Le 10 janvier dernier, la présidente de l'Assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet, nous faisait l'honneur d'être à La Réunion ; elle a même accepté mon invitation dans un QPV – quartier prioritaire de la politique de la ville – de ma circonscription. Ayant été le témoin de leur travail remarquable, elle a pu constater le rôle important qu'y jouent les médiateurs sociaux.
Pourtant, ils sont précarisés et subsistent grâce à des contrats PEC – parcours emploi compétences ; certains ont un salaire inférieur au seuil de pauvreté. Permettez-moi, chers collègues, de rendre ici, devant la représentation nationale, un hommage singulier aux 12 000 hommes et femmes qui exercent le métier de médiateur social à l'échelle nationale, et d'avoir une pensée particulière pour trois d'entre eux qui m'accompagnèrent quand j'étais plus jeune, à une époque où j'en avais besoin : Jeannick Gonthier, Patrice Cantina et Fabrice Cazal.
La présente proposition de loi entend reconnaître le métier de médiateur social. C'est un acte nécessaire car ils sont les piliers du lien social quand l'État recule ; ils sont des piliers pour nos marmay – nos enfants – en manque de repères, et pour les familles quand la précarité frappe jour après jour.
Mais, collègues, venons-en au fond du texte. Comme cela a été rappelé en commission, plusieurs lacunes sont à relever. La reconnaissance de la profession passe par une exigence de formation, de qualification et bien entendu de rémunération. La norme Afnor est certes un premier pas vers la reconnaissance et l'encadrement de la profession, mais nous pouvons et nous devons aller plus loin. Cela se fera grâce au code de déontologie introduit dans le texte après l'adoption en commission d'un amendement défendu par mon collègue Yannick Monnet. Cependant il est hors de question pour nous d'accepter une médiation sociale au rabais : les médiateurs ne sont pas là pour acheter la paix sociale dans nos quartiers.
Si désormais l'État n'est pas au plus près de la population, c'est le fruit de décisions successives comme la suppression de la police de proximité. Il faut attribuer à nos médiateurs des missions précises, car ils ne peuvent pas être l'unique pansement aux maux de notre société.
Quand nos jeunes sont en situation de décrochage et quand nos quartiers se révoltent, ils sont là : ils sont le rempart qui permet un accompagnement digne de ce nom. Quand ni France Travail ni la mission locale ne suffisent, ils sont la preuve que l'éducation de rue existe et qu'elle est nécessaire. C'est cette éducation qui a sauvé tant de jeunes – dont moi, lorsque j'étais en situation d'échec scolaire – au moment où l'éducation nationale ne leur offre plus aucune perspective. Ils sont là quand « petit frère veut grandir trop vite », quand « il marche à peine et veut des bottes de sept lieues ». Ils sont là pour dire ce message si important à nos petits frères : « On n'est pas condamnés à l'échec ».
Je le dis depuis cette tribune : il nous faut décloisonner l'éducation nationale, trop hiérarchisée et pas suffisamment à l'écoute des médiateurs sociaux. L'éducation populaire doit entrer dans l'école pour être au plus près des chefs d'établissement, car les médiateurs sociaux, ces serviteurs indirects de l'éducation nationale non reconnus et mal considérés, assument pourtant, par leur engagement, la gestion des élèves en échec. À La Réunion, ce sont 43 000 jeunes qui quittent les bancs de l'école sans diplôme ni formation ; on les appelle les Neet – ni en emploi, ni en études, ni en formation.
Au nom du groupe GDR, je maintiens que si nous voulons la reconnaissance de leur statut, il nous faut aussi soutenir la professionnalisation et la montée en compétences des personnes recrutées pour comprendre et apaiser les tensions dans notre société. Si nous voulons des médiateurs sociaux formés, il faut des moyens conséquents pour réformer le registre des métiers de l'Afpar – l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes à La Réunion –, de vrais moyens pour nos associations qui les embauchent, et aussi en finir avec la politique du grand frère tout en adaptant la formation aux enjeux spécifiques de chaque territoire.
En effet, être médiateur social, c'est être capable de gérer la délinquance juvénile, les dérives communautaires, l'addictologie et les violences intrafamiliales (VIF), ainsi que toutes sortes de dérives des réseaux sociaux. Je le dis avec tout le respect que j'ai pour les agents de sécurité – mais chacun son métier : le médiateur social n'est pas un vigile, et il n'est pas non plus au service du clientélisme…