La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité (n° 1508).
La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Après son adoption à l'unanimité le 2 mars et le 4 juillet, respectivement à l'Assemblée nationale et au Sénat, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter achève son cheminement parlementaire avec succès grâce à l'accord obtenu en commission mixte paritaire (CMP). Je ne vous cacherai pas mon plaisir de voir aboutir cette proposition de loi en seulement cinq mois. Le Parlement s'est montré à la hauteur des attentes des parents et des associations qui portent leurs voix.
La proposition de loi s'inscrit dans la continuité du travail parlementaire mené depuis de nombreuses années sur le sujet. Je pense à différents textes : la loi du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli, défendue par Nathalie Elimas ; la loi du 15 novembre 2021 visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu, que j'avais présentée ; la loi du 8 juin 2020 visant à améliorer les droits des travailleurs et l'accompagnement des familles après le décès d'un enfant, à l'initiative de Guy Bricout ; la loi du 17 décembre 2021 visant à l'accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer, présentée par Béatrice Descamps ; ou encore la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, qui a revalorisé au niveau du Smic le montant de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP).
Tous ces textes témoignent de l'engagement constant et durable des parlementaires et du Gouvernement en faveur de la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité. Par l'adoption définitive de la présente proposition de loi, nous atteindrons notre objectif de faciliter la vie des parents concernés, afin de ne pas ajouter une peine supplémentaire à ceux qui voient leur quotidien bouleversé, oserai-je dire percuté, par l'annonce d'une maladie ou d'un handicap chez l'enfant.
Nous ne cherchons ni audience ni spectacle. Peu importe que nos lois ne fassent pas grand bruit tant que nous obtenons de grands effets. Par des mesures de protection et de simplification, la proposition de loi vise à soulager les familles d'une partie des difficultés administratives, financières et professionnelles qui pèsent sur elles. Ces dispositions ont su nous unir, car nous avons tous un proche qui est à la fois parent, soignant, accompagnateur, expert administratif, voire instituteur quand la situation l'exige. Ce proche peut être contraint de réduire son temps de travail ou d'interrompre son activité professionnelle pour s'occuper de son enfant. Qui pourrait s'en offusquer ? Les rendez-vous qui s'enchaînent à l'hôpital, à l'école ou avec l'administration usent et inquiètent ce proche, qui tente de préserver son enfant de ses propres angoisses. Il nous revient alors, au nom de la solidarité nationale, de lui tendre la main et de lui apporter le répit et la protection dont il a besoin.
La proposition de loi entend renforcer la protection de tous ces parents courageux qui se battent pour leur enfant. Par l'article 1er , nous les protégeons du risque de licenciement, quand ils sont contraints de réduire leur activité professionnelle, sur le modèle du dispositif existant pour les congés de maternité, de paternité et de deuil parental. Unanimement désireux d'améliorer le texte, les députés et les sénateurs ont trouvé un accord sur la rédaction de l'article 1er bis, qui porte la durée minimale du congé pour le décès d'un enfant à quatorze jours lorsque l'enfant a moins de 25 ans et à douze jours quel que soit son âge. Rien ne permettra au législateur de compenser la perte d'un enfant, mais l'adoption de cette disposition constitue une avancée dans l'accompagnement des familles endeuillées.
Par l'article 2, nous facilitons le recours au télétravail pour les salariés aidants d'un enfant, d'un parent ou d'un proche. Par l'article 3, nous simplifions le renouvellement de l'AJPP et du congé de présence parentale (CPP) en supprimant la condition d'un accord préalable explicite du service du contrôle médical et nous permettons le versement d'une avance par les services de la caisse d'allocations familiales (CAF). Par l'article 4, nous supprimons la mesure d'écrêtement de l'AJPP et de l'allocation journalière du proche aidant (AJPA). Par l'article 4 bis, nous protégeons les familles contre le risque de rupture du bail par le propriétaire lorsque celui-ci souhaite reprendre ou vendre le logement. Enfin, avec l'article 5, nous lançons une expérimentation auprès des caisses d'allocations familiales afin d'améliorer la situation des bénéficiaires de l'AJPP rencontrant des difficultés financières ou exprimant le besoin d'un accompagnement renforcé.
Vous l'aurez compris, la proposition de loi entend mettre fin aux discriminations subies par les parents d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap. Nous ne prétendons pas répondre à toutes les difficultés des familles, mais nous progressons dans cette voie grâce à des avancées concrètes, demandées par les associations.
Je remercie les bénévoles et les associations qui, partout, tout le temps, œuvrent dans l'ombre et avec dévouement pour accompagner les familles. Je pense notamment à l'association Eva pour la vie, mais aussi à la fédération Grandir sans cancer et à son infatigable président Stéphane Vedrenne. Je remercie également le président du groupe Horizons et apparentés, Laurent Marcangeli, et tous ses membres, qui m'ont fait confiance et m'ont permis d'inscrire le texte à l'ordre du jour. Je remercie le Gouvernement et tout particulièrement M. le ministre Jean-Christophe Combe, à l'écoute de nos préoccupations et avec lequel nous avons construit un texte équilibré. Je remercie enfin les présidentes des commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat, Fadila Khattabi et Catherine Deroche, ainsi que les sénatrices Brigitte Micouleau et Marie-Pierre Richer et tous ceux qui nous ont soutenus dans l'élaboration de la proposition de loi, sans oublier les administrateurs de la commission – chère Alix, cher Thomas !
Pour conclure, je salue l'esprit constructif dans lequel s'est déroulé l'examen de la proposition de loi, ne doutant pas, chers collègues, du vote unanime des groupes politiques, preuve de notre attachement commun à la cause des aidants.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, Dem et LIOT.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
C'est avec une grande reconnaissance pour le travail mené par Paul Christophe et pour l'accord auquel l'Assemblée nationale et le Sénat ont abouti en CMP que je me présente devant vous à l'heure d'acter l'adoption définitive de la proposition de loi. C'est aussi avec une pensée particulière pour les familles concernées, pour les parents d'enfants malades, pour les foyers et les fratries affectés par ces épreuves de la vie. Nous sommes toutes et tous sensibles à leur situation et l'accueil réservé à l'initiative du groupe Horizons et apparentés, ainsi que l'enrichissement du texte au fil de la navette parlementaire, en sont la meilleure preuve.
Nous y sommes sensibles parce que, pour certains, nous avons vécu cette situation, et pour d'autres, nous avons été interpellés par des familles ou les associations mobilisées, engagées, qui accompagnent les parents au quotidien. Je remercie de nouveau pour son action le réseau Grandir sans cancer. C'est pour ces familles que le Gouvernement et la représentation nationale ont travaillé conjointement sur le texte : pour mieux prendre en compte les difficultés qu'elles rencontrent et améliorer les réponses qui leur sont apportées, mais aussi pour leur exprimer davantage la solidarité de la nation.
Je n'énumérerai pas toutes les mesures puissantes contenues par la proposition de loi, dont l'utilité se vérifiera rapidement pour des milliers de familles. Je souligne simplement que ces mesures viennent compléter tout ce qui existe déjà, et que M. le rapporteur a rappelé, grâce à l'adoption : en 2019, de la loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l'oubli ; en 2021, de la loi visant à l'accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer ; et également en 2021, de la loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.
Dans la continuité de ces textes, la proposition de loi de Paul Christophe viendra renforcer et simplifier la mobilisation du dispositif de congé et d'allocation journalière de présence parentale, soit une demande de longue date des personnes concernées, demande légitime sur laquelle tous les groupes de l'Assemblée se sont retrouvés. Demain, il sera plus simple de solliciter pour la première fois l'ouverture de ces droits. Pour la liquidation de la prestation, il ne sera plus nécessaire d'attendre l'avis du service de contrôle médical de la caisse d'assurance maladie. Demain, il sera aussi plus facile, pour les parents d'un enfant dont la situation ne s'est pas suffisamment améliorée, de solliciter le renouvellement exceptionnel de ces droits.
Ces mesures s'inscrivent pleinement dans la politique du Gouvernement en faveur d'un accès rapide et effectif des familles à leurs droits. Cette préoccupation est au cœur du dialogue que je mène avec l'ensemble des acteurs, en particulier avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), qui est de plus en plus ouverte et qui modernise ses pratiques pour les adapter aux attentes et aux besoins des Français.
J'insiste sur les dispositions du texte qui visent à allonger la durée des congés pour deuil d'enfant ou pour annonce de la survenue d'un handicap ou d'une affection de longue durée de l'enfant. Cet allongement, à l'initiative de l'Assemblée nationale et renforcé au Sénat par le Gouvernement pour l'adapter aux agents de la fonction publique, permettra d'offrir une respiration indispensable aux parents concernés par ces situations difficiles et parfois dramatiques. Nous le savons bien, faire son deuil ou prendre la mesure d'une situation nouvelle et des bouleversements qu'elle induit nécessitent du temps.
Face à ces situations, la place des entreprises est bien sûr centrale et le texte la consacre. Au-delà de leur responsabilité environnementale et sociale, elles ont une nouvelle responsabilité à affirmer et à assumer : une responsabilité familiale, pour garantir une organisation tenant compte de la dimension parentale du salarié et de l'intérêt de l'enfant. Bien des entreprises l'ont déjà compris et je souhaite que cette évolution s'accélère. Ces enjeux sont plus importants que jamais. Nous devons soutenir davantage les parents – ces « aventuriers du monde moderne » dont parlait Péguy – à chaque étape, qu'elle soit heureuse ou difficile.
Mesdames et messieurs les députés, vous savez comme moi que ce texte contient de nombreuses avancées pour les familles. Il nous faudra bien sûr aller plus loin et beaucoup d'entre vous le souhaitent. Je suis convaincu que les initiatives locales, les retours d'expérience et les expérimentations nous y aideront. À ce titre, le Gouvernement soutient résolument l'article 5 de la proposition de loi : l'expérimentation qu'il prévoit permettra aux CAF de rester souples et de proposer à leurs bénéficiaires des aménagements que nous ne connaissons pas aujourd'hui, mais qui auront peut-être, demain, vocation à être généralisés. La question se posera en tout cas, toujours en relation avec les parents, dont nous devons entendre les besoins et les attentes, et avec les professionnels, qui les accompagnent et doivent continuer de nous dire ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.
La proposition de loi que nous nous apprêtons à voter concerne la situation complexe et difficile des familles qui voient leur enfant atteint d'une maladie ou d'un handicap ou qui est victime d'un accident d'une particulière gravité. Chaque année, près de 2 500 enfants et adolescents se voient diagnostiquer un cancer et ce chiffre est en augmentation en Europe depuis de nombreuses années. Des moyens importants sont consacrés à l'accompagnement des familles touchées par ce drame. Ainsi, un grand nombre de textes – dont plusieurs à l'initiative de notre collègue Paul Christophe – ont été adoptés ces dernières années pour renforcer la protection des proches aidants et des familles. Ils témoignent de notre engagement à soutenir les familles dans les moments difficiles et à améliorer leur quotidien.
Cependant, des obstacles, notamment des freins administratifs, compliquent encore inutilement la vie des familles en détresse. Les parents d'enfants malades sont confrontés à une épreuve extrêmement difficile qui bouleverse non seulement leur vie, mais également celle de toute la famille. Très tôt, les enfants prennent conscience de la gravité de leur situation. Ils remarquent que toute l'attention de la famille est tournée vers eux et sentent sur eux le regard des autres enfants. Ils intègrent très rapidement, dans leur quotidien, les termes techniques liés à leur maladie, tels que les mots « aplasie » ou « transfusion ». De même, ils parlent de leur « cathé » – cathéter – et de leur chambre d'hôpital. Pour aider l'enfant malade à faire face à la maladie, les parents doivent être particulièrement présents et soutenants, ce qui s'avère une tâche difficile et épuisante, à laquelle aucun parent ne peut se préparer. Il est donc important de soutenir les parents et d'alléger leur fardeau, notamment en leur offrant une assistance pratique.
La proposition de loi contient plusieurs modifications législatives importantes. Elle propose d'intégrer dans le code du travail une protection contre le licenciement pour tout parent salarié contraint de réduire ou de cesser son activité, mais aussi d'allonger le congé pour l'annonce de la survenue d'un handicap ou d'une maladie grave à cinq jours, et celui pour le décès d'un enfant à quatorze jours lorsque l'enfant a moins de 25 ans et à douze jours lorsqu'il a dépassé cet âge. Le texte envisage par ailleurs le télétravail comme un aménagement nécessaire pour les salariés confrontés à une maladie grave ou au handicap d'un enfant à charge, ainsi que pour tous les aidants familiaux. De plus, il prévoit de simplifier le renouvellement de la demande d'AJPP. Il tend également à protéger les familles contre une éventuelle volonté du propriétaire de rompre le bail. Enfin, il prévoit l'évaluation du dispositif de complément pour frais de l'AJPP versé mensuellement à certaines familles d'enfants malades et l'expérimentation d'innovations en ce domaine.
Nous saluons le bon esprit qui a permis d'enrichir cette proposition de loi par de nouvelles mesures, en tenant compte des demandes des familles et des parlementaires, et qui a conduit à l'adopter unanimement, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Le groupe Horizons et apparentés s'engage auprès des familles touchées par la maladie, le handicap ou un accident d'une particulière gravité ; il leur propose des réponses concrètes et opérationnelles.
Il convient de souligner le rôle essentiel joué par les associations pour soutenir les familles touchées par de tels événements. Elles leur apportent une aide précieuse et souvent inestimable, non seulement d'un point de vue moral et psychologique, mais aussi sur le plan pratique, en aidant les familles à surmonter les nombreux obstacles qu'elles rencontrent dans leur vie quotidienne.
Nous voterons évidemment cette proposition de loi déposée par notre collègue Paul Christophe, que nous remercions pour son travail et pour l'engagement dont il fait preuve depuis de nombreuses années sur le sujet. .
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem et de la commission
Nous devons nous prononcer sur un chamboulement qui peut toucher la vie de certains de nos compatriotes : voir son enfant touché par une maladie grave ou un handicap. Ce bouleversement dans la vie de la famille impose aux parents de changer parfois radicalement leur mode de vie pour accompagner au mieux leur enfant. Cette proposition de loi entend apporter une première réponse à la détresse financière et administrative que vivent les parents placés dans cette situation.
Nos collègues sénateurs et sénatrices se sont conformés à l'intention de l'Assemblée de garantir, pour les salariés dont l'enfant est atteint d'une maladie ou d'un handicap, un régime de télétravail plus protecteur que dans la rédaction initiale, aligné sur le régime appliqué aux femmes enceintes et aux travailleurs handicapés.
Le Sénat a également soutenu les mesures visant à prévenir un refus par le bailleur de renouveler le bail d'un locataire bénéficiaire de l'allocation journalière de présence parentale. Cette mesure est particulièrement nécessaire, car il est impensable que les parents d'enfants malades, déjà précarisés, soient également confrontés à des difficultés de logement.
Les débats en commission mixte paritaire sur les autres articles ont mené à un consensus que le groupe Écologiste salue. Le texte qui en est issu a retenu plusieurs enrichissements bienvenus apportés par le Sénat.
Les sénateurs ont ainsi défendu une meilleure protection des salariés sollicitant un congé de présence parentale – y compris fractionné ou à temps partiel – contre les licenciements abusifs.
Nous saluons aussi l'allongement par le Sénat du congé pour le décès d'un enfant, dont la durée minimale est fixée à douze jours, et à quatorze jours lorsque l'enfant décédé avait moins de 25 ans. La mesure a par ailleurs été étendue à la fonction publique.
Je ne peux à titre personnel imaginer la douleur terrible que représente la perte d'un enfant, mais nous avons un devoir absolu d'empathie à l'égard des salariés victimes de cet événement tragique.
S'il salue l'allongement de la durée de ce congé et les autres enrichissements apportés par le Sénat et adoptés par la commission mixte paritaire, le groupe Écologiste regrette toutefois que des améliorations supplémentaires proposées par ses membres, en séance et en commission, n'aient pas été retenues.
Nous sommes en effet conscients que la survenue d'une maladie grave ou d'un handicap engendre bien souvent des difficultés financières liées aux frais médicaux parfois très élevés et non pris en charge par la sécurité sociale. Ainsi, près d'un ménage sur quatre touchant l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) vit sous le seuil de pauvreté. Cette précarité touche d'ailleurs particulièrement les femmes et les mères célibataires, dans un contexte où le taux de divorce, dans cette situation, est de 85 %.
Beaucoup de mères sont alors forcées de travailler moins, voire de quitter leur poste pour s'occuper de leur enfant, ce qui, en dépit des aides disponibles, diminue considérablement leurs ressources et les pénalise lors de la retraite. N'oublions pas, d'ailleurs, que les femmes seront davantage affectées par la dernière réforme que nous venons de subir en ce domaine. Or protéger les parents d'enfants atteints de maladie grave ou d'un handicap, c'est d'abord s'assurer que cet événement n'aura pas de conséquence financière fatale sur le montant de leur retraite.
Au-delà de ce préjudice économique sur le long terme, nous aurions pu aller plus loin dans le cadre de cette proposition de loi. En particulier, ce que nous aurions voulu que la majorité prenne en compte, c'est non seulement qu'avoir un enfant atteint d'une maladie grave ou d'un handicap ne peut décemment pas être un motif de licenciement, mais que cela ne peut pas, non plus, conduire à d'autres discriminations dans l'emploi.
L'État a par ailleurs la responsabilité de libérer les familles concernées de la charge mentale que représente leur survie financière ; ainsi, d'autres propositions que nous avions défendues auraient pu être envisagées, comme l'exemption d'un parent d'un enfant malade ou en situation de handicap débiteur de ses obligations de rembourser ses crédits.
Nous avions également proposé d'expérimenter l'extension aux parents concernés par le texte du dispositif Communautés 360, actuellement destiné aux personnes en situation de handicap. Celui-ci propose un accompagnement global de la personne dans la gestion du quotidien et des procédures administratives, ce qui nous paraît fondamental. Cette mesure figurait d'ailleurs dans le rapport de la mission gouvernementale sur l'accompagnement des parents d'enfants malades, présenté par M. Paul Christophe : nous regrettons donc que le Parlement ne s'y soit pas intéressé.
Enfin, nous appelons à engager plus largement un travail sur le statut d'aidant, dont le rôle est encore bien trop souvent synonyme de précarité et de manque de reconnaissance.
Le groupe Écologiste soutiendra le texte issu de la commission mixte paritaire et continuera son combat pour remettre le soin au cœur des préoccupations de l'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. le rapporteur et Mme Michèle Peyron applaudissent également.
Apprendre que son enfant est touché par une maladie grave, un handicap ou un accident d'une particulière gravité est toujours un drame immense pour les familles. Du jour au lendemain, le quotidien est complètement bouleversé, et les priorités d'hier contrastent terriblement avec celles de demain. Une organisation se met instantanément en place, qui place au cœur de l'attention familiale la santé de l'enfant, ses besoins et ceux de la fratrie, laquelle subit tout autant les conséquences de ce drame. L'inquiétude, les rendez-vous médicaux et les démarches administratives se substituent aux tâches habituelles, à l'agenda professionnel et aux autres activités.
Pour un parent, se transformer en proche aidant n'est pas un choix, mais une nécessité absolue, qui s'impose et que personne n'aurait pu prévenir. Pour accompagner l'enfant dans de bonnes conditions et continuer à soutenir l'ensemble de la famille, il faut que chaque parent soit lui-même bien accompagné et qu'il bénéficie d'un cadre stable et sécurisant, dans une situation qui, elle, est angoissante et imprévisible.
Aussi cette proposition de loi s'inscrit-elle dans la continuité des avancées obtenues lors de la précédente législature en ouvrant de nouveaux droits aux proches aidants et plus particulièrement aux parents d'enfants atteints d'une maladie grave, d'un handicap ou d'un grave accident.
Selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), près d'un aidant sur deux occupe un emploi parallèlement à son engagement familial auprès d'un proche. Dans la majorité des situations, il s'agit de femmes. Pour beaucoup de ces aidants, continuer à occuper un emploi est en effet indispensable afin de conserver une rémunération et d'assumer le quotidien du foyer. C'est pourquoi nous ne pouvons que soutenir l'interdiction de licencier un parent en congé de présence parentale.
Par ailleurs, l'aménagement du poste de travail grâce au télétravail peut soulager en partie certains parents. Cependant, une telle adaptation doit être correctement encadrée afin que la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle soit bien respectée et que le cadre familial, déjà complexe, n'en soit pas davantage affecté.
En ce qui concerne l'article 3, le groupe Gauche démocrate et républicaine soutient la possibilité d'accorder une avance sur le versement de l'allocation journalière de présence parentale. Toutefois, nous regrettons que celle-ci reste circonscrite à trois cent dix jours sur trois ans, alors que les handicaps, les maladies graves ou les conséquences d'un grave accident ont malheureusement bien souvent des répercussions sur la santé des jeunes enfants au-delà de cette durée. Enfin, son montant est limité à un forfait de 52 euros par jour, ce qui nous paraît insuffisant.
L'annonce de la maladie d'un enfant plonge de nombreuses familles à la fois dans une peine immense et dans une grande fragilité. Dans des moments aussi exceptionnels, il est nécessaire d'anticiper les difficultés supplémentaires susceptibles de faire basculer ces familles dans une situation encore plus douloureuse et, pour certaines, dans une grande précarité. C'est pourquoi il est indispensable de protéger les familles qui bénéficient de l'allocation journalière de présence parentale contre le risque de voir le bail de leur logement non renouvelé en raison de la maladie de leur enfant.
Lors de l'examen en première lecture de ce texte à l'Assemblée, ma collègue Karine Lebon avait souligné la nécessité de mieux cerner les difficultés rencontrées par les parents de mineurs ultramarins dont l'accès aux soins nécessite une évacuation sanitaire vers l'Hexagone. Sa demande de rapport n'a malheureusement pas été adoptée ; les données qu'il aurait permis de recueillir auraient pourtant été très utiles pour adapter au mieux la prise en charge des enfants et la venue des parents. En effet, la sécurité sociale ne prend en charge qu'un billet d'accompagnant, le deuxième parent devant assumer seul le coût financier de son déplacement. Un décret a été annoncé pour ouvrir la prise en charge d'un deuxième billet d'avion, mais il tarde à paraître : qu'en est-il, monsieur le ministre ?
Je me réjouis de voir, à travers ce texte, la solidarité nationale prendre enfin sa part dans l'accompagnement des aidants et se substituer à la solidarité familiale, sur laquelle nous nous sommes trop longtemps reposés.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera pour cette proposition de loi.
M. le rapporteur applaudit.
La survenue d'une maladie, d'un handicap ou d'un accident est toujours un choc qui bouscule toute la vie d'une famille, particulièrement lorsqu'un enfant est concerné. Il faut toute la force du monde, lorsque l'on est parent et aidant, pour affronter cette épreuve : l'angoisse, l'attente de la guérison, les traitements, la souffrance, l'impuissance.
De la force, il en faut aussi pour affronter des situations qui pourraient être évitables : le risque de perdre son travail, ses revenus ou son logement. Même les démarches administratives destinées à solliciter un peu d'aide peuvent constituer de vrais parcours du combattant.
En tant que législateurs, nous avons le devoir d'aider ceux qui aident leurs proches à surmonter la maladie ou le handicap et d'éviter à ces familles ce qui s'apparente à une double peine.
Tel est l'objet de cette proposition de loi, défendue par notre collègue Paul Christophe, que je salue, et dont le combat nous unit tous – élus, parents, associations.
Cette proposition comportait des avancées indéniables, que notre groupe a soutenues dès le début. Je pense en particulier à la protection contre le licenciement et à la garantie de pouvoir recourir au télétravail – des droits indispensables, car pour les parents concernés, concilier vie professionnelle et vie personnelle devient presque impossible. Je salue également l'assouplissement des dispositifs relatifs au congé de présence parentale et à l'allocation journalière de présence parentale.
Notre groupe se réjouit que cette proposition ait été enrichie par le travail parlementaire, avec, en particulier, deux avancées concrètes qu'il défend de longue date.
La première concerne l'allongement du congé pour le décès d'un enfant. La proposition de loi que mon collègue Guy Bricout avait fait adopter sur le sujet lors du précédent quinquennat avait en effet fait l'objet d'un compromis. Nous sommes donc heureux de renouer avec notre ambition initiale.
Je salue en outre l'application aux agents publics de l'allongement du congé de deuil. Le Gouvernement a fini par se rallier à notre position. Rien ne permet de consoler de la perte d'un enfant ; mais si nous avons les moyens d'accorder un peu de répit aux familles, alors nous devons le faire.
La seconde avancée est relative à l'allongement du congé pour l'annonce d'une pathologie ou l'accident d'un enfant. La proposition de loi dont j'ai été l'auteure en 2021 a permis d'inscrire ce droit nouveau dans la loi. J'avais dit à l'époque mon espoir qu'il ne s'agisse que d'une première pierre ; aujourd'hui nous améliorons ce droit, et je ne peux que m'en réjouir. C'est une manière de reconnaître ce moment, ô combien difficile, vécu par les familles concernées ; de leur donner un peu de temps pour affronter une nouvelle susceptible de changer leur vie – parfois pour toujours –, pour accompagner leur enfant, rester à ses côtés, pour se consacrer à l'apprentissage thérapeutique ou accomplir des démarches chronophages.
Je me réjouis enfin du maintien de l'article relatif à la protection contre le risque de rupture de bail par le propriétaire, adopté par l'Assemblée nationale. C'est une garantie supplémentaire pour ces familles, particulièrement pour les plus modestes.
Il restera d'autres sujets à aborder – vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre – pour améliorer davantage encore la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie, d'un handicap ou victimes d'un accident grave. Nous pourrions par exemple favoriser le développement de solutions pour loger temporairement les familles près des centres de soins éloignés de leur domicile. Je pense particulièrement aux familles ultramarines ou corses, qui sont confrontées non seulement aux carences dans l'offre de soins, mais aussi au coût très élevé du transport aérien. Notre groupe a fait adopter une proposition de loi défendue par Olivier Serva et Max Mathiasin, visant à renforcer le principe de la continuité territoriale en outre-mer ; nous comptons sur l'engagement du Gouvernement pour qu'elle aboutisse.
Il faudra également revenir sur les durées d'indemnisation au titre des congés de présence parentale et de proche aidant, qui gagneraient à être étendues. Plus largement, il faudra enfin s'interroger sur l'octroi aux familles concernées d'un statut véritablement protecteur. D'ici là, notre groupe soutiendra bien évidemment cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur les bancs des commissions.
Nous sommes aujourd'hui réunis pour le vote d'un texte très symbolique pour la reconnaissance et la protection de millions de familles en France. Cette proposition de loi, fruit d'un travail réalisé de concert entre les deux chambres du Parlement, renforce les droits des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap, ou victimes d'un accident d'une particulière gravité. Adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale puis au Sénat, elle a fait l'objet la semaine dernière d'un accord en commission mixte paritaire. Les dispositions qu'elle prévoit sont concrètes et efficaces.
Le texte a été enrichi tant à l'Assemblée qu'au Sénat, toujours dans l'objectif de soutenir les familles d'enfants malades ou en situation de handicap. Les modifications intervenues au cours de la navette parlementaire permettront de protéger le salarié d'un licenciement pendant son congé de présence parentale mais aussi pendant toutes les périodes travaillées, si ce congé est fractionné ou pris à temps partiel. La facilitation de la procédure de renouvellement pour obtenir l'allocation journalière de proche aidant et le congé de présence parentale, le renforcement du droit au logement et la protection face au licenciement sont autant d'améliorations de notre droit que nous ne pouvons qu'encourager.
La moitié des 9 millions d'aidants en France accompagne des personnes âgées de moins de 60 ans, dont un tiers apporte une aide à son ou ses enfants. Ces aidants doivent assumer une parentalité totalement bouleversée ; très souvent, ils manquent d'information et rencontrent des difficultés pour accéder aux services et aux aides disponibles. Il s'agit majoritairement de mères qui s'arrêtent de travailler ou réduisent leur temps de travail : la situation retentit sur la vie professionnelle de 40 % des mères d'enfants en situation de handicap. Diminution ou cessation totale d'activité professionnelle, manque de temps pour la recherche d'emploi, refus de promotion, difficultés de concentration : s'occuper de son enfant malade, handicapé ou accidenté, c'est avant tout mettre sa vie entre parenthèses pour ce que l'on a de plus cher au monde. Trop souvent victimes d'isolement social et affectif, les parents attendent des garanties pour un maintien durable dans l'emploi, des mesures de protection supplémentaires et une écoute sincère de leurs exigences familiales, sans stigmatisation ni jugement. Le travail est un levier d'insertion, de socialisation et de stimulation dont ces aidants doivent pouvoir bénéficier dans des conditions adaptées à leur situation singulière.
Je remercie encore chaleureusement Paul Christophe pour son travail. Ce texte permettra de soutenir des parents qui, au-delà du choc de l'annonce de la maladie et de la réorganisation complète de leur vie familiale, doivent faire face à des problèmes de maintien dans l'emploi et, souvent, à un manque crucial de compréhension et de bienveillance de la part de leur employeur. Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera logiquement et sans hésitation en faveur de la proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur les bancs des commissions.
Nous sommes ici pour exprimer nos positions de vote suite à une CMP dont nous pouvons nous réjouir qu'elle ait abouti à un accord. Ce texte vise à améliorer le quotidien des parents d'enfants malades en réduisant autant que possible les différents obstacles administratifs et financiers rencontrés par les familles, qu'il s'agisse de la conciliation entre présence parentale et vie professionnelle ou de l'accès aux droits.
Les travaux de l'Assemblée et du Sénat ont été constructifs et complémentaires. Avec l'article 1er , nous permettons aux parents salariés devant prendre soin de leur enfant atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident particulièrement grave de bénéficier d'un régime de protection amélioré contre le licenciement – y compris lors de la reprise du travail entre deux périodes de congé. J'ai été l'un de ces parents d'enfants atteints par une affection de longue durée (ALD) qui, entre rendez-vous à l'hôpital, entretiens avec psychomotricienne, psychologue et neurologue et examens complémentaires, ont continué de travailler. Je sais donc qu'il est indispensable de permettre aux parents de prendre leur congé de présence parentale pour s'occuper de leur enfant en toute quiétude, alors qu'il arrivait jusqu'à maintenant qu'ils s'en privent par crainte d'un licenciement.
L'article 1er bis, que nous avons voté à l'unanimité, a été enrichi par nos collègues sénateurs. Il vise à porter à quatorze jours la durée minimale du congé pour le décès d'un enfant de moins de 25 ans, et à douze jours s'il était plus âgé, contre respectivement sept et cinq jours aujourd'hui. Nous sommes tous conscients que rien ne comblera la perte d'un enfant et que rien n'effacera le deuil d'une famille. Entre déni, colère, dépression et enfin acceptation, le deuil est un long chemin. Quatorze jours n'y changeront rien, mais ils offriront aux familles un délai plus décent pour appréhender la situation, se soutenir, se réunir et accomplir les démarches nécessaires.
Nous sommes également tombés d'accord pour supprimer la condition d'accord explicite du service de contrôle médical à laquelle était soumis le renouvellement de l'AJPA. L'article 3, qui permettra une accélération des démarches administratives, prévoit aussi que le versement de cette allocation puisse faire l'objet d'une avance, une mesure nécessaire et de bon sens.
Je salue également l'article 4, consacré aux non-salariés agricoles et à leurs conjoints collaborateurs. En supprimant le principe de l'écrêtement de l'AJPA ou de l'AJPP versée aux non-salariés des professions agricoles non affiliés à l'assurance retraite, à leurs conjoints et aux non-salariés agricoles cessant leur activité, il répond à une attente : quel combat, en effet, que de travailler aux champs alors que l'on doit prendre soin de son enfant atteint d'une maladie ou d'un handicap. Beaucoup reste à faire, cependant, pour l'accès aux droits dans le milieu agricole. Cet article est un bon début, et j'espère sincèrement qu'il nous permettra de faire une place, dans nos consciences, à ceux qui exercent l'une des professions les plus oubliées de France ; ceux qui nous portent, qui nous nourrissent mais surtout qui subissent. Le groupe Rassemblement national avait bataillé, lors de l'examen de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, pour améliorer leur situation, s'agissant de la retraite comme de l'accès aux droits. Nous continuerons de le faire et j'espère que vous le ferez aussi, chers collègues.
Vous l'avez compris : dans l'ensemble favorable aux dispositions de ce texte, notre groupe votera en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Lorsqu'un parent apprend que son enfant est touché par une affection de longue durée, c'est toute une vie qui se voit bouleversée et qui doit être repensée dans l'urgence et la douleur. Malgré la tristesse, ces parents soucieux et inquiets pour leur enfant gravement malade doivent se démener tout en continuant d'aller travailler et de s'occuper de ses frères et sœurs, comme si de rien n'était. Ils doivent aussi dégager du temps pour effectuer les innombrables démarches administratives et honorer les rendez-vous médicaux.
Ces démarches administratives sont longues et laborieuses, mais elles sont surtout nécessaires pour obtenir ne serait-ce qu'une carte d'invalidité pour l'enfant ou pour percevoir les aides financières qui, dans ces moments-là, sont essentielles. Les rendez-vous successifs à l'hôpital ou auprès de spécialistes sont éreintants et angoissants pour l'enfant mais aussi pour les parents, parfois peu rassurés par un personnel soignant souvent débordé. Aussi, malgré le soutien et la bonne volonté des proches, des soignants et des agents des services sociaux, ces parents qui deviennent des aidants du jour au lendemain se sentent-ils bien souvent démunis et seuls face à la situation. Le quotidien devient une lutte permanente ; l'accès aux droits et l'accès aux soins deviennent un parcours du combattant.
Il était donc de notre devoir de législateur de nous pencher sur ce texte avec attention pour soulager autant que possible le quotidien de ces familles dans une société inadaptée, encore pleine d'embûches, et validiste.
Je salue le travail de M. le rapporteur Paul Christophe. Les débats se sont déroulés de manière constructive et sereine. Oui, collègues, c'est possible lorsque l'on œuvre dans l'intérêt général. Les discussions ont permis l'adoption de mesures défendues par le groupe La France insoumise, comme l'allongement de cinq à douze jours de la durée de congé minimale suite au décès d'un enfant. Notre amendement a été adopté à l'unanimité et ses dispositions renforcées par le Sénat, dont je salue également le travail et la mobilisation sur le sujet. Même si rien ne saurait combler le vide laissé et la tristesse causée par la perte d'un enfant, il était plus que nécessaire d'allonger une période de congé qui n'était tout simplement pas à la hauteur des besoins des familles. C'est chose faite aujourd'hui !
Notre groupe a également défendu un amendement écrit en concertation avec la fédération Grandir sans cancer, interdisant le congé pour vente ou pour reprise d'un bien immobilier dans le cas où les locataires ont un enfant victime d'une affection de longue durée. Cette proposition faisait l'objet d'un amendement identique du groupe Socialistes et apparentés. Adoptée par l'Assemblée, elle a été conservée par le Sénat. Plus largement, le texte protège les parents d'enfants atteints d'une affection de longue durée des licenciements et des mutations, et assouplit leurs conditions d'accès aux aides financières.
Une fois ces mesures bénéfiques énoncées, il nous reste d'autres chantiers à mener, s'agissant des aidants et de la prise en charge des affections de longue durée. Ce que je veux dire, c'est que la mesure consistant à faciliter le télétravail pour les parents va dans le bon sens, mais que l'on ne peut pas considérer le télétravail comme la solution à tous les problèmes. En définitive, cette proposition de loi ne supprime pas toutes les difficultés qui surviennent dans la vie des familles d'enfants touchés par une affection de longue durée, mais elle leur garantit une protection accrue et lève un certain nombre d'obstacles lourds et contraignants. Le groupe LFI – NUPES soutiendra évidemment cette proposition de loi qui a su faire consensus et surmonter les clivages.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Soumya Bourouaha et M. le rapporteur applaudissent également.
Apporter des réponses concrètes aux familles dont l'enfant est victime d'une maladie grave ou d'un accident de la vie, voilà une belle mission que se donne le législateur. Le 6 juillet, la commission mixte paritaire a trouvé un accord sur cette proposition de loi visant à renforcer la protection des familles. Car les dispositifs qui protègent les adultes plongés dans une situation grave, tels que le gel des crédits, l'arrêt maladie ou la protection de l'emploi, ne s'appliquent pas aux parents dont l'enfant est malade.
Plus de 3 000 familles, chaque année, voient un ou plusieurs de leurs enfants atteints d'une affection de longue durée. Elles doivent affronter des obstacles, notamment les freins administratifs, alors même qu'elles sont engagées dans une lutte quotidienne pour le bien-être, voire la survie de leur enfant. Ainsi, certaines sont contraintes de multiplier les démarches auprès de l'administration et sont soumises à des délais d'attente toujours plus longs pour accéder à leurs droits en matière d'aides financières, éducatives ou même obtenir une carte d'invalidité pour leur enfant.
Leurs employeurs, leurs créanciers – lorsqu'il s'agit d'acquitter un loyer, les traites d'un emprunt ou des charges fiscales – manquent parfois de compréhension. Ce sont autant d'injustices qui viennent perturber leur vie, dans une période elle-même difficile et brutale.
Cette proposition de loi permettra d'apporter des réponses concrètes et opérationnelles. Au nom du groupe Les Républicains, je salue les deux chambres, qui ont su travailler ensemble pour renforcer la protection et améliorer le quotidien de ces familles, ainsi que Paul Christophe, qui a su rassembler, grâce à son expérience de législateur et de parent, au-delà de cet hémicycle.
Nous nous réjouissons que cette CMP ait abouti à un accord, permettant ainsi d'offrir aux parents concernés les mêmes protections qu'aux adultes malades, victimes d'accident ou souffrant de handicap. Le texte issu de ses travaux modifie le code du travail, de sorte que les parents ne peuvent être licenciés durant leur congé de présence parentale, prolonge la durée du congé pour décès d'un enfant, garantit l'accès au télétravail des salariés aidant un enfant gravement malade ou handicapé. Il permet aussi, et nous nous en réjouissons, d'accélérer le versement des aides financières et de protéger le droit au logement.
Les Républicains se tiendront toujours aux côtés de ces familles courageuses, en faveur desquelles la solidarité nationale doit s'exercer pleinement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
C'est aujourd'hui la dernière étape de l'examen de cette proposition de loi nécessaire, que de nombreuses familles et associations attendent. Elle démontre une fois encore l'investissement du rapporteur Paul Christophe, dont il faut rappeler l'engagement de longue date sur les questions de protection et d'accompagnement des parents d'enfants malades. Je tiens à saluer la qualité du travail que les parlementaires des deux chambres ont fourni. Ils ont su enrichir le texte avec pragmatisme, et dans le consensus.
Les mesures de ce texte visent à aider les parents dans des situations complexes et douloureuses, dans ce combat de tous les jours : combat de l'enfant contre la maladie ou le handicap, combat de tous pour faire face aux épreuves d'ordre administratif, financier, organisationnel et psychologique qu'implique cette situation.
Ce texte s'inscrit dans la continuité des lois adoptées ces dernières années : loi de 2019 visant à renforcer le soutien aux aidants familiaux, loi de 2021 visant à améliorer les conditions de présence parentale.
Il nous est proposé de renforcer la protection et l'accompagnement des parents, grâce à des modifications du code du travail – le salarié en congé de présence parentale ne pourra plus être licencié du fait même de son statut, comme c'est le cas des femmes en congé maternité –, à un allongement de la durée minimale du congé en cas de décès de l'enfant ou d'annonce d'une maladie grave, à une meilleure adaptation des conditions de travail, souvent contraintes, des parents et à un accès facilité au télétravail. Tout l'enjeu est de concilier, aussi longtemps que nécessaire, la vie professionnelle et les soins apportés à l'enfant.
Le texte propose aussi d'accélérer le versement des aides financières. La CAF pourra verser une avance sur l'AJPP et, dans le cadre d'un renouvellement, verser l'aide sans attendre l'avis du service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM).
Indéniablement, cette proposition de loi contient des mesures de simplification et de protection bienvenues pour les milliers de familles concernées – chaque année, près de 2 500 enfants sont atteints d'un cancer. Mais il est indispensable que ces dispositions soient portées à leur connaissance, dès le diagnostic, et tout au long du traitement. Il nous faut renforcer la démarche de l'« aller vers », comme le préconise Paul Christophe dans son rapport. Il faut notamment organiser, au bénéfice des familles, des connexions directes entre les organismes et les travailleurs sociaux.
Le groupe Démocrate votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.
Sur l'ensemble de la proposition de loi telle qu'elle est issue de la commission mixte paritaire, je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur.
Je remercie les porte-parole des groupes, qui ont exprimé leur soutien au texte. Ce vote unanime grandira notre assemblée. De fait, la cause est noble : il s'agit de mieux protéger les parents concernés, d'améliorer les dispositifs existants et de rendre possibles des évolutions, grâce à l'expérimentation qui sera mise en place avec le concours des CAF et de la CNAF.
Monsieur le ministre, je tiens aussi à vous remercier ; sans votre concours, nous n'aurions pas obtenu qu'une lecture des conclusions de la CMP se tienne aujourd'hui à l'Assemblée nationale, au Sénat tout à l'heure, et que ce texte soit ainsi promulgué avant la fin du mois de juillet. C'est appréciable car si nous n'avions pas tordu l'agenda, les mesures n'auraient pris effet qu'à la fin de l'année.
Chers collègues, je vous remercie tous : c'est grâce à vous, qui vous apprêtez à voter, que ces familles verront leur situation s'améliorer.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La discussion générale est close.
Nous allons respecter le délai requis avant de procéder au vote par scrutin public, laissant ainsi à nos collègues le temps de regagner l'hémicycle.
J'aurais presque eu le temps d'intervenir, faute d'être arrivé à temps pour participer à la discussion générale…
Non, vous ne pouvez pas vous exprimer après le rapporteur, cher collègue !
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 213
Nombre de suffrages exprimés 213
Majorité absolue 107
Pour l'adoption 210
Contre 3
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 1517).
La parole est à M. Jean-Michel Jacques, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Lorsque nous avons commencé l'examen de ce projet de loi de programmation militaire, j'ai émis le vœu que chacun d'entre nous ait pour seule boussole l'intérêt supérieur de la nation. Au vu des débats qui ont accompagné l'examen de ce texte, en commission comme dans l'hémicycle, à l'Assemblée comme au Sénat, je pense que mon vœu a été largement exaucé. Au-delà des intérêts partisans, nous avons su nous réunir pour nos armées. Nous pouvons nous réjouir que nos débats aient été constructifs et qu'ils aient contribué à enrichir considérablement ce texte.
Je pense bien sûr à l'augmentation des marches budgétaires au début de la période couverte par la loi de programmation militaire (LPM), qui permettra dès 2024 d'intensifier la préparation opérationnelle tout en sécurisant les ressources extrabudgétaires (REX). Je pense à l'effort consenti en faveur de la rémunération de nos militaires grâce à la révision programmée des grilles indiciaires, évolution nécessaire pour relever le défi de la fidélisation. Je pense également, bien entendu, au renforcement du rôle du Parlement, grâce à l'adoption du principe de l'actualisation, à l'amélioration du droit d'information sur les ajustements annuels et les grands programmes de coopération européenne ou encore à la création d'une nouvelle commission parlementaire de vérification des exportations d'armement. Je pense enfin à la facilitation du financement de notre industrie de défense grâce à la mobilisation du système bancaire.
Ces avancées n'auraient pas été possibles sans l'implication de tous. Je salue l'investissement des députés de l'ensemble des groupes politiques grâce auxquels nos débats ont toujours été respectueux et d'un niveau élevé. Je tiens également à saluer chaleureusement notre collègue Sabine Thillaye, rapporteure pour les articles 32 à 35 bis, qui a assuré son rôle avec une grande efficacité. Je remercie bien entendu l'ensemble des membres de la commission mixte paritaire (CMP), en premier lieu Christian Cambon, rapporteur de la commission mixte paritaire pour le Sénat et président de la commission des affaires étrangères de la Chambre haute. Les négociations, si elles ont pu être âpres, ont toujours été constructives et cordiales.
En tant que rapporteur, monsieur le ministre des armées, je tiens à vous remercier pour votre engagement sincère ainsi que pour votre écoute et votre disponibilité qui ont été reconnues par tous les parlementaires ayant participé aux débats.
Mes chers collègues, au-delà de son enrichissement par le Parlement, je voudrais rappeler combien ce texte engage notre nation. Plus que jamais, à l'heure de l'agression russe en Ukraine, du déploiement de la stratégie de puissance de la Chine, de la persistance des risques terroristes ou encore de la multiplication des menaces hybrides, chacun d'entre nous a conscience de l'importance du rôle de nos armées pour nous protéger et faire entendre la voix de la France. Le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer entend relever ces défis, en portant une ambition à la hauteur des enjeux : 413 milliards d'euros, c'est un signal fort que nous envoyons à nos armées mais aussi à nos compétiteurs stratégiques. C'est également une chance pour nos territoires, qui bénéficieront des nombreuses retombées économiques de cette LPM.
Mes chers collègues, comme chaque année à l'occasion du 14 juillet, les Françaises et les Français célébreront nos valeureux soldats. Nous savons ce que nous leur devons. Dès lors, ce vote est plus que jamais le symbole de la reconnaissance de la nation à l'égard de ces femmes et ces hommes, civils ou militaires, qui font la grande richesse de nos armées. Alors, mes chers collègues, bon vote et vive l'armée française !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.
La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Notre débat intervient à un moment important de la seizième législature. Dans un monde où les mutations technologiques s'accélèrent, où le droit international est remis en cause par la force des armes, nous sommes sur le point de voter la poursuite d'un effort historique, engagé dès 2018, pour nos armées.
En tant que président de la commission de la défense nationale et des forces armées de notre assemblée, je formulerai trois remarques.
La première porte sur le montant et le contenu de cette LPM, sur lequel les orateurs de la discussion générale reviendront plus en détail. Ses plus de 400 milliards de crédits représentent un effort considérable, à la hauteur de menaces elles-mêmes considérables. Entre 2017 et 2030, nous aurons plus que doublé le budget annuel consacré à la défense pour permettre à nos armées d'agir plus vite, plus fort, plus loin,…
…dans des milieux toujours plus nombreux, afin de protéger les Français, en France et partout où cela sera nécessaire, comme cela a été le cas récemment à Khartoum avec l'opération Sagittaire.
Ma deuxième remarque concerne la méthode sur laquelle a reposé l'élaboration de cette LPM. Il n'échappe à personne que notre situation politique est complexe mais le processus d'adoption de ce projet de loi démontre que nous pouvons dépasser nos désaccords et nous rassembler quand l'essentiel est en jeu. Notre travail parlementaire fut un grand moment démocratique. La commission de la défense s'y est préparée depuis des mois mais le débat a été élargi bien au-delà de son périmètre. J'ai choisi de déléguer plusieurs articles à la commission des lois, tandis que la commission des affaires étrangères et la commission des finances se sont saisies pour avis. Autrement dit, la moitié des huit commissions permanentes de notre assemblée se sont penchées sur ce texte. Par ailleurs, j'ai demandé à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (Opecst) de nous remettre un rapport destiné à évaluer les retombées civiles des innovations militaires. Enfin, la commission des affaires européennes s'est également saisie du texte.
Toutes les oppositions ont été entendues, chacune a pu faire adopter des propositions, souvent grâce au regard bienveillant de notre ministre. Les travaux au Sénat puis en commission mixte paritaire ont confirmé que nous pouvions bâtir ensemble pour la France et les Français.
Ce processus a également été l'occasion de faire passer des messages très clairs à nos alliés et nos compétiteurs : consacrer trois heures de débat à la dissuasion, voilà qui est de nature à conforter sa crédibilité et sa durabilité ; échanger longuement sur notre rôle dans l'Alliance atlantique et l'Union européenne, c'est montrer à nos alliés que nos engagements sont forts car ils sont réfléchis et partagés.
Cela étant, il me faut immédiatement préciser que notre travail ne fait que commencer, chers collègues. D'abord, parce que les effets concrets de cette programmation ne se manifesteront qu'à travers les lois de finances successives et leur parfaite exécution. Les huit rapporteurs de la commission de la défense se mobilisent déjà pour vous formuler leurs avis budgétaires. Je compte sur chacun d'entre vous pour être fidèle aux engagements importants que vous prenez aujourd'hui devant les Français.
Depuis la fin de la guerre froide, nous avons non seulement désinvesti dans notre appareil militaire, en touchant les fameux dividendes de la paix, mais nous avons également beaucoup désappris en matière de défense globale. Ce que l'Ukraine nous rappelle, c'est qu'il n'est pas de défense efficace sans implication de la nation tout entière. Il nous reste à faire en sorte que chaque citoyen, quelles que soient ses capacités, se sente impliqué, je dirai même engagé, dans notre défense nationale.
En d'autres termes, mes chers collègues, la LPM ne représente que le noyau capacitaire de notre défense nationale qui, pour être efficace, doit s'élargir à l'ensemble des parties prenantes de la nation, des citoyens aux collectivités territoriales, des entreprises aux ministères. Il importe de remobiliser ces derniers, de l'économie aux transports, de l'énergie à la santé, de la culture à l'éducation, en vue de promouvoir une vision interministérielle des questions de défense. C'est ensemble que se construit une société résiliente, jamais elle ne doit reposer sur la seule confiance placée dans nos armements. Je compte aussi sur vous, mes chers collègues, pour que chacun d'entre vous soit acteur du développement d'une culture de défense pour notre pays.
Nous ne pouvons tirer qu'une grande satisfaction de cette LPM que je vous invite à voter. Le travail de renforcement de notre défense nationale ne fait que commencer. Alors, mobilisons-nous tous ensemble !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.
Je tenais à commencer mon propos par là où je l'avais terminé, lorsque j'avais présenté ce texte il y a plusieurs semaines, en ayant une pensée pour les femmes et les hommes qui ont fait le choix de l'engagement au sein de nos forces armées, tout particulièrement nos blessés, nos tués et leurs familles, ainsi qu'aux nombreux civils de la défense. C'est à eux que je pense tout d'abord alors que le Parlement s'apprête à se prononcer sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, à quelques jours de la fête nationale.
C'est un moment important pour nos armées, lorsque tous les cinq ans, six ans, parfois sept ans, le Parlement discute et vote un projet de loi de programmation pour notre modèle de défense : pour fixer un cap à nos armées ; définir les effets militaires que nous souhaitons produire face aux menaces qui pèsent sur le pays ; détailler les missions qui peuvent être confiées à nos armées et, bien entendu, les moyens que nous leur allouons en lien avec nos capacités industrielles.
C'est aussi un moment important pour la nation, qui prend la mesure du rôle fondamental que jouent nos militaires pour garantir notre sécurité, notre souveraineté et, en fin de compte, peut-être plus simplement notre prospérité.
C'est un moment important enfin pour les puissances étrangères qui nous observent, qu'il s'agisse de pays alliés ou de compétiteurs. Elles peuvent ainsi prendre acte de la puissance de notre République pour trouver, dans le respect des règles constitutionnelles qui encadrent les compétences de chacun, les moyens de relever les défis sécuritaires auxquels est confrontée la nation.
Avant même que la représentation nationale passe au vote après la discussion générale, je veux revenir sur les éléments qui ont permis, je le crois, je l'espère, que l'examen de ce texte soit utile pour le débat politique national sur un sujet singulier, avec une histoire française singulière, dans un moment mondial qui l'est tout autant.
Tout d'abord, si je forme le vœu que ce projet de loi de programmation militaire, le quinzième de la V
Les sujets de défense sont, bien entendu, des sujets politiques, au sens noble du terme, sur lesquels s'affrontent des modèles et des visions différents, qu'il s'agisse de nos alliances, du rôle et de la place de notre dissuasion nucléaire ou encore de la doctrine d'emploi de nos forces armées face à des menaces dont les contours ne sont pas toujours partagés par tous.
Je m'honore d'avoir pu mener ces débats avec vous au cours de l'examen de ce texte, débats qui ont permis d'apporter aux Françaises et aux Français un éclairage salutaire sur ce que chaque groupe politique représenté au sein de l'hémicycle propose concernant notre modèle de défense. Les sujets de réflexion n'ont pas manqué, la force des convictions et des arguments non plus, et il faut s'en réjouir.
Ce débat est sain et n'a rien de médiocre. L'adoption du texte à l'Assemblée nationale, par scrutin public, a été claire, mais elle n'a pas occulté des visions du monde – et donc de la défense – profondément divergentes, voire irréconciliables. L'examen du texte a en effet montré que certaines sensibilités politiques, en dépit de quelques clarifications inédites et bienvenues, avancent toujours dans une forme de flou, notamment en matière d'alliance…
…– en particulier avec nos partenaires européens et nord-atlantiques – ou s'agissant de leur position définitive et sans ambiguïté sur le rôle et l'efficacité de la dissuasion nucléaire.
Les trois semaines de débats à l'Assemblée nationale, en commission puis en séance publique, nous ont permis d'entendre les critiques formulées sur le fonctionnement du modèle français actuel, dont certaines sont très clairement à prendre en considération. Toutefois, les débats n'ont pas toujours permis de faire émerger des contre-propositions crédibles et réalistes sur des sujets pourtant aussi essentiels que nos alliances militaires, bilatérales comme multilatérales, avec bien entendu la question de la place de la France et de son rôle dans l'Otan, ou encore le bilan objectif de ce qui a été accompli par nos forces armées ces dernières années en Afrique et la posture à adopter, de manière courageuse et pragmatique, en matière de lutte contre le terrorisme.
Je tiens, enfin, à vous remercier tous du débat que nous avons eu sur la dissuasion nucléaire, qui fut d'une très grande qualité. Certaines positions sont irréconciliables, mais c'est l'honneur d'une grande démocratie que de permettre de les exprimer et de les confronter. La discussion a eu un écho bien au-delà de l'hémicycle, puisqu'elle a été largement suivie par différents observateurs qui ont estimé qu'elle n'avait pas eu lieu dans ce format – avec une telle liberté et une telle technicité – depuis les débats initiaux engagés ici même par Pierre Messmer et les différents groupes politiques élus dans les années 1960.
Nous sommes une démocratie nucléaire et je crois même que de tels débats n'ont pas eu lieu, sous cette forme, chez nombre de nos alliés, puissances dotées. Cela vaut, si je puis me permettre, tous les livres blancs du monde.
La question des coopérations industrielles avec nos partenaires a également été largement débattue, ce qui a permis de réaffirmer la ligne de conduite du Gouvernement qui, je dois le dire, est peut-être plus convergente et consensuelle que je ne le pensais : toujours faire primer l'intérêt de la France dans nos choix. Je me suis engagé à revenir devant le Parlement à chaque fois que nous lancerons une nouvelle phase de coopération sur des programmes tels que le système de combat aérien du futur (Scaf) ou le système principal de combat terrestre (MGCS). Je le ferai et je suis persuadé que cela permettra d'objectiver les critères et les paramètres sur lesquels devront se fonder les décisions qui seront prises, demain, pour défendre l'intérêt général.
Ces sujets sont déterminants, disais-je, et méritent un débat qui dépasse désormais les murs du Parlement pour emmener la nation et nos concitoyens sur la voie de la compréhension de ce modèle d'armée à l'histoire singulière et qui objective les menaces qui pèsent sur la France. Ce n'est pas tant un débat entre experts dont nous avons besoin qu'un débat plus national, voire plus populaire. J'aurai l'occasion d'y revenir.
En tout état de cause, je pense pouvoir affirmer, dans le respect de la séparation des pouvoirs et du rôle que nos constituants ont donné à chacun en matière de défense nationale, que l'Assemblée nationale a trouvé toute sa place dans ce débat et qu'elle en sort largement renforcée. Les dispositions adoptées consolideront le contrôle du Parlement en matière d'exécution et d'actualisation de la programmation, notamment chaque année, en amont de l'examen des projets de loi de finances qui restent – nous le savons – les véritables actes parlementaires permettant d'engager concrètement les crédits alloués aux armées.
Ce renforcement du contrôle parlementaire permettra aux deux chambres de tenir un rôle essentiel dans la poursuite de la montée en puissance de notre format d'armées et dans les orientations qu'il faudra leur donner. Je me réjouis de ces avancées, inédites sous la V
Il permettra aussi au Parlement de s'assurer que les choix faits en 2023, et que vous vous apprêtez à valider, seront toujours adaptés à l'évolution des menaces, tout au long de la période de programmation. En effet, trop souvent dans le passé, l'observance stricte, pour ne pas dire scolaire, de la programmation nous a conduits à prendre du retard ou, en tout cas, à prendre des décisions trop tardivement. Je ne reviendrai pas sur le débat intéressant relatif aux aventures que nous avons connues en matière de drones.
Dans le respect des grands principes de la V
Enfin, le succès de la loi de programmation militaire que, je l'espère, vous voterez définitivement dans un instant, tient à la responsabilité que chacun a su prendre pour définir une trajectoire budgétaire au service d'une ambition militaire documentée et crédible. Elle permettra de financer des capacités d'agir concrètes, afin d'assurer la défense de nos intérêts et de répondre aux menaces actuelles – mais aussi et surtout futures – dans tous les espaces de conflictualité. C'est là aussi le cœur de la transformation de la présente loi de programmation.
Les débats ont été longs et nombreux pour aboutir au compromis trouvé lundi dernier en commission mixte paritaire, afin d'allouer aux militaires les moyens des missions que nous leur confions. Ce compromis permet de répondre à l'indispensable besoin de cohérence, sur lequel je ne reviendrai pas, pour notre modèle d'armée d'emploi : mieux équiper, mieux former, mieux soutenir, recruter davantage, mieux fidéliser et entraîner nos forces, tout en nous assurant de la soutenabilité de la trajectoire pour les finances publiques dans la durée.
Le Parlement, dans ce compromis paritaire, a souhaité que nous mettions davantage de moyens au début de la période sans pour autant – ce qui, je le répète, n'aurait eu aucun sens – alourdir la facture globale, 400 milliards d'euros de crédits budgétaires et 413 milliards d'euros de besoins programmés. Nous l'avons entendu et nous sommes parvenus à cet accord ; c'est une bonne chose.
Je ne considère pas cette loi de programmation militaire comme un aboutissement. Elle est le fruit de l'engagement du Président de la République, chef des armées, qui, depuis son élection en 2017, a gardé intacte sa volonté de permettre à nos armées de se réparer, puis de se transformer – tout cela avant même, je le rappelle, que n'éclate la guerre en Ukraine.
Votre vote ne doit pas non plus entériner la fin des débats sur ces sujets militaires. À un débat plus national que j'évoquais il y a un instant, s'ajoutent des débats et des travaux à tenir ici même, dans l'hémicycle ou en commission, sur différents sujets clés pour la réussite de nos objectifs.
Je me suis engagé, au cours de la discussion parlementaire, à produire plusieurs rapports et à en débattre avec vous : je pense notamment au rapport, réclamé sur de nombreux bancs, destiné à évaluer la réintégration, en 2008, du commandement intégré de l'Otan, un sujet sur lequel il faut désormais adopter l'approche la plus technique, la plus diplomatique mais aussi la plus militaire possible. Je suis heureux de nous permettre de le faire.
Le contrôle démocratique exercé sur nos services de renseignement est aussi un sujet sur lequel il nous faudra poursuivre la discussion, tout en veillant à ne jamais compromettre les opérations ou entraîner une menace pour la sécurité de nos agents sur le terrain, auxquels je tiens ici à rendre un hommage particulier. Dans le cadre de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), nous avons trouvé, avec les présidents Sacha Houlié et Thomas Gassilloud, un terrain de travail inédit sous la V
Dans le cadre de l'économie de guerre, nous n'échapperons pas à la nécessité de travailler collectivement sur le financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) : je pense en particulier aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Le Parlement s'est largement emparé de ce sujet, vous avez relayé les préoccupations du terrain, et nous devrons poursuivre ces réflexions de manière très concrète.
Vous avez été nombreux à évoquer les sujets liés aux ressources humaines, qu'il s'agisse des enjeux de fidélisation, des travaux à mener sur la grille indiciaire ou sur les questions indemnitaires, du recrutement des militaires d'active ou encore du modèle à promouvoir en matière de réserves : là encore, tout est art d'exécution. Il nous faudra évidemment revenir devant le Parlement dans le cadre de ses missions de contrôle.
Je pense enfin à la remontée en puissance de nos armées dans les territoires d'outre-mer – en tant qu'ancien ministre des outre-mer, je voulais les citer à cette tribune –, pour assurer demain notre souveraineté bien au-delà de l'Hexagone. Nous la devons à nos concitoyens ultramarins, comme nous la devons à tout un chacun.
Pour conclure, permettez-moi d'exprimer l'honneur qui fut le mien de défendre ce projet de loi de programmation militaire devant vous, moi qui ai, comme votre rapporteur, porté l'uniforme en d'autres temps. Je l'ai fait humblement, respectueusement, en écoutant et en répondant aux arguments développés par chaque mouvement politique que les Français ont souhaité voir représenté sur ces bancs. En se livrant à cet exercice démocratique respectueux, nous avons permis de renforcer le projet de défense que nous portons pour la nation. Nous avons livré aux femmes et aux hommes qui servent au quotidien sous l'uniforme, et plus largement à l'ensemble de nos concitoyens, un débat à la hauteur des défis qu'ils auront à relever demain pour notre sécurité collective et notre souveraineté. Sans oublier que ces décisions s'inscrivent dans nos traditions, en lien avec la mémoire nationale – je salue Mme la secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire –, et celui qui unit les armées d'aujourd'hui avec nos anciens combattants tout comme avec notre jeunesse.
Plus encore, nous avons fait la démonstration que le débat démocratique – le débat parlementaire de qualité – est la solution qui permet à une nation de s'armer face aux menaces qui la visent, lorsque tant de nos compétiteurs vantent trop facilement et trop simplement les mérites des modèles autoritaires.
Je forme le vœu que ce combat des idées, qui fait la force de notre République et a permis d'aboutir au texte qui est soumis à vos votes, féconde pour les sept prochaines années, et pour longtemps encore, le succès de nos armes et la grandeur de la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe LR.
Par respect envers les orateurs, j'invite les collègues qui ont des appels urgents à passer à sortir de l'hémicycle pour le faire. Quant à ceux qui emploient des oreillettes, n'imaginez pas que mettre la main devant votre bouche nous empêchera de vous voir !
Sourires.
Augmenter le budget des armées, garantir la défense et la sécurité de notre pays, oui ! Mille fois oui !
Toutefois, doubler ce budget et le porter à 413 milliards d'euros, mille fois non ! Cette loi de programmation militaire s'inscrit dans une course aux armements particulièrement inquiétante. Rappelons qu'au niveau mondial les dépenses militaires ont, elles aussi, atteint un record en 2022, atteignant la somme historique de 2 240 milliards de dollars ! Oui, il y a de quoi être très inquiet face à cette économie de guerre qui se généralise et qui traduit, au fond, défaitisme et course à la guerre.
Vous dites qu'il faut avoir une guerre d'avance, mais le risque est d'avoir une paix de retard.
Bien sûr, nous devons protéger nos concitoyens où qu'ils se trouvent : dans l'Hexagone comme en Polynésie, aux Antilles, en Guyane ou dans l'océan Indien. Cette exigence, nous l'avons souligné, n'est pas négociable, tout comme sont impératifs la défense de nos zones économiques exclusives (ZEE), la lutte contre les attaques cyber, le développement du renseignement ou encore la préservation de l'espace de toute militarisation.
Mais, face à ces défis, une question simple se pose : avons-nous les moyens de tout faire ? Avons-nous les moyens de financer à la fois une armée de défense nationale et une armée de projection extérieure, avec un porte-avions de nouvelle génération (PANG), de financer la dissuasion nucléaire à ce point, tout cela au service d'une stratégie militaire placée sous la direction de l'Otan ? Nous ne le pensons pas. C'est tellement vrai que, malgré les sommes considérables engagées, les cibles de plusieurs grands programmes d'équipement ne sont pas atteintes : des blindés, des Rafale, des frégates et des drones notamment manquent à l'appel.
L'indépendance de notre défense, la sécurité de nos intérêts nationaux peuvent être mises en péril par les opérations extérieures, que nous les menions seuls ou au sein d'alliances. En outre, depuis vingt ans, les guerres expéditionnaires menées en Libye, en Afghanistan ou au Sahel n'ont réglé aucun des problèmes posés – sans que la bravoure ni le professionnalisme exemplaire de nos soldats ne soient en cause. Je tiens d'ailleurs à saluer de nouveau la mémoire de celles et de ceux qui ont perdu la vie dans ces combats.
Mais il est temps d'en finir avec ce modèle d'un autre siècle. Le modèle que vous présentez, décrit comme celui d'une armée « complète », est en réalité une illusion, une armée que des militaires ont qualifié eux-mêmes de « bonsaï », tant les manques dans certains secteurs sont criants – je ne parle pas seulement des munitions.
La justification, c'est, bien sûr, la dissuasion nucléaire, dont le poids n'a jamais été aussi élevé. Tant qu'il n'y aura pas de désengagement de toutes les puissances nucléaires, oui, les communistes l'affirment, la dissuasion nucléaire restera la clé de voûte de notre politique de défense. Dont acte.
Toutefois, y consacrer 54 milliards d'euros par an durant cette LPM, soit 22 millions par jour, c'est aller bien au-delà de l'entretien de notre arsenal. Nous ne sommes pas les seuls à nous interroger sur l'opportunité de telles dépenses : ainsi, il y a quelques jours, un ancien membre du Conseil de sécurité nationale américain sous Barack Obama déplorait les dépenses considérables du Pentagone dans l'armement nucléaire, les chasseurs de cinquième génération ou encore les sous-marins, alors même que se fait sentir un besoin de production d'artillerie, simple mais indispensable.
Enfin, nous regrettons l'absence d'un véritable secteur public de l'industrie de défense, s'appuyant sur les entreprises publiques et sur les compétences des ingénieurs, des chercheurs et des ouvriers d'État. Faute de cela, le financement de notre industrie de défense dépend malheureusement des ventes d'armes et de l'export.
Comme nos collègues communistes du Sénat, nous estimons que les choix que traduit cette LPM ne sont pas les bons pour le pays et pour la défense des intérêts nationaux. Certes, notre groupe se félicite de quelques avancées telles que le premier pas vers un contrôle parlementaire des exportations d'armements, l'extension aux résistants étrangers de la mention « mort pour la France » – madame la secrétaire d'État, je vous remercie pour cela – et l'entrée au Panthéon de Missak Manouchian, mais tout cela reste bien insuffisant. C'est pourquoi, malgré quelques avancées notables pour nos armées, malgré la qualité de nos débats et la disponibilité de M. le ministre pour répondre à nos questions, les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine voteront contre le texte.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires salue le compromis trouvé par la commission mixte paritaire sur la LPM. Ce pacte avec nos armées traduit l'engagement sans faille des parlementaires. Je tiens à rendre hommage d'emblée aux militaires qui assurent au quotidien la défense du territoire national et notre sécurité collective.
Depuis le dépôt du texte en avril jusqu'à son adoption en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, nos débats – je crois que nous pouvons tous nous accorder sur ce point – ont été à la hauteur des enjeux et de l'engagement des militaires. L'ensemble des groupes de la majorité et de l'opposition ont apporté leur pierre à l'édifice et ont contribué à améliorer ce texte qui engagera la nation pour des décennies, bien au-delà de la simple échéance de 2030. Il y a donc matière à se réjouir de cet accord trouvé quelques jours avant le 14 juillet.
En CMP, les parlementaires ont obtenu de réelles avancées pour nos armées. Parmi elles, l'amélioration de la trajectoire budgétaire retient évidemment toute notre attention. En accélérant le rythme de la hausse du budget de la défense, la France enverra un signal fort à l'ensemble de ses partenaires internationaux. Alors que le texte initial renvoyait les efforts financiers les plus importants à la période d'après l'élection présidentielle de 2027, la CMP a fait le choix de renforcer le déploiement des crédits dès 2024 en portant la première marche à 3,3 milliards d'euros. Notre groupe soutient fermement cette évolution.
Dans le même esprit, nous avions également plaidé pour la fixation dans la loi des décaissements annuels des ressources extrabudgétaires ; nous saluons donc le choix de la CMP d'inscrire explicitement cette prévision dans un tableau dédié.
Le renforcement des liens entre le Parlement et les armées constitue un enjeu non moins important. Cette loi de programmation militaire donne au Parlement l'occasion de se saisir pleinement des questions relatives à la défense nationale et renforce indéniablement le rôle des parlementaires en la matière. Je salue la conquête de la CMP que constitue la véritable actualisation à mi-parcours de cette programmation, prévue à l'article 7 grâce à une loi dédiée, avant la fin de l'année 2027. Étant donné les enjeux, il était essentiel de graver enfin dans le marbre cette clause de revoyure.
Notre groupe salue aussi le renforcement des pouvoirs d'évaluation du Parlement. Il se manifeste en particulier par les prérogatives reconnues aux membres de la commission de la défense nationale pour contrôler l'exécution de la LPM.
Enfin, la CMP est allée jusqu'à acter la création d'une commission parlementaire relative aux exportations d'armes ; il s'agit d'une avancée historique pour le Parlement.
Malgré tous ces progrès, notre groupe regrette l'abandon du livret d'épargne souveraineté destiné à financer les entreprises de la BITD, qu'avait voté le Sénat. Nous connaissons tous les difficultés qu'éprouvent les entreprises de ce secteur pour accéder au financement bancaire. Les parlementaires alertent Bercy à ce sujet depuis plusieurs années. Il est donc regrettable que ce choix audacieux du Sénat n'ait pas survécu à l'opposition du ministère de l'économie. Certes, la CMP a retenu le fléchage d'une partie de l'épargne du livret A, ce qui va dans le bon sens, mais je rappelle que les fonds du livret A servent avant tout au financement du logement social.
Il ne faudrait pas diminuer ce financement, en particulier dans le contexte actuel.
Je conclurai en insistant sur les conditions de vie de nos soldats, parfois laissées de côté. Il est vrai qu'il est facile de les oublier lorsqu'on débat de milliards, de livraisons de chars et de munitions. Pourtant, l'une des priorités de cette loi de programmation consiste à améliorer la qualité de vie des militaires et de leurs familles. Notre groupe a beaucoup œuvré pour faire inscrire dans le texte les ambitions du plan « famille », très attendu sur le terrain. Je me félicite que le projet de loi et son rapport annexé concrétisent le choix de renforcer l'implication des collectivités et des élus locaux dans la mise en œuvre de ce plan.
Vous l'aurez compris, chers collègues, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera la loi de programmation militaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Aux soldats tombés ou blessés pour notre drapeau, à leurs frères d'armes qui s'engagent pour la France, aux personnels civils de la défense, aux forces morales – familles et réservistes – qui les soutiennent, je tiens à exprimer notre reconnaissance. L'histoire nous rappelle que c'est sur leur courage que s'appuie notre démocratie, et que leurs combats passés et présents nous permettent de nous tenir ici, libres.
Chers collègues, comme nous le martelons depuis plusieurs semaines, cette loi de programmation militaire est une loi de remontée en puissance, de souveraineté et d'autonomie stratégique. Elle fait suite à un constat que je crois unanime : notre environnement sécuritaire se dégrade du fait de la guerre en Ukraine, de l'élargissement des champs de confrontation ou encore des ruptures technologiques.
Il s'agit d'abord d'une loi de remontée en puissance, grâce à la vision et à l'ambition qu'elle promeut pour la France. Notre majorité, qui avait déjà mis fin à l'érosion du budget des forces armées, répond aujourd'hui à leurs besoins à hauteur de 413 milliards d'euros, tout en respectant les contraintes budgétaires nationales. Entre 2017 et 2030, le budget annuel des armées aura ainsi plus que doublé. Cette trajectoire permettra à la France de tenir son rang et ses engagements et d'être à la fois une alliée crédible et exemplaire dans l'espace euro-atlantique, un moteur du renforcement du pilier européen de l'Alliance atlantique et un partenaire lucide et pourvoyeur de sécurité à haute valeur ajoutée.
Il s'agit ensuite d'une loi de souveraineté, car elle consolidera les fondamentaux de la défense nationale, qu'il s'agisse de la crédibilité et de la permanence de notre dissuasion nucléaire – clé de voûte de notre défense –, de la réserve nationale, qu'elle permettra de doubler, ou encore de la défense de nos territoires ultramarins et de notre ZEE, dont je rappelle qu'elle est la deuxième au monde. La mission Pégase 23 en cours, qui repose sur la projection de notre puissance militaire au plus près des territoires français de l'Indo-pacifique, illustre déjà cet effort conséquent.
Il s'agit enfin d'une loi d'autonomie stratégique, car elle renforce les capacités d'appréciation, de décision et d'action souveraines du pays. Ainsi, des moyens inédits seront alloués au cyber, au militaire spatial, aux drones et au renseignement. L'autonomie stratégique va d'ailleurs de pair avec la mise en place d'une économie de guerre nous permettant de sécuriser les approvisionnements critiques, de constituer des stocks stratégiques ou encore de relocaliser sur le territoire national ou européen des filières de production.
Enfin, la LPM consolide le financement de la base industrielle et technologique de défense, particulièrement celui des PME innovantes, qui ont besoin que l'État s'engage fortement à leurs côtés. Sans doute conviendra-t-il, monsieur le ministre, d'aller encore plus loin : à titre d'exemple, la PME innovante nantaise EN Moteurs a besoin d'un soutien significatif dès maintenant, non dans un an.
Chers collègues, les débats parlementaires ont enrichi la copie présentée par le Gouvernement. Je souhaite citer trois avancées soutenues par le groupe Renaissance : notre demande d'études complémentaires portant sur le format à deux porte-avions, qui a été entendue, la défense d'une politique de rémunération des militaires plus attractive et plus progressive – notamment par notre collègue Yannick Chenevard –, et l'attention portée à l'insertion professionnelle des conjoints.
Je tiens également à souligner deux points d'accords importants trouvés en CMP, d'une part, sur l'accélération des marches budgétaires en début de période, au service du renforcement de l'entraînement des forces armées, d'autre part, sur le renforcement du rôle du Parlement grâce à la création d'une commission parlementaire d'évaluation de la politique du Gouvernement en matière d'exportation d'armements.
Au nom de mon groupe, je souhaite remercier particulièrement M. le ministre pour son écoute attentive et sa grande disponibilité,…
…M. Gassilloud, président de la commission de la défense, et M. Jacques, rapporteur, pour leur travail et leur perspective éclairante, ainsi que l'ensemble des parlementaires qui, sur tous les bancs, se sont emparés avec exigence des enjeux relatifs à la défense, portant haut la qualité des débats et faisant honneur à notre assemblée.
C'est vrai !
Il appartient désormais aux deux chambres de se prononcer définitivement au sujet de ce texte. Le groupe Renaissance répondra présent à ce rendez-vous fixé par les Français dans l'intérêt de la sécurité et de la défense nationales. Nous voterons donc pour cette loi de transformation, pour notre sécurité, notre liberté et notre souveraineté, pour le respect des engagements de la France en tant qu'alliée exemplaire et fiable, de haut niveau ; en un mot, nous voterons pour une France puissance, une France influente, solidaire et partenaire de souveraineté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Dans deux jours, la France honorera ses armées à l'occasion de notre fête nationale. À Paris comme dans d'autres territoires – par exemple dans le Var où je suis élu, qui est le premier département militaire de France et accueille le plus grand port militaire d'Europe –, des défilés permettront à nos concitoyens de redécouvrir le monde militaire, parfois méconnu, mais auquel nous devons tant !
En effet, nous pouvons tous être fiers de nos armées, héritières de l'histoire multiséculaire de notre pays, qui continuent à faire face aux défis de notre temps, hélas de plus en plus conflictuel. Les ambitions territoriales de certaines puissances étrangères, le retour de la guerre sur le sol européen ou encore la montée de nouvelles menaces issues de nouveaux domaines comme l'espace ou le cyber constituent autant de défis que la France doit relever pour tenir son rang.
Les députés du groupe Rassemblement national considèrent que nier la singularité de nos armées reviendrait à méconnaître ces dernières. La France dispose d'un modèle encore complet – quoiqu'embryonnaire en ce qui concerne certains segments –, chapeauté par la dissuasion et fort du dévouement de ses 260 000 personnels militaires et civils. C'est par respect pour ces hommes et ces femmes exceptionnels que nous avons veillé, en tant que premier groupe d'opposition, à montrer une attitude responsable tout au long de nos débats.
Soyons clairs. La LPM est-elle parfaite ? Non. Des programmes d'armement sont décalés. Des armes et des segments militaires restent en souffrance. Je pense à l'artillerie qui manque de feu et de radars, à la longue portée qui manque de lance-roquettes unitaires (LRU), alors que la cession annoncée de missiles Scalp – système de croisière conventionnel autonome à longue portée – à l'Ukraine grève notre capacité à frapper dans la profondeur. Je pense aussi à la réduction de la cible en matière de nombre d'avions de chasse Rafale pour 2030 – on est passé de 185 à 137.
La LPM se donne-t-elle les moyens de ses ambitions ? L'effort financier est là, malgré les contraintes imposées par la Première ministre. A-t-on oublié, à Matignon, la nécessité de contrer les effets de l'inflation et de combler les retards de paiement accumulés depuis des années ?
Le groupe Rassemblement national dénonce moins le montant du budget total – 400 milliards d'euros, accompagnés de 13 autres milliards qu'il reste à concrétiser – que sa répartition entre les différentes marches. De ce point de vue, le compromis trouvé en CMP va dans le bon sens, même s'il ne correspond pas tout à fait à nos propositions. Nous observons néanmoins avec quelle énergie le Gouvernement a défendu un effort budgétaire reposant pour l'essentiel sur ses successeurs ; merci pour ce signe de confiance, monsieur le ministre !
Sourires sur les bancs du groupe RN.
La LPM est-elle cohérente ? Malgré les indéniables failles capacitaires que nous avons mentionnées, il ne saurait être question de jeter aux orties la copie rendue par les services du ministère des armées. Je tiens d'ailleurs à remercier tous ceux qui ont travaillé à l'élaboration du texte, et surtout à réaffirmer la reconnaissance de notre groupe envers nos trois armées dévouées, leurs directions et leurs services, envers les personnels civils de la défense et envers les fleurons de l'industrie de défense française.
Pour être clair, cette LPM permettra à la présidente du Rassemblement national de mener la politique de défense correspondant à ses ambitions lorsqu'elle sera élue Présidente de la République.
Nous vous alertons cependant, monsieur le ministre, sur des enjeux qui demeurent essentiels. Nos armées ont besoin dès maintenant de carburant pour faire rouler leurs chars et pour faire voler leurs avions, et de munitions pour que les armes tirent. En somme, elles ont besoin de pouvoir d'achat dès les premières marches.
Nos industriels sont parfaitement capables de répondre à leurs besoins et d'apporter, la plupart du temps, des solutions souveraines, dès lors qu'ils sont soutenus par l'État. Cela implique de renoncer à des programmes voués à l'échec comme le Scaf et le MGCS.
Le recrutement et la fidélisation sont également des enjeux majeurs. Comment continuer à recruter, entraîner et fidéliser des pilotes de chasse pour lesquels il n'est prévu que 147 heures de vol cette année, au lieu des 180 heures minimum requises par les normes de l'Otan ? Fidèles à notre programme présidentiel, c'est en ce sens que nous avons souhaité amender le projet de loi de programmation tout au long de son examen.
Nous nous félicitons du fait que certaines de nos propositions aient été reprises, notamment sur le cadencement des marches, mais aussi sur le livret de souveraineté, directement inspiré par le fonds souverain français au cœur de notre programme.
À l'heure du vote, il faut donc prendre ses responsabilités. Celles-ci ont manifestement manqué aux gouvernements de droite comme de gauche qui ont successivement affaibli nos armées en les privant de leurs moyens, alloués à d'autres politiques dont on mesure aujourd'hui a contrario les effets déplorables,…
…je pense par exemple à la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Il faut réparer nos armées ; c'est une ardente obligation. Elles sont sollicitées au-delà de leurs moyens et de leurs contrats opérationnels. Les objectifs opérationnels que vous présentez, monsieur le ministre, sont supérieurs à ceux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2013, alors que le format de nos armées n'a pas évolué de manière à les atteindre. Ainsi le groupe aéronaval peut-il être mobilisé 40 % à 50 % du temps, d'où l'urgence de se doter d'un nouveau porte-avions, malgré le déni d'une extrême gauche irresponsable.
Les retours d'expérience sur l'exercice Orion montrent qu'il est décidément urgent d'agir pour améliorer les flux, les capacités satellitaires et même les équipements de base.
Nous devons donc à nos armées un soutien plein et entier, et c'est bien sur ce point que nous sommes fiers de nous distinguer d'une partie de cet hémicycle pour qui les intérêts de la France et des Français ne sont pas une priorité.
Faisons honneur à nos militaires ! ?uvrons pour leur garantir les moyens de leurs ambitions en votant cette LPM. Veillons au succès des armes de la France ! La nation avant tout !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
« [S]i nous projetons notre regard hors de nos frontières, comment ne pas mesurer le poids des rivalités d'intérêts et les risques que font peser sur la paix de multiples affrontements. La France aura à dire avec force qu'il ne saurait y avoir de véritable communauté internationale tant que les deux tiers de la planète […] continueront d'échanger leurs hommes et leurs biens contre la faim et le mépris.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Une France juste et solidaire qui entend vivre en paix avec tous peut éclairer la marche de l'humanité. »
Ainsi s'exprimait le président Mitterrand le jour de son investiture, le 21 mai 1981.
Depuis, tout s'est aggravé et vous n'en avez toujours pas pris la mesure. La terrible invasion de l'Ukraine par la Russie, le bouleversement climatique, les crises financières provoquées par le capitalisme devraient pourtant être le moment de cette prise de conscience.
Il est nécessaire que la France soit indépendante pour défendre la paix, faire face aux catastrophes climatiques et garantir notre souveraineté. Il fallait permettre à la nation tout entière de s'unir derrière cet objectif. Vous ne lui en avez pas donné les moyens. Il n'y a eu aucun débat digne de ce nom, seulement une misérable revue nationale stratégique (RNS) bâclée. Notre pays est relégué au rang d'allié exemplaire de l'Alliance atlantique. Caricature des caricatures, vous nous avez refusé un Livre blanc que le projet de loi de programmation prévoit désormais.
Cette LPM devait être une loi d'urgence pour se préparer à un engagement majeur. Néanmoins, il a fallu attendre l'intervention du Parlement pour que les marches que vous nous proposiez ne soient pas, inflation déduite, inférieures à celles que nous avions programmées en 2018. Désormais, ce sont les mêmes.
Finalement, vous suivez le mouvement général et militarisez les nouvelles frontières de l'humanité. Il était temps d'agir dans ces domaines, nous vous le disions depuis des années. Toutefois, vous refusez, en parallèle, d'agir pour un traité de démilitarisation de l'espace ou pour un droit international du cyber. Vous refusez donc d'œuvrer pour la paix. C'est une occasion manquée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette loi de programmation militaire aurait dû permettre d'anticiper les crises induites par le bouleversement climatique et de préparer l'après-pétrole. Il n'en a rien été. Vous avez balayé d'un revers de main tous nos amendements, qui relevaient pourtant du bon sens. Vous avez même refusé que la France propose la création d'une force internationale de réponse aux catastrophes climatiques. C'est une occasion manquée.
Cette LPM pouvait garantir l'indépendance de notre nation. Vous n'avez cessé d'invoquer la souveraineté pour mieux la brader. La loi n'est même pas promulguée, et nous venons d'apprendre que l'opérateur Défense conseil international (DCI) passera sous pavillon canadien.
La souveraineté consiste-t-elle pour vous à encourager la vente de nos entreprises à des fonds étrangers ?
Vous pouviez pourtant proposer une loi de planification et de protection de la souveraineté. Une fois de plus, c'est une occasion manquée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Si nous avons pu obtenir quelques victoires, comme la sécurisation des budgets de développement du successeur du Tigre et d'un avion spatial, l'augmentation de 400 millions d'euros des besoins programmés pour le renseignement, la préservation de la militarité des services de renseignement, un rapport sur le bilan de la réintégration du commandement intégré de l'Otan, la création d'une filière souveraine de drones et de robots sous-marins ou encore le privilège d'une solution souveraine pour le drone aérien de la marine, nous ne pourrons cependant voter ce texte qui manque cruellement d'ambition, qui ne répond pas aux enjeux immenses qui nous attendent et qui constitue finalement une occasion manquée.
Nous vous donnons donc rendez-vous lors des différents débats budgétaires pour donner réellement aux armes de la France, aux femmes et aux hommes qui les servent, les moyens de défendre la paix et la patrie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Avec cette CMP conclusive, mission accomplie : pour les armes de la France, pour donner à ceux qui les servent les moyens qu'ils méritent, pour la sécurité des Français, mission accomplie.
Depuis le début de cette législature, rarement l'occasion nous a été donnée d'être fiers de ce qui se passait dans cet hémicycle.
Les apôtres de la subversion nous ont généralement privés de débat démocratique serein.
Sur ce projet de loi de programmation, je tiens à saluer la retenue de chacun, le travail du rapporteur, la volonté d'aboutir de la CMP et l'écoute du ministre qui a su retenir le meilleur de ce que chacun apportait. Chacun a fait un pas vers l'autre ; c'est comme cela qu'on avance.
S'il en a été ainsi, c'est sans doute parce que la matière est de celles qui engagent et qui obligent. Elle touche à la vie et à la mort de celles et ceux qui portent l'uniforme. Elle touche à la vie et la mort de la nation.
Trois avancées majeures justifient la fierté du groupe Les Républicains : sur le cadencement des marches, sur la cohérence et sur le soutien à notre industrie de défense.
Premièrement, l'Assemblée avait voté la sécurisation des REX à hauteur de 13 milliards d'euros et la garantie que les budgets établis soient des planchers. C'était une avancée. Nous avions souligné qu'il y avait dans cette LPM une certaine dissonance : les marches principales étaient reportées après les échéances électorales de 2027. Grâce au travail des sénateurs de notre groupe,…
…nous avons trouvé un point d'accord, en consacrant 2,3 milliards supplémentaires à nos armées avant 2027. Dans les tumultes du monde, la France hausse la garde et est au rendez-vous de l'histoire. Merci, monsieur le ministre !
Deuxièmement, nous sommes fiers, car ces avancées renforcent la cohérence de notre modèle d'armée. Une LPM, c'est un subtil assemblage, pas des cases à cocher pour mettre des véhicules dans des hangars. Ces 2,3 milliards iront prioritairement au programme 178, à l'entraînement de nos forces et au maintien en condition opérationnelle (MCO).
La robustesse d'une armée et son agilité se mesurent en déploiement sur le terrain, en France ou chez nos alliés, en heures de vol ou en jours de mer. J'ai en tête un peloton de Conti Cavalerie, déployé en Estonie dans le cadre de l'opération Lynx, qui ne pouvait être commandé à la vue par le chef de détachement car il voulait laisser les heures de potentiel moteur à ses équipages. Demain, cela se produira moins. C'est un gage d'efficacité et une manière de contribuer à l'attractivité du métier des armes car c'est de cela que rêvent ceux qui ont choisi de l'embrasser.
Troisièmement, quelle légitime fierté tirons-nous du renforcement du financement de la BITD, de ses 4 000 entreprises et de ses 200 000 salariés qui, dans la touffeur des usines ou les salles blanches de laboratoires, bâtissent notre outil de défense ! Nous avions voté la création d'un médiateur du crédit défense. Les sénateurs ont introduit le fléchage d'une partie de l'épargne réglementée vers l'industrie de défense avec la volonté d'aller plus loin, par l'institution d'un livret résilience et souveraineté en 2026, si les résultats ne sont pas à la hauteur des promesses.
C'est un message majeur qui fait suite à plusieurs missions parlementaires, telles que celle que j'avais conduite avec Mme Françoise Ballet-Blu, le rapport d'information de M. Christophe Plassard sur l'économie de guerre, ou les travaux du sénateur M. Pascal Allizard. Malgré le déni des acteurs financiers qui invoquent les encours globaux et non le financement par strate, il y a bien des difficultés pour les PME, qu'elles concernent le financement bancaire classique, le financement export ou le haut de bilan. La direction générale de l'armement (DGA) l'a souligné et le ministre l'a rappelé.
Notre assemblée a mis un terme à ce rideau de fumée qui use de la globalité des chiffres pour masquer la vérité des faits. Les textes sont votés. Nous serons là pour rappeler que les dirigeants des grandes banques qui, dans d'autres secteurs, rendent à la France des services signalés n'ont pas à se laisser dicter leur politique d'investissement par des services de compliance, souvent sous l'influence de certaines ONG, qui par idéalisme ou complaisance coupable, se font les alliés objectifs de nos compétiteurs stratégiques. L'argent n'a pas d'odeur mais les banques ont un drapeau. Nous serons là pour le rappeler.
Cette loi n'est pas parfaite. Néanmoins elle répond à la menace et elle respecte nos soldats. Nous serons les aiguillons vigilants de son exécution. En attendant, nous voterons ce texte de concorde nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RE, Dem et HOR.
Sur l'ensemble du projet de loi tel qu'issu de la commission mixte paritaire, je suis saisie par les groupes Renaissance et Démocrate (MODEM et indépendants) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Josy Poueyto.
L'objectif était fixé et grâce aux efforts de tous, nous y voilà : à deux jours du 14 juillet, nous nous apprêtons à adopter un budget historique pour nos armées de 413 milliards d'euros, le plus important depuis la fin de la guerre froide.
Je souhaite remercier le ministre pour son engagement et sa disponibilité, les rapporteurs, le président de la commission de la défense, ainsi que l'ensemble de nos collègues, qu'ils soient ou non membres de cette commission, qui se sont impliqués sur ce texte pour l'enrichir et faire vivre le débat. Le Parlement aura su rappeler qu'en matière de défense, les discussions politiques doivent aussi se tenir pour confirmer les choix stratégiques et les orientations de la nation. Le travail accompli dans cette assemblée comme au Sénat permet de mieux prendre en considération la diversité de nos armées et leurs besoins, sans oublier le cyber, les réservistes ou les questions mémorielles qui, vous le savez, sont des sujets auxquels le groupe Démocrate est attaché.
Bien que de nombreux points se soient révélés consensuels, la question du budget, notamment des marches, constituait, dès l'examen dans cet hémicycle, un point de tension pour lequel il me semble que nous avons trouvé un compromis raisonnable. Je tiens à rappeler, chers collègues, qu'en augmentant le budget des armées de plus de 40 %, c'est un effort important que nous demandons à nos concitoyens dans des temps où les troubles géopolitiques leur apparaissent au moins aussi importants que les difficultés économiques.
Si les 2,3 milliards supplémentaires seront les bienvenus pour assurer l'entraînement et le maintien en condition opérationnelle, cet effort doit surtout s'inscrire dans le cadre du recensement des besoins effectué par les états-majors, pour que le matériel fourni corresponde à nos capacités humaines.
Nous avons entendu, ici et là, que la France devrait se doter de forces bien plus importantes pour protéger son territoire et ses ressortissants, à l'image de certains pays qui voient revenir la guerre à leur porte.
Je crois cependant qu'après le débat public qui s'est tenu sur cette question dans notre pays, nous pouvons partager le constat que nos armées profiteront de cette loi de programmation militaire pour enclencher des transformations plus que nécessaires pour que la France demeure une puissance du XXI
Oui, cette LPM est nécessaire pour moderniser nos armées et leur permettre de s'adapter aux nouvelles menaces et aux nouveaux espaces de conflictualité. Avec le budget que nous allons adopter, nous investirons dans l'innovation et le renseignement, nous renouvellerons nos capacités spatiales d'écoute et d'observation, nous nous doterons des drones et robots qui jusqu'alors nous manquaient. Nous allons également poursuivre le développement de notre cyberdéfense, devenue un enjeu de premier plan, et accentuer nos efforts en matière de lutte informatique d'influence (L2I). Tous ces investissements nous permettront enfin de renforcer notre capacité à contrer les stratégies hybrides.
Bien évidemment, nous avons tenu à rappeler que dans le monde de plus en plus complexe qui se prépare, la France n'était pas seule. Les coopérations avec nos partenaires sont essentielles, qu'il s'agisse de l'Otan – nous nous réjouissons de l'entrée prochaine de la Suède dans l'alliance – ou de l'Union européenne, appelée à devenir un acteur clé de notre stratégie, notamment en matière industrielle. Le groupe Démocrate forme le vœu que les élections à venir renforcent notre rôle dans ce domaine.
Par cette loi de programmation militaire, nous améliorons également la sécurité de nos systèmes d'information, et je tiens ici à saluer ma collègue Sabine Thillaye pour son travail de rapporteure sur ce sujet.
M. Frédéric Zgainski applaudit.
Le texte nous permet en effet de renforcer les prérogatives de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et d'assurer une meilleure coopération entre les acteurs de l'écosystème tout en nous adaptant aux évolutions techniques et technologiques de la menace.
Enfin, je me réjouis qu'une partie de cette LPM soit consacrée aux familles des militaires, ainsi qu'aux militaires blessés en service. Nous leur sommes très reconnaissants pour leur engagement au service de la nation et nous nous devons de les accompagner en cas de blessure : nous avons donc décidé de renforcer le régime d'indemnisation des militaires blessés en service. Je salue également le plan « blessés » présenté par Mme Patricia Mirallès, qui permettra de simplifier les démarches et de renforcer l'accompagnement des blessés dans la durée. Nous n'oublions pas les familles de militaires, qui acceptent elles aussi les conséquences de l'engagement opérationnel : grâce au plan « famille 2 », nous renforcerons l'accompagnement des militaires dans leurs recherches de logement, d'emploi, d'écoles ou de places en crèche.
Pour toutes ces raisons, cette loi de programmation militaire nous semble particulièrement importante pour engager la transformation de nos armées et pour la défense de notre nation. Le groupe Démocrate votera donc en faveur de ce texte historique.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.
Mes chers collègues, nous devons encore entendre trois orateurs avant le vote : je vous invite à être attentifs.
La parole est à Mme Anna Pic.
Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 est finalement un très bon exemple du parlementarisme de fait imposé au Gouvernement par les rapports des forces politiques à l'œuvre au Parlement.
Lorsque le pouvoir exécutif choisit de ne pas utiliser toutes les ficelles réglementaires ou constitutionnelles à sa disposition pour contraindre le Parlement – et nous vous en remercions, monsieur le ministre –, le voilà obligé de reconnaître sa majorité toute relative et de trouver un compromis avec les autres forces politiques en présence. Le groupe Socialistes et apparentés s'en réjouit, non parce qu'il s'agirait de la marque d'une quelconque faiblesse gouvernementale, mais parce qu'enfin les parlementaires de l'opposition sont pris en considération pour l'élaboration de la loi – ce qui ne va pas de soi sous la V
À l'occasion de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale, nous vous avions fait part de nos inquiétudes sur la crédibilité de votre texte, et nous avions souligné ses insuffisances : l'absence, pour la deuxième fois consécutive, d'un Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, document pourtant indispensable à la participation effective de parlementaires et de personnalités qualifiées à la définition de notre politique de défense ; une trajectoire budgétaire reportant les principales hausses de crédits après 2027, laissant ainsi la place aux aléas politiques et économiques, comme en témoigne le contexte inflationniste actuel ; l'impossibilité d'une révision de la LPM, révision pourtant nécessaire au regard du contexte international mouvant dans lequel nous nous trouvons ; le manque de transparence, notamment des mesures de contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement.
Lors de l'examen du texte au Sénat, puis en commission mixte paritaire, le parlementarisme de fait que je viens d'évoquer vous a obligés à revoir votre copie. Nombre de propositions pourtant refusées ici en première lecture ont fini par être adoptées contre votre gré par la Chambre haute – notamment grâce au travail résolu des sénateurs socialistes –, puis acceptées dans le cadre des négociations en CMP.
Ainsi, la trajectoire financière a été modifiée, et prévoit désormais des augmentations de crédits plus linéaires et plus importantes dès le début de la programmation ; l'actualisation de cette LPM, qui interviendra au plus tard en 2027, devra obligatoirement passer par l'adoption d'un nouveau projet de loi ; la future LPM pour les années postérieures à 2030 devra être précédée d'un Livre blanc, dont la commission d'élaboration devra être réunie avant le 30 juin 2028 ; enfin, une commission parlementaire d'évaluation de la politique du Gouvernement d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés verra le jour – nous serons d'ailleurs particulièrement vigilants aux modalités de sa mise en œuvre.
Ces quelques victoires, qui ne relèvent jamais que du bon sens, ne nous empêchent pas de maintenir certaines réserves sur ce texte : le modèle d'armée complet n'est toujours pas questionné, malgré l'argument – largement employé – du retour d'un conflit à haute intensité sur le sol européen ; notre BITD ne bénéficiera pas de la confiance dont elle a besoin pour fonctionner sereinement, et qui aurait dû s'illustrer par un engagement public ferme et de long terme ; nos craintes au sujet de notre capacité à atteindre les standards otaniens de préparation opérationnelle ne sont pas totalement levées. La faculté de la France à être une nation cadre au sein de ses alliances et sa capacité à être chef de file de ses partenaires européens restent à démontrer.
Cette LPM n'est donc assurément pas historique, comme cela nous a pourtant été répété à maintes reprises lors des débats : dans les faits, elle correspond davantage à une actualisation de la précédente LPM. Elle ne constitue pas non plus le vecteur de la modernisation tant attendue des armées, laquelle est désormais repoussée à un horizon postérieur à 2030. Elle ne correspond évidemment pas plus à ce que nous aurions défendu si nous avions été au pouvoir à votre place.
Malgré cela, force est de constater que nos principales revendications ont été entendues – même si vous ne l'avez sans doute pas fait par conviction. Nous nous en félicitons, et c'est la raison pour laquelle nous voterons en faveur de cette nouvelle mouture de notre programmation militaire.
Mme Valérie Rabault et Mme Cyrielle Chatelain applaudissent.
Bravo !
Chers collègues, trop occupés à discuter entre vous, vous n'entendez pas le bruit de fond que vous créez, qui est très désagréable et dénote en outre d'un manque de respect pour l'orateur à la tribune. Je vous ai invités tout à l'heure à être attentifs, c'était une manière polie de vous demander de vous taire
Sourires
À l'avant-veille de notre fête nationale et de ses traditionnels défilés, et alors que nous arrivons au terme de l'examen de ce projet de loi de programmation militaire, je voudrais partager avec vous ma fierté. Oui, nous pouvons être collectivement fiers, chers collègues : fiers d'abord de nos soldats, de leur engagement pour la défense de notre nation, de leur combat, chaque jour, pour préserver notre liberté. Fiers, aussi, du travail parlementaire accompli par les deux chambres pour enrichir ce texte d'une importance capitale pour nos armées : il a été exigeant et de bonne tenue.
À l'Assemblée nationale, il nous a permis d'ajouter au texte de nombreuses dispositions précisant, dans le rapport annexé, les ambitions du texte pour les familles de militaires, l'environnement et le financement de notre industrie de défense. Nous avons également posé la première pierre d'un contrôle parlementaire soutenu sur l'ensemble de la programmation. Le groupe Horizons et apparentés a pris toute sa part dans ce travail transpartisan et se félicite que l'étude sur les conditions de réalisation d'un second porte-avions de nouvelle régénération, la suppression de la durée minimale en opération pour qu'une blessure ou une maladie soit imputable au service, et les mesures de protection et de sécurité des données collectées par l'Anssi, figurent dans le texte définitif.
Ce travail a été approfondi au Sénat, qui a renforcé le contrôle parlementaire, prévu de nouveaux outils de financement de la BITD, et rééquilibré la répartition annuelle de l'effort budgétaire au cours des premières années.
Les grands équilibres de ce budget ont été préservés par la commission mixte paritaire, qui a bien distingué, d'un côté, les besoins de la mission "Défense" , de l'autre, les ressources extrabudgétaires, marges frictionnelles et reports de charges. Le ministre des armées a choisi d'être transparent sur ces différentes composantes : nous saluons ce choix de nature à renforcer la sincérité de la programmation.
La copie qui en découle est sérieuse, cohérente, et complète.
Elle est sérieuse, car elle prend toute la mesure des changements géopolitiques à l'œuvre – la guerre en Ukraine, les tensions dans l'espace indo-pacifique, l'évolution de nos partenariats en Afrique – pour proposer de nouvelles capacités d'action et investir toujours plus, et toujours mieux, les nouveaux champs de conflictualité.
Elle est cohérente, car elle confirme la montée en puissance de notre modèle d'armée après la réparation engagée dans le cadre de la précédente LPM : celui d'une armée complète, moderne, capable d'intervenir rapidement – en particulier dans de larges coalitions en tant que nation cadre –, soutenue par une dissuasion nucléaire crédible.
Elle est complète, enfin, car son ambition s'étend au-delà des lignes de comptes et des listes capacitaires, et tend à renouveler un engagement à hauteur d'homme. Ce projet de loi de programmation, c'est la revalorisation des grilles indiciaires, mais aussi un nouveau plan pour les familles de militaires et les blessés de guerre, et des investissements significatifs pour rénover et construire des cadres de vie plus sains pour nos militaires.
Pour terminer, je voudrais rappeler la portée internationale de ce texte. Les conséquences de la LPM ne seront pas seulement mesurées entre les murs du Parlement, ni à l'intérieur des seules frontières de notre pays : ce projet de loi de programmation militaire est la concrétisation opérationnelle de notre vision stratégique pour la France. Nos engagements stratégiques sont nombreux, que ce soit au sein de l'Union européenne ou de l'Otan, en Afrique, dans l'espace indo-pacifique, ou partout où la France a des ressortissants. Nous envoyons donc à nos alliés un message fort : la France se donne les moyens de ses ambitions et restera un partenaire fiable. Auprès de tous ceux qui voudraient menacer notre souveraineté, nous réaffirmons notre rang de puissance militaire majeure, dotée de moyens d'action rapides, modernes et crédibles ; à nos compatriotes, où qu'ils se trouvent sur le globe, nous assurons une protection et une sécurité toujours plus fortes.
C'est donc avec une très grande fierté que le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Samedi 24 juin, Evgueni Prigojine et ses hommes prennent le contrôle de Rostov-sur-le-Don, à 600 kilomètres de Moscou. Pendant près de vingt-quatre heures, personne ne sait ce qu'ils veulent, ni quand et où ils vont s'arrêter. Et je dois vous avouer que pendant ces vingt-quatre heures, j'ai imaginé un monde où Evgueni Prigojine avait le doigt sur le bouton rouge de la bombe nucléaire.
Le groupe Wagner est une bande de mercenaires qui exécute sommairement, mutile, torture les civils de Boutcha ; une bande sans foi ni loi qui a mis en scène la décapitation de citoyens syriens avant de mettre les vidéos en ligne ; une milice qui a commis de nombreux actes d'intimidation, des violences sexuelles et détruit des habitations en République centrafricaine. Imaginons ces hommes à la tête d'une puissance dotée telle que la Russie. Imaginons ces hommes avec le pouvoir d'une arme d'anéantissement totale : nous voyons ici les limites de la dissuasion nucléaire.
C'est pour cette raison qu'avec nos collègues de la France insoumise et nos collègues communistes, nous avons défendu la création d'un commissariat à la dissuasion de demain.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Notre monde est en proie à l'incertitude et à l'instabilité, et nous devons donc évoluer. Alors que se tient aujourd'hui le sommet de l'Otan à Vilnius, une question se pose : sommes-nous prêts à faire face à ce monde dans lequel les guerres de haute intensité sont de retour et où la guerre de l'information peut déstabiliser un pays ? Il est évident que nos lois de programmation militaire ne peuvent se limiter à garantir le fonctionnement des armées : nous devons repenser notre modèle d'armée pour faire face à ces menaces nouvelles et multiformes. Pour assurer une défense efficace, nous ne pouvons pas nous contenter d'additionner les euros : nous devons définir une vision stratégique et claire de notre défense, une vision qui anticipe les conflits de demain. Avec cette LPM de continuité, vous ne répondez que partiellement à ces interrogations légitimes.
Comme nous l'avons déjà dit, nous ne saurons répondre seuls aux conflits de demain et devons dès maintenant construire l'Europe de la défense. Nous déplorons toujours le manque d'ambition de la France en ce sens. Si nous sommes heureux d'avoir pu enrichir le rapport annexé sur ce sujet, force est de constater que cette LPM n'apporte aucun renforcement concret en la matière.
Pour faire face à ces enjeux, il convient d'impliquer davantage les parlementaires : s'agissant de la question démocratique, je tiens d'ailleurs à saluer l'adoption d'un amendement majeur, proposé notamment par Julien Bayou et soutenu par le groupe Socialistes, qui permettra la création d'une commission parlementaire d'évaluation sur les exportations d'armements.
Nous devons également souligner l'insuffisance de ce projet de LPM concernant les enjeux climatiques, l'une des plus grandes menaces à laquelle l'humanité est confrontée. Il est clair que pour y faire face, tous les secteurs de notre société doivent évoluer, y compris nos forces armées. C'est une question non seulement de responsabilité environnementale, mais aussi de sécurité nationale. Nos collègues sénateurs du groupe Écologiste-Solidarité et territoires, en particulier Guillaume Gontard et Mélanie Vogel, sont parvenus à faire adopter des amendements visant à ce que tous les Français qui le souhaitent trouvent leur place dans les armées : y figurent l'interdiction de mentionner l'orientation sexuelle dans le dossier individuel, et un objectif de féminisation à hauteur de 20 % d'ici à 2030. Nous sommes convaincus que la diversité des profils, des compétences et des sensibilités constitue un facteur d'enrichissement pour les forces de défense.
Enfin, ce texte essentiellement financier – reconnaissons-le – prévoit l'augmentation de 40 % du budget des armées. Sa nécessité est indéniable, mais tant d'autres services publics en auraient également besoin ! Je ne comprends pas que le ministre des finances fasse le tour des journaux pour annoncer une nouvelle cure d'austérité, alors que les Français continuent de subir l'inflation de plein fouet. Non seulement cette situation est profondément injuste ,
M. Matthias Tavel applaudit
mais, alors qu'en période de conflit ou seulement d'incertitude, il est indispensable pour les dirigeants d'être soutenus par leur peuple – vous le savez, monsieur le ministre –, et compte tenu de votre attitude durant la réforme des retraites et face aux manifestations actuelles, l'annonce d'une cure d'austérité est une provocation qui détériore encore davantage la confiance entre nos concitoyens et leurs représentants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous le dis : par votre aveuglement, c'est votre pays que vous fragilisez.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Anna Pic applaudit également.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons lors du vote de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 286
Nombre de suffrages exprimés 281
Majorité absolue 141
Pour l'adoption 244
Contre 37
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux (n° 1511).
La parole est à M. Bastien Marchive, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Depuis plusieurs semaines, nous sommes tous mobilisés pour lutter contre l'artificialisation des sols : je voudrais débuter mon propos en saluant l'esprit transpartisan qui nous aura conduits à adopter, en première lecture, un texte ambitieux à une très large majorité – ce n'est pas anodin, car cela nous aura permis d'arriver en commission mixte paritaire (CMP) avec des convictions claires et affirmées. Ceux d'entre nous qui y ont participé pourront témoigner de discussions animées, passionnées même,…
…mais nous avons abouti à un accord qu'il vous est proposé d'entériner en adoptant définitivement cette proposition de loi.
En dépit de son aspect technique, elle traite de sujets qui nous concernent tous quotidiennement : lutte contre le réchauffement climatique et l'érosion de la biodiversité, protection des ressources en eau, accès à une alimentation de qualité ainsi qu'au logement, développement d'infrastructures et de services publics, souveraineté alimentaire, industrielle et énergétique. Tout en traitant ces enjeux, il nous fallait maintenir le cap fixé par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience. Or rappelez-vous d'où nous partions : la proposition de loi adoptée par le Sénat prévoyait des dérogations à n'en plus finir, concernant des catégories entières de projets qui auraient été purement et simplement soustraits du décompte de l'artificialisation. Face à ce renoncement et à l'étalement urbain qu'il aurait entraîné, nous avons tenu bon : aucune de ces dérogations n'aura finalement été accordée.
Les grands projets nationaux se trouvaient au centre de l'attention. Inclus dans l'enveloppe nationale des droits à construire, l'enjeu consistait, plutôt que de les considérer arbitrairement comme non artificialisants, à sécuriser leur réalisation ; c'est chose faite, grâce au forfait que nous avions adopté en première lecture et qui a été préservé : il passe de 15 000 à 12 500 hectares, dont 2 500 réservés à l'outre-mer, à l'Île-de-France et à la Corse – territoires qui, de par leurs spécificités, ne sont pas tenus aux objectifs quantitatifs fixés par la loi « climat et résilience ». La clause de revoyure, dont l'application est prévue en 2026, permettra d'en dresser un état des lieux, sans qu'ils puissent affecter davantage les droits à construire locaux. Certains voulaient soumettre ces projets d'envergure nationale à un avis conforme du président du conseil régional : à ce pouvoir de blocage, nous avons préféré le dialogue en prévoyant une commission régionale de conciliation.
Autre sujet fondamental, la garantie rurale : initialement octroyée sans contrepartie, elle requerra désormais un document d'urbanisme prescrit, arrêté ou approuvé avant le mois d'août 2026 – une nécessité en vue de l'aménagement planifié, durable et respectueux de nos espaces naturels, agricoles ou forestiers. Ce prérequis étant posé, et pour n'écarter aucune commune rurale, la garantie rurale a été étendue à toutes les communes, quelle que soit leur densité, qui auraient consommé moins de 2 hectares au cours des dix dernières années. À droits à construire constants, bien entendu, ce sont tout au plus 317 hectares que les territoires devront allouer à ces communes, parmi les plus sobres sur le plan foncier. Parce que nous devons donner aux collectivités les moyens de nos ambitions, le sursis à statuer que nous avions adopté est lui aussi conservé ; le droit de préemption urbain est en outre étendu à la renaturation, contrairement à la version initiale du texte, sans interférer avec celui des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). Parce que la marche est haute et que ce texte aura un impact sur les travaux de planification engagés localement, les dates butoirs de révision des documents d'urbanisme ont été reportées à novembre 2024 pour les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), à février 2027 pour les schémas de cohérence territoriale (Scot), et à février 2028 pour les plans locaux d'urbanisme (PLU) et d'urbanisme intercommunal (PLUI).
On peut certes être nostalgique du texte adopté par l'Assemblée en première lecture, ou regretter de n'avoir pu aller plus loin : reste que la proposition de loi sénatoriale prévoyait des dérogations jusqu'à 75 000 hectares, tandis que le texte final sanctuarise l'objectif de réduction de moitié, d'ici à 2031, de la consommation d'espaces. Ce texte n'est pas celui d'un groupe, ni du Sénat ou de l'Assemblée, mais celui du Parlement dans sa diversité. Il se montre à la hauteur de l'enjeu climatique et ne renie nullement le courage qu'il a fallu au législateur pour voter la loi « climat et résilience », qui a engagé une révolution en matière d'aménagement du territoire. En sécurisant les projets structurants de demain, il permet d'avoir de grandes ambitions pour notre souveraineté alimentaire, industrielle ou énergétique. Enfin, il répond aux attentes des territoires, en particulier des plus ruraux, en leur donnant les moyens d'atteindre d'ici à 2050 l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) – objectif commun vers lequel nos regards doivent rester tournés. C'est pourquoi chers collègues, je vous invite à voter en sa faveur.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
À l'Assemblée nationale, l'examen du texte a duré onze heures en commission et quinze en séance publique ; 463 amendements ont été examinés en commission, 621 en séance. De son côté, le Sénat, entre la commission spéciale et l'examen en séance, aura passé vingt heures sur le texte, avec plus de 300 amendements examinés. Et pour finir, la CMP a duré six heures, à l'issue desquelles sénateurs et députés se sont mis d'accord sur le texte qui vous est soumis aujourd'hui.
Derrière ces chiffres, il y a une ambition et une réalité. La réalité, c'est que nous avons davantage artificialisé en l'espace de cinquante ans qu'au cours du demi-millénaire précédent, et que l'étalement urbain et l'artificialisation des terres continuent de boucher les espaces qui assurent le cycle de l'eau. L'artificialisation empêche le rechargement des nappes, provoque le ruissellement, conduit les sols à ne plus stocker de carbone ; tous les spécialistes, sans exception, s'accordent à dire qu'elle est la première cause de l'érosion de la biodiversité.
En cet instant, je salue l'adoption par le Parlement européen du règlement sur la restauration de la nature, dans la continuité des engagements pris dans d'autres enceintes – notamment du traité sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, dit BBNJ, pour Biodiversity Beyond National Jurisdiction – et de l'accord de Kunming-Montréal.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ce qui vous est proposé aujourd'hui, c'est d'entériner les conclusions de la CMP. Si tel est le cas, vous rappellerez à travers ce vote la ligne qui est la nôtre depuis le début et qui est largement partagée sur ces bancs ; elle consiste à ne pas remettre en cause la nécessité de lutter contre l'étalement urbain. Personne, sur le principe, ne conteste la nécessité d'inverser la tendance.
Dans le même temps, vous apporterez des éléments de souplesse dans la mise en œuvre de cet objectif. Ils sont de trois ordres.
D'abord, vous apporterez des réponses aux plus petites communes, qui, pour un certain nombre d'entre elles, s'inquiètent de subir la tutelle de la région dans le cadre des Sraddet, avec le double risque que le fait métropolitain entraîne une répartition inéquitable des espaces – en particulier si l'on ne tient pas compte des efforts consentis par le passé –, et que l'on ne donne aucune espérance à ceux qui portent des projets dans la ruralité, alors même que, depuis le covid, on sent la volonté d'aménager les territoires de manière différente.
Ensuite, vous prendrez en considération les grands projets d'envergure nationale. Dans la réforme initiale, nous avons oublié la nécessité de réindustrialiser le pays et de réaliser des infrastructures de décarbonation, ce qui passe en particulier par la relance du ferroviaire et du fluvial – je pense au canal Seine-Nord Europe. Cette nécessité impose de comptabiliser ces espaces non pas au titre des communes qui les accueillent mais à l'échelon national.
Enfin, vous doterez les collectivités territoriales et les maires d'outils antispéculatifs, en les faisant bénéficier à la fois d'un sursis à statuer et d'un droit de préemption qui, conformément à l'objectif de ZAN, leur accorderont, aux côtés des établissements publics fonciers – EPF –, une plus grande maîtrise sur ces questions.
À ces éléments de souplesse, j'en ajoute un, qui est transversal : la prise en considération des spécificités ultramarines et corses. Il a été explicitement inscrit dans le texte, y compris à l'issue de la CMP, que ces territoires avaient besoin d'adaptations particulières.
Souplesse et adaptation, d'un côté ; rappel de l'ambition, de l'autre. Avons-nous remis en cause l'objectif de zéro artificialisation nette en 2050 ? Non. Avons-nous reporté la première échéance, qui implique la division par deux de notre consommation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers ? Non. Avons-nous, par amendement, ouvert des trappes de nature à remettre en cause la trajectoire dans son entièreté ? Non. S'il l'assouplit, le forfait maintient le principe de la comptabilisation des espaces.
Le juge de paix sera la clause de revoyure en 2026. Elle nous permettra de dresser un bilan à la moitié de la trajectoire décennale. Dans le cadre de cette même législature, nous pourrons tirer les leçons du texte et des amendements adoptés, examiner le chemin parcouru et identifier les angles morts.
Je voudrais, pour terminer, remercier ceux qui ont été les acteurs de ce travail. Je commencerai par Lionel Causse, qui nous a permis d'assurer la continuité avec la loi « climat et résilience ».
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR et sur certains bancs des groupes Dem et LIOT.
Je salue également Bastien Marchive, qui a conduit l'ensemble des débats – lesquels ont été marqués de l'empreinte du président Kasbarian.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je remercie aussi les orateurs de tous les bancs, qui nous ont permis d'engager un dialogue constructif. Des dizaines d'amendements ont été adoptés dans les deux chambres, ce qui fait que ce texte n'est ni celui du Sénat, ni celui de l'Assemblée, ni celui de la majorité, ni celui des oppositions, mais un texte de compromis, qui fait honneur au Parlement ; il a recueilli l'avis favorable des principales associations d'élus, qui nous ont remerciés pour le chemin parcouru et pour notre volonté de tenir l'ambition tout en leur donnant les moyens de l'atteindre.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Avant de tenir des propos plus désagréables, je souhaite remercier le rapporteur Bastien Marchive et le rapporteur pour avis Lionel Causse pour leur état d'esprit, pour l'ouverture et la transparence dont ils ont fait preuve tout au long des débats, ainsi que pour les efforts qu'ils ont fournis en CMP pour tenter de sauvegarder les équilibres que nous avions trouvés – ils n'ont pu aboutir, hélas, vu le cadre qui leur a été imposé.
Monsieur le ministre, quand nous nous sommes vus au ministère, vous aviez posé un cadre clair concernant les conditions d'un accord avec le Sénat et les lignes rouges fixées par le Gouvernement. Vous nous aviez dit que le Sénat avait adopté un texte à une très large majorité et que vous deviez en tenir compte.
Pourtant, quelques jours plus tard, l'Assemblée adoptait un texte de compromis, insatisfaisant mais équilibré, par une majorité bien plus impressionnante vu les équilibres politiques : 437 voix pour, 4 contre. Vous n'avez que peu tenu compte de ce travail.
Vous avez commis plusieurs erreurs d'appréciation. La première aura été d'inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée le texte du Sénat, plutôt que la proposition de loi plus raisonnable et équilibrée déposée par votre majorité. Des conditions avaient été imposées en contrepartie aux sénateurs ; ils semblent les avoir oubliées en CMP et vous n'avez pas voulu en tirer les leçons pour la suite de la navette. En cherchant à tout prix que la CMP soit conclusive, vous avez affaibli la trajectoire du ZAN pour satisfaire un calendrier dans lequel vous vous êtes vous-même enfermé.
S'agissant de l'allongement des délais, nous avions anticipé que cette concession serait faite au Sénat. Cependant, reporter à 2028 l'actualisation des PLU et des PLUI, destinés à encadrer la période 2021-2031, nous privera d'outils susceptibles de réduire de moitié le rythme de l'artificialisation.
La conférence régionale de gouvernance n'est plus qu'une assemblée d'élus locaux. Elle est privée des apports des EPF, des Safer, des agences, des ONG et des chambres consulaires, dont les expertises sont pourtant nécessaires, notamment pour dresser le bilan de la période.
Nous regrettons en outre vivement la suppression dans ce bilan des dispositions qualitatives introduites par le groupe Socialistes et apparentés sur les typologies de projet et sur la nature des sols. Elle lui enlève une dimension fondamentale et affaiblira le socle de la clause de revoyure chère à notre rapporteur.
La garantie rurale n'est plus. Avec la suppression du critère de sous-densité, place à la garantie universelle ! Selon les simulations, même des communes de la métropole du Grand Paris faisant partie des cinquante les plus denses de France y seraient éligibles – du moins, en théorie. Un tel mécanisme au mode de calcul simpliste a-t-il un sens ?
Moins problématique, la réintroduction du droit de préemption pour renaturation et recyclage foncier, dont nous sommes convenus qu'il s'articulait mal avec les droits existants, sera très peu opérante. Là où il est utile – en ville –, quelles collectivités préempteront pour dépolluer et renaturer vu l'équation financière qu'elles doivent résoudre ?
J'en viens au point noir de ce mauvais accord : les modifications apportées à l'article 4. Vous avez, monsieur le ministre, franchi votre propre ligne rouge en créant les conditions d'un dépassement de la trajectoire ZAN.
La CMP a supprimé le coefficient de pondération permettant de tenir compte de l'inégale répartition des projets nationaux sur le territoire.
Le forfait national est désormais réparti au prorata des droits à artificialiser de chaque région résultant de la précédente période décennale, indépendamment de la localisation des projets. Cela posera des difficultés, notamment à la région Hauts-de-France. Certaines régions risqueront de dépasser leur quota.
Le forfait national est en outre réduit de 15 000 à 12 500 hectares, dont 2 500 pour les territoires non soumis à la trajectoire des 50 %, ce qui favorisera là encore le dépassement de l'objectif de 122 000 hectares, d'autant qu'aucun dépassement ne sera imputable sur les enveloppes régionales.
Ce mauvais accord a amené mon groupe à envisager de voter contre le texte. Cependant, le besoin de clarification et de précision exprimé par les élus locaux et ruraux, ainsi que le contexte qui a pesé sur la CMP,…
Sourires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
La présente proposition de loi a trouvé son titre dans les dernières minutes de la commission mixte paritaire : « proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux ».
Ce titre, qui est un combiné des précédents, résume fort bien la volonté commune des sénateurs et des députés.
Faciliter la mise en œuvre, c'est bien ce que nous souhaitons tous. Nous avons tous conscience de l'impérieuse nécessité de réduire notre consommation de terres agricoles et naturelles. L'impact de l'artificialisation sur le réchauffement climatique n'est plus à démontrer. La lutte contre l'artificialisation des sols est identifiée, au niveau tant national qu'européen, comme un enjeu prioritaire pour la préservation de l'environnement et de la biodiversité.
Le texte issu des travaux des deux chambres, après plusieurs jours de débats en commission, dans l'hémicycle et en commission mixte paritaire, répond aux inquiétudes et aux incompréhensions des élus locaux. Il favorise le dialogue à tous les niveaux – car c'est bien par le dialogue qu'on peut obtenir une meilleure adhésion.
Dialogue au sein des conseils municipaux, d'abord : la garantie rurale d'un hectare accordée aux communes leur donnera la possibilité de prendre en main leur développement et d'en débattre ouvertement avec tous les élus communaux.
Dialogue au sein des communautés de communes, ensuite : la proposition de loi donne la possibilité aux communes de mutualiser leurs surfaces urbanisables, afin de permettre la réalisation de projets de plus grande ampleur. Cela favorisera le débat intercommunal.
Dialogue, également, entre le conseil régional et les élus de son territoire. Certaines régions se sont donné des objectifs plus ambitieux que la loi. Au sein de la conférence régionale du ZAN, ces régions devront être pédagogues et expliquer leur décision aux communes.
J'espère que les régions sauront écouter les élus locaux au sein de cette instance où les maires seront désormais mieux représentés : un lien direct est établi entre ceux qui fixent les objectifs et les responsables de l'urbanisme local.
Dialogue entre l'État et les conseils régionaux concernant les projets dits d'envergure nationale, enfin.
J'adresse un clin d'œil aux présidents de conseil régional, qui ont préconisé, parfois très bruyamment, de sortir de l'enveloppe régionale des projets qu'ils demandent à l'État de retenir depuis plusieurs décennies. Dès lors, s'agit-il de projets nationaux ou régionaux ? Le principal, je crois, est que les projets économiques d'envergure nationale seront pris en compte sans réduire nos ambitions environnementales. Des commissions spécifiques par région seront créées pour les projets nationaux. Une disposition ajoutée par le Sénat prévoit l'installation d'une commission régionale de conciliation sur l'artificialisation des sols, où seront discutés les projets d'intérêt général. Il sera alors décidé si les projets soutenus par les régions sont de niveau national ou régional.
Ce texte prévoit un dialogue renforcé à tous les niveaux. Cependant, la complète réussite de cette grande ambition nous oblige. La renaturation des espaces, la reconquête des friches industrielles et la restauration du bâti ancien nécessiteront une mobilisation financière importante.
Au nom du groupe Horizons et apparentés, je me réjouis de l'accord trouvé avec nos collègues sénateurs, sur un sujet important pour nos territoires. Nous avons fait la démonstration, une fois de plus, que le Parlement est capable de travailler en bonne intelligence. Mon groupe apprécie la meilleure prise en compte de la parole des élus locaux que prévoit cette proposition de loi, et ne doute pas de la mobilisation de tous en faveur d'une poursuite de l'accompagnement financier. Il votera donc ce texte avec conviction.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE ainsi que sur les bancs de la commission. – M. Olivier Falorni applaudit aussi.
« Depuis le début du quinquennat, […] la cause écologique est l'une des priorités du Président de la République. » Voilà ce qui apparaît sur le site internet de l'Élysée, qui présente l'objectif zéro artificialisation nette comme un engagement tenu.
Pourtant, notre assemblée s'apprête à voter un texte qui permet de dépasser le forfait d'artificialisation dans le cas de grands projets nationaux, qui en diminue le niveau de contrainte et qui exclut de sa gouvernance toutes les associations environnementales.
Je relis : « La cause écologique est l'une des priorités du Président de la République. » En quarante ans, la surface artificialisée de la France hexagonale a doublé, et 25 000 hectares sont encore artificialisés chaque année. Le taux d'extinction des espèces est désormais 100 à 1 000 fois plus élevé que leur rythme naturel. Nos sols meurent, ne stockent plus autant de carbone et ne retiennent plus l'eau.
Le mois de juin a été le mois le plus chaud jamais enregistré au niveau mondial. Le lundi 3 juillet a été le jour le plus chaud jamais enregistré, puis tel a été le cas du mardi, du mercredi et du jeudi qui ont suivi. Les records s'enchaînent, les dégâts s'accumulent : on estime à 209 milliards de dollars par an le coût des impacts des changements climatiques causés par seulement vingt et une des firmes les plus pollueuses au monde.
Avec une augmentation de 2 degrés, le système assurantiel commence à s'écrouler. Avec une augmentation de 4 degrés, il n'en restera rien. L'enjeu pour ma génération – j'aurais aimé qu'il soit aussi celui de la vôtre – est de faire absolument tout pour stopper ce bulldozer.
Pourtant, il y avait eu un soubresaut. « Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au Gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là. » À l'été 2018, en direct à la radio, le ministre de l'écologie de l'époque a démissionné, provoquant des manifestations monstres en faveur du climat – des centaines de milliers de personnes dans tout le pays. Un recours, « L'Affaire du siècle », a reçu le soutien de 2,3 millions de personnes. Un cri de désespoir émane d'une jeunesse qui sait que ses conditions de vie n'auront rien à voir avec celles des générations passées, qui connaît les coûts infinis et les inégalités grandissantes d'un monde où la biodiversité se meurt, où l'air et l'eau tuent, où il n'est plus possible, dans les sols, de faire pousser des cultures sans engrais chimiques.
Je relis : « La cause écologique est l'une des priorités du Président de la République. » Une convention citoyenne plus tard, l'Assemblée avait fixé le cap de zéro artificialisation nette en 2050. C'était courageux, mais c'était mal engagé. En effet, le Gouvernement, empêtré dans son dogme productiviste, refuse de tourner la page des grands projets d'aménagement inutiles, qui consomment des milliers d'hectares et nous privent de la capacité de développement dans nos territoires.
Les milliards s'envolent dans les projets routiers et industriels. Nos petites communes sont laissées « sans stratégie opérationnelle à l'appui » – ce sont les mots du Haut Conseil pour le climat (HCC) –, sans moyens financiers supplémentaires, sans ingénierie ni accompagnement, tout en étant mises en concurrence avec les plus grandes.
Face à cela, de très nombreuses réponses auraient pu être apportées : engager une vraie politique d'aménagement, planifiée autour des nouvelles manières d'aménager et d'habiter les territoires, pour la justice territoriale ; fournir davantage de moyens humains ; engager une nouvelle politique foncière. Vous auriez disposé, à l'Assemblée nationale, d'une majorité pour vous soutenir dans cette démarche. Vous le savez, mais vous avez fait un autre choix.
En première lecture, j'avais salué la détermination des rapporteurs et du ministre, qui avaient su préserver les objectifs ZAN et tenir bon face aux sirènes des sénateurs, plus préoccupés par leur réélection que par l'avenir du vivant. C'était loin d'être parfait, mais nous, écologistes, garants dans cette assemblée de la tenue des obligations climatiques – puisque personne ne semble avoir pris la mesure de l'urgence –, vous proposions un appui pour que vous ne lâchiez rien. Nous n'étions d'ailleurs pas seuls, puisque nous agissions au nom des millions de citoyens angoissés à l'idée que vous n'enclenchiez pas ce changement de monde.
Mais vous avez lâché. Vous avez préféré composer avec une droite naturosceptique, qui est encore dans une phase de déni de l'effondrement du vivant.
Vous avez abdiqué sur les délais, sur la présence des associations environnementales dans les instances de gouvernance du ZAN, sur la condition de densité pour la garantie rurale. Surtout, vous avez abandonné l'objectif zéro artificialisation nette en 2031, en prévoyant la possibilité de dépasser le forfait attribué aux grands projets. Vous avez abdiqué face au toujours plus – de centrales nucléaires, d'extensions d'aéroport, de nouveaux projets autoroutiers ou d'entrepôts gigantesques. Tout se dérobe sous nos pieds, et vous avez abdiqué.
Non, il n'est pas facile d'être élu aujourd'hui, à quelque échelon que ce soit. Dans chacune de nos circonscriptions, des élus locaux nous pressent pour que nous facilitions la délivrance de permis de construire, pour préserver « l'impérieuse nécessité » de la croissance, alors que tout ce qu'il faudrait faire, c'est ralentir, pour préserver l'habitabilité de la Terre.
Le 31 janvier 2023, dans le Var, la communauté de communes du pays de Fayence, dirigée par une majorité Les Républicains, a suspendu pour cinq ans l'ensemble des permis de construire de ce territoire. Ils n'avaient plus le choix, car ils n'avaient plus d'eau.
Les limites planétaires choisiront pour nous le devenir de nos sociétés, de manière chaotique, injuste et violente, si nous ne le déterminons pas nous-mêmes, en faisant de la cause écologique la priorité numéro un de notre action politique. Pour des visées électorales, cela n'a pas été votre choix. C'est pourquoi nous, écologistes, assumerons de voter, avec grand regret, contre ce texte.
Mme Catherine Couturier applaudit.
« La cause écologique est l'une des priorités du Président de la République », indique en 2023 le site internet de l'Élysée. Parmi ces priorités, monsieur le ministre, lesquelles sont plus importantes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Lorsque la loi écoute, fait avec, se construit avec le consentement de ceux à qui elle s'applique, elle devient une force de mobilisation ; elle n'est plus seulement une force de contrainte. Le travail accompli depuis plusieurs mois sur la question de l'adaptation des objectifs ZAN, à la faveur de cette proposition de loi, en est, je crois, une illustration concrète.
Les maires, dont la charge devient un peu plus lourde chaque jour, face à la baisse de leurs moyens, au recul croissant des services publics et aux difficultés inhérentes à l'exercice de leurs missions, n'ont plus voulu retenir leur colère lorsque la question de l'artificialisation s'est surajoutée à d'autres charges et contraintes. Enjeu essentiel, la réduction de l'artificialisation est le principal moteur de l'érosion de la biodiversité. Cependant, si tous les maires avaient et ont conscience de cet impératif, et ont, pour beaucoup, agi depuis des décennies pour réduire l'empreinte du développement humain, ils ont dit « trop, c'est trop » à propos de la législation antérieure sur le ZAN.
Pourquoi ? La raison n'est pas qu'ils ne croiraient pas à la protection de la biodiversité. Elle est bien plus pratique : ils ont été pris dans une loi dogmatique pour laquelle on n'a pas assez fait de travail d'accompagnement ; ils ont été en butte à des décrets d'application opaques, rédigés à la va-vite et sans aucune concertation. Bref, ils ont été traités comme des exécutants serviles, écrasés par la main droite de l'État, alors que sa main gauche ne desserre pas l'étau en matière d'égalité et d'aménagement du territoire. Or, pour les projets en faveur du climat et de la biodiversité, on ne peut pas faire sans les maires ni les élus locaux. Je suis d'ailleurs convaincu qu'il est en ainsi dans un très grand nombre de domaines.
C'est à cette colère que la présente proposition de loi tente de répondre. Par un travail intelligent et pragmatique de collaboration – je tiens à saluer l'action du rapporteur –, nous sommes parvenus, je crois, à un texte équilibré, qui redonnera aux maires des capacités d'agir.
D'abord, la proposition de loi consacre le droit au projet des maires et, partant, réaffirme leur souveraineté en matière d'aménagement. La garantie rurale est ainsi, pour des milliers de petites communes, la promesse réelle de pouvoir continuer à vivre et à se développer. Au demeurant, son extension, décidée par la CMP, n'était pas nécessaire.
Ensuite, le texte confirme que les territoires auront davantage de temps pour s'adapter aux nouveaux objectifs et, surtout, disposeront de nouvelles instances pour discuter conjointement de ces enjeux. Même si sa composition a été un peu rabotée par la CMP, la commission régionale sera un nouvel organe utile aux territoires pour s'approprier lesdits enjeux.
Enfin, je le crois, la proposition de loi rassure sur la nature des futurs grands projets d'aménagement. Plusieurs territoires concernés étaient pris de sueurs froides. Grâce à ce texte, la liste des grands projets s'étoffe et s'éclaircit, et leur comptabilisation est séparée. Nous saluons le maintien, par la CMP, des dispositifs de prise en compte des aménagements induits, qui devront être mobilisés pour soutenir les élus locaux. Cela vaut en particulier pour un projet qui m'est cher, la construction de deux EPR – réacteurs pressurisés européens – à Penly.
Certes, la proposition de loi ne règle pas tout ; elle ne remédie pas aux erreurs congénitales de la politique d'aménagement ou de la répartition des compétences entre l'État, les régions et les communes. La région continuera à exercer une tutelle sur les autres collectivités dans la mesure où elle déterminera la répartition territoriale du ZAN. Néanmoins, le texte constitue un premier pas dans l'aménagement de règles vécues jusqu'à présent comme des freins.
D'autres discussions devront avoir lieu. Nous avons beaucoup milité pour que, de la Guyane à la Polynésie, les spécificités des outre-mer soient reconnues et gravées dans la loi, mais il y a encore des progrès à faire pour concrétiser cette reconnaissance. Il faudra aussi accompagner davantage les élus, en particulier en ce qui concerne les friches. Je vous le redis, monsieur le ministre, alors que le projet de loi relatif à l'industrie verte fait lui aussi l'impasse sur les questions fiscales et financières à propos des friches, il faudra que vous apportiez, dans le projet de loi de finances, des réponses concrètes à ce sujet. J'espère qu'un recours au 49.3 ne nous empêchera pas d'en débattre !
Ce devra être l'occasion de travailler sur les leviers fiscaux et financiers à mobiliser pour lutter contre l'extension des friches.
Le potentiel que représentent, pour l'aménagement, les friches industrielles et locatives ne doit pas être négligé. Au contraire, c'est probablement le point cardinal, la condition sine qua non de l'atteinte de nos objectifs de non-artificialisation. C'est d'ailleurs en mettant le paquet sur la réappropriation des friches, lorsqu'ils auront la main, que les députés écologistes, communistes et de La France insoumise pourront se retrouver.
À ce stade, les moyens sont insuffisants, pour ne pas dire ridicules. Seuls 750 millions d'euros ont été mobilisés depuis trois ans, au sein d'un fonds pour le recyclage des friches qui peine à servir d'outil d'appui aux collectivités locales. Quant à la fiscalité, elle demeure limitée et expérimentale.
En définitive, le groupe communiste est satisfait…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions. – M. Laurent Croizier applaudit aussi.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires partage la volonté de lutter contre l'artificialisation massive des sols, qui contribue au déclin de la biodiversité et au dérèglement climatique. L'objectif est louable, absolument nécessaire, mais difficile à traduire concrètement – reconnaissons-le.
Tel qu'il était décliné dans la loi « climat et résilience », chacun en conviendra, l'objectif zéro artificialisation nette était peu opérationnel. Construit selon nous de manière trop centralisée, par le haut, il était peu en phase avec la réalité des territoires, lesquels se caractérisent par des dynamiques d'artificialisation très différentes, qui dépendent notamment d'évolutions démographiques et économiques sur lesquelles les collectivités ont parfois peu de prise. D'où l'initiative sénatoriale. Issu du compromis trouvé en CMP, ce texte procède à des ajustements nécessaires pour tenter de concilier la sobriété foncière avec le développement des territoires.
Notre groupe a accueilli cette proposition de loi avec intérêt, d'autant qu'elle tente d'apporter des réponses à deux sujets de préoccupation majeurs pour les collectivités territoriales – j'espère qu'elle apportera effectivement des solutions, dans son application concrète.
D'une part, elle prend en compte les grands projets nationaux, grâce à la création d'une enveloppe nationale. Nous redoutions que certains projets d'ampleur soient décomptés de l'enveloppe des territoires qui les accueillent, au risque de grever leur capacité à mener d'autres projets essentiels. Le compromis trouvé sur la mutualisation à l'échelle des régions devrait permettre, nous l'espérons, un meilleur partage des efforts.
D'autre part, le texte crée un mécanisme de garantie de développement pour les communes rurales, en instaurant une surface minimale de développement communal, mutualisable – rappelons-le – au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle devrait éviter aux zones les plus rurales de devenir une sorte de variable d'ajustement et d'être ainsi entravées dans leurs projets de développement.
À titre plus personnel, je me réjouis sincèrement du dialogue fructueux conduit avec MM. les rapporteurs et avec M. le ministre que je salue. Ce dialogue a permis de cheminer vers l'adoption de dispositions spécifiques indispensables à la Corse dans le cadre de la révision prochaine de son Padduc – plan d'aménagement et de développement durable de Corse. Je pense à la clarification juridique de la déclinaison territoriale du ZAN dans le Padduc ou encore à l'incitation forte à l'adoption de documents d'urbanisme dans les communes corses, lesquels font grandement défaut et dont l'absence a historiquement abouti à des aberrations urbanistiques dans des zones littorales sujettes à une spéculation effrénée.
Toutefois, des membres de mon groupe souhaitent exprimer leurs craintes relatives en particulier à des projets de décret qui semblent aller, pour eux, dans le mauvais sens. C'est notamment le cas du décret « nomenclature » au sujet des surfaces végétalisées herbacées à usage résidentiel, qui seront considérées comme artificialisées alors qu'elles peuvent abriter la biodiversité au sein des villes ; nous pouvons d'ores et déjà annoncer que ces zones, dans les villes ou dans les communes insulaires soumises à une forte pression foncière, risquent d'être bétonnées. De même, se pose la question des « dents creuses » : seront-elles aussi considérées comme artificialisées en cas de construction ?
Nous pouvons également évoquer le retentissement de la lutte contre l'artificialisation des sols sur la fiscalité locale et sur le prix des logements. Le montant de la DGF – dotation globale de fonctionnement –, par exemple, est corrélé de manière directe à la croissance et au développement d'une collectivité : plus elle dispose d'infrastructures, de voirie, de services, plus elle perçoit de DGF. De la même manière, plus une commune possède de bâti, plus elle perçoit de taxe foncière. À ce jour, aucune mesure fiscale n'est prévue pour limiter en la matière les effets des évolutions en cours. C'est pourtant un sujet crucial.
Hormis ces craintes, notre groupe ne s'opposera pas à ce texte. Certains voteront pour – ce sera mon cas –, d'autres s'abstiendront.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur les bancs des commissions. – Mme Sophie Mette applaudit également.
Après de nombreuses semaines, de nombreux mois et, pour certains d'entre nous, de nombreuses années, nous voilà réunis pour voter une nouvelle étape de la trajectoire zéro artificialisation nette. Je dis bien « une nouvelle étape », car ce n'est ni un début, ni une fin : nous sommes tous réunis dans l'objectif d'atteindre, en 2050, ce fameux ZAN.
Ceux d'entre nous qui étaient présents en 2021 ont entendu dire que la loi « climat et résilience » était une loi vide qui n'apportait rien s'agissant en particulier des enjeux environnementaux. Pourtant, nous savons tous, par des remontées du terrain, que cette loi est souvent trop exigeante, souvent mal interprétée et, dans tous les cas, difficile à appliquer sur le territoire.
C'est la raison pour laquelle le Sénat et l'Assemblée nationale travaillent en parallèle, depuis de nombreux mois, à élaborer des propositions et à proposer des solutions pour faire de cette trajectoire une réalité. Nos collègues sénateurs ont déposé une proposition de loi ; nous en avons fait de même, il y a quelques mois, avec mon collègue Bastien Marchive. Nous étions convaincus d'une chose, c'est que nous ne pourrions avancer que si nous trouvions un consensus entre les deux chambres et avec les élus locaux.
C'est le résultat de ce travail sur lequel nous votons aujourd'hui. Il a été mené conjointement avec les associations d'élus, avec les ONG, avec les acteurs locaux et, bien entendu, avec le Gouvernement et M. le ministre, que je tiens à remercier. J'ai été témoin, comme beaucoup d'entre vous, de son engagement et de sa détermination à aboutir à un consensus. Ce consensus important et concret est acté avec le Sénat dans le texte, qui propose de nouveaux outils : conférence régionale de gouvernance, laquelle pourra intégrer des personnes qualifiées, mais aussi les ONG ; forfait sur les projets nationaux ou européens ; création du sursis à statuer ; prise en compte des communes du littoral, sur lesquelles nous avions avancé dans la loi « climat et résilience » mais dont l'aménagement du territoire restait à planifier pour tenir compte des enjeux de renaturation, ce qui est désormais chose faite.
Il nous importait de conforter les enjeux environnementaux. Protéger nos sols, c'est protéger la biodiversité et les forêts ; c'est aussi protéger notre souveraineté alimentaire.
Comme je l'avais déjà dit au début de nos travaux dans l'hémicycle, « zéro artificialisation nette » ne veut pas dire « zéro construction », bien au contraire : la trajectoire que nous sommes en train d'inscrire nous obligera à construire mieux et à construire différemment d'ici à 2050.
Je peux dire sans aucune difficulté que le travail transpartisan que nous avons réalisé collectivement engage tous les députés quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, y compris, bien sûr, ceux du groupe Renaissance, qui voteront haut la main cette nouvelle étape. Nous aurons certainement d'autres textes à examiner à l'avenir et nous serons toujours réunis pour avancer sur la protection de nos sols, dont la valeur est inestimable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Il y a deux ans, vous adoptiez consensuellement la loi « climat et résilience », un texte bardé de contraintes normatives relevant davantage de la pensée magique que d'une réflexion politique équilibrée sur la densification. Les députés du Rassemblement national n'étaient alors pas suffisamment nombreux pour s'opposer à l'application de ces objectifs inadaptés aux territoires ruraux auxquels, chers collègues LR et Renaissance, vous ne trouviez alors rien à redire.
MM. Maxime Minot et Thibault Bazin s'exclament.
Pourtant, déjà, à cette même tribune, notre actuelle présidente de groupe prédisait l'échec de l'écologie punitive et, en la matière, le fameux « zéro artificialisation nette », plus communément appelé ZAN, détient certainement la palme d'or.
De ces objectifs de réduction de l'artificialisation des sols, les plus drastiques d'Europe, la plupart des maires ne retiennent que l'iniquité qui en découle : les communes qui ont le plus artificialisé ces dernières années pourront continuer sur leur lancée, tandis que les communes rurales ou peu peuplées, qui n'artificialisent que très peu, sont d'ores et déjà condamnées à une artificialisation nette nulle. Il y a deux ans, le rapport du Sénat était sans équivoque : si rien n'était fait, le développement de près de la moitié des communes françaises serait arrêté en raison d'enveloppes d'artificialisation nulles, ou presque nulles, pour la première période décennale s'achevant en 2031. Ce sera encore une fois aux petits, à ceux qui n'ont déjà plus grand-chose, de se sacrifier sur l'autel de l'écologie punitive pour contenter l'hybris qui vous pousse à légiférer sur la consommation des sols quand, depuis six ans, vous n'êtes capables d'élaborer que des politiques hors-sol.
Cette inconséquence sans borne menace jusqu'aux classes moyennes par le renchérissement du foncier qui, de facto, exclut celles-ci de l'accès à la propriété, en ville comme en ruralité. Quand certains appelaient à construire des Versailles pour le peuple, vous proposez aujourd'hui des Grigny dans la Creuse. La caricature est à peine exagérée : d'évidence, avec un déficit annoncé de 850 000 logements en 2030, le renouvellement urbain, qu'il passe par la réhabilitation des friches ou la renaturation, ne suffira pas à absorber la demande.
Pour respecter le ZAN et loger les citoyens que la hausse des prix du foncier privera de l'accès à la propriété, même en ruralité, il faudra plus d'immeubles collectifs et redécouper les bâtisses existantes pour loger plus de monde dans des locations moins spacieuses.
Pour éviter cela, nous n'avons cessé, lors de nos débats, de dénoncer la dilution du poids de la cellule communale dans les décisions et d'insister sur la nécessité de prévoir des mesures d'assouplissement réellement pérennes afin d'éviter des effets de bord désastreux pour nos concitoyens.
La densification et le renouvellement urbain sont essentiels. Mais, pour produire des effets, encore faut-il, comme nous l'avions proposé par voie d'amendement, redonner une place prépondérante à nos élus municipaux et limiter le renchérissement du foncier. Rien ne va dans ce sens, dans la rédaction actuelle de la proposition de loi.
Vous opposez une fois de plus la verticalité, celle de vos immeubles fades et de vos décisions de cabinet, aux aspirations horizontales dont nous nous faisons l'écho ; comme s'il n'existait pas un juste milieu entre la réduction du mitage et l'entassement métropolitain, comme s'il fallait forcément choisir entre artificialiser partout et n'artificialiser nulle part. Quand vous proposez une tutelle régionale, nous valorisons la décision des communes rurales ; quand vous proposez des plafonds pour 88 % des communes françaises, nous proposons des dérogations pour les communes rurales et les communes vertueuses. Cette verticalité irrigue jusqu'à votre démarche, avec une proposition d'assouplissement du ZAN qui n'aurait certainement jamais vu le jour de votre fait sans l'imminence des élections sénatoriales.
Tout, dans votre méthode, trahit un électoralisme dont l'acmé aura certainement été atteinte lors des discussions en commission mixte paritaire. Il fallait voir l'énervement dans vos yeux lorsque, après quatre heures de discussions non concluantes, vous vous mîtes à craindre que le texte n'aboutisse pas avant les élections ! Il aura fallu deux heures supplémentaires, et des suspensions de séance à répétition, pour que vous parveniez à une rédaction convenable.
Il en résulte un texte sans grande ambition, avec néanmoins deux articles pertinents – l'article 7 et l'article 10 – qui nous amèneront à voter en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Certains collègues s'impatientent et se demandent pourquoi je n'ai pas encore annoncé le scrutin demandé sur l'ensemble de ce texte. Je rappelle qu'après la discussion générale, nous devrons examiner des amendements. Une annonce de scrutin précoce inciterait de nombreux collègues à rejoindre l'hémicycle qui deviendrait alors bruyant.
Sourires.
Sourires.
Alors que l'artificialisation des sols empêche toute infiltration d'eau, alors qu'elle tue la biodiversité, alors qu'elle augmente la pollution dans les sols, alors qu'elle réduit nos capacités agricoles et renforce les îlots de chaleur en zone urbaine, sénateurs et Gouvernement se sont accordés, en commission mixte paritaire, sur un texte qui revient sur les objectifs du ZAN, lesquels étaient déjà peu ambitieux. Vos engagements, monsieur Béchu, sont passés à la trappe de la CMP : après plus de quinze heures de débats sereins et argumentés entre vous et cette assemblée représentant le peuple, vos députés se sont littéralement couchés devant quelques sénateurs et devant celle qui se voit passer du fauteuil de présidente de Régions de France à celui de présidente macroniste en 2027.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vos méthodes tuent à petit feu la République. Pour m'expliquer, je citerai deux phrases de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 :…
« La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. » La CMP aurait dû durer quinze minutes et être non conclusive. Monsieur Kasbarian, vous avez fait le choix de protéger l'économie en négociant plutôt que préserver le vivant et garantir que notre terre reste habitable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Eh oui ! Les élections sénatoriales arrivent à grand pas. Les sénateurs ont donc fait le choix de protéger leur mandat plutôt que nos territoires.
Par électoralisme, le Sénat préfère laisser aux industriels et aux promoteurs immobiliers la mainmise sur les terres agricoles et forestières. Quelle étrange manière de défendre la ruralité !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et LR.
D'autant plus que le Sénat a eu gain de cause sur la tutelle des mégarégions en matière de grands projets à la solde de Régions de France et de sa présidente, Carole Delga. Le préfet de région a même été démis de ses fonctions de coprésident de la conférence du ZAN. Alors que les régions capitalisent déjà la tutelle de nombreuses compétences décentralisées, les sénateurs creusent la hiérarchie entre les collectivités, aux dépens des petites communes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais les sénateurs ne sont pas les seuls coupables de ce guet-apens démocratique. Le ministre de l'économie, M. Le Maire, souhaitait depuis le début revoir les objectifs du ZAN à la baisse pour développer de nouveaux entrepôts géants dans le cadre de son projet de loi relatif à l'industrie verte. M. Bruno Le Maire, par l'intermédiaire du président de la commission des affaires économiques, s'est assuré de la sortie de 2 500 hectares de grands projets nationaux de toute enveloppe d'artificialisation pour plaire au Sénat. Et cela, encore une fois, dans le mépris le plus total de votre propre majorité ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
en laissant le rapporteur pour avis de la commission du développement durable attendre le résultat des tractations. Cet événement illustre la prédominance de la commission des affaires économiques sur celle du développement durable et de l'aménagement du territoire. Il est assez représentatif de la conception de l'environnement en Macronie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous avons affaire à un texte vide d'ambition. À l'article 1er , les délais de déclinaison des objectifs ZAN dans tous les documents d'urbanisme sont repoussés de neuf mois, alors que la loi « climat et résilience » prévoyait déjà six ans pour adapter les PLU. À l'article 3, vous avez choisi de remettre en cause la parole des associations environnementales et des agences de la santé, de l'eau et de la protection des espaces naturels dans la conférence du ZAN.
Comme toujours, la parole des experts ne vous intéresse pas, pas plus celle du Giec – Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – que de l'Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Alors que de très nombreuses communes jouent le jeu de la sobriété foncière, votre gouvernement s'autorise, à l'article 4, à dresser une liste interminable de grands projets écocides qui sont contraires à l'intérêt général.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette liste inclut tout projet d'utilité publique fixé par décret et non par la loi. La sobriété environnementale ne peut pas être à géométrie variable !
La seule maigre consolation de cette CMP est la restauration du sursis à statuer concernant les autorisations d'urbanisme, à l'article 12.
Collègues, le texte n'est donc clairement plus à la hauteur des ambitions environnementales que nous devons nous fixer. Il nous faut bâtir une politique d'aménagement du territoire résiliente et construire un véritable plan Marshall pour le bâti vacant, assorti de moyens financiers et d'outils au service des maires ruraux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Donner un nouveau titre au texte ne suffira pas : eu égard aux plus de 170 000 hectares de friches industrielles et aux 900 000 logements vacants qui se trouvent en ruralité, notre priorité doit être de réhabiliter le bâti existant.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous nous retrouvons aujourd'hui après une commission mixte paritaire, tenue jeudi dernier, que nous n'oublierons pas, car la fumée blanche a mis du temps à sortir.
Sourires.
Je remercie tous ceux qui ont contribué à trouver un compromis. Nous sommes soulagés que cette CMP sur la proposition de loi visant à renforcer l'accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l'artificialisation des sols soit conclusive, et surtout qu'elle préserve les assouplissements tant attendus par nos territoires. Sans cela, les espoirs suscités par la relance de la filière nucléaire, de l'aménagement des voies structurantes et de la réindustrialisation auraient été largement compromis.
En effet, il s'agit là d'un texte majeur qui vient répondre, au moins partiellement, aux difficultés importantes causées par la démarche zéro artificialisation nette. Nous n'avions cessé de vous alerter, depuis son adoption en 2021 dans le cadre de la loi dite climat et résilience : il nous fallait trouver des solutions là où la mise en œuvre du ZAN pouvait se révéler périlleuse – je pense notamment aux communes de montagne et au littoral.
Nous nous sommes constamment opposés à l'application d'une politique purement arithmétique et verticale, pensée et conçue loin de nos territoires. Il nous semblait en effet évident qu'une telle politique risquait de geler les capacités de construction dans des régions où de grands projets sont attendus, notamment pour restaurer notre souveraineté énergétique et industrielle mais aussi, tout simplement, pour aménager notre territoire. Sans les assouplissements du ZAN permis par la présente proposition de loi, plusieurs grands projets auraient été bloqués.
Il nous était également apparu que le ZAN, maintenu en l'état, risquait de geler injustement, pour la prochaine décennie, la constructibilité dans des villages pourtant vertueux, au cours des dernières années, en matière d'artificialisation des sols. Nous ne pouvions l'accepter. Alors, remercions nos collègues sénateurs…
À nos yeux, pour être efficace, une politique de préservation de l'environnement, qui passe, nous en convenons, par une politique de sobriété foncière, ne peut et ne doit pas se construire en opposition avec le développement de nos territoires.
Le ZAN doit prendre en compte les réalités locales. Rien ne doit être fait sans les élus locaux ni contre eux.
Il nous fallait rendre le ZAN plus acceptable, en redonnant de la liberté aux élus. Cela passe par l'introduction d'un délai plus réaliste pour la révision des documents d'urbanisme ; il a donc été reporté de neuf mois pour les Sraddet, et de six mois pour les Scot et les PLU. Cela passe aussi, et c'est très important pour le groupe Les Républicains, par la création d'une garantie rurale de 1 hectare pour les petites communes, qu'il sera possible de mutualiser à l'échelle du territoire environnant, à la demande des maires. Cette surface minimale de développement communal constitue un filet de sécurité pour nos villages de France,…
…qui pourront soutenir des projets, même s'ils n'ont urbanisé aucun terrain au cours de la décennie précédente.
Cela passe aussi par l'instauration d'une conférence régionale du ZAN, associant les collectivités locales compétentes en matière d'urbanisme et de planification, ainsi que les parties prenantes associées habituellement au Sraddet, autour de tous les enjeux de lutte contre l'artificialisation.
Cela passe enfin par la création d'une enveloppe nationale mutualisée, au sein de laquelle des projets d'envergure nationale seront intégrés, ce qui permettra de préserver les capacités de développement de toutes les régions. Elle représentera un forfait national de 12 500 hectares, dont 10 000 pour les territoires couverts par un Sraddet et les 2 500 restants pour l'Île-de-France, la Corse et les outre-mer, qu'il ne faut pas oublier. Si la consommation de ces projets d'intérêt national excédait le forfait, le dépassement ne pourrait être imputé sur l'enveloppe des collectivités. Certes, il aurait été préférable d'exonérer totalement les grands projets, au lieu d'imaginer un forfait un peu réduit – les besoins sont plutôt estimés à 15 000 hectares –, mais nous avons obtenu la tenue d'une commission paritaire de conciliation en cas de désaccord entre l'État et les régions sur la liste des grands projets d'envergure nationale relevant dudit forfait.
D'autres avancées sont également à saluer. Je pense notamment aux outils concrets que nous allons donner aux communes dans l'attente de la modification des documents d'urbanisme, afin d'éviter de compromettre leur capacité à atteindre les objectifs de la loi « climat et résilience ». Ce sont des outils importants, comme la comptabilisation en net de l'artificialisation dès la première période décennale – 2021-2031 –, ou encore le droit de préemption urbain élargi, notamment aux fins de renaturation.
Vous l'aurez compris, notre groupe soutiendra le compromis trouvé en CMP et votera la proposition de loi, afin de renforcer l'accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l'artificialisation des sols.
…particulièrement vigilants, dans les mois à venir, à ce que le Gouvernement tienne ses promesses quant à l'adoption, par voie réglementaire, de plusieurs dispositions qui figuraient initialement dans la proposition de loi.
Monsieur le ministre, vous vous y êtes engagé et les territoires attendent ces traductions réglementaires pour concrétiser les promesses de la proposition de loi. Alors, pour le développement de tous nos territoires, pour rendre possible un droit au projet de nos communes rurales, pour permettre les investissements à même de restaurer notre souveraineté et d'aménager notre territoire, mes chers collègues, votons cette proposition de loi !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RE.
Mes chers collègues, je vous informe que, sur le vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Convaincre, c'est d'abord emporter l'adhésion de l'autre à ce que l'on croit juste et nécessaire ; c'est parfois aussi se convaincre mutuellement qu'un autre chemin commun est possible. C'est ce qui s'appelle le compromis.
Nous y sommes ici parvenus, à propos de cette proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs du ZAN. Nos échanges intenses mais constructifs avec nos collègues sénateurs contribuent à montrer que le travail parlementaire fonctionne quand il est libéré des postures partisanes et des effets de manche réservés aux plateaux de télévision.
Sur le constat, nous sommes d'accord : une artificialisation déraisonnée, qui grignote près de 70 hectares de terres naturelles chaque jour et éloigne toujours un peu plus nos concitoyens des centres et des services qui les accompagnent, ce n'est plus acceptable ni viable. Sur l'objectif, là aussi, nous étions tombés d'accord, dans le cadre du plan Biodiversité de 2018 puis de la loi « climat et résilience » de 2021 : il faut diviser par deux le rythme d'artificialisation des sols d'ici à 2031, pour aller vers le zéro artificialisation nette en 2050.
Je le redis une nouvelle fois, c'est une mesure environnementale, sociale et économique : environnementale, d'abord, car elle nous permet de lutter contre la fragmentation des espaces naturels et de replacer la nature et ses vertus pour le commun au cœur de nos projets d'aménagement ; sociale, ensuite, car lutter contre l'artificialisation déraisonnée, c'est limiter l'étalement urbain et ses effets négatifs ; économique, enfin, car rapprocher les individus et retisser un lien entre habitat, emplois et lieux de consommation par des rééquilibrages, notamment à l'échelle régionale, c'est vivifier un territoire en favorisant et en facilitant les interactions.
Par ce texte, qui doit nous permettre de mieux accompagner les collectivités, notre volonté est bien de réduire le morcellement urbain en optimisant l'existant, en construisant mieux grâce à un aménagement pensé de manière globale, et non plus au coup par coup. Nul ici n'a la volonté d'opposer la ville à la ruralité : chacun doit pouvoir conserver les moyens de développer son attractivité. C'est d'ailleurs bien cette notion d'attractivité qui a été au cœur des débats de la CMP sur ce texte : certains craignaient notamment que la mutualisation des grands projets d'envergure nationale ne vienne contraindre encore un peu plus les territoires, comme si ces grands projets n'apportaient que des externalités négatives, alors qu'ils sont bien souvent de formidables locomotives pour l'emploi et le dynamisme local.
En séance, ici même, nous pensions avoir trouvé un juste équilibre en votant l'article 4 qui prévoyait une enveloppe de 15 000 hectares réservée aux grands projets : après avoir été soustraite de l'enveloppe nationale de 125 000 hectares, elle devait être répartie entre les régions.
Merci, madame la présidente.
Lors de nos débats en CMP, une majorité des sénateurs ont fait le choix d'extraire les grands projets nationaux de l'enveloppe totale ZAN. Nous sommes parvenus à un compromis acceptable en nous entendant sur une enveloppe de 12 500 hectares et sur la création d'une commission de conciliation en cas de désaccord sur la liste des projets d'envergure nationale.
Pour le reste, nous nous sommes entendus sur l'essentiel : la conférence régionale du ZAN, la mutualisation des projets d'envergure régionale, la création d'une garantie rurale de 1 hectare pour les plus petites communes, assortie d'une possibilité de mutualisation au niveau intercommunal, introduite sur proposition de notre groupe ; ou encore la prise en compte des efforts de renaturation.
Vous l'aurez compris, le groupe Démocrate a toujours été constant face à l'impérieuse nécessité de conserver le cap fixé concernant le ZAN, tout en étant favorable aux ajustements et aux précisions ayant trait à son application, afin de nous donner les moyens de satisfaire nos objectifs en respectant nos élus et les territoires. Nous voterons donc unanimement pour le texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
J'appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d'abord appeler l'Assemblée à statuer sur les huit amendements dont je suis saisie.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Si vous le permettez, madame la présidente, je peux tous les présenter car ils sont rédactionnels.
Ce ne sont donc que des amendements rédactionnels qui codifient ou précisent certaines dispositions mais n'introduisent rien de nouveau. Ils sont défendus.
Les amendements n° 1 , modifiant l'article 1er , n° 2, modifiant l'article 3, n° 3, modifiant l'article 4, n° 4, modifiant l'article 7, n° 5, modifiant l'article 10, n° 6, modifiant l'article 12, n° 7, modifiant l'article 14 et n° 8, modifiant l'article 15, sont successivement adoptés.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 202
Nombre de suffrages exprimés 198
Majorité absolue 100
Pour l'adoption 169
Contre 29
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (n° 1346, 1440 deuxième rectification).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 15 à l'article 1er et rapport annexé.
Je vous informe que, sur l'amendement n° 15 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public. Sur l'amendement n° 626 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une autre demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l'amendement n° 15 .
Il vise à inclure dans la politique de formation initiale et continue relative aux métiers pénitentiaires le fait de former nos agents à la lutte contre le développement de l'idéologie islamiste. C'est une priorité car la prison est un lieu de diffusion privilégié des thèses islamistes, ce qui représente ni plus ni moins qu'une menace pour la sécurité nationale. À ce titre, le chercheur Hugo Micheron affirme que la prison est devenue l'ENA – École nationale d'administration – du djihad. Cela témoigne d'un paradoxe très inquiétant : la prison est censée protéger la société des individus dangereux, mais elle est devenue un incubateur à islamistes et un lieu de formation idéologique pour terroristes en puissance.
En plus de devenir une école de formation islamiste, la prison est aussi un vivier de recrutement important pour les filières djihadistes en France et en Europe. En plus d'être l'ENA des djihadistes, la prison fait donc office de Pôle emploi pour criminels désœuvrés. L'ancien procureur de Paris en charge du parquet antiterroriste, François Molins, reconnaissait lui-même que « le milieu pénitentiaire fait un peu office d'incubateur dans la mesure où il y a une interaction entre deux types détenus », ceux qui s'y radicalisent et ceux qui y entrent pour des infractions liées au terrorisme islamique.
En 2019, l'attentat à la prison de Condé-sur-Sarthe a montré la dangerosité de l'idéologie islamiste pour nos agents pénitentiaires, deux d'entre eux ayant été agressés à coups de couteau au cri de « Allah akbar ». Encore récemment, le 2 mars 2022, l'assassinat d'Yvan Colonna dans la salle de sport de la prison d'Arles par Franck Elong Abé – un homme radicalisé de 36 ans, condamné notamment dans un dossier terroriste –, démontre la proximité réelle entre individus radicalisés et détenus de droit commun.
Aussi, suis-je convaincu qu'il faut agir en urgence et former nos agents sur l'idéologie islamiste pour que nos établissements…
J'en termine, madame la présidente. Il faut agir pour que nos établissements cessent d'être des…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur. – Les députés du groupe RN applaudissent ce dernier.
La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
L'alinéa 77 du rapport annexé, visé par l'amendement, mentionne déjà la « lutte contre les violences et les phénomènes de radicalisation », une formulation beaucoup moins connotée que la vôtre. Avis défavorable.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
C'est bien : on voit le vrai visage du Rassemblement national qui essaie de changer d'image, de paraître social, etc. Vous êtes racistes, je le redis.
Protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela n'a pas de sens. L'islam est une religion qui peut présenter des aspects intégristes tout comme les autres religions – catholicisme ou judaïsme.
Dans chaque religion, certains croyants sont radicaux et intégristes, cela existe même chez les catholiques et chez les juifs.
Vous pointez toujours la même population. On a vu précédemment que vous faisiez la chasse à l'étranger, aux enfants étrangers. Ici, vous faites la chasse aux musulmans. C'est scandaleux.
Les attentats, vous en faites quoi ? Vous n'êtes plus républicaine mais complice !
L'attentat que vous citez n'a été possible que grâce à l'extrême droite qui a fourni les armes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mon intervention est fondée sur l'article 70, alinéa 3, du règlement.
Je rappelle que le racisme est un délit…
…et vous avez accusé une partie de la représentation nationale de commettre ce délit. Madame le président, cela commence à bien faire :
« Madame la présidente ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
l'extrême gauche continue à envoyer régulièrement des ballons d'essai en nous insultant et en nous outrageant parce que les sanctions ne tombent pas.
Il me semble, madame le président, que vous avez le pouvoir discrétionnaire de décider d'une sanction si nécessaire. À tout le moins, il me semble que vous devriez prononcer un rappel à l'ordre car cela commence à bien faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La collègue nous insulte, ce qui n'est pas acceptable. Moi, je vous parle d'islamisme, madame. Je ne généralise rien du tout, mais je vous parle de l'islamisme qui pose un vrai problème en France.
Mais vous confondez tout. Vous nous faites part de votre haine, vous nous montrez une nouvelle fois que vous avez des œillères et que vous ne voulez pas voir la réalité du pays. La réalité c'est que l'islamisme est un mal pour notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l'adoption 23
Contre 86
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Émilie Chandler, pour soutenir l'amendement n° 626 .
L'alinéa 77 du rapport annexé paraît incomplet au regard de l'urgence que représente la prise en charge des violences intrafamiliales.
Par le rajout d'une mention de la prise en charge de ces violences dans le cadre de la formation des magistrats, nous répondons en partie à la recommandation n° 9 du rapport « Plan rouge VIF », visant à améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales (VIF), qui préconise de renforcer la formation initiale et continue de tous les professionnels intervenants dans le traitement judiciaire des violences, dont les métiers pénitentiaires.
Il est nécessaire que l'ensemble des acteurs soient formés à cette matière dans la mesure où ils sont forcément amenés à connaître des situations de violences intrafamiliales. Cette formation pourrait consister à proposer des outils, éventuellement en ligne, permettant aux professionnels de mettre à niveau leurs connaissances.
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Madame la députée, le rapport, que vous avez rédigé avec votre collègue sénatrice Dominique Vérien, va nous aider à avancer considérablement dans la lutte contre les violences intrafamiliales, en particulier les violences faites aux femmes. C'est un travail très important, très fouillé et très précis. Cet amendement va dans le bon sens. Mieux qu'un bon amendement, c'est un excellent amendement auquel je suis favorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 112
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 96
Contre 1
L'amendement n° 626 est adopté.
Madame la présidente, j'interviens à mon tour sur le fondement de l'article 70 du règlement, étant donné que nous n'avons pas eu de réaction de votre part concernant les propos injurieux dont nous avons fait l'objet à plusieurs reprises. Quelle suite comptez-vous donner à ces propos ?
Quitte à me répéter, chers collègues, je vais vous redonner ce conseil que j'adresse à tout le monde : si l'on pouvait éviter les interpellations dans cet hémicycle, cela éviterait les rappels au règlement afférents. Je vous invite toutes et tous au calme.
Sur les amendements n° 1179 et 369 , je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
Sur l'amendement n° 1419 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Andy Kerbrat, pour soutenir l'amendement n° 722 .
Par cet amendement, le groupe LFI – NUPES souhaite que la formation initiale et continue des métiers pénitentiaires mette l'accent sur la prise en charge des violences sexistes et sexuelles en prison.
Nous avons tous, je l'espère, utilisé ou prévu d'utiliser notre droit de visite des lieux de privation de liberté pour nous rendre compte de la situation en prison. Nous avons tous parlé avec des détenus et avec des agents, ce qui a dû nous conduire à prendre conscience de deux réalités.
Première réalité : le métier d'agent pénitentiaire est un métier ultramasculin et l'enfermement carcéral produit une culture très hétéronormée. On retrouve des cadres de violence, indus dans le monde du travail, qui nécessitent une formation, une prise en compte. Deuxième réalité : il existe une vie sexuelle et une agressivité en prison qui donnent lieu à un grand nombre d'agressions sexuelles et aussi à des épidémies comme le VIH – sa prévalence est de deux à quatre fois plus importante dans les prisons que dans le reste de la population –, ce qui doit nous inciter à changer nos comportements et mieux former nos agents.
On est à des années-lumière de l'amendement !
Les agents pénitentiaires doivent être mieux formés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans les prisons, mais ce combat vaut pour la justice, la police et tout le reste de la société.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
L'alinéa 77, complété par l'amendement n° 626 , qui vient d'être adopté, va dans ce sens, même si ce dernier est plus ciblé sur les violences intrafamiliales. Votre demande me semblant satisfaite, je vous propose de retirer votre amendement.
Avis défavorable.
Vous auriez pu me faire l'honneur de vous contenter de demander un retrait, monsieur le ministre. Je prends le point : nous allons maintenir cet amendement d'appel qui permet de poser la question de la sexualité et celle de la violence sexiste en prison. S'il existe heureusement des tests VIH à l'entrée en prison, il y en a peu pendant la durée d'incarcération.
Quel rapport avec l'amendement ?
Les épidémies sont un problème réel et connu. Dans certaines prisons, un rapport sexuel entre codétenus est considéré comme un acte privé par certains gardiens. Nous devons y réfléchir et, monsieur le ministre, je vous invite à prendre cet amendement d'appel au sérieux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Elsa Faucillon et M. Benjamin Lucas applaudissent également.
Moi, je vous invite à ne pas déborder !
L'amendement n° 722 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1266 de M. Erwan Balanant, rapporteur, est rédactionnel.
L'amendement n° 1266 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 707 .
Il s'agit d'améliorer le suivi psychologique des mineurs non accompagnés (MNA) pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Si la santé psychologique est vue comme le maillon faible du système pour tous les publics, ses manques sont d'autant plus criants pour celles et ceux qui ont subi de grands traumatismes. Il s'agit aussi d'améliorer l'accompagnement administratif de ces jeunes. Qu'ils soient accueillis dans le cadre de la PJJ ou de l'aide sociale à l'enfance (ASE), cet accompagnement laisse en effet à désirer.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Il me semble que la rédaction actuelle de l'alinéa 78 répond à vos préoccupations. C'est pourquoi je demande le retrait de votre amendement.
Même avis. S'agissant du volet administratif, le suivi est d'ailleurs départemental.
L'amendement n° 707 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Émilie Chandler, pour soutenir l'amendement n° 1179 .
Il traite aussi des violences intrafamiliales et des pôles spécialisés. Au-delà des différents acteurs qui intégreront les pôles spécialisés et devront bénéficier d'une formation renforcée, l'ensemble des acteurs judiciaires doivent être formés à cette matière, étant donné qu'ils sont amenés à connaître ces situations de violences intrafamiliales au vu de l'organisation actuelle des juridictions.
Je le vois comme un amendement d'appel car nous n'allons pas établir le programme complet de l'École nationale de la magistrature (ENM) dans le rapport annexé, en additionnant des modules d'enseignement. Pour ma part, je verrais bien des ajouts liés à la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, et chaque député va arriver avec sa liste de courses. Sans nier l'intérêt de votre préoccupation, je pense que ce n'est pas la bonne manière de procéder. C'est pourquoi je demande le retrait de votre amendement.
Je suis favorable à cet amendement.
J'abonderai dans le sens du rapporteur. Nul ne peut nier, surtout en cette période, l'intérêt de se pencher sur les violences intrafamiliales.
Cependant je me demande si c'est bien à nous, législateurs, d'élaborer les maquettes – je reprends le terme employé par les universitaires – d'enseignement. En effet, nous risquerions d'oublier certains points mais aussi, à l'inverse, de surcharger le programme. L'ensemble pourrait apparaître comme lourd et indigeste.
Je me permets de vous mettre en garde face à cette difficulté car, parfois, le diable se cache dans les détails. Toutefois, nous, députés du groupe Les Républicains, approuvons bien sûr la totalité des propositions qui ont été formulées en la matière. Comme vous le savez, nous avons défendu – Aurélien Pradié en tête – bon nombre de textes législatifs sur les violences intrafamiliales, comprenant notamment des expérimentations.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 100
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 73
Contre 3
L'amendement n° 1179 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l'amendement n° 1419 .
…j'aimerais insister sur la nécessité de lutter efficacement contre la violence faite aux enfants. Je rappelle que, d'après les chiffres de l'association L'Enfant bleu, en France, deux enfants décèdent chaque jour des suites de maltraitance.
Je vous propose donc, par cet amendement, d'insérer dans le rapport annexé l'alinéa suivant : « […] il sera mené une réflexion sur la suppression des aménagements de peine ainsi que sur l'établissement de peines planchers […] en cas de violences physiques faites aux mineurs occasionnant une incapacité totale de travail supérieure à huit jours. »
Une telle réflexion permettrait selon nous de lutter de manière efficace contre cette violence, c'est pourquoi nous souhaiterions que cette idée figure dans le rapport annexé.
Tout d'abord, je suis défavorable aux peines planchers – ce n'est pas un mystère – pour des raisons que j'ai déjà eu l'honneur de développer ici. Toutefois, ce n'est pas tout à fait le sujet de cet amendement.
Puisque vous avez évoqué une suppression des aménagements de peine, je vous signale que j'ai supprimé les remises de peine automatiques. Je les ai subordonnées à l'effort accompli, mesuré à l'aune des capacités de chacun – c'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai conçu le contrat d'emploi pénitentiaire.
Comme vous pouvez l'imaginer, je suis défavorable à votre amendement.
Je sais que vous avez supprimé les remises de peine automatiques, une mesure qui figurait dans notre programme – au passage, je vous en remercie.
Je l'avais fait avant ! C'est vous qui m'avez copié !
Vous êtes sur la bonne voie. Vous pourrez réfléchir avec moi à la suppression des aménagements de peine lorsque les faits visent des mineurs.
Enfin, personne ne croit que la sévérité des peines est un facteur qui permet d'éviter la récidive. Or il suffit de voir ce qui se passe dans certains pays – auxquels, par ailleurs, bien sûr, nous ne voulons pas ressembler –, comme le Cambodge, pour constater que, curieusement, lorsque les peines sont très sévères, les infractions sont moins nombreuses.
J'aimerais donc que la législation soit un peu différente en France parce qu'il est indispensable que notre pays protège ses mineurs.
La question des victimes mineures est très importante. Nous ne sommes pas favorables aux peines planchers et nous sommes pour les aménagements de peine. Je tiens à le préciser car il faut sortir de l'idéologie selon laquelle il suffirait de durcir les peines encore et encore et d'enfermer davantage de personnes pour résoudre le problème. Ce n'est pas vrai du tout.
Nous avons eu ce débat cinquante-sept fois et demi ; bientôt ce sera la cinquante-huitième !
En revanche, il est nécessaire de mener une réflexion afin de savoir pourquoi de telles agressions ont lieu et comment on pourrait y remédier. En tout cas, ce n'est pas en voulant enfermer plus de personnes, plus longtemps et de manière violente que l'on résoudra le problème.
Merci pour cet éclairage précieux…
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 28
Contre 71
L'amendement n° 1419 n'est pas adopté.
L'amendement n° 138 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l'amendement n° 780 .
Voici encore un amendement relatif aux territoires d'outre-mer, qui sont toujours de grands délaissés.
Une nouvelle fois, nous ne demandons pas grand-chose. Il vise simplement, messieurs les rapporteurs et monsieur le ministre, à ajouter les quatre petites lignes suivantes après l'alinéa 86 du rapport annexé : « Afin de renforcer la visibilité du budget dédié aux territoires ultramarins, le ministère crée une ligne dans le budget de l'aide juridictionnelle dédiée à l'outre-mer, avec des dotations affectées par territoire en fonction des spécificités institutionnelles et de bassin de vie régissant chacune des collectivités ultramarines. »
Nous souhaitons ainsi souligner le fait que ces territoires sont oubliés et qu'il faudrait y remédier. J'espère que cet amendement ne recevra pas un avis défavorable – mais j'en doute.
À quoi cela sert-il de créer une ligne dans le budget ? Ce n'est pas cela qui compte mais bien les crédits que l'on alloue. Or 40 millions d'euros sont consacrés à cette question. Avis défavorable.
Même avis.
Nous sommes tous d'accord : le scrutin a été annoncé il y a cinq minutes.
Je mets aux voix l'amendement n° 780 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 106
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 14
Contre 83
L'amendement n° 780 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 1237 .
La Commission nationale consultative des droits de l'homme – la CNCDH – a formulé, au sujet de la Guyane et de Mayotte, un constat qui peut aisément être étendu aux autres territoires ultramarins : « Il est […] ressorti de plusieurs auditions que les dimensions culturelles et les particularités sociales de la Guyane et de Mayotte n'étaient pas suffisamment enseignées aux magistrats métropolitains primo-arrivants, avant leur prise de fonctions. Or, afin d'assurer un fonctionnement de qualité de la justice ultramarine, il est impératif de tenir compte de l'ensemble de ces spécificités […]. »
Certes, il existe des formations destinées aux magistrats souhaitant exercer en outre-mer. Toutefois, elles sont facultatives. Il serait nécessaire d'institutionnaliser leur existence et de peaufiner leur contenu. Tel est le souhait qu'exprime, par cet amendement, ma collègue Mereana Reid Arbelot.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le rapport de la CNCDH que vous avez cité date de 2017. Depuis, la situation a évolué et des mesures ont été prises. S'agissant de la formation continue, l'ENM propose une session intitulée « Être magistrat en outre-mer », au cours de laquelle interviennent des sociologues, anthropologues et historiens spécialistes des outre-mer.
L'amendement n° 1237 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements n° 139 de Mme Emeline K/Bidi et 1250 de Mme Mereana Reid Arbelot sont défendus.
Notre collègue Nicolas Metzdorf étant retourné en Nouvelle-Calédonie, je me charge de défendre cet amendement.
Il vise à préciser que les spécificités coutumières de certains territoires ultramarins doivent être prises en considération dans la sélection, la formation et l'accompagnement des candidats à la mobilité outre-mer.
Dans certains territoires comme la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna, la place de la coutume est en effet centrale au sein des populations locales. En Nouvelle-Calédonie, par exemple, différents droits coexistent, notamment le droit coutumier.
Il est donc essentiel, au moment de retenir des candidats à la mobilité, de procéder au préalable à une sélection et à une formation portant sur les questions coutumières pour faciliter la réussite de l'exécution des missions judiciaires.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir le sous-amendement n° 1535 .
J'approuve l'amendement défendu par M. Ghomi à quelques mots près. Par ce sous-amendement, nous suggérons d'ajouter la mention « le cas échéant ». Sous cette réserve, sémantique mais importante, nous sommes favorables à l'amendement.
Le sous-amendement n° 1535 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 81
Contre 3
L'amendement n° 369 , sous-amendé, est adopté.
Je me contenterai de dire que les amendements n° 1238 et 1239 sont défendus. En revanche, je prends le temps de vous détailler le contenu du n° 1240.
Cet amendement, déposé par ma collègue Mereana Reid Arbelot, prévoit que la politique de ressources humaines du ministère inclut la promotion et la systématisation d'initiatives innovantes afin d'améliorer l'accès au droit et à la justice en outre-mer.
Selon ma collègue, il est nécessaire de penser et d'adapter le système judiciaire en fonction de chaque population française qui habite en outre-mer et subit un déficit de structures d'accès au droit. Elle explique ainsi que la pirogue France Services de l'Est guyanais est un outil qui doit être systématisé et donne aussi l'exemple de la Polynésie, un territoire aussi vaste que l'Europe, où, pourtant, seules 3 îles sur 118 sont dotées d'un tribunal.
Il faut donc adapter les dispositifs pour que la justice soit rendue au plus près des citoyens dans ces territoires marqués par de longues distances qui rendent difficile l'accès à l'institution judiciaire.
Le Gouvernement ayant déposé un sous-amendement, je serai attentive à ce que dira le garde des sceaux.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir le sous-amendement n° 1536 .
Nous veillons bien sûr à proposer des dispositifs d'organisation judiciaire spécifiques aux outre-mer. Vous savez que des dispositions dans ce sens existent déjà dans les deux textes qui nous occupent ces jours-ci.
Je suis favorable à votre amendement. Je vous demanderai simplement de supprimer le mot « systématisation » afin d'éviter la trop grande rigidité à laquelle il conduirait.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements et sur le sous-amendement ?
La commission est défavorable aux amendements n° 1238 et 1239 et favorable à l'amendement n° 1240 , sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 1536 .
Je rappelle qu'il existe déjà des audiences foraines. Il y a eu d'ailleurs récemment un très bel article dans un journal du soir qui montrait comment ces audiences nomades amenaient de la République dans des territoires éloignés de l'Hexagone.
Même avis que le rapporteur.
L'amendement n° 1238 est adopté.
L'amendement n° 1239 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 1536 est adopté.
L'amendement n° 1240 , sous-amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Michèle Peyron applaudit également.
Sourires.
L'amendement n° 1247 propose que la politique des ressources humaines du ministère de la justice prévoie la création de formations dédiées à l'articulation entre droit commun et droit coutumier dans les territoires d'outre-mer. Les rédacteurs de cet amendement estiment en effet que des formations qualifiantes spécifiques à la complexité des systèmes judiciaires ultramarins sont essentielles à la bonne administration de la justice par les professionnels du droit.
Les amendements n° 1249 et 1251 , eux aussi déposés par Mme Reid Arbelot, sont défendus.
Quant à l'amendement n° 1207 de Mme Lebon, il revient sur une proposition déjà certes largement formulée, mais qu'il faut répéter une fois encore : les demandes de mutation doivent faire l'objet d'une vigilance accrue quand il s'agit de personnels venant d'outre-mer ou y vivant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Madame Faucillon, vous avez raison de tenter une nouvelle fois votre chance ; ce ne sera pas en vain, mais pas pour tous vos amendements. Je suis défavorable à l'amendement n° 1247 , favorable à titre personnel à l'amendement n° 1249 , même si la commission a adopté une position contraire, et défavorable aux deux derniers.
Même avis.
L'amendement n° 1247 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1249 est adopté.
L'amendement n° 1222 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement n° 523 .
Nous sommes tous d'accord pour considérer que la justice doit être rendue avec la même qualité et la même rapidité dans tous les territoires : c'est une question d'égalité en droit. Or l'étude d'impact attachée au projet de loi organique démontre qu'en Corse, le service public de la justice souffre d'un manque d'effectifs. Le projet loi de programmation contient des mesures ciblées pour l'outre-mer et pour certains autres territoires, et c'est tant mieux, mais il omet de mentionner, malgré ce constat, les actions que s'engage à déployer le ministère pour les juridictions en Corse. Le présent amendement propose de réparer cet oubli en mentionnant dans le rapport annexé les actions déployées pour la Corse, notamment les renforts temporaires de magistrats prévus dans le projet de loi organique, tout en indiquant que « le ministère s'engage à assurer des affectations pérennes de magistrats au bénéfice des juridictions corses ».
Favorable. Je laisserai le garde des sceaux exposer son argumentaire, parce que je sais que la Corse est une de ses préoccupations.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez la parole pour exposer votre argumentaire sur la Corse.
Monsieur Acquaviva, votre amendement va exactement dans le sens de mes propositions concernant les magistrats, dans le cadre du projet de loi organique, et concernant les greffiers, par la voie réglementaire. Un décret du 27 janvier 2023 prévoit déjà un système de délégation d'agents de greffe – décret qui avait d'ailleurs reçu un avis favorable de l'Assemblée de Corse –, et nous proposons le même système pour les délégations de magistrats en outre-mer et en Corse. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à cet excellent amendement.
L'amendement n° 523 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et LIOT.
La parole est à M. Philippe Ballard, pour soutenir l'amendement n° 1155 .
Même si, comme beaucoup d'agents de la fonction publique, le personnel de l'administration pénitentiaire bénéficie d'une indemnité de résidence, il rencontre de vraies difficultés pour accéder au logement. Certes, des dispositifs d'aide et de prêt pour faciliter l'accession au logement sont mis en œuvre, et l'administration réserve des logements pour ce personnel auprès des bailleurs sociaux ou auprès des collectivités locales. Toutefois, ces solutions sont très loin d'être suffisantes et, bien souvent, les logements proposés sont situés dans des zones où les agents sont en contact direct avec les familles des personnes détenues ou avec d'anciens détenus – c'est bien le problème. Dès lors, leurs propres familles sont bien sûr régulièrement harcelées, voire agressées. Les logements doivent être répartis de façon juste entre les services de l'État ; une priorité doit être donnée aux agents de la surveillance pénitentiaire, auxquels les préfectures doivent affecter des contingents supplémentaires de logements de fonction.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
C'est en effet un sujet de préoccupation important. Mais je vais vous demander de retirer votre amendement au bénéfice de l'amendement n° 476 de Mme Gatel, non parce qu'elle appartient à mon groupe ,…
« Oh, non ! » sur de nombreux bancs du groupe RN
…mais parce qu'elle ne propose pas de systématiser la démarche, ce qui permettrait de laisser une certaine marge de manœuvre aux préfectures.
Même avis.
Je viens de dire non deux fois à la systématisation, ce n'est pas pour l'accepter maintenant !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 31
Contre 57
L'amendement n° 1155 n'est pas adopté.
L'un des enjeux de ce projet de loi, c'est bien l'attractivité du métier et la fidélisation du personnel pénitentiaire ; le logement est un important levier à cet égard, particulièrement en zone tendue. Des efforts ont été faits en ce sens ces dernières années, et l'objectif de cet amendement est que les préfets facilitent « l'accès au parc social aux agents d'établissements pénitentiaires situés dans les zones tendues ».
L'amendement n° 476 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Philippe Ballard, pour soutenir l'amendement n° 1156 .
Je reviens sur la question que j'ai évoquée dans mon amendement précédent, manière d'insister. Il s'agit de vous alerter, monsieur le garde des sceaux, sur les très nombreuses situations dangereuses auxquelles sont confrontés les agents de l'administration pénitentiaire et leurs familles – vous en êtes conscient, comme en témoignent vos propos. Dans ma circonscription, plusieurs véhicules des personnels de la prison de Beauvais ont été incendiés sur le parking, et certains agents craignent pour leur intégrité en dehors de l'enceinte du centre pénitentiaire. Un agent témoigne : « C'est surtout pour ma famille que je m'inquiète. Maintenant, je vérifie que je ne suis pas suivi. » Il assure faire preuve désormais de prudence lorsqu'il regagne son domicile. Les policiers et les gendarmes font d'ailleurs de même. Les collectivités et les bailleurs sociaux devraient proposer – en priorité, soulignons-le – aux agents de l'administration pénitentiaire des logements dans des secteurs reconnus comme plus sûrs. C'est une question de bon sens qui devrait faire consensus, mes chers collègues.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Je ne vois pas comment on peut objectiver la notion de lieu sûr ou de lieu non sûr. Votre proposition serait donc impossible à mettre en œuvre. À défaut d'un retrait, l'avis sera défavorable.
J'entends votre préoccupation en matière de sécurité du personnel ; je ne détaillerai pas ici tout ce que nous avons mis en place pour mieux l'assurer, le ministère veillant à réserver les logements dans des quartiers qui présentent des garanties de sécurité pour les agents. Mais chaque agent est libre de choisir un logement dans la zone qu'il souhaite, en fonction, bien sûr, des logements disponibles proposés par les collectivités. Le ministère n'a pas, fort heureusement, de pouvoir d'injonction sur les collectivités en la matière ; même si je comprends le sens de votre amendement, il ne peut pas, pour cette raison, avoir d'effet. C'est pourquoi, à défaut d'un retrait, j'émettrai un avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 32
Contre 56
L'amendement n° 1156 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur Erwan Balanant, pour soutenir l'amendement n° 1224 .
C'est un amendement de précision, qui vise à spécifier que la réservation de berceaux pour les agents du ministère est une priorité pour les cinq années à venir « en prenant compte des besoins spécifiques sur chaque territoire ». Il s'agit donc de prendre en considération les particularités des territoires français et ultramarins.
L'amendement n° 1224 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Après l'alinéa 109, nous souhaitons insérer l'alinéa suivant : « Une politique de ressources humaines ne peut se passer d'un bilan social. Le ministère s'engage à réaliser annuellement un bilan social dans l'administration pénitentiaire, conformément au décret n° 2020-1493 du 30 novembre 2020 relatif à la base de données sociales et au rapport social unique dans la fonction publique. » Cela fait maintenant trois ans qu'il n'y a pas eu de bilan social dans notre administration pénitentiaire – trois ans, alors qu'il s'agit d'un milieu où, comme nous l'avons tous reconnu pendant plus de quarante heures de débats, le travail est difficile du fait de la surpopulation carcérale et de la faiblesse des rémunérations ; un milieu où le taux de suicide est supérieur de 20 % à la moyenne nationale. Vous nous avez dit, monsieur le garde des sceaux, que vous preniez en considération le personnel pénitentiaire. Or vous ne faites même pas le minimum auquel l'État s'est engagé par le décret précité, à savoir réaliser un bilan social ! Il s'agit donc, par cet amendement, de faire du bilan social une obligation légale. Il est anormal que l'État use de violence sur ses agents par le refus d'accomplir le minimum syndical en matière de ressources humaines !
M. Jean-Philippe Nilor applaudit.
Nous n'allons pas ajouter dans un rapport annexé une obligation qui existe déjà dans la loi : ce serait quelque peu saugrenu. L'avis est donc défavorable.
Même avis.
J'interviens pour défendre avec détermination cet excellent amendement, mais aussi pour indiquer à M. le rapporteur Balanant qu'il est choquant de parler, comme il l'a fait, de territoires français et de territoires ultramarins. Cela veut-il dire que ces territoires qu'on appelle les outre-mer ne font pas partie de la France ?
Ma préoccupation pour les territoires ultramarins est, depuis que je suis député, sans faille. Je crois l'avoir prouvé au moment de la réforme du Cese – Conseil économique, social et environnemental –, lorsque nous nous étions bagarrés pour prendre ces territoires en compte de façon effective. En l'occurrence, la distinction était de mise puisque la série d'amendements dont il était question concernait les spécificités de l'outre-mer. Ces spécificités existent, tout comme il en existe pour la Corse. Je n'ai rien dit de plus.
L'amendement n° 1149 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Ballard, pour soutenir l'amendement n° 1157 .
Il vise à vous alerter sur la nécessité, pour le personnel pénitentiaire, de pouvoir témoigner de manière anonyme pour rendre compte d'incidents. Dans le cadre des procédures pénales, même si l'anonymat est de droit, de plus en plus d'agents de l'administration pénitentiaire agressés dans l'exercice de leur mission renoncent à déposer plainte par crainte de représailles.
Le compte rendu d'incident, le CRI, doit en principe comporter le nom, le prénom et la qualité de son auteur. Cependant, les textes permettent au chef d'établissement d'autoriser les agents rédacteurs qui « sollicitent le bénéfice de l'anonymat » à « s'identifier […] par le numéro de matricule porté sur leur carte professionnelle » si « des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient ». En pratique, en cas de recours, cette anonymisation pourrait constituer un motif d'annulation de la sanction disciplinaire.
Le présent amendement propose de rendre l'anonymat de droit, y compris pour ce qui concerne le numéro de matricule, dans le cadre des comptes rendus d'incident.
Quelque chose me chiffonne. Si un agent a été agressé, l'agresseur connaît forcément sa victime. Quel est alors le sens de l'anonymat ? Il est étrange de demander à un agent de témoigner anonymement face à celui qui l'a agressé. Avis défavorable.
Murmures sur les bancs du groupe RN.
Monsieur Ballard, vous dites vous-même que la procédure d'anonymisation existe déjà – vous rappelez d'ailleurs le texte de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le Conseil d'État a récemment rappelé que l'absence de mention de l'identité du rédacteur du compte rendu d'incident n'était pas de nature à vicier la procédure disciplinaire. Dès lors, je ne peux pas être favorable à votre amendement. Peut-être que, par le passé, il y a eu des annulations de la sanction disciplinaire, mais la question est désormais définitivement réglée.
Je voudrais revenir sur le débat précédent pour souligner qu'on ne fait pas la loi pour faire appliquer la loi. Je rappelle à mes collègues du groupe LFI que le rôle des députés n'est pas uniquement de faire la loi – ni de faire des vidéos quand on intervient dans l'hémicycle – : nous devons aussi contrôler l'action du Gouvernement. Certes, cela prend plus de temps, mais si vous estimez que la loi ou des dispositions réglementaires ne sont pas appliquées, vous êtes libres de vous y intéresser. Quoi qu'il en soit, notre travail ne consiste pas à écrire des lois qui demandent d'appliquer la loi.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 30
Contre 64
L'amendement n° 1157 n'est pas adopté.
L'amendement n° 380 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 507 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 43 , par le groupe Rassemblement national, et sur les amendements n° 403 et identique, par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Yoann Gillet, pour soutenir l'amendement n° 43 .
Nous souhaitons appeler votre attention sur un sujet sensible : le manque de moyens dont pâtit la justice dans les outre-mer. Les institutions judiciaires des territoires ultramarins, sinistrées, sont durement touchées par l'engorgement, dû à l'insuffisance des moyens humains. Tout le monde ici en est conscient. Il y manque de très nombreux postes de magistrat et de greffier pour rendre la justice dans des conditions dignes et acceptables. Cette insuffisance des moyens de fonctionnement conduit à sacrifier de nombreux contentieux : les magistrats et les greffiers sont surmenés et ressentent une profonde souffrance au travail. Compte tenu des graves sous-effectifs et de la fréquence des mutations, le parquet n'est pas en mesure de conduire certaines enquêtes complexes dans ces territoires. La charge de travail comme les attentes des justiciables augmentent. Au total, la justice ne peut plus remplir sa mission régalienne.
Il n'est pas acceptable, monsieur le garde des sceaux, que nos compatriotes ultramarins n'aient pas accès à la justice dans des conditions normales. Nous appelons votre attention, avec gravité, sur cette situation préoccupante qui exige de prendre des actions sérieuses et pragmatiques.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 29
Contre 59
L'amendement n° 43 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1241 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Déposé par mon collègue Max Mathiasin, il vise à permettre de renouveler la durée de présence des brigades de soutien dans les territoires d'outre-mer. En effet, la durée de six mois prévue par le présent texte peut se révéler trop brève si l'on tient compte du temps d'adaptation des renforts et du stock de dossiers à traiter.
La parole est à M. Marcellin Nadeau, pour soutenir le sous-amendement n° 1469 .
Le rapport de la Défenseure des droits insiste sur la nécessité d'une approche volontaire tenant compte du contexte des outre-mer, notamment de l'insuffisance des magistrats et des greffiers. L'absence, dans nos territoires, d'une série de structures est également source d'inégalités. J'ai ainsi eu l'occasion, monsieur le garde des sceaux, de vous interpeller indirectement – vous n'étiez pas là – sur l'absence d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) et d'unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), dont nous avons besoin pour faire face aux difficultés que nous connaissons dans le domaine pénitentiaire.
Nous proposons de tenir compte de la situation particulièrement dégradée dans les territoires dits d'outre-mer, en permettant aux brigades de soutien de rester plus de six mois dans les collectivités concernées.
La création d'un dispositif expérimental de soutien aux juridictions ultramarines, notamment en Guyane et à Mayotte, a constitué un début de réponse au manque de personnel. Ce dispositif repose sur un appel à candidatures de magistrats expérimentés et rapidement opérationnels. Un système analogue est également mis en place dans ces deux juridictions pour les personnels de greffe. Les membres de ces brigades de soutien seront accompagnés : ils peuvent compter sur la prise en charge de leurs frais de transport et de résidence, sur la fourniture d'un logement meublé et équipé, et ainsi de suite. C'est une réponse immédiate à un problème crucial.
La question est de savoir si six mois représentent un délai suffisant. La réponse est non : il faudra bien plus de temps pour que le ministère déploie un autre dispositif destiné à valoriser les destinations professionnelles que sont Mayotte et la Guyane, et pour que le concours national à affectation locale pour le recrutement de greffiers dans ces territoires soit mené à bien.
J'espère que cet amendement pertinent sera voté à l'unanimité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 433 de M. Max Mathiasin est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Vous soulevez une préoccupation importante. Le rapport comme le texte prévoient une série de mesures visant à régler le problème de l'engorgement des juridictions ultramarines et les difficultés liées à l'absence des mêmes services qu'en métropole. Les brigades de soutien, vous l'avez dit, permettront de projeter des magistrats dans les outre-mer pour une durée de six mois ; renouvelée deux ou trois fois, celle-ci équivaudrait quasiment au temps d'une affectation. Pour les magistrats ayant une famille, c'est une autre logistique : certes, ils sont accueillis et ont un logement, mais douze mois, cela commence à faire long.
J'émettrai donc un avis défavorable sur tous les amendements et le sous-amendement, tout en soulignant que les moyens supplémentaires considérables que nous avons votés, tout comme les engagements que le garde des sceaux a pris en cette matière, permettront de répondre aux engorgements qui affectent les juridictions ultramarines. Cependant, n'oublions pas que d'autres territoires sont également exposés à ce problème. Nous réparons les conséquences d'une longue période d'abandon de la justice, et c'est cette action d'ensemble qui permettra de régler les difficultés.
Même avis.
Le sous-amendement n° 1469 n'est pas adopté.
L'amendement n° 432 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 106
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 13
Contre 91
L'amendement n° 433 n'est pas adopté.
Je me permets de présenter l'amendement de mon collègue Nicolas Metzdorf qui, comme vous le savez, se trouve actuellement dans sa circonscription. Il vise à lancer une réflexion sur une plus large expérimentation des brigades de soutien en outre-mer. En effet, les territoires ultramarins ont souvent de grandes difficultés à recruter et à maintenir les effectifs dont ils disposent dans tous les corps de métier de la justice. À l'image de la réserve sanitaire, il paraît intéressant d'étudier si, ponctuellement, l'État ne pourrait pas renforcer les effectifs des territoires ultramarins en fonction des besoins et dans l'attente de recrutements plus durables.
M. David Valence applaudit.
Je veux féliciter Nicolas Metzdorf qui, par cet amendement, exprime son souci d'un bon fonctionnement du service public de la justice en Nouvelle-Calédonie. Néanmoins, je demanderai qu'il soit retiré, faute de quoi l'avis sera défavorable, car il me semble satisfait. Si les conditions de lancement des brigades de soutien sont remplies pour la Nouvelle-Calédonie, il est évident que ce dispositif s'appliquera ; il n'est pas besoin d'en rajouter avec cet amendement. Reste que je remercie notre collègue de l'avoir déposé.
Même avis.
L'amendement n° 370 n'est pas adopté.
Chers collègues, vous êtes nombreux à m'avoir interrogée sur l'organisation de nos travaux. Nous avons repris nos discussions sur ce texte à dix-huit heures trente. Si nous voulons les achever demain à vingt heures, il nous faut tenir un rythme de quarante amendements à l'heure. Nous venons d'en examiner quarante-sept en une heure :
Mmes Cécile Untermaier et Michèle Peyron applaudissent
si nous conservons ce rythme, nous aurons clos les débats demain à dix-neuf heures. Je vous invite donc à poursuivre dans cette voie, mais c'est à vous d'en décider !
Au moins, vous ne pourrez pas me reprocher de ne pas vous avoir communiqué cette information.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 873 par le groupe Renaissance, ainsi que sur les amendements n° 315 et identiques par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES).
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l'amendement n° 1441 .
Si la justice judiciaire mérite des moyens suffisants, la dualité des institutions implique que la justice administrative et les difficultés qu'elle connaît soient aussi prises en considération. Le rapport annexé n'y fait pas référence : aussi cet amendement vise-t-il à s'assurer que le ministère de la justice y prêtera une attention particulière durant les années couvertes par le présent texte. Nous proposons de consentir un effort supplémentaire en faveur des juridictions administratives et, notamment, de réviser les procédures relatives au droit des étrangers, afin de les simplifier. En effet, la massification de ces procédures entraîne l'encombrement des juridictions concernées et l'allongement des délais au détriment des justiciables, qui peuvent attendre plusieurs années avant d'obtenir une décision. Pour illustrer ce propos, le contentieux des étrangers représentait 41,6 % de l'activité des tribunaux administratifs en 2021 – soit près de la moitié –, ce qui empêche logiquement un traitement diligent des autres dossiers soumis à cette même juridiction.
M. Yoann Gillet applaudit.
L'amendement n° 1441 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à réécrire l'alinéa 149, adopté en commission, qui, dans sa version initiale, portait sur l'utilisation d'outils à même de préserver la souveraineté des données personnelles, grâce à des solutions technologiques françaises ou européennes. Il nous a paru nécessaire de préciser cette rédaction, qui nous semblait un peu trop impérative. Aussi, je vous propose la formulation suivante : « Renforcer la souveraineté du ministère de la justice [c'est là une première différence] en favorisant dès que cela est possible [formule moins impérative] des solutions technologiques développées par des entités françaises ou situées dans l'Union européenne, de nature à préserver la maîtrise, la pérennité et l'indépendance du système d'information du ministère de la justice ainsi que la protection des données personnelles gérées par le ministère. »
L'amendement n° 873 de Mme Abadie n'est pas si différent du mien, mais il s'avère moins-disant dès lors qu'il ne spécifie pas la protection des données personnelles. Je lui demanderai donc de le retirer, au profit de mon amendement.
La parole est à Mme Caroline Abadie, pour soutenir l'amendement n° 873 .
Notre collègue Clara Chassaniol avait fait adopter, en commission, un amendement qui ajoutait au plan de transformation numérique du ministère de la justice un neuvième objectif, celui de faire de la souveraineté du traitement des données une priorité, en privilégiant des solutions développées en France ou au sein de l'Union européenne. Nous avons voulu concrétiser cette ambition dès le stade de la commission, d'où la rédaction réajustée que nous vous proposons. En effet, il est parfois impossible d'exclure des outils extraeuropéens, soit pour des raisons technologiques, soit pour des raisons juridiques, eu égard aux règles de la commande publique européenne.
Entre les deux, mon cœur balance ! Naturellement, vient le moment de savoir lequel des deux l'emporte, ce qui va faire un déçu. Le Gouvernement préfère l'amendement de Mme Abadie, pour les raisons qui ont été parfaitement explicitées s'agissant des outils extraeuropéens. Cela me paraît davantage pragmatique et plus proche de situations que nous aurons à connaître. Je suggère donc à M. le rapporteur de retirer son amendement, au profit de celui de Mme Abadie.
Comme vous le savez, je suis pugnace : mon amendement couvre totalement la question des outils extraeuropéens, auxquels il est parfois nécessaire de recourir, et répond donc parfaitement aux préoccupations du garde des sceaux. Détail important, qui parlera à certains d'entre vous : je n'oublie pas le sujet de la souveraineté et, surtout, je propose de protéger les données personnelles gérées par le ministère. J'insiste, mon amendement est mieux-disant : je vous invite donc, une nouvelle fois, à le voter.
Je ne me ferai pas ici l'arbitre entre les deux amendements. Leurs auteurs expriment une préoccupation que nous partageons, et que nous avons d'ailleurs déjà évoquée, avec Philippe Latombe, dans d'autres circonstances – je pense aux images ou aux vidéos captées par des caméras de sécurité. Ce n'est pas la première fois que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), ou d'autres instances, s'y intéresse.
Il est essentiel que le ministère travaille sur la question de la souveraineté et de la protection des données – je sais qu'il s'en préoccupe déjà. Nous parlons ici de données sensibles : elles ne sont certes pas assimilables à des données de santé, qui sont encore plus protégées, mais elles soulèvent des difficultés. Il faut absolument que, dans un cadre au minimum européen, à défaut d'être purement franco-français, nous puissions protéger nos données et nous assurer que l'ensemble des données publiques ne tombent pas dans de mauvaises mains ou ne soient pas soumises à l'extraterritorialité – comme cela s'est produit pendant l'état d'urgence sanitaire avec la Plateforme des données de santé, ou même avec Microsoft. D'ailleurs, ce problème n'est toujours pas résolu : la poussière est encore cachée sous le tapis !
Pas du tout !
Reconnaissez que le problème n'est pas tout à fait résolu, monsieur le garde des sceaux ; il subsiste quelques difficultés. Enfin, nous ne parlons pas ici des données de santé, mais de celles qui sont gérées par le ministère de la justice – à chaque séance suffit sa peine ! En définitive, nous soutiendrons l'amendement de Mme Abadie, qui ne contredit pas celui du rapporteur, mais qui va un peu plus loin.
L'amendement n° 1227 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 106
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 104
Contre 0
Mme Sarah Tanzilli applaudit.
Il vise à intégrer la question de l'intelligence artificielle dans le rapport annexé. Appliquée à la justice, l'intelligence artificielle est susceptible de remettre en question les métiers du secteur judiciaire. Nous savons que certaines start-up spécialisées ont développé des logiciels destinés à accompagner les acteurs de la justice ; ces logiciels assistent le juge, mais pourront aussi peut-être, un jour, assister le justiciable – ChatGPT pourrait l'aider à gagner son procès devant les tribunaux, par exemple. La volonté d'une justice plus rapide et les avancées technologiques peuvent laisser craindre, à terme, l'émergence d'une justice déshumanisée. Aussi, il nous semble qu'une législation claire et précise devra s'emparer rapidement de ce sujet.
Cet amendement, que nous avions déposé en commission des lois et que nous avons depuis retravaillé avec M. Balanant en vue de la séance, tend à inscrire, parmi les objectifs du plan de transformation numérique du ministère de la justice, le développement strictement encadré des systèmes d'intelligence artificielle dans le monde judiciaire.
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 1221 .
C'est un très bon amendement que celui que Mme Untermaier et moi-même avons travaillé ensemble – celui que je défends présentement est strictement identique. Ils visent à prendre en compte la question de l'intelligence artificielle, à laquelle nous sommes tous confrontés ; son développement galopant et ses effets sur les décisions de justice ont de quoi nous inquiéter. Nous devons nous préoccuper de ce sujet, et il nous faut définir un cadre. Ceux qui recourent à ces outils à des fins documentaires, de recherche, de traitement et d'analyse de corpus de textes savent combien ils sont puissants. Ces amendements visent à lancer une réflexion sur l'aide à la décision que peut constituer l'intelligence artificielle pour le magistrat, tout en préservant l'idée essentielle que c'est bien lui qui prend la décision, et non l'outil.
Même avis.
L'amendement n° 314 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 102
Contre 2
Nous avons examiné cet amendement en commission des finances puis en commission des lois, et la majorité a jugé utile – elle a eu raison – de fixer l'échéance à 2027. Le texte disposerait ainsi : « À horizon 2027, sauf impossibilité liée à la particularité du dossier ou à une volonté expresse de l'auteur, toute transmission au tribunal par voie numérique est exclusive d'une transmission papier, que ce soit par les avocats, les services d'enquête, la protection judiciaire de la jeunesse, ou tout autre acteur ?uvrant dans le domaine de la justice. »
C'est vraiment un amendement de bon sens : il ne sert pas à grand-chose de se lancer dans le numérique si c'est pour continuer à imprimer les documents ! Je suis favorable à cet excellent amendement.
L'amendement n° 316 est adopté.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 472 , faisant l'objet de deux sous-amendements.
Nous sommes tous convaincus que le numérique facilite grandement les démarches des professionnels de la justice comme des justiciables. Nous avons tous aussi conscience, cependant, du fait que pour des raisons diverses, certains justiciables n'ont pas accès à l'outil informatique ou ne le maîtrisent pas suffisamment bien. Le principe d'égal accès à la justice, évidemment primordial, s'en trouve remis en cause. Le présent amendement vise à s'assurer que la transition numérique ne laisse pas de côté ceux qui manquent des compétences ou des outils nécessaires, afin de garantir un accès équitable aux informations et aux services juridiques.
Le sous-amendement n° 1524 propose de remplacer le verbe « garantir » par le verbe « favoriser », pour offrir davantage de souplesse. Le sous-amendement n° 1527 , quant à lui est rédactionnel : il vise à remplacer les termes « par voie numérique » par « sur support numérique », une expression qui me semble plus correcte.
Vous l'aurez compris : sous réserve de l'adoption de ces sous-amendements, j'émets un avis favorable à l'amendement n° 472 de Mme Lingemann.
Favorable aux deux sous-amendements et à l'amendement.
Pourriez-vous simplement nous expliquer, monsieur le rapporteur, la raison pour laquelle il ne serait pas possible de garantir la possibilité de réaliser toutes les démarches sur support électronique ou par voie papier ? Il ne suffit pas de dire que l'on ne pourra pas le faire, il faut expliquer pourquoi.
Je ne peux pas vous répondre ici et maintenant. Lorsque l'on étudie le droit constitutionnel en effet, on consacre parfois plusieurs longues séances de travaux dirigés (TD) à la différence entre les verbes « garantir » et « favoriser ».
M. Maxime Minot s'esclaffe.
Vous comprenez que le terme « garantir » est plus contraignant que « favoriser ». Or nous préférons choisir celui qui nous offrira de la souplesse car, dans de nombreuses situations, nous n'avons pas la capacité de garantir.
Je n'ai pas d'exemple en tête, mais je puis vous indiquer qu'en droit, on utilise généralement le terme « favoriser » et non le terme « garantir ».
Aucun député ne peut habituellement prendre la parole après que le rapporteur a répondu. Toutefois, ce dernier ayant saisi le micro avant même que j'aie pu donner la parole à M. Philippe Gosselin, je la cède à présent à ce dernier de façon exceptionnelle.
Il y a là un vrai sujet. Ce sont tout de même 8 millions de nos concitoyens qui rencontrent des difficultés pour utiliser le numérique – soit parce qu'ils en sont très éloignés, soit parce qu'ils n'ont pas de connexion, soit enfin pour des raisons socio-économiques. Huit millions ! Il est évident que l'on finira par tout numériser mais, pendant la phase de transition, personne ne doit se sentir abandonné sur le bord du chemin. Au reste, l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) rencontre des difficultés, vous le savez, pour l'établissement de passeports, de cartes d'identité et de certificats d'immatriculation – que l'on appelait cartes grises dans l'ancien monde.
Face à l'omniprésence du numérique, de nombreuses personnes se retrouvent sur le bord du chemin, sans service à appeler pour les aider à résoudre leurs problèmes. Il me semble donc important de garantir pendant un certain temps la possibilité de réaliser toutes les démarches par voie papier, et non pas simplement de la favoriser. Cela peut paraître un peu fastidieux, et ça l'est sans doute, mais c'est aussi une garantie de proximité et d'accessibilité de la justice. J'ajouterai, monsieur le rapporteur, que votre réponse, s'agissant du choix du terme « favoriser » plutôt que « garantir », manquait pour le moins de clarté. Je ne refuserais pas quelques séances de TD, mais sans doute choisirais-je un autre maître de conférences ou chargé de TD.
M. Maxime Minot s'esclaffe et applaudit. – Mme Andrée Taurinya et M. Andy Kerbrat applaudissent également.
Toujours aussi courtois, monsieur Gosselin ! Là, c'est vous qui êtes pédant.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 106
Nombre de suffrages exprimés 105
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 105
Contre 0
L'amendement n° 472 , sous-amendé, est adopté.
Puisque vous aimez mes conseils, chers collègues, je vais me permettre de vous en donner un. Les débats dans cet hémicycle ont une grande importance, je ne dirai jamais le contraire. Mais nous sommes en train de courir un marathon, et courir très vite la première heure pour ralentir ensuite ne permet pas de gagner le lendemain avant 20 heures comme vous le souhaiteriez !
Il y a encore deux textes à examiner après celui-ci, madame la présidente !
La parole est à M. Marcellin Nadeau, pour soutenir l'amendement n° 950 , faisant l'objet d'un sous-amendement.
Cet amendement proposé par notre collègue Elsa Faucillon reprend des préconisations formulées par la Défenseure des droits dans son rapport de 2022 relatif à la dématérialisation des services publics. Il s'agit d'éviter que la numérisation ne se substitue aux autres moyens de communication, pour en faire plutôt un complément aux moyens existants afin de ne pas enfermer l'administré – en l'occurrence, le justiciable – dans un carcan.
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 1525 .
Votre propos est intéressant et j'émettrai un avis favorable à votre amendement, monsieur Nadeau. Je vous propose néanmoins, avec le présent sous-amendement, de supprimer les termes finaux, « et non un carcan imposé à tous ». Certaines personnes sont en effet très heureuses de profiter des outils numériques, même si d'autres le sont beaucoup moins, parce qu'elles ne disposent pas des connaissances techniques ou du matériel nécessaires. En modifiant la rédaction de votre amendement comme je vous le propose, nous pourrons prendre en compte les préoccupations des utilisateurs les moins à l'aise avec le numérique, sans exclure ceux qui préfèrent les opérations dématérialisées. J'émets un avis favorable à votre amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 1525 .
Le sous-amendement n° 1525 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 950 , sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à préciser que le passage au cloud, prévu par la doctrine « cloud au centre » du Gouvernement, ne peut s'opérer, s'il est développé par un tiers, que sur un cloud labellisé SecNumCloud. Ce label est un référentiel développé par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), assurant un certain niveau de sécurité et de protection, notamment contre les lois extraterritoriales de pays extraeuropéens.
L'alinéa 166 du rapport annexé tient compte de votre préoccupation. En outre, votre amendement est sans doute un peu trop précis. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
MM. Laurent Jacobelli et Maxime Minot rient.
C'est une réalité, monsieur Minot ! Nous prenons en compte la question du cloud, mais l'amendement n° 1302 est beaucoup trop technique pour un rapport annexé.
Ce n'est pas à notre main !
Même avis.
Je suis surpris de votre réponse, monsieur le rapporteur, car j'ai souvenir d'un amendement de MM. Latombe et Lopez-Liguori, dont M. Naegelen et moi-même étions cosignataires, qui avait été adopté lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Il n'avait certes pas été retenu ensuite lors de la CMP, son caractère transpartisan ayant beaucoup dérangé la gauche, mais il avait été jugé valide lors de nos débats et voté par la majorité. Aujourd'hui il serait trop précis…Votre réponse est étrange.
Conservons le principe d'un cloud sécurisé sans aller jusqu'à choisir un label. C'est la mention du label qui me pousse à considérer que cet amendement est trop précis, et rien d'autre.
L'amendement n° 1302 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 723 .
Nous devons avoir, pour le numérique, les mêmes ambitions de souveraineté que pour les autres industries. Nous proposons d'orienter les grands projets du ministère vers l'usage exclusif de logiciels libres. Ils sont nombreux et permettent de faire aussi bien, parfois même mieux que les logiciels privés développés, par exemple, par Microsoft ou Apple. Nous devons à tout prix nous émanciper de ces Gafam, pour éviter un nouveau scandale de type Echelon – lorsque la France était copieusement espionnée par ses amis d'outre-Atlantique.
Sourires.
Dans le domaine judiciaire, l'enjeu de la souveraineté est plus important encore car il ne s'agit pas de visées simplement économiques. Des procédures confidentielles sont à la merci des propriétaires des logiciels privés, qui peuvent décider à leur guise d'en modifier les modalités d'exploitation, détiennent le code source et peuvent y implanter des mouchards.
Par ailleurs, nous souhaitons que le processus de dématérialisation de la procédure pénale soit simplifié afin que les agents de la justice puissent travailler dans de meilleures conditions. Alors que la police ou la gendarmerie n'ont qu'un logiciel qui centralise toute leur activité, les services de l'administration judiciaire en utilisent au moins cinq, ce qui multiplie d'autant les codes et les modalités de connexion.
L'amendement n° 723 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, le Fijaisv, recense les personnes majeures et mineures condamnées pour certaines infractions pénales sexuelles ou violentes – viol, agression sexuelle, atteinte sexuelle sur mineur, proposition sexuelle à mineur de moins de 15 ans par un moyen de communication électronique, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de moins de 15 ans.
En 2021, le ministère de l'intérieur a enregistré 64 300 victimes de violences intrafamiliales non conjugales : 47 900 ont subi des violences physiques, 16 400 des violences sexuelles. Ces dernières sont presque toujours des violences sexuelles physiques – viol, agression ou atteinte sexuelle.
Étant donné que le Fijaisv répertorie déjà des infractions considérées par le ministère de l'intérieur comme des violences intrafamiliales non conjugales, cet amendement, déposé par Julie Lechanteux, vise à en étendre le champ, plutôt que de créer un énième fichier. Il pourrait être consulté par les employeurs dans le cadre de recrutements à des postes impliquant un contact avec des enfants, ce qui éviterait que des personnes condamnées pour des violences intrafamiliales ne se retrouvent à travailler avec des mineurs.
La lutte contre les violences intrafamiliales doit être une politique de bon sens, dont l'efficacité permettra de protéger au mieux nos compatriotes, notamment les plus vulnérables.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 26
Contre 54
L'amendement n° 42 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra