Pour Jean Monnet, le plus beau métier du monde est de réunir les hommes. À 2 kilomètres d'ici, un symbole national, la cathédrale Notre-Dame, est rebâti. Les pierres de ce bâtiment historique doivent à nouveau être liées entre elles, sous une charpente complexe qui a nécessité des calculs savants et d'incroyables savoir-faire humains. En quelques années, nous aurons réparé ce que nos prédécesseurs avaient mis des siècles à édifier parce que des hommes et des femmes se sont unis dans un but commun. Pierres et poutres ont retrouvé leur place, parfaitement imbriquées pour rendre hauteur, équilibre et beauté à un symbole. Madame la ministre, chers collègues, au moment où nous allons débattre de la reconnaissance des métiers de la médiation sociale, ce symbole doit nous inspirer.
Le lien social se bâtit avec soin. Cela demande des efforts, du savoir-faire, de la volonté, un équilibre. Construire avec nos mains et nos esprits n'est pas simple, encore moins quand il s'agit de bâtir des relations humaines ! Nous avons tendance à oublier que nous bâtissons la fraternité ensemble et qu'il faut sans cesse recommencer. Dans notre société, à la fois fragile et solide, où prédominent souvent les tendances au chacun pour soi ou au sauve-qui-peut, les médiatrices et les médiateurs, dont je salue la présence en tribunes, sont les artisans fondamentaux de la construction permanente de notre lien social.
Chers collègues, ce symbole doit nous inspirer. Faire société, c'est rebâtir jour après jour, avec des mots, de l'attention, de la fermeté, de la douceur, de l'écoute, des arbitrages, de la matière humaine. Celles et ceux qui pratiquent la médiation le savent bien, comme celles et ceux qui y font appel.
C'est le cas de Martine et d'Axel, dans le Gard. Martine a 75 ans. Fin 2020, elle veut retourner vivre dans sa maison, qu'elle avait louée mais qui est désormais squattée par son ancien locataire, Axel. Lui est un jeune adulte un peu perdu, incapable de payer son loyer. Il est d'accord pour partir de chez Martine mais ne veut pas se retrouver à la rue. Vous savez que les procédures judiciaires, quand elles sont lancées, durent des mois et des mois. Pour Martine et Axel, il y a urgence. Urgence à trouver une solution pour l'un, à retrouver son logement pour l'autre, à renouer le dialogue entre les deux pour calmer une énorme tension. Martine et Axel, entre lesquels j'ai pu jouer les rôles de médiateur et de tiers de confiance, avaient surtout besoin de retrouver le chemin d'une relation humaine. Ensemble, nous y sommes parvenus.
Chers collègues, durant toute ma vie d'homme et d'élu local, j'ai constaté la nécessité de la parole et de la présence d'un tiers indépendant. D'où l'importance de la conciliation et de la médiation pour régler les conflits. La médiation demeure l'un des fils les plus solides pour tisser ou retisser les liens souvent distendus d'une société vivante. Créer ou réparer ce lien se révèle d'une incroyable puissance lorsque cela est fait consciemment.
Loïc, qui n'a que 11 ans, le sait déjà. Il me l'a écrit et je le cite : « Je veux être médiateur parce que je pense que ma personnalité et mon caractère conviendraient bien à cette responsabilité. En effet, je suis serein, j'aime aider mes camarades et écouter les autres. Je reconnais facilement les émotions et je suis empathique et réfléchi. Je voudrais être médiateur pour essayer d'être impartial et de bien résoudre des problèmes. Dernière information : je veux être médiateur parce que le métier que je souhaiterais faire est secrétaire général des Nations unies, comme l'ont été Kofi Annan ou Boutros Boutros-Ghali. » Quel beau message envoie cet écolier aux élus et à notre hémicycle parfois légèrement houleux et dissipé !