…mais nous avons abouti à un accord qu'il vous est proposé d'entériner en adoptant définitivement cette proposition de loi.
En dépit de son aspect technique, elle traite de sujets qui nous concernent tous quotidiennement : lutte contre le réchauffement climatique et l'érosion de la biodiversité, protection des ressources en eau, accès à une alimentation de qualité ainsi qu'au logement, développement d'infrastructures et de services publics, souveraineté alimentaire, industrielle et énergétique. Tout en traitant ces enjeux, il nous fallait maintenir le cap fixé par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience. Or rappelez-vous d'où nous partions : la proposition de loi adoptée par le Sénat prévoyait des dérogations à n'en plus finir, concernant des catégories entières de projets qui auraient été purement et simplement soustraits du décompte de l'artificialisation. Face à ce renoncement et à l'étalement urbain qu'il aurait entraîné, nous avons tenu bon : aucune de ces dérogations n'aura finalement été accordée.
Les grands projets nationaux se trouvaient au centre de l'attention. Inclus dans l'enveloppe nationale des droits à construire, l'enjeu consistait, plutôt que de les considérer arbitrairement comme non artificialisants, à sécuriser leur réalisation ; c'est chose faite, grâce au forfait que nous avions adopté en première lecture et qui a été préservé : il passe de 15 000 à 12 500 hectares, dont 2 500 réservés à l'outre-mer, à l'Île-de-France et à la Corse – territoires qui, de par leurs spécificités, ne sont pas tenus aux objectifs quantitatifs fixés par la loi « climat et résilience ». La clause de revoyure, dont l'application est prévue en 2026, permettra d'en dresser un état des lieux, sans qu'ils puissent affecter davantage les droits à construire locaux. Certains voulaient soumettre ces projets d'envergure nationale à un avis conforme du président du conseil régional : à ce pouvoir de blocage, nous avons préféré le dialogue en prévoyant une commission régionale de conciliation.
Autre sujet fondamental, la garantie rurale : initialement octroyée sans contrepartie, elle requerra désormais un document d'urbanisme prescrit, arrêté ou approuvé avant le mois d'août 2026 – une nécessité en vue de l'aménagement planifié, durable et respectueux de nos espaces naturels, agricoles ou forestiers. Ce prérequis étant posé, et pour n'écarter aucune commune rurale, la garantie rurale a été étendue à toutes les communes, quelle que soit leur densité, qui auraient consommé moins de 2 hectares au cours des dix dernières années. À droits à construire constants, bien entendu, ce sont tout au plus 317 hectares que les territoires devront allouer à ces communes, parmi les plus sobres sur le plan foncier. Parce que nous devons donner aux collectivités les moyens de nos ambitions, le sursis à statuer que nous avions adopté est lui aussi conservé ; le droit de préemption urbain est en outre étendu à la renaturation, contrairement à la version initiale du texte, sans interférer avec celui des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). Parce que la marche est haute et que ce texte aura un impact sur les travaux de planification engagés localement, les dates butoirs de révision des documents d'urbanisme ont été reportées à novembre 2024 pour les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), à février 2027 pour les schémas de cohérence territoriale (Scot), et à février 2028 pour les plans locaux d'urbanisme (PLU) et d'urbanisme intercommunal (PLUI).
On peut certes être nostalgique du texte adopté par l'Assemblée en première lecture, ou regretter de n'avoir pu aller plus loin : reste que la proposition de loi sénatoriale prévoyait des dérogations jusqu'à 75 000 hectares, tandis que le texte final sanctuarise l'objectif de réduction de moitié, d'ici à 2031, de la consommation d'espaces. Ce texte n'est pas celui d'un groupe, ni du Sénat ou de l'Assemblée, mais celui du Parlement dans sa diversité. Il se montre à la hauteur de l'enjeu climatique et ne renie nullement le courage qu'il a fallu au législateur pour voter la loi « climat et résilience », qui a engagé une révolution en matière d'aménagement du territoire. En sécurisant les projets structurants de demain, il permet d'avoir de grandes ambitions pour notre souveraineté alimentaire, industrielle ou énergétique. Enfin, il répond aux attentes des territoires, en particulier des plus ruraux, en leur donnant les moyens d'atteindre d'ici à 2050 l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) – objectif commun vers lequel nos regards doivent rester tournés. C'est pourquoi chers collègues, je vous invite à voter en sa faveur.