Il en est allé de même pour les personnels soignants : on les a applaudis à vingt heures, mais on a continué à réduire les budgets de l'hôpital public.
Je ne sais pas faire semblant, monsieur le rapporteur : si nous sommes tous d'accord, si votre loi ne suscite pas d'opposition, c'est parce qu'elle ne mange pas de pain ! Elle ne coûtera pas un kopeck ; il n'y aura pas d'augmentation de salaire pour les médiateurs sociaux ; il n'y aura pas non plus de convention pluriannuelle. Je n'y suis pas opposée, car je sais qu'elle procède de votre expertise d'élu de terrain, analogue à celle que j'ai moi-même à Paris. Votre texte souligne l'importance du travail social et l'utilité de la médiation sociale. Il a le mérite indéniable de donner un statut aux médiateurs, de définir leur fonction et de fixer un référentiel de compétences et de formation. Il s'agissait d'une demande des professionnels du secteur. Cette évolution doit faciliter le travail en équipe pluridisciplinaire et le partenariat.
Quelque 12 000 personnes travaillent dans la médiation sociale, souvent dans le cadre de contrats aidés, par exemple les contrats adultes-relais, dédiés précisément aux missions de médiation sociale. Malheureusement, ces contrats sont payés au Smic et demeurent en nombre insuffisant pour satisfaire la demande des associations, des bailleurs et des collectivités territoriales. Ils n'offrent pas non plus de perspectives d'évolution de carrière : lorsqu'un médiateur social a passé plusieurs années en contrat adultes-relais, l'employeur préfère souvent se séparer de lui plutôt que d'augmenter son salaire ou de lui proposer une évolution hiérarchique. Telle est la réalité : on recrute des gens en insertion professionnelle pour s'occuper d'autres gens qui ont des besoins sociaux. Cela relève davantage d'une logique de sous-traitance que d'une logique d'intégration sociale.
Comment sortir de cette logique de sous-traitance ? Bien évidemment, la structuration et la professionnalisation du métier de médiateur social sont une étape, qui était d'ailleurs très attendue, depuis 2017 au moins. D'où notre soutien, même si nous considérons que la politique des petits pas est source de frustrations et n'apporte pas les réponses aux urgences sociales que nous connaissons.
Je mentionne deux points de vigilance. D'abord, nous devons absolument réserver la médiation sociale aux acteurs du secteur non lucratif. Vous l'avez dit en commission, monsieur le rapporteur, personne ne doit « faire du fric » grâce à la médiation. Nous avons entendu vos réserves quant à l'exclusion de l'ensemble du secteur privé, qui concernerait notamment deux gros acteurs de la médiation, La Poste et EDF, et nous avons modifié notre amendement en conséquence. J'espère que vous lui donnerez un avis favorable.
Ensuite, il est essentiel de ne pas oublier l'ensemble des acteurs bénévoles, les non-professionnels. Je pense tout particulièrement aux collectifs de mères qui interviennent dans les quartiers. Il s'agit par exemple, dans ma circonscription, du collectif Les Mamans de la Banane, dont le travail quotidien pallie le manque de travailleurs sociaux et de moyens dédiés à l'accueil et à l'accompagnement des jeunes. Sa présence est indispensable, notamment dans les quartiers de Belleville et des Amandiers. Il est en lien avec tous les acteurs, y compris la police.
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, je vous alerte sur la situation des centres sociaux. Le 8 janvier dernier, la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France a demandé davantage de moyens financiers. Les intéressés vont manifester cette semaine ; j'espère que vous les recevrez et leur accorderez des budgets suffisants, car certains centres sont menacés de fermeture.
Je vous mets une dernière fois en garde contre les politiques que vous menez le reste du temps. Les services publics se dégradent à une vitesse alarmante. Dans un récent rapport, la Défenseure des droits a relevé que plus de 80 % des réclamations qui arrivaient sur son bureau concernaient des problèmes entre les usagers et les services publics. Le collectif Nos services publics a lui aussi tiré la sonnette d'alarme, dès septembre 2023. Je vous demande de prendre conscience que le véritable enjeu, c'est de « réarmer » les services publics, pour reprendre un terme à la mode.
Nous voterons cette proposition de loi. Nous espérons que nos amendements seront adoptés. Pour valoriser ces métiers, madame la ministre, il est nécessaire que les budgets suivent. Nous vous invitons à tenir compte de cette nécessité.