article L. 225-12-1 du code pénal.
Il est défavorable, car le recours à la prostitution relève d'une contravention de cinquième classe et n'est un délit qu'en cas de récidive. Il ne peut donc pas être intégré au dispositif de l'AFD tel que nous le connaissons. Je précise néanmoins, monsieur Boucard, que nous soutiendrons certains de vos amendements visant à étendre le champ de l'AFD.
L'amendement n° 828 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 66 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vais défendre chacun des amendements un par un, afin que mes collègues puissent voter en toute connaissance de cause, mais je serai bref. Celui-ci tend à étendre la procédure simplifiée de l'AFD au délit de mendicité agressive, qui suscite des problèmes dans nombre de nos communes.
Il est défavorable également.
Je partage les avis défavorables qui viennent d'être exprimés. Une AFD pour mendicité agressive, ce serait totalement inefficace. Je l'avais déjà dit au sujet d'une autre AFD, lorsque nous examinions le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire – texte dans lequel la condition de récidive a été supprimée. Personne n'avait saisi l'enjeu de la récidive, s'agissant de l'AFD ; sur le moment, j'avais été le seul à en parler.
Dire aujourd'hui que cela a déjà été fait dans le passé, que cela existe dans la loi, et que l'on n'invente rien, c'est un peu suspect lorsqu'il n'y a pas eu de débat. À moins que l'on considère que mes propos valent débat à eux tout seuls, mais ce serait me faire beaucoup d'honneur.
Prévoir une AFD pour mendicité agressive, c'est comme prévoir une AFD de 300 euros pour le vol à la roulotte d'un objet de moins de 300 euros. Cela revient à mettre une amende à quelqu'un qui mendie de l'argent, c'est-à-dire qui n'en a pas. Cela n'a pas de sens !
Ne serait-il pas considéré comme agressif pour la simple raison qu'il demande de l'argent ? Vraiment, cela ne sert à rien ! Comment cette personne payera-t-elle l'AFD ? En mendiant de façon deux fois plus agressive ? Vous voyez bien que cela ne fonctionne pas ! Ce qui serait utile, en revanche, ce serait de présenter cette personne à un tribunal – avec condamnation éventuelle à une peine avec sursis – pour qu'elle bénéficie de mesures d'accompagnement sociojudiciaire. Le problème, c'est que les tribunaux sont un peu engorgés et ont du mal à prononcer autre chose que des peines de prison lors des procédures de comparution immédiate, auxquelles sont justement soumises les personnes interpellées pour ces raisons. Mais on entre là dans un problème de justice beaucoup plus large. Ce qui est certain, en tout cas, c'est que l'AFD n'est pas la solution.
Le propos de M. Bernalicis pourrait laisser croire que nous souhaitons criminaliser la mendicité ; il n'en est rien. Nous parlons de mendicité agressive ; la précision est de taille ! Il y a tout de même une différence entre le fait de demander de l'argent et celui de demander de l'argent par des insultes et des violences. Cette précision me semblait nécessaire pour éviter que le propos de notre collègue n'induise l'Assemblée en erreur.
L'amendement n° 829 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l'amendement n° 1086 .
Il vise à nouveau à ce que l'AFD ne s'applique plus aux actes de filouterie en cas de récidive. Lorsqu'un individu prenant un taxi, louant une chambre d'hôtel ou se rendant dans un restaurant ne paie pas, il reçoit une AFD la première fois : soit, nous approuvons ce principe. En revanche, s'il commet à nouveau ces faits la semaine suivante, puis la suivante encore, et ainsi de suite, alors il doit être jugé. Autrement, nous céderons aux dérives de l'AFD.
S'agissant de la récidive, soyons clairs : là est le seul lien qui permet d'affirmer que l'édifice du dispositif est à peu près constitutionnel puisqu'en dernier ressort, la justice se prononce, et que l'AFD s'applique en cas de premier délit. Je sais que le Conseil constitutionnel permet beaucoup de choses et nous verrons s'il en permet davantage, puisque la question de l'AFD en cas de récidive lui sera posée. Cependant, si les récidivistes – au restaurant, par exemple – ne paient pas, ce n'est pas juste pour le plaisir de ne pas payer ; souvent, c'est parce qu'ils n'ont pas d'argent.
Je ne dis pas qu'il faut aller au restaurant lorsqu'on n'a pas d'argent, mais lorsqu'un délit de cette nature est commis, c'est généralement pour cette raison objective et évidente.
Qu'est-ce que c'est que cet argument ?
Au fond, c'est l'efficacité même de l'AFD qui est en cause, et pas seulement en cas de récidive. Nous avons interrogé ce matin même le procureur général Molins à ce sujet : selon lui, l'autorité judiciaire se trouve bel et bien dépossédée d'une partie de ses prérogatives en matière de politique pénale. Les politiques pénales menées localement par les procureurs ne sont pas si efficaces puisqu'ils demandent eux-mêmes, par exemple à partir de tel ou tel grammage de stupéfiants, que la police leur présente le consommateur incriminé plutôt que de lui dresser une AFD. Cependant, le magistrat n'a aucun moyen de vérifier l'exactitude de ce qui lui est dit. Autre enjeu, de surcroît : mieux vaut pour la police ne pas présenter l'intéressé à la justice, pour ne pas alourdir la charge de travail de l'une et de l'autre. En clair, le problème est global et prend un relief différent selon le délit concerné.
L'amendement n° 1086 n'est pas adopté.
L'amendement n° 315 est retiré.
Il vise à étendre la possibilité de dresser une AFD en cas de vente délictuelle de billets d'accès à des événements sportifs, culturels et commerciaux. La France organisera bientôt de grands événements, notamment les Jeux olympiques. L'amendement vise à mieux lutter contre la revente de billets, pratique peu scrupuleuse qui peut avoir de lourdes conséquences et qui nuit directement à l'ordre public.
Même amendement, mêmes arguments. La France se prépare à accueillir la Coupe du monde de rugby en 2023 puis les Jeux olympiques de Paris en 2024. Nous devons donc mieux réprimer ces délits. Une telle mesure aurait sans doute permis de réagir avec plus d'efficacité lors de la dernière finale de la Ligue des champions de football, où de nombreux faux billets ont circulé.
Un mot pour éclairer le débat : certaines AFD ne sont pas seulement inefficaces, elles empêchent aussi de mener une enquête. La revente de faux billets en est un cas emblématique. Si telle ou telle organisation fabrique des faux billets pour les vendre indûment, vous aurez beau attraper Bébert sur la voie publique et lui donner une amende, vous ne saurez jamais ce qui se trame derrière cette vente, qui peut sembler un cas isolé mais ne pas l'être.
En réponse à ceux qui estiment que l'AFD n'est pas assez efficace et qu'il faut aller plus loin, le groupe LR vous propose de doubler l'AFD pour qu'elle atteigne 200 euros, avec un montant minoré de 300 euros et un montant majoré de 900, car les montants prévus ne sont pas assez dissuasifs au regard des infractions visées.
Nous arrivons à un point intéressant : le montant de l'amende. Lors de nos auditions, on nous a signalé une tendance qui paraîtra contre-intuitive aux uns, évidente aux autres : plus le montant de l'amende est élevé, moins elle est payée et recouvrée – et moins elle est efficace, pourrait-on même en inférer. En empruntant le chemin inverse, c'est-à-dire en baissant le montant, je ne doute pas qu'une amende de 1 euro, selon le principe de la certitude de la peine de Beccaria, retiendra toute l'attention du ministre et du rapporteur.
Ayons tout de même cet arbitrage en tête : à la fin, que voulez-vous ? Si vous imposez des montants élevés, l'amende sera très répressive mais comme, en fin de compte, elle ne sera pas payée, les auteurs des faits récidiveront – et les AFD subséquentes ne seront pas davantage payées. Je ne suis pas sûr que le pays ira mieux.
Bien sûr, le volume de paperasse diminuera – voilà au moins un objectif qui sera atteint ! Quant à tous les autres objectifs que notre auguste assemblée est censée viser, notamment la baisse du nombre d'actes délictuels, je ne suis pas certain que la hausse du montant y contribuera. Cet argument vaut pour l'AFD en question mais aussi pour des amendements ultérieurs, qui sont similaires.
J'ajoute, comme l'a expliqué Antoine Léaument dans sa géniale vidéo sur les AFD, qu'il n'existe pas de corrélation entre les montants actuels des amendes figurant dans le code pénal pour chacun des délits visés et le montant des AFD. Le code pénal prévoit parfois des amendes de plusieurs milliers d'euros alors que les AFD ne sont, elles, ne se chiffrent qu'en centaines. Quelque chose ne va donc pas dans le schmilblick de la concordance et de la proportionnalité des peines et des délits – dont je rappelle en passant qu'il s'agit d'un principe constitutionnel.
L'amendement n° 831 n'est pas adopté.
L'amendement n° 316 est retiré.
L'amendement n° 265 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Da Silva, pour soutenir l'amendement n° 1262 .
Il concerne l'amende forfaitaire délictuelle pour installation illicite sur le terrain d'autrui. Il va de soi que le droit à un mode de vie itinérant est tout à fait respectable et doit être protégé. Néanmoins, il ne doit en aucun cas entraîner de violations du droit de la propriété. Les campements illégaux exaspèrent évidemment les propriétaires, les riverains et les collectivités. Les témoignages sont nombreux. Dans ma circonscription, à Saint-Brice-sous-Forêt, un campement d'environ 500 Roms a été évacué en juillet après six mois d'une occupation illicite qui a laissé les lieux dans un état de désolation. Dans ce cas, vu le nombre d'occupants, peut-être l'AFD pourrait-elle suffire à réhabiliter le terrain – les dégâts, en effet, s'élèvent à plusieurs centaines de milliers d'euros et la dépollution est à la charge de la collectivité locale.
Il s'agit d'un amendement d'appel car je sais qu'une expérimentation de l'AFD est en cours pour ce délit. Il est souvent difficile d'obtenir l'identité et le consentement des auteurs des faits, sans compter les obstacles à la procédure de recouvrement. Où en est l'expérimentation de la mesure et sa généralisation est-elle prévue ? Autrement, ne faudra-t-il pas envisager d'autres mesures, notamment une exécution plus rapide de la procédure d'expulsion ?
Défavorable. À ce stade, l'expérimentation de l'AFD pour occupation illicite du terrain d'autrui n'est pas très concluante. Une cinquantaine d'amendes ont été prononcées dans les quelques départements pilotes. Le principal problème est le suivant. Normalement, et malgré les dénégations de certains, l'AFD doit permettre que les occupants illicites reconnaissent qu'ils ont stationné leurs véhicules sur un terrain qui ne leur appartient pas. Or les gendarmes – car ce sont souvent eux qui sont concernés – nous indiquent que les auteurs des faits refusent souvent de reconnaître l'infraction et de signer l'AFD, d'où l'absence de poursuites, à moins qu'une procédure soit engagée par la voie ordinaire, ce que l'AFD avait précisément pour but d'éviter.
Nous continuons donc d'envisager, dans le cadre de l'expérimentation, comment améliorer cette AFD – c'est pourquoi nous ne vous proposons pas sa suppression. Cependant, en lien avec le ministère chargé des collectivités locales – celui de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires –, le ministère de l'intérieur réfléchit à une rénovation de la loi visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite loi Besson, afin de mieux intervenir face à ces désagréments parfois très graves.
Je pense à deux cas qui ne sont pas prévus dans la loi Besson. Premier cas : le terrain est privé mais le propriétaire n'est plus connu – c'est le cas de nombreux terrains industriels de ma circonscription, soit que les propriétaires aient disparu, soient que les indivisions soient si complexes qu'on ne peut plus les identifier – et aucune plainte ne peut donc être déposée. On pourrait alors imaginer que le maire ou le préfet – il faudra en débattre – se substitue à l'action publique. Deuxième cas : un terrain public chevauche un autre terrain public où les véhicules en question sont stationnés, et l'une des deux collectivités propriétaires ne souhaite pas porter plainte, ce qui empêche de procéder à l'expulsion.
Quoi qu'il en soit, nous parviendrons sans doute mieux à résoudre ce problème en modifiant la loi qu'en généralisant l'AFD.
L'amendement n° 1262 est retiré.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 1072 .
Nous voilà dans le vif du sujet, même si nous avons dû parer à votre petite technique parlementaire qui visait à décaler notre amendement de sorte qu'il ne vise plus le bon alinéa.
Par cet amendement, nous vous demandons de diminuer les amendes forfaitaires délictuelles prévues en cas d'occupation d'établissements scolaires.
Vous m'avez dit tout à l'heure que j'étais un menteur, au motif que les universitaires ne seront pas visés par ces amendes, pas plus que les lycéens mineurs. Alors je vous demande ceci : les universitaires qui se rendraient dans des lycées pour y participer à des mouvements sociaux seront-ils visés ? Deuxième question : les lycéens majeurs et les étudiants majeurs des lycées professionnels seront-ils visés ? En un mot, allez-vous essayer de casser les mouvements sociaux qui surviendraient dans des lycées et auxquels participeraient des personnes majeures ? Je poursuivrai ce débat en défendant les amendements suivants.
Je confirme que vous tenez des propos inexacts. S'introduire sans autorisation dans un établissement scolaire est déjà un délit, indépendamment de l'éventuelle application de cette mesure. Nous n'inventons pas un délit puisque c'en est déjà un. Je ne sais pas si vous m'avez écouté, monsieur Léaument.
Je vous répète qu'il est interdit de s'introduire sans autorisation dans un établissement scolaire et que la seule modification envisagée est d'infliger une AFD plutôt que d'engager des poursuites pour réprimer l'infraction, si tel est le choix de l'agent verbalisateur et si la situation le nécessite. En outre, je confirme que l'AFD n'est pas applicable aux mineurs. Enfin, je tiens à vous rassurer, si vous cherchiez à l'être : les universités ne sont pas des établissements scolaires – l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 décembre 2012 les exclut de cette catégorie. Cette proposition, qui vise un délit existant, est donc tout à fait proportionnée.
Hier, à l'hôtel de Lassay où la présidente de l'Assemblée avait organisé un débat très intéressant avec les jeunes, un lycéen m'a lancé : « Monsieur le député, vous êtes en train de créer des lois pour punir les lycéens dans les lycées ! » Je l'ai regardé et je lui ai demandé : « Mais qu'est-ce que vous me racontez ? »
En remontant la pelote, et je me suis rendu compte que ça venait de vos vidéos. Monsieur Léaument, j'avoue que j'ai de la sympathie pour vous, sans doute parce que vous êtes un ancien du MODEM, ce qui prouve que l'on peut parfois mal tourner quand on appartient à ce mouvement – cela peut arriver aux meilleurs.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Sourires sur divers bancs.
Vous diffusez des vidéos destinées aux jeunes, ce qui est très bien en soi et peut-être devrions-nous vous imiter pour rétablir la vérité car, ce qui me choque, c'est que vous y énoncez des contrevérités.
Je ne dis pas que vous êtes un menteur, mais que vous avancez des contrevérités, que vous manipulez les informations. D'ailleurs, le ministre vient de rappeler certaines choses. Profitant de votre notoriété, de votre légitimité de député, de votre position d'adulte vis-à-vis de mineurs, vous assenez des contrevérités. C'est choquant. Notre jeunesse a effectivement besoin d'être réveillée, elle a parfaitement le droit de faire de la politique…
Madame Simonnet, cela ne sert à rien de crier alors que nous essayons d'avoir une discussion sur un sujet important. Je répète que j'ai été choqué, que je trouve ces vidéos dangereuses car elles véhiculent de fausses informations.
Mme Simonnet proteste.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À la lecture du texte, j'avais compris que les universités seraient concernées par l'AFD et je suis content que vous ayez rappelé la décision de la Cour de cassation sur le sujet. Dans le compte rendu des débats de l'assemblée, il sera donc bien indiqué que les universitaires ne seront pas touchés, ce qui est une victoire politique pour nous.
Rires et exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – M. Gérald Darmanin sourit.
Allons ! Nous savons très bien comment ça se passe : on commence par mettre un petit truc dans le code pénal, puis on passe à l'amende et les universitaires peuvent être touchés.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, vous m'avez donné raison sur un point : les lycéens majeurs qui bloqueront leurs lycées pourront être frappés par ces amendes, tout comme les universitaires et les parents qui se rendront dans ces lycées.
Allons plus loin : moi, député, si je me rends dans un lycée sans autorisation pour soutenir un mouvement social, je pourrais être visé par une amende.
Ces dispositions existent déjà, me dites-vous. Au fait, combien de tribunaux sont obstrués par ces faits ? Vous prétendez que ces amendes sont créées pour désengorger les tribunaux, mais c'est faux : vous voulez faire peur aux lycéens avec ces amendes de 500 euros, qui peuvent même passer à 1 000 euros en cas de majoration.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il s'agit de faire peur à celles et ceux qui voudraient entrer dans l'action. Si d'aventure ils le faisaient, vous voulez pouvoir les punir en leur infligeant des amendes de 1 000 euros, alors que vous savez très bien que ces lycéens – et les étudiants qui les rejoindraient – n'ont pas les moyens de les payer, et que cela retomberait sur les parents.
Voilà ce que vous êtes en train de faire. Les étudiants sont parmi les plus précaires de notre pays, mais, quand ils entrent en lutte, ils sont aussi ceux qui font céder les gouvernements. C'est de cela que vous avez peur. Vous êtes en train de préparer un arsenal répressif pour parer à la mobilisation contre votre projet de réforme des retraites. Voilà ce que vous êtes en train de faire !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 1072 n'est pas adopté.
Il me permet de prolonger le propos du député Léaument et de poser la question suivante : qu'en sera-t-il pour ceux qui occupent des écoles d'une façon tout à fait pacifique, choqués par la situation d'extrême précarité de certains enfants ? Rappelons que quelque 12 000 enfants sont complètement à la rue dans notre pays. Comme il persiste de l'humanité parmi nous, certaines personnes se mobilisent pour soutenir ces familles et obtenir de l'État qu'il fasse son devoir et respecte l'obligation de protéger ces enfants-là. Qu'en sera-t-il pour ces personnes ? Oui ou non, leur délivrera-t-on des AFD ?
L'amendement n° 1069 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'essaie de mettre une petite cocarde parce que je vais vous parler, encore une fois, de la Déclaration des droits de l'homme.
À chaque fois que je le ferai, je mettrai la petite cocarde en guise de rappel historique.
Notre pays a été fondé avec la révolution de 1789. Au moment même de cette fondation, le 17 juillet 1789, le roi se rend à Paris où il reconnaît le pouvoir municipal, et on lui remet cette cocarde tricolore qui est à l'origine de notre drapeau. Le drapeau de notre pays, de notre patrie, naît au moment de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Je suis en train de le défendre. L'aboutissement de ce moment politique, c'est la Constitution de 1793 qui, dans son article 35, garantissait – accrochez-vous car vous allez être choqués – le droit à l'insurrection : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »
Elle n'a jamais été appliquée !
Avec ces amendes, vous proposez de punir le simple fait de participer à une manifestation. Rendez-vous compte du recul que votre gouvernement veut imposer à nos droits démocratiques !
Oui, il est juste que des lycéens et des étudiants participent à des mobilisations sociales.
Oui, il est juste que des lycéens et des étudiants se rendent sur leur lieu d'études pour lutter contre des projets avec lesquels ils ne sont pas d'accord. Prenons un exemple au hasard : la réforme des retraites, qui doit être présentée dans deux mois et dont le but est de repousser l'âge légal de départ à 65 ans. Je le répète et je le répéterai plusieurs fois afin que cela rentre dans les esprits : monsieur le rapporteur, complaisamment avec M. le ministre, vous préparez un arsenal répressif contre celles et ceux qui s'opposeront à votre réforme des retraites.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Léaument, vous êtes signataire d'une série d'amendements. Je vous remercie de bien vouloir vous intéresser au corps et à l'exposé des motifs de ces amendements.
M. Jocelyn Dessigny applaudit.
Non, l'amendement portait sur le montant des amendes forfaitaires.
Quel est l'avis de la commission ?
Pour ma part, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, je voudrais vous poser une question concernant les mouvements sociaux qui se déroulent dans les enceintes des établissements scolaires.
En tant que maman, il m'est arrivé de m'introduire dans un établissement scolaire et d'y faire gentiment une « nuit des écoles » de dix-huit à vingt heures avec d'autres parents d'élèves pour protester, par exemple, contre un manque d'enseignants. Jusqu'à présent, tout cela se passait…
Allez-vous demander aux agents de police de venir verbaliser les parents ? Dans des situations de ce genre, qui sont nombreuses, on n'envoie pas les gens devant le juge. Que se passera-t-il s'il suffit d'envoyer les policiers leur mettre une petite amende, ce qui est moins compliqué que de les déférer les personnes devant le juge ? Allez-vous mettre en péril certains modes d'action qu'ont trouvés les parents d'élèves pour défendre les enfants et l'école ? On ne peut pas s'empêcher de se demander si ce n'est pas une manière d'empêcher les mouvements sociaux de se dérouler.
Il n'est aucunement question ici de remettre en cause le droit de manifester, reconnu par la Constitution, dès lors qu'il s'exerce dans le cadre légal.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Monsieur Léaument, si vous voulez retourner à la prise de la Bastille, faites un retour vers le futur !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, RN et Dem.
Nous sommes en 2022. Comme l'ont indiqué le rapporteur et le ministre, les AFD seraient infligées pour des délits qui existent déjà. Il n'y a rien d'autre. Vous avez été obligé de reconnaître, monsieur Léaument, que vous vous étiez trompé au sujet des universités : la police ne peut pas intervenir dans une université tant qu'elle n'y a pas été autorisée par le président de l'établissement.
En revanche, pénétrer dans un lycée sans y être autorisé est considéré comme une intrusion, ce qui est un délit puni par la loi. Vous préférez donc une procédure judiciaire qui dure beaucoup plus longtemps et qui peut donner lieu à des sanctions beaucoup plus graves qu'une simple AFD.
Depuis le début de cette discussion, vous ne cessez de vous contredire. Vous ne voulez pas judiciariser les peines parce qu'il y a trop de monde dans les prisons, mais vous ne voulez pas d'AFD parce que vous préférez la judiciarisation. À un moment donné, à force d'être contre tout, vous n'êtes plus audibles.
Mme Maud Petit applaudit.
Alors que nos travaux durent déjà depuis quelques jours, je constate qu'il n'est plus question des amendements en tant que tels, mais des mouvements sociaux, des lycées, de la Constitution de la première République, des couleurs du drapeau. Si cela continue, nous allons bientôt discuter des différents ingrédients du pot-au-feu.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Et si nous revenions aux amendements ? Pour répondre à vos multiples interpellations, je ferai une remarque simple : si nous prévoyons des AFD, c'est parce que le Parlement l'autorise pour certains délits. Notre présente discussion porte d'ailleurs sur ce point : tel délit entre-t-il dans le cadre prévu pour les AFD ? Quant aux délits, ils sont eux-mêmes créés par le Parlement.
Pour répondre à votre question, madame Taillé-Polian, les policiers et les gendarmes ne font qu'appliquer la loi de la République. Cette loi est élaborée et votée par les représentants de la nation, que vous êtes. Comment ceux-ci sont-ils élus ? À l'issue d'élections libres et disputées.
Les policiers et les gendarmes – et encore moins le ministre de l'intérieur – n'exercent donc pas de pouvoir discrétionnaire ; ils ne font qu'appliquer la loi. On peut discuter à l'envi de ce qui doit être ou non dans le code pénal, mais si vous voulez changer la loi pour permettre la désobéissance civile, légaliser le cannabis et autoriser les rodéos, vous devez être majoritaires lors des élections. Vous n'êtes pas majoritaires.
Il y a néanmoins une majorité qui s'exprime. Vous n'avez réussi à faire passer qu'un seul de vos amendements depuis le début de ce débat, alors que nous en avons examiné environ 450. Si un groupe est majoritaire, ce n'est manifestement pas le vôtre.
Madame la députée, la question n'est pas de savoir si nous allons mettre une AFD ou engager des poursuites dans telle ou telle situation, car c'est la loi de la République qui s'applique. Cette loi est décidée par les parlementaires, eux-mêmes élus par les Français. Elle est donc, par nature, l'expression de la volonté générale.
Ne faites pas croire à ceux qui nous écoutent – car j'imagine que vous ne trompez personne dans cet hémicycle – qu'il serait ici question de délits qui sortiraient de nulle part et que nous pourrions en catimini faire appliquer des AFD par des policiers ou des gendarmes sans aucune base légale.
Bien évidemment, nous sommes disposés à échanger. Je vous encourage seulement, si vous me le permettez – mais si vous refusiez, vous tomberiez purement et simplement dans l'obstruction –, à discuter du cœur de chacun des délits que nous pourrions ou non transformer en AFD.
Non ! Vous parlez de tout sauf du contenu de vos amendements. Le débat étant suffisamment compliqué sans qu'il soit besoin d'en rajouter, nous devrions nous concentrer sur la question de savoir quels délits méritent d'entrer dans le champ des AFD et quels délits devraient en être exclus.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 1073 n'est pas adopté.
Vous avez raison : collons à la rédaction de nos amendements. Si nous proposons de fixer des montants d'amende tout à fait symboliques, j'en conviens, c'est parce que nous voulons vider les AFD de leur sens,…
On avait compris !
On avait compris également !
Je soulignais tout à l'heure que l'extension irraisonnée des AFD rendrait le travail des policiers encore plus difficile, voire terrible, puisqu'ils seraient en quelque sorte chargés de distribuer des amendes de façon systématique, la tablette dont ils seraient équipés pour ce faire créant en quelque sorte un écran entre eux et la population.
J'ajoute que cette extension remettrait également en cause le sens de la peine : coller une amende ne permet pas toujours de donner du sens à la peine, c'est-à-dire de faire réfléchir l'auteur de l'infraction. Admettons par exemple que des parents d'élèves, ayant pénétré dans un établissement scolaire sans autorisation, se montrent trop agressifs et que leur comportement donne lieu à des débordements.
On va leur dire : « Ce n'est pas bien, ce que vous faites, mais je vais faire preuve de pédagogie » !
…des raisons qui les ont motivés et leur demander au nom de quel droit – je choisis mes mots avec soin, de peur que vous nous accusiez de laxisme – ils se sont permis de se comporter d'une façon agressive ? La généralisation de l'AFD entraîne bien une perte de sens, tant pour les policiers que s'agissant de la peine elle-même, dont je rappelle qu'elle n'a pas vocation à punir, mais à corriger et à faire en sorte que ceux à qui elle est appliquée s'amendent – c'est le cas de le dire.
J'ajouterai que, parmi les personnes potentiellement concernées par l'AFD, figurent également les enseignants qui, dans le cadre d'une mobilisation, resteraient dans leur établissement alors qu'ils n'ont rien à y faire durant la nuit. Prenez-en bonne note, monsieur le ministre, afin que votre liste soit complète lorsque vous transmettrez vos instructions aux policiers. Vous pourrez donc leur dire qu'ils doivent verbaliser à la fois les enseignants, les parents d'élève et les lycéens majeurs : il faut qu'ils aient bien connaissance du cadre légal et réglementaire applicable, après tout !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Qu'est-ce que c'est que cette attitude méprisante ? Un peu de respect !
Je rappelle que si nous citons ici des extraits de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, c'est parce que c'est notamment sur cette base que s'exerce le contrôle de constitutionnalité : nous nous adressons aussi au Conseil constitutionnel, par anticipation.
Ensuite, même si l'occupation d'un établissement scolaire constitue déjà un délit – c'est d'ailleurs un problème –, peut-on vraiment affirmer que le fait de créer une AFD permettra simplement de réprimer un délit existant et que, puisqu'elle s'applique à droit constant, il n'y a pas de débat à avoir ? Bien sûr que non ! Prenez l'exemple des personnes qui ont décroché des portraits d'Emmanuel Macron.
Elles ont commis un délit. Pourtant, d'après la jurisprudence établie par les tribunaux, si cet acte intervient dans un contexte militant et sans violence – c'est-à-dire en l'absence d'atteinte aux personnes et si le préjudice financier est faible, ce qui était bien le cas en l'espèce –, la relaxe peut être prononcée. La loi française protège en effet plusieurs droits, qui sont parfois contradictoires. Le rôle du juge est aussi d'arbitrer entre ces différents droits. En l'occurrence, c'est la liberté d'expression qui l'a emporté.
Dans ce type de situations, une AFD servira simplement à intimider le parent d'élève. Elle ne permettra pas au juge de se prononcer pour garantir la liberté d'expression en refusant de pénaliser ce type de comportements. Il est donc clair que votre objectif n'est pas de désengorger les tribunaux – chacun l'a bien compris –, mais bien de réprimer davantage des comportements qui vous semblent insupportables parce qu'ils sont militants et expriment une opposition à votre politique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je suis quelque peu choqué par la description que vous venez de faire des fonctions de ministre de l'intérieur, cher collègue. Vous avez demandé au ministre de noter la liste des personnes potentiellement concernées par une AFD, au motif que cela lui donnerait des idées pour sanctionner untel ou untel.
Quelle drôle de vision du poste de ministre de l'intérieur que la vôtre !
Rires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Croyez-vous vraiment que le ministère de l'intérieur, dans une démocratie comme la nôtre, décide qui doit être sanctionné ? Nous vivons dans un État de droit, monsieur Bernalicis ! Franchement, je suis bien content que vous n'occupiez pas la place Beauvau,…
…parce que « Ugo à Beauvau », pour reprendre votre slogan, cela aurait été assez terrible !
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent ! Un cadre légal est défini, les lois s'appliquent, et le ministre de l'intérieur…
Cher collègue, j'ai demandé aux orateurs précédents de se limiter à la défense de leurs amendements. Veuillez, vous aussi, vous en tenir au fond du débat.
C'est exactement ce que je fais, madame la présidente : je réponds à M. Bernalicis. Mais effectivement, avançons.
Si nous pouvions rester concentrés sur le contenu des amendements, nous gagnerions tous du temps.
La parole est à M. le ministre.
Pour la quatrième fois, monsieur Bernalicis, les AFD s'appliquent sous l'autorité du procureur de la République, qui, dans son ressort, prend une circulaire pénale pour chacune d'entre elles. Ce rôle ne revient pas au ministère de l'intérieur. J'ai le sentiment que vous fantasmez quelque peu sur ce poste, si je puis me permettre.
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'amendement n° 1068 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 1070 .
Il faut insister sur cette question. Un de mes premiers engagements militants, qui m'a beaucoup marquée, fut ma participation au mouvement d'opposition au projet de loi Devaquet, qui s'est déroulé dans les lycées et dans les universités en novembre et décembre 1986. J'étais alors lycéenne, donc mineure, me direz-vous, mais des majeurs étaient également mobilisés. À un certain moment, face à ce qui nous apparaissait comme l'impérieuse nécessité d'alerter l'opinion publique dans son ensemble pour que le Gouvernement renonce à son projet de réforme, nous avons fait preuve de créativité dans la mobilisation et avons multiplié les initiatives militantes. Dans ce contexte, des lycées et des universités ont été occupés.
À cette époque, d'ailleurs, les lycéens et les étudiants jouissaient d'une liberté beaucoup plus grande qu'aujourd'hui : il était permis d'organiser des assemblées générales dans les halls, par exemple. Depuis, beaucoup d'autres mobilisations ont eu lieu.
Actuellement, ce sont les lycées professionnels qui s'élèvent contre la réforme des retraites. Une réflexion est d'ailleurs en cours sur la nécessité d'occuper ces lycées pour que le Gouvernement renonce enfin à son funeste projet de casse de l'enseignement professionnel et pour que Mme Pécresse renonce à la fermeture de bon nombre d'établissements parisiens.
M. Jérôme Legavre applaudit.
Que se passera-t-il pour ces lycéens ? Se verront-ils infliger des AFD ? Non seulement vous ne les écoutez pas lorsqu'ils manifestent entre Bastille et Nation, mais, quand ils optent pour d'autres formes d'action afin d'alerter l'opinion publique, vous leur collez des AFD !
À l'heure où je parle, des écoles sont occupées – peut-être seront-elles rejointes par des lycées –, notamment à Lyon, où le collectif Jamais sans toit milite pour qu'il n'y ait plus d'enfants à la rue.
Comptez-vous leur infliger des AFD ?
Cet article est bien évidemment proposé en anticipation de la réforme des retraites que vous comptez présenter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour une intervention qui, j'en suis sûre, portera exclusivement sur le montant de l'amende forfaitaire.
À 1 euro, dans le présent amendement – j'en ai déposé d'autres, dans lesquels est proposé un montant de 60 centimes, par exemple.
Je souhaite que nous abordions le fond du débat. Vous expliquez vouloir appliquer des amendes forfaitaires pour sanctionner des délits qui existent déjà. C'est vrai. En l'espèce, l'amende s'élèverait à 500 euros, voire à 1 000 euros en cas de majoration. Mettez-vous à la place d'un lycéen majeur qui voudrait se mobiliser dans son lycée pour défendre ses droits ou pour se battre contre la retraite à 65 ans. À l'heure actuelle, il sait très bien que si de telles actions constituent effectivement un délit, elles ne sont pas punies dans les faits.
Une forme de tolérance s'exerce à l'égard des lycéens qui se mobilisent pour leurs droits, précisément parce que nous vivons encore dans une République sociale, même si vous essayez de la détruire peu à peu.
Mais que se passera-t-il lorsque cet article aura été adopté ? Des lycéens ou des étudiants qui voudraient se rendre dans des lycées pour participer à des mobilisations lycéennes seront menacés de subir une amende de 500 euros, ce qui entraînera potentiellement une sous-mobilisation : dans certains cas, les parents interdiront à leur enfant de se mobiliser, parce qu'ils n'auront pas les moyens de payer une amende ; dans d'autres, le lycéen ou l'étudiant décidera lui-même de s'abstenir.
Je vous pose donc une question très précise, monsieur le ministre : vous engagez-vous clairement à ce qu'aucune AFD ne touche les lycéens majeurs se mobilisant dans leur lycée ou les étudiants venant soutenir des lycéens dans le cadre de mobilisations sociales ?
Mme Danielle Simonnet applaudit.
Je crois qu'il est de plus en plus évident pour tout le monde qu'en Mélenchonie, on n'aime pas la démocratie.
Vous n'avez jamais accepté le résultat des urnes et vous combattez tout ce qui ne va pas dans votre sens en appelant à la désobéissance civile, voire à pire.
Après avoir déjà fait le coup en 2017, vous le refaites en 2022. Vous êtes certes plus nombreux, ce qui vous permet de faire plus de bruit, mais vous ne supportez toujours pas les défaites :
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
quand les choses ne vont pas dans votre sens, quand l'Assemblée souveraine vote autrement que vous le souhaiteriez,…
…vous bloquez le débat – c'est encore ce qu'il y a de plus simple ! Voilà plus d'une heure que nous débattons de cette question et que vous répétez sans cesse la même chose !
Mêmes mouvements.
Vous ne supportez clairement pas la démocratie. La VI
L'amendement n° 1070 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jérôme Legavre, pour soutenir l'amendement n° 1071 .
Il vise à rendre symbolique le montant de l'AFD. Car de quoi s'agit-il, en réalité ? Vous nous accusez, monsieur Millienne, de ne pas aimer la démocratie.
Mais de quoi est-il question, ici ? Du droit légitime des jeunes à se mobiliser pour leurs droits. Car enfin, les amendes dont nous parlons s'appliquent par exemple au fait de bloquer un lycée, de s'installer dans la cour et de l'occuper…
…– autant d'actions qui ont très souvent eu lieu par le passé, vous en conviendrez.
La politique de votre gouvernement a tout de même conduit – tenez-vous bien – à ce que 125 000 bacheliers se voient refuser une place dans l'enseignement supérieur…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RE et Dem.
…et à ce que 300 000 d'entre eux n'aient pas accès à la formation qu'ils demandaient.
Voilà le résultat de votre politique ! Le budget de l'école, que nous n'avons pas eu le loisir d'examiner…
Merci, cher collègue. Je rappelle que j'ai demandé à plusieurs reprises que chacun s'en tienne au thème des amendements qui sont présentés.
Quel est l'avis de la commission ?
Notre collègue Legavre m'a parfaitement convaincu : nous, élus du groupe Les Républicains, sommes favorables à l'AFD, car nous défendons le droit inaliénable des jeunes qui veulent se rendre à l'école à pouvoir le faire sans en être empêchés par ceux de vos amis qui voudraient bloquer les lycées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Rires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Élisa Martin.
Un peu de calme, je vous prie, chers collègues.
Pour répondre à M. Millienne, la question n'est pas d'accepter un résultat électoral – ce que nous faisons sans aucune difficulté, sans nous attarder sur les conditions dans lesquelles ce résultat a été obtenu.
Sourires sur les bancs du groupe RE.
Simplement, en tant que députés, nous avons le droit de déposer autant d'amendements que nous le voulons. Je rappelle d'ailleurs que ceux que nous examinons ont été jugés recevables.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela ne nous empêche pas de juger que vous faites de l'obstruction parlementaire !
Que vous le vouliez ou non, nous défendrons nos amendements. Je ne vois pas pourquoi nous ne le ferions pas.
Par ailleurs, si je puis me permettre, vous exagérez quelque peu en nous faisant ce reproche : ce n'est pas nous qui avons eu recours à plusieurs reprises, de façon éhontée, au 49.3 pour faire adopter la loi de finances, c'est-à-dire le budget de l'État, dont le vote fait pourtant partie des fonctions premières du Parlement.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Vous avez assumé ce recours. Très bien. Si vous trouvez que nos débats sont trop longs, allez boire un café à la buvette !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 1071 n'est pas adopté.
Mon collègue Léaument n'ayant pas reçu de réponse de votre part, je vous pose à mon tour la question, monsieur le ministre : vous engagez-vous à ce que les majeurs lycéens ou les étudiants venant soutenir des mobilisations dans les lycées ne soient pas concernés par les amendes forfaitaires délictuelles ?
Vous pouvez avancer tous les arguments que vous souhaitez, nous savons que, derrière ce choix, il y a votre volonté de criminaliser la mobilisation sociale qui s'annonce – je signale au passage que des amendements portant sur le blocage des routes et des voies ferrées sont tombés.
Vous invoquez l'État de droit. Je note cependant que ce gouvernement a été rappelé à l'ordre à de multiples reprises, notamment par l'Organisation des Nations unies et par des associations internationales, parce qu'il restreint les libertés et parce qu'il piétine l'État de droit depuis des années.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Par conséquent, ne nous donnez pas de leçon à propos de l'État de droit car c'est vous qui le mettez en danger dans ce pays.
Je rappelle pour la énième fois au groupe La France insoumise que c'est le procureur de la République qui est à l'initiative des poursuites pénales et qui applique les AFD. Avis défavorable.
Voilà, c'est clair. En ne répondant pas à la question, vous l'avez dit : vous voulez avoir la possibilité de punir les lycéens majeurs qui se mobilisent dans leur établissement ainsi que les étudiants qui entreraient dans ces lycées pour soutenir leur action.
J'ai eu l'honnêteté de dire que j'avais mal lu le texte concernant le volet universitaire. Je suis ravi d'avoir entendu tout à l'heure que les étudiants pourraient bien se mobiliser dans les universités – ce sera noté au compte rendu, très bien.
S'agissant des lycéens, en revanche, l'inquiétude est très forte. Sachez que 15 000 personnes ont signé une pétition visant à vous empêcher d'instaurer ces amendes forfaitaires délictuelles. Nous poursuivrons le débat d'une autre manière lorsque nous aborderons la question de l'occupation des routes.
La France est un État qui, précisément, s'est construit à partir de la mobilisation sociale. Cela s'appelle la Révolution française .
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes Re et Dem.
Elle a éclairé le monde avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans un État tel que la France, où nous avons assisté à l'éborgnement et à la mutilation des gilets jaunes, il est honteux d'empêcher les citoyens de se mobiliser.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes Re et Dem.
Monsieur le député, nous débordons largement du cadre de l'amendement.
La parole est à M. le ministre.
En vous écoutant, plutôt que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, j'ai plutôt envie de citer une phrase que l'on attribue parfois à Beaumarchais : « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose… » Surtout pour vos vidéos.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 85
Nombre de suffrages exprimés 85
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 18
Contre 67
L'amendement n° 1044 n'est pas adopté.
L'amendement n° 317 est retiré.
Nous allons à présent changer de registre, puisque cet amendement vise à étendre la liste des infractions pouvant faire l'objet d'une AFD en y incluant le délit de vente à la sauvette commise en réunion ou par voie de fait.
L'amendement n° 832 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il vise à supprimer la mise en place de l'AFD pour les infractions listées à l'article L. 2242-4 du code des transports, comme le délit d'entrave à la circulation des trains.
Je profite de cet amendement, qui vise à supprimer l'AFD pour certains délits, pour rappeler qu'avec la mise en place de cette amende nous retrouvons une technique qui a déjà été bien rodée pendant la mobilisation des gilets jaunes.
On s'en souvient, des amendes de 135 euros – le tarif de base lorsqu'on contrevient à un arrêté en vigueur – ont alors fait leur apparition. Le ministère a constaté que cette méthode était plutôt efficace pour dissuader les personnes qui étaient chez elles de se rendre aux manifestations – et pour dissuader celles qui défilaient de revenir. C'est ainsi qu'a germé une idée merveilleuse : créer des AFD pour d'autres délits figurant dans le code pénal, avec des montants un peu plus dissuasifs – 500 ou 800 euros par exemple.
Nous ne redoutons pas que vous ayez recours aux AFD puisque vous avez déjà appliqué cette méthode – certes sous une forme spécifique, la contravention de 135 euros. Nous savons donc que vous allez recommencer, que tel est votre objectif politique. Ce n'est ni une supputation ni un procès d'intention de notre part, monsieur le ministre, mais une mise en cause.
L'amendement n° 943 n'est pas adopté.
L'amendement n° 827 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l'amendement n° 1090 .
Nous avons déjà eu ce débat tout à l'heure. Nous refusons que le dispositif de l'AFD s'applique à celui qui trouble ou dégrade un moyen de transport. Voilà une idée qui peut sembler banale. Cet amendement de repli prévoit plus particulièrement de supprimer une telle amende pour les cas de récidive.
Puis-je défendre également l'amendement n° 763 , qui représente en quelque sorte un repli du repli ? Ayant pris acte que le système judiciaire français n'était pas assez efficace, on a créé l'AFD. En cas d'échec de l'AFD, c'est-à-dire si les faits sont réitérés, nous souhaitons que l'amende prévue soit plus élevée. Sinon on ne s'en sortira pas, l'État français sera toujours perdant. Entre les failles du système de recouvrement et les incapacités de payer – avec notamment les personnes qui font exprès de se retrouver en situation d'insolvabilité –, qu'arrive-t-il au bout du compte ? Les auteurs ne sont jamais jugés, les AFD ne sont jamais recouvrées et les crimes et délits ne sont jamais sanctionnés.
Monsieur le député, je vous ai laissé défendre le n° 763 mais je relève que vous n'en êtes pas cosignataire.
Il se fonde sur l'article 100 relatif à l'examen successif des amendements. Tout à l'heure, l'adoption de l'amendement n° 1288 rectifié a fait tomber plusieurs amendements. Il me semble – mais le service de la séance vous le confirmera ou non – qu'il a également eu pour effet de décaler la numérotation des alinéas. Par conséquent, je me demande si, lorsque les amendements que nous présentons maintenant visent à supprimer certains alinéas – par exemple 21 à 23 –, ils se réfèrent toujours bien à la version du texte issue de l'examen en commission. Ou bien discutons-nous d'alinéas qui n'ont plus rien à voir ?
Rassurez-vous, monsieur Bernalicis, tous les amendements restent valables, les alinéas du projet de loi n'ont pas été modifiés. La numérotation est la bonne, n'ayez aucune inquiétude sur ce point.
L'amendement n° 318 est retiré.
L'amendement n° 944 de Mme Sandra Regol est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous sommes favorables à l'amendement de Mme Regol et nous tenons à l'exprimer. Nous l'avons vu, vous fuyez le débat lorsqu'on évoque le véritable motif des amendes forfaitaires délictuelles, c'est-à-dire votre volonté de criminaliser celles et ceux qui mèneront des actions pour contester des décisions politiques.
Cet amendement porte sur le code des transports. Vous voulez pénaliser ceux qui vont bloquer des trains dans le cadre de mobilisations sociales. Parfois, en revanche, vous exigez que la SNCF, qui dépend de votre Gouvernement, arrête les trains, comme c'est le cas depuis plusieurs semaines sur une ligne de la Creuse. Avec les amendes forfaitaires délictuelles, vous ne poursuivez donc qu'un objectif : sanctionner ceux qui se mobilisent.
J'en profite pour signaler que les amendements défendus à l'instant par l'extrême droite montre bien de quel côté se situent ces députés : ils sont antimobilisation sociale et antisyndicats, contre celles et ceux qui défendent l'intérêt général et les travailleurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 944 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 816 .
Il vise à supprimer l'AFD lorsqu'elle punit la falsification de documents, disques ou tachygraphes des transporteurs routiers. Outre le fait que la flagrance de l'infraction concerne le conducteur et non le commanditaire d'une telle falsification, le contradictoire et l'individualisation de la peine ne sont pas activés dans cette procédure de verbalisation.
D'autre part, avec la dérégulation totale du marché de l'emploi des transports routiers, la proportion de chauffeurs non français rend inadéquate l'application d'une amende qui ne sera jamais payée.
Voilà pourquoi nous sommes défavorables à l'AFD dans ce cas de figure.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 14
Contre 46
L'amendement n° 816 , ayant reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut, pour soutenir l'amendement n° 772 .
Il s'agit d'un amendement de ma collègue Claire Pitollat.
La mer est l'espace de toutes les libertés mais elle peut aussi être celui de tous les excès. Nombre de nos concitoyens, d'élus locaux et de forces de l'ordre ont constaté une recrudescence de la délinquance en mer pendant la période estivale, notamment depuis 2020, et qui s'est traduite par une hausse manifeste du nombre d'interventions. Ces comportements nuisent à la sécurité et à la tranquillité des baigneurs et usagers de la mer et de l'océan.
Si la vigilance et le contrôle des acteurs concernés ont été renforcés, les forces de l'ordre sont dans l'impossibilité d'agir efficacement en raison d'une absence de cadre juridique. Aussi proposons-nous, avec cet amendement, deux avancées.
Premièrement, il prévoit de transposer et d'adapter le dispositif de répression des rodéos urbains aux rodéos nautiques. Le nouveau délit envisagé vise à sanctionner des comportements spécifiques qui ne relèvent pas nécessairement d'une mise en danger d'autrui. Les peines principales proposées sont identiques à celles prévues par l'article L. 236-1 du code de la route : un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.
Deuxièmement, il prévoit d'étendre la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à cette nouvelle infraction.
En tant qu'élu des calanques de Marseille, je tiens à préciser que nous constatons depuis deux ans une recrudescence d'actes de ce type. Il est important que nous disposions d'un cadre législatif adapté qui permette de contenir ces comportements tout simplement inappropriés en milieu maritime.
Je tiens à remercier notre collègue Claire Pitollat et le président Houlié pour leur travail sur cet amendement. Avis favorable.
L'amendement n° 772 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Sur les amendements n° 768 et identique, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l'amendement n° 834 , qui fait l'objet d'un sous-amendement, n° 1301 , de M. le rapporteur.
Voilà un amendement qui intéressera tous ceux qui sont attachés à la cause animale.
Le Groupe Les Républicains propose en effet, par cet amendement, d'étendre la procédure simplifiée de l'amende forfaitaire aux délits de dressage de chien au mordant en dehors des activités et structures autorisées ainsi qu'à l'exercice de l'activité de dressage de chien au mordant sans certificat de capacité.
De plus en plus de personnes usurpent l'activité de dressage de chien. Voilà pourquoi nous proposons, au moyen de cet AFD, de mettre fin à un tel délit.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement et présenter son sous-amendement n° 1301 .
Je suis tout à fait favorable à l'amendement de M. Boucard. Mon sous-amendement apporte simplement une précision rédactionnelle qui le rend plus clair.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement et ce sous-amendement ?
Certes, les comportements de certains propriétaires accentuent la dangerosité des chiens, mais ceux qui éduquent leurs animaux à la violence se rendent coupables de maltraitance. Je crois donc qu'il faut aller plus loin qu'une AFD pour voir vraiment ce qu'il se passe, savoir d'où sortent ces animaux et la façon dont ils sont traités. Il en va du respect de l'animal : on ne peut pas l'élever dans l'agressivité et dans la violence, et pas seulement parce qu'il devient ainsi dangereux, y compris pour lui-même.
Le sous-amendement n° 1301 est adopté.
L'amendement n° 834 , sous-amendé, est adopté.
L'amendement n° 325 est retiré.
Je constate que nous sommes tous à peu près d'accord pour reconnaître que les rodéos urbains sont un problème inquiétant et particulièrement préoccupant, ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques années dans cet hémicycle. Je me souviens avoir travaillé sur le sujet avec ma collègue Natalia Pouzyreff ici présente, et nous avions alors beaucoup de difficulté à l'installer dans le débat public sans avoir des retours très caricaturaux.
C'est très bien que nous ayons collectivement avancé sur ce point, et il faut continuer à le faire pour deux raisons. Tout d'abord, les rodéos urbains sont une infraction qui met en jeu la vie de nos concitoyens – il y a quelques semaines encore, à Pontoise, deux enfants de 10 et 11 ans ont été fauchés et grièvement blessés –, et ces faits divers se multiplient sur tous les territoires, tout le monde est concerné par ce phénomène, ce nouveau marqueur de la jeunesse que les forces de l'ordre ont toutes les difficultés du monde à endiguer, se mettant elles-mêmes en situation de danger, ce que nous ne pouvons accepter. Ensuite, les rodéos urbains ne sont pas encore réprimés comme il le faudrait, et nous avons fait un certain nombre de propositions à ce sujet. Je remercie ma collègue pour l'ensemble du travail qu'elle accomplit depuis plusieurs années déjà. Après son amendement d'hier, c'est une autre proposition que nous présentons ici : une simplification opérationnelle de la répression des auteurs, en appliquant à titre expérimental la procédure de l'AFD aux délits non aggravés de rodéos motorisés et hors cas de récidive, le dispositif devant faire l'objet d'une évaluation après trois ans d'application.
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff, pour soutenir l'amendement n° 773 .
Depuis cinq ans, notre majorité agit pour lutter contre les rodéos motorisés et le nombre d'interpellations a d'ailleurs augmenté puisqu'on compte environ 4 000 interventions depuis janvier 2022. J'en profite pour saluer les forces de l'ordre qui agissent efficacement, policiers comme gendarmes ,
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Antoine Léaument applaudit également
pour réfréner ce phénomène qui est en train de devenir en effet un phénomène social. Dans le but de faciliter leur tâche en accélérant les procédures, mon amendement – cosigné par les autres députés du groupe Renaissance – prévoit une simplification opérationnelle sous la forme d'une AFD. Comme il ne s'agit pas de banaliser ce délit, je préconise que cette mesure soit prise à titre expérimental dans un premier temps et fasse l'objet d'un rapport qui sera remis au Parlement.
M. Emmanuel Lacresse applaudit.
Je partage bien sûr, comme les députés de la majorité cosignataires de vos amendements, votre volonté d'améliorer la réponse pénale. C'est donc un avis très favorable.
Cela fait quatre ans que la loi a fait des rodéos motorisés un délit pour simplifier la qualification de l'infraction, et cela fait quatre ans que la situation s'aggrave constamment. Nous pouvons donc déjà admettre tous ensemble que se faire plaisir dans l'hémicycle en créant un délit passible d'une peine de prison ne règle pas le problème et que votre bilan est mauvais.
M. Antoine Léaument applaudit.
Second point : la seule chose qui fonctionne dans la loi de 2018, c'est la saisie du véhicule – et éventuellement sa confiscation si le juge en décide ainsi – pour éviter la réitération des faits au moins à court terme. C'est d'ailleurs pourquoi ma position de vote au nom de mon groupe en 2018 n'avait pas été celle que M. le ministre m'a attribuée hier, mentant à mon égard et me mettant en cause personnellement. En réalité, je n'avais pas appelé à voter contre, mais à s'abstenir. Car si nous étions d'accord avec la création du délit et la sanction de la saisie, voire de la confiscation, nous ne l'étions pas avec la possibilité de la condamnation à une peine de prison, sachant qu'elle serait inefficace et qu'elle ne produirait pas les effets escomptés par le Gouvernement.
J'avais même indiqué ce qui manquait à votre équation… Attention, je vais dire un gros mot : la prévention. Ainsi, dans ma circonscription, un circuit moto avait été mis en place il y a une trentaine d'années quand il y avait déjà des problèmes de rodéos motorisés sur des mobylettes, et les sanctions consistaient pour les contrevenants à se rendre sur un circuit, encadrés par des motards de la police qui les prenaient en charge pour les remettre dans le droit chemin – on pourrait dire en l'occurrence dans le bon virage ou dans le circuit, pour filer la métaphore.
Malheureusement, ce dispositif a été supprimé en 2019 par Gérard Collomb et par cette majorité malgré les protestations locales. Créer maintenant une AFD en matière de rodéos motorisés, c'est pousser l'inefficacité au summum.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 67
Contre 14
L'amendement n° 326 est retiré.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 1274 .
Par cet amendement, nous proposons de diminuer le montant des amendes forfaitaires délictuelles qui sanctionneraient le délit consistant à bloquer la circulation. Dans la première partie de ce débat, on a pu faire la démonstration que le dispositif visait les lycéens qui occuperaient leur lycée. Ici, il s'agit en fait d'une amende forfaitaire anti-gilets jaunes, puisque ceux-ci bloquaient la circulation pour se faire entendre. Alors que vous proposez de leur faire payer demain une amende allant de 800 euros à 1 600 euros si elle est majorée, nous préférons opter pour le montant ridicule de 60 centimes afin que le droit à manifester par ce mode d'action puisse continuer à exister. Je rappelle qu'il a fait la démonstration de son efficacité puisque, à la fin du mouvement des gilets jaunes, le Gouvernement et la majorité ont tout de même lâché 10 milliards d'euros. C'est bien la preuve que ce type de mobilisation fonctionne. Nous ne voulons pas que des gens qui sont dans la difficulté, voire dans la précarité, renoncent à se mobiliser s'ils risquent de se prendre une amende de 800 euros ou de 1 600 euros.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je vous demande donc de me dire clairement si, oui ou non, vous comptez punir par ces amendes celles et ceux qui se mobiliseraient par ce mode d'action afin de les en dissuader. J'ai ma petite idée là-dessus, la même que tout à l'heure : je pense que vous êtes en train de préparer un arsenal répressif à l'encontre des gens qui se mobiliseraient contre la retraite à 65 ans.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il me semble que vous venez en fait de défendre l'amendement n° 1275 , cher collègue.
Pour que ce soit au compte rendu de la séance, je précise que vous êtes en train de revenir sur le délit d'entrave à la circulation routière, lequel a été créé par une ordonnance du 15 décembre 1958 – vous pouvez vérifier à la page 1281 du Journal officiel de la République française du 16 décembre 1958. L'amende était d'ailleurs considérable, puisqu'elle s'élevait à 2 millions d'anciens francs. J'en reviens à ce que je disais tout à l'heure : il s'agit d'une disposition qui existe déjà, en l'espèce depuis 1958.
En proposant un montant aussi bas, variant de 15 centimes à 50 centimes, vous avez parfaitement compris que nous voulons vider de leur sens ces AFD qui, je le répète, n'ont pas lieu d'être.
Considérant qu'un problème politique va sans doute se produire si le Gouvernement décide d'imposer la retraite à 65 ans, nous voulons aussi, en creux, faire passer le message suivant : la réponse à ce problème ne peut consister en des amendes, car la seule réponse possible, c'est le dialogue, c'est l'écoute du peuple. Or, par l'extension du dispositif des AFD, vous déniez la capacité de tout un chacun et du peuple dans son ensemble à s'exprimer pour défendre ses intérêts. Quand le policier va dresser une amende avec sa tablette, ce sera une manière de dire : « Taisez-vous ! » Et voilà ce qui va évidemment faire augmenter la violence. Je rappelle qu'à l'époque de Nuit debout – ce n'est pas vous qui étiez au pouvoir, donc je peux l'évoquer sans faire d'histoires –, c'est le refus du dialogue qui a entraîné les violences, comme plus tard avec les gilets jaunes – là, on ne peut pas dire que le Gouvernement ne soit pas responsable.
Mme Danielle Simonnet applaudit.
L'amendement n° 1274 n'est pas adopté.
Cet amendement propose de faire passer l'amende à 50 centimes et l'amende majorée à 1 euro, parce qu'on ne sait toujours pas si vous allez utiliser ou non ces amendes forfaitaires délictuelles pour sanctionner des gens qui se mobilisent comme ce fut le cas des gilets jaunes, des personnes qui sont déjà, mon collègue Léaument l'a rappelé, dans une situation financière extrêmement fragile à cause des politiques menées par votre gouvernement. Il va les sanctionner deux fois : la première en les jetant dans la précarité, la seconde en leur prenant du fric. Voilà la réalité de sa stratégie, voilà ce qui se cache derrière cet arsenal législatif, monsieur le ministre : vous voulez criminaliser des gens qui vont se mobiliser contre une réforme impopulaire et injuste. Le pays ne vous a pas donné de mandat pour instaurer la retraite à 65 ans. Vous allez utiliser cette loi pour préparer la répression de mobilisations massives. Préparez-vous, monsieur le ministre, à d'énormes manifestations !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre, votre prédécesseur a-t-il, oui ou non, utilisé des amendes de 135 euros contre les gilets jaunes qui s'attroupaient sur les ronds-points pour les en dissuader ? Et comptez-vous faire de même avec des amendes d'un montant bien supérieur ? Je pourrais poser la même question sur l'amende forfaitaire délictuelle qui vise ceux qui bloqueraient les voies ferroviaires : comptez-vous dresser en ce cas des AFD à l'encontre des cheminots qui usent de cette forme classique de mobilisation ? Peut-être feriez-vous mieux d'assumer, puisque le but est d'intimider les gens. Au moins les choses seront-elles claires pour tout le monde : vous, vous aurez produit l'effet escompté et nous, on pourra râler ! Nos collègues qui n'ont pas suivi le débat en commission et qui se demandent ce que c'est que ces amendes forfaitaires délictuelles sauront alors à quoi s'en tenir. Quand nous, nous faisons référence aux gilets jaunes ou encore à la récente mobilisation à côté de l'Assemblée nationale à propos de la rénovation thermique des bâtiments – les manifestants ayant choisi de bloquer les routes –, tout le monde comprend le but poursuivi par le Gouvernement.
Les pompiers affectionnent aussi ce mode d'action : dès qu'ils se mobilisent, ils investissent le périphérique, dans une manifestation spontanée, et le bloquent ; c'est en tout cas ce qu'ils font dans mon coin. Va-t-on mettre des AFD de 800 euros aux pompiers qui vont se mobiliser pour avoir des moyens supplémentaires ? La question se pose et nous aimerions avoir des réponses. Si vous maintenez l'amende, abaissez-la au moins à 50 centimes.
L'amendement n° 1271 n'est pas adopté.
Sur amendement n° 1276 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en arrivons à l'amendement n° 1275 , qui propose d'abaisser l'amende à 60 centimes, et qui a déjà été défendu.
Vous nous proposez là, collègues, des amendes de 800 à 1 600 euros pour celles et ceux qui bloqueraient la circulation. Je rappelle que ce mode d'action était particulièrement utilisé par les gilets jaunes.
Je m'adresse à l'ensemble des bancs, mais en particulier à ceux des groupes Les Républicains et Rassemblement national. Tout le monde était d'accord pour soutenir le mouvement des gilets jaunes et donc ses modes d'action. Aujourd'hui, le Gouvernement veut faire adopter des amendes qui puniront ceux-ci. À l'issue du vote sur cette série d'amendements, une chose sera claire s'agissant des élus de cette assemblée : il y a celles et ceux qui sont fidèles dans leur soutien du mouvement des gilets jaunes, et qui ne cèdent pas d'un pouce sur le sujet ; et celles et ceux qui ne voteront pas les amendements que nous avons proposés, visant à baisser ces amendes, et qui sont donc visiblement opposés au mouvement des gilets jaunes et à ses modes d'action. Ce sera noté et chacun pourra le constater.
Je suis convaincu qu'il y aura un mouvement social d'ampleur contre la retraite à 65 ans,…
…à moins que vous n'essayiez de la faire passer par amendement le 21 novembre. Il y aura un mouvement d'ampleur parce que les Français y sont opposés. Parmi les modes d'action, il est fort possible que les gens recourent au blocage des routes, car c'est très efficace pour faire céder un gouvernement quand il prend des décisions qui ne vont pas dans le sens de l'intérêt du peuple. Monsieur le ministre, je vous accuse d'introduire cette mesure pour préparer l'arsenal répressif contre ces mobilisations à venir, et je n'en démords pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, votre silence est coupable, il témoigne d'un refus de répondre. On touche juste : en vérité, vous préparez un arsenal législatif en vue de la répression. On a beaucoup parlé des gilets jaunes, mais de jeunes manifestants écologistes ont récemment bloqué les routes pour alerter le Gouvernement sur l'inaction climatique et dénoncer votre politique préjudiciable pour le climat – je rappelle que vous avez été condamnés deux fois pour inaction climatique, trois fois pour inaction face à la pollution de l'air. Quel message voulez-vous envoyer aux jeunes qui souffrent d'éco-anxiété, qui prennent en pleine gueule les conséquences des politiques dangereuses que vous menez ?
Plutôt que de leur fixer des amendes, la réponse devrait consister à mener une autre politique écologique et environnementale.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Ne vous méprenez pas : on vous écoute, car c'est la démocratie, mais on voit bien, tous, que vous faites de l'obstruction parlementaire ,
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
plus bête que méchante d'ailleurs ,
Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem
qui consiste à ne pas parler du texte, du devenir du ministère de l'intérieur et des raisons qui font qu'on lui alloue 15 milliards d'euros. Voilà pourquoi on ne vous répond pas : tous ici, y compris vos alliés politiques, considèrent que ce n'est pas très correct. Faire de l'obstruction relève de votre droit le plus strict, mais tous ceux qui nous regardent doivent être bien tristes du spectacle.
Nous sommes mis en cause puisque la défense de nos amendements serait « plus bête que méchante ».
Ah bon, je le note : la prochaine fois, avec ces termes, on pourra mettre en cause le ministre.
L'amendement n° 1275 n'est pas adopté.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 1270 .
Plutôt être méchant, en effet. Oui, monsieur le ministre, c'est vrai qu'on vous accuse à tort. En réalité, vous n'avez pas assumé la décision d'introduire les AFD. Au départ, vous vouliez que tous les délits, y compris celui-ci, soient punis d'un an de prison, ce qui vous aurait permis de mettre tranquillement en œuvre votre stratégie de répression. Les aspects du texte dont nous débattons en ce moment ne figuraient pas dans la version du Sénat. Les amendes forfaitaires délictuelles ont été ajoutées en commission des lois de l'Assemblée nationale. Vous êtes complice de la majorité Renaissance, MODEM, Horizons ; vous êtes passé par eux pour introduire la mesure à moindres frais, et ne pas avoir à vous justifier quant à sa pertinence. Cependant, si vous n'êtes que complice de la création des AFD, c'est vous qui serez ensuite à la manœuvre et qui donnerez les instructions aux policiers et aux gendarmes pour les dresser.
Quant au parquet, vous nous avez dit que c'était lui qui gérait les AFD. Non, le parquet donne des consignes générales et se contente d'indiquer dans quel cas utiliser ce dispositif et dans quel cas recourir à une procédure classique avec interpellation, audition et procès-verbal – au procureur ensuite de décider, sur la base des éléments transmis, quelle suite donner à l'affaire. En réalité, les procureurs que nous rencontrons se plaignent du fonctionnement des AFD et n'ont que peu de prise sur leur utilisation. Ils n'ont aucun moyen de savoir si les consignes qu'ils donnent sont ou non respectées : tous les dossiers partent à Rennes, fort loin,…
…où ils subissent un traitement industrialisé, puisque trois magistrats doivent traiter plus de 200 000 AFD.
Je continue d'instruire nos collègues. Trois magistrats doivent donc contrôler plus de 200 000 AFD, à Rennes. Faites la division par le nombre de jours et de magistrats et demandez-vous qui contrôle quoi dans ces conditions ! En fait, le système est automatisé : un algorithme vérifie la concordance des dates et l'éventuelle présence d'impairs, ce qui élimine les AFD mal remplies par l'agent ; les magistrats sont éventuellement saisis de quelques contestations et se prononcent en masse. Tout cela n'est pas sérieux. Vous voulez industrialiser la répression.
La surenchère répressive est patente : aujourd'hui, ces délits ne sont que très peu poursuivis, et quand ils arrivent devant les tribunaux, les moyens de défense permettent à la liberté d'expression de l'emporter sur la répression, notamment dans un cadre de mobilisation. Face à un policier qui dresse une AFD pour présence à un rond-point, on ne pourra plus faire valoir ces éléments. Vous mettez la pression, vous faites de l'intimidation. Or l'entrave à la liberté de manifester est un délit figurant au code pénal !
L'amendement n° 1270 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 1272 .
Dans un contexte de contestation sociale, lorsque des dizaines de milliers de Françaises et de Français veulent se réunir, ce n'est pas dans la cuisine de l'un ou le salon de l'autre, encore moins dans les salons de l'Assemblée nationale, mais dans l'espace public que ces réunions vont se tenir, permettant aux gens de s'organiser, d'échanger leurs points de vue et de manifester leur colère.
Protestations sur les bancs du groupe Dem.
Les gilets jaunes, les zadistes, les associations environnementales sont clairement ciblés par cette AFD qui, comme par hasard, est la plus élevée du dispositif.
Merci d'écouter l'orateur, qui évoque le montant de l'amende forfaitaire.
Il n'aura pas suffi à ce gouvernement et au gouvernement précédent d'aller bastonner purement et simplement
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
tous les opposants à vos lois antisociales, il faut maintenant les racketter pour s'assurer de leur docilité. Voilà la visée exacte de votre dispositif d'AFD pour les personnes qui se réunissent sur la voie publique.
Cette somme, 800 euros, c'est ce que Sonia, agent d'entretien au ministère de l'intérieur, gagne par mois. L'AFD correspond à un mois de salaire d'une femme qui faisait partie des gens que nous avons retrouvés autour des ronds-points.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En fixant un montant d'amende symbolique, nous affirmons que l'adoption du dispositif que vous proposez conduira les policiers à la confrontation. Nous serons responsables de la situation dans laquelle nous les mettrons. On parle bien du marteau…
…et de ceux qui le tiennent, en d'autres termes de ceux qui donnent les consignes aux policiers. Si l'on fixe des amendes symboliques, la tension sera moins importante, et on risquera moins l'escalade. Un pauvre policier qui délivre des amendes avec sa tablette peut très vite devenir la cible d'injures et de violences ; en baissant très sensiblement le montant des amendes, au point de le rendre symbolique, nous voulons lutter contre cette possibilité de violence à l'égard des policiers de la part des personnes mises en cause.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 1272 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 1273 .
Il est important de prendre le temps de ce débat. Le présent amendement propose que les AFD pour entrave ou gêne à la circulation passent de 800 à 1 euro, de 650 à 0,80 euro et de 1 600 euros à 1,20 euro – c'est-à-dire qu'on revienne à la situation actuelle. Si un véritable délit est commis, il doit faire l'objet d'une réponse judiciaire, qui garantisse les droits de la défense et une individualisation des peines.
Monsieur le ministre, j'ai une question précise à vous poser. En 1994, j'ai participé à une action d'entrave qui a gêné la circulation : c'était la mobilisation contre le CIP, le contrat d'insertion professionnelle, et nous avions alors bloqué les voies de circulation devant le Trocadéro, souhaitant multiplier les actions de diverses formes pour empêcher cette politique.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Nous avions d'ailleurs gagné, puisque le CIP a été retiré. Si mes filles, qui ont l'âge d'être étudiantes, participaient aujourd'hui à une action similaire, elles pourraient donc être passibles d'une amende forfaitaire délictuelle de 800 euros. Pouvez-vous le confirmer ?
Aujourd'hui, c'est le quatrième anniversaire des gilets jaunes.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous sommes exactement quatre ans après le premier acte sur les ronds-points.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les milliers et les milliers de personnes qui se sont mobilisées sur les ronds-points pour alerter le Gouvernement sur l'urgence de la redistribution des richesses, pour exiger de la démocratie grâce à l'instauration d'un RIC – référendum d'initiative citoyenne –, auraient-elles pu faire l'objet de ces AFD ? Les activistes pour le climat, qui se battent contre l'inaction climatique…
…auront-ils également droit à ces amendes ? Pour la démocratie, il faut que ce débat dure, jusqu'à ce qu'on arrive…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, qui est applaudie par quelques députés des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
C'est un amendement de bon sens. Nous sommes contre le principe de l'amende forfaitaire délictuelle, d'autant qu'elle acquiert clairement un rôle de répression sociale. Comment le Gouvernement et le régime peuvent-ils tenir face à des mouvements de contestation de grande ampleur, qui, ces dernières années, les ont largement ébranlés ? Votre réponse est évidemment répressive ; mais, au moins, n'y ajoutez pas, pour les personnes sanctionnées, une pénalité financière impossible à assumer.
Les montants d'amende que vous fixez, lorsqu'ils s'additionnent, peuvent mettre la victime dans une situation de surendettement, l'obligeant ainsi à traîner ses dettes pendant des années. Quelquefois, la justice rattrape les personnes sanctionnées lorsqu'elles n'ont pas payé leur amende à temps.
Bref, baissez au moins le montant de l'AFD – j'ai parfois du mal à prononcer ce sigle tant il est insupportable. Cela montrerait que vous saisissez un petit peu le problème… Très souvent, les personnes qui se voient infliger ces amendes sont socialement et financièrement peu à même de les régler. Nous insistons : baissez au moins le montant de l'AFD dans les cas dont il est ici question.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est très curieux que les prises de parole sur cet amendement, comme sur les précédents, portent en elles quelque chose de particulièrement contradictoire, à moins que quelque chose ne m'échappe… Vous vous exprimez comme si nous voulions sanctionner des rassemblements joyeux. Nous sommes bien en train de parler d'infractions, de délits.
Protestations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
…c'est parce que, de toute évidence, elle ne correspond pas à un comportement légal. Ceux qui n'ont rien fait n'ont rien à craindre – il n'y a aucune difficulté sur ce point, nous sommes tous d'accord –, mais ceux qui ont franchi la limite doivent évidemment être sanctionnés, un point c'est tout !
L'entrave à la circulation est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende, c'est un fait.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je trouve vos propos vraiment curieux : vous plaidez pour l'État de droit, tout l'État de droit, rien que l'État de droit et, en même temps, vous appelez au comportement totalement inverse. Je ne sais pas bien comment interpréter votre proposition : soit vous demandez une légalisation des dispenses de peine, ce qui implique que certaines infractions ne soient pas sanctionnées – c'est un concept –, soit vous défendez la légalisation des délits et, dans ce cas, nous ne serons pas d'accord !
Vous rappelez l'histoire et invoquez la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mais n'oubliez pas que celle-ci consacre un grand principe, à savoir que la liberté ne permet pas tout et qu'elle s'arrête dès lors que son exercice nuit à la société. Et cela, vous devez le prendre en considération !
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 1273 n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 1276 .
« Ah ! » sur les bancs du groupe RE
…puisqu'il s'agit du dernier amendement que nous voulons défendre sur ce sujet. Je résume : vous voulez punir d'une amende de 800 à 1 600 euros celles et ceux qui bloquent les routes, ce que faisaient les gilets jaunes. Or vous proposez cela le jour même de l'anniversaire du lancement du mouvement des gilets jaunes : c'est une honte !
« Oh ! Encore ? » sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Par ces amendes, vous punirez aussi les militants écologistes et celles et ceux qui, en outre-mer, se sont battus en utilisant ce mode d'action. Bref, vous voulez punir tous ceux qui se mobiliseront contre la politique que vous êtes en train de mener !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous voulez faire adopter votre mesure maintenant, car vous savez que dans deux mois…
…vous aurez à affronter un mouvement social d'ampleur face à la réforme de la retraite à 65 ans que vous voulez mettre en place.
Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Vous préparez maintenant cet arsenal législatif répressif parce que vous savez que des centaines de milliers de personnes iront s'opposer dans la rue à votre politique !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Soyez-en sûrs, nous serons à leurs côtés et nous n'aurons pas peur de vos amendes, monsieur Darmanin !
Mêmes mouvements.
Mes chers collègues, même si tel ou tel acte est clairement défini par la loi comme une infraction, on peut parfois faire preuve d'une forme de tolérance. Je me souviens de moments où, dans le sillage de Mai 68 ,
« Ah ! » sur quelques bancs des groupes RE et RN
une certaine tolérance était de mise à l'égard des mouvements de la jeunesse.
Oui, on laissait des lycées être occupés ; oui, on laissait se faire des sit-in sur la chaussée.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Dans l'histoire de notre République, il y a eu des moments où les mouvements sociaux ont été durement réprimés. Il est arrivé que l'armée tire sur des manifestants : c'était alors la République de l'ordre contre la République sociale. Aujourd'hui, nous assistons, petit à petit, à une recriminalisation du mouvement social. Le fait de donner aux forces de l'ordre le pouvoir d'imposer, sans grande difficulté, des amendes aussi élevées s'inscrit dans cette logique-là. C'est précisément cela que nous combattons, ce que nous dénonçons. Oui, je le dis : parfois, un peu de désobéissance civile doit être tolérée.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Les jeunes qui aujourd'hui s'assoient sur le périphérique ont raison de nous alerter.
Mêmes mouvements.
Ce que j'entends m'inquiète profondément, mes chers collègues, d'autant que nous avons du public qui assiste présentement à nos débats depuis les gradins de notre hémicycle.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ce que j'entends, c'est une petite musique, celle par laquelle vous exprimez votre jouissance du chaos.
Mêmes mouvements.
Ce que j'entends, c'est que les infractions, c'est-à-dire les crimes, les délits et les contraventions, ne devraient plus être sanctionnées ou devraient l'être en fonction des auteurs qui les commettent.
Mêmes mouvements.
Et vous osez vous réclamer de l'État de droit ! Je le rappelle, l'État de droit, c'est un État dont les règles communes nous permettent de vivre ensemble, afin d'éviter que la force ne l'emporte sur le droit
M. Benjamin Lucas s'exclame.
Cette parodie de l'État de droit dont vous vous prévalez n'est certainement pas la nôtre et ne le sera jamais !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 87
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 23
Contre 50
L'amendement n° 1276 n'est pas adopté.
L'amendement n° 327 est retiré.
C'est un amendement de terrain. Je souhaite évoquer, devant cette assemblée, le problème des incivilités qui sont commises lors des mariages, autour des mairies et parfois même en leur sein. Bon nombre de maires s'y trouvent confrontés sur tout le territoire ; j'en ai moi-même fait l'expérience lorsque j'étais maire de Poissy.
Je rappellerai quelques faits. Le 18 septembre 2021, douze procès-verbaux ont été dressés pour non-respect du code de la route de la part de cortèges d'invités. Le 25 septembre 2021, quatre individus ont été interpellés pour des tirs de mortier aux abords de l'hôtel de ville, alors même qu'avait lieu une brocante. Les invités des futurs époux se permettent quelquefois de détériorer le mobilier ou d'insulter nos agents d'état civil et les élus. Il arrive que des convois traversent les villes en entravant la circulation ou, pire encore, qu'ils transforment la voie publique en un terrain de rodéo urbain.
Voilà une réalité connue par l'ensemble des maires ; une minorité pourrit la vie de la grande majorité de nos concitoyens.
Pour prévenir ces méfaits, la ville de Poissy et d'autres municipalités ont, depuis le 1er janvier 2022, mis en place des chartes de bonne conduite et imposé des cautions de 1 000 euros aux futurs époux – et c'est tant mieux ! Disons-le : cette peur de la retenue financière a porté ses fruits. À Poissy, aucun problème n'a été déploré dans l'hôtel de ville depuis l'application de ces mesures, sur les 200 mariages célébrés en 2022. J'ai l'espoir, monsieur le ministre, de poursuivre ce travail à vos côtés, de manière que nous puissions généraliser cette expérience réussie sur l'ensemble du territoire.
Néanmoins, le problème de l'entrave à la circulation demeure. Aussi, nous proposons par le présent amendement que le convoi d'un mariage soit considéré comme facteur aggravant du délit d'entrave à la circulation et de porter à 1 500 euros l'amende forfaitaire délictuelle introduite en commission pour cette infraction.
Punissons sévèrement ceux qui, trop souvent, mettent en danger la vie de nos concitoyens : évitons que ce jour de fête qu'est le mariage ne devienne un jour de défaite.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et RN.
Je m'associe pleinement à cet amendement de bon sens de mon collègue Karl Olive…
Sourires.
…qui, comme moi, était maire il y a encore quelques mois d'une commune comptant des quartiers prioritaires. C'est bien de notre expérience du terrain que nous faisons part aujourd'hui dans cet hémicycle.
Ce sous-amendement tend simplement, dans le champ de l'article R. 325-2 du code de la route, à immobiliser les véhicules, même si le conducteur n'est pas le titulaire de la carte grise. Cette précision n'est pas inutile car, bien souvent, les voitures que l'on retrouve dans les cortèges des mariages sont louées ; elles sont pour la plupart puissantes et immatriculées à l'étranger. Bref, cet amendement est un moyen supplémentaire pour s'assurer de l'effectivité de la loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes en désaccord sur un point qui me semble essentiel : vous demandez que les circonstances aggravantes soient liées aux rassemblements lors des mariages uniquement, or nous pourrions retenir bien d'autres circonstances, sources de potentiels dangers.
Par ailleurs, le montant d'amende que vous entendez fixer n'est pas proportionné au montant des amendes forfaitaires délictuelles déjà existantes, ce qui pose un problème de cohérence. C'est pourquoi, alors même que le délit d'entrave à la circulation existe depuis 1958, je ne suis pas favorable à votre proposition : les réponses pénales existent déjà. Votre amendement a toutefois le mérite de montrer que le vrai problème réside dans l'inapplication par les procureurs de la République de leurs circulaires pénales.
C'est là qu'il faut agir. Vous avez raison, chers collègues, il est dommage que ces troubles surviennent ; ils sont même inacceptables. Nous ciblons le même problème que vous mais, hélas, j'émettrai un avis défavorable.
Je suis extrêmement étonnée par votre laxisme, monsieur Olive. Vraiment, je ne vous comprends pas. Nous parlons de gens qui s'introduisent dans des mairies, qui détériorent le mobilier, qui bloquent les villes. Et que proposez-vous ? Une AFD ! Franchement, je ne comprends pas ce qu'il se passe dans vos rangs ; je pense qu'il va falloir vous reprendre. Quand ces faits se produisent réellement, leurs auteurs doivent être jugés dans le cadre d'un procès – faisons confiance à la compétence des personnels de la justice pour s'en charger. Le problème de la police, monsieur le rapporteur, ce n'est pas celui de la justice ou des procureurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Restons sérieux. La proposition initiale de généraliser les AFD aux peines de moins d'un an d'emprisonnement crée un glissement progressif par lequel tout un tas de délits finiront par échapper au juge. Au fur et à mesure – et je suis sûre que vous profiterez de votre projet de loi sur la justice –, vous ouvrez la voie à une très grande généralisation.
Mêmes mouvements.
J'ai demandé à prendre la parole, car j'ai une pensée pour un père de famille de Villers-Cotterêts qui, il y a deux ans, lors d'un convoi de mariage, a été agressé par des personnes du cortège simplement pour avoir demandé que ces derniers ralentissent leurs véhicules – ils roulaient à une vitesse excessive et faisaient n'importe quoi sur la route. Les auteurs de ce méfait ont été jugés, madame Faucillon, mais la procédure n'a pas donné grand-chose.
« Oh ! » sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Il faut qu'il y ait une réponse rapide et immédiate à ce genre de crimes.
« Des crimes ? » sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Le sous-amendement n° 1307 n'est pas adopté.
L'amendement n° 465 n'est pas adopté.
Avant de présenter ces amendements de repli, je tiens à préciser que si je peux m'adresser à notre collègue Jacquier-Laforge en lui donnant le titre de « Mme la présidente », c'est parce que nos grand-mères ont défié l'autorité, bafoué la loi et conquis des droits !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Puisque notre travail de législateur est de changer la loi, je vous propose un autre angle.
L'amendement n° 937 est un amendement d'appel visant à faire évoluer la politique des drogues en France. Alors que l'Allemagne s'apprête à légaliser la consommation récréative de cannabis en 2024, alors que le Portugal s'est libéré d'une approche purement répressive de la consommation de stupéfiants pour lui préférer une approche tournée vers le soin et l'accompagnement des usagers afin de les aider à sortir de leur addiction, sans même parler des États-Unis, où nombre d'États ont choisi de libéraliser l'accès à plusieurs drogues, la France, elle, reste persuadée qu'elle a la politique la plus efficace dans le domaine alors même que tous les indicateurs – consommation, amendes, trafic – montrent l'inverse.
Devant l'absence de volonté de faire évoluer la législation, nous proposons de diminuer de 200 à 2 euros le montant de l'amende forfaitaire prévue par le code de la santé publique pour usage de stupéfiants. Il s'agit d'un premier pas, d'une main tendue pour inciter le Gouvernement et les législateurs à réfléchir à une politique tournée vers l'efficacité.
L'amendement n° 1109 est un amendement de repli proposant de supprimer la peine d'emprisonnement au cas où l'amendement précédent ne serait pas adopté.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Nous ne pouvons pas approuver une disposition proposant de ne plus punir l'usage de stupéfiants – pas simplement la consommation de cannabis, mais également celle de cocaïne, d'ecstasy, d'héroïne, etc. – que par une AFD. Vous souhaitez aller vers la dépénalisation : non seulement ce n'est pas l'objet du texte, mais vous êtes en train de créer une quasi-irresponsabilité pénale.
On distribue des AFD en veux-tu en voilà aux petits fumeurs de cannabis, mais cet arsenal législatif mobilise des ressources policières phénoménales. J'aimerais que M. le ministre prenne la peine de nous indiquer quelle proportion de son temps l'administration policière passe à réprimer les petits fumeurs en bas des immeubles. Puisque vous voulez faire des économies, nous vous offrons la possibilité de récupérer des effectifs de police pour les affecter aux troubles à l'ordre public et aux dangers qui inquiètent réellement les Françaises et les Français, plutôt que de les employer à des fins de communication pour dire : « On a réussi à attraper tant de petits voyous au pied des immeubles. »
C'est déjà pas mal !
C'est d'une inefficacité totale. On veut un carnet à souches pour des fumeurs de joints qui, de toute façon, ne paieront jamais leurs amendes ? Cela ne sert à rien.
Je vais malheureusement vous contredire, cher collègue. L'AFD a pour premier effet de libérer du temps de police, ce qui permet de concentrer ce temps sur les trafics plutôt que sur les consommateurs. Sous l'ancien modèle, il fallait compter huit à neuf heures de procédure, entre les auditions, les procès-verbaux, etc., tandis que l'on dresse une AFD en quelques minutes. Lisez mon rapport ; je vous en enverrai un exemplaire avec plaisir.
Il vise à étendre la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à une nouvelle infraction punie d'une seule peine d'amende ou d'un an d'emprisonnement au plus, à savoir le port d'arme de catégorie D, c'est-à-dire les poignards, matraques, poings électriques, carabines à air comprimé, etc. La forfaitisation permettrait de réprimer plus efficacement cette infraction.
Je vous suggère de le retirer au profit de l'amendement de M. Boucard : celui-ci me semble en effet plus ciblé, car il exclut les armes à feu et, surtout, il prévoit la remise de l'arme afin d'éviter que l'AFD ne se transforme en permis de port d'arme contre une somme d'argent. Cela me semble plus prudent.
L'amendement n° 605 est retiré.
M. le rapporteur a parfaitement exposé les motifs de l'amendement : c'est le même que celui de notre collègue Poulliat, à la différence qu'il prévoit l'obligation, pour l'auteur des faits, de se dessaisir de son arme au profit de l'État,…
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 1311 .
Le sous-amendement n° 1311 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 833 , sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 557 .
…dans le continuum de sécurité. Les policiers municipaux sont en première ligne face à la délinquance quotidienne – et pas seulement face à elle puisque l'on a vu, lors des attentats terroristes, qu'ils étaient souvent les premiers arrivés sur les lieux ; mais c'est un autre sujet. Il est temps de leur donner les moyens d'agir avec confiance, d'autant que, même si je souligne les efforts consentis au niveau budgétaire, les renforts prévus ne seront peut-être pas suffisants pour endiguer une violence de plus en plus ordinaire. Permettre aux agents municipaux de recourir aux AFD améliorerait la sécurité des Français et rendrait la police municipale plus efficace au quotidien.
Avis défavorable.
Je propose de réserver les sujets de police municipale aux collectivités locales. Les services de l'État exercent déjà une très forte pression sur elles et sur les maires pour le développement de la vidéosurveillance et la dotation en armes de poing des policiers municipaux. La première chose à faire est de laisser les maires décider de ce qu'ils veulent faire et, surtout, décider de la doctrine d'emploi dans laquelle ils inscrivent leurs policiers municipaux. Certains maires donnent des consignes pour que leur police municipale soit une police de proximité au milieu des habitants,…
…qui prenne contact avec les commerçants et les associations. Ils ne veulent pas transformer les policiers en carnets à souches empêtrés dans tout un tas de procédures.
Je veux dire à notre collègue Ménard que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a pris la responsabilité de lancer une mission sur les polices municipales, qui sera partagée avec notre collègue Alexandre Vincendet, dans le but de formuler des propositions concrètes pour améliorer le recrutement, la formation et la fidélisation des agents. Elle abordera donc nécessairement la question de la doctrine d'emploi des policiers municipaux et leur rôle dans le continuum de sécurité. Il serait utile d'attendre les conclusions de cette mission pour disposer d'une vision globale des aménagements législatifs à prévoir.
L'amendement n° 557 n'est pas adopté.
Ils s'intéressent tous les deux à ce qui se passe dans les stades sportifs. L'amendement n° 835 propose d'étendre la procédure simplifiée de l'amende forfaitaire au délit d'introduction de boissons alcoolisées par force ou fraude dans les stades. Dans le même esprit, l'amendement n° 836 concerne le délit d'entrée en état d'ivresse dans une enceinte sportive.
Comme on l'a vu ces derniers mois, il y a un vrai problème de sécurité dans les stades en France. La doctrine actuelle consistant à faire interdire tous les déplacements de supporters de l'équipe adverse par les préfets est une mauvaise doctrine : partout dans le monde, des supporters arrivent à se déplacer dans les stades des clubs auxquels leur équipe est opposée. L'un des problèmes majeurs rencontrés dans les stades est l'état d'ivresse des supporters, qui peut les conduire à commettre des actes violents. Nous proposons de punir plus sévèrement ce délit qui, à ce jour, n'est pas puni du tout.
Avis favorable à l'amendement n° 835 : le délit d'introduction de boissons alcoolisées par force ou fraude dans les stades est un fait simple et objectivable. En revanche, avis défavorable à l'amendement n° 836 car, pour ce qui est du délit d'entrée en état d'ivresse, la reconnaissance des faits pose problème du fait même de l'état d'ivresse du contrevenant potentiel.
L'amendement n° 836 est retiré.
L'amendement n° 835 est adopté.
L'amendement n° 313 est retiré.
La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l'amendement n° 838 rectifié .
Toujours dans le même esprit, le groupe LR propose d'étendre la procédure simplifiée de l'amende forfaitaire au délit de chasse non autorisée sur le terrain d'autrui aggravé par une circonstance prévue par l'article L. 428-5 du code de l'environnement.
C'est un amendement particulièrement problématique, car nous parlons ici de la mise en danger objective des personnes susceptibles de se trouver dans un espace où, a priori, il ne doit pas y avoir de chasseurs ; or, il y en a, qui se sont introduits sur un terrain pour y chasser sans autorisation. Dans ce cas, il me semble qu'une AFD n'est pas suffisante.
L'amendement n° 838 rectifié est adopté.
L'amendement n° 1290 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l'amendement n° 837 rectifié .
Il est de plus en plus courant que des personnes pénètrent dans l'aire de jeu d'une enceinte sportive, troublant le déroulement de la compétition. Ce phénomène récurrent peut être combattu de deux façons : d'une part, les diffuseurs arrêtent de montrer les images pour ne pas faire de la publicité aux auteurs, mais l'on sait aussi que ces personnes sont parfois retenues en détention pendant des heures, ce qui nous semble excessif. Nous proposons de sanctionner l'infraction par une AFD.
L'amendement n° 837 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Sur l'article 14, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 150 .
Il ne parle pas de la police municipale, mais des manifestations sportives.
Les gardes champêtres, cela viendra plus tard. À l'approche de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques et paralympiques, il est urgent de protéger les Français – et, plus généralement, l'ensemble des supporters – des individus violents menaçant l'ordre public ou l'intégrité physique des autres supporters. Selon un récent sondage, 58 % des Français doutent de la capacité du Gouvernement à assurer la sécurité des événements sportifs. Ce mauvais chiffre a augmenté depuis les lacunes constatées en mai dernier dans l'organisation de la sécurité au Stade de France.
Or le manque de confiance des Français vis-à-vis de la sécurité des événements sportifs n'est évidemment pas sans conséquence, puisque près des trois quarts d'entre eux – 72 % exactement – affirment qu'ils pourraient cesser d'y assister s'ils ont des doutes à ce sujet. L'amende forfaitaire ne suffira évidemment pas à endiguer une violence devenue presque ordinaire, mais elle pourrait contribuer à rassurer les Français si la rapidité de son application dissuade les individus violents de poursuivre leurs agissements.
Au nom du rapporteur, j'émets un avis défavorable sur cet amendement. Comme nous l'avons montré avec Marie-George Buffet dans un rapport d'information détaillé sur les interdictions de stade et le supportérisme, les supporters de football ont été les cobayes d'une importante politique répressive, puisqu'ils font l'objet d'une interdiction judiciaire de stade, d'une interdiction administrative de stade et d'une interdiction commerciale de stade…
…lesquelles mériteraient d'ailleurs d'être encadrées – nous pourrons, je l'espère, y réfléchir un jour au sein de la commission des lois. Ajouter à toutes ces infractions une nouvelle police spéciale leur interdisant de se déplacer – notre collègue du Rassemblement national l'a rappelé tout à l'heure – ne paraît pas nécessaire.
Sourires.
Pour que nous nous comprenions bien, rappelons qu'il n'y a plus d'action publique dès lors que l'amende est payée. Or les actes violents sont de plus en plus nombreux dans les enceintes sportives et nous aimerions bien préserver le sport de la violence, tout comme nous aimerions le préserver de l'avalanche d'argent dont il fait l'objet et qui finit par nous dégoûter des plus grandes compétitions. Si votre amendement était adopté, madame Ménard, et qu'on se limitait à sanctionner les supporters violents avec des amendes, alors la lutte contre les violences sportives serait tout simplement vidée de son sens. Il faut absolument éviter la mesure que vous proposez !
L'amendement n° 150 n'est pas adopté.
L'amendement n° 303 est retiré.
La parole est de nouveau à Mme Sandra Regol, pour soutenir l'amendement n° 938 , qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Sans surprise, s'agissant de l'amendement au profit duquel j'ai retiré mes quatorze amendements précédents, il s'agit de garantir, pour chaque AFD, l'obligation d'information de l'auteur de l'infraction sur son droit de recours afin de limiter le caractère arbitraire de l'amende, que nous avons amplement dénoncé.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 1312 .
Il s'agit d'un sous-amendement de précision. Je remercie Mme Regol d'avoir retiré ses amendements précédents au bénéfice de celui-ci, qui, je le rappelle, introduit une information obligatoire sur le droit de recours pour l'ensemble des AFD concernées par le texte.
Le sous-amendement n° 1312 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 938 , sous-amendé, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 148 rectifié .
Cela a été souligné à plusieurs reprises, l'AFD n'est pas applicable aux mineurs. Or la police constate tous les jours l'augmentation du nombre de mineurs délinquants et la montée en puissance de leurs agissements,…
…même si les chiffres sont parfois lacunaires. Ils permettent certes de constater une stabilisation du nombre de mineurs auteurs d'infractions pénales, mais une évolution de leurs profils est observée parallèlement, consistant tout d'abord en un fort rajeunissement de l'âge d'entrée dans la délinquance. Au cours des dernières années, la part des mineurs âgés de moins de 15 ans dans le nombre total des mineurs mis en cause n'a cessé d'augmenter et a presque atteint 25 %, tandis que celle des moins de 12 ans a augmenté de façon significative, constante et de manière plus importante que le nombre total des mineurs mis en cause.
Ensuite, la part des mineurs non accompagnés délinquants, qui représentent au moins 10 % du total des mineurs non accompagnés, augmente régulièrement. Or ils sont souvent polytoxicomanes et à l'origine d'infractions de plus en plus graves et violentes. Enfin, une nouvelle délinquance des mineurs est apparue, dirigée contre les personnes – coups et blessures volontaires, agressions sexuelles – alors que, traditionnellement, la délinquance des mineurs concernait plutôt les atteintes aux biens.
Notre société ne peut pas rester inactive face à ces évolutions. Elle doit prendre ses responsabilités et apporter une réponse ferme aux mineurs délinquants pour les aider à grandir. Selon la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), 65 % des mineurs qui ont eu un premier contact avec la justice n'en auront plus au cours de leur minorité, ce qui permet d'évaluer l'efficacité de son intervention.
L'amendement n° 148 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le deuxième alinéa de l'article 495-17 du code de procédure pénale exclut du champ d'application de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle les cas de récidive légale. Ainsi, en cas de récidive légale, un délit passible d'une peine d'emprisonnement ne peut pas voir sa peine réduite à une simple amende. L'objectif des deux amendements est d'ajouter, dans ce deuxième alinéa, les infractions constituant une atteinte aux personnes ou aux biens et de supprimer les alinéas permettant l'application de la procédure de l'AFD pour de telles infractions.
Je présenterai en même temps l'amendement n° 267 , madame la présidente.
Comme je l'ai indiqué dans mon intervention sur l'article 14, ces deux amendements principiels insistent sur des points auxquels nous sommes très attachés. L'amendement n° 268 définit le principe selon lequel les AFD sont limitées aux seuls délits qui n'impliquent pas de victimes. J'ai fait tout à l'heure la distinction entre les délits contre les biens et les délits contre les personnes. Dans le second cas, il est important qu'un procès puisse avoir lieu avec une partie civile et un débat contradictoire.
L'amendement n° 26 vise à éviter l'application des AFD aux situations de récidive légale. Nous demandons donc la modification du second alinéa de l'article 495-17 du code de procédure pénale.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Monsieur Vicot, dans certains cas d'atteinte aux personnes, notamment pour le délit d'outrage sexiste et sexuel, l'AFD peut se justifier. Nous sommes en désaccord avec vous sur ce point. Soyez toutefois rassuré : un interdit constitutionnel s'appliquerait de toute façon aux atteintes physiques, auxquelles il n'est donc pas question d'étendre les AFD. Avis défavorable.
L'amendement n° 267 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous avons évoqué tout à l'heure les amendes forfaitaires impayées et M. le ministre nous a expliqué le système de recouvrement gradué qui est appliqué. Il reste cependant des trous dans la raquette. Au cas où l'auteur de l'infraction n'aurait pas initialement la capacité financière d'assurer le paiement de l'amende, mais la retrouverait ultérieurement grâce à un héritage, à un gain aux jeux de hasard ou à tout autre revenu, nous proposons qu'il soit possible d'activer la procédure de saisie administrative à tiers détenteurs afin que les sommes soient mobilisées pour procéder au paiement de l'amende.
Le sujet du recouvrement des AFD est important, mais M. le ministre a apporté une réponse claire à Mme Bordes un peu plus tôt au cours de la séance. Monsieur Naegelen, je vous propose de retirer vos amendements au bénéfice de l'excellent amendement de M. Boucard, l'amendement n° 839 , que nous examinerons dans quelques instants et qui propose de travailler sur le sujet dans le cadre du rapport prévu à l'alinéa 72 et portant évaluation exhaustive de la mise en ?uvre de la procédure de l'AFD. À ce stade, la mesure que vous proposez ne me paraît pas opérationnelle.
Rires
Sourires.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 269 .
Les alinéas 70 et 71 de l'article 14 constituent une régression et doivent être supprimés. L'alinéa 71 prévoit que lorsqu'un délit ayant donné lieu à une AFD implique une victime, celle-ci peut demander au procureur de citer l'auteur des faits à une audience pour lui permettre de se porter partie civile. En l'état actuel du droit, c'est le procureur qui seul peut en décider et qui en informe la victime. Pour les députés du groupe Socialistes et apparentés et je l'espère pour vous tous, chers collègues, demander au procureur de faire comparaître une personne coupable d'un délit n'est pas une décision évidente. Cela suppose des connaissances en droit et fait peser sur la victime une responsabilité importante. D'où la nécessité, selon nous, de supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 269 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Pascale Bordes, pour soutenir l'amendement n° 891 .
Cet amendement, déposé à l'initiative de notre collègue Romain Baubry, tend à améliorer l'information donnée à la victime d'un délit quant à la possibilité qui lui est offerte de se constituer partie civile. Cette information doit lui être notifiée automatiquement, tout comme la date d'audience dès qu'elle est connue.
Il s'agit en réalité d'améliorer la rédaction de l'article 495-24-2 du code de procédure pénale proposée par le projet de loi. Comme vient de l'expliquer M. Saulignac, cet article donne la possibilité à la victime de « demander au procureur de la République de citer l'auteur des faits à une audience devant le tribunal pour lui permettre de se constituer partie civile ». Or il est vrai que cette formulation ne garantit pas suffisamment les droits de la victime. Cette dernière doit recevoir automatiquement l'information selon laquelle elle peut se constituer partie civile et la date d'audience dès qu'elle est connue.
De la même façon que nous venons d'introduire dans le projet de loi, avec l'amendement de Sandra Regol, l'obligation d'une information sur le droit de recours, la commission a souhaité être claire à l'alinéa 71 : « Le procureur de la République informe la victime de ses droits ainsi que, lorsqu'il cite l'auteur des faits devant le tribunal correctionnel, de la date de l'audience. » Votre amendement est satisfait. Pardonnez-moi, chère collègue, mais la rédaction actuelle du texte me paraît plus satisfaisante que celle que vous proposez. Avis défavorable.
L'amendement n° 891 est retiré.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 67 .
Cet amendement d'appel vise à lancer un débat sur le manque d'effectivité de certaines peines, en particulier les amendes. Il arrive régulièrement que les délinquants tenus de procéder au paiement d'une AFD se soustraient à leur obligation de payer. Il est proposé de s'inspirer de l'article 168 du code général des impôts, qui porte sur la différence entre les revenus déclarés et le train de vie effectif, afin de considérer que la notion de sommes insaisissables n'est plus opposable au paiement de l'AFD lorsqu'il est constaté une disproportion entre les revenus et le train de vie.
Monsieur Naegelen, je vous invite également à retirer cet amendement au profit de l'amendement n° 839 de M. Boucard.
Oui, je le retire au profit de l'excellent amendement de l'excellent M. Boucard !
Sourires.
L'amendement n° 67 est retiré.
Cet amendement déposé à l'initiative de mon excellente collègue Sandrine Josso vise à modifier le quatrième alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme. Les sanctions appliquées aux infractions en matière d'urbanisme sont parfois difficiles à faire respecter par les maires.
Citons l'exemple des dispositions des plans locaux d'urbanisme (PLU) qui fixent des hauteurs maximales de muret entre deux habitations : comment sanctionner les propriétaires quand le dépassement est de dix ou vingt centimètres alors que la norme est de 160 centimètres ? Il y a aussi des comportements plus graves qui soulèvent eux aussi la question des poursuites. J'évoquerai le cas de la commune de Thil, dans ma circonscription, sur le territoire de laquelle des gens s'étaient mis à déboiser des espaces boisés classés pour y construire des habitations.
Il importe que les infractions en matière d'urbanisme puissent être sanctionnées. D'où notre demande de les voir punies par une amende forfaitaire.
Je suis un peu embêté pour donner un avis sur cet amendement. Certaines infractions du code de l'urbanisme pourraient en effet se voir appliquer l'AFD, mais il faudrait pour cela poser plusieurs conditions, dont la première serait qu'un fait simple, objectivable, identifiable soit visé comme c'est le cas pour chacun des recours à l'AFD que nous avons retenus cet après-midi. Le problème est que votre amendement ne cible aucune infraction en particulier. Comme nous ne pouvons envisager d'appliquer une AFD à toutes les infractions au code de l'urbanisme, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 1121 est retiré.
La parole est à Mme Pascale Bordes, pour soutenir l'amendement n° 1162 .
Nous proposons de réduire de trois ans à un an et demi le délai laissé au Gouvernement pour remettre un rapport sur la mise en œuvre de l'AFD.
L'amendement n° 1162 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement concerne les cigarettes contrefaites, dont la part dans le total de la consommation de tabac est passée de 0,2 % en 2017 à 15,4 % en 2021. Ce trafic renvoie à de multiples enjeux : de sécurité publique puisqu'il est aux mains d'organisations criminelles, de santé publique bien sûr, mais aussi de fiscalité puisque la vente de ces articles représente une perte de recettes de TVA pour l'État.
Notre collègue Sabrina Agresti-Roubache demande qu'un rapport soit consacré à l'opportunité d'étendre l'AFD aux infractions liées à l'achat et à la détention de produits du tabac contrefaits.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 366 .
Je souhaitais simplement souligner l'apport de notre collègue Christophe Blanchet, qui a mis en relief ce phénomène dans le rapport qu'il a consacré à la lutte contre la contrefaçon. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et il me paraît nécessaire de prendre en considération l'extension de l'AFD à l'achat et à la détention de cigarettes contrefaites pour apporter une réponse au moins partielle à ce trafic.
Hasard du calendrier : cet après-midi, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) en commission, j'ai souligné que l'augmentation du prix du paquet de cigarettes me paraissait une mauvaise idée, car cela contribuerait à renforcer le trafic de cigarettes de contrebande, et l'on m'a fait comprendre que ce n'était pas du tout le cas ; et quelques heures plus tard, dans l'hémicycle, j'entends les députés de la majorité demander une solution pour lutter contre ce phénomène.
J'espère que lorsque nous examinerons le PLFSS la semaine prochaine en séance publique, vous entendrez raison et vous voterez mon amendement.
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l'amendement n° 1136 .
Vous nous avez fait, monsieur le ministre, une réponse assez complète sur le taux de recouvrement des AFD, des premières notifications jusqu'aux relances par les services du fisc. Il serait bon que le Gouvernement, dans un rapport annuel remis au Parlement, dresse un bilan du recouvrement de ces amendes alors que nous venons d'étendre considérablement les infractions auxquelles elles s'appliquent.
J'ai moi-même proposé en commission un amendement visant à établir une évaluation d'ici à 2026. Adopté, il est devenu l'alinéa 72, appelé à être complété par le fameux amendement de Ian Boucard et par l'amendement d'Éric Poulliat.
Beaucoup d'étapes de nos travaux, tout au long de l'année, nous permettent d'obtenir des chiffres, notamment l'examen des missions budgétaires. Nous avons l'occasion d'auditionner régulièrement le ministre de l'intérieur devant la commission des lois et si, avec le président de la commission, nous l'invitions à venir discuter des éléments très précis que vous voudriez voir figurer dans le rapport que vous demandez, je suis persuadé qu'il accepterait.
Le ministre accepterait en effet de venir, mais il n'accepte pas l'amendement.
L'amendement n° 1136 n'est pas adopté.
Je me sens un peu sous pression après les compliments du rapporteur, mais je suis heureux de montrer à mon collègue Christophe Naegelen comment présenter un excellent amendement.
Rires sur les bancs des groupes RE et LIOT.
Estimant que la loi doit conserver toute sa force, le groupe Les Républicains propose que des solutions au faible taux de recouvrement des AFD – que déploraient nos collègues du groupe LFI –…
…soient identifiées. Il est envisagé notamment de mettre en place une saisie sur salaire en concertation avec l'employeur de la personne mise en cause. Une amende doit être payée si l'on veut que l'infraction soit sanctionnée.
Outre le fait que cette possibilité figure déjà dans la loi, il me semble important de souligner qu'il faut que la personne dispose d'un salaire pour qu'une telle saisie soit effectuée. Je vous invite donc à faire preuve de davantage de sévérité en prévoyant une saisie immobilière. Allez donc jusqu'au bout, ne vous arrêtez pas au milieu du gué !
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
L'amendement n° 839 est adopté.
L'alinéa 72 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er janvier 2026, un rapport évaluant la mise en œuvre des AFD, mais il me semble important que cette évaluation prenne aussi en compte les actions destinées à lutter contre la consommation de stupéfiants chez les mineurs. L'AFD pour usage de stupéfiants, généralisée à la suite d'une expérimentation évaluée par le Parlement, exclut les mineurs, et c'est tant mieux, mais la consommation de drogues chez les moins de 18 ans doit appeler toute notre attention. Il importe de travailler à des politiques de prévention efficaces.
On ne va pas se lancer dans un débat sur la dangerosité des différents types de stupéfiants, mais il est bon de rappeler que d'après les agences de santé, l'alcool est la substance la plus addictive et la plus délétère chez les jeunes, bien avant le cannabis. J'aimerais que vous alliez vous aussi jusqu'au bout de votre logique et que vous intégriez la consommation d'alcool à votre amendement.
L'amendement n° 852 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 55
Contre 28
L'article 14, amendé, est adopté.
L'amendement n° 560 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 338 .
Le but de cet amendement est relativement simple : appeler l'attention du ministère de l'intérieur sur la mobilisation de la saisie administrative à tiers détenteur (SATD) en matière d'amendes, notamment d'amendes forfaitaires délictuelles.
L'amendement n° 338 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 73 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l'amendement n° 476 .
Le 1er juillet dernier, le jeune Zinedine a été tué à Villejuif par un chauffard roulant à bord d'un véhicule loué à l'étranger. Les conversations que j'ai eues avec un commissaire de police de ma circonscription m'ont montré l'ampleur des problèmes entraînés par la location de voitures auprès de sociétés étrangères. En cas d'infraction ou de délit, une fois la plaque identifiée par les radars, lesdites sociétés de location refusent en effet de transmettre à la police française l'identité du conducteur et ses coordonnées. Aucune sanction n'est donc possible, même lorsqu'il s'agit d'excès de vitesse, et des jeunes peuvent mourir fauchés par des chauffards qui éprouvent un sentiment d'impunité.
Comment faire en sorte qu'on ne puisse plus louer de véhicules à l'étranger ? Comment sanctionner les loueurs étrangers lorsqu'ils refusent de donner l'identité d'un conducteur suspecté ? Ce sont des questions qui nous intéressent toutes et tous. Elles nécessitent si ce n'est des réponses immédiates, du moins un travail pour parvenir à des solutions.
Je comprends très bien votre question, madame la députée, d'autant que le problème que vous soulevez renvoie aussi aux refus d'obtempérer. Nous avons en effet constaté qu'ils impliquaient souvent des camionnettes, des motos ou des voitures immatriculées à l'étranger louées à l'étranger, notamment à des sociétés implantées en Europe de l'Est, par le biais d'internet et de livraisons à distance, selon un dispositif très bien organisé qui renvoie aussi à des problèmes fiscaux auxquels je sais le ministère des comptes publics particulièrement attentif.
La bonne réponse n'est pas d'interdire de louer des voitures à l'étranger, d'autant qu'une telle disposition ne passerait pas le cap du droit communautaire. En revanche, des conventions internationales peuvent être conclues avec d'autres pays, permettant de poursuivre l'auteur d'une infraction et d'engager une coopération judiciaire en matière de présentation des personnes, voire de l'entreprise concernée – cela fonctionne avec les Pays-Bas, la Belgique ou l'Allemagne par exemple.
La difficulté, s'agissant des pays de l'Est que je viens d'évoquer, c'est qu'il faudrait que de tels accords existent avec des pays autres que nos proches voisins. Nous avons soutenu, durant la présidence française de l'Union européenne, le projet d'une coopération par lecture automatisée des plaques d'immatriculation (Lapi) sur l'ensemble du territoire européen. Cette initiative se concrétisera dès l'année prochaine et permettra de répondre aux problèmes de transport de drogue par exemple, comme à bien d'autres sujets. Le système Lapi générera un fichier général des plaques d'immatriculation, qui sera évidemment soumis au Comité européen de la protection des données (CEPD) – l'équivalent de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) au niveau européen – et qui nous permettra sans doute de mieux identifier les auteurs des infractions.
Indépendamment de cette action, nous travaillons, s'agissant des agences ou des entreprises étrangères de location de véhicules, à instaurer, sur le plan européen, une obligation de réponse aux demandes formulées par les policiers. Les difficultés constatées dans les affaires que vous évoquez, madame la députée, c'est que, bien souvent, ces loueurs n'ont pas d'existence légale dans leur pays d'origine. Cela pose donc un autre problème : indépendamment de la difficulté de traiter avec un pays étranger parfois lointain qui ne communique pas les informations, il se peut que le pays lui-même ne connaisse pas l'entreprise qui a loué le véhicule. Le pays doit alors poursuivre l'entreprise pour travail illégal, ce qui complexifie malheureusement les retours d'information. Mais, je vous l'assure, nous travaillons sur ces questions sous l'angle fiscal, vous l'aurez compris, mais aussi sous l'angle d'un échange d'informations sur le plan européen.
L'amendement n° 476 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 472 .
L'amendement n° 472 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 1245 , visant à rétablir l'article 14 bis , supprimé par la commission.
Il vise en effet à rétablir l'article 14 bis introduit par le Sénat dans sa grande sagesse. Cet article traite des menaces graves contre l'intégrité de la personne, telles que la menace de commettre un crime. En vertu de la législation actuelle, la menace doit être réitérée pour que des poursuites pénales soient engagées. Le Sénat a supprimé cette condition de réitération que nous estimons, nous aussi, totalement absurde. Lorsqu'une personne est menacée d'être égorgée, elle doit pouvoir obtenir l'assurance que des poursuites seront engagées sans qu'il soit nécessairement besoin d'une réitération de la menace. Notre commission ayant supprimé l'article 14 bis , il nous semble nécessaire de le rétablir.
Je suis désolé, cher collègue, mais nous étions unanimes en commission des lois, tous bancs confondus – y compris, je crois, ceux de la NUPES –, à considérer que cet ajout du Sénat devait être supprimé. D'abord, il concerne des menaces simples, et non celles qui seraient aggravées. Si nous supprimons toute forme de réitération ou de matérialisation de la menace, nous risquons d'ouvrir un champ très large qui serait difficile à interpréter. Quelle est la volonté du législateur ? Comment la loi doit-elle s'appliquer ? Quelles infractions sont concernées ? Nous avons estimé – et nous étions nombreux à le faire au cours d'un débat que je qualifierais de sain – que l'ajout du Sénat, introduit en séance lors d'un débat qui était un peu circulaire, si je puis me permettre, était très mal écrit et mal ciblé. Je ne vois donc pas l'intérêt de réintroduire une telle disposition.
L'amendement n° 1245 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté. En conséquence, l'article 14 bis demeure supprimé.
Le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur s'inscrit dans la volonté du Président de la République et du Gouvernement de dépoussiérer des usages qui divisaient plus qu'ils n'éclairaient le quotidien de nos administrés. L'article 15 en est l'illustration parfaite. Là où chacun jouait dans son couloir, il propose que l'ensemble des acteurs décident non pas les uns à côté des autres, mais ensemble, et que la prise de décision soit pilotée et identifiée. Elle le sera par l'entremise du préfet, qui devient le directeur des opérations de secours, dans un cadre qui lui permet de prendre toutes mesures proportionnées. Concrètement, dans certaines circonstances dûment encadrées, « le représentant de l'État dans le département du siège de la zone de défense et de sécurité » pourra « diriger l'action de l'ensemble des services et établissements publics de l'État ayant un champ d'action territorial, alors placés pour emploi sous son autorité. »
La décision du préfet serait prise pour une durée maximale d'un mois. Elle déterminerait la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles elle entrerait en vigueur. Il y serait mis fin sans délai dès que les circonstances l'ayant justifiée auraient cessé.
On notera qu'en l'état, le régime de la gestion des crises territoriales est un épouvantail normatif, qui recouvre plusieurs codes de lois : le code de la sécurité intérieure (CSI), le code de la santé publique (CSP) ou encore le code général des collectivités territoriales (CGCT). Il est temps d'introduire de l'ordre et de la méthode. Tel est l'objectif de l'article 15.
Sur l'article 15, je vous informe que je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 43 et 554 , tendant à supprimer l'article 15.
L'amendement n° 43 de M. Jean-Félix Acquaviva est défendu.
La parole est à M. Andy Kerbrat, pour soutenir l'amendement n° 554 .
Il vise à supprimer l'article 15, qui renforce les prérogatives du préfet de département à l'égard des établissements publics de l'État et des services déconcentrés en cas de gestion de crises. À cette formule alambiquée de gestion des crises « hybrides et interministérielles », nous souhaitons substituer un autre nom : l'état d'urgence local. Car, en adoptant le présent article, nous accorderons plus de pouvoir au préfet de département pour mener et piloter seul, sans contrôle des représentants locaux ni de la représentation politique locale, la gestion d'une crise, lui permettant ainsi d'en être le décideur. Nous comprenons, d'un point de vue écologique, après les événements survenus cet été, que cette disposition puisse constituer une réponse afin de maximiser les efforts et d'améliorer notre efficacité face aux feux de forêt ou aux crises de l'eau.
Toutefois, cet article représente une réelle menace : il concerne « des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l'ordre ou la santé publics, la préservation de l'environnement, l'approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population ». Vous nous avez habitués à intégrer des états d'exception dans le droit commun. N'ouvrons pas cette porte à la gestion de crise ; essayons plutôt de coconstruire la réponse avec tous les partenaires sur le plan local.
Ce n'est pas correct, monsieur le député, de laisser croire que nous instaurerions un état d'urgence local.
Il s'agit pour le préfet de coordonner les services déconcentrés et les établissements publics de l'État en cas de crise ; il ne disposera pour ce faire d'aucun pouvoir exorbitant du droit commun. Le représentant de l'État ne bénéficie pas de droits supplémentaires pour gérer la crise, si ce n'est la possibilité de coordonner les services et établissements existants, dans le cadre des compétences qu'ils exercent. Ce n'est donc en aucun cas un état d'urgence local. Avis défavorable.
Si l'article 15 ne crée pas un nouveau droit, pourquoi existe-t-il ? Nous pouvons le supprimer.
Il a pour objectif que le préfet puisse coordonner l'ensemble des actions.
Vous expliquez que les dispositions figurant à l'article existent déjà et que vous n'inventez rien.
Nous avons donc raison de vouloir le supprimer. Je vous écoute, monsieur le rapporteur, mais il y a là quelque chose qui ne fonctionne pas. Si l'article 15 est inscrit dans le projet de loi, c'est bien pour créer un nouveau droit d'exception. C'est pourquoi nous n'y sommes pas favorables.
En outre, je rappelle que, pendant la crise sanitaire du covid, tout le monde a travaillé avec les préfets de manière transpartisane et cela a très bien fonctionné ; j'aimerais que cela perdure en cas de nouvelle crise – même si j'aimerais mieux qu'il n'y en ait plus, bien sûr.
Puisque vous reconnaissez que votre article ne sert à rien, adoptez notre amendement de suppression.
J'aurais pu adhérer à la volonté de supprimer l'article, mais je plaiderai plutôt pour que mon amendement soit adopté, dans la mesure où il concerne les territoires ultramarins, pour des raisons tenant à la fois de la géographie et de l'histoire.
La géographie, parce que nous sommes exposés à des risques particuliers – cyclones, réactions volcaniques, etc. –, caractérisés par une grande virulence. À cet égard, l'avis des maires me paraît fondamental, tant il est vrai qu'ils connaissent les réalités du terrain.
Pour ce qui est de l'histoire, l'éruption de la montagne Pelée en 1902 nous enseigne que les maires des communes situées dans le périmètre du volcan ont joué, parfois contre l'avis des autorités étatiques, un rôle essentiel dans la protection des habitants.
Toujours en matière d'histoire, je citerai un grand homme politique martiniquais, le député Joseph Lagrosillière – qui a également vécu quelque temps à Saint-Pierre-et-Miquelon –, qui disait que, face aux risques naturels, il faut un patriotisme local. Ce patriotisme local suppose la coordination et la coopération de différentes autorités, dont celles exerçant sur le plan local.
Si, comme cela m'a été opposé ce matin, les particularités des territoires ultramarins ne justifient pas une adaptation spécifique, je propose, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, d'élargir l'objectif de mon amendement à l'ensemble des maires de France et de Navarre.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je souscris entièrement aux propos de mon collègue Nadeau. Le dispositif présenté à l'article 15 existe déjà dans nos territoires, puisque le préfet coordonne tous les services de l'État hormis ceux de l'éducation nationale et de la santé. Ce n'est donc pas nouveau en ce qui nous concerne. Néanmoins, en complément de l'amendement de Marcellin Nadeau, nous souhaitons intégrer l'avis des présidents des exécutifs locaux, ainsi que de l'ensemble des parlementaires.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Dans le cadre d'une gestion de crise, il n'est pas toujours possible pour le représentant de l'État de consulter préalablement aux décisions qu'il doit prendre ; dans certaines situations en effet, chaque minute compte. Comment le préfet pourrait-il consulter préalablement le président de tel ou tel exécutif ou les parlementaires ? D'ailleurs, lesquels ? Le sous-amendement ne précise pas s'il s'agit des parlementaires de la circonscription. Cela pose donc un vrai problème. De surcroît, je m'en remets à ce que déclarait Caroline Fiat il y a quelques instants lorsqu'elle expliquait que la concertation avec les préfets dans les territoires s'était très bien déroulée ; ils ont communiqué, parfois a posteriori en effet, sur des décisions qui devaient être prises immédiatement compte tenu de l'urgence. Je ne peux donc accepter votre amendement, pour des considérations d'ordre pratique.
Je répète cependant qu'il s'agit de permettre au représentant de l'État de coordonner les services déconcentrés et les établissements publics existants, dans le cadre des compétences qu'ils exercent. La seule compétence nouvelle que crée l'article 15 consiste à lui conférer cette possibilité, qu'il n'avait pas jusqu'à présent. Avis défavorable.
Pardon d'aller à contre-courant de vos arguments, monsieur le rapporteur, mais lors de la crise sanitaire, des cellules interministérielles de crise (CIC) ont été mises en place dans nos territoires : une certaine concertation y était pratiquée, mais elle n'était pas à la hauteur de nos espérances – bien souvent, le représentant de l'État prenait les décisions seul et en informait les élus a posteriori, ce qui occasionnait des tensions dont nous nous serions bien passés pour affronter la crise. Si nous sommes insistants sur la composition de ce dispositif, c'est parce que nous en avons constaté les écueils : nous avons vu comment agissait le représentant de l'État en pareille situation. En outre, nous avons démontré que nous étions capables de réunir rapidement les parties – maires et parlementaires du territoire concerné – dès qu'elles étaient disponibles. Cela ne pose pas de difficulté.
Nous avons prouvé que nous savions le faire. Je le répète, ce n'est pas nouveau. Nous insistons pour que les élus du territoire soient inclus dans le processus ; nous risquerions, sinon, de créer des tensions inutiles. Nous n'avons pas besoin de cela.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Le sous-amendement n° 1317 n'est pas adopté.
L'amendement n° 359 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 44 .
Le préfet prend certes les décisions en situation de crise et a toute latitude pour agir, mais il doit informer les parlementaires et les élus locaux du territoire concerné. C'est l'objet de cet amendement.
Parlons-nous ici d'un état d'urgence local ? Nous avons eu ce débat lors de l'audition de la Défenseure des droits. Vous y avez tenu les mêmes propos – quelque peu adoucis, toutefois – qu'aujourd'hui en séance. Vous affirmez que le dispositif n'est que la reproduction d'un fonctionnement qui existe déjà, auquel il est seulement apporté quelques précisions. Mais une modification de la loi, cela compte. À la première phrase du dernier alinéa de l'article L.742-1 du code de la sécurité intérieure, après « les opérations de secours sont constituées par un ensemble d'actions […] » est ajouté « ou de décisions ». La nouvelle rédaction de l'article comporte en outre la phrase suivante : « Le représentant de l'État dans le département prend les décisions visant à prévenir et à limiter les conséquences de ces événements, après avis de l'autorité compétente de l'établissement public placé sous son autorité en application du présent article. » Il est bien écrit que le représentant de l'État prend des décisions : ce n'est pas un travail de coordination. Vous avez spécifiquement ajouté cette mention, et c'est là que réside le danger. Vous n'avez pas voulu supprimer cet article – c'est bien dommage.
J'ajoute que le sujet ne se limite pas aux problèmes environnementaux. Nos collègues des départements et régions d'outre-mer (Drom) affrontent des situations climatiques difficiles, qui ne tarderont d'ailleurs pas à toucher la métropole. Ils ont raison d'affirmer que des instances de coordination sont essentielles pour faire face à ces crises. Or vous élargissez le champ aux questions sociales et sanitaires, pour une durée d'un mois renouvelable. Il faut donc au moins insérer les propositions de nos collègues du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires : cela permettra d'assurer un contrôle démocratique nécessaire auprès du représentant de l'État.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
L'amendement n° 44 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1110 de M. le rapporteur est rédactionnel.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Cet amendement rédactionnel précise un texte qui, de l'avis du rapporteur, ne change rien. Nous estimons au contraire qu'il n'est pas anodin d'inscrire des dispositions noir sur blanc. On nous explique qu'il n'est pas possible de se concerter avec les élus locaux, parce que les décisions doivent être prises rapidement. Or le dispositif que vous créez est destiné à durer au moins un mois. Ce n'est pas une cellule qui vivra vingt-quatre ou quarante-huit heures, le temps de gérer un problème imminent dans le cadre du plan Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile), comme cela existe déjà. Je le répète, le dispositif a une durée d'un mois renouvelable, et touche à la sécurité et à l'ordre public. Cela devrait vous mettre la puce à l'oreille !
L'amendement n° 1110 est adopté.
La parole est à M. Marcellin Nadeau, pour soutenir l'amendement n° 506 .
De toute évidence, nous n'avons pas la même conception de l'efficacité que vous, monsieur le rapporteur : de notre point de vue, l'efficacité passe aussi par l'acceptabilité des décisions. En la matière, les élus locaux sont d'excellents relais. Puisque vous semblez rejeter l'idée d'une coordination, garantissez au moins l'information des exécutifs locaux quand le préfet s'apprête à prendre une décision de cette nature. C'est l'objet de l'amendement de M. William, auquel je souscris pleinement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
M. Davy Rimane sourit.
En revanche, nous ne partageons pas votre avis quant à la nécessité d'une délibération, d'une coordination ou d'une concertation préalable à la décision. Parfois, chaque minute compte.
Je vous le dis avec le sourire, monsieur le rapporteur : ce qui est une réalité dans certains territoires ne l'est pas dans d'autres. Les territoires ultramarins ont leurs spécificités, et nous savons pertinemment de quoi nous parlons. Prenez le temps de nous écouter et de comprendre les relations que nous avons avec les représentants de l'État. Je me réjouis que Mme Fiat ait eu de bonnes relations avec son préfet, mais ce n'est pas toujours notre cas. À plusieurs reprises, des décisions ont été prises sans que les élus locaux en aient été informés ; ils les ont découvertes a posteriori, ce qui crée inévitablement des tensions. Quand nous déposons des amendements et soumettons des doléances, ce n'est pas pour nous faire plaisir…
Pas du tout ! Nous le faisons pour résoudre des problèmes effectifs que nous rencontrons dans nos territoires. Ce n'est pas anodin : il faut l'entendre.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
L'amendement n° 506 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 59
Contre 17
L'article 15, amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra