Lorsque le pouvoir exécutif choisit de ne pas utiliser toutes les ficelles réglementaires ou constitutionnelles à sa disposition pour contraindre le Parlement – et nous vous en remercions, monsieur le ministre –, le voilà obligé de reconnaître sa majorité toute relative et de trouver un compromis avec les autres forces politiques en présence. Le groupe Socialistes et apparentés s'en réjouit, non parce qu'il s'agirait de la marque d'une quelconque faiblesse gouvernementale, mais parce qu'enfin les parlementaires de l'opposition sont pris en considération pour l'élaboration de la loi – ce qui ne va pas de soi sous la V
À l'occasion de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale, nous vous avions fait part de nos inquiétudes sur la crédibilité de votre texte, et nous avions souligné ses insuffisances : l'absence, pour la deuxième fois consécutive, d'un Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, document pourtant indispensable à la participation effective de parlementaires et de personnalités qualifiées à la définition de notre politique de défense ; une trajectoire budgétaire reportant les principales hausses de crédits après 2027, laissant ainsi la place aux aléas politiques et économiques, comme en témoigne le contexte inflationniste actuel ; l'impossibilité d'une révision de la LPM, révision pourtant nécessaire au regard du contexte international mouvant dans lequel nous nous trouvons ; le manque de transparence, notamment des mesures de contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement.
Lors de l'examen du texte au Sénat, puis en commission mixte paritaire, le parlementarisme de fait que je viens d'évoquer vous a obligés à revoir votre copie. Nombre de propositions pourtant refusées ici en première lecture ont fini par être adoptées contre votre gré par la Chambre haute – notamment grâce au travail résolu des sénateurs socialistes –, puis acceptées dans le cadre des négociations en CMP.
Ainsi, la trajectoire financière a été modifiée, et prévoit désormais des augmentations de crédits plus linéaires et plus importantes dès le début de la programmation ; l'actualisation de cette LPM, qui interviendra au plus tard en 2027, devra obligatoirement passer par l'adoption d'un nouveau projet de loi ; la future LPM pour les années postérieures à 2030 devra être précédée d'un Livre blanc, dont la commission d'élaboration devra être réunie avant le 30 juin 2028 ; enfin, une commission parlementaire d'évaluation de la politique du Gouvernement d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés verra le jour – nous serons d'ailleurs particulièrement vigilants aux modalités de sa mise en œuvre.
Ces quelques victoires, qui ne relèvent jamais que du bon sens, ne nous empêchent pas de maintenir certaines réserves sur ce texte : le modèle d'armée complet n'est toujours pas questionné, malgré l'argument – largement employé – du retour d'un conflit à haute intensité sur le sol européen ; notre BITD ne bénéficiera pas de la confiance dont elle a besoin pour fonctionner sereinement, et qui aurait dû s'illustrer par un engagement public ferme et de long terme ; nos craintes au sujet de notre capacité à atteindre les standards otaniens de préparation opérationnelle ne sont pas totalement levées. La faculté de la France à être une nation cadre au sein de ses alliances et sa capacité à être chef de file de ses partenaires européens restent à démontrer.
Cette LPM n'est donc assurément pas historique, comme cela nous a pourtant été répété à maintes reprises lors des débats : dans les faits, elle correspond davantage à une actualisation de la précédente LPM. Elle ne constitue pas non plus le vecteur de la modernisation tant attendue des armées, laquelle est désormais repoussée à un horizon postérieur à 2030. Elle ne correspond évidemment pas plus à ce que nous aurions défendu si nous avions été au pouvoir à votre place.
Malgré cela, force est de constater que nos principales revendications ont été entendues – même si vous ne l'avez sans doute pas fait par conviction. Nous nous en félicitons, et c'est la raison pour laquelle nous voterons en faveur de cette nouvelle mouture de notre programmation militaire.