La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
En l'absence de Mme la ministre, je suis contrainte de suspendre la séance.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
Le mercredi 6 décembre 2023, l'Assemblée a commencé la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 69 à l'article 2.
La parole est à Mme Annaïg Le Meur, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour soutenir l'amendement n° 69 .
Permettez-moi de rappeler en quelques mots où s'était arrêtée la discussion que nous avons entamée il y a un mois et demi. Nous avons adopté l'article 1er A de la proposition de loi, qui subordonne toute location d'un meublé de tourisme à une déclaration préalable soumise à un enregistrement auprès d'un téléservice national, avec numéro d'enregistrement. Nous avons également adopté l'article 1er , en le modifiant à peine : il associe une obligation de réaliser un diagnostic de performance énergétique (DPE) au régime de l'autorisation de mise en location temporaire d'un meublé de tourisme, lorsque celui-ci est défini par la commune. Quant à l'article 1er bis, que nous avons adopté dans la rédaction issue de la commission, il permet à la commune d'abaisser de cent vingt à quatre-vingt-dix le nombre maximal de jours de location, et autorise la commune à prendre des sanctions administratives en cas de fausse déclaration.
Nous avons ensuite débuté l'examen de l'article 2, dans lequel nous avons préservé et enrichi les avancées de la commission. Grâce aux amendements de nos collègues Marina Ferrari et Xavier Roseren, nous avons ainsi élargi la servitude de résidence principale que peuvent instaurer les communes dont le taux de résidences secondaires dépasse 20 % en zone tendue. Les autres dispositifs de la boîte à outils ont été conservés et renforcés : simplification et sécurisation du régime de changement d'usage, extension aux personnes morales du régime de changement d'usage temporaire, possibilité d'instaurer un quota de changements d'usage, vérification de la conformité d'un changement d'usage à l'éventuel bail et au règlement de copropriété, sanction des intermédiaires qui contribuent aux infractions.
Nous abordons à présent la servitude de résidence principale. L'amendement qui vous est soumis précise la durée de la mise en demeure lorsque la destination prévue au plan local d'urbanisme (PLU) n'est pas respectée.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je tiens tout d'abord à vous présenter mes excuses pour mon retard. Quant à cet amendement qui apporte une précision juridique, le Gouvernement y est favorable.
L'amendement n° 69 est adopté.
Sur l'article 2, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 70 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
L'amendement n° 70 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Ces amendements rédactionnels font suite à l'adoption par la commission des affaires économiques de la disposition suivante : « Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme et dont le taux de résidences secondaires par rapport au parc total d'immeubles à usage d'habitation est supérieur à 20 %, le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (Padduc) peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des espaces d'équilibre dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale […]. »
Afin de mieux respecter l'esprit du code général des collectivités territoriales (CGCT) concernant le Padduc – dont la portée est renforcée par rapport au schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) dans le cas de la Corse –, l'amendement n° 117 vise à remplacer le verbe « délimiter » par le verbe « définir ». Le Padduc pourrait ainsi définir des secteurs où seules des résidences principales peuvent être construites, charge au PLU de réglementer en la matière.
En conséquence, l'amendement n° 125 vise à supprimer la mention initiale – « dans les communes qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme et dont le taux de résidences secondaires par rapport au parc total d'immeubles à usage d'habitation est supérieur à 20 % » –, qui n'a plus lieu d'être dès lors que le Padduc est doté d'une habilitation similaire à celle qu'il détient s'agissant des espaces stratégiques agricoles.
Il ne s'agit pas d'amendements rédactionnels, monsieur le député, et la commission y est défavorable. En revanche, nous serons favorables à votre amendement n° 129 .
Comme je l'ai déjà expliqué, nous ne pouvons pas supprimer la condition selon laquelle le taux de résidences secondaires doit être supérieur à 20 % : elle est nécessaire pour préserver la proportionnalité du dispositif. Notez qu'en Corse, 341 communes sur 360 remplissent cette condition.
Vos amendements visent à élargir à l'ensemble des communes – y compris à celles qui sont couvertes par un PLU – la possibilité de délimiter des secteurs à usage exclusif de résidence principale dans le Padduc. Cette modification importante reviendrait à créer un dispositif concurrent du PLU pour ces communes, puisqu'elles pourraient être identifiées dans le Padduc alors même qu'elles disposent déjà de la compétence correspondante dans le PLU. Cette concurrence entre la compétence de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou de la commune porteuse du PLU et le Padduc ne pourrait être que source de confusion.
Par ailleurs, la maille régionale du Padduc n'est pas suffisamment fine pour déterminer des zonages pertinents ; ceux-ci ne peuvent être identifiés que localement, à un niveau infracommunal, et non à celui de la collectivité de Corse. Il nous semble donc plus pertinent de maintenir le dispositif prévu par la commission. Avis défavorable.
Je regrette cette position qui, contrairement aux apparences, n'est pas de nature juridique mais bien politique. Je préférerais que vous assumiez ce choix politique – d'autant que, sur le plan juridique, votre argument ne tient pas. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 25 novembre 2016 relative à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par une commune du sud de la Corse, qui contestait l'existence du Padduc relativement à son PLU. Je vous renvoie également à l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, qui permet au Padduc de délimiter des espaces répondant à des enjeux particuliers, sur la base de critères précis. C'est ainsi qu'ont été définis les espaces stratégiques agricoles, qui ont fait l'objet de contentieux dans lesquels la collectivité a obtenu gain de cause. Les PLU doivent être compatibles avec ces espaces.
Comme l'a souligné Mme la rapporteure, très peu de communes corses sont dotées d'un PLU – il s'agit là d'un retard historique. Cela étant, des communes sous règlement national d'urbanisme (RNU) ont vu leur taux de permis de construire de résidences secondaires exploser. Ainsi, trente-cinq communes du littoral corse soumises au RNU concentrent 80 % des transactions immobilières, et 83 % des résidences secondaires sont mises en location sur Airbnb. Vos explications semblent ignorer cette réalité – sans compter qu'elles sont incompatibles, juridiquement, avec ce qu'est le Padduc. Vous défendez un choix politique ; de grâce, ne le présentez pas comme un argument juridique.
L'amendement n° 129 de M. Jean-Félix Acquaviva est défendu.
La parole est à M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement n° 129 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 62
Contre 5
L'article 2, amendé, est adopté.
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour soutenir l'amendement n° 52 , portant article additionnel après l'article 2.
J'illustrerai cet amendement de M. Jumel en évoquant la crise du logement qui sévit à La Réunion. Le message suivant, qui m'a été adressé par une jeune femme sur les réseaux sociaux, en témoigne : « Je suis en recherche de logement depuis un an. Ma propriétaire récupère son bien pour y faire des travaux puis, finalement, le mettre en saisonnier. Dans un mois, je n'ai plus de foyer pour mes enfants. En ce qui concerne les prix des loyers, je n'arrive pas à comprendre ce passage du simple au double : est-ce légal ? Y a-t-il un moyen d'instaurer un plafond ? Actuellement, je vis dans un F3 aux Avirons – je paie 600 euros – depuis neuf ans, où le prix est très bas. Aujourd'hui, pour un logement équivalent, on me demande entre 1 200 et 1 800 euros. » Telle est la réalité que décrit cette mère célibataire.
Ce n'est pas un témoignage isolé : à La Réunion, des milliers de femmes qui vivent seules doivent assumer de telles charges, qui pèsent sur leurs épaules. Dans l'Hexagone, une maison de 92 mètres carrés se loue en moyenne 754 euros par mois. À La Réunion, ce niveau de loyer n'est pratiqué qu'à Salazie ou à Cilaos, dans les cirques, très loin de la côte, tandis que dans les bassins de vie les plus actifs, les prix atteignent 1 251 euros à Saint-Denis et même 1 297 euros à Saint-Paul. Il faut agir et légiférer pour mettre fin à une situation où les loyers vont du simple au double. Il y va de la solidarité nationale. Dès lors que tout le monde veut mettre son bien en location sur Airbnb, le logement social ne peut absorber la totalité des demandes. Nous devons légiférer pour répondre à la crise du logement qui sévit à La Réunion.
Nous partageons votre préoccupation face à la prolifération des résidences secondaires dans certaines zones du territoire, notamment à La Réunion – je m'y suis rendue avec M. le président de la commission des affaires économiques pour mesurer l'ampleur des difficultés liées au logement. De notre point de vue, toutefois, l'excès de résidences secondaires dans le parc sera mieux traité par le dispositif de servitude sur les constructions nouvelles prévu dans la proposition de loi : il est plus solide, et moins susceptible de causer des situations d'iniquité. Avis défavorable.
Je partage votre constat, monsieur le député, quant au problème des congés pour vente ou pour reprise qui donnent lieu à une modification de la destination des locaux et à une location en tant que meublé de tourisme. Nous avons d'ailleurs travaillé sur un renforcement des contrôles des congés pour vente, afin de s'assurer que le bien conserve la destination de résidence principale, ainsi que des congés pour reprise, afin de s'assurer que le propriétaire occupe effectivement les lieux. Nous devrons poursuivre ces travaux dans les prochains mois, pour faire en sorte que les règles soient respectées : les habitations ayant fait l'objet d'un congé pour vente ne doivent pas se retrouver sur Airbnb ; cela contrevient à la loi. Nous pourrons œuvrer de concert, peut-être dans le cadre d'une prochaine semaine transpartisane, pour renforcer la réglementation en ce sens.
Après les précisions apportées par les rapporteurs, je rappelle que l'objet de la proposition de loi est de réguler la location des meublés de tourisme et non d'interdire les résidences secondaires. Le texte prévoit néanmoins des dispositifs pour permettre aux territoires de veiller à la préservation des résidences principales et au maintien d'habitants permanents. La mesure proposée porterait une atteinte excessive au droit de propriété et à la liberté d'usage d'un bien. Avis défavorable.
Le groupe La France insoumise soutient l'amendement n° 52 . Nous sommes en effet conscients de l'ampleur des dégâts causés par ce phénomène, contre lequel il n'est pas possible de lutter avec des mesurettes.
Dans notre pays, les résidences secondaires représentent 10 % des habitations, soit 3,7 millions de logements – à titre de comparaison, au Royaume-Uni, 810 000 logements sont concernés. Le nombre de résidences secondaires progresse si rapidement dans certains territoires que le logement social ne pourra en aucun cas absorber la demande des travailleurs et des familles qui y vivent. Or ces territoires sont très nombreux et différents. La Haute-Savoie, le département d'où je viens, est frappée de plein fouet par la multiplication des résidences secondaires. « L'excès de résidences secondaires peut changer le visage d'un territoire, déséquilibrer son fonctionnement quotidien et modifier l'offre commerciale. » Cette phrase est de l'ancien ministre délégué chargé du logement.
La France insoumise a déposé une proposition de loi visant à lutter contre la spéculation immobilière liée aux investissements directs étrangers (IDE). Rendez-vous compte, chers collègues : dans notre pays, 20 % des IDE concernent l'immobilier ! Ils contribuent largement à la spéculation immobilière et favorisent l'exclusion des résidents français ou permanents du logement. Le présent amendement constitue un bon compromis puisqu'il permettrait de renforcer le pouvoir des collectivités territoriales face à ce phénomène, dont nous devons éviter qu'il s'amplifie.
Madame la rapporteure, vous affirmez que la prolifération de résidences secondaires sera limitée par le dispositif de servitude sur les constructions nouvelles, mais il n'y aura pas de constructions nouvelles ! Elles sont peu nombreuses à La Réunion, où les constructions concernent essentiellement des logements sociaux – encore faut-il que la ligne budgétaire unique (LBU) soit consommée et que du foncier soit disponible. Avec cette logique, vous nous plongez sciemment dans l'erreur. Commençons par agir sur l'existant, dans les zones où la tension est la plus forte.
À La Réunion, les logements disponibles sont situés dans les hauteurs et à proximité des cirques, à deux ou trois heures de route de la côte, mais dix-neuf communes sur vingt-quatre sont côtières. Ce sont elles qui doivent nous mobiliser si nous voulons lutter contre la spéculation dans le secteur du logement privé et faire prévaloir la solidarité nationale en matière de logement. Pour ceux qui ne sont pas éligibles au logement social, la solidarité nationale doit s'appliquer. On ne peut pas spéculer sur le dos de nos frères et de nos sœurs, qui pourraient demain se retrouver à la rue !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Outre la servitude de résidences principales, la proposition de loi prévoit la possibilité pour les maires de fixer des quotas, ce qui permettra d'encadrer l'expansion des résidences secondaires à vocation locative de courte durée. Je souhaite cependant que nous puissions trouver ensemble d'autres solutions.
L'amendement n° 52 n'est pas adopté.
Nous poursuivons aujourd'hui l'examen d'un texte important pour soutenir les communes qui se battent pour protéger l'habitat permanent.
L'article 3 est au cœur d'un débat auquel va également contribuer la mission sur la réforme de la fiscalité locative confiée par le Gouvernement à nos collègues Marina Ferrari et Annaïg Le Meur. Ses dispositions font l'objet d'une polémique, mais elles posent une question fondamentale. Dans un contexte de crise du logement, pourquoi les pouvoirs publics inciteraient-ils davantage les propriétaires à proposer leur bien en location saisonnière de courte durée – parfois un jour seulement, 365 fois par an – plutôt qu'en location permanente ?
M. Julien Bayou applaudit.
Alors que nous avons besoin de logements permanents pour les infirmiers, les soignants, les professeurs et l'ensemble des agents qui font tourner le pays, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé, comment peut-on accepter que l'État encourage les individus à louer des meublés de tourisme pendant deux jours, autant de fois qu'ils le souhaitant, plutôt qu'à les louer de façon permanente ?
C'est ce principe général dont nous allons maintenant débattre, un principe qui souffre des exceptions – nous allons les examiner dans le détail – et qui mérite sans doute des ajustements, auxquels réfléchira justement la mission confiée à nos collègues. Il est néanmoins fondamental et nous devons le regarder en face, loin des polémiques. Le groupe Renaissance soutiendra l'article 3.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Julien Bayou applaudit également.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RE
…en augmentant l'imposition des revenus fonciers tirés des meublés de tourisme, qui bénéficient actuellement d'un abattement fiscal de 71 %. Remarquons que les stations de sports d'hiver sont mieux loties, par l'effet d'une mansuétude sans doute liée aux Jeux olympiques.
S'il est légitime de chercher à préserver une vie économique locale pérenne en dehors du tourisme et de permettre aux Français de se loger là où ils travaillent, le groupe Rassemblement national regrette une fois de plus que l'on en passe par la contrainte et la punition des propriétaires. Nous pensons que c'est justement l'accumulation des interdictions en tous genres – notamment celle de louer son bien, à moins d'y entreprendre de coûteux travaux dits de performance énergétique – qui a découragé de nombreux propriétaires de louer à l'année. Nous pensons aussi que ce sont les multiples obligations, dépenses et responsabilités laissées à la charge des bailleurs, en premier lieu la lourde taxation des loyers, qui ont peu à peu fermé les perspectives de l'investissement locatif d'habitation.
Au lieu d'écraser la niche fiscale dont bénéficie la location de tourisme, peut-être serait-il judicieux de desserrer l'étau qui enserre la location de longue durée pour la rendre plus attractive. Le groupe Rassemblement national votera donc contre l'article 3.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Tout d'abord, il propose des solutions fiscales différentes de celles adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2024.
Ces mesures fiscales conduiraient à une incohérence législative et affecteraient la lisibilité de la loi, pour les particuliers comme pour les professionnels.
Le rapporteur général de la commission des finances a lui-même déposé un amendement de suppression de l'article 3, estimant, à juste titre, qu'il fallait attendre les conclusions de la mission sur la réforme de la fiscalité locative avant de prendre toute décision.
Par ailleurs, nous déplorons la proposition de baisser tant le taux d'abattement fiscal que le plafond de chiffre d'affaires applicable au revenu foncier des meublés classés. Avec une telle mesure, les propriétaires ne seraient plus incités à faire classer leurs meublés. Elle affecterait également les petits propriétaires qui ont calculé leur investissement en se fondant sur les niveaux actuels d'abattements.
La disparition des meublés classés du parc de logements touristiques aurait un effet catastrophique sur les destinations touristiques. Je pense notamment aux territoires classés stations de tourisme, qui doivent justifier d'un niveau de classement d'au moins 70 % de son offre d'hébergement touristique pour prétendre à ce statut.
Enfin, l'article 3 se fonde sur un classement touristique qui n'existe plus depuis 2008. Il n'existe plus de liste des communes classées stations de sports d'hiver et d'alpinisme. Si une liste a été établie en 2021, il s'agissait alors d'identifier les communes de montagne dont les entreprises pouvaient bénéficier du fonds de solidarité institué dans le cadre de la crise du covid. Tenons-nous-en au classement actuel en communes touristiques et stations classées de tourisme !
Pour toutes ces raisons, je m'opposerai, en l'état – j'insiste sur ce point –, à l'article 3.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La proposition de loi allait jusqu'à présent dans le bon sens – comme l'a dit Antoine Armand, il convient de rééquilibrer les choses. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, l'article 3 nous pose plusieurs problèmes.
Tout d'abord, les mesures fiscales envisagées, bien que très importantes, sont présentées en dehors de la loi de finances, ce qui soulève des interrogations. À ce stade, aucune étude n'a été menée sur les effets des abattements envisagés, sur leurs avantages et sur leurs inconvénients, ni aucune étude d'impact budgétaire, social et économique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Élisabeth Borne avait confié à Mme la rapporteure et à moi-même une mission sur la fiscalité locative – les auditions ont commencé et nous avançons.
Je suis par ailleurs convaincue que les mesures fiscales envisagées par la proposition de loi ne permettront pas de remettre un seul mètre carré sur le marché locatif de longue durée. Elles pourraient même encourager à nouveau le développement de l'économie souterraine dans certains territoires très touristiques.
Voilà pourquoi je suis réticente aujourd'hui à l'égard de ces propositions, qui vont très loin et dont l'impact sur les territoires touristiques n'a pas été évalué.
Je précise que je ne suis nullement animée par un esprit d'obstruction – comme vous me l'avez reproché, monsieur le rapporteur. Depuis le début, nous vous accompagnons dans l'élaboration de la proposition de loi et nous continuerons de le faire.
Le groupe Écologiste milite pour la location de longue durée. Comme notre collègue Antoine Armand, nous pensons qu'il est incompréhensible que les pouvoirs publics facilitent à ce point une législation pousse-au-crime. Aujourd'hui, la location saisonnière est plus rentable et moins imposée. Quelle que soit leur sensibilité politique, tous les maires demandent un encadrement du marché locatif en zone tendue.
Quand le Rassemblement national vole au secours des multinationales et défend un abattement qui bénéficie aux plus gros – on parle d'abattement représentant 10 000 à 12 000 euros par mois ! –, il est clair qu'il ne soutient pas les petits, mais les puissants, à l'origine d'un tsunami de disparitions de logements pérennes. C'est en effet en partie à cause de cette fiscalité qu'il est si difficile de se loger en famille dans le 3
Au passage, la proposition de loi n'empêcherait pas ce type de location, mais réduirait son attrait de façon à avantager la location de longue durée. C'est ce que réclament la population et les élus locaux, notamment les maires, de toutes sensibilités politiques. Il est grand temps de prendre une telle mesure. Je ne comprends pas que le Gouvernement s'y oppose, d'autant moins qu'elle permettra de faire entrer un peu d'argent dans les caisses. Une disposition similaire, soutenue par le Sénat et à l'Assemblée, a d'ailleurs été adoptée en loi de finances, même si le Gouvernement, plaidant l'erreur matérielle, refuse d'appliquer la loi. Il est pourtant grand temps de supprimer la niche fiscale Airbnb !
L'article 3 vise à réduire les avantages fiscaux octroyés aux revenus issus de la location de meublés de tourisme. Sachant qu'un propriétaire qui loue des biens sur Airbnb et en tire 170 000 euros de bénéfices peut obtenir un abattement allant jusqu'à 71 %, de telles dispositions relèvent du bon sens.
Il est révélateur que les positions des uns et des autres n'aient pas changé depuis le début de l'examen de cette proposition de loi dans l'hémicycle en décembre. Le Gouvernement et le Rassemblement national freinent des quatre fers devant l'adoption de cette mesure.
Il est curieux d'observer à quel point le Rassemblement national, qui prétend être indépendant, est soumis à une entreprise californienne comme Airbnb.
Je me suis rendu dans une zone de non-droit de notre territoire, à Nice, où est élu Lionel Tivoli, un ami de M. Falcon. C'est une zone de non-droit car on n'y respecte pas la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, qui impose à certaines communes de disposer d'un nombre minimum de logements sociaux. Depuis des années, la ville de Nice est rappelée à l'ordre mais préfère payer des amendes au lieu de respecter la loi.
Le vieux Nice a ainsi été donné aux spéculateurs et multipropriétaires de logements loués sur Airbnb. Ainsi, des locataires témoignent que, dans leur immeuble, certains propriétaires bailleurs achètent les logements, les mettent en location sur Airbnb et disent aux autres locataires mécontents qu'ils n'ont qu'à partir ; ensuite ces propriétaires rachèteront leurs appartements et les loueront aussi sur Airbnb. Ce sont donc les braves gens, les pauvres gens qui subissent le lobbying des multipropriétaires enrichis grâce aux locations sur Airbnb.
Une fois de plus, le Rassemblement national défend ceux qui s'enrichissent sur le dos des braves gens de nos villes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Julien Bayou applaudit également.
L'interrogation suivante nous a guidés dans la rédaction de l'article 3 : qu'est-ce qui justifie qu'un propriétaire de meublé de tourisme classé bénéficie d'un abattement de 71 % jusqu'à 188 000 euros de chiffre d'affaires ? Une telle somme ne concerne pourtant pas les petits propriétaires ! Qu'est-ce qui justifie qu'un propriétaire de meublé simple bénéficie d'un abattement de 50 %, jusqu'à 77 000 euros ? Là encore, ceux qui font un tel chiffre d'affaires ne sont pas des petits propriétaires ; il ne s'agit pas d'un petit complément de revenu, mais d'un business.
Comment justifier de tels avantages, alors que les propriétaires qui louent, à l'année, leur bien à une famille – laquelle met ses enfants à l'école, fait vivre les services publics et de proximité et contribue ainsi à la vitalité de la commune –, ne bénéficient que de 30 % d'abattement ? Rien ne le justifie !
Si je mets une casquette de libéral – que je ne suis pas,…
…vous vous en doutez –, face à ceux qui avancent l'argument selon lequel, si on supprime les abattements de 50 % ou de 71 %, les propriétaires cesseront de louer leurs biens en meublé ou en meublé touristique car cela ne sera pas rentable, je répondrai que cela signifie que, en soi, ce système de location n'est pas rentable.
Prenons l'exemple d'un propriétaire qui loue, pour 1 000 euros la semaine, un logement sur la côte atlantique, et observons la réalité des chiffres : il ne sera pas en difficulté parce qu'il paie un peu plus d'impôt, augmentant ainsi sa participation à l'effort national permettant de faire fonctionner nos services publics – car c'est bien à cela que sert l'impôt
M. Arthur Delaporte applaudit
–, et contribuant à faire tourner l'économie de la commune dans lequel il rentabilise son investissement.
Le dispositif fiscal actuel pose donc un vrai problème d'équité.
Quant au Rassemblement national ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN
il fait du DPE, contre lequel il a voté, un épouvantail. Du reste, sa seule proposition en matière de logement consiste à revenir sur le DPE. Chacun des rares textes sur le logement que nous examinons dans cet hémicycle fait l'objet de la même ritournelle.
À ma grande surprise, le groupe a même voté contre l'article 2 de la proposition de loi, alors qu'il se pose en défenseur des petites communes. Je ne reviendrai pas, car je l'ai déjà fait en décembre, sur les propos tenus dans le passé par certains de ses membres, quand ils invitaient le Gouvernement à agir contre la spéculation et contre Airbnb. L'article 2 vise justement à donner aux communes des outils en ce sens. J'ai donc un peu de mal à suivre nos collègues.
Enfin, je rappellerai ce chiffre significatif : 50 % du parc locatif est détenu par 3,5 % des propriétaires. Le « petit propriétaire », que nos collègues du RN prétendent défendre, est donc bel et bien un mythe.
Mme Fatiha Keloua Hachi applaudit.
M. Vigier nous demande d'attendre. Mais quand on me dit cela, je pense à l'infirmière de l'hôpital de Bayonne, à l'éboueur de l'agglomération du Pays basque qui dorment dans leurs voitures. Telle est la réalité !
Pendant que nous réfléchissons à la possibilité de réclamer un peu plus d'impôts à certains propriétaires, les vrais perdants sont ceux qui vivent dehors, ceux qui n'ont pas de toit du tout.
Il est vrai que les mesures proposées auront pour effet d'augmenter un peu la fiscalité pour certains propriétaires, mais elles permettront aussi à d'autres de retrouver un toit ; peut-être même que certains, grâce à elles, prendront conscience que le fonctionnement actuel tend à déséquilibrer les territoires.
Je ne vous ferai pas l'offense de vous rappeler le vote du groupe Les Républicains au Sénat, qui s'est montré encore plus dur que nous en matière de fiscalité…
Au sujet des stations classées de tourisme,…
…je vous citerai l'exemple de Maider Arosteguy, maire Les Républicains de Biarritz, qui soutient les dispositions prévues à l'article 3 et qui serait même favorable à une suppression pure et simple de la niche fiscale.
Certes, ces stations vivent du tourisme, mais elles ont aussi des habitants ; elles ont aussi besoin de familles, d'enfants dans leurs écoles.
À Hendaye, station classée de tourisme, chaque année, des postes de professeurs sont supprimés en raison de la baisse du nombre d'enfants. Une grande partie du parc immobilier y est en effet transformée en meublés de tourisme. Qu'est-ce qui vaut mieux ? Assurer un équilibre entre le tourisme et le reste de l'économie, ou de tout miser sur le premier et transformer nos villages et nos villes en centres de vacances ? Je ne pense pas que cette dernière option soit préférable.
Il est vrai que nous devons mener une réflexion sur le classement en commune touristique – Mme la rapporteure Annaïg Le Meur y reviendra. Ne peut-on pas le dissocier de la question du meublé de tourisme ?
Compte tenu des adaptations que nous avons apportées à notre modèle fiscal, il sera toujours préférable pour un propriétaire de classer son logement en meublé de tourisme : l'abattement sera certes réduit, mais le plafond sera plus avantageux.
D'ailleurs, l'objectif fondamental du classement n'est pas que certains propriétaires gagnent plus d'argent et paient moins d'impôts, mais qu'ils proposent une prestation de meilleure qualité. Il faut donc encourager le classement, faire monter en gamme les meublés de tourisme, et arrêter de prétendre que, si l'abattement dont ils bénéficient passe de 71 % à 50 %, voire à 30 %, les propriétaires vont cesser de louer leur bien. Ce n'est pas vrai ; ils continueront à gagner de l'argent et à engranger des bénéfices.
Monsieur Vigier, je ne vous entends pas très bien, mais je comprends que vous me parlez du classement des communes. Il est vrai que certaines d'entre elles se demanderont si elles doivent conserver leur classement en commune touristique ou station de tourisme. Mais quand une commune perd des habitants permanents, elle perd également une partie de sa dotation, des services publics, des postes de professeur, des commerces.
Ne misons donc pas tout sur le tourisme.
Le Pays basque, que l'on cite souvent – moi le premier –, est généralement vu comme le cœur de la crise. On croit qu'il vit essentiellement du tourisme, alors qu'en réalité, celui-ci ne représente que 12 % de l'économie de la communauté d'agglomération. Les effets négatifs du secteur, quant à eux, sont bien plus importants.
Je conclurai simplement sur un exemple. Depuis que Mme la rapporteure Annaïg Le Meur et moi avons commencé ce travail, nous recevons, comme d'autres députés, des témoignages de personnes qui ne peuvent plus vivre dans leur territoire d'origine.
Je vous lirai le témoignage d'un habitant, non du Pays basque, mais de la vallée d'Aspe. « Avec ma compagne, nous sommes locataires d'une maison à Bedous. Les propriétaires, pour lesquels ce logement est une résidence secondaire, veulent vendre la maison. Nous leur louons de septembre à juin, contraints, car nous n'avons rien d'autre. L'été, ils la louent à des touristes. Alors, nous sommes obligés de vivre sous la tente avec nos trois enfants. Cela fait déjà trois étés que nous campons sous la tente de juin à septembre. Vivre sous la tente l'été entraîne des tensions avec mon ex-compagne qui voit cela d'un mauvais œil et menace de réduire mon temps de garde de mes deux enfants. » Telle est la réalité ! Voilà dans quelle situation cette niche fiscale entraîne les gens. Quitte à faire quelques perdants, je préfère que l'article soit adopté : beaucoup y gagneront un toit au-dessus de leur tête.
Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe SOC. – Plusieurs membres des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES applaudissent également.
Sur les amendements identiques n° 5 , 58 et 80 , je suis saisie par les groupes Rassemblement national et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 120 , je suis saisie par le groupe du groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 5 , 58 et 80 , tendant à supprimer l'article 3.
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l'amendement n° 5 .
Je rappellerai d'abord à M. Piquemal que nous ne dirigeons pas la mairie de Nice. Vous devez confondre : le maire de Nice est Christian Estrosi – un grand ami d'Emmanuel Macron. Lionel Tivoli est simplement député d'une circonscription des Alpes-Maritimes.
L'article 3 – sans doute le plus contestable de cette proposition de loi – vise, disons-le clairement, à accroître la fiscalité pesant sur les petits propriétaires qui exercent à titre marginal l'activité de location saisonnière. L'alignement de la fiscalité des meublés de tourisme sur le régime microfoncier dans les zones tendues ainsi que la réduction de l'abattement qui bénéficie aux meublés de tourisme représenteraient une augmentation inacceptable de la fiscalité sur les classes moyennes.
Prenons l'exemple d'un particulier non-professionnel qui loue occasionnellement sa résidence principale. Pour un revenu foncier de 15 000 euros par an, avec une tranche marginale d'imposition à 30 %, vos propositions entraîneraient une hausse d'impôt sur le revenu de près de 900 euros par an.
Nous refusons toute hausse de la fiscalité immobilière, notamment pour les plus modestes et les classes moyennes. L'immobilier est actuellement l'actif le plus taxé en France, tandis que les actifs financiers jouissent d'un privilège fiscal avec la flat tax instaurée par Emmanuel Macron en 2017 et la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). En outre, je rappelle que la fiscalité qui pèse sur le logement représente 92 milliards d'euros par an.
Vous allez mettre en péril certains équilibres économiques, compromettre la pérennité de certains plans de financement et fragiliser des petits propriétaires qui n'ont recours, de façon marginale, à cette activité que pour conserver leur bien, sachant qu'ils doivent assumer des charges en hausse constante.
En effet, depuis votre arrivée au pouvoir, la taxe foncière a explosé, les factures d'énergie ne cessent d'augmenter : elles ont augmenté de 44 % au cours des deux dernières années, sans compter les 10 % que nous allons subir dans quelques jours. Les Français sont contraints de se sacrifier, de trouver des solutions alternatives pour faire face à cette hausse des charges inacceptable.
Dans ma circonscription touristique de l'Aude, à Narbonne, les Audois recourent massivement à la location saisonnière, de façon ponctuelle et raisonnée,…
…entre juin et septembre, pour en tirer d'indispensables revenus complémentaires.
On ne lutte pas contre la crise du logement en augmentant les impôts des Français.
Le plus gros scandale de cette proposition de loi, chers collègues, c'est que pendant que vous augmentez les taxes et les impôts pesant sur les petits propriétaires français, vous refusez de vous attaquer aux plateformes du numérique, lesquelles sont protégées par Emmanuel Macron – comme Airbnb, qui ne paie toujours pas ses impôts en France. On tabasse les petits mais on protège les grands !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous attendons toujours votre proposition de loi sur le sujet ! Vous n'avez jamais rien proposé !
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement n° 58 .
Le Gouvernement a confié à deux députées une mission temporaire ayant pour objet la fiscalité locative. Par ce qu'il convient d'attendre ses conclusions avant de prendre toute décision en la matière, nous proposons de supprimer l'article.
Monsieur le rapporteur, expliquez-moi pourquoi, pour l'application de l'abattement supplémentaire, vous voulez modifier le classement touristique ? En effet, vous citez les « stations classées de sport d'hiver et d'alpinisme », une catégorie qui n'existe plus depuis 2008. Conservez le classement actuel en communes touristiques et stations classées de tourisme pour les dispositions que vous voulez appliquer et tout ira bien.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l'amendement n° 80 .
Je veux d'abord saluer le travail des rapporteurs sur cette proposition de loi que je soutiens. Je suis évidemment favorable à une réduction de la niche dite Airbnb ; nous avons d'ailleurs fait un premier pas en ce sens dans le cadre du projet de loi de finances. Je le suis d'autant plus qu'elle permet à certains de se livrer à une véritable industrialisation de l'activité : ils achètent des immeubles entiers et en offrent les logements en locations de courte durée, avec d'importantes répercussions. C'est la raison pour laquelle j'avais proposé l'amendement visant à éviter le double avantage dont bénéficiaient jusqu'à présent les locations de courte durée.
Toutefois, je m'en remets aux résultats de la mission qui a été confiée à Marina Ferrari et Annaïg Le Meur.
Sourires.
Les dispositions de l'article 3 ont déjà fait l'objet de plusieurs versions. Je suis absolument persuadé qu'il faut durcir la fiscalité sur la location de courte durée. Mais attendons le résultat de la mission. En effet, nous ne disposons pas d'étude d'impact.
On nous oppose suffisamment souvent cet argument pour que, de temps en temps, je puisse avoir le plaisir de le servir à mon tour.
Mêmes mouvements.
Peut-être faut-il aller encore plus loin dans la réduction de cette niche, voire modifier le classement donnant droit à un abattement supplémentaire.
La mission est lancée ; elle rendra ses conclusions dans deux mois. Nous en sommes déjà à la quatrième version de cet amendement. Plutôt que d'adopter un texte provisoire – c'est ainsi que je le comprends –, je vous propose d'attendre les conclusions de cette mission qui nous éclairera dans notre rôle de législateurs.
Ce que je retire de nos débats, c'est qu'il est vraiment urgent d'agir. Ce régime fiscal est un non-sens. Le constat est unanime quant à ses effets : impact sur les prix, intensification de l'activité des meublés de tourisme, attrition des résidences principales, dévitalisation des cœurs de ville et augmentation des nuisances sonores dans les zones tendues. Il faut donc agir. Comment ? Là est la difficulté.
Le régime qui s'applique aux logements meublés comprend un avantage fiscal qui me semble aujourd'hui disproportionné, compte tenu de la situation critique que nous connaissons en matière d'accès au logement. Sa réduction est plus que nécessaire si nous voulons réguler le marché locatif.
On me demande pourquoi je veux agir immédiatement, étant donné que le Gouvernement m'a chargée d'une mission temporaire sur la fiscalité locative. Je réponds qu'avec la Première ministre, nous étions convenues de faire les deux en même temps.
Cela permettait de ne pas séparer les travaux de la mission des débats que nous pouvons avoir sur le sujet. Je tiens en effet au débat. Accepter les amendements de suppression reviendrait à empêcher ce moment qui permet de faire, ensemble, le point sur nos avancées. Ainsi, nous partageons vos réflexions sur les spécificités des communes touristiques ou des stations de tourisme : la suppression des avantages liés au classement pourrait avoir pour effet la réduction du nombre de logements classés ; dès lors, les communes risqueraient de perdre un label intéressant pour elles.
Nous en avons conscience. Après en avoir parlé avec ma collègue Marina Ferrari, corapporteure de la mission, je propose donc un moratoire pendant lequel les communes touristiques et stations classées de tourisme conserveraient ce label.
Cependant, je pense aussi qu'il faut agir au niveau de la fiscalité des particuliers – l'un n'empêche pas l'autre. Ne lions pas ces deux réflexions, car cela nous empêcherait d'agir en faveur des zones citées par mon corapporteur – Biarritz, la zone littorale – qui demandent une évolution de cette fiscalité, au point, parfois, d'être prêtes à renoncer au classement – ce que je trouve dommage.
Un moratoire de dix ans, par exemple, pourrait ainsi être proposé pendant lequel on laisserait leur classement aux communes.
En revanche, ne pas modifier la fiscalité locative serait pour moi un non-sens, compte tenu des difficultés qu'éprouvent nos concitoyens pour accéder à un logement. Nous ne pouvons pas rester dans la situation actuelle : les demandes proviennent de nos territoires, des salariés, des étudiants, des saisonniers, mais aussi des maires, dont la quasi-totalité attend un changement de la fiscalité.
Dans un tel contexte, je comprends que le lancement d'une mission puisse paraître incongru ; mais loin de s'opposer ou se substituer au texte, celle-ci a en fait pour but de l'enrichir. Notre texte a été déposé en avril 2023 ; la mission nous a été confiée en novembre 2023. Elle a été rendue nécessaire par l'absence d'étude d'impact, qui nous empêchait d'aboutir aux bons chiffres. Je ne prétends pas que nous y sommes parvenues depuis, mais nous en avons la volonté – une volonté d'équilibre et de justice que nous partageons tous.
Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression. Nous devons poursuivre le débat et faire des propositions pour parvenir à une solution d'équilibre.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Quand le législateur consent à donner un avantage fiscal, une ristourne, un abattement, il le fait en visant un objectif social. Autrefois, le législateur a décidé de donner un avantage aux personnes qui souhaitaient louer un meublé touristique, en raison du manque d'offre hôtelière touristique.
La France voulait alors développer son offre touristique. L'avantage octroyé à l'époque se comprenait donc très bien, mais les choses ont changé depuis.
Aujourd'hui, certaines communes ne disposent plus d'une offre locative traditionnelle : elle est totalement saisonnière. Cela touche des municipalités de gauche comme de droite – ce n'est pas une histoire de couleur politique, de libéraux ou de non-libéraux. Le maire de Saint-Malo est de droite ; pourtant, il reconnaît que, dans sa ville, toute l'offre disponible a été remplacée par de la location saisonnière.
Dans ce contexte de tension et de potentielle substitution entre le locatif traditionnel et le locatif touristique, la question se pose de maintenir l'avantage fiscal dont bénéficie ce dernier. Je ne sais pas comment expliquer, en effet, qu'un abattement de plus de 70 % soit consenti pour la location d'un meublé de tourisme dans des communes où il n'y a plus aucun logement traditionnel. Je ne suis pas capable de l'expliquer devant les députés de notre commission venus de Bretagne, du Pays basque, de zones côtières ou d'autres régions touristiques. Un tel avantage accroît la possibilité de substitution alors qu'aucune raison sociétale ne le justifie désormais.
Depuis avril 2023, le problème est soulevé par Inaki Echaniz et Annaïg Le Meur ; nous nous sommes battus pour inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour. Il a fallu franchir de nombreux obstacles, comme lorsque certains, y compris dans les administrations, ont refusé de nous communiquer les chiffres.
On nous disait que c'était compliqué, qu'il fallait attendre… Or il faut agir ; on ne peut pas éternellement botter en touche et dire : « C'est vrai, vous avez raison, mais on verra demain. »
Je n'imagine donc pas que nous puissions adopter un texte dépourvu de dispositions fiscales. Bien sûr, je comprends la position du rapporteur général de la commission des finances. À sa place, j'aurais sans doute également refusé qu'un débat fiscal se tienne en dehors de la loi de finances. Toutefois, compte tenu des attentes exprimées depuis des mois dans les territoires, il serait dommage de clore ce débat sans prendre aucune mesure de rééquilibrage fiscal. Une mission menée par Mme Ferrari et Mme la rapporteure est en cours ; dans l'attente de ses résultats, j'espère que le Gouvernement fera preuve de sagesse.
À ceux qui hésitent, je rappellerai que ce n'est que le début, la première lecture du texte, qui sera suivie d'une lecture au Sénat, d'une navette, puis d'un examen en commission mixte paritaire. Le Gouvernement a toute latitude pour attendre les résultats de la mission avant de convoquer cette CMP.
Il faut donc rejeter les amendements de suppression, envoyer le signal que nous souhaitons équilibrer la fiscalité entre le meublé de tourisme et le meublé traditionnel, et laisser la mission se poursuivre. Madame la ministre, quand vous aurez obtenu la proposition la plus fine, vous pourrez alors convoquer la CMP afin d'obtenir un accord entre députés et sénateurs. Nous ne pouvons pas maintenir le statu quo, vu la souffrance observée dans les territoires. L'article 3 comprend une mesure d'égalité et de bon sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI et SOC.
Comme l'ont rappelé les rapporteurs, une mission est en cours. Confiée aux députées Annaïg Le Meur et Marina Ferrari, elle a pour objectif d'étudier les évolutions de la fiscalité de la location de courte et de longue durée, afin de favoriser, dans les territoires où ils sont nécessaires, la mise à disposition de logements à loyer abordable destinés à la résidence principale.
Dans ce contexte, il serait souhaitable d'attendre les conclusions de cette mission en avril prochain avant d'adopter des dispositions fiscales en ce domaine. Néanmoins, le Gouvernement partage l'objectif de réformer la fiscalité relative à la location saisonnière visé par l'article 3. Nous avons ainsi fait adopter en première lecture de la loi de finances pour 2024 un dispositif dont l'objectif est similaire à celui de l'article 3, malgré une légère différence. Il aligne ainsi les conditions d'application du régime de simplification micro-BIC applicables à la location de locaux classés meublés de tourisme sur celles applicables à la location de locaux meublés classiques. En complément, il instaure un dispositif incitatif en faveur du maintien et du développement d'une offre de locaux classés meublés de tourisme dans les territoires en déficit d'offre touristique, non concernés par les problèmes d'attrition des résidences principales évoqués par le président Kasbarian.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement donne un avis de sagesse sur l'article 3 et sur l'ensemble des amendements qui le concernent.
Je voudrais dénoncer l'attitude du Rassemblement national, qui n'a que faire des Français et de leurs problèmes de logement. En France, nous comptons 4,2 millions de personnes mal logées ; visiblement, cela ne les préoccupe pas de savoir où vont dormir les millions de familles aujourd'hui hébergées par des tiers ou, parfois, dans des centres d'hébergement d'urgence. Je trouve cela vraiment dommageable. Ils prétendent défendre les Français, mais nous voyons là leur vrai visage.
De même, je dénonce l'attitude du Gouvernement, qui a déjà annoncé, sous le prétexte d'une erreur matérielle, qu'il n'appliquerait pas la mesure adoptée en loi de finances au moyen de l'article 49.3. Dans quelle démocratie vivons-nous pour qu'un gouvernement décide de ne pas appliquer la loi ?
Je voudrais enfin répondre au rapporteur général de la commission des finances. On ne peut pas attendre le résultat de la mission confiée à Mmes Ferrari et Le Meur. On ne peut plus attendre : des millions de Français ont besoin de louer un logement. Or le logement de courte durée occupe une place trop importante dans le marché locatif ; il n'y a plus de rotation dans le logement social, puisqu'il n'y a plus de débouchés dans le logement privé.
Par la taxation, nous devons privilégier la location de longue durée. C'est pourquoi je vous appelle à voter contre ces amendements, afin que l'on puisse avancer sur ce sujet. Des millions de Français attendent notre décision.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous voterons ces amendements de suppression, parce que nous sommes devant une politique fiscale de gribouille – pardonnez-moi l'expression.
Le projet de loi de finances a modifié substantiellement l'abattement fiscal pour les loueurs de meublés classés ; la proposition de loi examinée aujourd'hui chemine depuis un certain temps ; et, en même temps, la mission Ferrari-Le Meur doit traiter de ces questions fiscales.
J'entends certains de mes collègues, élus dans des zones urbaines et touristiques, témoigner des difficultés majeures que rencontrent leurs concitoyens pour se loger. Je ne mets pas leur parole en doute, mais en France, il y a d'autres territoires. Dans le cas des territoires bâtis autour du tourisme, nous devons conduire des politiques du logement dotés de ces accompagnements fiscaux. À Val-Thorens, par exemple, l'économie est bâtie autour du tourisme.
Vous avez beau hocher la tête, c'est ainsi. L'article 2, qui porte sur le zonage des servitudes d'habitations permanentes, répondra à une bonne partie du problème. Ensuite, nous étudierons la manière de contraindre par la fiscalité.
Notre collègue Echaniz le disait tout à l'heure : plus de 50 % du parc locatif est détenu par 3,5 % de propriétaires. Essayons de viser ces derniers en priorité, plutôt que les petits investisseurs qui ont pris en compte l'abattement aujourd'hui applicable pour définir leur projet immobilier.
J'ajoute pour conclure que si l'avantage fiscal diminue trop – pour moi, c'est déjà le cas compte tenu des dispositions proposées dans l'article –, nous risquons de voir apparaître un marché parallèle de locations, un marché noir.
Si le Gouvernement ne veut pas entendre parler d'une éventuelle hausse de la fiscalité, c'est parce qu'il a bien compris le danger que cela représenterait.
J'aimerais que vous compreniez qu'il n'est pas possible d'appliquer les mêmes dispositions dans des territoires aisés comme la Bretagne ou le Pays basque – d'où vous êtes originaires – et dans des territoires plus populaires, comme ma circonscription de l'Aude. Les conséquences de votre proposition y seraient dramatiques, car à Narbonne, Gruissan ou Leucate, par exemple, on trouve essentiellement des petits propriétaires. La NUPES en rit, mais nous défendons bel et bien les petits propriétaires…
…contre la hausse d'impôts que vous préparez et qui, vu le contexte inflationniste, risque de leur faire très mal.
Un élément ne cesse de m'étonner : cette proposition de loi, qui cherche à augmenter la taxation des petits propriétaires, ne prévoit aucune mesure fiscale pour taxer les plateformes comme Airbnb. C'est complètement hypocrite !
Quand allons-nous enfin ouvrir ce débat ?
Vous avez vous-même admis, monsieur le rapporteur, que ces mesures fiscales ne serviraient à rien – cela m'a d'ailleurs surpris. Alors pourquoi augmenter les impôts ? Uniquement pour le plaisir de taxer les propriétaires et les riches ?
Mais enfin, arrêtez ! Vous vous prenez pour des libéraux capitalistes, mais votre programme est socialiste !
Manifestement, pour le Parti socialiste, être propriétaire c'est être un vilain possédant, un méchant capitaliste ! Tout cela n'a pas de sens. Pour notre part, nous voulons réguler la location saisonnière d'un point de vue réglementaire, sans toucher à la fiscalité, car cela remettrait en question de nombreux équilibres et exposerait à des lourdes conséquences nos compatriotes les plus modestes. L'adoption de votre texte entraînerait des dommages collatéraux.
Je souhaite rebondir sur quelques-uns des propos que j'ai entendus.
Madame Sas, nous nous accordons tous sur la nécessité de faire évoluer à la fois les plafonds et les taux pour coller davantage à la réalité et mieux répondre à nos objectifs. Mais, contrairement à ce que vous venez d'affirmer, je ne crois pas que la tendance puisse être inversée en seulement deux mois.
Il serait donc sage d'attendre les conclusions de la mission que je mène avec Annaïg Le Meur.
Avec une étude d'impact sérieuse, nous nous donnerons alors toutes les chances de prévoir un système efficace qui protégera à la fois les locataires et les propriétaires – qui, comme le rapporteur l'a rappelé, ne doivent pas être opposés.
Monsieur Piquemal, le terme de meublé n'est pas nécessairement synonyme de logement touristique ou de location via une plateforme : il existe aujourd'hui des meublés loués pour du logement traditionnel. On trouve également des meublés dits de longue durée dans les résidences destinées aux étudiants, aux seniors ou aux professionnels, et leurs propriétaires peuvent bénéficier de certains abattements. Soyons donc prudents, et attachons-nous plutôt à distinguer la location de longue durée de celle de courte durée.
Enfin, j'aimerais appeler votre attention sur les critères de classement. Dans l'optique de leur révision, prévue en 2026, l'idée d'un moratoire nous semble, avec Mme Le Meur et M. Echaniz, très intéressante.
Les territoires très en tension en raison du tourisme, conscients qu'ils ont aussi besoin d'un parc de logements classés meublés de tourisme pour développer leur activité et rester attractifs, sont d'ailleurs demandeurs d'un tel moratoire. Comme M. Echaniz l'a rappelé, il faut encourager le classement des meublés de tourisme et accompagner leur montée en gamme.
La position du président de la commission des affaires économiques sur le sujet qui nous occupe a manifestement évolué, c'est à saluer.
Cela prouve qu'il y a toujours de l'espoir, dans la vie, et qu'il faut s'y accrocher. J'espère que vous allez continuer à changer d'avis sur bien d'autres volets du logement, monsieur Kasbarian, ce qui ne manquera pas de satisfaire toutes les associations défendant les droits humains, en particulier le droit au logement. Laissez-moi néanmoins vous dire qu'un futur ministre du logement serait bien inspiré, s'il voulait se battre concrètement contre la location touristique de courte durée à visée spéculative, de supprimer le bail mobilité créé en 2018 dans la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite Elan. Comme le bail civil, dont on a noté une recrudescence à l'approche des Jeux olympiques (JO), ce dispositif permet en effet aux propriétaires de mettre plus facilement leurs locataires dehors afin de louer leur logement plus cher à des touristes de passage pendant la saison.
Quant à M. Falcon, il reprend des arguments aussi vieux que son parti. Vous prétendez, monsieur, que la majorité des locations touristiques de l'Aude appartiennent à de petits propriétaires : vous devriez investiguer davantage, car je pense que c'est faux.
En outre, vous affirmez que ces petits propriétaires ont besoin des revenus de leur location pour subvenir à leurs besoins :…
…c'est un mauvais argument, quand on sait – et je le regrette – que vous ne votez pas pour l'augmentation des salaires et des pensions de retraite, et le blocage des prix des produits de première nécessité, toutes ces mesures que nous proposons
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et qui permettraient justement aux petits propriétaires de ne plus dépendre d'un revenu locatif pour s'en sortir.
Comme toujours en matière de fiscalité, c'est un débat compliqué. Comme nous l'avons dit à l'occasion de la mission interministérielle consacrée à la lutte contre l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental – attrition au profit, par exemple, de résidences secondaires aux fins de villégiature, qui représentent jusqu'à 80 % des logements dans certains territoires –, l'évolution de la fiscalité des meublés ne saurait à elle seule résoudre les problèmes de spéculation qui entravent l'accès au logement.
Il faudra – et nous souhaitons – donc aller plus loin, et notamment rétablir la justice fiscale entre location de courte durée et location de longue durée : pourquoi ceux faisant l'effort de louer à l'année ne pourraient-ils pas bénéficier d'un avantage ? C'est aussi une question d'équité sociale, d'autant que c'est souvent une minorité de multipropriétaires, disposant de plusieurs résidences secondaires et cherchant à rentabiliser leur investissement, qui entrave le droit au logement.
Ces précisions faites, les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) voteront contre ces amendements de suppression, désireux que le débat se poursuive, notamment sur les effets pervers du zonage – je ne suis d'ailleurs pas le seul à les dénoncer. On ne peut pas traiter de la même façon un agriculteur qui loue un meublé grâce aux Gîtes de France dans une zone où on compte cinq habitants au kilomètre carré, et qui a besoin de l'abattement de 71 % pour rentabiliser son investissement – une problématique qui touche la Corse –, et le propriétaire de plusieurs résidences secondaires.
L'affinage du zonage auquel seront adossées les mesures fiscales est essentiel pour assurer l'équité des mesures, et donc leur acceptabilité. Elles ne doivent pas générer de sentiment d'injustice : la fin justifie peut-être les moyens, mais elle ne doit pas guider nos pas. Nous serons très attentifs sur cette question. Nous aimerions également que l'on s'intéresse de plus près à la définition du gîte rural dans le code du tourisme, afin qu'elle corresponde mieux à la réalité du terrain et que l'on puisse calibrer plus finement le dispositif.
Afin que le débat puisse se poursuivre, nous voterons contre les amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 18
Contre 75
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Julien Bayou applaudit également.
Sur l'amendement n° 53 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Sur les amendements identiques n° 103 et 115 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Sur l'article 3, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et Socialistes et apparentés de demandes de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l'amendement n° 53 .
De repli, il tend à exonérer d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux les revenus locatifs des propriétaires d'un bien meublé unique, qui recourent à titre occasionnel à la location saisonnière – moins de soixante jours par an –, et en tirent un revenu foncier inférieur à 5 000 euros par an.
Face à la hausse de la fiscalité immobilière imposée par le Gouvernement, cet amendement tend à aider les propriétaires les plus modestes, qui n'ont d'autre choix que la location de leur logement dans un cadre saisonnier pour s'acquitter de leurs factures et charges courantes, et rester solvables. Comme nous l'avons déjà déploré, la hausse continue des charges qui pèsent sur ces ménages – notamment celle des factures d'électricité, que le Gouvernement a augmentée de près de 50 % en deux ans –, pousse certains Français à trouver des revenus complémentaires, comme dans ma circonscription, située dans un des départements les plus pauvres de France avec la Seine Saint-Denis – nous ne sommes ni au Pays basque, ni en Bretagne.
Cet amendement repose sur la notion de propriété unique, à laquelle le Rassemblement national est attaché : nous souhaitons que les Français soient propriétaires de leur logement, qu'ils puissent le conserver à long terme, l'entretenir et le transmettre. Alors que le Gouvernement et la majorité refusent de taxer Airbnb, le Rassemblement national, lui, protège les petits propriétaires et souhaite mettre fin à cette insupportable politique du deux poids, deux mesures.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cet amendement, qui vise à exempter de toute déclaration et de toute imposition les revenus locatifs de tous les propriétaires qui louent moins de soixante jours par an, ne nous paraît pas une bonne solution. En effet, cette proposition nuirait à la connaissance du parc locatif pour laquelle nous nous battons depuis le début de l'examen du texte, notamment à travers l'instauration d'un numéro d'enregistrement, et empêcherait donc les collectivités d'appliquer les outils utiles que nous avons créés à l'article 2. Au reste, pourquoi les 5 000 euros de revenus locatifs seraient-ils moins imposés que les revenus que les déclarants pourraient tirer par ailleurs de leur travail ?
Prolongeons le débat : nous ne sommes peut-être pas tous de cet avis, mais je considère, pour ma part, que le logement n'est pas un investissement comme un autre. À travers ce texte, nous défendons bien les petits propriétaires et les classes moyennes, car l'arrivée massive de meublés de tourisme, c'est aussi une augmentation des loyers pour les résidents à l'année ! Les classes moyennes que vous prétendez défendre sont donc les premières victimes des Airbnb, et vos arguments ne sont absolument pas logiques. Quelques chiffres : à Barcelone, les loyers ont augmenté de 7 % ces dernières années. À Bruxelles, à chaque nouvelle installation d'un meublé de type Airbnb, les loyers augmentent de 1,6 % pour les ménages.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
N'importe quoi ! Et pourquoi pas les chiffres d'Abou Dhabi ? Nous sommes en France, là !
Comme je l'ai déjà expliqué en décembre au début de l'examen du texte, cette proposition de loi vise à la fois à répondre aux locataires qui ont du mal à se loger, en encourageant les petits propriétaires bailleurs que vous prétendez défendre à opter pour la location de longue durée, et à protéger les petits propriétaires occupant leur propre logement, dont la vie est pourrie au quotidien par les nuisances sonores liées aux meublés de tourisme. Ces propriétaires ne supportent plus de vivre dans leur propre logement ! Et ça, vous semblez l'avoir oublié.
Les meublés de tourisme, c'est aussi la dévitalisation du quartier : certains immeubles ne comptent plus qu'un ou deux résidents à l'année, qui ne supportent plus le ballet des valises, le défilé, chaque semaine, de gens qui viennent parfois faire la fête.
Cessez votre démagogie et arrêtez de dire que nous ne défendons pas les petits propriétaires, monsieur Falcon.
Monsieur Cazeneuve, nous ne disposons effectivement d'aucune étude d'impact – ce n'est pas faute de l'avoir demandée ! D'ailleurs, en tant que rapporteur général du budget, vous auriez très bien pu, comme l'a fait notre collègue Valérie Rabault en son temps, vous rendre à Bercy et réclamer ces chiffres ,…
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC
Sourires.
…ne serait-ce que pour la collègue de la majorité qui est à l'initiative de ce texte avec moi. Pourtant, vous ne l'avez pas fait.
Vous n'étiez qu'à quelques centimètres de moi quand, en juin 2022, j'ai interpellé Bruno Le Maire au sujet de la fiscalité des meublés de tourisme : en deux ans, les services de Bercy auraient pu produire cette étude d'impact. Si nous n'en avons pas, ce n'est clairement pas de ma faute ! Et je vous invite à aller chercher les chiffres directement à Bercy, dans les prochains jours – je viendrai avec vous : ils permettront d'alimenter les travaux menés par Annaïg Le Meur et Marina Ferrari, qui font face aux mêmes difficultés pour y avoir accès. Bruno Le Maire serait-il réticent à nous les communiquer ? Ou existe-t-il une autre raison ?
Autre problème : celui des meublés de longue durée. Ce n'est pas le cœur du sujet, mais c'est un problème important qui a également été soulevé dans le cadre de ce texte. Madame Ferrari, les propriétaires ont effectivement la possibilité de louer leur meublé pour de la location conventionnelle de longue durée, en échange d'un abattement de 50 %. Nous ne touchons pas à cette mesure, qui peut être bénéfique, notamment pour loger les étudiants. Mais elle peut également entraîner des effets pervers, que nous devons encadrer. Prenons l'exemple d'une personne de 60 ans vivant sur le littoral atlantique, qui a reçu un congé pour vente et doit donc trouver un nouveau logement. À la rareté des locations s'ajoute la difficulté d'un revenu modeste, qui ne lui laisse d'autre choix que de louer un meublé dit « de longue durée », dont le bail ne vaut en réalité jamais que pour un an ! Cette personne vivra donc chaque année avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Il y a donc une réflexion à mener sur l'avenir des meublés de longue durée.
Je rejoins notre collègue Piquemal à propos du bail mobilité. Ce qui pouvait ressembler à une bonne idée – proposer un type de bail adapté à la situation des saisonniers ou des travailleurs en mission – se traduit malheureusement dans les faits par des fraudes massives de la part de petits propriétaires, lesquels contraignent des résidents permanents à signer un bail mobilité qui les oblige à vivre dehors de juin à septembre. Il faut donc envisager une refonte globale des différents baux, pour protéger à la fois les propriétaires et les locataires. Nous en débattrons lors de la prochaine niche du groupe Socialistes.
Les dispositions du texte en matière fiscale sont équilibrées. Elles sont le fruit d'un compromis que nous avons mis au moins un an et demi à élaborer. La proposition de loi initiale du groupe Socialistes et apparentés prévoyait la suppression pure et simple de l'abattement fiscal. Compte tenu des retours du terrain, nous avons proposé de favoriser la location des meublés de longue durée, mais on nous a rétorqué que cela coûterait trop cher. Nous avons donc envisagé un alignement des régimes avec 40 % d'abattement, ce qui, selon nos calculs, se serait révélé fiscalement neutre, mais après avis du rapporteur général du budget, qui nous a indiqué qu'un tel dispositif coûterait beaucoup d'argent aux finances publiques, nous sommes finalement parvenus à un alignement prévoyant 30 % d'abattement.
Monsieur Falcon, je soutiendrais volontiers une mesure visant à encourager fiscalement la location de longue durée, mais pour cela, il faut des financements, et donc aller chercher l'argent des propriétaires les plus riches. Une personne qui loue une maison ou un meublé à plus de 11 000 euros la semaine peut bien contribuer un peu plus au pot commun, permettant ainsi aux propriétaires qui louent à une famille de payer un peu moins d'impôt. Notre position est donc équilibrée, d'autant plus que nous traitons de façon particulière, comme l'a rappelé M. Acquaviva, les gîtes ruraux, les maisons d'hôte et meublés de tourisme des stations de ski, qui relèvent d'une offre différente.
J'invite le Gouvernement à engager une réflexion de fond sur la définition du gîte rural, qui n'existe pas aujourd'hui, et de la maison d'hôte. On met trop de choses différentes dans la catégorie du meublé de tourisme ou dans celle de la résidence secondaire. Celle-ci inclut à la fois la résidence familiale dont on hérite et dans laquelle on vit un peu, celle où l'on passe ses vacances et celle où on ne met jamais les pieds. Je considère que celui qui a cinq ou six appartements n'a pas de résidences secondaires mais réalise un investissement immobilier. Or nous devons sortir le logement de la spéculation immobilière.
Avis défavorable.
Sagesse.
Vos exemples, monsieur le rapporteur, sont délirants et caricaturaux. Vous me parlez d'une location de 11 000 euros par semaine, alors que mon amendement concerne les revenus fonciers inférieurs à 5 000 euros par an ! Dans ma circonscription, un appartement est loué 500 ou 600 euros par semaine au mois d'août,…
…souvent par des gens qui y vivent à l'année, qui quittent leur résidence principale pour la louer et gagner un peu d'argent pour payer leurs charges et vont vivre quelque temps chez des amis.
Même si vous augmentez la fiscalité, cela ne changera rien à leur situation et ils seront doublement pénalisés.
Vous êtes dans l'idéologie pure.
Vous partagez avec la majorité le fait d'approuver le transfert massif de propriété qui se déroule sous nos yeux. De moins en moins de Français peuvent devenir ou rester propriétaires.
Les prix augmentent à cause d'Airbnb, de la spéculation ; c'est pour cela qu'ils ne deviennent pas propriétaires. Arrêtez la démagogie !
Des propriétaires sont contraints de vendre leurs biens, qui tombent aux mains d'institutionnels privés – organismes financiers soutenus par la majorité – ou publics : à Paris, chez Mme Hidalgo et vos amis – j'en sais quelque chose –, l'objectif de logement social s'élève à 30 %.
J'essaie de vous décrire la réalité de ma circonscription et, plus largement, celle du Languedoc. Je ne comprends pas pourquoi vous refusez de la prendre en compte. Vous pouvez accepter le fait que les territoires sont différents. Je connais les problèmes des territoires plus riches que le mien, je sais que des gens dont le pouvoir d'achat immobilier est élevé passent devant les résidents locaux en achetant des habitations pour une fortune. Certes, c'est scandaleux, mais vous ne pouvez pas pénaliser tous les territoires sous prétexte qu'il existe des micromarchés immobiliers exposés à une honteuse spéculation. C'est ce que nous dénonçons.
Vous vous y connaissez, vous étiez conseiller en investissement immobilier !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 15
Contre 84
L'amendement n° 53 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marina Ferrari, pour soutenir l'amendement n° 115 .
Le texte adopté en commission maintient un abattement fiscal avantageux dans les zones rurales – c'est-à-dire peu denses au sens de l'Insee – et dans les stations de montagne ou d'alpinisme. Or cette dernière catégorie ne correspond plus à aucune réalité, puisque le classement a été abrogé en 2008.
Cet amendement vise donc à reconnaître une spécificité territoriale pour les meublés de tourisme dans les stations classées de tourisme et les communes touristiques. Mon collègue Vigier l'a expliqué il y a un instant : pour être classées stations de tourisme, les communes doivent justifier du fait que 70 % de leur parc d'hébergement de tourisme est lui-même classé. Or les meublés classés de tourisme constituent une part très importante de ce parc.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, nous commençons à avoir des chiffres. Tout arrive ! La grande majorité des logements proposés par l'intermédiaire de plateformes, ceux qui nous posent problème, bénéficient d'un abattement de 50 % : ils représentent de 600 000 foyers, contre 98 500 pour les meublés classés, ceux dont l'abattement atteint 71 %. Or ces derniers appartiennent à des personnes qui ont investi dans leur outil de travail, souvent accompagnées en cela par les collectivités, lesquelles ont besoin de disposer d'un parc d'hébergement de qualité, soumis à des normes de classement qui sont de plus en plus exigeantes et que nous comptons encore renforcer. J'entends souvent dire qu'il est facile de se faire classer, mais 88 % du parc des meublés classés de tourisme a obtenu deux étoiles ou plus. Le classement à une étoile, facilement accessible, n'est donc que très minoritaire. C'est la raison pour laquelle je propose de sanctuariser pour le moment les stations classées de tourisme et les communes touristiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir le sous-amendement n° 137 .
Je partage les propos de ma collègue Marina Ferrari. Ce sous-amendement de précision vise à ce que l'ensemble des communes touristiques érigées en stations classées de tourisme puissent continuer à bénéficier du cadre fiscal lié au régime micro-BIC. Cette précision permettrait de mieux définir les communes retenues à ce titre.
Nous reprenons le débat entamé tout à l'heure à propos du classement en communes de tourisme. Si l'on maintient ce régime d'abattement de 71 %, nous craignons un appel d'air qui pousserait toutes les communes à se classer. Or beaucoup de communes classées se trouvent en zone tendue et déplorent elles-mêmes l'effet de masse en faveur du logement de tourisme. Je comprends parfaitement que des communes aient besoin d'un classement, mais certaines – Ajaccio, Annecy, Avignon, Carpentras, Orange, Bayonne, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Bordeaux, Caen, Grenoble, etc. – nous ont justement sollicités pour réguler la fiscalité des meublés de tourisme. C'est pourquoi l'idée d'un moratoire, que je vous ai proposée, me semble un bon compromis, sans pour autant conserver l'abattement de 71 % pour les meublés classés. Avis défavorable.
Sagesse.
Vous n'avez pas répondu à ma question : pourquoi avez-vous retenu un classement qui n'existe plus depuis 2008 ? Comptez-vous sur un décret pour dresser la liste des communes concernées ? Je soutiens donc les propos de Mme Ferrari et de M. Rolland : adoptez le classement de stations de tourisme !
Vous allez faire votre liste de courses, inscrire telle ou telle commune selon vos souhaits : cela ne marche pas, conservez donc l'existant !
J'ai pu discuter ce week-end avec un habitant du bassin aixois. Il m'a décrit la prolifération de logements de tourisme dans la circonscription de Mme Ferrari : les habitants ne peuvent plus se loger. Vous devez l'entendre, même si je comprends que vous défendiez un certain cadre professionnel – pour l'exprimer ainsi : plus il y a de meublés touristiques, classés ou non, moins il y a de logements pérennes. Si, encore, ce n'était valable que dans quelques territoires, mais c'est vrai partout !
De plus, vous ne m'avez toujours pas convaincu, ni en commission ni en séance publique. Nous sommes prêts à discuter de la part de logements classés nécessaire pour obtenir le classement en station de tourisme, mais pourquoi faudrait-il que les propriétaires qui mettent en location des meublés touristiques classés ne paient pas d'impôt ? Vous m'avez perdu, je ne comprends pas ! Les locataires paient des impôts, les propriétaires également – même s'ils bénéficieraient désormais d'un abattement moins favorable. Pourquoi voulez-vous que certains échappent à l'impôt ? Vous ne répondez pas à cette question, alors qu'il y va de la justice et de l'équité fiscale.
Je vous invite, monsieur Bayou, à venir constater la situation à Aix-les-Bains. Je vous recevrai avec grand plaisir, cher collègue. Vous verrez que s'il y a une prolifération des meublés non classés, le parc de meublés classés est stable. L'association regroupant les propriétaires de meublés aixois concerne essentiellement des meublés classés et travaille en lien avec notre office de tourisme.
Cet amendement ne vise pas que les zones rurales ou les stations de ski. Les stations thermales peuvent être concernées – c'est le cas d'Aix-les-Bains – ainsi que certaines stations du littoral. Des maires me disent qu'il faut lutter contre l'attrition du logement permanent et les plateformes, mais aussi qu'ils ont besoin de conserver un parc de logements touristiques classés pour accueillir correctement les touristes. Le classement en station classée de tourisme concerne aujourd'hui 498 communes, dont la moitié se trouvent, c'est vrai, en zone tendue. Il faut prendre en considération leur situation particulière.
Par ailleurs, les dispositions que contiennent les premiers articles du texte, notamment celles relatives aux changements d'usage, permettront aux maires de contrôler l'évolution du parc. Quand on me parle d'incitation au classement, je vous rappelle que classer un meublé de tourisme est une démarche qui prend du temps. De plus, si nous renforçons les critères d'exigence, nous contrôlerons encore davantage ce marché.
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante.
La séance est reprise.
Nous en venons au vote du sous-amendement n° 137 .
Le sous-amendement n° 137 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 34
Contre 53
L'amendement n° 115 n'est pas adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 74
Contre 15
L'article 3 est adopté.
Je vous informe que je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés de deux demandes de scrutin public, la première sur l'amendement n° 79 et la seconde sur l'article 4.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
M. Frédéric Falcon est inscrit sur l'article 4.
L'article 4, introduit dans le texte à l'initiative du groupe Socialistes, vise à supprimer la déduction des amortissements dans l'imposition des revenus tirés des logements destinés à la location meublée non professionnelle pour les contribuables soumis au régime réel simplifié. À l'heure actuelle, les loueurs de meublés peuvent déduire de leurs revenus imposables les amortissements du bien loué, lors de leur déclaration fiscale annuelle sans devoir les réintégrer dans le calcul des plus-values de la cession au titre de l'impôt sur le revenu.
Permettez-moi de rappeler à la majorité et à la NUPES, décidément droguée aux impôts et aux taxes – taxer les Français devient chez vous une pathologie obsessionnelle ! –…
Quels services publics, quelles allocations supprimerez-vous si vous ne les financez pas ?
…que cette déductibilité s'explique par la perte de valeur du bien qui se dégrade au fil des ans, dégradation accentuée dans le cadre de la location saisonnière en raison de la fréquentation élevée du logement concerné.
Une fois de plus, vous proposez aux Français une punition collective. Au nom de la lutte contre les excès de la location saisonnière générée par les plateformes numériques auxquelles vous refusez de vous attaquer et qui, rappelons-le, ne paient toujours pas leurs impôts en France, ce qui est un scandale – vous épargnez Airbnb comme toutes les autres –, vous décidez d'augmenter du jour au lendemain la fiscalité de tous les Français.
Le Gouvernement trouve ainsi dans la gauche, qui honnit depuis toujours les petits propriétaires, un précieux allié pour accroître la fiscalité immobilière. Cette alliance de la majorité et de la NUPES n'a pas compris que la France, pays le plus taxé au monde, afin de financer des services publics en voie d'effondrement, ne peut plus continuer dans cette voie. Votre manque cruel d'imagination ne propose comme seul remède aux Français qu'une hausse de la fiscalité des petits propriétaires. Ce faisant, vous déstabiliserez des modèles économiques entiers et des équilibres, dans un secteur immobilier qui projette des investissements sur des années, voire des décennies, et qui a besoin d'une stabilité fiscale et réglementaire.
Sachez, chers collègues, que l'immobilier n'est pas seulement un actif que vous adorez taxer, mais qu'il constitue aussi une industrie qui crée des emplois et de la richesse. Les professionnels de ce secteur d'activité, qui ne pèse pas moins 11 % du PIB, représente 2,3 millions d'emplois mais se trouve en grande difficulté, seront ravis de cette nouvelle disposition qui enfonce le clou dans leur cercueil !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
S'agissant, de nouveau, d'un article à visée fiscale, mieux vaut attendre, comme je l'ai expliqué précédemment, les conclusions de la mission qui nous a été confiée et qui se prononcera également sur la question des plus-values. Vous estimez que la réintégration de l'amortissement dans le calcul de la plus-value serait une mesure de justice fiscale. Toutefois, sans étude d'impact, nous ne savons pas, par exemple, ce qu'il adviendra des propriétaires qui viennent de procéder à de lourds investissements.
De la même manière, vous risquez de remettre en cause certains modèles, tels que l'investissement locatif meublé de longue durée dans les résidences étudiantes, les résidences seniors et les résidences gérées de tourisme, investissement pour lequel la déduction constitue un avantage susceptible de constituer un soutien.
Je vous invite donc à faire preuve de sagesse et à attendre les conclusions de notre mission.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement n° 79 , qui tend à supprimer l'article 4.
Pour la même raison que celle évoquée à l'article 3 et comme vient de l'expliquer Mme Ferrari, attendons le rapport de la mission confiée à nos deux collègues avant de tirer des conclusions en matière de fiscalité.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 17
Contre 77
L'amendement n° 79 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 79
Contre 16
L'article 4 est adopté.
L'article 5, introduit dans le texte à la suite de l'adoption par la commission des affaires économiques d'un amendement de M. Peu, dont je salue l'engagement sur le sujet, comporte deux mesures bienvenues.
Il dispose d'abord que le syndic est obligatoirement informé lorsqu'un lot de copropriété fait l'objet de la déclaration prévue à l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, procédure elle-même renforcée à l'article 1er A de la proposition de loi. Ensuite, le syndic est alors tenu d'organiser un point d'information sur les meublés de tourisme à la prochaine assemblée générale de copropriété. Ces mesures, qui permettent de mieux associer les copropriétés à des évolutions qui les concernent, sont salutaires.
Toutefois, l'article prévoit également, dans sa dernière phrase, que le syndic procède à l'affichage dans les parties communes de la copropriété, d'une information concernant les meublés de tourisme ayant fait l'objet d'une déclaration préalable. Comme la procédure de déclaration préalable concerne notamment les particuliers qui mettent quelques jours en location leur résidence principale, nous considérons qu'une telle information pourrait, dans certains cas, être constitutive d'une atteinte à la vie privée. Je vous laisse imaginer les conséquences d'un tel affichage. Nous demandons donc la suppression de la dernière phrase de l'alinéa 2.
Nous avons le sentiment que cela va dans le bon sens. La suppression de la dernière phrase de l'article permet d'alléger le dispositif sans le dénaturer. Avis favorable.
L'amendement n° 71 est adopté.
L'article 5, amendé, est adopté.
Sur les amendements n° 36 et 35 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Florence Goulet, pour soutenir l'amendement n° 37 portant article additionnel après l'article 5.
La présente proposition de loi fait reposer entièrement sur les maires la charge de son application. À mesure que l'État retire des moyens financiers et des compétences aux communes, il tend à leur imposer de nouvelles obligations, à tel point que nous nous demandons si le maire, désormais considéré comme un agent décentralisé des services publics, ne serait pas devenu la variable d'ajustement à toute épreuve des manquements de l'État.
Au-delà des questions de principe, cette situation soulève des interrogations quant aux moyens humains et matériels – les maires sont déjà confrontés à la complexité ainsi qu'à l'inflation administrative des normes et de la réglementation. Cet amendement vise à évaluer l'impact sur la gestion communale des missions qui sont confiées par l'État aux élus locaux au gré des textes législatifs et de leur application.
Le Rassemblement national n'a pas compris ce texte, il n'a vraiment pas travaillé la question et, dans tous les cas, il n'a pas suivi les discussions
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Ce texte répond à la demande des élus locaux, en particulier des maires, de disposer d'outils appropriés pour réguler et réglementer le marché locatif au plus près de leurs territoires. En effet, vous l'avez souligné, la situation du logement n'est pas la même sur la côte atlantique ou méditerranéenne et dans les métropoles. Avec cette proposition de loi, les maires pourront agir concrètement et rapidement.
Aujourd'hui, la charge pèse sur les maires, qui doivent recruter des juristes pour établir une réglementation, faire face à des appels et aller en justice : c'est l'absence de règles qui coûte de l'argent au contribuable et aux collectivités. Depuis le mois de décembre, vous dites tout et son contraire – on n'y comprend plus rien. Contrairement à vous, nous sommes aux côtés des élus locaux. Avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.
Vous ne pouvez pas souhaiter une chose et son contraire .
Protestations sur les bancs du groupe RN
Soit vous considérez qu'il est nécessaire de renforcer le pouvoir des maires et de leur laisser une latitude, soit vous considérez que l'on ajoute une mission aux maires et que celle-ci sera évaluée par un rapport. Les maires demandent à disposer d'un pouvoir d'agir pour tenir compte des disparités, qui font que les points de crispation ne sont pas les mêmes dans le Pays basque ou sur le littoral que sur d'autres portions du territoire. Prévoir un rapport sur les aspects négatifs d'une démarche d'augmentation du pouvoir des élus locaux, cela contredit la philosophie globale de la proposition de loi qui consiste à faire confiance aux maires et à leur donner davantage de moyens pour réguler le marché locatif. Avis défavorable.
L'amendement n° 37 n'est pas adopté.
L'amendement demande la remise d'un rapport visant à évaluer l'effet de l'extension de l'obligation d'un DPE à la location saisonnière par l'article 160 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience, dite loi « climat et résilience », sur l'offre locative. Nous avons de sérieux doutes. Vous le savez, nous contestons la fiabilité de ces diagnostics remis en cause par différents rapports. Il faut évaluer les conséquences du renforcement des contraintes énergétiques sur la location longue durée.
Je me contenterai de rappeler le fonctionnement de l'Assemblée nationale, en particulier celui des commissions qui évaluent l'ensemble des lois adoptées. La commission des affaires économiques, présidée par M. Kasbarian, fait régulièrement ce travail. Une évaluation de la loi « climat et résilience » de 2021 est prévue, trois ans après sa mise en œuvre. Nous étudierons donc son impact et nous rédigerons le rapport que vous appelez de vos vœux. Ce que vous demandez est déjà prévu. Avis défavorable.
C'est exactement le même que celui de la commission.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 100
Nombre de suffrages exprimés 100
Majorité absolue 51
Pour l'adoption 19
Contre 81
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Florence Goulet, pour soutenir l'amendement n° 36 .
Il s'agit par cet amendement de demander un rapport sur les moyens de faciliter l'obtention des aides à la rénovation énergétique par les propriétaires.
Les obligations posées par la loi « climat et résilience » en matière de performance énergétique des logements mettent fortement les propriétaires à contribution. Elles s'ajoutent à toutes celles qui pèsent déjà sur ces derniers, ce qui dissuade beaucoup d'entre eux de louer leur logement à l'année ou d'investir dans un logement locatif. C'est l'une des causes de la crise du logement que la proposition de loi prétend résoudre. Les locations constituent souvent pour les propriétaires un complément de revenu et le seul moyen de financer leurs charges. Afin d'éviter une crise de la location touristique qui viendrait s'ajouter à la crise de la location longue durée, il serait plus cohérent de simplifier et de faciliter l'obtention des aides, plutôt que de la compliquer.
Je suis opposée à un tel rapport. Je suis par ailleurs étonnée que le groupe Rassemblement national, qui clame à tout va son attachement au nucléaire et à la souveraineté énergétique, souhaite par cet amendement avancer « en maintenant et en encourageant le chauffage au gaz » selon les termes mêmes de l'amendement. Ce n'est pas du tout cohérent avec l'objectif de réduction du recours aux énergies fossiles !
Ce n'est donc pas tant la proposition d'un rapport qui me pose un problème mais son contenu qui s'oppose à ce pour quoi nous luttons tous. Avis défavorable.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 100
Majorité absolue 51
Pour l'adoption 18
Contre 82
L'amendement n° 36 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement un rapport sur le libre accès des entreprises au marché de la rénovation énergétique. L'octroi d'aides financières à la rénovation énergétique telles que MaPrimeRénov' ou le certificat d'économie d'énergie (CEE) a donné et donne encore lieu à de multiples difficultés, en raison du flou et des imprécisions qui entourent les critères et les méthodes à suivre, tant pour l'évaluation des besoins que pour l'exécution des travaux. Cette situation est préjudiciable pour les entreprises de toutes tailles et les particuliers.
Défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 103
Nombre de suffrages exprimés 102
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 18
Contre 84
L'amendement n° 35 n'est pas adopté.
Alors que le DPE a fait l'objet de nombreuses interrogations qui ont conduit à des évolutions de son contenu, les rapporteurs souhaitent étendre l'obligation des diagnostics aux locations touristiques. Nous proposons un rapport sur l'opportunité de soumettre la mise en location des meublés de tourisme situés en zone tendue à la présentation d'un DPE.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 74 .
Comme l'a souligné M. Rolland, le DPE est devenu un outil central de la politique de rénovation, de l'estimation du prix de vente et de la négociation immobilière. Alors que sa fiabilité est remise en question– ce que le Gouvernement lui-même a reconnu en définissant au printemps 2023 une feuille de route pour renforcer les compétences des diagnostiqueurs –, il est étonnant de vouloir y soumettre dès aujourd'hui d'autres catégories de logements.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission. Avis défavorable pour les deux amendements.
Même avis. Madame Ménard, depuis le printemps dernier, le DPE a été fiabilisé. Dans les semaines qui viennent, les règles relatives aux petites surfaces, pour lesquelles certaines incohérences subsistent, seront clarifiées. Néanmoins, des dispositifs d'homogénéisation sont nécessaires afin d'éviter qu'un type de location chasse l'autre. En favorisant un type de location, on risquerait de désorganiser le marché.
Je ne suis pas favorable aux rapports de manière générale. J'appelle l'attention du Gouvernement sur le stock de meublés : nous attendons une réponse sur la question du changement d'usage et de l'application du DPE, puisqu'il semble que le calendrier serait resserré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 107
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 23
Contre 84
L'amendement n° 17 n'est pas adopté.
L'amendement n° 74 n'est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l'amendement n° 6 relatif au titre du texte.
La présente proposition de loi n'apporte aucune réponse réelle à la crise du marché locatif en France, malgré ce qu'elle prétend : il s'agit surtout d'une loi d'affichage qui vise à lutter contre les excès de la location touristique saisonnière. Vous laissez totalement de côté les effets délétères des contraintes énergétiques que vous souhaitez étendre à la location saisonnière, tout comme ceux de la hausse de la fiscalité que vous préparez.
Nous proposons un titre qui reflète mieux la réalité des ambitions d'une proposition de loi « visant à contraindre les locations de meublés de tourisme en zones tendues ». La Macronie aime donner des titres flatteurs à ses propositions de loi, mais dans le contexte d'inflation législative que nous connaissons, il faut savoir raison garder.
Même avis.
L'amendement n° 6 n'est pas adopté.
Nos débats en deux parties – en 2023 puis en 2024 – auront été révélateurs à plusieurs égards. Ils auront d'abord montré comment le Rassemblement national entend lutter contre les problèmes concrets auxquels sont confrontés nos concitoyens.
Rappelons que vous avez refusé d'adopter un dispositif permettant aux maires d'avoir une meilleure visibilité sur le nombre de meublés de tourisme, ce qui peut leur être particulièrement utile en cas d'attrition durable des logements dans leur commune. Vous avez voté contre ce dispositif et vous nous avez même accusés de tous les maux.
De manière générale, cette proposition de loi accorde des pouvoirs supplémentaires aux élus locaux, comme ils l'ont demandé à travers des démarches individuelles ou collectives, portées par l'ensemble des associations d'élus locaux.
Par des ratiocinations et des argumentations nébuleuses, vous vous êtes opposés à ces dispositions, nous expliquant qu'elles étaient contraires aux droits fondamentaux des petits propriétaires, ceux-là mêmes que nous voulons aider à louer leurs biens sur la longue durée et non plus de manière saisonnière car cela tue nos centres-villes et nos centres-bourgs.
Enfin, lorsque nous avons abordé le régime fiscal des meublés, vous avez fait demi-tour alors que cette mesure aurait dû susciter votre adhésion, vous qui vous faites les chantres de la justice sociale et fiscale. Selon vous, dans les centres-villes, il serait donc normal de soutenir les locations intermittentes plutôt que le logement permanent et donc de taxer ce dernier davantage ? Quelle erreur ! Quelle inconséquence !
Grâce à l'énergie et à l'esprit transpartisan des deux rapporteurs, que je veux saluer, grâce aussi à la rigueur du président de la commission des affaires économiques, …
… nous sommes parvenus à un compromis sur cette proposition de loi conçue avec les élus locaux. Il s'agit non pas de servir un groupe ou un clan mais d'aller au-delà des affichages politiciens et de contribuer à la lutte contre la crise du logement, pour le bien de nos concitoyens. Certes, nous ne répondons pas ici à tous les enjeux – nous n'avons jamais eu de telles prétentions –…
… mais nous nous efforçons, avec humilité et modestie, de lutter pied à pied pour régler les problèmes quotidiens de nos concitoyens. C'est cela qu'ils attendent de nous, loin de vos postures et de vos impostures.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.– M. le président de la commission et Mme la rapporteure applaudissent également.– Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Cette proposition de loi est une diversion. Elle vise à entretenir l'illusion que le Gouvernement agit contre la crise du logement qu'il a lui-même fabriquée.
Vous prétendez remédier aux déséquilibres du marché locatif alors que vous organisez la pénurie avec cette interdiction de louer des logements dont l'étiquette de DPE est G, F ou D. Les professionnels de l'immobilier sont unanimes pour dénoncer les effets désastreux de cette mesure. Elle entraîne un retrait massif des logements disponibles à la location, ce qui accroît chaque jour le stock de logements vacants dans notre pays, dont le nombre atteint actuellement 3 millions.
Vous prétendez remédier aux déséquilibres du marché locatif alors que la France d'Emmanuel Macron ne construit plus. La production de logements neufs s'effondre au niveau historiquement bas du début des années 1990. Permettez-moi de vous rappeler que la France compte 12 millions d'habitants de plus qu'à cette époque et qu'elle doit absorber un flux migratoire de 400 000 personnes par an – l'équivalent de la ville de Nice –, qu'il faut bien loger.
La location saisonnière ne peut à elle seule expliquer les déséquilibres du marché locatif dans les zones les plus tendues : c'est Emmanuel Macron qui en est le premier responsable. Allez-vous expliquer aux Français que vous comptez lutter contre la crise du logement en augmentant la fiscalité sur l'immobilier ? Je pense en particulier aux petits propriétaires qui ont recours de façon marginale à cette activité de location saisonnière pour faire face à l'augmentation des charges, des factures d'énergie ou de la taxe foncière. Dans le même temps, vous refusez honteusement d'appliquer de nouvelles taxes aux grandes plateformes du numérique qui, comme Airbnb, sont domiciliées fiscalement à l'étranger et contournent notre droit et notre réglementation fiscale. C'est sans doute le plus grand scandale de cette proposition de loi !
Nous refusons cette sclérose intellectuelle technocratique macroniste qui ne jure que par l'inflation des normes et l'écologie punitive pour justifier de nouvelles hausses d'impôts. Nous proposerons en 2027, lors de l'alternance,…
… une politique de rupture mettant l'aménagement du territoire et le logement au cœur de notre projet de gouvernement.
La décennie Macron sera une décennie perdue pour la politique du logement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Un grand auteur, Booba, disait : « Si je traîne en bas de chez toi, je fais chuter le prix de l'immobilier ».
Sourires sur divers bancs.
Eh bien, Airbnb, c'est plutôt l'inverse : s'il traîne en bas de chez vous, il fait grimper le prix des loyers. En plus de cela, avec ses plateformes sœurs, il accapare des logements par milliers pour des locations de courte durée, alimentant la pénurie de logements abordables. Est-il normal qu'une personne louant son bien sur Airbnb se voit appliquer un abattement fiscal de 71 % tout en faisant 176 000 euros de bénéfices ? Est-il normal que dans une ville comme Saint-Malo, 30 % des logements du centre-ville soient accaparés par Airbnb ? Est-il normal que des Bretons, des Basques, des habitants des villes en tension ne puissent vivre chez eux ?
Est-il normal qu'à Paris, un studio rapporte trois fois plus s'il est loué pour une courte durée plutôt que pour une longue durée ?
La réponse de bon sens est : non, ce n'est pas normal. C'est pourquoi cette proposition de loi constitue une avancée : elle remet de l'ordre dans la pagaille actuelle. Merci à Inaki Echaniz et à Annaïg Le Meur pour leur contribution !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Au fond, collègues, nos débats nous ont amenés à nous interroger : de quoi Airbnb est-il le nom ? Sans nul doute, d'une accélération de la marchandisation du logement, c'est-à-dire d'un processus de dénaturation de sa fonction première : il ne s'agit plus d'y vivre mais d'en faire un objet de spéculation en jouant sur son prix, quitte à le rendre difficilement accessible pour une grande partie de la population. Airbnb est l'un des avatars classiques du capitalisme.
Tout part d'une idée simple et de bon sens : pourquoi ne pas louer mon appartement à des personnes de passage dans ma région comme il m'arrive moi-même de louer une habitation quand je me déplace ? Nous le savons, il se trouve toujours un petit malin pour se dire qu'il y a sûrement de l'argent à se faire et ce qui était au départ une idée sympathique devient une entreprise aux effets pervers, piégeant les habitants des communes prisées du tourisme de masse.
Bien sûr, tous les gens qui mettent leur logement en location sur une plateforme ne sont pas des profiteurs : ils cherchent simplement à obtenir un complément de revenu, ce qui peut se comprendre. Toutefois, il faut voir dans ce phénomène les effets indirects des bas salaires, des pensions de retraite précaires, de l'inflation.
M. René Pilato applaudit.
Prenons le cas de Camille à Toulouse : elle m'expliquait que, comme son loyer était trop cher, elle avait décidé de mettre son appartement en location sur la plateforme dix jours par mois, durant lesquels elle se débrouillait pour loger chez une amie ou dans sa famille. Résultat, comme sa ville, elle n'est chez elle que les deux tiers du temps. Airbnb s'attaque donc non seulement au droit au logement mais aussi au droit à la ville. Il décivilise les villes en en faisant le terrain de jeu de certains multipropriétaires qui sont à l'origine des crampes d'estomac du plus grand nombre.
Cet état de fait ne semble pas émouvoir le Rassemblement national qui, au cours de l'examen de cette proposition de loi, aura fusionné avec l'entreprise américaine au point de mériter son surnom de « RNbnb ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC.– Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Lui qui est toujours si prompt à parler de décivilisation et d'ensauvagement, il se refuse à adopter cette proposition de loi qui assure plus d'équité et remet de l'ordre face au capitalisme sauvage. Ses députés préfèrent visiblement protéger les intérêts d'une grande société financière californienne qui contribue au mal-logement de millions de nos concitoyens. On savait que vous pompiez l'argent du Parlement européen pour le mettre dans vos poches, on a constaté récemment que vous aviez voté l'augmentation de 300 euros de l'avance de frais de mandat avec la Macronie, alors que tout le monde a du mal à boucler ses fins de mois,….
Exclamations continues sur les bancs du groupe RN
dont les bénéfices ont été multipliés par cinq en dix ans.
Dites-nous, collègues du RN, combien vous avez pris pour les défendre ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les décennies passent mais vous êtes toujours les vendus des financiers et des puissances étrangères.
Vous êtes les vampires du peuple français : vous buvez son sang en remplissant vos coffres.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
La voilà, la décivilisation, elle est là devant nous. Quand vous ne vous moquez pas des agriculteurs qui se suicident, vous faites les poches des gens qui vivent dans des zones touristiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et tout cela, alors même que 14 millions de nos concitoyens sont confrontés à des difficultés pour se loger et que les prix de l'électricité vont augmenter de 10 %. Chacun appréciera !
Pour notre part, en conscience, nous voterons en faveur de ce texte. Certes, il faut aller plus loin, mais cette proposition de loi va enfin dans le sens d'une régulation et en finit avec le laxisme et l'angélisme dont les bénéficiaires comptent parmi les plus grands fauteurs de troubles du pays, je veux parler des spéculateurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC.
Les Républicains, même s'ils reconnaissent que la discussion de cette proposition de loi a donné lieu à des échanges de qualité, regrettent que leurs amendements aient été systématiquement rejetés.
Vous êtes tellement mobilisés : vous n'êtes que trois dans l'hémicycle !
Nous avons pourtant fait preuve de pragmatisme et de bon sens, qu'il s'agisse du calendrier des obligations concernant le DPE ou des dispositions fiscales. Celles-ci nous paraissent inadaptées aux attentes des communes touristiques et des petits propriétaires.
Pour appliquer l'abattement fiscal, vous vous fondez sur un classement qui n'existe plus : depuis 2008, il n'y a en effet plus de liste des communes classées stations de sports d'hiver et d'alpinisme.
Par ailleurs, comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises et comme le rapporteur général vous l'a lui-même indiqué, il aurait plus pertinent d'attendre les conclusions du rapport de nos collègues en mission sur la fiscalité locative.
Le texte, même s'il remédie à certaines fragilités juridiques, repose sur une approche très limitée du problème du logement. Non seulement, il ne permettra pas de créer du logement permanent mais, pire, il portera atteinte à l'activité touristique, secteur économique indispensable à l'emploi et à l'économie dans de nombreux territoires, notamment en montagne.
De manière générale, il appartient au Gouvernement d'apporter des solutions structurelles à la crise du logement en relançant la construction et surtout en réhabilitant les logements vacants. Nous devons agir par des mesures viables sans renoncer à aucune de nos exigences en matière de développement durable, de justice sociale et d'attractivité touristique des territoires.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre ce texte.
Enfin, nous y sommes ! Nous arrivons au terme des débats sur cette proposition de loi transpartisane attendue par de nombreux élus et acteurs du logement partout en France mais surtout par toutes celles et tous ceux qui peinent à trouver un logement, par toutes celles et tous ceux qui, même s'ils travaillent, sont obligés soit de camper, soit de dormir dans leur voiture, situation qui n'était plus acceptable.
Je veux saluer nos deux rapporteurs : grâce à leur excellente collaboration et à la qualité de leur travail, ils ont su doter ce texte d'une ambition réelle tout en maintenant la possibilité du soutien transpartisan le plus large. Cette proposition de loi offre de vrais leviers aux maires et sécurise leurs actions en leur donnant de nouveaux outils qui les aideront à mieux défendre l'habitat de longue durée.
L'abandon de la logique désuète de zonage et la possibilité de mettre en œuvre une servitude dans les PLU afin d'imposer la création exclusive de résidences principales dans le neuf sont des mesures fortes qui permettront aux élus d'être mieux armés dans les zones en tension.
Cette boîte à outils n'aurait toutefois pas eu de réelle efficacité sans une impulsion puissante au niveau national. Je me félicite donc de l'adoption de l'article 3 qui met fin à la niche fiscale dont bénéficiaient jusqu'à présent les meublés de tourisme.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Que la rentabilité de ce type de location soit bien supérieure aux biens loués sur la longue durée était incompréhensible alors que nos concitoyens ont de plus en plus de mal à se loger et que le marché du neuf est en profonde crise, et ce pour plusieurs années encore. Il n'était plus concevable d'encourager ainsi la marchandisation du logement et la spéculation immobilière.
Chers collègues, le logement n'est pas une marchandise comme une autre, c'est un bien de première nécessité qui n'est pas une ressource illimitée comme nos débats sur l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) ont pu le démontrer.
M. Frédéric Maillot applaudit.
Certes, la suppression d'une niche fiscale ne conduira pas à résoudre la crise du logement que connaît notre pays, mais elle constitue une avancée notable qui envoie un message fort à nos concitoyens et à nos élus. Nous poursuivrons ce travail et formulerons, nous, groupe Socialistes et apparentés, d'autres propositions dans le cadre de notre niche parlementaire afin de continuer sur cette lancée.
Vous l'aurez compris, notre groupe votera pour cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.– M. Julien Bayou applaudit également.
Nous l'avons tous bien compris, cette proposition de loi ne résoudra pas la crise du logement. Toutefois, tout comme l'adoption, la semaine dernière, du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, elle apporte une brique supplémentaire à l'ouvrage.
Le texte permettra ainsi de lutter contre l'éviction des résidents permanents au profit des meublés de tourisme de courte durée et de rééquilibrer la législation en matière de performance énergétique des logements, en imposant aux logements de tourisme l'ambition qui s'applique déjà au reste du parc locatif. Il renforcera en outre les compétences des élus locaux pour qu'ils puissent conduire une véritable politique du logement, adaptée aux spécificités de leur territoire, et réglementer l'implantation des locaux à usage touristique. Il permettra également de lutter contre les nombreux abus des intermédiaires de location qui nous ont été signalés. Enfin, par son adoption, nous exprimerons notre volonté de réduire l'avantage fiscal disproportionné dont bénéficient les meublés de tourisme.
Cette proposition de loi constitue un maillon essentiel de notre action en matière de logement, c'est pourquoi le groupe Horizons et apparentés appelle l'ensemble des groupes à la soutenir pour qu'elle soit adoptée le plus largement possible, comme elle l'a été en commission des affaires économiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.
Qu'il a été long, le parcours de cette proposition de loi ! Je salue la ténacité et la patience des corapporteurs. Qu'il a été long, alors que le texte est attendu par les maires de petite commune de tous bords, par les hôteliers, par les restaurateurs et surtout par les habitants cherchant à se loger dignement.
La proposition de loi a dû survivre à l'obstruction du Front national, qui a tenté de se faire passer pour le défenseur des petits, mais dont le seul objectif – nous l'avons vu – ne consiste pas à travailler à ce que le plus grand nombre puisse se loger, mais à protéger les rentes de ceux qui spéculent sur le logement. Elle a dû survivre également aux efforts du Gouvernement qui, jusqu'au bout, a tenté de repousser l'application d'une mesure d'équité fiscale visant à raboter la niche fiscale dite Airbnb.
À cet égard, je me permets une incise : le simulateur des impôts pour l'année 2024 ne tient pas compte de l'état du droit. Le ministre du budget – de l'époque, car le poste est désormais vacant –, a dit en décembre que le rabotage de la niche fiscale n'était qu'une erreur matérielle et que le Gouvernement reviendrait dessus. Nous n'avons pour l'instant ni ministre du budget ni ministre du logement, mais si la possibilité m'était donnée de les interpeller, je leur dirais d'appliquer la loi et de modifier le simulateur des impôts en conséquence, sous peine de s'exposer à des poursuites sur le fondement de l'article 432-10 du code pénal et d'être inévitablement condamnés. Épargnons-nous un tel psychodrame : appliquez la loi, rabotez la niche fiscale et ne laissez pas croire qu'on peut, en France, se dispenser d'appliquer la loi, ou bien expliquez clairement que de toute manière, les plus riches paieront toujours moins d'impôts.
L'enjeu de la politique du logement consiste à faire du logement non un objet de spéculation, mais un lieu de résidence digne. Nous sommes encore loin du compte, mais la proposition de loi constitue un pas dans la bonne direction, aussi les députés écologistes la soutiendront-ils.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous soutenons bien sûr cette proposition de loi transpartisane, car elle constitue selon nous – je parle au nom du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, mais aussi au nom du territoire que je représente, la Corse – une avancée nécessaire bien qu'insuffisante.
Elle est nécessaire, car elle entreprend de réguler fiscalement le secteur de la location saisonnière et qu'elle donne aux collectivités des pouvoirs de régulation en matière de changement d'usage, d'application du diagnostic de performance énergétique et de quotas. Elle est toutefois insuffisante, car la question de la spéculation foncière et immobilière – c'est bien de cela qu'il s'agit – ne saurait se résumer à la fiscalité des meublés. Accorder une importance excessive à ce point reviendrait à faire preuve de myopie, et la montagne finirait alors par accoucher d'une souris.
À l'instar des collègues de mon groupe, je suis partisan d'une forte décentralisation en la matière. Comme l'ont révélé les débats, la spéculation foncière et immobilière concerne des territoires divers, qui en subissent les mécanismes avec une intensité variable et portent sur elle des regards différents. Au-delà de la navette qui attend le texte – nous serons attentifs à ses évolutions –, il convient de continuer de débattre du transfert de compétences, car les populations et les élus doivent pouvoir prendre les décisions réglementaires, y compris fiscales, qu'ils souhaitent pour leur territoire. Je rappelle les nuances qu'a comportées notre débat relatif à la fiscalité des meublés. Pour nous, tout cela passe aussi par une autonomie de la Corse en la matière.
En ce qui concerne le flux entrant, je salue l'avancée que représentent les dispositions relatives à la servitude de résidence principale. Je note toutefois l'incompréhension juridique et politique concernant le rôle du Padduc, qu'il conviendra de solder, car ce dispositif ne peut rester inchangé étant donné les évolutions institutionnelles qui concernent la Corse ; nous verrons cela au cours de la navette.
Nous saluons également le progrès que représente l'adoption de l'article 3, relatif à l'abattement fiscal applicable aux meublés de tourisme. Cette mesure améliorera évidemment l'équité fiscale et territoriale. Toutefois, je répète que la question du zonage est essentielle, car il n'y aurait rien de pire que d'ôter, par un effet pervers de la mesure, le bénéfice de la défiscalisation à des militants des territoires qui s'investissent dans un gîte rural par amour de leur région. Il convient de prévenir ce risque objectif.
Globalement, le texte marque une avancée par son caractère transpartisan, par sa méthode et sur le fond. Nous espérons qu'il appellera d'autres lois visant à soutenir les territoires touchés par la spéculation foncière. En effet, ce phénomène fait obstacle au droit au logement et est vécu comme une spoliation par de nombreux habitants qui ont choisi leur lieu de résidence par amour du territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 100
Contre 25
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Écolo – NUPES.
Sa première origine, ce sont les citoyens qui n'arrivent plus à se loger et qui nous ont interpellés : « C'est trop cher, on n'y arrive plus. » Sa deuxième source, ce sont les entreprises qui nous ont rapporté qu'elles souhaitaient recruter, mais ne pouvaient le faire par manque de logements disponibles. Sa troisième et dernière source, ce sont les maires qui nous ont expliqué qu'ils ne parvenaient pas à réguler le développement des meublés de tourisme en raison du nombre de recours. Le texte satisfait les demandes de ces trois acteurs qui, je pense, se réjouissent de son adoption et en verront leur quotidien simplifié.
Je salue aussi une méthode transpartisane ; nous avons travaillé avec les collègues de tous les groupes pour que tous les territoires soient concernés. En compagnie du président de la commission des affaires économiques, nous avons visité divers territoires et en avons constaté les disparités.
Effectivement, le texte ne résout peut-être pas tout, mais il s'agit d'un premier pas. En tant que kinésithérapeute, je vous assure que la pire des choses est de ne rien faire. Il fallait agir !
Oui, nous avons fait preuve d'audace, nous avons osé proposer des mesures et réaliser des progrès pour nos territoires.
Je tiens à remercier mes collaborateurs parlementaires, les administrateurs de l'Assemblée nationale, mes collègues, les cabinets ministériels qui ont toujours été à nos côtés, et toutes les personnes ayant contribué à l'élaboration du texte. Nous nous dotons ainsi d'outils et de règles – les mêmes pour tous –, ainsi que d'une fiscalité plus juste.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et SOC.
Je voudrais remercier à mon tour l'ensemble des administrateurs de la commission – notamment Daniel Montin, qui nous a accompagnés pendant le long parcours du texte –, nos collaborateurs parlementaires et, surtout, l'ensemble des députés qui ont participé à ce travail. Mme Le Meur et moi avons été soutenus par des députés de divers groupes, des oppositions comme de la majorité ; je pense à Julien Bayou, à François Piquemal et à William Martinet, à Stéphane Peu, à Jean-Félix Acquaviva, à Stéphane Delautrette et à l'ensemble du groupe Socialistes et apparentés, ou encore à Antoine Armand, représentant le groupe Renaissance. Nous avons rencontré certaines difficultés avec le groupe MODEM,…
…mais nous avons pu dialoguer et aller de l'avant. Je regrette le sectarisme et l'opportunisme du Rassemblement national, mais c'est une habitude chez eux.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Je pense surtout à l'ensemble de nos concitoyens qui nous ont sollicités, qui ont cru en nous et à qui nous donnons maintenant quelque espoir de pouvoir se loger dans leur territoire. Je pense à Jean-René Etchegaray, président de la communauté d'agglomération Pays basque, aux maires de La Rochelle et de Saint-Malo et à tous les maires qui nous ont accompagnés tout au long de l'élaboration du texte, coconstruit avec les élus locaux.
Je remercie aussi et surtout l'ensemble des associations de la société civile qui se mobilisent en faveur du droit au logement, notamment l'association Alda qui, au Pays basque, vient quotidiennement en aide aux locataires en difficulté et œuvre pour l'accès à un logement digne et durable.
Le texte constitue une première pierre pour lutter contre la spéculation immobilière et en faveur de l'habitat digne et durable dans l'ensemble des territoires. Nous devrons continuer à bâtir sur cette première pierre : j'appelle de mes vœux l'arrivée prochaine d'un ministre du logement à part entière et un grand projet de loi en la matière.
Le groupe Socialistes et apparentés défendra des propositions de loi visant à l'encadrement des loyers, à lutter contre la spéculation immobilière et surtout à apaiser les relations entre propriétaires et locataires, une nécessité soulignée lors de l'examen du texte. Ainsi, lors de notre journée d'initiative parlementaire, le 29 février, nous mettrons à l'ordre du jour une proposition de loi pour louer en toute confiance, traitant de la garantie universelle des loyers, dont M. Stéphane Delautrette sera le rapporteur. J'espère que nous retrouverons à cette occasion le consensus d'aujourd'hui. Merci beaucoup et à très bientôt !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
Je salue les auteurs de la proposition de loi et le travail transpartisan qui a mené à son adoption. Je souhaite également vous faire part de trois convictions.
Premièrement, le texte était nécessaire et utile. Je pense non seulement au contexte et aux retours d'expérience qui en justifient le fond, mais aussi à la méthode qui y a présidé, fondée sur l'attention à la disparité des situations locales. C'était la bonne manière de faire : nous nous sommes concentrés sur des zones tendues qui présentent des besoins en la matière, mais il y a aussi en France des zones plus rurales ou subissant une pression moindre. Les dynamiques y sont différentes, et il importait de laisser aux élus locaux la capacité d'ajuster le dispositif à la réalité locale ; cela va dans le sens de la décentralisation que nous souhaitons.
Deuxièmement, vous avez proposé des dispositifs réglementaires en lesquels nous croyons, s'inscrivant dans la recherche d'un équilibre fiscal. Le rôle de la navette avec le Sénat sera crucial, mais nous attendons aussi le rapport Le Meur qui permettra d'étudier les moyens de parvenir à un point d'équilibre. Dans cette période, nous aurons à nous interroger sur le taux, sur la base et sur les règles à appliquer pour atteindre la solution la plus complète possible.
Enfin, le texte n'épuise évidemment pas le sujet du logement au sens large. La crise du pouvoir d'achat immobilier provoquée d'une part par la montée des taux d'intérêt, d'autre part par l'inflation du prix des travaux, accentue – pas seulement en France, mais partout en Europe – les difficultés de mise en chantier. Votre assemblée examinera notamment cette semaine une proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements, qui constitue une brique supplémentaire dans cet ouvrage. Ce n'est, bien sûr, pas la seule : le Gouvernement a des propositions à faire et, dans quelques jours ,
M. Maxime Minot s'exclame
les interlocuteurs seront plus nombreux pour vous répondre.
Cela ôtera aux oppositions l'argument facile selon lequel elles n'auraient pas d'interlocuteur ; je rappelle que le Gouvernement n'a jamais manqué au banc et a répondu à toutes vos questions. Il vous faudra trouver autre chose !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Patrick Vignal, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Pour Jean Monnet, le plus beau métier du monde est de réunir les hommes. À 2 kilomètres d'ici, un symbole national, la cathédrale Notre-Dame, est rebâti. Les pierres de ce bâtiment historique doivent à nouveau être liées entre elles, sous une charpente complexe qui a nécessité des calculs savants et d'incroyables savoir-faire humains. En quelques années, nous aurons réparé ce que nos prédécesseurs avaient mis des siècles à édifier parce que des hommes et des femmes se sont unis dans un but commun. Pierres et poutres ont retrouvé leur place, parfaitement imbriquées pour rendre hauteur, équilibre et beauté à un symbole. Madame la ministre, chers collègues, au moment où nous allons débattre de la reconnaissance des métiers de la médiation sociale, ce symbole doit nous inspirer.
Le lien social se bâtit avec soin. Cela demande des efforts, du savoir-faire, de la volonté, un équilibre. Construire avec nos mains et nos esprits n'est pas simple, encore moins quand il s'agit de bâtir des relations humaines ! Nous avons tendance à oublier que nous bâtissons la fraternité ensemble et qu'il faut sans cesse recommencer. Dans notre société, à la fois fragile et solide, où prédominent souvent les tendances au chacun pour soi ou au sauve-qui-peut, les médiatrices et les médiateurs, dont je salue la présence en tribunes, sont les artisans fondamentaux de la construction permanente de notre lien social.
Chers collègues, ce symbole doit nous inspirer. Faire société, c'est rebâtir jour après jour, avec des mots, de l'attention, de la fermeté, de la douceur, de l'écoute, des arbitrages, de la matière humaine. Celles et ceux qui pratiquent la médiation le savent bien, comme celles et ceux qui y font appel.
C'est le cas de Martine et d'Axel, dans le Gard. Martine a 75 ans. Fin 2020, elle veut retourner vivre dans sa maison, qu'elle avait louée mais qui est désormais squattée par son ancien locataire, Axel. Lui est un jeune adulte un peu perdu, incapable de payer son loyer. Il est d'accord pour partir de chez Martine mais ne veut pas se retrouver à la rue. Vous savez que les procédures judiciaires, quand elles sont lancées, durent des mois et des mois. Pour Martine et Axel, il y a urgence. Urgence à trouver une solution pour l'un, à retrouver son logement pour l'autre, à renouer le dialogue entre les deux pour calmer une énorme tension. Martine et Axel, entre lesquels j'ai pu jouer les rôles de médiateur et de tiers de confiance, avaient surtout besoin de retrouver le chemin d'une relation humaine. Ensemble, nous y sommes parvenus.
Chers collègues, durant toute ma vie d'homme et d'élu local, j'ai constaté la nécessité de la parole et de la présence d'un tiers indépendant. D'où l'importance de la conciliation et de la médiation pour régler les conflits. La médiation demeure l'un des fils les plus solides pour tisser ou retisser les liens souvent distendus d'une société vivante. Créer ou réparer ce lien se révèle d'une incroyable puissance lorsque cela est fait consciemment.
Loïc, qui n'a que 11 ans, le sait déjà. Il me l'a écrit et je le cite : « Je veux être médiateur parce que je pense que ma personnalité et mon caractère conviendraient bien à cette responsabilité. En effet, je suis serein, j'aime aider mes camarades et écouter les autres. Je reconnais facilement les émotions et je suis empathique et réfléchi. Je voudrais être médiateur pour essayer d'être impartial et de bien résoudre des problèmes. Dernière information : je veux être médiateur parce que le métier que je souhaiterais faire est secrétaire général des Nations unies, comme l'ont été Kofi Annan ou Boutros Boutros-Ghali. » Quel beau message envoie cet écolier aux élus et à notre hémicycle parfois légèrement houleux et dissipé !
Loïc nous rappelle comment faire société et résoudre les problèmes, avec de l'écoute, de l'empathie, de l'expérience et de l'impartialité. Comme Martine, Axel, Loïc et tous les autres le savent, la médiation doit trouver sa place partout : dans les cours d'école, au bas des immeubles, en famille, au travail, sur les terrains de sport et dans l'espace public.
La médiation nous aide à bâtir plus solidement la société et, finalement, à faire nation ensemble. La mission parlementaire que m'avait confiée le Premier ministre Jean Castex m'a permis de sillonner la France pendant six mois pour rencontrer le monde de la médiation – associations et médiateurs – et pour auditionner des représentants des collectivités locales, des services de police, de gendarmerie ou de police municipale. Le questionnaire que nous avons envoyé à toutes les municipalités, avec un taux de retour supérieur à 50 %, nous a confortés dans l'idée que la médiation sociale est devenue un outil indispensable dans les communes.
Ce travail souvent invisible, qui demande tout à la fois finesse, respect, indépendance, professionnalisme et humanité, doit enfin devenir visible. La médiation sociale, madame la ministre et chers collègues, ne dispose pas à ce jour d'un statut pleinement reconnu. Lui en donner un est le premier objectif de cette proposition de loi. Cela constituerait une étape fondamentale pour le secteur de la médiation sociale en France.
Chers collègues, cette loi vient du terrain, de dizaines de villes, communautés de communes, agglomérations, départements, régions, bailleurs sociaux, transporteurs et associations, de milliers de médiatrices et de médiateurs qui, chaque jour, font un travail énorme auprès de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
La médiation ne règle certes pas tous les problèmes de la société. Son importance est néanmoins capitale, comme celle d'autres professions déjà reconnues, pour éviter que la police et la justice n'aient à agir. La médiation est au cœur du tissu social de notre nation. La reconnaissance de sa place est cruciale, comme celle de l'importance de son travail sur l'humain et celle de sa capacité à œuvrer pour le vivre-ensemble dans la compréhension mutuelle, le respect et l'harmonie.
La médiation sociale se définit comme un processus visant à créer ou à réparer le lien social ainsi qu'à résoudre les conflits de la vie quotidienne. Les hommes et les femmes la pratiquent depuis toujours sous l'arbre à palabres. En ces temps de crises multiples où les tensions et les fractures sociales se font plus aiguës – on le voit bien en ce moment – et où règnent le chacun pour soi et le sauve-qui-peut, le rôle du médiateur social est plus que jamais crucial.
L'avancée significative que représente cette proposition de loi est donc très attendue par les 12 000 médiatrices et médiateurs du pays. La rendant visible, elle donne de solides fondations à toute une filière professionnelle indispensable qui nous aide à passer des visages que l'on dévisage à des visages que l'on envisage.
MM. Charles Fournier et Frédéric Maillot applaudissent.
Pour conclure, je veux m'adresser aux médiatrices et aux médiateurs sociaux qui nous ont bien accueillis partout en France. Je sais que vous êtes nombreuses et nombreux à suivre ce débat, à distance ou dans les tribunes, où je vois vos sourires. Alors je veux vous dire que vous êtes les artisans fondamentaux de la construction permanente de notre lien social, les gardiens et les bâtisseurs de la cohésion de notre pays et que je vous en remercie.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Le ministère du travail, de la santé et des solidarités est avant tout celui des métiers du quotidien, du soin et de la cohésion sociale. Tous les professionnels de ces secteurs ont pour point commun d'avoir fait le choix de l'humain. Je serai toujours à leurs côtés pour qu'ils aient plus de reconnaissance, plus de valorisation et une évolution favorable de leurs conditions de travail.
Au moment où nous commençons la discussion de la proposition de loi de M. Patrick Vignal, que je remercie pour son engagement, je veux, comme lui, saluer les actrices et les acteurs de la médiation. Ils sont en effet au cœur de l'aller vers, un thème que nous évoquons souvent. Eux peuvent en parler, puisqu'ils s'engagent pour renforcer le lien social, construire une société plus harmonieuse, permettre à chacun de connaître ses devoirs et ses droits.
En 2002, dans son discours de Troyes, le président Chirac avait eu ces phrases : « La force d'une nation réside dans sa cohésion. […] Son moteur, c'est l'égalité des chances. » Dans une certaine mesure, mesdames et messieurs les actrices et les acteurs de la cohésion sociale, vous êtes les vecteurs de cette égalité des chances. En effet, la médiation sociale contribue à cet objectif. Élue locale dans une ville qui compte sept quartiers prioritaires de la politique de la ville, je mesure l'engagement des adultes relais, des bataillons de la prévention, des éducateurs spécialisés, des médiateurs, des bailleurs, des transporteurs, de toutes celles et tous ceux qui, chaque jour, préviennent les conflits et apportent des réponses. Par leur approche, par leur écoute, ils sont des acteurs majeurs de nos cités. La complémentarité entre les collectivités locales, les conseils départementaux et l'État permet des réponses au plus près des besoins.
L'histoire de Martine et d'Axel que vous venez de nous raconter, monsieur le rapporteur, est avant tout une histoire humaine faite d'écoute et de respect, des éléments qui permettent d'entendre l'un et l'autre et d'apporter une solution. Fort de cette expérience, fort de votre travail dont je vous remercie, vous nous proposez un texte grâce auquel nous pourrons préciser le cadre d'intervention de la médiation sociale, confirmer son insertion dans un pilotage territorial, avec une possibilité de financement départemental – j'insiste sur l'importance du terrain –, et renforcer la formation des professionnels.
Ces ambitions sont partagées par le Gouvernement. Nous souhaitons travailler avec vous pour reconnaître dans la loi la médiation sociale comme l'un des piliers de l'action sociale, sans la réduire à une activité professionnelle. Bien sûr, nous aurons des précisions à apporter à ce texte mais il offre une reconnaissance nécessaire et méritée aux professionnels de la médiation sociale. Je me félicite, Monsieur le rapporteur, de votre initiative et, au-delà, je tiens à remercier l'ensemble des députés pour leur travail constructif autour de cette proposition de loi transpartisane adoptée à l'unanimité en commission. C'est dans cet état d'esprit ambitieux et constructif que je vous propose de poursuivre le travail.
Applaudissements sur les bancs des commissions. –Mme Constance Le Grip et M. François Gernigon applaudissent également.
Il existe en France des femmes et des hommes dont l'action, trop souvent imperceptible, a pourtant un impact considérable dans le quotidien de nos concitoyens. Lors de nos débats en commission des affaires sociales, nous avons été nombreux à les qualifier d'« invisibles ». Toutefois, l'emploi de ce terme est-il vraiment opportun ? Les personnes dont nous parlons œuvrent non pas dans l'ombre, loin des regards, mais sur le terrain, au plus près de celles et ceux qui en ont besoin. Les considérer comme invisibles reviendrait à excuser une forme de cécité collective. Or nous sommes sur le point d'y remédier en adoptant la proposition de loi visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale, soutenue par notre assemblée à la quasi-unanimité. Ainsi que je l'ai fait en commission, je tiens à saluer le travail du rapporteur Patrick Vignal.
Ce texte permettra, je l'espère, de fixer dans la loi la substance et l'utilité de ces professions, dont l'action est si précieuse. Qu'ils soient médiateurs sociaux associatifs, bénévoles porteurs d'initiatives citoyennes, personnels recrutés auprès d'institutions ou d'opérateurs urbains, les acteurs de la médiation sociale jouent, depuis leur apparition dans les années 1980, un rôle déterminant dans le maintien et l'amélioration des relations entre les personnes. À la faveur de leur développement spontané, de multiples statuts et titres sont nés, en fonction des lieux et des époques, mais tous recouvrent une même réalité, celle d'un engagement pour la création ou la réparation du lien social ainsi que pour le règlement des conflits de la vie quotidienne.
C'est pourquoi nous souhaitons mettre ces métiers en valeur et les doter d'un cadre normatif harmonisé. Non seulement la présente proposition de loi répondra à une demande exprimée de longue date par le secteur, mais elle permettra aussi de sceller dans la loi ce qui servira de fondation à la montée en puissance de la médiation sociale sur notre territoire. La majorité présidentielle souscrit pleinement à une telle montée en puissance, qui s'inscrit dans la droite ligne de la logique dite de l'aller vers, élément fondamental de son ADN politique depuis 2017.
En effet, notre vision et nos aspirations pour la France sont incompatibles avec l'idée que celles et ceux qui peuvent prétendre à des droits qui sont légitimement les leurs en soient privés sous prétexte qu'ils se trouveraient « à la marge ». Permettre à chacun de bénéficier d'un interlocuteur à l'écoute, conscient de sa situation et, dès lors, à même de lui fournir les moyens de reprendre pied et d'aller de l'avant, c'est non seulement rendre service à l'individu, mais c'est également réduire les fractures qui se sont fait jour au sein de notre société. C'est éviter les dérives liées à l'absence de dialogue, lesquelles sont propices à l'expression de violences verbales ou physiques. Nous nous donnons les moyens de cette politique.
Les débats en commission ont été assez consensuels, excepté à propos des demandes de médiateurs supplémentaires dans tous les secteurs – privé, public, associatif. Certains souhaitent même leur donner un rôle dans la lutte contre les violences conjugales. Or c'est totalement inacceptable car, dans ce domaine, la police et la justice sont les acteurs incontournables.
Nous souhaitons l'adoption de cette proposition de loi, qui représente une première étape dans l'évolution qualitative et qualifiante des métiers de la médiation sociale, en complémentarité avec les autres acteurs sociaux et médico-sociaux. Le groupe Renaissance soutiendra ce texte, aux fins d'un mieux vivre ensemble sur notre territoire.
Applaudissements sur les bancs des commissions. – Mme Céline Calvez applaudit aussi.
La présente proposition de loi vise à reconnaître les métiers de la médiation sociale. Ces médiateurs sont essentiels là où l'État continue d'échouer. Nous devons saluer leur présence et le travail qu'ils réalisent au quotidien auprès de tous les Français – nous connaissons les difficultés auxquelles font face nos compatriotes.
Les violences conjugales et intrafamiliales frappent de nombreuses familles dans notre pays, notamment dans mon département, le Nord. C'est une réalité plus qu'alarmante : en 2022, on a recensé 244 000 victimes de violences conjugales, soit une hausse de 15 % par rapport à l'année précédente. Dans le Nord, treize femmes sur mille ont été victimes de violences conjugales en 2022 ; c'est le département où le taux de victimes enregistrées a augmenté le plus fortement. Ces chiffres appellent une action urgente ; ils doivent nous pousser à proposer des mesures concrètes pour protéger les victimes.
Il m'apparaît urgent de demander aux médiateurs sociaux d'aiguiller les personnes victimes de violences conjugales afin de les mettre en relation avec la justice ou les associations de lutte contre les violences conjugales les plus proches. Les personnes victimes de violences conjugales sont trop souvent démunies face à leur agresseur. À l'évidence, toute médiation sociale serait prohibée entre la victime et son agresseur, mais toute victime saurait à qui s'adresser.
La politique de la ville n'est pas suffisamment évoquée dans la proposition de loi. Ces villes confrontées à des défis socio-économiques importants ainsi que de nombreux villages ruraux ont besoin d'une approche proactive qui renforce leur tissu social. La médiation sociale, en facilitant la communication, la résolution des conflits et la création de liens sociaux, peut contribuer de manière significative à l'amélioration de la vie dans nos villes et nos territoires ruraux. Pour renforcer la médiation sociale, il est impératif de créer une plateforme cartographiant les endroits où se trouvent les médiateurs sociaux. Cela permettrait aux Français de prendre attache avec celui ou celle qui est le plus proche de chez eux.
La fracture économique et sociale, qui est aussi, désormais, énergétique, continue de toucher nos concitoyens qui vivent dans les zones rurales, à cause des politiques toujours plus antisociales menées par Emmanuel Macron depuis plus de six ans. Preuve en est : depuis son élection, 545 000 personnes supplémentaires vivent au-dessous du seuil de pauvreté.
La fracture numérique, persistante, constitue un autre défi majeur. L'accès inégal aux technologies crée des disparités importantes dans notre société. La médiation sociale peut jouer un rôle clé en prenant des initiatives visant à réduire cette fracture et en fournissant une aide essentielle en la matière, en vue de garantir à tous les citoyens un accès aux services essentiels en ligne.
Le 1er février 2024, les prix de l'électricité vont augmenter, de près de 10 %. Je propose que les personnes ayant des revenus modestes bénéficient d'un accompagnement par les médiateurs sociaux, afin qu'ils puissent par exemple renégocier leur contrat de fourniture d'électricité ou de gaz. Une plateforme numérique et un Médiateur national de l'énergie, c'est très bien, mais rien ne vaut une personne physique qui aide à contrecarrer la fracture sociale et numérique dans ce domaine ! Sur deux ans, le prix de l'électricité aura augmenté de 43 % – je dis bien : 43 % ! Faute de proposer des mesures concrètes protégeant les Français de cette nouvelle augmentation, vous créez des taxes pour payer des chèques.
La présente proposition de loi est un pas dans la bonne direction, mais présente des limites, qu'il est crucial de reconnaître. En se concentrant principalement sur les quartiers prioritaires, ses auteurs négligent une réalité : à la différence des quartiers prioritaires, le monde rural est dépourvu de nombreux services publics essentiels.
C'est pourquoi il est impératif de promouvoir la médiation sociale partout sur le territoire national,…
…y compris dans les territoires les plus reculés, de façon à ne pas concentrer exclusivement les moyens de l'État sur les quartiers prioritaires.
Le monde rural est le cœur de notre nation. Il abrite notamment nos agriculteurs, qui contribuent de manière inestimable à notre économie et à notre sécurité alimentaire. Je leur renouvelle tout mon soutien au moment où ils poussent un cri de détresse face au désengagement du Gouvernement, qui renonce à les protéger contre la concurrence déloyale, l'inflation des normes et l'explosion des coûts énergétiques.
Cette proposition de loi visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale doit être un pas important vers l'équité entre tous nos territoires. Cependant, pour qu'elle soit véritablement efficace, il convient de l'adapter aux enjeux auxquels notre pays fait face : il faut mieux prendre en compte le drame des violences conjugales, soutenir en outre nos territoires ruraux, réduire la fracture numérique et accompagner les Français face à des hausses de prix de l'électricité et du gaz qui deviennent insoutenables.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Quand vous êtes venu me présenter votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, j'ai été surprise : comment un député macroniste, qui soutient l'austérité budgétaire dans tous les services publics, la répression policière contre les jeunes, la baisse des aides personnalisées au logement (APL) et qui a voté récemment en faveur d'une loi « immigration » raciste et xénophobe,…
…pouvait-il s'intéresser à la médiation sociale ? Vous me direz : c'est le fameux « en même temps », la marque de fabrique du macroniste. On décide de réduire les budgets de l'action sociale et de la solidarité et, en même temps, on adopte une loi qui ne coûte pas un centime pour dire à quel point les médiateurs sociaux sont importants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il en est allé de même pour les personnels soignants : on les a applaudis à vingt heures, mais on a continué à réduire les budgets de l'hôpital public.
Je ne sais pas faire semblant, monsieur le rapporteur : si nous sommes tous d'accord, si votre loi ne suscite pas d'opposition, c'est parce qu'elle ne mange pas de pain ! Elle ne coûtera pas un kopeck ; il n'y aura pas d'augmentation de salaire pour les médiateurs sociaux ; il n'y aura pas non plus de convention pluriannuelle. Je n'y suis pas opposée, car je sais qu'elle procède de votre expertise d'élu de terrain, analogue à celle que j'ai moi-même à Paris. Votre texte souligne l'importance du travail social et l'utilité de la médiation sociale. Il a le mérite indéniable de donner un statut aux médiateurs, de définir leur fonction et de fixer un référentiel de compétences et de formation. Il s'agissait d'une demande des professionnels du secteur. Cette évolution doit faciliter le travail en équipe pluridisciplinaire et le partenariat.
Quelque 12 000 personnes travaillent dans la médiation sociale, souvent dans le cadre de contrats aidés, par exemple les contrats adultes-relais, dédiés précisément aux missions de médiation sociale. Malheureusement, ces contrats sont payés au Smic et demeurent en nombre insuffisant pour satisfaire la demande des associations, des bailleurs et des collectivités territoriales. Ils n'offrent pas non plus de perspectives d'évolution de carrière : lorsqu'un médiateur social a passé plusieurs années en contrat adultes-relais, l'employeur préfère souvent se séparer de lui plutôt que d'augmenter son salaire ou de lui proposer une évolution hiérarchique. Telle est la réalité : on recrute des gens en insertion professionnelle pour s'occuper d'autres gens qui ont des besoins sociaux. Cela relève davantage d'une logique de sous-traitance que d'une logique d'intégration sociale.
Comment sortir de cette logique de sous-traitance ? Bien évidemment, la structuration et la professionnalisation du métier de médiateur social sont une étape, qui était d'ailleurs très attendue, depuis 2017 au moins. D'où notre soutien, même si nous considérons que la politique des petits pas est source de frustrations et n'apporte pas les réponses aux urgences sociales que nous connaissons.
Je mentionne deux points de vigilance. D'abord, nous devons absolument réserver la médiation sociale aux acteurs du secteur non lucratif. Vous l'avez dit en commission, monsieur le rapporteur, personne ne doit « faire du fric » grâce à la médiation. Nous avons entendu vos réserves quant à l'exclusion de l'ensemble du secteur privé, qui concernerait notamment deux gros acteurs de la médiation, La Poste et EDF, et nous avons modifié notre amendement en conséquence. J'espère que vous lui donnerez un avis favorable.
Ensuite, il est essentiel de ne pas oublier l'ensemble des acteurs bénévoles, les non-professionnels. Je pense tout particulièrement aux collectifs de mères qui interviennent dans les quartiers. Il s'agit par exemple, dans ma circonscription, du collectif Les Mamans de la Banane, dont le travail quotidien pallie le manque de travailleurs sociaux et de moyens dédiés à l'accueil et à l'accompagnement des jeunes. Sa présence est indispensable, notamment dans les quartiers de Belleville et des Amandiers. Il est en lien avec tous les acteurs, y compris la police.
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, je vous alerte sur la situation des centres sociaux. Le 8 janvier dernier, la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France a demandé davantage de moyens financiers. Les intéressés vont manifester cette semaine ; j'espère que vous les recevrez et leur accorderez des budgets suffisants, car certains centres sont menacés de fermeture.
Je vous mets une dernière fois en garde contre les politiques que vous menez le reste du temps. Les services publics se dégradent à une vitesse alarmante. Dans un récent rapport, la Défenseure des droits a relevé que plus de 80 % des réclamations qui arrivaient sur son bureau concernaient des problèmes entre les usagers et les services publics. Le collectif Nos services publics a lui aussi tiré la sonnette d'alarme, dès septembre 2023. Je vous demande de prendre conscience que le véritable enjeu, c'est de « réarmer » les services publics, pour reprendre un terme à la mode.
Nous voterons cette proposition de loi. Nous espérons que nos amendements seront adoptés. Pour valoriser ces métiers, madame la ministre, il est nécessaire que les budgets suivent. Nous vous invitons à tenir compte de cette nécessité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – M. Gérard Leseul et Mme Sandrine Rousseau applaudissent aussi.
La défense des territoires en difficulté et de leurs habitants est au cœur des engagements du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT). L'éloignement des services publics, la fracture numérique et le manque d'investissement sont les premiers facteurs du sentiment d'abandon et de délitement du lien social. À mesure que l'État se désengage des services publics de proximité, les acteurs de la médiation sociale jouent, aux côtés des élus locaux, un rôle fondamental et croissant. Ils ont une importance toute particulière pour garantir la cohésion sociale.
En outre, lorsque des tensions, voire des violences, émergent dans nos territoires, ils sont en première ligne, avec les élus. Sans aucun doute, leur action est une réponse nécessaire pour apaiser et prévenir les conflits. Veillons toutefois à ne pas faire des médiateurs un outil de la lutte contre la délinquance : tel n'est pas leur rôle. Ils constituent surtout une aide précieuse, bien qu'insuffisante, aux populations les plus fragiles, aux victimes des inégalités sociales et territoriales, davantage frappées par la précarité économique.
En ce sens, monsieur le rapporteur, nous partageons pleinement la conclusion du rapport que vous avez remis au Premier ministre : il faut « remettre de l'humain dans les territoires ». Toutefois, cela passe d'abord par le renforcement des services publics de proximité ; les acteurs de la médiation sociale ne sauraient pallier leur absence.
En tout cas, les médiateurs sociaux jouent un rôle essentiel dans l'aide aux populations les plus vulnérables, notamment dans les territoires en difficulté. Notre groupe soutient la volonté de reconnaître réellement les métiers de la médiation sociale en leur donnant un vrai statut, qui doit être pensé en complémentarité avec l'action des intervenants du champ social, de la sécurité et de l'éducation.
Cette reconnaissance permettrait d'éviter le turnover, de garantir une formation solide sur la base de référentiels communs et d'intervenir dans des territoires actuellement peu couverts. Professionnaliser les médiateurs sociaux, c'est aussi permettre à ces derniers de se projeter, eux qui sont encore souvent embauchés dans le cadre de contrats aidés ; c'est renforcer l'attractivité du métier. Une attention particulière doit être portée aux plus jeunes, du fait de la recrudescence des actes de harcèlement. Pour ces raisons, nous saluons la proposition de loi qui tend à créer un cadre juridique unifié pour soutenir le développement de ces métiers et garantir leur qualité.
Toutefois, certains sujets qui méritaient d'être abordés ne sont pas traités dans le texte. Vous aviez pourtant formulé des propositions intéressantes, monsieur le rapporteur. La première concernait le nombre de postes : votre rapport appelait à financer 7 000 postes de médiateurs durant le quinquennat, pour un coût estimé à 285 millions d'euros. Nous en sommes encore loin. Le Gouvernement a-t-il pris un nouvel engagement en la matière ? En outre, la participation de l'État aux côtés des collectivités territoriales pourrait être précisée. Le rapport préconisait le principe : « 1 euro de l'État pour 1 euro de la collectivité ». C'est la clé du succès de cette politique, qui permettrait de rémunérer les médiateurs à leur juste valeur. Par ailleurs, si nous soulignons les avancées réalisées en commission pour ce qui concerne la formation, la question de la nature des contrats reste posée. Une articulation pourrait être précisée avec le Conseil national de la médiation, dont la création récente a été une avancée, mais soulève aussi des interrogations. Une question demeure enfin : comment garantir le caractère indépendant des médiateurs ? Cela devrait nous inviter à nous interroger sur le mode de gouvernance le plus adapté, point sur lequel le texte reste silencieux.
En dépit de ces questionnements, notre groupe soutiendra bien évidemment la proposition de loi. Toutefois, celle-ci ne peut être qu'une première étape dans le développement du métier de médiateur social.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
« Pour vivre ensemble, il faut faire ensemble ». Cette formule, par laquelle M. le rapporteur a défini l'esprit de la médiation sociale, a inspiré le travail de la commission. Nous devons nous réjouir de cette œuvre consensuelle, fruit d'une approche transpartisane ; elle contribuera, si nous la confirmons, à remettre de l'humain dans les territoires de la République.
Nous sommes nombreux à reconnaître le rôle essentiel de la médiation, outil désormais ancré dans la vie de nos concitoyens, et de la médiation sociale, non seulement pour rétablir ou maintenir la qualité du lien social dans les quartiers de nos villes mais, plus largement, pour répondre à des besoins sociaux qui augmentent et se diversifient.
Que de chemin parcouru depuis les emplois-jeunes, conçus comme un tremplin vers un travail plus durable, et la reconnaissance du rôle de modérateur aux aînés auprès des plus jeunes pour désamorcer les tensions ! Je n'oublie pas non plus les retours d'expérience sur le temps long que nous offrent les centres sociaux et socioculturels : ce sont des lieux où se réalise au quotidien un travail d'accompagnement de proximité remarquable et très concret. Ces structures méritent d'être soutenues. Les événements de l'année dernière nous ont rappelé, s'il le fallait, que rien n'est définitivement acquis lorsque le lien social menace de se déliter. Aujourd'hui, la médiation sociale a de multiples visages, ceux des milliers de professionnels qui sont aux avant-postes et vont au contact sans autre arme que celle du dialogue. Les mots qui les guident sont l'écoute, la confiance et la responsabilisation. Ils ont besoin d'être soutenus par les acteurs institutionnels, lesquels doivent mieux coopérer, mieux collaborer au quotidien.
La reconnaissance de la médiation sociale est la condition essentielle de son développement. Il y a une vraie attente, ainsi que je le constate dans ma circonscription où des structures comme les centres sociaux ou les Pimms – points d'information médiation multiservices – apportent, chacune à leur niveau, des réponses à l'inquiétante crise du vivre-ensemble, cette crise dont les effets se font partout ressentir, avec plus ou moins de gravité.
Selon nous, il ne peut y avoir de culture de la médiation sans que toute sa place soit faite à la médiation sociale. La pratique de la médiation a déjà droit de cité dans de nombreux aspects de la vie des Français, qu'il s'agisse de la médiation civile, commerciale, pénale, de celle qui s'exerce dans leurs relations avec les administrations, jusqu'à la médiation scolaire. EDF, La Poste et la SNCF ont leurs médiateurs. Il n'y a aucune raison pour que la médiation ne soit pas également reconnue et utilisée dans le secteur privé. En donnant un cadre légal à l'exercice des treize métiers de la médiation, nous ouvrons la voie à la reconnaissance attendue, légitime, du médiateur en tant que professionnel à part entière du secteur social. Nous permettons le développement d'une médiation sociale de qualité, accessible au plus grand nombre. À cet effet, son encadrement par des référentiels de compétences, de formation et un code de déontologie suivant la norme Afnor contribuent à l'institution d'un cadre vertueux.
Nous devons faire confiance aux acteurs impliqués dans la médiation pour définir les moyens propres à assurer le développement du travail des médiateurs sociaux. Certains auraient voulu encadrer cet effort par des règles contraignantes en faisant obligation aux collectivités territoriales, d'une manière ou d'une autre, de recourir à la médiation, tout en interdisant le recrutement de médiateurs par appels à projets ou par recours à la commande publique. Nous préférons, pour notre part, la solution de l'incitation réaliste et la souplesse, à travers la faculté ouverte aux collectivités territoriales de conclure des conventions pluriannuelles avec des opérateurs certifiés de la médiation. C'est une première étape, qui pourra être soumise à évaluation.
En dernier lieu, j'insisterai sur un point essentiel : la qualité professionnelle des médiateurs sociaux par leur montée en compétences est la condition de leur efficacité et de leur crédibilité. Néanmoins, la nature même de leurs activités me conduit à préférer l'idée d'une formation continue des médiateurs sociaux dans l'année qui suit leur embauche, à une condition de diplôme ou de formation préalable.
Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate votera la proposition de loi.
Les métiers de la médiation sociale sont de plus en plus essentiels dans notre société, aussi saluons-nous l'examen d'une proposition de loi qui vise à mieux en reconnaître les mérites, à en renforcer la formation et à en assurer la structuration et la pérennité. Cette ambition, partagée par le rapporteur et par tous les cosignataires de la proposition de loi, ne date pas d'hier. Je souhaite souligner le travail important de toutes les associations pionnières de la médiation sociale qui, progressivement, se sont constituées en réseaux pour organiser et promouvoir ces métiers au service de nos concitoyens.
Déjà, le rapport Brévan-Picard, qui se rapportait aux nouveaux métiers dans les villes, avait ouvert, en 2000, plusieurs pistes de structuration. En 2001, un groupe de travail, présidé par Yvon Robert, ancien maire de Rouen, avait émis plusieurs recommandations sur les emplois dits de médiation sociale. Les conclusions s'articulaient autour de quatre questions majeures : la stabilisation de ces nouveaux métiers et leur statut juridique, la question des emplois, que l'on appelait à l'époque les emplois-jeunes, le financement de ces emplois, la mutualisation des moyens de la part des employeurs. Une charte de la médiation avait été adoptée à l'issue de ces travaux. Elle précisait que la médiation « intervient dans les interstices, en amont ou en aval d'autres intervenants notamment dans les champs de la prévention, de la sécurité, de l'intégration ou du travail social, et particulièrement des services publics [sans] se substituer aux règles et déontologies propres à chaque profession. » J'ai envie d'ajouter : « et réciproquement », monsieur le rapporteur !
Plus de vingt ans plus tard, la charte existe toujours, mais nous constatons malheureusement dans notre société un lien social dégradé qui se traduit par des tensions vives, parfois très vives, comme celles que nous avons vécues à l'été 2023, des difficultés à accepter l'altérité, une exclusion grandissante des populations fragiles, un éloignement des services publics et une dégradation de l'accès aux droits aggravé par la dématérialisation, voire un sentiment de relégation pour les habitants des périphéries urbaines ou des territoires ruraux. Nous le savons, le besoin de médiation sociale est plus que jamais essentiel.
En commission, le groupe Socialistes et apparentés a présenté plusieurs amendements dont certains étaient inspirés des propositions contenues dans le rapport que vous avez remis au Premier ministre en 2022. Je salue l'adoption de plusieurs d'entre eux, notamment celui qui vise à préciser l'application des référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques pour les personnes morales, mais aussi pour les personnes privées, celui qui prévoit d'instaurer une obligation de formation initiale pour les nouvelles recrues dans les douze mois suivant leur embauche – après l'adoption de votre sous-amendement, mais je reste attaché à un délai de six mois –, celui qui tend à maintenir l'éligibilité des territoires prioritaires des contrats de ville pour les contrats adultes-relais et enfin, celui dont l'adoption permettra de financer les 7 000 postes supplémentaires que nous évoquerons par la suite. À moins que le Gouvernement ne vienne défaire ce que nous avons fait en commission, l'adoption de nos amendements renforcera le dispositif juridique et répondra à l'ambition donnée à ce texte de reconnaître les métiers de la médiation sociale.
Alors que nous nous apprêtons à débattre du texte dans l'hémicycle, les députés du groupe Socialistes et apparentés défendront plusieurs amendements complémentaires dont les auteurs se sont, là encore, inspirés du rapport de 2022. Ils visent notamment à prévoir qu'une convention soit obligatoirement signée entre la collectivité et la personne morale réalisant la médiation sociale, à éviter ou interdire le recours à la commande publique – les députés du MODEM viennent d'indiquer qu'ils s'y opposeraient, mais nous y tenons –, à garantir que tout organisme de médiation sociale passant une convention avec un commanditaire public soit certifié, à réserver le secteur de la médiation sociale aux acteurs à but non lucratif, à renforcer les obligations et objectifs de formation, à maintenir l'éligibilité des territoires prioritaires des contrats de ville aux contrats d'adultes-relais, enfin, à fixer à la nation un objectif de création de 7 000 postes de médiateurs sociaux supplémentaires.
Si la proposition de loi va dans le bon sens en reconnaissant mieux cette activité essentielle, elle ne saurait être considérée comme un solde de tout compte répondant à l'ensemble des enjeux. Nous en avons déjà discuté, monsieur le rapporteur, et il me semble que vous partagez cet objectif : il faudra que cette ambition trouve sa traduction dans des engagements budgétaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La proposition de loi de notre collègue Patrick Vignal marque un tournant significatif pour les métiers de la médiation sociale, un domaine qui, jusqu'à présent, n'était pas légalement encadré en France. Cette initiative législative, qui s'inscrit dans la continuité du travail accompli lors de la rédaction de son rapport « Remettre de l'humain dans les territoires » de 2022, vise à fournir un cadre légal et à reconnaître officiellement cette profession essentielle.
Le métier de médiateur social, tel que le définit l'Onisep – Office national d'information sur les enseignements et les professions –, joue un rôle crucial dans les zones sensibles pour prévenir ou remédier aux incivilités. Les médiateurs sociaux agissent sur le terrain pour gérer les conflits et renforcer le lien social, particulièrement dans les espaces publics ou collectifs. Bien qu'essentiels pour le tissu social, ces professionnels, au nombre de 12 000 en France selon France Médiation, manquent de reconnaissance et d'un cadre réglementaire officiel, malgré la création d'une norme Afnor en 2021.
La nécessité d'une telle loi ne saurait être sous-estimée. Dans le contexte actuel, marqué par des défis sociaux et communautaires sans précédent, le rôle des médiateurs sociaux dans les territoires se révèle crucial. Ces professionnels sont des gardiens silencieux de notre cohésion sociale, intervenant dans des situations souvent complexes et délicates. Leur travail, jusqu'à présent effectué dans un cadre peu défini et souvent précaire, mérite une reconnaissance officielle et un soutien renforcé.
La proposition de loi qui nous est soumise, transpartisane et adoptée très largement en commission des affaires sociales, témoigne de notre engagement commun pour soutenir et valoriser ces acteurs clés de notre société. Elle n'est pas qu'un symbole politique : elle reflète une prise de conscience collective quant à l'importance cruciale de la médiation sociale dans la préservation du lien social et dans la promotion d'une société plus harmonieuse et inclusive.
Le rapport de 2022 a mis en lumière les défis auxquels sont confrontés les médiateurs sociaux. Posant les jalons de la présente proposition de loi, il a souligné la nécessité d'accompagner de manière préventive les publics les plus fragiles et de renforcer la présence humaine au cœur de nos territoires.
Le texte vise à remédier à plusieurs défis de longue date. Il offre un cadre légal à la profession de médiateur social, clarifiant les rôles, les responsabilités et les domaines d'intervention. Un tel cadre légal est essentiel non seulement pour reconnaître et valoriser le travail de ces professionnels mais aussi pour garantir la qualité et l'efficacité de leur intervention.
Nous sommes conscients du fait que le délitement du lien social est un risque majeur pour notre société, risque qui s'est manifesté de manière accrue ces dernières années. Les médiateurs sociaux jouent un rôle crucial dans la prévention de ce délitement, en intervenant dans des situations de conflit, en favorisant le dialogue et en œuvrant pour une meilleure compréhension mutuelle. Ils sont souvent le premier point de contact dans des situations où sans eux, les tensions pourraient s'envenimer, menant à des conflits plus graves et au recours à une politique répressive qu'il convient d'éviter.
La présente proposition de loi va aussi au-delà de la simple reconnaissance professionnelle. Elle constitue un engagement en faveur de la paix sociale, en faveur de la construction d'une société où chaque individu se sent entendu, compris et respecté. En l'adoptant, nous enverrons un message clair : nous valorisons le rôle de ces médiateurs, considérés comme des pierres angulaires de notre société.
En conclusion, le groupe Horizons et apparentés soutient ce texte attendu par les professionnels concernés, qui valorise leur engagement quotidien et renforce la construction d'une société plus inclusive, à l'écoute et solidaire.
« Il est temps de reconnaître la médiation sociale comme un métier à part entière. » C'est par ce message que plusieurs centaines d'acteurs sociaux et d'élus locaux nous ont alertés sur la nécessité de reconnaître institutionnellement la médiation sociale.
Quelque 14 % des Français, soit près de 7 millions de citoyens, sont en situation d'isolement ; 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et on constate chez deux personnes sur trois au moins une source de vulnérabilité en matière de santé, de logement, de travail, de pauvreté ou d'accès aux droits. La tâche est donc énorme.
Les pratiques de médiation sociale sont riches et nombreuses. Dans les années 1980, les femmes relais utilisaient leurs expériences personnelles pour accompagner leurs voisines dans l'accomplissement de leurs démarches auprès des services sociaux, de la préfecture ou de la protection maternelle et infantile (PMI). Les emplois jeunes, dans les années 1990, ont permis de rétablir le lien social et de réguler les conflits dans certains quartiers.
La médiation sociale est définie par l'association France Médiation, qui s'appuie sur la charte de référence en la matière, comme « un processus de création et de réparation du lien social mais aussi de règlement des conflits de la vie quotidienne, dans lequel un tiers impartial et indépendant tente, à travers l'organisation d'échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider à améliorer une relation ou de régler un conflit qui les oppose ».
La médiation vise à remettre de l'humain dans nos territoires et à retisser du lien social. Ce n'est pas un détail : les tracasseries administratives, les conflits entre voisins ou avec les bailleurs, les démarches en ligne, les erreurs de saisie, le bruit de voisinage ou les difficultés de prise en charge médicale sont un ensemble d'affections qui finissent par atteindre de manière conséquente les conditions de vie voire la santé mentale de nombre de nos concitoyens.
La médiation est aussi une manière de lutter contre l'isolement. Les médiateurs sociaux méritent à ce titre une reconnaissance institutionnelle et un véritable statut qui n'existent pas aujourd'hui ; c'est la raison d'être de cette proposition de loi. La médiation, c'est cette huile dans les rouages, cette capacité à agir avec les protagonistes et non à leur place. Elle ne s'intègre pas dans un régime d'avertissement, de sanction ou de culpabilisation : elle est constitutive d'une autre approche, respectueuse et fondée sur la proximité. Mais être médiateur ou médiatrice sociale, ce n'est pas simple : cela demande des compétences multiples qui vont de la gestion de conflits à la capacité à naviguer entre les différents acteurs, en passant par la connaissance de l'informatique et des démarches administratives.
Il faut donc leur garantir les moyens et le soutien politique dont ils ont besoin. Si cette proposition de loi est un premier pas, le chemin de la reconnaissance institutionnelle et politique menant à la légitimation totale des médiateurs sociaux est encore long. Les moyens ne sont pas encore à la hauteur de l'ambition affichée. Surtout, la médiation sociale ne pourra pas être un remède miracle aux difficultés sociales, aux tensions urbaines ou aux problèmes d'accès aux droits. Elle ne peut se substituer à la justice – notamment pour les femmes battues
L'oratrice se tourne vers les bancs du groupe Rassemblement national
–, ni à un investissement dans les services publics, ni à des politiques ambitieuses de lutte contre les inégalités et les discriminations dans l'accès à l'éducation, au logement, à la santé ou au travail, susceptibles de combattre la précarité et la relégation sociale. Et ce métier, puisque c'en est un, doit être encadré et surtout financé.
Si ce texte, enrichi par nos amendements adoptés en commission, va dans le bon sens, les écologistes resteront particulièrement attentifs à la mise en œuvre des ambitions qu'il contient, et rappellent que quelques médiateurs ne répareront jamais l'immensité du mal que produit l'idéologie libérale dans nos vies quotidiennes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Sourires.
Mêmes mouvements.
Le 10 janvier dernier, la présidente de l'Assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet, nous faisait l'honneur d'être à La Réunion ; elle a même accepté mon invitation dans un QPV – quartier prioritaire de la politique de la ville – de ma circonscription. Ayant été le témoin de leur travail remarquable, elle a pu constater le rôle important qu'y jouent les médiateurs sociaux.
Pourtant, ils sont précarisés et subsistent grâce à des contrats PEC – parcours emploi compétences ; certains ont un salaire inférieur au seuil de pauvreté. Permettez-moi, chers collègues, de rendre ici, devant la représentation nationale, un hommage singulier aux 12 000 hommes et femmes qui exercent le métier de médiateur social à l'échelle nationale, et d'avoir une pensée particulière pour trois d'entre eux qui m'accompagnèrent quand j'étais plus jeune, à une époque où j'en avais besoin : Jeannick Gonthier, Patrice Cantina et Fabrice Cazal.
La présente proposition de loi entend reconnaître le métier de médiateur social. C'est un acte nécessaire car ils sont les piliers du lien social quand l'État recule ; ils sont des piliers pour nos marmay – nos enfants – en manque de repères, et pour les familles quand la précarité frappe jour après jour.
Mais, collègues, venons-en au fond du texte. Comme cela a été rappelé en commission, plusieurs lacunes sont à relever. La reconnaissance de la profession passe par une exigence de formation, de qualification et bien entendu de rémunération. La norme Afnor est certes un premier pas vers la reconnaissance et l'encadrement de la profession, mais nous pouvons et nous devons aller plus loin. Cela se fera grâce au code de déontologie introduit dans le texte après l'adoption en commission d'un amendement défendu par mon collègue Yannick Monnet. Cependant il est hors de question pour nous d'accepter une médiation sociale au rabais : les médiateurs ne sont pas là pour acheter la paix sociale dans nos quartiers.
Si désormais l'État n'est pas au plus près de la population, c'est le fruit de décisions successives comme la suppression de la police de proximité. Il faut attribuer à nos médiateurs des missions précises, car ils ne peuvent pas être l'unique pansement aux maux de notre société.
Quand nos jeunes sont en situation de décrochage et quand nos quartiers se révoltent, ils sont là : ils sont le rempart qui permet un accompagnement digne de ce nom. Quand ni France Travail ni la mission locale ne suffisent, ils sont la preuve que l'éducation de rue existe et qu'elle est nécessaire. C'est cette éducation qui a sauvé tant de jeunes – dont moi, lorsque j'étais en situation d'échec scolaire – au moment où l'éducation nationale ne leur offre plus aucune perspective. Ils sont là quand « petit frère veut grandir trop vite », quand « il marche à peine et veut des bottes de sept lieues ». Ils sont là pour dire ce message si important à nos petits frères : « On n'est pas condamnés à l'échec ».
Je le dis depuis cette tribune : il nous faut décloisonner l'éducation nationale, trop hiérarchisée et pas suffisamment à l'écoute des médiateurs sociaux. L'éducation populaire doit entrer dans l'école pour être au plus près des chefs d'établissement, car les médiateurs sociaux, ces serviteurs indirects de l'éducation nationale non reconnus et mal considérés, assument pourtant, par leur engagement, la gestion des élèves en échec. À La Réunion, ce sont 43 000 jeunes qui quittent les bancs de l'école sans diplôme ni formation ; on les appelle les Neet – ni en emploi, ni en études, ni en formation.
Au nom du groupe GDR, je maintiens que si nous voulons la reconnaissance de leur statut, il nous faut aussi soutenir la professionnalisation et la montée en compétences des personnes recrutées pour comprendre et apaiser les tensions dans notre société. Si nous voulons des médiateurs sociaux formés, il faut des moyens conséquents pour réformer le registre des métiers de l'Afpar – l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes à La Réunion –, de vrais moyens pour nos associations qui les embauchent, et aussi en finir avec la politique du grand frère tout en adaptant la formation aux enjeux spécifiques de chaque territoire.
En effet, être médiateur social, c'est être capable de gérer la délinquance juvénile, les dérives communautaires, l'addictologie et les violences intrafamiliales (VIF), ainsi que toutes sortes de dérives des réseaux sociaux. Je le dis avec tout le respect que j'ai pour les agents de sécurité – mais chacun son métier : le médiateur social n'est pas un vigile, et il n'est pas non plus au service du clientélisme…
…ou de politiciens qui n'ont pas su tenir leurs promesses. Les médiateurs sociaux doivent pouvoir bénéficier d'une évolution professionnelle digne de ce nom, et c'est ce que nous souhaitons défendre dans le cadre de cette proposition de loi.
N'ayons pas peur de définir clairement leurs missions, leurs qualifications et leur rémunération, afin d'éviter de leur faire jouer un rôle qui n'est pas le leur. Si leurs missions ne sont pas correctement définies, le groupe GDR s'abstiendra.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
À l'heure où notre pays vit de fortes tensions et où un sentiment d'abandon, notamment dans les territoires ruraux, est clairement exprimé, les acteurs de la médiation sociale donnent au quotidien leur énergie pour construire un monde plus humain ; ce faisant, ils renforcent le lien social indispensable à la cohésion nationale.
Pourtant, alors que l'aspect humain de leur mission est central et qu'ils ont été fortement sollicités, notamment lors de la crise du covid, les conditions de travail, la reconnaissance sociale et la rémunération dont ils bénéficient ne sont pas à la hauteur de leur rôle pourtant indispensable. Alors qu'ils se sont pleinement intégrés à tous les secteurs, ils peinent à être reconnus à leur juste valeur pour leur travail du quotidien.
L'instauration d'une norme Afnor, en 2021, afin d'identifier les structures des métiers de l'action sociale, apparaît à ce titre insuffisante. Les alertes à propos de leur déficit d'attractivité se sont intensifiées. Le malaise est grandissant, et les professionnels concernés ne cessent d'exprimer leur inquiétude profonde quant au sens de leur engagement.
Face à la précarité, à l'éloignement des services publics, à l'isolement et même à la fracture numérique, le Parlement doit se saisir de ce défi majeur qu'est le délitement du lien social, d'autant plus dans le contexte actuel de virage domiciliaire, de vieillissement croissant de notre population et de complexité de toute démarche administrative.
Le rapport publié par le Credoc – Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie – en 2021 montre que 31 % de la population française déclarait se sentir en situation de vulnérabilité en 2020, soit une augmentation de 10 points par rapport à 2018. Les 12 000 médiateurs sociaux qui exercent aujourd'hui en dehors de tout cadre législatif jouent un rôle central dans l'aller vers et dans l'accompagnement des personnes les plus éloignées des institutions, et ce dans tous les secteurs comme le logement, les transports, l'éducation, la tranquillité publique, l'intervention sociale et les services à la population.
Il est nécessaire d'organiser efficacement cette profession par secteurs, afin de lui donner toute la visibilité nécessaire à son action. Elle doit pouvoir s'appuyer sur tous les acteurs publics existants, en coordination avec l'ensemble des structures œuvrant en la matière.
À ce titre, le choix de l'échelon départemental, déjà compétent en matière d'action sociale, va dans le bon sens.
Néanmoins, les départements ne pourront agir dans ce domaine que si on leur donne les moyens nécessaires à l'extension de leur compétence. Dans le cas contraire, le risque serait que ce texte se révèle inefficace ou qu'il ne permette pas d'aboutir à une réelle amélioration des conditions de travail des acteurs de la médiation sociale.
Toutes les collectivités locales doivent être associées et les départements doivent pouvoir définir eux-mêmes les modalités de leur action, en participant activement à la détermination des zones d'intervention, lesquelles ne sauraient être déterminées à l'échelle nationale, sur la base des classifications liées à la politique de la ville. Il faut ici appliquer le principe de subsidiarité et laisser aux collectivités locales la possibilité d'apprécier elles-mêmes les besoins, en fonction des spécificités de chaque territoire.
Par ailleurs, les professionnels de la médiation sociale demandent eux-mêmes une meilleure organisation et une formation de plus grande qualité, ce qui supposera d'intégrer tous les acteurs publics, mais également d'adapter l'offre de formation dans les écoles et les universités. J'ajoute que leur rôle dans le domaine de la santé – en matière de prévention comme d'accès au soin – doit être pensé à la hauteur des enjeux, notamment dans les territoires ruraux, où la rareté des professionnels des secteurs médical et médico-social est encore plus prégnante.
Le groupe Les Républicains est convaincu que le fait de donner un véritable statut à ces acteurs et d'améliorer leur formation permettra aux citoyens de mieux les identifier et d'y faire plus facilement appel. Nous constatons tous, localement, que plus la précarité est grande – qu'elle soit liée à des considérations financières, à l'isolement ou à l'âge –, plus l'accès effectif aux droits et aux services publics est difficile. La dématérialisation des services publics et le vieillissement de la population créent une fracture numérique de nature à limiter le recours aux aides sociales dont nos concitoyens pourraient bénéficier. L'identification des médiateurs sociaux par la population est ainsi une réponse solide au problème du non-recours aux droits.
Je conclurai en soulignant que prendre soin des autres doit devenir une priorité nationale. Voilà ce qu'il faudrait mettre en avant dans une grande campagne de communication. Il y a également, me semble-t-il, un enjeu à montrer le quotidien des médiateurs sociaux : ils seront ainsi plus visibles et plus accessibles aux publics qui en ont besoin. Il est aussi nécessaire de les former, pour qu'ils montent en compétence et puissent ainsi répondre aux multiples attentes.
Il faut enfin, cela a été dit, replacer l'humain au cœur de ces métiers. Ces personnels doivent pouvoir passer du temps auprès des personnes qu'ils accompagnent, pour les écouter, pour être dans l'empathie, pour établir un climat de confiance. Or, dans de très nombreux cas, ils en ont de moins en moins.
Vous l'aurez compris : le groupe Les Républicains est convaincu du bien-fondé de cette proposition de loi et la soutiendra, tout en restant vigilant quant à l'effectivité de ses résultats.
Le secteur de l'intervention sociale a vu se développer, depuis quelques années, de nouveaux métiers comme la médiation sociale, longtemps cantonnée aux fameux grands frères, dans des quartiers pudiquement qualifiés de « difficiles ». Les institutions sociales, dont les budgets sont souvent limités, ont utilisé des programmes de lutte contre le chômage ou la précarité, comme les contrats nouveaux services-emplois jeunes ou les contrats adultes-relais, pour embaucher ces nouveaux types d'intervenants, souvent moins qualifiés et, il faut bien le dire, moins bien payés. Parmi eux, on trouve le plus souvent les fameux médiateurs et autres modérateurs urbains.
Ces nouveaux métiers pâtissent d'une triple indétermination. Tout d'abord, les tâches sont mal définies, donc mal cadrées. En outre, la médiation n'étant pas un métier codifié et ne nécessitant aucune qualification particulière, les médiateurs sont souvent livrés à eux-mêmes et inventent leur mode d'intervention de manière très empirique – pour le meilleur et pour le pire, il faut bien l'avouer. Enfin, la précarité de leurs postes, le plus souvent soumis aux aléas de l'attribution de financements publics, ne les aide pas à avoir une vision à long terme de leur action.
Le texte vise à fixer clairement le cadre, les objectifs et les modalités d'action des professionnels de la médiation sociale et à leur offrir enfin la reconnaissance officielle qu'ils attendent. Soit. Pardonnez-moi si je brise la quasi-unanimité qui s'exprime depuis le début de la discussion générale,…
…mais à l'heure où le monde agricole et viticole manifeste partout en France pour protester contre des normes et des règles toujours plus nombreuses, quel besoin avons-nous d'épaissir encore un peu plus le mille-feuille législatif en créant de nouvelles dispositions qui n'auront pour seul dessein que d'encadrer des choses déjà existantes et de narrer le quotidien d'un médiateur social ?
M. Charles Fournier s'exclame.
Car il s'agit simplement, en réalité, de codifier les pratiques professionnelles de ces acteurs. Ne pouvions-nous pas apporter les réponses prévues dans ce texte par le biais d'un arrêté, comme celui du 7 février 2022 relatif au titre professionnel de médiateur social accès aux droits et services ?
Alors je me pose la question : qu'est-ce qui a bien pu motiver ce texte ? Fait-il suite aux émeutes de juin dernier,…
…qui n'ont fait que montrer l'échec cuisant de ces actions de médiation ? Cette proposition de loi n'est-elle pas tout simplement destinée à sauver la médiation sociale ? Le rapporteur pourra peut-être nous apporter des éléments de réponse sur ce point.
Je m'interroge également sur l'instauration de contrats pluriannuels. Là encore, n'auront-ils pas pour seul but d'assurer le financement d'associations de médiation de rue en perte de vitesse ?
Je pense aussi à l'article 2 de la proposition de loi, qui vise à ajouter la médiation sociale à la liste des actions sociales que le département peut mener dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. J'avoue être dubitative, dans la mesure où chez moi, dans l'Hérault – chez nous, monsieur le rapporteur –, le département demande déjà aux communes de participer au financement de certaines associations, faute de moyens.
Enfin, la formation obligatoire des médiateurs sociaux est évidemment une bonne chose, puisque, là encore, cette disposition fait écho au constat d'échec des politiques précédentes en la matière. Apaiser, dialoguer, régler des problèmes et gérer des tensions nécessite d'être formé. Je ne peux d'ailleurs qu'approuver votre souhait de créer des écoles pour préparer aux métiers de la tranquillité publique et des médiations sociales : les personnes concernées ne pourront que gagner en professionnalisme. En revanche, cantonner ces dispositifs aux quartiers prioritaires de la politique de la ville me semble un peu réducteur. La France rurale, vous le savez, n'est pas exempte des difficultés qui touchent les quartiers prioritaires, même si l'échelle n'est évidemment pas la même. Pourquoi ne pas réfléchir au niveau du bloc communal plutôt qu'à celui du département ? M. le rapporteur le sait : plus on est proche, plus on peut agir efficacement et cibler précisément ses efforts.
Vous l'aurez compris, je reste sceptique quant à l'utilité du véhicule législatif pour faire aboutir de telles propositions – sauf si l'objectif est d'épaissir de quelques pages encore nos codes déjà bien trop gras. Veillons aussi à ne pas imposer toujours plus d'obligations aux collectivités : il n'y a pas que les agriculteurs qui ont du mal à s'y retrouver dans cette inflation législative. Attention, enfin, à ne pas laisser croire que la médiation sociale serait la réponse – ou même un début de réponse – à la violence qui gangrène trop de nos quartiers.
Sur les 213 000 femmes victimes chaque année de violences, 18 % seulement portent plainte ; 134 féminicides ont été commis en 2023. Vraiment, monsieur François – il est parti, quel dommage –, vous devez être né avant la honte ! Pour tous ces lâches qui cognent leur compagne, il n'y a pas de médiation sociale qui tienne : il s'agit de délits ou de crimes.
Je tenais à le rappeler aux élus du Rassemblement national, qui ont déjà évoqué cette possibilité en commission. Comment osez-vous, quand des salopards cognent sur leur compagne, demander une médiation ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Maxime Minot applaudit également.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er .
La parole est à Mme Anne Brugnera.
Ayant moi-même déposé, en novembre 2021, une proposition de loi visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale, je tiens tout d'abord à féliciter mon collègue Patrick Vignal pour son travail et pour l'aboutissement de son texte aujourd'hui.
La médiation sociale est largement reconnue comme un moyen efficace de mise en relation entre population et organismes publics, ou de résolution des situations conflictuelles dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Mais son rôle est plus large : elle répond au besoin croissant de lien social et elle a joué un rôle important, rappelons-le, pendant la pandémie de covid-19. Facteur de lien social et d'intégration, elle aide à restaurer la communication entre individus ou entre groupes de personnes, et avec les institutions. Facteur de tranquillité sociale, elle contribue à la régulation des tensions ainsi qu'à la prévention et à la gestion des conflits et des incivilités.
Les fonctions de médiation sociale se sont fortement développées ces dernières années, mais elles l'ont fait sans cadre légal unifié et reconnu par tous. Depuis plusieurs années, les acteurs du secteur réclament, à raison, un encadrement de leur activité. L'État a soutenu le développement d'une norme Afnor ; c'est une bonne chose, mais il convient désormais d'aller plus loin et de donner un cadre légal à ce secteur. Je me félicite donc de cette proposition de loi.
Élu dans une circonscription d'outre-mer, je suis très sensible au thème abordé dans cette proposition de loi. Je viens d'une circonscription composée de deux îles, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Cette dernière fait face, depuis de nombreuses années, à un taux de chômage structurel d'environ 30 % – ce pourcentage étant évidemment encore plus élevé chez les moins de 25 ans, en particulier dans certains quartiers, d'ailleurs classés QPV. Comme vous le savez, qui dit chômage de masse dit sentiment d'exclusion sociale, angoisse permanente et tendance à toutes sortes de déviances – comme d'ailleurs dans beaucoup d'endroits de l'Hexagone.
Comment réparer un lien social abîmé par les distances qui séparent ces habitants des autres, non seulement sur le plan économique, mais aussi souvent sur le plan culturel et même, parfois, ethnique ? Les investissements en matière de rénovation urbaine sont certainement utiles, mais je crois que l'investissement en l'humain, à travers ce que nous appelons la médiation sociale, est encore plus important.
Il faut assurer une étroite coordination des acteurs, comme c'est le cas, par exemple, dans les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Les adultes-relais sont eux aussi efficaces, à condition d'être formés et sous réserve que la distance culturelle entre eux et leur public cible soit la plus courte possible. La présence humaine sur le terrain est nécessaire pour prendre par la main, l'un après l'autre, ceux qui en ont le plus besoin, pour améliorer les cadres de vie, réduire le sentiment d'exclusion et assurer une meilleure insertion sociale et professionnelle.
Il me semble que cette proposition de loi peut permettre de se rapprocher de ces objectifs. Je salue donc l'initiative de notre collègue Patrick Vignal, qui tend à consolider un secteur encore trop fragile.
Je veux revenir sur l'objet de cette proposition de loi, qui vise à donner un cadre législatif aux métiers de la médiation sociale, dans l'objectif de restaurer le lien social et de gérer les conflits à une échelle adaptée, afin de privilégier le règlement à l'amiable et de réduire le non-recours aux aides sociales en accompagnant ceux qui peuvent y prétendre.
Cela a été dit, ces métiers s'exercent dans différents secteurs : le logement, les transports, l'éducation, ou encore la tranquillité publique. Ma collègue Josiane Corneloup a formulé, en commission puis au cours de la discussion générale, une proposition concernant le domaine de la santé, notamment à l'intention des personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins. Elle a préconisé l'installation de médiateurs et le lancement d'une campagne pour informer celles et ceux, très nombreux, qui ignorent qu'ils peuvent y avoir recours. Quelle est la position de Mme la ministre sur cette question ?
S'il est effectivement nécessaire de donner un cadre à la fonction de médiateur social, prenons garde : à vouloir faire le bien, on peut parfois faire du mal. Je le dis après avoir écouté les différentes interventions : les médiateurs sociaux n'ont pas vocation à réparer la société. Là n'est pas leur fonction. Ils ont vocation à réparer les liens qui se sont distendus au sein de la société. Pour le dire autrement, même si nous avions démultiplié les médiateurs sociaux, cela n'aurait pas évité les émeutes urbaines – puisque cette proposition de loi est examinée après les événements de juin dernier.
Par souci d'efficacité, il est donc nécessaire de bien identifier et de bien clarifier quelles seront les fonctions assignées à la médiation sociale au sein d'un territoire, étant entendu que plusieurs acteurs y évoluent. Je prendrai l'exemple du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) : je regrette vivement qu'il ne soit pas rendu obligatoire, même si vous vous conformez ainsi à une demande des associations. J'y vois en effet plusieurs risques.
Le premier est de mettre constamment les différents acteurs du territoire en concurrence pour répondre à des appels à projets, ce qui constitue une source de déstabilisation.
Deuxièmement, le travail social nécessite de la stabilité et ne peut donc être soumis à la précarité de l'emploi. Or, en signant des conventions d'un an, on installe les professionnels dans cette précarité. Dès lors, ils ne seront plus en mesure de remplir leur mission.
Enfin, l'amendement n° 78 du Gouvernement m'inquiète car il prévoit de supprimer l'alinéa 17, ce qui revient à supprimer le code de déontologie. Nous nous y opposerons bien sûr et j'attends beaucoup de ce débat car nous avons besoin d'encadrer la fonction de médiateur.
Tout au long de l'examen de la proposition de loi, nous serons exigeants ; les amendements que nous proposerons refléteront cette exigence.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Katiana Levavasseur, pour soutenir l'amendement n° 40 .
Permettez-moi tout d'abord d'avoir une pensée particulière pour nos agriculteurs, notamment ceux de ma circonscription. Leur travail est précieux et vital pour notre nation.
J'en viens à l'amendement, qui prévoit d'introduire dans la définition de la médiation sociale la notion de maintien.
Monsieur le rapporteur, j'ai bien entendu vos arguments en commission. Toutefois, comme je vous l'ai déjà dit, ce n'est pas parce qu'une définition est communément admise que nous devons nous en contenter, a fortiori lorsqu'elle date des années 2000. Les définitions peuvent évoluer et être améliorées.
Nous nous apprêtons à rédiger un vrai cadre juridique et législatif pour la médiation sociale. Ce moment me semble idéal pour modifier la définition en y ajoutant la notion de maintien, d'autant plus que – vous-même l'avez dit – celle-ci est conforme à l'esprit du processus de médiation sociale. En effet, créer du lien social est une bonne chose, encore faut-il le conserver dans le temps.
Je comprends votre idée sur le fond mais je ne souhaite pas que l'on modifie la définition de la médiation sociale prévue à l'article 1er car celle-ci résulte du colloque européen de 2000. Elle a été élaborée par des experts de la médiation et elle est reconnue et partagée par tous les acteurs du secteur. Avis défavorable.
Je partage entièrement les propos du rapporteur. La définition, rédigée par un collège d'experts, est aujourd'hui communément admise. La notion de maintien est déjà induite par l'idée de réparation. C'est la raison pour laquelle l'avis du Gouvernement est défavorable.
L'amendement n° 40 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 34 .
C'est un amendement de précision et, si j'ose dire, de modestie. On est toujours heureux lorsque la médiation parvient à régler des situations conflictuelles. Cependant, la rédaction de l'article me semblerait plus adéquate si, pour définir la profession, on employait le mot « tentative » de règlement. Cet exposé vaut également pour mon amendement n° 35 à venir.
Vous jouez un peu sur les mots. La médiation sociale a pour objectif le règlement des conflits, de même que la création et la réparation du lien social. Vous ne jugez pas utile pour autant de préciser « tentative » pour chacune de ces missions. Cette définition, qui résulte du colloque européen de 2000, a été élaborée – je le répète – par des experts de la médiation. Avis défavorable.
Selon nous, la notion de « tentative » pourrait avoir pour conséquence de dévaloriser la médiation, ce qui irait dans un sens contraire à l'objectif recherché par cette proposition de loi. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement ainsi qu'à l'amendement n° 35 à venir.
Il ne s'agit absolument pas de dévaloriser la profession. Par cet article, nous proposons d'introduire dans notre loi une définition de la médiation sociale. Les professionnels tentent de régler les différends et, lorsqu'ils y parviennent, nous sommes tous très heureux, hélas leurs tentatives ne sont pas couronnées de succès à chaque fois. C'est juste une précision d'ordre rédactionnel.
Eh oui, ça peut arriver !
En optant pour une expression pondérée, on évite au médiateur de devoir jouer le rôle de pompier de service. Il ne faut pas faire croire qu'un médiateur peut régler toutes les situations de conflit car ce serait un leurre.
En outre, avec la mise en concurrence des différentes structures, j'imagine déjà que le seul mode d'évaluation consistera à compter le nombre de conflits réglés, sans tenir compte du contexte.
Voilà pourquoi cet amendement, qui permet d'ailleurs de définir ce qu'est réellement la médiation, ne me pose aucun problème.
L'amendement n° 34 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 36 .
Il a pour but de compléter l'alinéa 5 par les mots : « sur tout le territoire national. » Car la proposition de loi, aussi bien intentionnée soit-elle, oublie, me semble-t-il, de s'adresser au monde rural, trop souvent isolé et très souvent dépourvu de services publics – ce qui complique la vie de nombreux Français. Comme en ville, le lien social y est abîmé. C'est pourquoi il convient de s'assurer que les bénéficiaires de la médiation sociale ne seront pas les seuls citadins.
Nous sommes en pleine crise agricole et viticole. L'espace rural n'est pas exempt de tensions et de conflits tout simplement parce qu'il occupe trois fonctions essentielles qui induisent des usages que l'on peut qualifier de concurrents : une fonction économique et de production bien sûr mais aussi une fonction résidentielle et donc récréative, enfin une fonction de conservation environnementale.
On voit très bien – nous avons d'ailleurs eu l'occasion de débattre de ces questions dans l'hémicycle – à quel point les usages liés à la fonction résidentielle et récréative peuvent se heurter aux usages liés à la fonction de production. De même, la crise agricole et viticole que traverse notre pays démontre la difficile compatibilité de la conservation de la biodiversité avec les activités à vocation productive, dans le cas par exemple d'une agriculture intensive.
Mon amendement vise donc, si j'ose dire, à enfoncer le clou : la médiation sociale ne doit absolument pas être réservée au milieu urbain.
Je partage votre volonté de ne pas réduire le champ de la médiation sociale aux quartiers prioritaires de la politique de la ville – même si, j'en conviens, l'article 3 évoque les 4 000 adultes relais qui interviennent spécifiquement sur ces territoires.
Sur le fond, vous avez raison : la médiation sociale doit être un projet de société, un nouvel ADN – je crois l'avoir dit au moment de la présentation du texte. Nous voulons un élargissement de la médiation qui doit concerner tous les territoires, c'est ce que prévoit la rédaction du texte, que je souhaite donc maintenir en l'état. Avis défavorable.
Je rappelle qu'il n'est nullement précisé, dans la définition proposée par le texte, que les territoires ruraux sont exclus de la médiation sociale. Il est important de noter que les collectivités territoriales sont à l'initiative des contrats proposés, sans exclusive. C'est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement.
L'amendement n° 36 n'est pas adopté.
L'amendement n° 35 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il illustre encore une fois notre volonté de clarification.
Nous sommes totalement d'accord avec les notions d'impartialité, c'est-à-dire l'absence de parti pris, et d'indépendance, soit l'absence de relation ou de sujétion avec les parties. Cependant nous souhaitons ajoutons la notion de neutralité, qui n'est pas tout à fait identique puisqu'elle qualifie non pas la relation du médiateur avec les parties mais la nature du processus de médiation lui-même. Selon nous, cela permettrait de garantir l'intégrité du médiateur social.
Je comprends votre proposition mais j'y suis défavorable, non pas sur le fond mais pour une raison juridique. Les termes « impartial » et « indépendant » renvoient à des qualités exigées pour tous les types de médiation, notamment la médiation judiciaire. En revanche, le terme « neutre » ne renvoie à rien de tel et n'a pas de substance juridique.
Par ailleurs, il me semble que, sur le fond, votre amendement est satisfait par l'existence du terme « impartial » qui renvoie à la même exigence, voire la dépasse.
Le Gouvernement a exactement la même analyse. Avis défavorable.
L'amendement n° 68 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement n° 15 .
Si la médiation sociale a pour but de maintenir le lien social dans l'espace public ou collectif et d'apaiser les tensions, ses effets doivent également être perceptibles au niveau de la sphère privée de l'individu. Le présent amendement vise à reconnaître cette double casquette en incluant la dimension privée dans les effets de la médiation sociale.
Votre amendement est déjà satisfait : la première phrase de l'alinéa 6 indique que la médiation sociale « vise à améliorer une relation ou à prévenir ou à régler un conflit qui oppose des personnes physiques entre elles ». Il n'est pas nécessaire d'alourdir l'alinéa 6 qui assigne déjà de nombreux objectifs à la médiation sociale. Avis défavorable.
L'alinéa 6 indique que la médiation sociale vise à prévenir les conflits et incivilités « notamment dans les espaces publics ou collectifs ». Les conflits privés relèvent prioritairement d'autres types de médiation – judiciaire par exemple. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Les écologistes voteront contre cet amendement. Les violences ou conflits qui éclatent au sein de la sphère privée relèvent d'autres types d'intervention que la médiation sociale. Si, par exemple, on demande une médiation sociale dans le cas où des membres d'une famille sont accusés d'exercer des violences sur d'autres membres, on s'expose même à un risque de dérive dangereuse. En effet, nous sommes là face à une situation de mise en danger des personnes qui relève avant tout de la justice. Voilà pourquoi il n'est pas question que nous votions cet amendement.
Je ne reprendrai pas les arguments de ma collègue Sandrine Rousseau que je partage. J'en ajouterai un, d'ordre plus matériel. Nous sommes d'accord pour dire que nous manquons de médiateurs sociaux. Ils sont souvent surchargés de travail. La question de leur temps de travail, du nombre d'heures effectuées, se pose.
Alors que, déjà, ils n'arrivent pas intervenir sur tous les dossiers pour lesquels ils sont sollicités, vous voulez ajouter une mission supplémentaire, et pas n'importe laquelle puisqu'elle consiste à entrer la sphère familiale, car tel est bien votre objectif avec cet amendement – nous ne parlons pas ici de conflits de voisinage qui relèvent déjà de la médiation sociale.
Tout d'abord les médiateurs sociaux ne sont pas équipés et n'ont pas les moyens financiers ni le temps nécessaire pour remplir une telle mission. Leur salaire et leur niveau de formation actuels ne leur permettent pas d'intervenir dans la sphère familiale.
Ensuite, et surtout, c'est une question de principe : la médiation sociale ne peut se substituer à d'autres formes de médiation qui, elles, ont vocation à intervenir dans la sphère familiale. Cet amendement ne le dit pas clairement mais votre volonté est bien de faire jouer ce rôle à la médiation sociale.
Ce que je dis à propos de cet amendement vaut d'ailleurs pour d'autres amendements à venir, déposés notamment par le RN, au sujet des violences intrafamiliales et conjugales : il y a une limite à ne pas franchir. Nous devons nous en tenir là s'agissant de la définition de la médiation sociale et de son champ d'intervention.
Nous aurions tort de bouleverser une architecture qui a été pensée et qui est déjà bien établie. Je ne dirai pas qu'il s'agit de cavaliers – car si nous les étudions aujourd'hui j'imagine qu'ils n'ont pas été considérés comme tels –, mais je considère qu'ils ouvrent des voies dans une direction qui n'est pas forcément la bonne.
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
Sur les amendements n° 48 , 41 et 63 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 67 , je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l'amendement n° 21 .
La médiation sociale, comme cela est rappelé dans le projet de loi, vise à prévenir ou à régler un conflit entre des personnes. Le présent article indique qu'elle crée les conditions favorables à l'autonomie et à la responsabilité, et qu'elle contribue à l'égalité réelle. Je suis heureux que le principe d'égalité soit inscrit dans le marbre du texte mais les conflits naissent aussi de la mauvaise appréhension du principe de liberté par certaines personnes, sachant que l'on peut avoir une conception infinie dudit principe, ce qu'on appelle trivialement l'oubli des règles. Aussi, toute société qui veut prévenir les conflits doit rappeler dans la loi que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », comme en dispose l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Tel est l'objet de mon amendement.
Cher collègue, je ne vois pas bien le lien entre votre amendement et la proposition de loi. Il ne me semble pas pertinent de compléter l'article 1er par une définition de la liberté. Je vous propose donc de retirer votre amendement.
Je partage l'avis du rapporteur. Comme vous, monsieur le député, je suis attachée à la notion de liberté, mais j'ai du mal à trouver le rapport avec le texte. C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement. Faute de quoi, l'avis serait défavorable.
Le groupe LFI – NUPES est également défavorable à cet amendement et votera contre parce qu'il est superfétatoire. En effet, cette phrase est déjà inscrite dans le bloc de constitutionnalité. Nul besoin de la répéter dans la loi.
L'amendement n° 21 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Katiana Levavasseur, pour soutenir l'amendement n° 48 .
L'amendement tend à ce que le bénéfice de la médiation sociale s'étende à l'ensemble du territoire national, dans toutes les villes, villages et quartiers qui en ont besoin, sans distinction, et ne soit pas réservé aux quartiers prioritaires. De nombreuses personnes, notamment celles qui sont âgées et habitent dans des territoires ruraux, se trouvent aujourd'hui exclues et isolées du fait de la dématérialisation des services publics. Nous devons nous assurer par la loi que les dispositifs de médiation sociale soient bien déployés dans tout le territoire.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 8
Contre 36
L'amendement n° 48 n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibaut François, pour soutenir l'amendement n° 41 .
L'amendement vise à préciser les objectifs d'accompagnement des médiateurs sociaux. La médiation sociale joue un rôle essentiel dans l'accompagnement des personnes aux revenus modestes et donc, en plus de favoriser le dialogue et la résolution des conflits, elle vise également à soutenir les individus dans leur accès aux services essentiels. Ainsi, les médiateurs sociaux doivent travailler en étroite collaboration avec les personnes en situation de précarité énergétique pour les aider à comprendre et à négocier les termes de leur contrat énergétique ; grâce à leur expertise et à leur connaissance des dispositifs d'aide existants, ils peuvent apporter un soutien précieux aux personnes modestes. La médiation sociale doit contribuer à garantir l'accès de tous à des services énergétiques de qualité. Il est inutile de rappeler que les Français vont souffrir d'une nouvelle hausse des tarifs réglementés de l'électricité à partir du 1er février, entre 8 % et 10 %. Face à cette nouvelle augmentation, nos concitoyens aux revenus modestes devront être accompagnés par des médiateurs sociaux.
Cher collègue, je me permettrai de vous renvoyer à mon rapport et vous y verrez que dans plusieurs villes – Bordeaux, Marseille, Lille ou encore Montpellier –, les médiateurs de l'énergie existent déjà et accomplissent un travail exemplaire. Avis défavorable.
Même avis. C'est l'occasion de rendre hommage au travail des équipes du Médiateur national de l'énergie.
Je remercie M. le rapporteur de m'expliquer comment cela se passe dans les grandes villes, et j'ai bien compris qu'il y avait un médiateur national. Mais je suis élu d'un territoire local et, ayant lu votre rapport avec une très grande attention, j'ai l'intention de vous inviter dans ma circonscription située dans le Nord, le Douaisis, l'une des plus pauvres de France. L'accompagnement pour la négociation – ou la renégociation – du contrat énergétique, quand on habite loin et sans possibilité d'avoir accès, par exemple, à internet, c'est évidemment essentiel. Un médiateur social aurait toute sa part dans la négociation ou dans la réécriture du contrat.
Notre groupe votera contre l'amendement parce que les médiateurs sociaux ont déjà bien d'autres missions, dont celle de permettre d'accéder aux droits – je pense aux cas de non-recours aux prestations et autres droits sociaux. On ne va pas leur demander, en plus, de s'occuper de contrats commerciaux ! Il faut être raisonnable dans ce qu'on leur demande, et je ferai avant tout remarquer que d'autres professionnels sont plus aptes à aider dans le domaine contractuel – on peut en effet penser aux médiateurs de l'énergie. Un médiateur social peut tout à fait renvoyer à l'un de ces derniers.
Évidemment.
Il n'a pas, lui, à prendre en charge la négociation ou la renégociation d'un contrat énergétique, d'un contrat internet ou de toute autre convention commerciale. Encore une fois, il faut être raisonnable. Je vous invite à les rencontrer pour discuter avec eux de ce qu'est l'exercice de leur métier au quotidien et vous vous rendrez compte quelle est déjà leur charge de travail. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, y compris du temps de travail qu'ils consacrent à leur métier – les contrats de 35 heures sont insuffisants, par exemple –, de leurs obligations de déplacement, de leur impossibilité de vivre là où ils travaillent…On pourrait discuter de beaucoup de choses les concernant, mais proposer de leur rajouter une mission qui ne relève vraiment pas de leur champ d'intervention, c'est méconnaître leur quotidien et le travail qu'ils font. Je suis désolée de dire que cet amendement n'a pas sa place ici.
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, puis nous procéderons au scrutin.
Même position que ma collègue Chikirou. La médiation sociale n'a pas vocation à rendre plus acceptable ni plus supportable la pauvreté.
Elle n'a pas vocation à chercher des réductions commerciales. Il s'agit bien dans cette proposition de loi de faciliter l'intervention d'un médiateur dans un conflit interpersonnel ou pour faciliter le montage d'un dossier, par exemple, mais en aucun cas pour renégocier un contrat.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 11
Contre 42
L'amendement n° 41 n'est pas adopté.
Monsieur le rapporteur, nous avons rédigé cet amendement en nous appuyant sur votre rapport selon lequel, dans cette phase de structuration de la médiation sociale, il serait indispensable de stabiliser le statut de médiateur en le corrélant à sa professionnalisation. L'ensemble des personnes rencontrées en audition ou durant les visites de terrain en font une des conditions sine qua non de la réussite de leur projet. Tous disent qu'ils ne veulent pas de « grands frères », mais des médiateurs professionnels qualifiés. Certains élus partenaires regrettent le manque de formation des médiateurs, notamment aux techniques de résolution des conflits et de l'accès au droit. Cet amendement vise à préciser qui peut prétendre avoir le titre de médiateur social et occuper cet emploi. Il répond ainsi à une des demandes que vous formulez dans votre rapport.
Cher collègue, vous êtes déjà dans l'acte II, et cela me plaît beaucoup, mais c'est prématuré. Certes, c'est fini l'époque des « grands frères », les années quatre-vingts où on prenait les deux caïds du quartier en leur disant à chacun : « Tu es installé médiateur et qu'on ait la paix sociale. » Mme la ministre et moi sommes exigeants et très ambitieux.
Je le dis devant l'ensemble des associations et des médiateurs présents dans les tribunes.
L'objectif, à terme, c'est de créer quatre écoles de niveau international pour préparer aux métiers de la tranquillité publique et des médiations sociales – j'ai d'ailleurs auditionné le Cnam, le Conservatoire national des arts et métiers. Car en visitant toutes ces villes françaises que j'ai mentionnées dans mon rapport, je me suis rendu compte que le besoin est là. Il s'agit de développer de vraies formations et les diplômes universitaires correspondant. Les médiateurs déjà en poste avec des UV – unités de valeur – capitalisables doivent pouvoir suivre ces formations à venir et, pour ceux qui entrent dans le métier, il existe déjà un code de déontologie et certaines formations. À ce propos, je salue votre travail, monsieur Leseul. Vous proposez pour votre part que soit dispensée une formation de six mois, tandis que nous proposerons douze mois pour que le jeune qui entre dans le métier ait le temps pour se former. On en discutera.
Même si nous sommes tous d'accord sur le fond puisque nous voulons de vrais métiers pour rendre service aux citoyens, je rendrai un avis défavorable.
Je tiens à rappeler que l'objet de l'article L. 481-4-1 est d'organiser la formation obligatoire pour les médiateurs sociaux. Par conséquent, non seulement la demande est satisfaite, mais la rédaction que vous proposez conduirait à la création d'une nouvelle profession réglementée, ce qui n'est pas l'esprit du texte. Pour ces deux raisons, l'avis est défavorable.
Je n'insisterai pas outre mesure mais si on veut qu'il y ait reconnaissance, il faut bien qu'il y ait un minimum de réglementation. Je ne doute pas de votre ambition, monsieur le rapporteur, mais il n'y a dans ce texte qu'une seule proposition sur la formation et la qualification des médiateurs, ce qui est tout de même un peu juste. Il s'agissait de donner plus de corps à votre ambition.
L'amendement n° 69 n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibaut François, pour soutenir l'amendement n° 63 .
L'amendement vise à inscrire dans la définition même de la médiation sociale prévue au nouvel article L. 481-1 du code de l'action sociale et des familles, une disposition visant à écarter ou à prévenir tout conflit d'intérêts. Cela semble essentiel. En effet, les circonstances pourraient affecter l'indépendance du médiateur social, ce qui imposerait de faire réaliser la médiation sociale par un autre médiateur, dans l'intérêt des deux parties.
Votre précision est superflue puisque la prévention ou la cessation d'un conflit d'intérêts concernant le médiateur découle des exigences d'indépendance et d'impartialité déjà prévues par l'article 1er ainsi que des dispositions du code de déontologie du médiateur. Défavorable.
L'article 1er prévoit déjà que la médiation sociale soit assurée grâce à l'intervention d'un tiers, le médiateur social, impartial et indépendant. L'amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 55
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 11
Contre 44
L'amendement n° 63 n'est pas adopté.
Il est ici proposé de compléter l'alinéa 12 pour que l'article soit rédigé ainsi : « La médiation sociale peut être mise en place à l'initiative de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements ou de toute personne morale publique ou privée, à but non lucratif. » Nous souhaitons ainsi rappeler que le secteur de la médiation sociale fait face aujourd'hui à plusieurs tentatives d'intrusion des métiers de la sécurité. Nous pensons qu'il est à cet égard absolument indispensable de réserver aux acteurs à but non lucratif les métiers de la médiation sociale.
Je comprends vraiment votre crainte que la médiation soit investie par un secteur marchand. J'ai d'ailleurs appris qu'une ville vient de passer un contrat avec une société de sécurité privée…On ira la visiter. Mais il y a ce soir, dans les tribunes, des représentants des Pimms Médiation, d'EDF et de La Poste, et je rappelle que cette dernière investit pas moins de 10 millions d'euros dans la médiation. Si votre amendement était voté, il empêcherait des entreprises telles que La Poste ou EDF de financer ce secteur. Et pourquoi ne pas faire appel au mécénat pour mettre encore davantage d'humanité dans nos territoires ? Cet amendement nous bloquerait en n'empêchant pas seulement nombre d'entreprises privées d'exercer une activité dans ce secteur mais aussi le mécénat d'entreprise.
En revanche, dans l'acte II, je proposerai qu'on soit vigilant concernant les sociétés de gardiennage – nous en avons parlé ensemble. J'ai un vieux rêve : que les agents de sécurité qui exercent dans les magasins puissent eux aussi accéder à des formations. L'idée, c'est que si les gens se parlent, ils ont moins envie d'être agressifs – c'est notre ADN, notre projet de société. Je vous suggère donc de nous en tenir là pour l'instant. Si nous excluons les acteurs privés, nous perdons EDF, La Poste et nous nous privons de l'excellent travail qu'effectuent les Pimms dans les territoires.
Avis défavorable.
Monsieur Leseul, vous proposez de revenir au texte initial de la proposition de loi, tout en précisant que le secteur privé concerné est celui à but non lucratif. Bien évidemment, il est extrêmement important que le domaine de la médiation sociale ne devienne pas commercial. L'alinéa visé porte sur les organisateurs de la médiation, non sur ses opérateurs. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'en remettra à la sagesse de l'Assemblée.
Nous n'avons évidemment rien, sur ces bancs, contre La Poste ou EDF. Néanmoins, nous nourrissons quelque méfiance envers la start-up nation promue par de trop nombreux ministres. Par conséquent, comment faire, monsieur le rapporteur, pour éviter l'effet d'aubaine dont pourraient profiter soit des sociétés privées de gardiennage ou de sécurité, soit des start-up désireuses de se positionner sur un marché qui pourrait se révéler solvable ? Nous demandons des garanties, et la meilleure d'entre elles, dans le cadre de la législation actuelle, ce sont les statuts des entreprises de l'économie sociale et solidaire, qui sont toutes à but non lucratif ou à lucrativité limitée. C'est pourquoi je souhaiterais que nous introduisions cette notion dans le texte.
Je remercie Mme la ministre pour son avis.
J'entends vos préoccupations, et cela me ravit car vous êtes déjà dans l'acte II. Qu'est-il prévu ? Un financement selon le principe : « 1 euro de l'État pour 1 euro des collectivités territoriales et 1 euro des bailleurs sociaux ». Quand j'ai visité diverses villes, j'aurais aimé que les bailleurs sociaux me fournissent les chiffres relatifs aux coûts induits. Je pense à 13 Habitat, qui a embauché des médiatrices et des médiateurs qui font un travail extraordinaire pour régler les problèmes d'impayés de loyers, de jeunes qui « rouillent » au pied des immeubles, de boîtes aux lettres cassées, de points de deal… Pour l'heure, je n'ai pas eu de retour de leur part. Je n'ai pas eu non plus d'informations concernant les coûts induits dans les transports en commun.
Avec Mme la ministre, nous travaillons déjà sur cet acte II, et je l'en remercie, car cela nous donne la possibilité de réfléchir à ce qui pourra être mis en place – par exemple, la médiation à l'école : un enfant sur dix est harcelé à l'école, c'est impensable, intolérable ! Lorsque, à l'acte II, il y aura un financement par 1 euro de l'État, 1 euro des collectivités territoriales, 1 euro des bailleurs sociaux, par les organismes de transport et éventuellement par du mécénat, nous pourrons inscrire dans le contrat que la priorité, ce ne sont pas les sociétés privées.
Je partage la préoccupation de mon collègue Leseul : le secteur à but lucratif ne pourra jamais rien régler dans la mesure où sa vocation première est de faire des bénéfices.
Hormis les bailleurs sociaux – qui, soit dit en passant, font de moins en moins de la médiation et de plus en plus de l'injonction à payer les loyers –, les exemples que vous citez, monsieur le rapporteur, ne relèvent pas de la médiation sociale. La Poste ou EDF peuvent faire de la médiation, mais pas de la médiation sociale – et c'est pourquoi il est nécessaire de définir ce qu'est cette dernière. Ces entreprises cherchent à régler non pas un problème de lien au sein de la société, mais de lien entre elles et un client.
Vos exemples ne me semblent donc pas bons – exception faite de celui des bailleurs sociaux, qui sont en effet des acteurs privés susceptibles de faire de la médiation sociale.
Je ne comprends pas ces arguments contre la médiation d'origine privée. Moi, ce qui m'importe, c'est l'efficacité ; or je ne suis pas convaincu que, fondamentalement, ce qui est privé ne soit pas efficace.
J'entends qu'il faille veiller à éviter d'éventuels conflits d'intérêts, mais je ne suis pas favorable à une telle restriction.
Je voudrais revenir sur la question des bailleurs sociaux. Il existe un outil que nous devrions pouvoir utiliser, c'est la compensation de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties. En effet, chaque année, les bailleurs doivent rendre compte de ce qu'ils ont fait en contrepartie de ce non-recours à l'impôt. Il y aurait là un moyen d'établir à quoi exactement ces sommes d'argent ont servi, et de déterminer si elles ont été consacrées à du surentretien ou à de la médiation.
Je crains qu'on ne confonde le caractère privé des structures concernées – qui ne pose aucun problème – et le caractère lucratif que pourrait prendre l'activité de médiation sociale, ce qui, pour le coup, semble difficilement concevable. Qu'elle relève du public ou du privé non lucratif, pas de problème, mais il ne faut pas que la médiation sociale devienne une activité qui génère des profits.
MM. Gabriel Amard et Gérard Leseul applaudissent.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 59
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 27
Contre 32
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
Il s'agit de préciser que l'on parle dans ce texte de la médiation sociale professionnelle.
Il existe en effet deux types de médiation sociale. L'une est formelle : c'est celle dont il est ici question. L'autre est informelle : c'est celle que vous appelez avec mépris, monsieur le rapporteur, la « médiation des grands frères ». Pourtant, je vous ai déjà parlé de la médiation exercée par des collectifs de mères dans les quartiers de ma circonscription et pour laquelle j'éprouve non pas du mépris, mais au contraire beaucoup de respect.
En précisant que les contrats, conventions et référentiels concernent la médiation sociale professionnelle, on valorise la médiation formelle sans pour autant nier l'existence d'une médiation informelle, qui joue un rôle très important. Si nous sommes tous d'accord pour promouvoir la médiation sociale formelle et professionnelle, sur le terrain, il est parfois plus facile d'intervenir de manière informelle, par exemple auprès de jeunes en bas des immeubles ou d'habitants du quartier, en se fondant non pas sur le professionnalisme des intervenants, mais sur une reconnaissance disons sociale, liée à l'identité du quartier. J'imagine que vous savez de quoi je parle.
Le collectif des Mamans de la Banane, qui a été créé dans le quartier des Amandiers, dans le 20
Permettez-moi donc d'insister, monsieur le rapporteur : il faut insérer le mot « professionnelle ».
Je voudrais, madame Chikirou, vous remercier, ainsi que Sébastien Delogu, de m'avoir aidé à faire en sorte que cette proposition de loi soit examinée. Vous êtes les seuls du groupe LFI à l'avoir cosignée – je dis ça, je ne dis rien.
Sourires.
Soyons clairs : en 2005, lors des émeutes, ce sont les femmes qui sont descendues dans la rue. Je le sais parce que j'ai eu la chance d'être adjoint au maire, chargé de la cohésion sociale, à Montpellier. Peut-être, les femmes ont-elles plus de courage que les hommes – je dis ça, je ne dis rien.
Je sais ce qui se passe dans le 20
Ah ? On m'avait dit que c'était une femme – le titulaire a dû changer, entretemps.
Bref, le commissaire de police a décidé d'aménager un logement avec une douche, et quand une femme vient, elle dispose d'un endroit pour se reposer.
Il existe un débat concernant ce collectif de femmes – le terme de « mamans » me gêne ; je l'ai employé à plusieurs reprises quand j'étais adjoint à la cohésion sociale et à chaque fois, on m'a repris en me disant : « Ce sont des femmes ».
Il est vrai que c'est une question que nous devons nous poser, madame la ministre. J'ai un vieux rêve : celui de créer une fondation des volontaires, composé de femmes et d'hommes qui pourraient être des retraités ou des étudiants suivant des unités de valeur citoyennes, et qui accompagneraient les jeunes, différents, qui n'ont pas la chance d'avoir des parents ou qui n'ont pas accès à internet. C'est au travail qu'effectuent ce type de personnes que, si vous en êtes d'accord, chers collègues, nous devrons réfléchir ensemble dans le cadre de l'acte II.
Pour ce qui concerne votre amendement, nous en avons déjà discuté en commission. L'objet de la proposition de loi est d'assurer la professionnalisation de la médiation sociale. Je ne vois donc pas l'intérêt de rappeler à chaque fois qu'il s'agit de professionnels. Avis défavorable.
La place des femmes dans notre histoire et dans le désir de faire nation est absolument majeure. Toutefois, l'objet de la proposition de loi étant, comme vient de le souligner M. le rapporteur, de faire reconnaître les métiers de la médiation sociale, je pense qu'il est inutile de préciser systématiquement qu'il s'agit de professionnels ; d'une certaine manière, c'est la matière même de notre discussion. D'où l'avis défavorable que, tout comme la commission, le Gouvernement émet.
« Les Mamans de la Banane » : tel est le nom du collectif, monsieur le rapporteur. Vous n'allez pas, en plus, décider de la manière dont on doit les appeler ! C'est le nom qu'ont choisi ces femmes pour intervenir dans le quartier et faire de la médiation sociale, généralement de manière informelle, puisque la première réunion avec les autres acteurs que sont notamment les travailleurs sociaux et le commissariat de police a eu lieu, l'an dernier, à mon initiative.
J'appelle votre attention sur la nécessité de distinguer la médiation sociale professionnelle, celle sur laquelle nous sommes en train de légiférer, et la médiation sociale informelle, qui relève du bénévolat. Or il faut reconnaître le bénévolat. Dans notre pays, les gens se désengagent du bénévolat, parce que celui-ci, quoique source d'expertise et d'expérience, n'est pas assez valorisé et qu'on n'en tient pas assez compte dans la définition des politiques publiques.
Mon amendement vise à affirmer très clairement la reconnaissance des métiers de la médiation sociale, sans pour autant dévaloriser le bénévolat et la médiation sociale informelle. Votre refus d'apporter cette précision, sans être totalement choquant, est un peu gênant. J'aurais aimé que vous souteniez cette manière indirecte de reconnaître le bénévolat, ce qui n'a pas pu être fait dans le cadre de ce texte. J'espère qu'on le fera à l'occasion de la seconde étape, comme vous vous y êtes engagé auprès de moi par téléphone.
Exclamations et rires sur divers bancs.
Je ne commenterai ni les relations particulières ni les coups de fil. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra néanmoins cet amendement, pour une raison simple – qui est la même que celle pour laquelle vous auriez dû, monsieur le rapporteur, entendre tout à l'heure l'appel de la ministre à la sagesse et soutenir notre amendement relatif à l'économie sociale et solidaire et au secteur privé à but non lucratif. Cette raison est que, bien que nous vous entendions et que nous vous fassions confiance, nous n'en sommes pas à la phase 2, nous en sommes à la phase 1 et à l'examen en première lecture de ce texte. Bien sûr, on peut tout renvoyer à la phase 2, mais il serait préférable de fixer dès maintenant avec clarté nos ambitions de manière sinon maximaliste, du moins prospective, quitte à approfondir la discussion dans la suite de la procédure parlementaire.
Sourires.
On nous explique que l'Assemblée est bloquée, mais on se rend compte que, quand on prend du temps pour dialoguer, il arrive que cela fonctionne.
Peut-être faudra-t-il, madame la ministre, prévoir des médiateurs à l'Assemblée afin d'apaiser le débat.
Sourires.
Madame Chikirou, vous savez, je ne vais pas vous donner mon programme, mais j'ai un vieux rêve : celui de créer une fondation des volontaires, afin que, quand des femmes et des hommes mettent du temps à disposition, ils aient accès au monde de la culture ou à des événements sportifs. Pour l'instant, je ne suis pas arrivé à la créer, mais je suis sûr qu'avec l'énergie qu'il y a dans cet hémicycle, nous parviendrons, dans l'acte II, à installer un dispositif pour Les Mamans de la Banane, les mères de famille, les femmes.
J'ai reçu en salle Colbert, avec mon équipe, 250 associations. Madame Chikirou, chers collègues, si vous en êtes d'accord, c'est avec plaisir que nous recevrons Les Mamans de la Banane pour échanger avec elles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 23
Contre 44
L'amendement n° 67 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Katiana Levavasseur, pour soutenir l'amendement n° 45 .
Si nous voulons créer un cadre légal unifié de la pratique de la médiation sociale, nous devons imposer les mêmes dispositifs pour tous sur tout le territoire. Cet amendement vise donc à rendre obligatoires les contrats pluriannuels de développement territorial de la médiation sociale, qui serviront à coordonner et à encadrer les initiatives prises par les parties impliquées dans ce processus.
Une telle obligation renforcera le cadre juridique de la médiation sociale et permettra d'éviter d'éventuels abus, d'autant que les prestations de service s'opéreront au travers de procédures de marchés publics et que des opérations financières seront réalisées.
En bref, sans cet encadrement obligatoire de la pratique de la médiation sociale, on ne pourra pas parler de cadre légal unifié.
Très souvent dans cet hémicycle, on reproche au Gouvernement d'imposer des dispositions. Pour une fois qu'il n'y a rien d'obligatoire, il faut, je crois, en profiter.
L'avis du Gouvernement est donc incontestablement défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 63
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 16
Contre 45
L'amendement n° 45 n'est pas adopté.
Le Rassemblement national est évidemment attaché au développement de la médiation sociale à travers toute la France, particulièrement dans les territoires ruraux qui sont trop souvent exclus.
La disparition des services publics aggrave les inégalités sociales dans notre pays. Face à la fermeture d'établissements scolaires, de centres des impôts, de gares, de bureaux de poste, il est impératif d'assurer la médiation sociale sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les territoires les plus reculés. Tel est l'objet du présent amendement.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 37 .
Je serai très rapide car j'ai déjà défendu ces amendements lors de la discussion générale. Madame la ministre, vous m'avez répondu que la médiation sociale n'avait pas vocation à ne s'exercer qu'en milieu urbain, cependant vous admettrez qu'on les rencontre plus souvent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qu'en pleine campagne. Je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit, mais le milieu rural connaît malheureusement aussi des situations de conflit ou de tension qu'il serait judicieux de prendre en considération. Cela aurait peut-être permis d'éviter la situation que nous connaissons en France depuis quelques jours et qui résulte de la crise viticole et agricole.
Nous avons parlé de la médiation sociale, en soutenant qu'elle ne peut pas se déployer uniquement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans l'ADN de la médiation sociale, il y a la relation ; elle doit donc se développer sur tout le territoire national.
Il y a actuellement 4 000 adultes-relais ; cela coûte 100 millions d'euros. J'ose le dire : jusqu'à maintenant, certains adultes-relais ont commencé à effectuer leur travail sans formation, en touchant le Smic et avec un contrat de trois ans reconductible.
Avec Mme la ministre et le groupe Renaissance, nous voulons redonner du sens à la médiation et à l'engagement.
Madame Ménard, nous allons instaurer ce dispositif dans tous les territoires, car il y a des problèmes dans les territoires ruraux et non seulement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Plus personne ne se parle ; c'est chacun pour soi ou sauve-qui-peut. Nous voulons que ce soit chacun pour tous.
Je voudrais prolonger les propos du rapporteur. En 2018, il y avait 4 000 adultes-relais ; il y en a 6 514 en 2023. L'alinéa 14 de l'article 1er tend à instaurer des contrats pluriannuels de développement qui « visent une couverture pertinente par la médiation sociale du territoire ». La médiation sociale doit donc se déployer partout sur le territoire. Ce sont les collectivités territoriales qui sont à l'initiative de celle-ci sans qu'aucune soit exclue d'emblée. Rien n'empêche que des contrats de médiation sociale soient signés en zone rurale.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Je soutiens les amendements n° 62 et 37 . Nous avons beaucoup parlé, en examinant les différents amendements, d'immeubles, de quartiers et de politique de la ville, or la campagne est confrontée à la raréfaction des services publics. Les médiateurs sociaux y auraient aussi une utilité.
J'ai été maire d'une commune de 900 habitants avant d'être élu député. La commune d'Étouy est située à un peu plus d'une heure de Paris en voiture, à quarante minutes à vol d'oiseau, il ne s'agit donc pas d'un territoire extrêmement isolé. Pourtant, les services publics se font de plus en plus rares dans cette commune comme dans d'autres. Il y a des fermetures de classes selon la carte scolaire ainsi que des bureaux de poste et d'autres services.
Il est donc important d'inscrire dans la loi, de graver dans le marbre, que les campagnes ne sont pas des zones de second plan. C'est pourquoi nous soutiendrons ces deux amendements pour faire entendre enfin la voix de la campagne.
Mme Emmanuelle Ménard applaudit.
Je vous avoue avoir un peu de mal à comprendre la position du rapporteur : il est d'accord avec l'amendement n° 62 et pourtant il émet un avis défavorable.
Sourires.
Si ni le rapporteur ni le Gouvernement n'ont aucune opposition à formuler sur le sujet, il n'y a pas de raison de ne pas inscrire dans la loi que les territoires ruraux doivent également être inclus.
Si les médiateurs sociaux ont été davantage installés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, c'est vraisemblablement qu'il y avait là des besoins, mais cela n'exclut pas du tout d'autres quartiers ni les zones rurales.
Je ne vois donc pas l'intérêt de décliner par le menu les secteurs dans lesquels ils officient. L'idée est qu'ils puissent intervenir partout.
Dresser la liste de tous les territoires dans lesquels ces médiateurs sociaux seraient nécessaires, ce n'est pas simplement distinguer rural et urbain ; cela supposerait de mentionner les territoires post-industriels, en déclin industriel, les territoires ultramarins. En fait, on n'achève jamais une liste comme cela, car on a toujours oublié certains éléments.
La rédaction actuelle permet de couvrir l'ensemble du territoire français. Il ne me semble pas nécessaire d'alimenter une guéguerre entre le rural et l'urbain. Ce n'est pas l'objet de ces dispositions.
Sourires.
Effectivement, l'ensemble du territoire, par définition, couvre aussi bien les zones urbaines que rurales, le bord de mer ou la montagne.
Monsieur Minot, je suis moi aussi issue d'un territoire très rural, qui est situé à 45 minutes en TGV de Paris. Je vous rappelle que nos concitoyens peuvent désormais utiliser le réseau France Services. Le 31 décembre 2023, on dénombrait 2 700 maisons France Services. Elles sont au plus près de nos concitoyens pour les informer et les accompagner.
Nous devons donc prendre en considération l'ensemble des dispositifs qui existent. Nous devons faire attention à la rédaction, faute de quoi nous risquons d'exclure en voulant élargir.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 20
Contre 58
L'amendement n° 62 n'est pas adopté.
L'amendement n° 37 n'est pas adopté.
Le débat qui vient d'avoir lieu est bizarre, car on sent bien l'opportunité de faire croire qu'on s'intéresse à certains territoires. Pourtant, ce qui compte, c'est le lieu de vie de la personne auprès de qui on fait de la médiation : il y a des ruraux qui viennent en ville et vice-versa. L'entrée territoriale ne me semble donc pas être la plus pertinente.
Actuellement, seuls 18 % des professionnels de la médiation sociale sont diplômés. Dans votre proposition de loi, vous prévoyez un référentiel de formation pour les seules personnes morales et une obligation de formation dans l'année qui suit l'embauche d'un médiateur. Si l'enjeu de cette proposition de loi est de permettre la qualification de ces travailleurs, il nous paraît indispensable que les contrats pluriannuels de développement territorial de la médiation sociale précisent le nombre et la nature des recrutements envisagés, les qualifications requises et un plan de formation en conséquence.
À travers cet amendement, nous ne demandons rien d'exceptionnel, mais une disposition semblable à ce qui se fait déjà quand les départements contractualisent avec des services de prévention spécialisée : ils inscrivent dans le contrat une exigence de formation et de qualification pour les professionnels. Cela permet de garantir une vraie professionnalisation de ces métiers.
Monsieur le député anciennement maire, vous savez, je suis d'une ville minérale, Montpellier, j'ai beaucoup travaillé sur les quartiers populaires, et il est vrai que je me demandais si dans un petit village on avait besoin de médiation. Quand je me suis rendu à Divion, le maire m'a adressé ces mots forts : si je n'avais pas mon médiateur – je pense que Yassine, le médiateur en question, est dans les tribunes – et ma Maison des projets, je ne sais pas comment je ferais société dans ma commune.
C'est la plus belle réponse que j'ai entendue au cours de l'élaboration du rapport, monsieur Minot.
Monsieur Monnet, je comprends vos interrogations, et je vous ferai une confidence : j'ai besoin de toutes les collectivités. Je lance un appel aux départements. Avec Mme la ministre, nous ne voulons pas contraindre, car si on impose aux départements la compétence de la médiation sociale, ils diront à juste titre : « Vous êtes sympa, monsieur le député, mais donnez-moi les thunes qui correspondent », si vous me permettez une telle familiarité. C'est bien cela, madame la ministre ?
Nous l'avons dit : nous voulons des professionnels formés. Les médiateurs qui seront embauchés auront une année pour suivre cette formation.
Pour ceux qui sont déjà en poste et qui veulent obtenir un diplôme, nous envisageons une passerelle avec l'université, avec des unités de valeur capitalisables. C'est pourquoi nous demandons de la souplesse. Sur le fond, j'aurais envie de vous donner raison, mais faites-moi confiance pour l'acte II. Quand on signera une convention avec les bailleurs, les organismes de transports, pourquoi pas avec le mécénat dont je rêve tous les soirs, avec les bailleurs sociaux, on pourra exiger tout cela.
La commission émet un avis défavorable.
Le Gouvernement a le même avis, car les dispositions proposées à l'article L. 481-4-1 du code de l'action sociale et des familles permettent de garantir que les médiateurs sociaux soient formés – dans le respect de ce qu'ils font déjà au quotidien, mais aussi dans la perspective de leurs évolutions de carrière.
En ce qui concerne l'attractivité de ces métiers, je vous concède volontiers que la rémunération est importante ; mais la capacité à évoluer l'est également. La formation rend possible cette évolution. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
Madame la ministre, j'ignore si vous avez lu mon amendement. Si on veut de la promotion professionnelle, inscrivons une obligation de formation. Sans formation, quelles perspectives professionnelles peut-on avoir ?
Je ne remets pas en cause ce qui s'est fait ; c'est une exigence, dans le cadre de contrats pluriannuels. Si on n'exige rien, c'est le plus offrant qui va l'emporter…
… et le moins disant ! Quand on organise la précarité des métiers du social, on nuit à la nature même de ce travail.
Nous en avons longuement discuté avec les associations de médiation. Dans l'acte II, nous voulons faire des passerelles. J'estime qu'un médiateur qui a passé dix ou quinze ans dans un territoire difficile a le droit d'avoir une vie différente. Nous voulons contractualiser avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), afin qu'il y ait des évolutions dans le métier de médiateur social et des passerelles vers la fonction publique.
Vous le voyez, nous sommes ambitieux et exigeants. Vous êtes un élu de terrain, accompagnez-moi donc pour négocier avec les départements, vous verrez ce que nous sommes capables de faire. Nous allons bien évidemment insister fortement auprès des départements mais nous ne pourrons pas les contraindre. Vous savez, des départements ont arrêté la prévention spécialisée.
Je veux remettre du sens dans tout cela : quelle est la place d'un travailleur social et d'un éducateur de rue ? Que doit faire l'assistante sociale ?
Le directeur de la cohésion sociale, que nous avons auditionné, a raison : il y a treize métiers du social. Je m'en félicite ! Ensemble, nous allons repenser la place de ces métiers, du médiateur, de l'éducateur de rue et de l'assistante sociale. C'est cela qu'il faut faire. Faites-moi confiance, je suis habitué à ne jamais lâcher la manche. Je suis judoka, quand on lâche la manche au judo, on tombe – à mon âge, ça fait très mal au dos.
Sourires.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 74
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 40
Contre 34
L'amendement n° 70 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Sur le vote de l'amendement n° 42 , je suis saisie par les groupes Rassemblement national et La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 51 de M. Frédéric Maillot est défendu.
La parole est à M. Thibaut François, pour soutenir le sous-amendement n° 88 .
Nous avons débattu de l'opportunité de mentionner ou non les territoires dans le texte. La majorité s'y refuse, ce que j'ai du mal à comprendre car la politique de la ville, telle qu'elle a été appliquée, c'est-à-dire uniquement dans les quartiers prioritaires, s'est soldée par un échec et a coûté des millions d'euros aux Français.
Je ne vois donc pas ce qui nous empêche de reconnaître que les territoires ruraux sont maintenant les plus exclus – en particulier dans le département du Nord dont je suis élu. Nous tenons à le rappeler pour que les aides soient dorénavant distribuées de manière plus égalitaire. Il n'y a aucune raison de s'opposer à cela.
Monsieur Monnet, vous auriez dû faire du judo, vous auriez été exceptionnel. Je suis défavorable à l'amendement et à son sous-amendement.
Même avis.
Le maire que le rapporteur a rencontré et dont il nous a rapporté les propos, disait qu'il ne pouvait pas faire société sans son médiateur : cela montre bien que les médiateurs sont essentiels, aussi bien dans une grande ville que dans une petite commune rurale. Nous avons d'ailleurs d'autant plus besoin de médiateurs sociaux dans les territoires ruraux que les services publics s'y raréfient et que la population ne sait plus vers qui se tourner en cas de difficulté.
Je vais aussi rebondir sur la réponse de Mme la ministre au sujet des maisons France Services. Je suis d'accord, ces maisons sont utiles dans notre ruralité, mais nous sommes confrontés à un problème de taille puisqu'elles proposent essentiellement des services dématérialisés.
C'est l'inverse !
Or le public, parfois âgé, a du mal à accéder à ces services, même avec l'aide du personnel. Les médiateurs sociaux seraient donc très utiles dans ces communes rurales et je voterai le sous-amendement n° 88 .
Le débat ne porte pas sur les maisons France Services mais je vous rappellerai tout de même que l'intérêt de ces structures est précisément de permettre à ceux qui le souhaitent de prendre rendez-vous avec une personne physique afin de se faire aider dans le montage d'un dossier, qu'il s'agisse de calculer les droits à la retraite, les impôts, les allocations familiales etc. C'est précisément pour éviter que tout soit dématérialisé que ces maisons ont vu le jour.
Ces amendements me surprennent. Sans méconnaître l'intérêt des lieux ou des publics, le principe de la reconnaissance des métiers de la médiation sociale est de proposer à toutes les collectivités territoriales de s'en saisir, qu'elles soient en bord de mer, à la montagne, en outre-mer, pour les publics qui leur sembleront en avoir besoin. Nous n'avons donc vocation à préciser ni les lieux, ni les publics. Dans certains territoires, il faudra prêter une attention particulière aux personnes âgées, dans d'autres, à celles dont il faudra faciliter l'intégration.
Je ne vois pas pourquoi on déclinerait tout ce que peut faire la médiation : elle a vocation à s'adresser aux publics dont les collectivités jugeront qu'elles en ont besoin. Nous ne devons pas nous comporter comme des épiciers en la matière !
Le sous-amendement n° 88 n'est pas adopté.
L'amendement n° 51 n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibaut François, pour soutenir l'amendement n° 42 .
L'amendement vise à proposer l'accès à un médiateur social à toutes les personnes victimes de violences conjugales, afin de les mettre en relation avec la justice ou avec les associations de lutte contre les violences conjugales. Les chiffres de 2022 sont alarmants : on compte plus de 244 000 victimes de violences conjugales, soit une augmentation de 15 %. Mon département fait d'ailleurs partie des plus touchés.
L'objectif est de faciliter les démarches des personnes victimes de violences conjugales, en situation de très grande détresse, en les orientant vers des associations capables de les aider.
Cher collègue, je crois que je vous ai répondu en début de séance. Les violences faites aux femmes sont des délits, des crimes, commis par des lâches qui frappent leur compagne. Ces actes ne relèvent pas de la médiation mais de la justice et de la police. L'idée n'est pas de faire intervenir un tiers pour que tout le monde y gagne. Cela dépend de la justice et de la police.
Je salue l'augmentation sans précédent des moyens dévolus à la Fédération nationale solidarité femmes. Grâce à la détermination du garde des sceaux, son budget approche les 6 millions d'euros. Si vous voulez mon avis personnel, on ne va pas assez loin dans la lutte contre les violences faites aux femmes et les incestes dont sont victimes 160 000 enfants chaque année. Avis défavorable.
Toutes les violences intrafamiliales sont inacceptables. Elles sont pénalement sanctionnées dans le code pénal et relèvent de la justice – en aucun cas de la médiation. Avis très défavorable.
Je rappelle à nos collègues du Rassemblement national que pendant des dizaines, voire des centaines d'années, on a proposé aux femmes et aux enfants qui subissaient des violences une simple médiation, plutôt que de considérer les agissements dont ils étaient victimes pour ce qu'ils étaient : des délits et des crimes relevant de la justice ! En aucune circonstance, les violences intrafamiliales ne relèvent de la médiation. C'est simple et clair : je ne vois pas ce que vous ne comprenez pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.).
Cet amendement illustre votre incompréhension totale de ce qu'est le combat féministe.
Pendant des années, ce combat a consisté à extraire les violences conjugales de la sphère privée ou familiale dans laquelle on essayait de les cantonner pour rendre acceptables des situations intolérables.
Quant à la médiation sociale, elle intervient avant la commission d'une infraction ou d'un délit ou encore lorsque des incivilités, qu'il est souvent difficile de judiciariser, ont été commises. Vous voyez bien que ce n'est pas du tout la même chose. Je pense comprendre où vous voulez en venir : pour les femmes victimes de violences conjugales, avoir comme interlocuteur le médiateur social serait peut-être plus facile.
En réalité, le véritable défi à relever est la présence dans tout le territoire d'associations féministes, ce qui suppose des financements suffisants. Madame la ministre, j'espère que vous tiendrez compte de la nécessité de soutenir les associations qui travaillent pour développer l'accès des femmes à leurs droits, en particulier le Planning familial.
Je pense à ces femmes qui subissent des violences, notamment au sein de la sphère familiale, et se heurtent aux actions de l'extrême droite qui, sur les réseaux sociaux ou internet, s'applique à les empêcher ou à les dissuader de faire valoir leur droit à l'avortement. Demain, nous constitutionnaliserons ce droit et j'en suis très heureuse.
Il est important de rejeter massivement cet amendement pour démontrer au Rassemblement national qu'il ne comprend toujours pas ce que sont les violences conjugales ni la manière d'y mettre fin. Les associations féministes, expertes en la matière, ne peuvent pas être balayées au profit de médiateurs sociaux, dont ce n'est pas la mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est assez mordant de recevoir des leçons de morale de votre parti qui héberge des députés si peu respectueux des droits des femmes. Pas de leçon de morale !
Dans mon parti, personne n'a, comme vous, soutenu le Hamas ou hésité à le condamner en ce qui concerne les droits des femmes.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je précise à Mme Rousseau, qui n'a vraisemblablement pas lu l'amendement, qu'il vise à aiguiller la victime vers la justice, pas à lui substituer un médiateur. Et je répète à Mme Chikirou que l'objectif est d'orienter les femmes victimes de violences conjugales vers les associations. Je vous invite toutes les deux à venir dans le Douaisis : vous y serez bien accueillies et vous pourrez voir le travail formidable qu'accomplissent les associations pour aiguiller et accompagner les femmes en grande détresse, victimes de telles violences. Il ne s'agit absolument pas de se substituer au travail de la justice dont la main ne doit pas trembler quand il faut prendre des décisions à l'encontre de députés qui, eux, ont eu la main lourde envers leur compagne.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il faut s'opposer à cet amendement. Je partage l'argumentaire de nos collègues de la NUPES. En matière de violences conjugales, le médiateur social s'appelle un policier, un gendarme ou un juge.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Je souhaite rappeler ce qui a été dit en commission des affaires sociales. Par une sorte de pirouette, notre collègue du Rassemblement national essaye de faire croire que les médiateurs orienteraient les victimes de violences conjugales vers la justice. Ce n'est pas du tout ce que vous avez défendu en commission : vous avez demandé que les médiateurs traitent les violences conjugales. Toute la commission des affaires sociales s'y est opposée !
Si vous vouliez vraiment sensibiliser aux violences faites aux femmes, commencez déjà par ne pas poser glorieusement sur des photos avec des slogans sexistes et particulièrement violents envers les femmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC, GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 78
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 16
Contre 58
L'amendement n° 42 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de discussion de la proposition de loi visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale ;
Discussion de la proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière ;
Discussion de la proposition de résolution relative à l'adoption d'une loi européenne sur l'espace ;
Discussion de la proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et simplifier la vie associative ;
Discussion de la proposition de loi visant à allonger la durée de l'ordonnance de protection et à créer l'ordonnance provisoire de protection immédiate ;
Discussion de la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra