La séance est ouverte à 9 heures 05.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La commission poursuit l'examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (n° 1855) (M. Florent Boudié, rapporteur général ; Mme Elodie Jacquier-Laforge, M. Ludovic Mendes, M. Philippe Pradal, M. Olivier Serva, rapporteurs)
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Article 9 (art. L. 252-2, L. 631-2, L. 631-3, L. 641-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, art. 131-30, 131-30-1, 131-30-2, 435-14, 441-11, 444-8 du code pénal, art. 41 du code de procédure pénale) : Assouplir les régimes de protection bénéficiant à certaines catégories de ressortissants étrangers pour faciliter les décisions d'expulsion et le prononcé de la peine d'interdiction du territoire (suite)
Amendements CL821 de Mme Élisa Martin et CL1076 de M. Boris Vallaud (discussion commune)
Il s'agit de supprimer les alinéas 20 à 28 de l'article 9. Nous sommes contre l'inflation pénale ; nous préférons réduire le quantum de peine encouru. L'inflation pénale empêche la régulation carcérale. Or, la surpopulation en prison est un vrai problème.
Notre amendement, qui nous a été suggéré par Unicef France, vise à supprimer les alinéas 20 et 29 de cet article, afin de réintroduire l'exigence de motivation particulière des décisions d'ITF (interdiction du territoire français) en matière correctionnelle pour les étrangers protégés, en tenant compte de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale.
Le Sénat a supprimé le régime dit de protection prévu à l'article 131-30-1 du code pénal. Cela dit, le Conseil d'État indique, dans son avis, que les dispositions générales du droit apportent une sécurité suffisante du fait de l'article 132-1 de ce code, qui prévoit déjà une telle motivation. Les dispositions du projet de loi étaient donc superfétatoires.
En ce qui concerne les ITF, il y a une difficulté à régler. Je vous propose donc, monsieur Vallaud, de retirer votre amendement au profit de l'amendement CL1680 du président Houlié.
La confiance n'exclut pas le maintien de mon amendement. Du point de vue de l'intention du législateur, vu que vous acceptez le texte du Sénat alors que les intentions des sénateurs n'étaient pas très bienveillantes, je préfère la sécurité supplémentaire que représente la suppression de ces deux alinéas.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL1680 de M. Sacha Houlié
Il vise à rétablir la version du Gouvernement concernant le quantum de peine permettant de décider d'une ITF dans le cadre de la double peine : dix ans pour les étrangers commettant leur première infraction, cinq ans en état de récidive. Il s'agit aussi de protéger la mesure d'une éventuelle censure par le Conseil constitutionnel au nom de la proportionnalité des peines.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements CL271 de M. Yoann Gillet et CL515 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.
Amendement CL1728 de M. Sacha Houlié
Il tire les conséquences de l'amendement que nous venons d'adopter, en revenant sur les modifications apportées par le Sénat aux régimes de protection contre le prononcé de la peine complémentaire d'ITF, qui seraient susceptibles de recours avant même d'être appliquées si nous les adoptions en l'état.
Avis favorable : l'amendement est nécessaire pour rétablir l'équilibre du dispositif et nous prémunir contre le risque de contestation constitutionnelle.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL1681 de M. Sacha Houlié
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 9 modifié.
Après l'article 9
Amendement CL130 de M. Éric Pauget
Il précise que la demande de réexamen d'une interdiction administrative sur le territoire français ne peut intervenir avant dix années – contre cinq actuellement – lorsque l'interdiction a été prononcée en raison d'une infraction à caractère terroriste ou d'une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Avis défavorable. La périodicité actuelle de l'examen, prévue à l'article L. 632-6 du Ceseda (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), est suffisante pour permettre à l'autorité administrative d'apprécier la situation de l'étranger et l'éventuelle abrogation de la décision d'expulsion dans les situations graves que vous mentionnez.
Pour des faits de terrorisme, que nous connaissons bien dans les Alpes-Maritimes, porter à dix ans le délai applicable relève du bon sens.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1524 de M. Patrick Hetzel
Cet amendement du groupe Les Républicains vise à rendre son sens à l'effectivité de la peine prononcée par le juge du fond et à lutter contre l'immigration des individus qui ne respectent pas les lois de la République.
Il apparaît totalement anormal qu'une décision judiciaire définitive d'interdiction du territoire français pour un criminel ou un délinquant étranger puisse être annulée par un juge d'application des peines dans le cadre d'une libération conditionnelle ou qu'un aménagement de peine vienne à l'encontre des décisions d'interdiction du territoire ou d'obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Par cet amendement comme par d'autres, vous souhaitez empêcher systématiquement le juge – ici, le juge des libertés et de la détention (JLD) – de prononcer quelque aménagement de peine que ce soit, à l'exception de la libération conditionnelle-expulsion. Ce n'est pas conforme à l'état de notre droit. Dans sa décision n° 2019-799/800 QPC du 6 septembre 2019, le Conseil constitutionnel prévoit expressément ce cas.
Je précise pour la suite que même une modification de la Constitution n'abolirait pas l'ensemble des décisions du Conseil constitutionnel. Ainsi, cette décision est notamment fondée sur des principes généraux du droit qui vont bien au-delà du texte de la Constitution de 1958, notamment la proportionnalité, en lien avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
En raison du fort risque d'inconstitutionnalité de la disposition proposée, avis défavorable.
Madame Genevard, nous nous sommes posé la même question que vous et nous y avons répondu de la même manière que le rapporteur. Du coup, nous avons procédé différemment s'agissant des deux points que vous mentionnez.
Concernant la libération conditionnelle ou l'aménagement de peine, ils ne sont possibles que pour les Français sortant de prison et devant se réintégrer à la société française. L'étranger, lui, a vocation à quitter le territoire national s'il a commis un crime ou un délit relevant de l'article 9 ou de l'article 10. Avec le Sénat, sur proposition du Gouvernement, nous avons donc créé l'article 9 bis relatif à la libération sous contrainte. Celle-ci correspond exactement au principe de la liberté conditionnelle quand il s'agit de s'insérer ; mais dans le cas de l'étranger délinquant, s'il a commis un acte assez grave pour avoir été condamné à de la prison ferme, la condition n'est pas la réinsertion, mais le départ vers le CRA (centre de rétention administrative), puis la sortie du territoire. Ainsi, l'article 9 bis satisfait une grande partie de votre amendement.
Concernant le régime du JLD, la Constitution prévoit expressément son intervention. En outre, comme l'a très bien dit le rapporteur, quand bien même on la modifierait sur ce point, incontestablement, votre proposition pourrait être jugée inconstitutionnelle sur le fondement de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946.
Cependant, nous avons proposé des modifications du régime du JLD, qui devraient faire l'objet de longs débats avec la gauche de l'hémicycle. Il s'agit que ce juge ne s'intéresse plus seulement à la procédure, mais prenne aussi en compte dans sa décision la dangerosité des personnes, en l'occurrence des étrangers délinquants, comme vous le souhaitez. Ainsi, même en cas de nullité de procédure – parce que la police aux frontières aurait oublié un cachet ou à cause de difficultés liées au pays d'origine –, le JLD ne pourra pas libérer la personne. C'est aujourd'hui notre problème principal : les étrangers restent en moyenne 34 jours en CRA alors qu'on pourrait les y garder jusqu'à trois mois, parce qu'ils sont libérés par le JLD, notamment au tout début de la procédure. Ces nouvelles dispositions satisfont ainsi une autre partie de votre amendement.
Il est vrai que nous ne répondons pas entièrement à votre demande, pour des raisons constitutionnelles. Mais l'article 9 bis remédie pleinement au problème de l'étranger qui bénéficie d'un aménagement de peine – ce que je trouve scandaleux tout comme vous, raison pour laquelle nous changeons la loi de la République. Sur ce point, le compromis trouvé avec le Sénat nous paraît tout à fait constitutionnel. En ce qui concerne le JLD, nous faisons le maximum possible, mais je ne suis pas tout à fait certain que nous ayons dans la Constitution toutes les armes pour le faire. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans le cadre de la proposition de loi constitutionnelle de votre groupe : il s'agit de déterminer comment, tout en gardant la possibilité d'un juge indépendant et en respectant la séparation des pouvoirs, intégrer le critère de dangerosité dans la décision du JLD – sachant que le CRA n'est pas un lieu de punition en attendant une décision, mais un lieu de rétention en attendant une expulsion.
Avis défavorable, mais, sur le fond, votre amendement est très largement satisfait.
Dans les faits, presque 90 % des étrangers pour lesquels un aménagement de peine est demandé ne l'obtiennent pas. Ceux qui l'obtiennent sont ceux qui ont le plus de chances d'être régularisés.
Quasiment 30 % des personnes retenues en CRA sortent de prison. La demande de laissez-passer consulaire n'intervient pas pendant qu'elles sont en prison, mais seulement une fois qu'elles sont en CRA. On leur refuse la libération sous contrainte dans le but d'engager tout de suite leur expulsion, ce qui ne se produit pas ; de ce fait, on les prive d'une LSC tout en les laissant plus longtemps en CRA alors que, vous venez de le dire, ce n'est pas censé être un lieu de punition, même si, dans les faits, c'en est souvent un.
Ce que vous dites, madame la députée, est beaucoup moins vrai depuis 2021. C'est à cette époque qu'a eu lieu l'affaire du photographe molesté à Reims par une personne sortant de prison et dont on ne connaissait pas l'identité parce qu'elle était en situation irrégulière. J'avais alors pris une instruction commune avec le garde des sceaux pour que la demande de laissez-passer consulaire soit formulée six mois avant la libération d'un étranger incarcéré. Bien sûr, tout cela n'est pas parfait, car un juge peut toujours autoriser une libération anticipée.
Par ailleurs, la libération sous contrainte dans le cadre de l'article 9 bis répond exactement à votre question : il s'agit de ne pas libérer la personne de manière anticipée si on ne dispose pas du laissez-passer consulaire. Est-on d'accord ou non pour que les étrangers qui ont purgé une peine de prison soient expulsés, c'est un autre débat politique.
Enfin, depuis l'arrivée au ministère de l'intérieur de l'équipe du Président de la République, les personnes retenues en CRA sont à 97 % – sauf à Mayotte – des personnes radicalisées ou condamnées par la justice. Seuls 3 % n'ont pas de casier judiciaire. Il n'y a presque plus d'enfants dans les CRA – nous reparlerons des dispositions qui feront de cet état de fait la loi de la République. Le modèle a changé : si les CRA ne sont pas des lieux de détention supplémentaires, ce sont des lieux de rétention de personnes dangereuses.
La commission rejette l'amendement.
Article 9 bis (nouveau) (art. 720 du code de procédure pénale) : Subordonner l'application de la libération sous contrainte de plein droit à l'exécution de la mesure d'éloignement dont la personne condamnée détenue a fait l'objet
Amendements de suppression CL774 de Mme Andrée Taurinya, CL906 de M. Boris Vallaud et CL1182 de M. Davy Rimane
Cet article ajouté par le Sénat durcit encore le texte initial et le rend encore plus raciste : il vise à ne pas accorder les mêmes droits aux détenus français et aux justiciables étrangers.
La sanction pénale a pour but de réhabiliter l'auteur d'une infraction et de lui permettre de s'insérer dans la société, qu'il s'agisse d'un citoyen français ou d'un étranger. Nous nous opposons à la vision raciste de l'exécutif, qui part du principe qu'un étranger condamné ayant purgé sa peine constitue une menace à l'ordre public et un danger pour la société.
Cet article, issu d'un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat, n'a donc pas été soumis au Conseil d'État et n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact. Il ignore l'objet de la libération sous contrainte, qui est un instrument de lutte contre la récidive. Hier, nous avons évoqué les cas de récidive multiple auquel se heurte le ministère de l'intérieur dans l'exécution des mesures d'expulsion. Il s'agit ici du détournement d'un objet de politique pénale à mauvais escient.
En effet, il s'agit du détournement d'un dispositif pénal à des fins de contrôle migratoire.
En outre, on se prive d'un élément de dispositif pénal qui permet de viser une meilleure réinsertion et, ainsi, de lutter contre la récidive, sans avoir la moindre assurance du fait que la personne sera expulsée. Vous condamnez tout étranger qui sort de prison à la libération sous contrainte, au stade où les CPIP (conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation) interviennent le plus auprès des personnes concernées. Vous prenez ainsi le risque de laisser sur le territoire quelqu'un qui n'a pas bénéficié de la phase la plus intense de lutte contre la récidive. Au-delà de l'opposition idéologique, je n'en vois pas l'intérêt du point de vue de la sécurité intérieure.
On parle de personnes en situation irrégulière qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire et qui pourraient bénéficier du régime de la libération sous contrainte en application de la loi du 22 décembre 2021. L'article 9 bis vise à établir que la libération sous contrainte ne peut être mise en œuvre que pour permettre l'expulsion ; c'est une mesure utile.
Avis défavorable.
Mme Taurinya et, parfois, M. Lucas parlent de racisme : c'est l'argument ultime. Madame Taurinya, vous n'avez pas compris les dispositions dont nous parlons.
Je vais vous expliquer quand même, parce que je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris.
Si ! Il faut se respecter mutuellement. Vous traitez le ministre et la majorité présidentielle de racistes, et quand je vous dis que vous n'avez pas compris, vous trouvez cela irrespectueux ? Vous plaisantez ?
Je vous explique l'article 9 bis.
Laissez-moi parler.
Le droit commun actuel prévoit la libération sous contrainte pour les nationaux, comme vous l'avez dit, mais aussi pour les personnes étrangères en situation régulière. En revanche, rien n'est prévu pour les étrangers en situation irrégulière. Il n'y a dans l'article aucun racisme, aucune distinction entre les nationaux et les non-nationaux ; c'est le contraire : on applique le droit commun à tout le monde, afin, comme l'a dit le rapporteur, de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement.
Les interdictions de territoire ou de séjour correspondent à des faits qui ont été commis, et pas n'importe lesquels – je vous renvoie aux dispositions du code pénal qui s'y réfèrent.
Le texte reprend dans la loi ce qui figurait jusqu'à présent dans une instruction commune du ministre de la justice et du ministre de l'intérieur.
Cet article est important. La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire permet aux détenus de bénéficier de plein droit d'une libération anticipée sous contrainte lorsque le reliquat de leur peine est de trois mois. Cela s'applique aux Français ou aux étrangers en situation régulière qui ne tomberaient pas sous le coup de l'article 9 ou de l'article 10 du projet de loi, par exemple ceux qui ont été condamnés à des peines de moins de deux ans de prison. Mais cela ne vaut pas pour des étrangers en situation irrégulière.
La libération sous contrainte pour réinsertion concerne ceux qui ont intérêt à se réinsérer dans la société, mais ce n'est pas le cas des étrangers irréguliers, surtout quand ils ont été condamnés de façon définitive à des peines de prison. À moins que l'on ne parte du principe qu'il faut insérer des personnes irrégulières condamnées de façon définitive et ayant fait de la prison.
Monsieur Vallaud, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État reconnaissent que le droit au séjour n'est pas un droit général et absolu – fort heureusement – et qu'une différence de traitement proportionnée est possible, dans un but d'intérêt général, entre deux personnes qui sont dans des situations différentes. C'est le cas ici : l'une est irrégulière, l'autre est régulière ou française ; quant au but d'intérêt général, c'est l'éloignement d'un criminel ou d'un délinquant.
Si nous proposons cet article, c'est que, depuis le 1er janvier, la loi précitée pose des difficultés aux services pénitentiaires et à la police aux frontières. Des libérations anticipées imprévues viennent contrarier l'instruction que nous avons prise. Dans un petit département comme la Dordogne, cette année, sur 88 étrangers éloignables, 27 font partie du public de l'administration pénitentiaire, ont commis des crimes ou des délits, et sont éligibles de plein droit à l'expulsion dans un pays qui accepte ses ressortissants. 27 sur 88, c'est beaucoup. La Seine-Maritime ou la Seine-Saint-Denis sont également concernées.
L'article est essentiel pour éviter les sorties sèches de détenus irréguliers qu'on ne pourrait pas envoyer en CRA et reconduire dans leur pays : il permet d'établir un lien direct entre étrangers irréguliers condamnés en prison, CRA et retour dans le pays d'origine – je le répète, ils n'ont pas vocation à s'intégrer dans la société française ; par leur séjour irrégulier et leur condamnation, ils ont montré qu'ils ne le voulaient pas.
Le rapporteur général m'a mis en cause de façon gratuite. J'ai toujours su prendre mes responsabilités. D'ailleurs, j'avais appelé à voter aux élections régionales dans les Hauts-de-France pour la liste de M. Bertrand, sur laquelle figurait le ministre de l'intérieur, face à Marine Le Pen, afin de faire barrage à l'extrême droite raciste, justement. Je défends toujours le barrage républicain.
Je dénonce en revanche un racisme d'atmosphère, dont j'estime que vous l'entretenez par ce texte, qui amène à engloutir le débat public sous les thèmes et les termes de l'extrême droite. Or, c'est mortifère pour notre démocratie.
Je n'ai jamais dit que le rapporteur, le ministre ou le Gouvernement étaient racistes. J'assume en revanche de dire que le débat public tel qu'il est organisé – il suffit d'aller sur les réseaux sociaux ou d'allumer la télévision pour le voir – contribue à ce racisme d'atmosphère très dommageable pour la démocratie et pour les principes républicains, dont j'espère qu'ils peuvent nous rassembler.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l'article 9 bis non modifié.
Article 10 (art. L. 611-3, L. 613-1 et L. 251-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Réduction du champ des protections existant contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français (OQTF)
Amendements de suppression CL776 de M. Thomas Portes, CL907 de M. Boris Vallaud et CL1183 de Mme Emeline K/Bidi
Je répète qu'on peut avoir un avis différent, sans se mettre à expliquer à celui qui n'a pas le même avis que vous qu'il ne comprend pas.
Je comprends très bien, et c'est pour cela que je m'oppose fermement à ce texte et que je demande la suppression de son article 10, qui réduit la protection des étrangers contre les décisions d'OQTF.
C'est l'esprit de tout le texte, qui amalgame immigration et délinquance. C'est pour cela que je dis que ce texte est raciste, et je ne suis pas la seule à le dire : c'est aussi le cas de toutes les associations qui soutiennent ces personnes ayant connu des parcours tragiques pour survivre en quittant leur pays.
Hier, nous avons eu une discussion que nous poursuivrons certainement dans l'hémicycle de façon plus construite et approfondie. Il y a, à mon sens, un problème d'équilibre général dans le dispositif proposé par le Gouvernement.
Parmi les facteurs de déséquilibre figure la dangereuse confusion entre les mesures d'expulsion et les mesures d'éloignement. Sont introduites les notions de motif grave de sécurité publique, de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique, dont les contours sont difficiles à appréhender. Elles présentent le risque – ou l'avantage, c'est selon – de permettre de contourner les garanties procédurales liées à l'expulsion. Par ailleurs, rien n'indique que le nombre de laissez-passer consulaires, donc le taux de reconduite ou d'expulsion, en sera augmenté.
Nous ne souhaitons pas que le système de protection générale et objective devienne un système partial, soumis à une appréciation subjective et au cas par cas de la part de l'administration. Cela créerait un grand risque d'arbitraire et d'atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ainsi qu'à l'intérêt supérieur de l'enfant. Le risque serait aussi d'accroître le contentieux administratif : les personnes étrangères faisant l'objet d'une OQTF pourraient s'opposer à ces mesures sur le fondement du respect des engagements internationaux de la France. Que se passera-t-il quand on éloignera des parents ayant des enfants en France pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) ?
Avis défavorable.
L'article 10, qui atténue les protections dont bénéficie l'étranger en matière d'OQTF, est nécessaire à l'équilibre général du projet de loi. Même modifié par le Sénat, il demeure équilibré grâce au maintien de son alinéa 5, qui dispose que l'autorité administrative doit veiller à l'équilibre entre l'impératif d'une mesure d'éloignement et la nécessité de tenir compte de la situation personnelle de l'étranger concerné, le tout sous le contrôle du juge.
La question est l'appréciation qui est faite de la situation de chaque mineur. Ici comme ailleurs, le texte fait plus de place à l'arbitraire au détriment des lignes de droit qui simplifient l'application de la loi et les recours. Pour cette raison, nous soutiendrons les amendements de suppression : quand il s'agit de mineurs, nous devons être encore plus stricts que pour les adultes.
Madame Rousseau, l'article 10 ne concerne pas les mineurs, mais les majeurs.
Les articles 9 et 10 concernent les majeurs. La seule réserve d'ordre public que nous conservons intéresse justement les mineurs qui commettraient des délits ou des crimes pendant qu'ils sont mineurs. Les personnes arrivées mineures sur le territoire national et commettant des crimes ou des délits une fois qu'ils sont majeurs relèvent du régime de la majorité, non de celui de la minorité. Pour les mineurs, c'est d'ailleurs le juge, et non le pouvoir administratif, qui décide de l'expulsion.
L'article 10 est, avec l'article 9, l'un des plus importants du projet de loi. Il vise à permettre d'appliquer beaucoup mieux les arrêtés de reconduite à la frontière eu égard aux protections que la loi, et non la Constitution ou les conventions, nous impose. L'article 9 visait les étrangers réguliers pouvant être expulsés du territoire national en raison d'une menace à l'ordre public. L'article 10 concerne les étrangers irréguliers qui, malgré la menace qu'ils représentent, ne peuvent être éloignés du territoire national en raison de réserves d'ordre public : c'est la fin de la fin de la double peine. Ces réserves s'appliquent à tout étranger résidant en France depuis l'âge de 13 ans, résidant en France régulièrement depuis vingt ans, résidant en France régulièrement depuis dix ans s'il est parent d'un enfant français et peut prouver qu'il contribue à son entretien et à son éducation ou s'il est conjoint de Français, titulaire d'une rente consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, résidant habituellement en France et dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences.
Nous proposons que les OQTF puissent concerner toutes ces personnes, si et seulement si elles ont commis un acte illégal sur le territoire national. Le texte ne prévoit pas d'éloigner un étranger qui est arrivé en France avant l'âge de 13 ans et qui est en situation irrégulière à 19 ans ; il permet d'éloigner un étranger arrivé avant l'âge de 13 ans et qui commet un crime à 19 ans. C'est le comportement de la personne qui compte. Voilà pourquoi ce texte n'est fondamentalement pas raciste : il s'intéresse aux comportements, non aux personnes ; à ce qu'elles font, non à ce qu'elles sont. Heureusement, on juge les gens pour ce qu'ils font – c'est la démocratie – et non pour ce qu'ils sont – c'est l'essentialisme. Vous, vous êtes essentialiste, madame Taurinya, quand vous dites que, par nature, nous sommes racistes, alors que je vous dis que c'est le comportement qui compte. C'est peut-être une différence d'appréciation de ce qu'est l'homme.
Le débat sur les OQTF est un peu fou : on demande au ministre de l'intérieur de les appliquer, mais plus de la moitié de ces OQTF fait l'objet de recours, donc sont inapplicables, et la loi votée au début des années 2000 m'empêche d'appliquer l'autre moitié !
Parmi de nombreux exemples, je citerai la lettre que m'a envoyée le préfet de Côte-d'Or le 15 novembre, à propos d'un étranger sous le coup d'une OQTF qui, à 29 ans, fait l'objet de plus de 100 condamnations judiciaires ; le cumul des peines prononcées atteint 31 ans. Arrivé à 12 ans sur le territoire national, il ne peut pas être éloigné, alors qu'il est irrégulier et que sa famille habite dans son pays d'origine. Je vous renvoie à l'étude d'impact du projet de loi pour la liste des éléments qui montrent la nécessité de la mesure que nous prenons.
Nul besoin de réformer la Constitution, de revenir sur la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) ou sur d'autres engagements internationaux de la France. Seule la France a ces dispositifs qui l'empêchent d'éloigner des étrangers déjà irréguliers.
En ce qui concerne les OQTF, nous devons veiller à l'équilibre et vérifier que l'État de droit est une réalité. Depuis 1995, il y a des lois immigration tous les dix-huit mois en moyenne, qui mettent tour de vis sur tour de vis ; chaque fois, l'équilibre est brisé. Cela nous conduit à penser qu'il faut absolument changer de stratégie, d'abord – tout le monde l'a compris – en travaillant sur l'organisation de l'accueil à l'échelle de l'Europe et du pays, mais aussi en réfléchissant au problème des OQTF, inopérantes et incapables de rétablir l'ordre – si les personnes visées sont bien à l'origine du désordre.
Les articles 9 et 10 sont très importants. Ils permettent l'éloignement des personnes en situation régulière ou irrégulière ayant commis des délits ou des crimes graves. J'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que l'article 4 bis permet, dans les métiers en tension, de régulariser des personnes en situation irrégulière même si elles ont commis des infractions pénales. Ce n'est pas cohérent.
L'article 10, modifié par le Sénat sur proposition du Gouvernement, n'a pas été modifié à nouveau par l'Assemblée nationale ; c'est donc la rédaction du Sénat que nous vous reproposons, comme l'a dit le rapporteur.
Je regrette que vous n'ayez pas déposé d'amendement sur l'article 4 bis pour le coconstruire comme l'a fait le Sénat ; nous aurions très bien pu accepter un tel amendement. Si l'article 4 bis prévoit déjà la compatibilité de la régularisation avec l'ordre public, il n'y est pas écrit expressis verbis que ceux qui ont un casier judiciaire ne peuvent pas être régularisés ; c'est quelque chose que l'on pourrait ajouter en séance, évidemment en tenant compte de la nature des infractions – un délit routier, comme un excès de vitesse, ne devrait pas empêcher la régularisation ; un refus d'obtempérer, si.
Dans le débat, on donne l'impression que les protections ne sont que des obstacles et que la fin justifierait tous les moyens. Heureusement, il subsiste encore quelques protections, et nous allons tenter de les défendre. J'ai vu récemment, en visitant un centre de rétention, des personnes d'origine afghane qui n'avaient pas obtenu l'asile – toutes les personnes afghanes ne l'obtiennent pas. À mes yeux, le fait qu'elles se retrouvent en CRA n'a aucun sens. Mais il est heureux qu'il existe des protections qui empêchent de renvoyer les gens dans certains pays, même s'ils ont commis un trouble à l'ordre public. Et, dans ces cas, nous avons quand même pour mission d'éviter leur récidive et de veiller à leur insertion dans la société.
Je voulais rassurer nos collègues quant à la protection de notre État de droit. L'article vise simplement à tenir compte du comportement récent de la personne : en cas de menace grave à l'ordre public – notion juridique bien établie et très ferme –les protections contre l'édiction de la décision d'OQTF, dont bénéficient certaines catégories d'étrangers que vous avez mentionnées, monsieur le ministre, s'effacent, sauf pour les mineurs.
Le dispositif que nous envisageons ne rend pas automatique l'éloignement d'une personne représentant une menace grave, parce que l'impératif de sauvegarde de l'ordre public est toujours mis en balance avec la situation personnelle de l'étranger.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL1078 de M. Philippe Brun
Suggéré par Unicef France, l'amendement tend à inscrire dans la loi le fait qu'une décision d'OQTF visant une personne protégée doit prendre en compte, de manière proportionnée par rapport à la menace représentée par l'étranger, les circonstances relatives à sa vie privée et familiale, ainsi que l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs.
Le Sénat a adopté une version plus sévère du dispositif, mais il en a exclu les mineurs. Il reviendra à l'administration d'apprécier au cas par cas les éventuelles atteintes à la vie privée. Nous appelons votre attention sur la nécessité de préciser la rédaction afin d'éviter toute dérive.
L'avis est défavorable.
Sur le fond, l'amendement est satisfait, car la notion de proportionnalité est déjà inscrite, et je me suis opposé à des amendements visant à réduire l'obligation d'examen en application du principe de proportionnalité, notamment pour les sanctions automatiques.
En outre, l'article L. 251-2 du Ceseda vise spécifiquement les ressortissants de l'Union européenne, qui jouissent d'une protection absolue : « Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français […] les citoyens de l'Union européenne ainsi que les membres de leur famille qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu à l'article L. 234-1. » L'adoption de l'amendement amoindrirait cette protection.
Nous souhaitons supprimer la contrainte qui pèse sur le ministère de l'intérieur : la loi empêche actuellement le ministre d'ordonner l'éloignement des étrangers ayant commis des faits constituant une menace grave pour l'ordre public et contre lesquels une décision d'OQTF a été prise. Madame Karamanli, le juge ne disparaît pas du dispositif que nous proposons : il continuera d'apprécier, sur le fondement du préambule de la Constitution de 1946, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), la situation personnelle et la vie familiale de l'étranger, comme il le fait en matière terroriste. Nous ne souhaitons pas éloigner toutes les personnes, mais nous voulons pouvoir appliquer les décisions d'OQTF, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Si nous ne prenions en compte que l'intérêt de l'enfant, nous ne mettrions plus aucun parent en prison, donc votre argument ne me semble pas convaincant. En outre, personne n'empêche la famille de suivre l'étranger qu'on éloigne. Il est vrai que, dans certains cas très précis, le juge peut considérer que l'intérêt de l'enfant réside dans le maintien de l'adulte dans le territoire national, mais la loi dispose que celui-ci doit contribuer au bien-être matériel de sa famille et à l'éducation de l'enfant : n'oublions pas que nous parlons ici de personnes condamnées à des peines d'emprisonnement pour avoir commis des délits ou des crimes graves, agissements qui ne contribuent pas à l'éducation des enfants. Nous souhaitons lever ces protections qui n'existent qu'en France, permettre au ministère de l'intérieur de faire son travail et laisser le juge se prononcer sur la proportionnalité des décisions : rien n'est contraire à l'État de droit dans cela.
M. Pauget a déposé un amendement qu'il ne pourra pas défendre, dans lequel il souhaitait qu'une personne s'étant dérobée à une première OQTF ne bénéficie plus d'aucun délai pour quitter volontairement le territoire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL827 de M. Yoann Gillet
Expulser ceux qui représentent une menace grave pour l'ordre public est du bon sens : plus de 80 % des Français attendent cette politique de fermeté. À l'heure où les mineurs âgés de 13 à 17 ans concentrent 20 % de l'ensemble des mises en cause pour trafics, 46 % des violences sexuelles sur mineurs, 40 % des vols violents et 30 % des coups et blessures volontaires sur les moins de 15 ans, il est urgent d'agir. Il serait irresponsable d'ignorer cette réalité et de ne rien faire.
Les émeutes de juin dernier ont montré ce que l'inaction de l'État fait encourir à nos villes et aux Français ; elles ont mis en lumière l'excès de laxisme de notre pays : près de 30 % des interpellés étaient des mineurs, dont beaucoup issus de l'immigration.
Bien que la question des sanctions contre les jeunes soit vaste, il convient de l'aborder dans le cadre de ce projet de loi. Notre amendement vise à ce que les parents étrangers d'un mineur étranger condamné pour des faits graves puissent être expulsés à l'issue de l'exécution par le mineur de sa peine d'enfermement.
L'avis est défavorable. L'amendement propose d'expulser, par le biais d'une OQTF, des parents d'une personne reconnue coupable d'actes répréhensibles : une telle mesure frapperait des personnes en situation régulière dont le seul tort serait un lien de parenté et elle créerait une difficulté importante pour les autres enfants de la fratrie.
L'amendement illustre la différence importante qui nous sépare du Rassemblement national. Il propose d'éloigner – et non « expulser », monsieur le député, puisqu'il s'agit d'une OQTF – un étranger dont l'un des enfants aurait commis un crime ou un délit. Le droit français protège le mineur de ses parents, là vous exposez le parent à cause du comportement de l'enfant. Comme l'a très bien dit le rapporteur, il y a souvent plus d'un enfant dans la fratrie, donc que faites-vous des deux enfants qui se comportent bien quand le troisième commet un délit ? Vous expulsez un parent sur deux ? J'imagine que vous ne considérez pas que votre amendement est sérieux et que vous l'avez déposé pour ouvrir une discussion.
Il ne peut y avoir de solidarité entre parents et enfants pour l'éloignement, l'expulsion et la peine de prison. Condamnerait-on un adulte français à une peine de prison si l'un de ses enfants avait commis un crime ? C'est un raisonnement bizarre. La question, controversée, de la responsabilité financière a émergé dans le débat public, parce que les aides sociales sont données aux parents pour qu'ils éduquent leurs enfants et qu'il y a un lien entre une aide donnée pour contribuer à une éducation, mais il ne peut pas y avoir de solidarité dans le régime des expulsions, des éloignements et des peines de justice entre enfants et parents.
Votre amendement n'est ni proportionnel, ni constitutionnel, ni conventionnel et il ne respecte en aucun cas l'État de droit : j'imagine que vous l'avez déposé par provocation.
La tradition juridique française distingue les actes des mineurs de la situation des parents et de l'éventuelle fratrie. L'amendement ne respecte pas, entre autres, le principe d'individualisation des peines.
Je ne sais pas d'où provient votre estimation du pourcentage de jeunes gens issus de l'immigration parmi ceux qui ont commis des délits lors des révoltes urbaines. En France, on ne peut fort heureusement pas produire de telles statistiques, et je vous rappelle que ces jeunes gens sont français ; parmi nous et même parmi vous, un tiers des Français comptent un grand-parent qui n'est pas né en France.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre aveu : votre vision, celle du Gouvernement, et la nôtre, celle des Français, sont en effet très différentes. Nous défendons une grande fermeté, voulue par nos compatriotes, alors que vous choisissez le laxisme et le laisser-faire, qui ne cessent d'aggraver la situation dans notre pays.
C'est vous qui incarnez le laxisme, quand vous souhaitez supprimer toute responsabilité des patrons qui embauchent des personnes en situation irrégulière dans les circonscriptions viticoles : rappelons l'amendement que vous avez défendu hier à ce sujet ! C'est vous qui incarnez le laxisme, quand vous refusez que les patrons donnent aux étrangers les moyens d'apprendre le français, puisque vous ne faites aucune différence entre les personnes en situation irrégulière et celles en situation régulière dans les contrats d'entreprise – vous avez peut-être, en la matière, des intérêts particuliers à défendre, puisque vous avez dit que vous embauchiez des étrangers en situation irrégulière dans les entreprises de votre circonscription. Vous pouvez donc garder vos leçons de laxisme ; privilégiez plutôt le dépôt d'amendements plus réfléchis.
La différence entre vous et nous porte sur le sérieux. Votre amendement vise à éloigner les parents étrangers d'un enfant ayant commis un crime ou un délit ; imaginons une famille de deux parents et de deux enfants : l'un des parents est étranger, l'autre est français, l'un des enfants a commis un fait grave, l'autre non. Votre dispositif ne peut trouver aucune application : vous n'allez pas éloigner l'un des deux parents et l'un des deux enfants. Vous proposez n'importe quoi, donc gardez vos leçons politiques et juridiques. Vous n'êtes de toute évidence pas prêts à exercer le pouvoir, vous êtes tout juste prêts à faire un tract.
Nous verrons bien votre vote sur les articles 9 et 10 : êtes-vous d'accord pour que la loi française, indépendamment de la réforme de la Constitution et de la CEDH, permette d'éloigner des étrangers délinquants ? Le Rassemblement national pratique la politique du pire : vous n'avez jamais soutenu les textes européens visant à lutter contre les étrangers terroristes, pas plus que la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ou les autres textes de fermeté que propose le Gouvernement de la République, car vous ne souhaitez pas que nous apportions des solutions aux problèmes qui nourrissent le Rassemblement national. Voilà où réside la différence entre nous ! Vous en restez à l'incantation, vous n'êtes manifestement pas prêts à exercer le pouvoir – ce qui est une bonne nouvelle pour la République – et vous vous opposez par principe à toutes nos propositions.
Les articles 9 et 10 comportent des dispositions concrètes, fermes et difficiles, quand vous proposez des mesures venues du cyberespace juridique, impossibles à déployer. Faites attention : regardez ce qui est arrivé aux conservateurs britanniques qui ont promis le Brexit, à Mme Giorgia Meloni lorsqu'elle a dit qu'elle n'avait pas besoin de l'Europe et qu'elle allait imposer un blocus naval, et à vos amis polonais qui voulaient sortir des traités européens avant d'effectuer une piteuse marche arrière et de perdre les élections : quand votre famille politique arrive aux responsabilités, elle fait n'importe quoi.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1432 de Mme Stella Dupont
Ce texte cherche à sortir de l'hypocrisie et à adopter des mesures efficaces pour simplifier les procédures, faire preuve de fermeté en matière d'expulsions et régulariser les sans-papiers exerçant un métier en tension.
L'amendement vise à mieux cibler la délivrance, actuellement très large, des OQTF, afin de les rendre plus effectives. Je propose de ne plus délivrer d'OQTF à l'encontre des étrangers pour lesquels il n'existe aucune perspective réelle d'éloignement du fait de leur situation personnelle et familiale ou du contexte diplomatique et géopolitique de leur pays d'origine : ces décisions d'OQTF les placent dans une situation très instable, dans laquelle ils ne sont ni régularisables, ni expulsables.
Je comprends votre intention, qui vise à protéger l'étranger pour lequel il n'existe aucune perspective réelle d'éloignement du fait de sa situation personnelle et familiale ou du contexte diplomatique et géopolitique.
La rédaction de l'alinéa 5 de l'article exclut déjà les décisions d'OQTF pour les étrangers que l'on n'éloigne pas en raison de leur vie privée. Cet alinéa participe fortement à l'équilibre de l'article. S'agissant de la seconde raison justifiant l'absence d'éloignement, je ne partage pas l'idée de protéger des OQTF les étrangers venant d'un pays qui délivre trop peu de laissez-passer consulaires : cela créerait une inégalité d'appréciation liée au comportement diplomatique d'un pays étranger, alors que l'appréciation doit se faire au cas par cas. L'exécution constitue un autre sujet sur lequel le ministère de l'intérieur et celui des affaires étrangères travaillent en profondeur pour obtenir, dans le cadre des bonnes relations que nous entretenons avec l'ensemble des pays, des laissez-passer consulaires suffisants. En revanche, protéger les étrangers en ne prononçant pas à leur encontre des décisions d'OQTF parce que leur pays d'origine refuse de se montrer coopératif instaurerait une inégalité de traitement.
J'émets un avis défavorable à l'adoption de l'amendement.
Si la requête d'un demandeur d'asile afghan est déboutée, le contexte particulier de son pays rend pratiquement impossible son expulsion : ce sont ces cas-là que l'amendement vise ; nous n'avons aucun intérêt à favoriser les détournements de notre politique et les refus de laissez-passer consulaires. Je souhaite simplement que nous ciblions davantage la délivrance des OQTF, car des personnes se trouvent réellement dans une situation où elles ne sont ni expulsables, ni régularisables. Il convient de sortir de ce no man's land administratif, et je propose un moyen d'avancer dans cette voie.
Nous ne pratiquons pas la politique de tolérance envers les personnes ni expulsables, ni régularisables ; en Allemagne, cette politique, la Duldung, autorise les personnes à travailler même si elles sont en situation irrégulière lorsqu'elles ne sont pas expulsables – ce qui permet notamment de vérifier leur identité. Peut-être qu'une telle disposition manque dans le droit français. L'OQTF peut remplir néanmoins le même rôle : ne soyons pas hypocrites, nous savons que des décisions d'éloignement sont prononcées pour vérifier l'identité d'une personne sans savoir si celle-ci pourra retourner dans son pays – en effet, il se peut que la France n'ait plus de relations diplomatiques avec celui-ci, ce qui est le cas avec la Syrie et l'Afghanistan. Cette tolérance, qui existe dans de nombreux pays voisins, consiste à n'éloigner l'étranger que lorsque les relations diplomatiques sont rétablies avec son pays d'origine. Nous appelons cela une assignation au report, que nous traduisons par une décision d'OQTF, quand nos voisins appellent ce mécanisme la tolérance. Nous avons décidé de ne pas introduire un tel dispositif dans le texte, parce que les Allemands songent à l'abandonner car il pose des problèmes complexes et parce que certains auraient dit qu'il visait à cacher la vérité en cassant le thermomètre.
Là où je suis moins d'accord avec vous, madame Dupont, c'est qu'un Afghan enfermé dans une prison ou dans un centre de rétention administrative (CRA) peut retourner dans son pays. Il y a quelques semaines, un Afghan, partisan des talibans et condamné pour terrorisme, a quitté de lui-même la France pour repartir en avion en Afghanistan – s'il n'est plus possible de l'enfermer, je préfère qu'un individu comme lui retourne dans son pays. En outre, laissez l'administration et le juge se prononcer : la première n'est ni bête, ni méchante, et le second statue, en cas de recours, en appréciant la vie privée et familiale de la personne, les possibilités diplomatiques de son éloignement et, évidemment, sa dangerosité. Le droit actuel empêche tout recours du ministère devant le juge pour éloigner l'étranger ; tout le monde me disait que nous ne pouvions pas expulser Hassan Iquioussen, mais nous y sommes parvenus car nous avons réussi à prouver qu'il avait des liens de vie avec le Maroc.
Je comprends votre préoccupation, que nous ne pouvons néanmoins pas traduire dans le texte pour les raisons que je viens d'exposer.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL826 de Mme Edwige Diaz
Nous contestons une disposition de l'article offrant la possibilité de limiter l'expulsion d'étrangers ayant fait l'objet d'une OQTF. Nous ne pouvons pas nous permettre, dans le contexte actuel, de restreindre l'exécution des OQTF. Un livret de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) de cette année, intitulé « Immigration : comment font les États européens ? », contient une partie dont le titre est « Les obligations de quitter le territoire : un échec français » – j'aurais plutôt écrit « un échec des différents ministres de l'intérieur ». Les chiffres sont éloquents : entre 2015 et 2021, la France s'est montrée le cancre du classement européen, en exécutant seulement 12 % des décisions d'OQTF. Vous passez votre temps à nous donner des leçons, monsieur Darmanin, quand nous souhaitons humblement vous rappeler à votre bilan.
L'avis est défavorable : l'amendement vise à supprimer l'alinéa 5, qui fait l'équilibre de l'article.
Le groupe Renaissance est très attaché aux articles 9 et 10, qui sont particulièrement importants. Les gouvernements successifs ont organisé une forme d'impuissance depuis quelques décennies, en introduisant un nombre considérable de protections qui empêchent même de se poser la question de l'exécution de l'OQTF. Ces deux articles visent donc à lever ces protections sans déséquilibrer l'ordre des choses : l'État de droit, dont parle constamment la gauche transformée en Conseil constitutionnel, est parfaitement respecté, puisqu'un équilibre est ménagé entre le respect de la vie privée et familiale et la nécessité de sauvegarder l'ordre public. Le débat ne porte pas sur les OQTF, mais sur l'éloignement des délinquants étrangers.
Madame Diaz, vous souhaitez supprimer l'alinéa 5 de l'article 10 car vous êtes gênée que nous obtenions l'expulsion et l'éloignement des étrangers délinquants ; vous voulez déséquilibrer le dispositif afin que le Conseil constitutionnel le censure et que vous puissiez dire que le Gouvernement est incapable d'éloigner cette population. Comme je viens de le dire à Mme Dupont, faites confiance à l'administration, aux préfets, aux fonctionnaires de la République, aux policiers et aux gendarmes – je sais que c'est difficile pour vous. Les fonctionnaires apprécient les situations au cas par cas. Un juge ne fera évidemment pas procéder à l'éloignement d'une personne arrivée à l'âge de 6 mois sur le territoire national, qui commet un crime ou un délit à 75 ans – cela se produit, notamment dans le domaine des violences intrafamiliales –, dont les enfants sont français et dont toute la vie s'est déroulée ici : autant ne pas encombrer les tribunaux, la préfecture ne prendra pas de décision d'OQTF. Voilà ce qu'implique l'alinéa 5.
Cessez de caricaturer le texte et répondez à la question fondamentale qu'il pose : souhaitez-vous résoudre une partie des difficultés que crée la loi française ? Soit vous choisissez la politique du pire et vous votez contre le projet de loi, soit vous acceptez de faire un pas très important pour la sécurité de nos concitoyens, dans le respect des étrangers qui suivent les lois et les valeurs de la République, et vous votez pour le texte, qui se conforme à l'État de droit et qui déploie une politique de fermeté. Vous pouvez privilégier la déstabilisation du texte pour que le Conseil constitutionnel le censure, mais je constate que vous n'avancez aucune proposition alternative : le Rassemblement national ne propose rien, il se contente de déposer des amendements de suppression d'alinéa ou d'article – votre seule idée est de protéger les patrons qui embauchent des étrangers en situation irrégulière dans vos circonscriptions.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 10 non modifié.
En conséquence, l'amendement CL1141 de M. Sébastien Peytavie tombe.
Article 10 bis (nouveau) (art. L. 612-6- et L. 613-9 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Augmentation à dix ans de la durée maximale d'une interdiction de retour en cas de menace grave pour l'ordre public
Amendements de suppression CL1714 de M. Philippe Pradal, CL908 de M. Boris Vallaud et CL1184 de M. Davy Rimane
Nous souhaitons supprimer l'article 10 bis, car il est mal positionné dans le texte ; son dispositif sera repris par l'excellent rapporteur Ludovic Mendes à l'article 18.
Cet article, qui résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat, pose de nombreux problèmes : il tend à aggraver la situation des étrangers sous le coup d'une OQTF et il augmente la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français. En outre, il place sur le même plan l'étranger qui présente une menace pour l'ordre public et celui qui peut se soustraire à l'exécution de la décision d'éloignement. Nous craignons une généralisation de cette mesure. Voilà pourquoi nous souhaitons supprimer l'article 10 bis.
Je donne un avis favorable à l'amendement de suppression que vient de présenter Mme Karamanli, puisqu'il est identique au mien.
Je souscris aux propos de ma collègue Karamanli. Mme Miller a affirmé que les députés de la NUPES aimaient rappeler les exigences de l'État de droit : en effet ! J'avoue être surpris par la teneur de cette intervention, prononcée sur le ton d'un quasi-reproche ; nous devrions tous être préoccupés par le respect de l'État de droit et de la Constitution. Nous considérons qu'une loi ne doit être ni un texte inutilement bavard, ni un tract destiné à contenter la droite radicalisée et l'extrême droite, mais qu'il doit au contraire s'attacher à respecter les principes précieux qui fondent notre République : s'il faut continuer à les défendre envers et contre vous, nous le ferons.
Depuis 1995, le Parlement vote des lois qui serrent la vis, durcissent le droit des exilés et des immigrés qui se trouvent dans notre pays : leurs droits reculent et leur expulsion est facilitée, mais rien ne change. En effet, l'exécution des OQTF rencontre de grands obstacles. C'est comme la surenchère pénale : la loi est de plus en plus sévère, mais cette politique ne fonctionne pas ; elle est en revanche poursuivie par pure démagogie.
Monsieur Lucas, nous sommes effectivement très attachés à l'État de droit ; le ministre de l'intérieur le rappelle d'ailleurs souvent, notamment lorsqu'il répond aux députés du Rassemblement national qui, pour le coup, traitent notre État de droit comme un paillasson. En revanche, le respecter ne signifie pas se substituer au Conseil constitutionnel et au Conseil d'État : ce dernier a estimé que les articles 9 et 10 du projet de loi étaient parfaitement conformes au bloc de constitutionnalité.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 10 bis est supprimé et les autres amendements se rapportant à l'article tombent.
Article 11 (art. L. 331-2 et L. 813-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Relevé des empreintes digitales et prise de photographie d'un étranger sans son consentement
Amendements de suppression CL778 de Mme Élisa Martin, CL909 de M. Boris Vallaud, CL1043 de M. Benjamin Lucas et CL1185 de Mme Emeline K/Bidi
L'article 11 a pour objet d'autoriser le recours à la coercition pour le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie des étrangers en séjour irrégulier ou contrôlés à l'occasion de leur franchissement de la frontière, alors qu'ils ne satisfont pas aux conditions d'entrée sur le territoire. La logique est de réduire les droits de ces personnes. Le dispositif peut sembler anodin, mais il ne l'est pas, car il est inédit. Cet article criminalise la présence des réfugiés et des exilés et abaisse leurs droits, démontrant ainsi le caractère nettement xénophobe du projet de loi.
Nous souhaitons supprimer l'article, car il autorise le relevé des empreintes d'un étranger en situation irrégulière sans le consentement de celui-ci. Vulnérables, ces personnes ignorent très souvent leurs droits et risquent de souffrir d'abus massifs sans l'assistance d'une association ou d'un avocat – le texte devrait prévoir leur présence et préciser la possibilité pour les individus de contester la mesure qui leur est imposée.
Mes collègues Martin et Karamanli ont, comme à leur habitude, parfaitement dit les choses.
Au fur et à mesure de ces textes, des caps sont franchis, ici dans la coercition : il faut faire obstacle à cette évolution. L'article vise à criminaliser les étrangers. Sa rédaction précise que le recours à la contrainte ne peut concerner qu'un étranger « manifestement âgé d'au moins dix-huit ans » : elle pose un problème d'atteinte à la liberté des enfants, car elle renforce le pouvoir des policiers qui auront à juger de la minorité ou de la majorité de l'étranger ; des enfants – potentiellement – seront contraints, sans contrôle préalable du juge, d'être photographiés et de se soumettre au relevé de leurs empreintes digitales. Je lance une alerte rouge sur cet article.
Le dispositif de l'article 11 est utile et nécessaire. Il convient de ne pas lui attribuer des intentions, une portée et des mots qui ne sont pas les siens. Le Conseil d'État n'a formulé aucune observation sur cet article, ce qui signifie que sa rédaction initiale ne soulevait aucune difficulté juridique ou d'opportunité. Le recours à la contrainte pour relever des empreintes en cas de refus est nécessaire pour s'assurer de l'identité de la personne et de sa nationalité : sans cela, nous privons les agents de police, qui portent la voix de la République dans ces situations, d'éléments permettant de vérifier les affirmations des étrangers et d'établir la vérité. Je suis de toute façon un peu gêné d'entendre que la clandestinité devrait être entourée de droits protecteurs supérieurs à ceux d'une situation officielle.
Avec Florent Boudié, rapporteur général, nous avons déposé plusieurs amendements visant à modifier l'encadrement du dispositif et à apporter des garanties procédurales à son bon fonctionnement.
Je rappelle enfin que c'est le droit de l'Union européenne, auquel on attribue de nombreux maux, qui a mis en place cette mesure.
L'article vise à transposer, avant son adoption, le pacte européen sur la migration et l'asile, voté par le Parlement européen à une très large majorité, composée des groupes Renaissance – Renew Europe –, Parti populaire européen (PPE), mais également Alliance progressiste des socialistes et démocrates. Ce pacte prévoit la prise des empreintes de toute personne pénétrant dans le territoire de l'Union européenne.
L'article 11 prévoit d'autoriser le recours à la coercition pour prélever les empreintes d'une personne, afin de connaître son identité – c'est indispensable pour lutter contre l'immigration irrégulière. Il s'agit de donner aux policiers les moyens de faire leur travail.
Refuser de se soumettre au relevé d'empreintes constitue un délit, passible de poursuites pénales. En 2021, 1 872 condamnations ont ainsi été prononcées pour maintien irrégulier sur le territoire et soustraction au relevé d'empreintes. La situation en devient kafkaïenne : la plupart des étrangers concernés souhaitent en effet demander l'asile, ce qui leur imposera de fournir leur identité.
Le groupe de l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen a voté le texte relatif au filtrage ; le gouvernement social-démocrate de M. Olaf Scholtz et des Verts l'a fait entrer en vigueur, comme l'Italie, dès avant l'arrivée au pouvoir de Mme Giorgia Meloni, et comme les Pays-Bas, la Grèce, la Norvège et l'Estonie. Il est important que les services de police puissent accomplir ce travail.
Mme Karamanli dénonce l'absence de recours. Le Sénat a imposé plusieurs mesures de protection, notamment l'autorisation préalable du procureur de la République. En outre, ce sont des policiers et des gendarmes qui relèvent les empreintes, pas des délinquants ; ils sont formés et agissent sous l'autorité des magistrats.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CL1590 de M. Philippe Brun.
Amendements CL1243 de M. Laurent Marcangeli et CL453 de M. Laurent Jacobelli (discussion commune)
L'amendement CL1243 vise à rétablir la rédaction initiale de l'article 11 telle que présentée par le Gouvernement. Il s'agit de prendre les empreintes des personnes. Nous sommes quand même en droit de savoir qui se trouve sur le territoire, et nous devons avoir les moyens d'assurer un suivi. Il ne sert à rien d'alourdir la procédure.
Nous sommes confrontés à une vague migratoire, or notre droit n'est pas adapté. Nous devons identifier celles et ceux qui traversent nos frontières – c'est une question de sécurité. Pour cela, il faut que les forces de l'ordre puissent procéder aux contrôles nécessaires, donc prendre les empreintes digitales et des photographies d'identité. L'article prévoit qu'en cas de refus de l'étranger, le policier devra demander l'autorisation du procureur de la République pour l'y contraindre, et qu'on ne peut forcer un mineur. Ces garanties sont suffisantes. La présence de l'avocat rend une procédure banale démesurément compliquée. Ne perdons pas de vue la seule priorité pertinente : protéger la France et les Français.
Avis favorable à l'amendement CL1243. Je suggère le retrait de l'amendement CL453, qui vise le même objectif ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Pour protéger le France et les Français, il faut faire respecter le droit, préserver l'égalité en droit.
L'article 11 joue déjà avec le principe de la présomption d'innocence ; vous voulez supprimer le recours à l'avocat, qui constitue un droit essentiel. C'est bien la preuve qu'au Rassemblement national, on ne protège que soi-même.
Je suis favorable à l'amendement CL1243, qui vise à simplifier la procédure. Je précise à ceux qui dénoncent l'obligation d'obtenir l'autorisation du procureur et la présence de l'avocat, que ces éléments ont été ajoutés par le Sénat. De fait, il serait compliqué qu'un avocat assiste à chaque contrôle d'identité.
La commission adopte l'amendement CL1243.
En conséquence, l'amendement CL453 tombe.
Amendement CL1045 de M. Benjamin Lucas
Si j'ai bien entendu, le rapporteur vient de nous expliquer que les amendements du groupe Horizons et apparentés visaient les mêmes objectifs que ceux du groupe Rassemblement national : c'est instructif. La majorité avait promis un texte équilibré, faisant preuve à la fois d'humanité et de fermeté. En réalité, elle s'aligne trop souvent sur la droite radicalisée, qui elle-même s'aligne sur l'extrême droite. C'est inquiétant, pour la démocratie et pour les valeurs de la République.
Avant l'examen en séance, je préciserai combien d'amendements identiques à des amendements du groupe Rassemblement national votre groupe aura déposés au total. Leur nombre est important.
Vous pouvez tenter toutes les manœuvres et tous les coups de communication que vous voudrez. Je n'ai jamais eu le moindre objectif en commun avec l'extrême droite – au contraire. La question des migrations est particulièrement sensible ; elle est inscrite dans l'ADN de l'extrême droite de ce pays, or ce n'est pas moi qui partage avec cette dernière des propositions dans ce domaine. Vous avez raison, les Françaises et les Français pourront le constater lors de l'examen en séance.
Monsieur le rapporteur, j'invite seulement à ne pas dire que vous partagez les mêmes objectifs que le Rassemblement national – surtout, à ne pas agir en ce sens. Le Président de la République a été élu et réélu pour faire barrage à Mme Le Pen.
Vous êtes trop fin et trop avisé pour ne pas saisir la distinction : j'ai dit que l'amendement de M. Jacobelli visait le même objectif que l'amendement de M. Marcangeli. Cela n'implique pas que les signataires des amendements partagent la même idéologie.
Nous avons adopté à l'instant des amendements de suppression de l'article 10 bis, que nous avons soutenus ensemble : nous visions le même objectif, mais certainement pas parce que nous partageons la même idéologie. Sur des motions de censure en particulier, il est arrivé que se mêlent des voix de députés qui ne partageaient pas les mêmes objectifs.
J'irai plus loin. Vous affirmez, monsieur Lucas, n'avoir jamais partagé d'objectif avec le Rassemblement national, or il en existe au moins un : faire tomber le Gouvernement. Vous l'avez d'ailleurs assumé plusieurs fois.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1337 de M. Emmanuel Mandon
Nous estimons que les garanties sont suffisantes. Néanmoins, pour protéger les personnes, ainsi que pour assurer un suivi de la santé de ceux qui entrent dans notre territoire, et parfois ainsi gagner du temps, nous proposons que l'étranger concerné puisse être examiné par un médecin, à sa demande ou à celle de son avocat. Cette mesure permettrait d'établir un bilan médical et de dispenser immédiatement les soins nécessaires. Dans le domaine de la santé, la prévention permet souvent de faire des économies.
L'article L. 813-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoit déjà la présence d'un médecin. Il ne nous semble pas utile de l'ajouter à l'article L.813-10, qui porte sur une opération brève et peu contraignante. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Cela signifie que le dispositif prend place dans une procédure globale qui assure déjà les mesures de protection nécessaires.
L'amendement est retiré.
Amendements CL1064 de Mme Francesca Pasquini et CL779 de Mme Danièle Obono (discussion commune)
L'article 11 autorise le recours à la coercition pour relever les empreintes des personnes en situation irrégulière ou qui franchiraient la frontière, et pour prendre leur photographie. Or, cette mesure porte atteinte à plusieurs droits fondamentaux : l'inviolabilité du corps humain, la liberté individuelle, la dignité de la personne, les droits de la défense.
Afin d'exclure les mineurs, le Sénat a précisé que le recours à la contrainte « ne peut concerner qu'un étranger manifestement âgé d'au moins dix-huit ans ». Or, cette garantie est très insuffisante, car elle prévoit une appréciation subjective de la minorité, permettant aux officiers de police judiciaire (OPJ) de se prononcer de manière hâtive et arbitraire. La Défenseure des droits l'a expliqué, il serait impossible d'assurer que la mesure ne concernera pas des personnes se disant mineurs non accompagnés (MNA), donc de protéger l'intérêt supérieur de l'enfant.
À défaut de supprimer l'article 11, assurons-nous d'empêcher le recours à la coercition sur les mineurs.
Nous nous opposons au recours à la coercition pour relever les empreintes digitales et prendre des photographies, en particulier pour les mineurs. Le présent amendement tend donc à supprimer le mot « manifestement », pour retirer toute latitude éventuelle dans l'appréciation de la minorité. Nous le répétons, ce texte ne va pas dans le bon sens ; il exprime une suspicion généralisée envers les étrangers, qui touche même les enfants. La Macronie, la droite et l'extrême droite s'associent contre l'État de droit : elles ont voté main dans la main un amendement visant à priver les étrangers de la présence d'un avocat.
Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, dont M. Jean Terlier était le rapporteur, a déjà introduit ce dispositif, à l'article L. 413-17 dudit code. Il s'applique dans des circonstances comparables. Il n'y a aucune violation de l'État de droit.
Lorsque j'ai défendu un amendement visant à prévoir un examen médical, le rapporteur m'a montré que le texte respectait les principes de notre droit. Il est inutile d'agiter des chiffons rouges : toutes les garanties habituelles en cas d'exercice d'une contrainte sont prévues. Si tel n'était pas le cas, le Conseil constitutionnel censurerait, à coup sûr, le texte.
Les Français ne sont pas inquiets parce qu'il y aurait trop d'étrangers ; ils veulent seulement des procédures justes, humaines et efficaces.
On ne peut pas complètement travestir la réalité, Monsieur Lucas. Vous vous contentez de reprendre l'argument du Syndicat de la magistrature (SM), qui défend des opinions particulières. Le Conseil d'État, qui est lui impartial et indépendant, a visé ces dispositions, au regard des exigences de l'État de droit et de la Constitution. Il n'a rien trouvé à y redire. Je vous renvoie à son avis : nous ne trahissons aucunement les libertés publiques.
Ce texte ne respecte pas vraiment l'État de droit. Lorsque vous avez défendu l'amendement 1337, monsieur Balanant, vous avez évoqué l'avocat de la personne concernée. Or, la présence d'un avocat venait d'être supprimée par la Macronie, la droite et l'extrême droite. Vous n'aviez donc pas suivi la discussion, et le rapporteur ne vous a pas repris. Votre amendement ne mentionnait pas l'avocat, mais vous l'avez évoqué, parce que instinctivement, vous estimiez que sa présence était nécessaire.
On peut être en désaccord avec vous, monsieur le rapporteur général, sans travestir la réalité. Depuis lundi, le ministre et vous-mêmes répondez à des questions que nous n'avons pas posées et objectez à des arguments que nous n'avons pas avancés. Personne n'a dit que ce texte mettait en cause tous les principes de l'État de droit – même s'il en attaque beaucoup. Les principes comptent, comme les symboles et l'État de droit. Il était particulièrement déplacé de vous en prendre au Syndicat de la magistrature. Oui, nous respectons la parole des organisations syndicales, comme on a pu le constater pendant la réforme du système des retraites, car nous croyons que les corps intermédiaires contribuent au bon exercice de la démocratie. Je ne suis ni constitutionnaliste, ni juriste ; j'écoute les professionnels du droit et je suis fier d'exprimer ici certaines de leurs revendications.
Les amendements en discussion tendent à garantir la vérification de la majorité de personnes qui n'ont pas de documents d'identité : c'est absurde. Adopter ces amendements irait à l'encontre de l'objectif recherché, puisque cela supprimerait la mesure de protection des mineurs. « Manifestement », signifie « à l'évidence ».
Il est évident que la rédaction protège les mineurs. Comme je l'ai expliqué, nous réfléchissons avec le garde des sceaux, sous l'autorité des magistrats, à créer des procès-verbaux (PV) de constatation de majorité ou de minorité. L'expérience est menée à Bordeaux. Il est facile de reconnaître un majeur quand on est devant une personne qui mesure 1,90 mètre et porte une grande barbe, et qui a déjà été interpellée plusieurs fois, notamment trois ou quatre ans auparavant, avec le même signalement. Dans ce cas, le policier ou le gendarme établit un PV de constatation, le soumet au procureur de la République, qui le soumet au juge, qui constate que la personne est majeure, ou mineure. Il faut faire confiance aux policiers et aux gendarmes, qui agissent toujours sous l'autorité d'un magistrat. Bien entendu, il est possible de contester devant le juge.
La mesure ne contredit en rien l'État de droit. Il faut combattre les abus, et vous ne servez pas la cause des mineurs en vous y refusant.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL1715 de M. Philippe Pradal
Il vise à préciser qu'est établi un procès-verbal du relevé d'empreintes sans consentement.
La commission adopte l'amendement.
La commission adopte l'article 11 modifié.
Après l'article 11
Amendement CL961 de M. Andy Kerbrat
Il vise à revenir au droit en vigueur avant la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, qui a porté à vingt-quatre heures la durée pendant laquelle on peut retenir un étranger pour vérifier son droit de séjour. C'est une atteinte à la liberté.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CL959 de Mme Danièle Obono.
Article 11 bis (Article nouveau-supprimé non transmis par le Sénat)
Amendement CL509 de M. Sébastien Chenu
Monsieur le ministre, vous nous accusez de ne pas avoir de propositions : en voilà une. Et puisque vous prônez la fermeté, vous devriez y être favorable.
Le présent amendement vise à rétablir l'article 11 bis, donc à doubler les peines qu'encourt toute personne suspectée d'avoir commis une infraction qui refuse de se soumettre à des prélèvements, au relevé d'empreintes digitales ou à la prise de photographies autorisés par le procureur de la République ou par le juge d'instruction. Il faut faciliter le travail des forces de l'ordre. Surtout, nous devons nous montrer fermes.
Je vous invite à lire le livret Contrôler l'immigration de Marine Le Pen, bien plus complet que votre énième texte sur l'immigration, qui ne servira à rien. Depuis que vous êtes ministre de l'intérieur, 500 000 personnes environ entrent chaque année dans notre pays. Vous n'avez pas de leçons à nous donner dans ce domaine – d'ailleurs, les Français nous font plus confiance qu'à vous pour nous en occuper.
Avis défavorable. Doubler les peines les porterait au même niveau que celles prévues pour dissimulation forcée du visage d'un mineur ou pour proposition sexuelle sur internet à un mineur : il faut conserver l'équilibre.
Avis défavorable. L'amendement tend à rétablir l'article 11 bis, introduit par la commission des lois du Sénat, mais que le Sénat lui-même n'a pas voté lors de son examen en séance publique. En effet, l'article 11 introduisant une coercition, il n'est plus nécessaire de prévoir des peines.
Vous prétendez que le texte ne servira à rien, mais les membres de votre groupe défendent des amendements visant à le renforcer, ce qui vous contredit.
La commission rejette l'amendement.
Article 11 ter (nouveau) (art. L. 142-3-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Création d'un fichier relatif aux personnes se déclarant mineures impliquées dans des infractions à la loi pénale
Amendements de suppression CL1716 de M. Philippe Pradal, CL782 de M. Thomas Portes, CL911 de M. Boris Vallaud, CL1039 de M. Benjamin Lucas, CL1186 de Mme Elsa Faucillon, CL1329 de M. Erwan Balanant et CL1565 de Mme Laure Miller
L'article 11 ter prévoit la création d'un fichier spécifique pour les MNA délinquants. Le rapporteur général et moi-même vous proposons de le supprimer. En effet, le fichier d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM) contient déjà les informations qui les concernent, et il n'existe pas de condition d'âge à l'inscription au fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ).
Créer un fichier spécifique aux mineurs, contenant photographies et empreintes, relève encore une fois de la surveillance généralisée.
S'agissant de complaisance avec l'extrême droite, je rappelle que ce ne sont pas les députés de la NUPES qui ont élu deux vice-présidents d'extrême droite. Et c'est vous, monsieur le ministre, dans la déclaration du Gouvernement relative à la politique de l'immigration, qui avez cité à la tribune Jacques Bainville, historien de l'Action française, mouvement antisémite – le compte rendu le prouve.
La question des fichiers est sensible. Il existe déjà des fichiers, qui rendent cette disposition inutile, à moins qu'il ne s'agisse d'établir une liste des jeunes hommes mesurant 1,90 mètre et portant une barbe, pour abonder les nouvelles vidéosurveillances par intelligence artificielle (IA), dont l'intelligence, toute relative, est nourrie par des stéréotypes.
La Défenseure des droits souligne que le présent article porte une atteinte majeure et disproportionnée au respect de la vie privée et qu'il stigmatise injustement des mineurs.
Quand on s'appelle Elsa, on ne peut laisser placer Bainville à égalité avec Aragon – ils n'ont pas laissé le même héritage.
L'amendement CL1186 vise à supprimer l'article 11 ter, qui concourt à jeter la suspicion sur les mineurs non accompagnés, plutôt qu'à se précipiter pour les protéger. Je profite de l'occasion pour vous interpeller sur la manière dont ces jeunes sont trop souvent traités.
Nous demandons la suppression de cet article, gênant dans sa rédaction. Il évoque les mineurs « à l'encontre desquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'ils aient pu participer, comme auteurs ou complices, à des infractions à la loi pénale » : on est à la limite de la présomption de culpabilité. En outre, le TAJ existe déjà.
Pas grand-chose ne va dans cet article. Il ne précise pas qu'il vise les mineurs étrangers : on se demande pourquoi l'insérer dans le Ceseda. On ne sait pas davantage ce qu'il vient faire dans ce projet de loi. De toute évidence, il s'agit d'un cavalier législatif. Enfin, il existe le fichier TAJ. Nous demandons donc la suppression de l'article.
Cet article n'introduit ni discrimination, ni surveillance généralisée. Il vise à protéger les Français. En voyant que les macronistes et la NUPES ont déposé des amendements de suppression, ces derniers pourront se dire qu'il est heureux que le Rassemblement national pense à leur sécurité. Selon les sondages, 60 % des Français se sentent en insécurité et 80 % ont peur pour la sécurité de leurs enfants – mais vous en faites peu de cas. De plus, une large suspicion de fraude entoure le statut des MNA. En 2020, ils ont commis 30 % des cambriolages : nous considérons qu'il faut maintenir cet article.
Il faut garder raison. Personne ne dit que tous les MNA sont des délinquants, mais il est évident qu'ils sont surreprésentés parmi les auteurs d'actes de délinquance. En 2020, selon la justice, ils étaient responsables de 30 % des cambriolages à Paris, de 44 % des vols à la tire, de 32 % des vols avec violence. Enfin, 80 % des mineurs déférés étaient non accompagnés. Il existe donc un vrai problème. Le fichier introduit par nos collègues sénateurs a l'avantage de permettre à l'aide sociale à l'enfance (ASE) de savoir avec qui les mineurs placés sous leur protection pourraient se retrouver dans les structures d'accueil. J'appelle votre attention sur cette question, puisque nous risquons de ne pas discuter l'amendement CL480 de M. Pauget.
J'entends les chiffres de la surreprésentation des MNA parmi les délinquants répétés ad nauseam. En exclusivité : c'est dans les populations pauvres qu'on arrête le plus ! Si nous voulions changer les choses, et les chiffres, l'accompagnement des mineurs concernés pourrait constituer une solution. J'ajoute que les pauvres ne sont pas seuls à commettre des actes de délinquance. Ainsi, un grand parti politique a détourné 6 millions d'euros d'argent public, des ministres ont fourni des emplois fictifs, et trop d'accusations pèsent sur les membres du Gouvernement pour toutes les citer.
En se limitant aux chiffres de la petite délinquance, on peut certes diffuser des préjugés et faire monter la xénophobie, et toujours stigmatiser, sans jamais s'attaquer aux véritables problèmes de la France.
Pour nous, l'enjeu n'est pas la protection des Français : nous ne pratiquons pas cette fausse préférence nationale.
C'est notre organisation de l'accueil qui ne fonctionne pas s'agissant de jeunes gens qui arrivent en France par leurs propres moyens, dans des conditions très difficiles, voire traumatisantes. On a confié aux départements la protection de l'enfance ; peut-être faut-il leur accorder les moyens nécessaires pour agir correctement. Mais, bien sûr, ce n'est pas d'actualité, puisque nous suivons une logique d'austérité…
Quand des jeunes sont laissés à la rue, seuls, sans aide, sans moyens de subsistance, il est logique que certains deviennent de petits malfrats, pour survivre. Je ne le pardonne pas, mais notre responsabilité est d'organiser l'action publique pour que cette situation n'existe plus. Contrôler et être efficace, de façon juste et équitable : tel est précisément l'enjeu du texte.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 11 ter est supprimé et les autres amendements portant sur l'article tombent.
Avant l'article 12
Amendement CL831 de M. Julien Bayou
Il vise à abroger le titre IV du livre VII du Ceseda, relatif à la rétention administrative. Les visites de centres de rétention administrative (CRA) montrent que les tentatives de suicide, les actes d'automutilation, les humiliations et les violences physiques y sont légion, sans parler des mauvaises conditions sanitaires, notamment en période d'épidémie. C'est indigne.
L'enfermement dans ces centres constitue une privation de liberté, ce qui soulève un problème de droit. La directive « retour » précisait que la rétention administrative ne pouvait être qu'exceptionnelle ; l'administration en a presque fait une étape obligatoire du parcours d'éloignement. On pourrait imaginer des assignations à résidence ou des centres ouverts, sur le modèle des maisons de retour belges. De fait, la durée de rétention a quadruplé depuis 1981 : il est temps de mettre fin à ce régime.
Avis défavorable. Les centres et les lieux de rétention administrative sont nécessaires à la politique migratoire que nous voulons conduire. L'article 12 prévoit des aménagements, mais il est impossible de les supprimer.
C'est lunaire ! On nous propose de supprimer les CRA, qui seraient une généralité. Notre pays compte entre 600 000 et 900 000 clandestins, pour moins de 2 000 places disponibles. L'exception, c'est plutôt l'enfermement ! En début de semaine, j'ai visité avec M. Yoann Gillet le CRA de Vincennes, de 200 places environ. Les forces de l'ordre nous ont expliqué que faute de places, seuls des clandestins délinquants y étaient enfermés, et non des personnes ayant fait l'objet d'une décision d'OQTF.
Votre proposition est irresponsable. Vous voulez que l'enfermement soit l'exception, mais vos amis de la Macronie s'y emploient déjà !
Il est normal de ne trouver que des délinquants au CRA de Vincennes : le Gouvernement a pour politique de n'enfermer que des délinquants, avant de les expulser, et de ne pas enfermer des familles.
Je vois que Mme Diaz est très à l'aise avec l'idée d'enfermer des innocents. Si vous voulez avoir moins de personnes en situation irrégulière sur le territoire national, votez les amendements de régularisation que nous défendons. Cela concourra à augmenter les salaires de l'ensemble de la population, comme ce fut le cas en 1981. Mais j'observe que vous votez contre toutes les mesures à même de rehausser les salaires des Français.
La rétention administrative n'a rien de déshonorant. Elle a été instituée par l'ordonnance du 2 novembre 1945, prise par le Gouvernement provisoire de la République française, où siégeaient des communistes. Le CRA en tant que tel a été inventé par un gouvernement de gauche, en 1984, sous la présidence de François Mitterrand. Il fait partie des politiques migratoires de tous les gouvernements. En effet, il est nécessaire de garder sous la main les personnes qui veulent se soustraire aux décisions de reconduite à la frontière.
En revanche, on n'y envoie pas tous les étrangers. Il est d'ailleurs heureux qu'on ne crée pas des places pour 600 000 personnes – aucun pays au monde ne le fait !
Nous ne plaçons en CRA que les gens qui veulent se soustraire à la reconduite à la frontière, sachant que l'essentiel des OQTF se conclut par des départs volontaires. Le passage dans un CRA n'est jamais un moment plaisant dans l'existence, vous avez parfaitement raison sur ce point, monsieur Bayou. Nul ne conteste que ce sont des lieux de privation de liberté, où les personnes doivent rester le moins longtemps possible. Je demande aux préfets de n'y placer désormais que des personnes qui présentent une dangerosité dans l'espace public. Alors qu'il est souvent question de délinquance dans nos débats, un chiffre est beaucoup trop peu cité : la délinquance imputable aux étrangers a baissé de 5 à 6 points depuis deux ans, c'est-à-dire depuis que nous mettons dans les CRA des personnes dangereuses que nous parvenons davantage à expulser. Le taux d'expulsion ou d'éloignement se situe à environ 40 % pour les personnes placées en CRA, contre moins de 15 % pour les autres. Il est donc important d'établir des priorités en ce qui concerne les placements dans ces centres. Ce passage n'est pas un moment sympathique dans la vie de ces personnes, c'est le moins que l'on puisse dire, je vous l'accorde. C'est pourquoi je vais vous proposer, quand nous allons en venir à l'article 12, d'inscrire dans la loi l'impossibilité de placer des mineurs en CRA – mais je rappelle que ces centres ont été imaginés il y a longtemps par la gauche.
La commission rejette l'amendement.
Article 12 (art. L. 741-1, L. 741-5, L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Interdiction de la présence en centre de rétention administrative des mineurs de seize ans
Amendement de suppression CL1506 de Mme Annie Genevard
Il est primordial de supprimer l'article 12 si nous voulons que les étrangers en situation irrégulière, qui risquent de se soustraire à une mesure d'éloignement, restent sous la main des autorités de notre pays en attendant que l'on puisse les expulser. Cet article tend à interdire le placement en CRA des mineurs de moins de 16 ans, mais également celui de leur famille. Le risque est donc que nous ne puissions plus y placer un individu à la situation personnelle compliquée et que nous voudrions absolument expulser, au motif qu'il y aurait un mineur de 15 ans dans sa famille. Or, de tels cas induisent un problème de sécurité pour nos compatriotes. Signalons qu'à Mayotte, où les mineurs sont très nombreux dans le CRA, une telle interdiction nuirait beaucoup à notre efficacité dans les renvois vers les Comores.
Le régime du placement en centre de rétention des mineurs et de leur famille doit être adapté pour deux raisons. D'une part, la pratique administrative fait que les familles ne sont déjà plus envoyées dans les CRA – elles représentaient moins de 1,1 % des placements en 2019. D'autre part, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a régulièrement dénoncé les insuffisances de la France en matière d'accompagnement des familles de mineurs. Comme nous avons des solutions alternatives nous permettant d'obtenir les mêmes résultats, nous proposons, dans cet article 12, d'aménager le régime du CRA pour les mineurs et les familles avec mineurs. J'émets donc un avis défavorable à cet amendement de suppression.
Cet article très important traduit en droit ce qui existe dans les faits. Depuis que j'ai l'honneur de présider aux destinées du ministère de l'intérieur, on ne place plus de mineurs dans les CRA, à quelques rares exceptions près, et on y ferme les espaces dédiés aux familles. Nous considérons que les CRA doivent recevoir les personnes qui présentent une particulière dangerosité, ce que ne sont pas les mineurs. L'expulsion des mineurs ne relève d'ailleurs pas des préfets ou du ministère de l'intérieur : elle passe par une décision de justice et mobilise des structures différentes des CRA.
Cette mesure forte et humaniste, c'est notre Gouvernement qui l'aura prise. À la faveur d'autres amendements, nous allons d'ailleurs évoquer aussi les mineurs de 16 à 18 ans et les locaux de rétention administrative (LRA). Et je reviendrai sur le cas particulier de Mayotte.
Nous ne renonçons pas pour autant à éloigner des familles, comme le montrent les statistiques : le nombre d'éloignements, y compris de familles, va progresser d'environ 6 à 8 % cette année, alors que nous avons rencontré des difficultés avec certains pays. Quand nous avons une famille à éloigner, je demande aux services de police de bien préparer tous les documents, et, la veille ou l'avant-veille de l'expulsion, de l'assigner à résidence au domicile ou dans un hôtel situé de préférence près de l'aéroport, en prévoyant une garde. On peut donc procéder avec humanité, en évitant de mettre des enfants ou des adolescents dans un lieu carcéral, tout en poursuivant notre politique d'éloignement.
À Mayotte, la situation est différente, parce que le CRA n'accueille pas seulement des gens qui ont commis des actes de délinquance – ce qui s'explique par la proximité immédiate des Comores, d'où arrive un énorme flux de personnes en situation irrégulière. Dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), vous avez voté pour un doublement des places afin d'atteindre un objectif de 3 000 places à l'horizon 2027, ce qui va notamment permettre la création d'un deuxième CRA à Mayotte. Cette création va permettre de résoudre à la fois des problèmes de capacité et de transport : le nouveau centre sera situé sur l'île de Grande-Terre, alors que le centre actuel se trouve sur Petite-Terre ; l'un accueillera des délinquants et l'autre des personnes faisant seulement l'objet d'une OQTF. Nous avons prévu de ne pas appliquer le présent texte à Mayotte avant le 1er janvier 2027, afin d'avoir le temps de créer ce nouveau centre et de procéder par assignations à résidence, ce qui n'existe pas actuellement. L'article 27 de ce projet de loi indique ainsi que l'article 12 n'entrera en vigueur à Mayotte que le 1er janvier 2027, ce qui laissera largement le temps de s'adapter et de tenir compte de travaux déjà réalisés et de textes à venir : le rapport sur la lutte contre les violences faites aux mineurs en outre-mer des députés Lebon, Dunoyer et Serva ; la loi Mayotte et, je l'espère, un texte constitutionnel permettant de modifier la réglementation et la législation sur ce territoire.
On entend beaucoup de discours humanistes mais, j'y insiste, nous sommes les premiers à rendre concrète cette interdiction de placement de mineurs dans les CRA. Nous la pratiquons déjà, tout en étant plus efficaces dans l'éloignement et en respectant les personnes. J'en appelle d'ailleurs au Rassemblement national, dont les maires n'ont pas répondu positivement à ma demande de créer des CRA sur leur territoire. À la lecture de la presse, j'ai cru comprendre que la commune de Fréjus avait pourtant quelques moyens. M. Rachline m'a envoyé une lettre de trois pages, que je tiens à votre disposition, pour critiquer les CRA. Le Rassemblement national devrait mettre en cohérence ses idées et ses actions. Sur les étrangers ou la rétention, ses membres sont croyants mais pas pratiquants.
Je voudrais que l'on prenne la mesure de la décision historique que l'on s'apprête à prendre ce matin ici, en commission des lois, et plus tard en séance. Je le dis à toutes celles et ceux qui, depuis plusieurs jours, font des leçons de morale en permanence. L'interdiction de la rétention des familles dans les CRA intervient au bout d'un long processus, auquel j'ai moi-même participé par le biais d'une proposition de loi déposée au cours de la précédente législature, qui ne visait d'ailleurs pas à interdire ces placements, mais à en restreindre l'utilisation. Je suis très heureux que l'on puisse les bannir aujourd'hui de façon beaucoup plus définitive. J'espère que le texte sera renforcé encore par l'adoption de deux amendements. Le premier vise à étendre l'interdiction aux mineurs de 16 à 18 ans, une mesure à laquelle vous vous êtes montré favorable, monsieur le ministre, y compris au Sénat où elle a été rejetée – les amendements en ce sens venaient plutôt de la gauche sénatoriale. Le deuxième vise à étendre l'interdiction à tous les LRA.
L'avancée majeure qui nous est proposée aujourd'hui est le fruit de longues réflexions : il fallait concilier les impératifs de fermeté absolue – ce texte, notamment les articles 9 et 10, témoigne de cette volonté – et le développement de solutions alternatives aux CRA pour les mineurs accompagnés impliqués dans une procédure d'éloignement justifiée. À la lumière de cette disposition, j'espère que l'on mesure aussi à quel point le texte ne mérite pas les tombereaux d'insanités que nous avons parfois pu entendre depuis lundi – je pense en particulier aux accusations de racisme venant des bancs de LFI. Cet article nous permet de prendre la mesure du texte dans sa globalité, et j'espère que les structures associatives sauront le juger à cette hauteur.
En France, tant qu'on n'a pas 18 ans, on est mineur. Autre angle mort : l'absence de respect de la dignité humaine et de la vie privée dans les CRA, dont chacun de nous a pu faire le constat en allant visiter ce genre de structures, et qui nous a valu de nombreuses condamnations par la CEDH. Enfin, qu'en est-il de ces lieux de mise à l'abri, que l'on trouve par exemple à la frontière franco-italienne, dans lesquels sont enfermées des familles avec des tout petits enfants ? Non seulement ces familles sont enfermées avec des petits enfants, mais elles le sont hors de tout cadre réglementaire.
Nous ne sommes pas dupes des tentatives de diversion de M. le ministre de l'intérieur, dont le bilan devrait le faire rougir. Qu'il s'attaque de cette manière à Fréjus, ce n'est pas au niveau, mais les Fréjusiens sauront en juger. Il en est de même lorsqu'il répète en boucle que les maires du Rassemblement national ne souhaiteraient pas accueillir quelques CRA. Ce n'est pas aux dix mairies RN de compenser l'incurie de votre Gouvernement. Vous êtes en panique parce que, lors de l'adoption de la Lopmi, vous avez promis qu'il y aurait 3 000 places en CRA en 2027. Demandez à vos amis des mairies macronistes ! Même si vous atteignez l'objectif fixé en 2027, il faut mettre ce chiffre en rapport avec les 600 000 à 900 000 clandestins que compte notre pays. Pourquoi y a-t-il tant de personnes en situation irrégulière et qu'il faut expulser ? C'est parce que vous êtes incapable de faire votre travail, de contrôler les frontières. Ce texte en est la preuve matérielle.
Madame la députée, nous ne savons toujours pas si vous êtes pour l'interdiction du placement de mineurs dans les CRA, et si vous avez compris qu'il faut plutôt y placer des personnes dangereuses. Quant aux 3 000 places de CRA, elles sont trouvées. Heureusement, le maire de Béziers et des maires LR, macronistes, socialistes ou communistes nous ont proposé des terrains. J'ai déjà annoncé la liste des villes, telles que Nantes, Béziers, Dunkerque, Goussainville, Mérignac ou Olivet, où nous allons construire ces nouvelles places de CRA. Nous allons le faire sans vous. J'ai écrit à tous les maires, pas seulement à ceux du Rassemblement national. Le seul maire de votre parti qui m'ait répondu, en expliquant que ces CRA ne fonctionnaient pas, c'est celui de Fréjus. Comme on dit à Fréjus, ce n'est pas l'heure de se fâcher, madame.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL490 de M. Julien Bayou et CL913 de M. Boris Vallaud (discussion commune)
Il s'agit de mettre fin à l'enfermement des mineurs et des femmes enceintes dans les LRA. Contrairement à ce que prétend le rapporteur général, la mesure proposée dans cet article 12 n'est pas une décision historique qui devrait vous valoir des remerciements, mais une disposition qui va seulement nous mettre en conformité avec le droit européen. C'est une position de repli par rapport à la demande écologiste : l'abrogation complète du régime de rétention administrative.
Le passage dans un CRA n'est pas, comme l'a reconnu le ministre, un moment amusant dans l'existence. De fait, la France a été condamnée douze fois pour traitement inhumain et dégradant – et pas amusant, mais ce n'était pas précisé car cela va de soi –, y compris à une date récente, alors que vous étiez déjà ministre de l'intérieur, monsieur Darmanin. La France a été condamnée, par exemple, pour une rétention en janvier 2021 : une mère et son fils âgé de 7 mois étaient retenus dans le Bas-Rhin dans l'attente d'une expulsion vers l'Espagne. Vous avez dit que vous demandiez aux préfets de n'envoyer en CRA que des personnes dangereuses. Pouvez-vous nous dire quel danger représentait cette femme et son bébé de 7 mois ? Vous avez dit également qu'il était important d'établir des priorités pour l'occupation de ces places en CRA. Est-ce qu'une femme enceinte de sept mois est un cas prioritaire ?
En ce qui concerne les mineurs de 16 à 18 ans, le ministre a déjà répondu et nous aurons à y revenir au cours de nos débats, lors de l'examen d'un amendement du groupe LIOT. Quant aux femmes enceintes, nous aurons aussi à en parler à l'occasion de l'examen d'amendements abordant plus généralement le cas des personnes qui présentent une situation de vulnérabilité.
L'article L.741-4 du Ceseda impose déjà à l'autorité administrative, avant toute décision de placement en rétention, la prise en compte de l'état de vulnérabilité et de tout handicap de l'étranger – le terme de vulnérabilité est beaucoup plus large qu'une définition stricte du handicap ou de la situation de grossesse. Cette appréciation de la vulnérabilité est placée sous le contrôle du juge.
Des dispositions réglementaires organisent également la prise en compte de cet état de vulnérabilité, notamment pour le placement en rétention des demandeurs d'asile, prévoyant ainsi qu'indépendamment de l'examen de son état de vulnérabilité par l'autorité administrative lors de son placement en rétention, l'étranger peut faire l'objet, à sa demande, d'une évaluation par l'Ofii et, en tant que de besoin, par un médecin de l'unité médicale du CRA.
Peut-être est-il possible d'améliorer ces dispositions, qui sont en partie réglementaires. L'amendement est donc largement satisfait en ce qui concerne les femmes enceintes, et il devrait l'être par l'adoption de l'amendement du groupe LIOT en ce qui concerne les mineurs de 16 à 18 ans. À défaut d'un retrait, j'émettrai donc un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement CL913, j'en demande de retrait au vu des précisions apportées concernant les amendements à venir.
Monsieur Bayou, c'est une décision historique. Vous pourriez vous en réjouir, tout simplement.
Lors de l'examen, au cours de la précédente législature, de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, dite loi Collomb, combien de fois cette mesure a-t-elle été réclamée par des membres de l'opposition mais aussi de la majorité, comme Erwan Balanant ou Stella Dupont ? C'est une décision historique !
Au lieu de vous en réjouir, vous rappelez même la jurisprudence de la CEDH en mentant. Vous mentez même doublement. D'une part, la directive « retour » autorise la rétention, y compris d'enfants, pendant une durée qui peut atteindre dix-huit mois. Or, la loi Collomb a permis d'étendre la durée de rétention, mais pas jusqu'à dix-huit mois et encore moins pour les enfants. Comme l'a indiqué M. le ministre, il n'y a plus de mineurs en CRA.
D'autre part, nous n'avons-nous pas été condamnés par la CEDH pour la rétention de mineurs. La dernière condamnation date de 2016, pendant la présidence de François Hollande. L'État français a été condamné non pas pour la rétention de mineurs, mais parce que les conditions de leur rétention n'étaient pas acceptables. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous étions si nombreux à défendre une proposition de loi plus limitée que le présent article 12. Que cela vous plaise ou non, le ministre qui aura interdit la rétention des mineurs, y compris ceux âgés de 16 à 18 ans, dans les CRA aussi bien que dans les LRA, c'est l'actuel ministre de l'intérieur.
Après le rapporteur général et le rapporteur, je tiens à souligner l'importance de la décision que nous prenons, notamment sur le plan symbolique. À l'exception de l'Irlande, aucun autre pays européen n'a adopté une telle mesure. Nous ne sommes pas contraints à le faire, mais nous le faisons de notre plein gré, notamment parce que c'est une manière plus efficace et moins traumatisante pour les enfants de procéder à des éloignements.
Monsieur Bayou, vous savez très bien que l'interdiction de placer des mineurs dans les CRA a été prise en août 2022, sans attendre le vote d'une loi. Il nous a fallu le temps de trouver des moyens pour que les milliers d'enfants et leur famille qui passaient jusqu'alors par les CRA soient plutôt assignés à résidence à leur domicile ou à l'hôtel. Oui, j'ai mis un an et demi à trouver ces milliers de places d'hôtel. Je ne suis pas David Copperfield, même si vous semblez me prêter ses pouvoirs. S'agissant des mineurs de 16 à 18 ans, nous allons en effet prendre la même mesure d'interdiction de placement en rétention à leur égard, comme je l'ai déjà mentionné.
Je vous signale, à vous comme à M. Dumont, que le Sénat a adopté cet article à l'unanimité, y compris deux des sénateurs du Rassemblement national et M. Ravier. Les sénateurs ont été convaincus par nos solutions alternatives au CRA. Il ne s'agit pas mettre fin à l'éloignement des familles, mais au CRA pour les familles. C'est très différent.
S'agissant des mineurs de 16 à 18 ans, j'avais effectivement proposé, comme plusieurs groupes centristes et de gauche du Sénat, de les inclure dans le dispositif. Cette proposition n'a pas été retenue. Je serai favorable aux amendements en ce sens, ainsi qu'à ceux qui proposent de mettre fin à la présence des mineurs de moins 18 ans dans les fameux LRA, imaginés sous le gouvernement de Lionel Jospin. Que les choses soient claires : ces personnes seront assignées à résidence à leur domicile ou à l'hôtel dans l'attente de leur éloignement, c'est-à-dire dans un cadre qui n'a pas le caractère carcéral d'un CRA.
N'y voyez aucun réflexe partisan mais, en ce qui concerne l'interdiction de placement de tous les mineurs en LRA, je préfère la rédaction de l'amendement CL683 de M. Pancher. L'amendement de M. Vallaud est intéressant, mais il écrase le juge des libertés et de la détention (JLD), si j'ose dire, en ne lui permettant pas de jouer son rôle comme il le devrait.
Le rapporteur général m'ayant traité de menteur, je vais lui répondre et lui demander des excuses.
Votre accusation, monsieur le rapporteur général, me pose un problème mais elle témoigne aussi d'un manque de respect à l'égard de la commission des lois. Lisons ensemble cette directive « retour », dont vous affirmez qu'elle autorise la rétention de mineurs : elle n'envisage la rétention que comme ultime moyen, contrairement à l'usage qui en est fait en France, selon le constat effectué dans un rapport du Sénat. Je vous demande donc de retirer votre premier propos mensonger.
Ensuite, vous avez affirmé que la France n'avait pas été condamnée récemment, alors que je vous ai cité une condamnation par la CEDH datant de mai 2023, relative à une rétention de mai 2021. M. le ministre vient d'ailleurs de vous contredire, expliquant qu'il y avait eu des cas depuis sa nomination et depuis 2022. Vous ne pouvez pas contredire le ministre et nier les faits. Vous vous ridiculisez, et je vous demande de retirer ces accusations.
Nous allons évidemment continuer à nous battre pour que cette interdiction soit complète, c'est-à-dire qu'elle soit appliquée aussi à Mayotte. C'est au terme d'une bataille de très longue haleine, que le ministre et le rapporteur finissent par accepter que des enfants et leur famille ne soient plus enfermés en centre de rétention. En 2018, je m'étais battue pour cette interdiction avec Danièle Obono, Marietta Karamanli et d'autres, y compris au sein de de la majorité. À l'époque, monsieur Boudié, nous nous faisions face. Je préfère que les choses changent en ce sens, mais cet article 12 n'efface pas toutes les autres dispositions contenues dans ce texte de loi.
Réjouissons-nous de ce moment, aboutissement d'un combat que, pour ma part, j'ai mené depuis mon élection en 2017. Je m'étais même abstenu lors du vote sur le texte du regretté Gérard Collomb, estimant que nous n'avions pas assez avancé sur ce sujet. C'est donc une vraie satisfaction. Dès votre arrivée, monsieur le ministre, vous avez fait des efforts pour qu'il n'y ait plus d'enfants dans les CRA. C'est désormais le cas. Vous vous engagez aujourd'hui à faire en sorte qu'il n'y en ait plus dans les LRA – je sais que c'est compliqué et je mesure la force de cet engagement. Quelles que soient nos différences et divergences politiques, nous devrions tous admettre qu'il s'agit d'un vrai progrès pour les droits des enfants dans ce pays. C'est avec une grande satisfaction que je voterai pour les amendements annoncés, en regrettant d'avoir été trop timide dans la rédaction des miens.
Je confirme, monsieur Bayou, que vous avez menti, et vous avez même persisté à le faire dans votre réponse. Dans le droit français, le principe est l'assignation, la rétention n'étant utilisée – et de manière très restrictive –, que pour l'éloignement. C'est pour cela qu'il n'y a que 1 500 places de rétention administrative, un nombre qui sera porté à 3 000 en 2027, et non pas des dizaines de milliers.
Vous avez aussi travesti la réalité, si vous préférez cette expression, en prétendant que la CEDH avait condamné la France sur le principe de la rétention des enfants. Ce n'est pas le cas : elle l'a toujours condamnée sur les conditions d'accueil dans les centres de rétention. La décision de 2022 à laquelle vous faites référence ne porte d'ailleurs même pas sur le principe ou les conditions de la rétention, mais sur sa durée. Ce n'est d'ailleurs pas plus acceptable.
Il faut connaître le sujet – et nous sommes quelques-uns à nous y intéresser depuis très longtemps –, pour savoir à quel point est historique cette décision d'interdire la présence de mineur de 18 ans dans les CRA et les LRA. Vous devriez vous en réjouir.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CL400 de M. Aurélien Lopez-Liguori et CL989 de M. Pierre-Henri Dumont, amendement CL683 de M. Bertrand Pancher, amendements identiques CL914 de M. Philippe Brun et CL1038 de M. Benjamin Lucas, amendement CL1336 de M. Erwan Balanant, amendements identiques CL475 de M. Éric Ciotti et CL805 de Mme Annie Genevard, amendement CL1338 de M. Erwan Balanant (discussion commune)
L'article 12, pris en ses alinéas 3 à 6, vise à faire en sorte qu'un étranger accompagnant un mineur de 16 ans ne puisse être placé en rétention administrative. Cette règle ne se justifie pas, alors qu'elle empêche un réel contrôle de l'immigration et que le placement en rétention, si les centres sont correctement aménagés, n'est pas incompatible avec la présence de mineurs de 16 ans et des personnes les accompagnant.
Dans nos circonscriptions, on ouvre tous les journaux locaux. On y lit tous les jours que des mamies se font agresser par des jeunes de 16 à 18 ans étrangers clandestins, que des jeunes filles se font violer, que des magasins sont braqués. La rubrique des faits divers de la presse montre très clairement l'existence d'une délinquance importante due aux clandestins étrangers. Quant à l'assignation à résidence, monsieur le ministre, c'est un échec.
Pour le Gouvernement, cet article 12 est un biscuit donné à l'aile gauche de la majorité, afin de la faire voter pour le texte. En décidant de réaliser cette surtransposition d'une directive européenne, vous faites le lit du Rassemblement national, qui fera campagne sur le thème « l'Europe nous empêche de faire ceci et cela ». Vous allez aussi amoindrir les capacités de la France à exécuter les mesures d'éloignement, la question n'étant pas tant d'éloigner les mineurs que leurs familles. L'assignation à résidence n'est pas une rétention habituelle dans un CRA. Cette surtransposition risque de produire deux conséquences malheureuses : envoyer un mauvais signal qui, à la veille des élections européennes, fera le lit du populisme d'extrême droite ; limiter nos capacités de renvoi.
L'amendement du président Pancher est un marqueur important de notre groupe, après la départementalisation des mesures pour les métiers en tension. Chers collègues, j'ai une fille de 17 ans, a priori française, mais vous imaginez les amalgames qui peuvent être faits parfois, vu qu'elle a la même couleur de peau que moi. Prenons la définition de MNA, terminologie que je trouve très laide : enfant de moins de 18 ans, de nationalité étrangère, qui n'est pas accompagné d'un adulte. Au groupe LIOT, nous voulons une loi équilibrée : ni laxiste, ni monstrueuse. Cet amendement vise donc à dire qu'aucun enfant ne doit être mis en rétention du seul fait qu'il est étranger.
Je n'approuve pas votre propos, monsieur Dumont, malgré l'estime et l'amitié que je vous porte pour des raisons qui n'ont pas seulement à voir avec notre terre d'élection. Vous pourriez me faire crédit qu'il m'arrive de penser et de proposer des choses, indépendamment d'un texte de loi. C'est tellement vrai que, comme l'a rappelé M. Balanant, je me suis exprimé sur la rétention des mineurs dès mon arrivée au ministère de l'intérieur, en 2020. Bien avant le dépôt de ce projet de loi au Conseil d'État, j'avais pris une instruction ministérielle sur le sujet. N'essayez donc pas de faire croire que cet article n'est motivé que par la recherche d'un équilibre politique – et il m'arrive évidemment d'agir dans ce but – parce que ce n'est pas le cas.
Si vous visitez beaucoup de CRA, je pense que mes fonctions de ministre de l'intérieur m'ont amené à les visiter quasiment tous. Après mes très nombreux déplacements à Mayotte, je peux vous dire que le CRA de Pamandzi en Petite-Terre n'est pas comparable à ceux du Mesnil-Amelot, de Lesquin ou de Vincennes. Il n'est jamais facile de passer quelques jours dans un CRA, mais celui de Mayotte est objectivement très différent des autres, ce n'est pas un lieu carcéral comme il en existe sur le territoire hexagonal.
Je ne crois pas que ce soit un service à rendre aux futurs adultes que sont des enfants de 3, 4, 5 ou 6 ans, en pleine construction psychologique et mentale, de les laisser pendant des jours, des semaines, voire des mois dans des CRA qui ont changé de nature. Actuellement, les personnes qui se retrouvent dans les CRA de l'hexagone sont des hommes dans 99 % des cas, fichés pour radicalisation, condamnés pour terrorisme ou pour des actes délictuels ou criminels. On risque d'en faire des bombes humaines si nous laissons ces enfants dans des CRA où ils peuvent subir des attouchements ou des viols. Ne parlons pas des cris et des actes de violence, notamment à l'égard des personnes dépositaires de l'autorité publique, agents de la police aux frontières (PAF) ou gendarmes dans le cas du centre de Lyon, qu'il faut honorer de faire ce travail très difficile.
Étant donné le changement de nature des CRA depuis quelques années, je ne crois pas qu'il soit judicieux d'y placer des enfants de 3, 4, 5 ou 6 ans. C'est aussi le jeune père de famille qui vous parle, mais je pense que l'Assemblée nationale ne peut pas à la fois dire que les 1 000 premiers jours sont très importants dans la vie d'un enfant, et envisager d'enfermer certains enfants dans un CRA avec des fichés S. Cela me paraît incompatible. Même s'ils ne deviennent pas tous des bombes humaines, ils subiront des traumatismes évidents. Quels adolescents et adultes deviendront-ils ?
En outre, monsieur Dumont, cette mesure n'est pas un frein à l'éloignement. Les mesures d'éloignement de familles ont progressé de 5 à 10 % cette année, alors que nous n'y plaçons plus d'enfants, sauf exception. Cette année, dans l'hexagone, nous avons encore placé une cinquantaine de mineurs en CRA pour quelques heures ou quelques jours : dans certains cas, les préfets ou policiers n'avaient pas appliqué ad litteram l'instruction ministérielle ; dans d'autres, il n'y avait pas de place en hôtel.
Nous assignons ces personnes à résidence au domicile ou à l'hôtel, sous surveillance policière, jusqu'au départ de l'avion. Nous ne sommes pas naïfs, et l'idée n'est pas que des gens puissent utiliser des mineurs pour éviter un éloignement. Il ne s'agit pas de renoncer à éloigner les familles avec enfant, mais de le faire dans des conditions qui ne soient pas traumatisantes. La preuve de l'existence du pudding, c'est qu'on le mange. De même, la preuve qu'il n'est pas nécessaire de placer des enfants en CRA pour parvenir à améliorer nos taux d'éloignement de familles, c'est que nous le faisons. Les enfants ne sont en rien responsables du comportement de leurs parents. Évitons de les placer en position d'être profondément marqués par un séjour en CRA, où ils risquent d'être atteints sur le plan mental et psychologique, voire physique.
Cela étant, c'est une décision politique qui n'était pas nécessairement soutenue par les services du ministère de l'intérieur, qui ont leurs réflexes et habitudes. Lors de mes visites en CRA, j'ai vu des enfants de 3 ou 4 ans à côté de personnes radicalisées en train de crier, de les agresser, eux ou leur mère. Quand on est un homme ou une femme digne de ce nom, qui aime la République, on ne peut pas laisser cela perdurer. Cela ne nous empêche pas de montrer une grande fermeté à l'égard des délinquants étrangers. Ce n'est pas faire du « en même temps ». Le fait d'être dur envers les étrangers délinquants n'empêche pas de comprendre que l'on ne peut pas mettre des enfants de 3 ans dans des CRA où se trouvent de nombreux radicalisés. Cela me paraît assez évident. Si j'étais cynique, je vous dirais que ça libère des places : moins on y enferme des femmes accompagnées de leurs enfants, plus on peut y placer des délinquants étrangers, essentiellement des hommes, qui sont ainsi écartés de l'espace public, ce qui fait baisser la délinquance.
L'interdiction du placement en rétention des mineurs de 16 ans est très positive, mais en retenant ce seuil, le Gouvernement reste au milieu du chemin. C'est pour cela que nous vous proposons d'étendre le champ d'application de l'article 12 aux mineurs de plus de 16 ans. De surcroît, la mesure ne serait pas limitée aux seuls locaux des centres de rétention administrative.
La persévérance paie, puisqu'il est enfin possible d'envisager que les mineurs de moins de 16 ans ne soient plus placés en rétention. Notre amendement vise à clarifier la rédaction de l'article. Et si la nouvelle majorité est à 16 ans, avançons aussi l'âge du droit de vote !
Notre amendement était presque trop timide ! Je pensais que nous allions gagner – excusez le terme sportif – sur les CRA, mais pas sur les LRA. Quel bonheur, après un combat de six ans ! Je suis presque ému ! Évidemment, ça fait ricaner le Front national, amoureux de la haine… Mais les enfants seront mieux protégés. Merci à M. Boudié, au ministre, à Mme Faucillon et à M. Pradal !
L'article 12 met fin à la présence de mineurs de moins de 16 ans dans les centres de rétention administrative. Notre amendement refuse de conférer une immunité aux étrangers adultes en situation irrégulière au seul motif qu'ils seraient accompagnés d'un mineur. J'ai entendu, monsieur le ministre, vos réserves sur les dangers des placements des enfants dans les CRA. Mais tous les mineurs ne sont pas des enfants !
Madame Genevard, je vous le dis en toute amitié, l'adulte a une mission dans notre société, c'est de protéger les enfants. Or, la fin de l'enfance a été fixée d'un point de vue juridique à dix-huit ans.
Dans la vie du législateur, il y a des moments qui sont rendus importants par l'adoption de textes, d'autres par les justifications données aux décisions que nous prenons. Je voulais remercier le ministre de l'intérieur pour son explication, qui éclaire, rend plus efficace et surtout plus digne un article qui aurait pu passer pour technique.
Avis défavorable sur les amendements CL400 et CL989, parce que je suis convaincu qu'il faut procéder à une réforme du placement en CRA des mineurs. Ralliement annoncé à l'amendement CL683, qui, par sa rédaction, permet d'englober les deux dimensions que nous souhaitons. Demande de retrait pour les amendements CL914, CL1038, CL1336 et CL1338. Avis défavorable sur les amendements CL475 et CL805.
Le CRA de Mayotte est effectivement le plus grand de France, avec un quartier réservé aux familles. Compte tenu du caractère spécifique de l'immigration à Mayotte, si l'on ne permet pas d'expulser les enfants avec leurs parents, ces enfants sont abandonnés. Ce n'est pas de la fiction, c'est la réalité à Mayotte depuis une dizaine d'années. Ces jeunes, plongés dans une immense détresse, se regroupent en bandes. Ne mettez pas fin à cette exception à Mayotte, sans quoi il y aura encore plus de mineurs abandonnés et encore plus de dangerosité pour eux comme pour la population.
Le centre de gravité politique du pays a tellement dérivé vers l'extrême droite – et pas à l'insu du plein gré des forces politiques – que l'on en arrive à exiger de nous qu'on remercie de respecter les droits fondamentaux des enfants.
Non, ce n'est pas une grande victoire de revenir à ce qui devrait être les fondamentaux de notre République. Je crois à ce que vous dites, collègue Balanant, qu'il y a une droite humaniste sincèrement révoltée par l'enfermement.
Mais je ne crois pas que l'on doive se réjouir de cette décision et distribuer des médailles pour avoir respecté les droits fondamentaux de ces enfants, dont une partie de l'enfance est à jamais gâchée, déchirée et traumatisée.
Rappelons que les assignations à résidence en lieu et place de la rétention en CRA ne fonctionnent pas. La dernière fois que je suis allé au CRA de Nîmes, il y avait une personne sous OQTF, qui en était à son quatre-vingt-septième jour et donc libérable trois jours plus tard, qui était une personne dangereuse, présumée fortement islamiste. Cet homme n'a pas été expulsé mais a été assigné à résidence ; trois jours après, plus personne ne savait où il était.
Deuxièmement, il n'y aurait pas besoin de placements en CRA si les expulsions étaient menées efficacement. Nous vous proposerons des amendements en ce sens, notamment des sanctions pour les pays ne délivrant pas les laissez-passer consulaires.
Je voudrais remercier les rapporteurs et préciser l'esprit qui préside à la rédaction de notre amendement. Ce n'est pas de l'angélisme, car nous connaissons les difficultés des choses et la variété des situations, mais les mineurs sont des personnes fragiles. Le sort qui leur est réservé engage leur vie future. Notre devoir est de les préserver du mieux possible, de limiter leurs traumatismes, de les engager autant que possible dans une voie de vie positive. C'est une question très délicate sur les plans technique, matériel et humain. Mais ce qui doit dicter avant tout notre avancée, c'est cette dimension humaine.
Le ministre de l'intérieur a raisonné par l'absurde. On peut entendre la question des 3, 4, 6 ans, pour reprendre son expression, mais la volonté de la majorité et du Gouvernement, c'est d'interdire à des individus de 16 à 18 ans d'être en CRA. Un individu de 16 ans est beaucoup plus proche d'un jeune majeur que d'un enfant ou d'un bébé de 3 ans. Le raisonnement du ministre contredit la volonté de la majorité d'étendre le dispositif à l'ensemble des mineurs.
Un autre problème : les CRA ne servent plus à préparer l'expulsion mais à enfermer les étrangers en situation irrégulière qui troublent à l'ordre public, alors même que les agents de la PAF ne sont pas formés pour les gérer ; si bien qu'on ne peut plus y mettre en rétention des gens qui ne demandent rien à personne, mais que l'on doit renvoyer seulement parce qu'ils sont en situation irrégulière. Il serait utile de mener une réflexion plus large, afin d'envisager la création d'un deuxième type de CRA réservé aux profils liés à des troubles à l'ordre public.
Je regrette que Mme Obono refuse de saluer la décision d'interdire la rétention aux enfants et aux mineurs de moins de 18 ans. Elle est le fruit d'une action parlementaire transpartisane, menée avec ténacité depuis cinq ans et soutenue aujourd'hui par le ministre de l'intérieur. Contrairement aux collègues des Républicains ou du Rassemblement national, je suis fière d'avoir su mener et gagner cette bataille humaniste. Bravo à tous !
Les amendements CL1336 et CL1338 sont retirés.
La commission rejette les amendements CL400 et CL989.
La commission adopte l'amendement CL683.
En conséquence, les amendements CL914, CL1038, CL475 et CL805 tombent, de même que tous les autres amendements relatifs à article 12 à l'exception de l'amendement CL1187 de Mme Emeline K/Bidi.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CL1187.
Elle adopte l'article 12 modifié.
Après l'article 12
Amendement CL1006 de M. Benjamin Lucas
Nous souhaitons que soit considéré comme lieu de rétention administrative tout lieu dans lequel un primo-arrivant est maintenu en rétention. Cela vise à limiter les atteintes portées au droit des primo-arrivants, notamment en matière de rétention, parfois arbitraire et en dehors de tout cadre légal.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CL1114 de Mme Sandrine Rousseau et CL916 de M. Boris Vallaud et amendement CL1136 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)
L'amendement vise à interdire le placement en rétention des étrangers en situation de handicap.
L'amendement vise à interdire le placement en rétention pour les personnes dont l'état de santé est particulièrement incompatible avec une telle mesure. C'est notamment le cas des personnes en situation de handicap, enceintes ou atteintes de maladies chroniques. La rétention est, par essence, contraire à la préservation de la santé, aussi bien physique que psychologique. Et c'est d'autant plus le cas lorsque les conditions de vie, ou plutôt de survie, y sont manifestement indignes. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a ainsi constaté des problèmes généralisés de chauffage, de sanitaires insalubres, des difficultés d'accès aux soins et même un manque de nourriture. La Cimade a elle-même recensé des cas de rétention intolérables : une ressortissante chinoise très âgée et handicapée, un homme incapable d'utiliser les toilettes en raison d'un handicap ou une femme enceinte de huit mois. La rétention des personnes avec des troubles psychiques issus de multiples traumatismes est encore plus compliquée, si bien que lorsque la situation n'est plus tenable, la personne est soit hospitalisée, soit transférée ailleurs, soit remise en liberté par le juge, la rétention n'étant manifestement pas adaptée. Comment en sommes-nous arrivés à traiter des êtres humains d'une telle façon ?
Comme je l'ai déjà dit, la situation des personnes porteuses de handicap renvoie plutôt à la question de la compatibilité de leur état de vulnérabilité avec le placement en lieu ou en centre de rétention. Bien que les dispositions du Ceseda permettent de régler un certain nombre de situations, il y a peut-être des évolutions à prévoir. Je vous propose que nous continuions à travailler d'ici à la séance avec les services du ministre sur ce sujet pour proposer une rédaction plus rassurante. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Votre réponse est très inquiétante, en renvoyant à la vulnérabilité des personnes. Dans les lieux de mise à l'abri, on enferme des mineurs, des petits, des grands, des isolés, des pas isolés, des femmes enceintes ! Quand j'ai visité le CRA 2 de Lyon Saint-Exupéry, j'ai pu voir que la réponse à la vulnérabilité psychique, c'était de cachetonner les gens à fond les ballons.
Monsieur le rapporteur, je n'ai pas compris ce que vous ne trouviez pas clair dans notre rédaction, mais j'ai bien compris votre main tendue : vous vous engagez à une réécriture collégiale, afin que les personnes en situation de handicap visible ou invisible soient intégrées de façon formelle dans le texte.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL492 de M. Julien Bayou
Cet amendement d'appel – parce que nous sommes opposés au principe même de la rétention – vise à revenir sur l'allongement considérable de la durée en rétention prévu en 2018 par la loi « asile et immigration », qui porte mal son nom. Si vous gardez aussi longtemps les gens parce que vous ne pouvez pas les expulser, faute de laissez-passer consulaires, on ne s'en sortira jamais. Autant revenir à des durées plus raisonnables.
Je vous invite à retirer votre amendement, d'autant que sa rédaction n'est pas correcte d'un point de vue légistique.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL917 de M. Boris Vallaud et CL919 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)
Il s'agit notamment de préciser que le placement d'un étranger dans un local de rétention administrative ne peut avoir qu'un caractère exceptionnel et qu'un étranger ne peut être maintenu dans un local de rétention si le juge décide de la prolongation de sa rétention. Nous demandons également de garantir la publicité de ces lieux. Le préfet devra communiquer sans délai au procureur de la République et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté l'arrêté portant création de ce local de rétention et informer également les parlementaires du département, de sorte qu'ils puissent exercer leur droit de visite. Enfin, il s'agit de garantir que les droits de l'étranger retenu dans un local de rétention administrative ne soient pas inférieurs à ceux dont il bénéficie dans un centre de rétention administrative.
Avis défavorable sur l'amendement CL917, puisque la définition et l'organisation relèvent du pouvoir réglementaire – et vous savez à quel point il est risqué que la loi s'en mêle –, ainsi que sur l'amendement CL919, que ses lacunes rendraient inopérant.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL1443 de Mme Stella Dupont
L'amendement prévoit d'élargir l'interdiction de placement des étrangers accompagnés de mineurs de moins de dix-huit ans aux zones d'attente.
Le maintien en zone d'attente est une mesure administrative différente du placement en rétention administrative. Ce placement résulte du contrôle aux frontières et s'applique à l'étranger qui a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France. Il n'est pas ordonné pour exécuter une mesure d'éloignement, comme c'est le cas pour la rétention administrative. Les zones d'attente sont situées à proximité du lieu de débarquement en France et l'étranger ne peut y être maintenu que pour une durée strictement nécessaire à son départ. Elle est limitée à quatre jours, et peut être prolongée, dans certains cas, pour huit jours supplémentaires, hors prolongation exceptionnelle. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 12 bis A (nouveau) (art. L. 521-14, L. 523-1, L. 523-2, L. 523-3, L. 523-4, L. 523-5, L. 523-6, L. 523-7, L. 531-24 du CESEDA) : Possibilité d'assigner à résidence ou de placer en rétention le demandeur d'asile présentant une menace à l'ordre public ou un risque de fuite
Amendements de suppression CL920 de M. Boris Vallaud, CL1189 de M. Davy Rimane et CL1395 de Mme Sabrina Sebaihi
L'article 12 bis crée un nouveau régime d'assignation à résidence ou de placement en rétention pour les demandeurs d'asile qui présentent une menace pour l'ordre public ou un risque de fuite. Mais ce risque n'est pas défini et peut être estimé de manière très large, si bien que ces centres pourraient être très vite surpeuplés. Nous trouvons regrettable que le Gouvernement échappe à son obligation de produire des études d'impact en passant par de tels amendements, qui ne sont pas précis et engagent fortement les droits fondamentaux.
Recourir de cette façon aux amendements est en effet une manière d'éviter à la fois l'étude d'impact et l'avis du Conseil d'État, d'autant que ce nouveau régime porte potentiellement atteinte au droit d'asile, qu'il faut absolument protéger.
L'article signifie que l'étranger en situation irrégulière présentant une demande d'asile à une autorité non compétente pour l'enregistrer pourra être placé en rétention s'il présente un risque de fuite, dont la définition reste très floue. Il faudrait s'interroger sur les objectifs d'une telle disposition. Si c'est de mettre en rétention un très grand nombre de demandeurs d'asile pour le plaisir du chiffre, c'est réussi. Si c'est pour réserver la rétention aux situations nécessaires, par exemple, lorsque d'autres mesures moins coercitives ne suffisent pas, dans une démarche de proportionnalité telle que prévue par le droit européen, c'est tout à fait raté, puisque cette disposition détourne complètement la rétention de son objectif initial, qui est de permettre à l'administration d'organiser le départ forcé d'une personne sous mesure d'éloignement. Avec cet article, la rétention pourra être utilisée de manière arbitraire pour des étrangers qui ne font même pas l'objet de mesures d'éloignement, ce qui est contraire au droit international.
L'article concerne deux catégories de personnes : l'étranger en situation irrégulière qui manifeste sa volonté de demander l'asile à l'occasion d'une interpellation ; l'étranger en situation irrégulière dont la demande d'asile est présentée à une autre autorité administrative que celle normalement prévue et qui présente un risque de fuite. S'il s'agit, comme vous l'avez dit, d'un amendement du Gouvernement adopté au Sénat, il s'agit surtout de la transposition de l'article 8 de la directive « procédures » adoptée le 26 juin 2013. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL688 de M. Michel Castellani
L'amendement vise à supprimer l'ajout du Sénat conduisant à placer d'office des demandeurs d'asile en rétention administrative ou à les assigner à résidence le temps de présenter leur demande. On sait très bien que les CRA servent à organiser et à exécuter l'éloignement. Or, cette disposition les détourne de leur finalité, en prévoyant de priver de liberté des personnes en demande d'asile dès le début de leur procédure, avant même l'examen de leur demande.
Avis défavorable pour les raisons expliquées. La disposition ne s'applique qu'aux personnes qui présentent un risque de fuite, lequel est caractérisé.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL399 de Mme Marie-France Lorho
L'alinéa 7 de l'article prévoit que le placement en rétention d'un étranger en situation irrégulière ne peut être justifié que lorsqu'il présente un risque de fuite, et les alinéas 9 à 13 décrivent des cas suffisamment graves pour retenir automatiquement ce risque. L'amendement vise à retenir systématiquement le risque de fuite dans les cas visés par ces alinéas.
Avis défavorable. Rendre automatique la caractérisation du risque de fuite n'est pas conforme aux principes généraux de notre droit, qui prévoient, tout comme l'article 8 de la directive, que l'appréciation au cas par cas doit rester la règle.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL439 de M. Laurent Jacobelli.
Elle adopte l'article 12 bis A non modifié.
Article 12 bis B (nouveau) (art. L. 732-4 et L. 732-5 du CESEDA) : Allongement de la durée de l'assignation à résidence en cas d'impossibilité de quitter le territoire français
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette les amendements de suppression CL921 de M. Boris Vallaud et CL1190 de Mme Elsa Faucillon.
Amendement CL846 de M. Andy Kerbrat
L'amendement vise à ajouter un article modifiant les durées d'assignation à résidence administrative prévues pour les personnes faisant l'objet d'une OQTF. Le fait de soumettre une personne faisant l'objet d'une OQTF à une assignation à résidence s'inscrit dans la tendance des politiques migratoires de ces vingt dernières années à assimiler immigration et délinquance. La non-régularité de la présence sur le territoire ne peut être assimilée à de la délinquance et ne doit pas faire l'objet d'une peine, qui plus est administrative, de restriction des libertés individuelles. L'assignation à résidence devrait être imposée dans le cadre d'une procédure pénale, comme c'est le cas pour tout justiciable, sous contrôle d'un juge des libertés et de la détention. Ce continuum de l'enfermement doit cesser. La durée de quarante-cinq jours, prévue à l'article L.732-3, est suffisamment importante et attentatoire aux libertés pour ne pas être renouvelable. Enfin, la durée de six mois, prévue à l'article L.732-4, est inadmissible et ne devrait pas exister dans un État de droit.
Le Conseil constitutionnel, saisi de ce sujet, a fait clairement exprimer, le 30 novembre 2017, le principe qu'il était possible d'éviter que puisse librement circuler sur le territoire national une personne dépourvue de droit au séjour. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 12 bis B non modifié.
Après l'article 12 bis B
Amendement CL1319 de M. Mathieu Lefèvre
L'amendement vise à préciser que les étrangers reconnus coupables de provocation directe à des actes de terrorisme ou à leur apologie peuvent être retenus en centre de rétention administrative jusqu'à 210 jours, tel que le prévoit l'article L.742-7 du Ceseda.
La commission adopte l'amendement.
Article 12 bis C (nouveau) (art. L. 741-7 du CESEDA) : Réduction du délai minimum entre deux mesures de placement en rétention administrative consécutives en cas de circonstance nouvelle de fait ou de droit
Amendements de suppression CL838 de M. Thomas Portes, CL922 de M. Boris Vallaud et CL1191 de Mme Emeline K/Bidi
L'amendement vise à supprimer l'article 12 bis C introduit par le Gouvernement au Sénat, qui réduit le délai entre deux placements en rétention de sept jours à quarante-huit heures. L'article L.741-7 du Ceseda prévoit l'obligation pour l'autorité administrative de respecter un délai de sept jours entre deux décisions de placement en rétention. Cette nouvelle disposition n'est pas digne d'un État de droit – mais il est vrai que certains s'essuient les pieds dessus…
Nous voulons supprimer cet article, qui favorise les mesures d'enfermement au mépris de la préservation des droits fondamentaux des personnes, en les gardant enfermées de façon quasi continue. Nous jugeons ce dispositif disproportionné. Une personne libérée par un juge pourrait se retrouver de nouveau enfermée en CRA, alors même qu'une juridiction aurait constaté quelques jours plus tôt la violation de ses droits. De même, une personne enfermée en CRA pendant une longue durée pourrait se retrouver de nouveau en rétention deux jours plus tard, alors même qu'il n'aurait pas été possible pour l'administration de l'éloigner dans les délais impartis. Quand je dis disproportionné, c'est encore faible.
C'est au contraire strictement proportionné, puisque l'article prévoit de réduire le délai quand de nouvelles circonstances de fait ou de droit justifient que la personne soit à nouveau placée en rétention. À ce titre, ce dispositif existe déjà dans l'article L.741-7 du Ceseda. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL829 de M. Yoann Gillet.
Elle adopte l'article 12 bis C non modifié.
Article 12 bis (nouveau) (art. L. 222-5 code de l'action sociale et des familles) : Possibilité de refuser l'octroi d'un contrat jeune majeur à l'étranger faisant l'objet d'une décision portant OQTF
Amendements de suppression CL1669 de M. Philippe Pradal, CL837 de Mme Andrée Taurinya, CL839 de Mme Élisa Martin, CL923 de M. Boris Vallaud, CL1067 de Mme Francesca Pasquini, CL1192 de M. Davy Rimane, CL1342 de M. Emmanuel Mandon et CL1567 de Mme Laure Miller
Cet article introduit par le Sénat prévoit d'exclure les jeunes majeurs faisant l'objet d'une décision d'OQTF de l'obligation de prise en charge s'appliquant à tous majeurs âgés de moins de vingt et un ans lorsqu'ils ont été confiés à l'ASE (aide sociale à l'enfance) avant leur majorité. Or, il paraît aller au-delà de l'objectif visé par la protection des mineurs pris en charge par l'ASE. Il convient de maintenir l'accompagnement jusqu'à vingt et un ans.
Nous nous opposons à cet article qui a été rajouté par le Gouvernement au Sénat. Tout le texte montre que la macronie court après le Rassemblement national, et vice versa !
Il s'agit de maintenir la protection que nous devons aux jeunes pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Sachant que le problème financier que j'évoquais précédemment pourrait être résolu au moyen de dotations particulières, il y n'a pas de raison de les laisser tomber même si on a décidé de les expulser du pays.
Moins on se préoccupe des personnes, plus on les livre à elles-mêmes, plus on les met en danger, plus on les place en situation de commettre des délits. Chacun est capable de le comprendre. Les conditions de vie qu'on organise pour elles sont un terreau pour la délinquance. Il ne faut pas s'en étonner ensuite.
L'article 12 bis a pour objet de retirer la protection de l'ASE et de refuser l'octroi d'un contrat jeune majeur à tout jeune majeur ayant fait l'objet d'une OQTF.
Les mesures relatives à la prise en charge des mineurs et des jeunes majeurs par l'ASE relèvent de la protection de l'enfance et n'ont donc rien à faire dans un texte relatif à l'immigration.
La protection des mineurs de l'ASE jusqu'à leurs 21 ans vise à prévenir les ruptures sèches et le basculement vers la pauvreté des jeunes majeurs qui ne sont pas accompagnés par leurs proches.
Le contrat jeune majeur permet d'assurer la continuité de l'accompagnement de l'ASE, afin d'offrir à ces jeunes une autonomie et une insertion professionnelle. Refuser cet accompagnement à ceux faisant l'objet d'une OQTF – quand on sait le nombre d'entre elles annulées par les juridictions administratives – est un non-sens politique et moral.
Il faut d'abord souligner l'importance des contrats jeune majeur. Il est difficile pour un jeune de sortir de la protection de l'ASE à 18 ans, après des parcours souvent très traumatiques. À cet âge, on n'a pas résolu tous ses problèmes et les contrats jeune majeur apportent une aide bienvenue.
Ensuite, je peux vous citer d'innombrables cas, dans le département dans lequel je suis élue, d'OQTF délivrées à l'encontre de jeunes majeurs signataires d'un contrat, assidus, en formation ou ayant un emploi. C'est incompréhensible. Le refus de leur octroyer la protection de l'ASE n'a aucun sens pour des jeunes qui veulent apprendre la langue, travailler, être utiles au pays. Arrêtons de les stigmatiser.
Les arguments ont été présentés en faveur de la suppression d'une disposition malvenue. Contrairement à ce qui a été dit, l'article n'est pas issu d'un amendement du Gouvernement, mais des rapporteurs du Sénat.
Je veux me faire l'écho des immenses difficultés que connaissent aujourd'hui les conseils départementaux pour financer la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) – je regrette, à cet égard, la suppression du fichier recensant les MNA délinquants. Les conseils départementaux sont l'objet d'injonctions contradictoires : d'un côté, ils sont tenus par la loi de 2022 de maintenir jusqu'à 21 ans la prise en charge par l'ASE ; de l'autre, lorsqu'ils suspendent les contrats jeune majeur parce qu'un jeune majeur est sous le coup d'une OQTF, leur décision est suspendue. Comment comptez-vous résoudre cette difficulté ?
C'est vrai, l'État doit être plus présent aux côtés des départements pour la prise en charge des enfants placés sous la protection de l'ASE. Il y a beaucoup de choses à revoir, et pas seulement sur le plan financier.
Pour autant, on ne peut pas continuer à expliquer que les départements sont en faillite à cause des MNA. On constate aujourd'hui un afflux plus important d'enfants, de manière générale, auprès des services de la protection de l'enfance : il y a plus de bébés parce que les cas de maltraitance sont plus nombreux et mieux pris en charge ; il y aussi plus d'adolescents qui souffrent d'affections de santé mentale. En résumé, il y a plein d'enfants dans notre pays qui vont mal, qu'ils aient une carte d'identité française ou pas. Doit-on renoncer à s'en occuper ? Doit-on faire le tri entre les étrangers et les Français ? Il faut plus de moyens dédiés la protection de l'enfance. L'État doit être au rendez-vous. Si on exclut les MNA aujourd'hui, que fera-t-on demain ? On exclura les adolescents parce qu'ils sont trop vieux ?
Je souscris entièrement aux propos d'Elsa Faucillon.
Je m'adresse à nos collègues qui s'interrogent sur la charge que représenteraient les MNA pour l'ASE. Si tous les étrangers mineurs de ce pays ne se voyaient pas délivrer une OQTF dès leur majorité, cela irait peut-être mieux. Nous avons tous dans nos circonscriptions des cas complètement absurdes : un étudiant en BTS comptabilité qui fait l'objet d'une OQTF dès qu'il atteint 18 ans ; un jeune poète nantais, Falmarès, publié chez Gallimard. Au lieu d'adopter des articles ridicules comme celui-ci, peut-être faudrait-il envisager une présomption de titre de séjour.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 12 bis est supprimé et les autres amendements portant sur l'article tombent.
Article 12 ter (nouveau) (art. L. 221-2-4 du code de l'action sociale et des familles) : Création d'un cahier des charges national pour l'évaluation de la minorité des mineurs non accompagnés
Amendements de suppression CL1670 de M. Philippe Pradal, CL926 de M. Boris Vallaud, CL1343 de M. Emmanuel Mandon et CL1568 de Mme Laure Miller.
L'article 12 ter prévoit la création d'un cahier des charges national sur la base duquel est réalisée l'évaluation de la minorité des mineurs non accompagnés. Je propose de le supprimer, car il est déjà satisfait.
Les articles R. 221-11 et suivants du code de l'action sociale et des familles et l'arrêté du 20 novembre 2019 relatif aux modalités de l'évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, fixent déjà un référentiel national d'évaluation de la minorité. Un guide de bonnes pratiques en matière d'évaluation de la minorité et de l'isolement a également été élaboré de manière interministérielle.
Je réponds à Mme Genevard. La problématique de l'accompagnement des jeunes de l'ASE de 18 à 21 ans dépasse l'injonction contradictoire que vous avez soulignée. La secrétaire d'État chargée de l'enfance, Mme Caubel, a d'ailleurs appelé à repenser les relations entre l'État et les conseils départementaux en matière d'accompagnement des mineurs.
Il ne me semble pas pertinent de traiter le sujet de manière isolée, même si je reconnais les difficultés. Sans vouloir à tout prix concilier tous les points de vue, la dégradation de la santé mentale des jeunes adultes, des enfants et des adolescents doit nous amener à envisager un accompagnement modulable, peut-être moins lourd que l'ASE. La réflexion sur la protection de l'enfance doit être globale et associer les départements, qui ont reçu cette compétence, et l'État, qui ne peut s'en désintéresser.
Il s'agit de supprimer un article qui relève d'autres ministères et d'autres codes que ceux concernés par le projet de loi.
L'article est déjà satisfait et ne relève pas du domaine de la loi.
S'agissant des MNA, loin de nous l'idée de mettre la poussière sous le tapis et de nier l'importance du sujet, mais ce n'est pas l'objet du projet de loi. Parlons-en dans un autre cadre.
L'État ne prend pas suffisamment en compte les immenses difficultés des départements. Le président de Départements de France, qui n'est pas un dangereux radicalisé pour reprendre les termes de certains, a alerté sur le caractère difficilement supportable des dépenses qui sont engagées pour un nombre sans cesse croissant de MNA. Ces derniers sont sous contrat jeune majeur jusqu'à 21 ans et sous OQTF à partir de 18 ans. Il faudrait indiquer la marche à suivre aux départements.
Un amendement des Républicains, qui a été déclaré irrecevable, préconisait que l'État reprenne la main sur la gestion des MNA. Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?
L'idée de créer un cahier des charges national nous paraît une peu fumeuse, même si cela va dans le bon sens.
Les amendements de suppression, en revanche, sont déplorables puisqu'ils actent le désengagement de l'État. Or vous n'ignorez pas les suspicions de fraude massive sur le statut des mineurs non accompagnés ; certains professionnels estiment que jusqu'à 80 % des personnes qui se déclarent mineurs ne le sont pas. Je regrette profondément que vous n'ayez pas voté par sectarisme la proposition de loi d'Alexandra Masson visant à renforcer le contrôle des déclarations de minorité, qui suggérait notamment d'instituer un examen radiologique osseux aux fins de détermination de l'âge.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 12 ter est supprimé et les amendements CL587 de Mme Elsa Faucillon et CL1119 de M. Lionel Tivoli tombent.
Chapitre II
Mieux tirer les conséquences des actes des étrangers en matière de droit au séjour
Article 13 (art. L. 411-5, L. 412-7 à L. 412-10 [nouveaux], L. 413-2, L. 413-7, L. 424-6, L. 424-15, L. 432-2, L. 432-3, L. 432-4, L. 432-12, L. 432-13, L. 433-1, L. 433-2, L. 433-3-1 [nouveau] et L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Introduction de nouveaux critères encadrant les titres de séjour fondés sur le respect des principes de la République, l'absence de menace grave à l'ordre public et la résidence habituelle en France
Amendements de suppression CL238 de Mme Cyrielle Chatelain, CL840 de M. Andy Kerbrat, CL927 de M. Boris Vallaud, CL1035 de M. Benjamin Lucas et CL1193 de Mme Emeline K/Bidi.
Le contrat d'engagement républicain (CER), issu de la loi confortant le respect des principes de la République, a déjà été censuré, car jugé trop imprécis, par le Conseil constitutionnel – n'en déplaise à la collègue qui nous en faisait le reproche tout à l'heure, nous aimons le Conseil constitutionnel. Le contrat d'engagement au respect des valeurs de le République, qui est une extension du CER, est un énième levier pour refuser des titres de séjour pour des motifs particulièrement vagues, comme le respect des symboles de la République ou de sa devise. Je considère ainsi que les interventions du Rassemblement national contreviennent gravement à la devise républicaine et aux symboles de notre République.
Aucun bilan du contrat d'engagement républicain n'a été établi. Ce contrat est toutefois déjà soupçonné d'être instrumentalisé par certaines préfectures pour contraindre l'expression d'associations écologistes ou féministes. Nous demandons donc la suppression de cet article qui ajouterait à l'arbitraire du contrat d'engagement républicain sans aucune base légale tangible.
L'article introduit de nouveaux critères liés au respect des principes de la République pour accorder les titres de séjour.
Lorsque vous avez tenté, dans la loi « séparatisme », d'introduire une disposition similaire, vous avez été rappelé à l'ordre par le Conseil constitutionnel.
Le respect des principes de la République n'a pas de portée juridique. Derrière ces nouveaux critères se cache une chasse organisée contre les étrangers. C'est aussi une manière d'entretenir le racisme d'atmosphère cher au ministre de l'intérieur.
Nous nous opposons au retour d'une disposition déjà sanctionnée par le Conseil constitutionnel, inutile, dangereuse et attentatoires aux libertés. La loi « séparatisme » vous a déjà permis de remettre en cause la liberté d'association.
L'article 13 créé un nouveau motif d'expulsion des étrangers protégés ou de refus de renouvellement de titres pour non-respect du contrat d'engagement et de certaines valeurs de la République. Ces valeurs, bien que précisées pour complaire au Conseil constitutionnel, ne nous paraissent pas – pas plus d'ailleurs qu'à la Défenseure des droits – suffisamment claires pour échapper à une censure constitutionnelle fondée sur l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi. Ainsi, siffler la Marseillaise ou ne pas la chanter serait-il un motif d'interdiction de séjour ?
Par ailleurs, le critère de la menace grave à l'ordre public sera pris en en compte de façon aléatoire et discrétionnaire.
Nous demandons la suppression de l'article, car nous nous refusons à inscrire dans la loi des dispositions ayant un très fort potentiel de discrimination.
Le but est bien de fragiliser le droit au séjour, par des mesures discrétionnaires fondées sur un flou juridique, mais surtout de nourrir le soupçon à l'égard des étrangers sur notre sol, qui seraient incapables de se conformer aux valeurs républicaines.
J'invite nos collègues à interroger les personnes sur les raisons qui les ont conduites à venir en France. C'est parfois étonnant pour nous qui déplorons des entorses répétées à notre devise républicaine, mais ils sont heureux de venir dans un pays qui défend les droits de l'homme. Il faut arrêter de suspecter les étrangers de ne pas pouvoir adhérer aux valeurs républicaines.
Vous souhaitez supprimer l'article 13, au motif que le droit existant est satisfaisant et que le dispositif proposé induirait un risque de discrimination.
À titre liminaire, certains exposés sommaires ne concernent que le volet relatif au respect des principes de la République. Or l'article 13 est bien plus large, puisqu'il comprend aussi un volet relatif aux menaces graves pour l'ordre public ; un volet subordonnant le renouvellement de titres longs à une résidence habituelle en France. La suppression de ces mesures serait en quelque sorte un dommage collatéral. Je ne peux y être favorable.
En ce qui concerne les principes de la République, vous avez raison de mentionner le contrat d'intégration républicaine, et le fait que le respect des principes de la République est déjà exigé. Mais cette présentation est incomplète : tous les titres et toutes les situations ne sont pas soumis à cette exigence en l'état du droit ; le refus de signer l'engagement à respecter les principes ne suffit pas à lui seul aujourd'hui pour refuser un titre – il ne s'agit pas d'un motif substantiel de fond, mais d'un élément à l'appui d'un dossier incomplet.
L'article 13 étend l'exigence du respect des principes de la République et en renforce la portée. Il me semble que sur ce sujet, nous devrions tous nous retrouver.
Car de quoi parle-t-on ? De faire prévaloir sa religion sur les règles communes et les principes qui fondent notre société, comme l'égalité entre les femmes et les hommes ; ou encore de contester des enseignements au motif que cela ne convient pas à ses convictions personnelles. Bref, l'article cible le refus de vivre en société, de partager des valeurs universelles ; il lutte ainsi contre le séparatisme, parfois insidieux, mais toujours délétère pour nos valeurs et notre démocratie.
Sous l'angle constitutionnel, il appartiendra au Conseil de se prononcer, mais le dispositif est bien plus précis que celui envisagé en 2021 ; ici les éléments sont clairement définis. Le Conseil d'État a d'ailleurs validé le dispositif, jugeant qu'il ne se heurtait à aucune disposition constitutionnelle.
Enfin, je ne vois pas de discrimination, dans la mesure où le dispositif s'applique à tous et est de nature à améliorer l'intégration des étrangers en France.
Le contrat d'engagement républicain n'est absolument pas attentatoire à la liberté d'association, contrairement à ce qui a été dit. Il repose sur un seul principe : la République n'a pas à financer ceux qui la combattent.
Quant au respect des principes républicains par les étrangers, moi aussi je discute avec des personnes que nous avons accueillies, et elles souscrivent tout à fait à l'idée selon laquelle il faut respecter les principes du pays qui vous accueille. Ceux à qui cela pose problème, je ne vois pas pourquoi nous devrions continuer à les accueillir.
Quelle hypocrisie ! Quelle hypocrisie de demander aux étrangers de respecter les principes de la République alors que ce texte les abîme, les détruit ! Quelle hypocrisie de la part d'un gouvernement qui ne respecte ni la liberté, ni l'égalité, ni la fraternité !
La liberté n'est pas respectée quand le droit de manifester est bafoué. L'égalité n'est pas respectée quand certaines écoles n'ont plus de remplaçants là où d'autres n'ont jamais de problème. Quant à la fraternité, le texte la renie.
Quelle hypocrisie de votre part, ma chère collègue, quand vous caricaturez à ce point le texte !
Est-ce inacceptable de lutter contre les passeurs et les marchands de sommeil ? Est-ce inacceptable de lutter contre les employeurs voyous ? Est-ce inacceptable de régulariser un certain nombre d'étrangers pour répondre à des besoins économiques et de protection les concernant ? Est-ce inacceptable d'interdire la rétention des mineurs dans les centres et locaux de rétention administrative (CRA et LRA) ainsi que d'envisager de faire de la vulnérabilité un critère supplémentaire ?
Le contrat d'engagement républicain, qui avait été imposé par le Sénat, vient répondre à la question : de quels principes parlons-nous ? Vous reprochez le flou du dispositif et c'est ce qu'avait dit le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 2021 – cela ne m'avait pas échappé, j'étais rapporteur général du texte. Nous avions à l'époque souligné certaines faiblesses.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel ne relevait ni discrimination, ni atteinte aux libertés publiques ou aux droits fondamentaux. Il pointait simplement un problème d'accessibilité et d'intelligibilité du droit. Lisez l'alinéa 7 de l'article 13, tout y est très bien défini.
Ce texte devrait nous rassembler. Respecter la liberté personnelle, madame Taurinya, vous êtes contre ?
Respecter la liberté d'expression et de conscience, vous êtes contre ? Respecter l'égalité entre les hommes et les femmes, vous êtes contre ? Respecter la dignité de la personne humaine, vous êtes contre ? Respecter la devise et les symboles de la République, vous êtes contre ?
Voilà ce que nous estimons nécessaire d'imposer à toute personne qui demande une carte de résident et une carte de séjour pluriannuelle.
Madame, vous ajoutez à vos mensonges quotidiens l'inexactitude et l'inélégance de vos arguments.
La suspicion permanente de non-adhésion aux principes républicains de la part des étrangers contribue au racisme d'atmosphère que nous décrivons depuis lundi.
Je ne suis pas sûr que nous passerions tous avec succès les tests sur les valeurs de la République. Ainsi, on peut être monarchiste – donc ne pas adhérer aux principes républicains – tout en vivant parfaitement en France et en concourant à la démocratie. Avec votre conception de la Ve République et de l'absolutisme présidentiel, vous êtes d'ailleurs un peu monarchistes vous-mêmes.
Autre exemple, on peut détourner La Marseillaise, Serge Gainsbourg l'a fait et notre collègue Ruffin également, je crois ; et ils sont pourtant français, sans avoir eu à passer de test.
Monsieur le rapporteur, vous parliez de vivre en société et d'adhérer aux valeurs universelles. Je considère que le fait de payer sa juste part d'impôt est une preuve que l'on veut vivre en société. À cette enseigne, M. Cahuzac devrait se voir déchu de sa nationalité. Vous suivez une logique très partiale et focalisée sur les étrangers.
Nous voterons contre les amendements de suppression.
Laissez-moi néanmoins vous dire notre scepticisme à l'égard de cet article qui « requiert la souscription par tout étranger qui sollicite un document de séjour à un contrat d'engagement au respect des principes de la République ». Nous avons déjà entendu cela en 2021 lorsque vous avez essayé de nous faire croire que vos feriez preuve de fermeté à l'encontre de ceux qui veulent déstabiliser notre société. Or, nous avons constaté l'échec : les atteintes à la laïcité ont explosé, que ce soit dans l'espace public, à l'école, au travail, dans les collectivités territoriales, dans les associations et même sur les listes communautaristes aux élections.
L'article ne changera pas grand-chose à la situation tant elle est grave. Ce n'est pas lui qui fera trembler ni les délinquants, ni les islamistes.
Nous nous interrogeons sur ces notions qui laissent tant de place à l'interprétation. Nous sommes, depuis quelques années, dans un halo permanent de remise en cause des libertés fondamentales et des droits élémentaires.
Nous devons avoir conscience du fait que nous sommes peut-être surveillés par des régimes qui seraient moins attachés aux valeurs de la République que nous-mêmes.
Il y a dans notre rapport aux valeurs de la République, dont nous souhaitons, parce qu'elles sont nos règles de vie en commun, qu'elles soient enseignées à ceux qui désirent habiter notre pays, une forme de catéchisme. Autrement dit, on pourrait perdre la foi. Je suis partisan d'une pédagogie de la laïcité et des valeurs de la République.
Je ne peux pas m'empêcher de me dire que tout cela est contingent et peut être instrumentalisé. Songez au poème pacifiste de Jean Zay sur le drapeau : il lui a été reproché jusqu'à son assassinat et même jusqu'à sa panthéonisation par l'extrême droite, dont il faut se garder car elle est en embuscade. Je veux alerter sur ces dispositions qui nous exposent à cette menace.
Comme républicains, nous devons affirmer clairement que seule l'expérience dans une République conduit à l'universalisme. C'est en trouvant la République partout et pour tous que nous fabriquons des citoyens. Ce n'est pas ce que propose ni cet article, ni le texte dans son ensemble, qui est bien faible sur l'intégration.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL629 de M. Mansour Kamardine et CL1107 de Mme Estelle Youssouffa (discussion commune).
L'amendement vise à faire respecter par les étrangers sollicitant un titre de séjour l'intégrité territoriale de la République. Il fait écho à la situation à Mayotte, où des ressortissants des Comores, tels des agents de l'extérieur, demandent un titre de séjour alors qu'ils ne respectent pas l'intégrité territoriale de notre pays et font de la propagande sur l'île en faveur des Comores et contre la France. C'est une situation à laquelle notre collègue Kamardine veut mettre fin par cet amendement.
L'immigration à Mayotte est liée à la contestation de nos frontières par notre voisin, les Comores. Je vous rappelle que l'Union européenne et l'Otan qualifient l'instrumentalisation des flux migratoires de menace hybride. Ils y voient une déstabilisation : on utilise nos propres lois contre nous pour déstabiliser le territoire. C'est précisément ce qui se passe à Mayotte.
L'amendement vise à refuser la régularisation aux Comoriens qui viennent à Mayotte spécifiquement pour contester Mayotte française. Ils viennent organiser des meetings mais aussi des contre-putschs vers les Comores, qui sont ensuite utilisés à Moroni pour dire que Mayotte est bien comorienne.
Nous avons besoin du soutien de l'ensemble de la représentation nationale pour réaffirmer que Mayotte est française et éviter l'instrumentalisation des flux migratoires.
Les deux amendements posent une question importante.
Dans la rédaction actuelle de l'article 13, c'est la référence au trouble à l'ordre public qui peut permettre, lorsqu'il y a contestation des principes de la République, de refuser un titre de séjour. Les amendements ont pour objet de faire de l'intégrité du territoire de la République un motif supplémentaire de refus.
Ce qui se passe à nos marges doit nous interroger, parce que ce qui se passe aux marges finit toujours par se passer ailleurs.
J'aurais une préférence pour l'amendement présenté par Mme Youssouffa, dans lequel l'intégrité territoriale fait partie des principes de la République, tandis que celui de M. Kamardine met au même niveau principes de la République et intégrité territoriale. Je demande donc le retrait de l'amendement CL629 au profit de l'amendement CL1107.
Vous dites que ce qui se passe aux marges finit toujours par se passer ailleurs, mais les outre-mer ne sont pas les marges justement. C'est le fait de les considérer comme telles et de ne pas y appliquer certaines règles en matière d'égalité et de fraternité qui pose problème.
Ces amendements, comme l'article, sont déclaratifs : vous faites confiance aux gens, ils signent un papier et puis c'est tout. Surtout, qu'il s'agisse de l'amour de la République, du respect des valeurs républicaines ou du respect de l'intégrité territoriale, cela ne se décrète pas, cela se conquiert. Il ne suffit pas que quelqu'un signe un papier. Le respect se construit et – la formule est bonne – pour être respecté, il faut se rendre respectable.
Je soutiens l'amendement de la collègue Youssouffa, ainsi que celui de M. Kamardine, moins bien écrit.
Cher collègue, il faut faire attention à ne pas parler à la place de ceux qui connaissent mieux que vous la situation et ne pas en appeler à des grands principes qui ne s'appliquent pas au cas de Mayotte.
Mme Youssouffa vous explique, avec pédagogie et clarté, que certains Comoriens – il faut connaître l'histoire pour en parler – remettent en cause le fait que Mayotte soit française. Ce n'est pas acceptable dans notre République.
Il est plus prudent, chers collègue, de vous concentrer sur ce que vous connaissez et de laisser ceux qui maîtrisent parfaitement les sujets s'exprimer en toute clarté, objectivité et pédagogie.
L'amendement CL629 ayant été retiré, la commission adopte l'amendement CL1107.
La séance est levée à 13 heures
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Henri Alfandari, M. Erwan Balanant, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, M. Michel Castellani, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, Mme Annie Genevard, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, Mme Emeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, Mme Constance Le Grip, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, M. Benjamin Lucas, M. Laurent Marcangeli, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, M. Emmanuel Pellerin, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, Mme Sandrine Rousseau, M. Thomas Rudigoz, M. Philippe Schreck, M. Olivier Serva, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, M. Boris Vallaud, M. Guillaume Vuilletet, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Ian Boucard, M. Éric Ciotti, M. Mansour Kamardine, M. Sylvain Maillard
Assistaient également à la réunion. - M. Julien Bayou, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Stella Dupont, Mme Nadia Hai, M. Laurent Jacobelli, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Estelle Youssouffa