La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Avant d'appeler notre ordre du jour, je veux saluer M. Michel Moreau, secrétaire général de l'Assemblée et de la présidence, assis derrière moi.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Michel Moreau participe aujourd'hui à sa dernière séance de questions au Gouvernement. Il a consacré sa vie au service de l'Assemblée nationale puisqu'il y est entré en 1981
Applaudissements sur divers bancs
et en a gravi tous les échelons, jusqu'à atteindre le plus élevé d'entre eux, en 2016. Il a servi notre institution avec l'exigence et le professionnalisme qui font honneur à la fonction publique parlementaire.
Je tiens, en votre nom à tous, à l'assurer de la reconnaissance sincère de l'Assemblée nationale.
Mme la présidente, ainsi que Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent longuement.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Alors qu'un Français sur trois ne partira pas en vacances cet été, alors que la période estivale subit déjà les conséquences d'une inflation généralisée, alors que certaines urgences seront fermées ou régulées – c'est le cas dans l'Aube, mon département –, alors que la France connaît la plus haute augmentation du nombre de faillites d'entreprise de son histoire – une hausse de 50 % sur un an –, alors que les factures d'électricité ont augmenté de 15 % en février, nous apprenons une nouvelle hausse de 10 % des prix de l'électricité !
Concrètement, l'augmentation des prix de l'électricité s'est élevée à 31 % depuis deux ans, et à 26 % uniquement sur les six derniers mois. Monsieur le ministre, vous annonciez il y a quelques mois qu'il n'y aurait pas de rattrapage sur les tarifs de l'électricité en 2023. Qu'en est-il de votre parole ?
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Par votre mensonge, vous avez alimenté la défiance de nos compatriotes envers la parole publique. Quand reprendrez-vous le contrôle des prix de l'électricité et appliquerez-vous les mesures de bon sens défendues par Marine Le Pen ,
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
qui a proposé de revenir aux tarifs réglementés, de désindexer le prix de l'électricité sur celui du gaz, d'abaisser le taux de TVA de 20 % à 5,5 % sur toutes les énergies, y compris l'électricité, de soutenir une politique ambitieuse sur le nucléaire, et enfin de sortir du marché européen de l'électricité ? Au niveau européen, vos promesses de réforme ont d'ailleurs lamentablement échoué devant le refus allemand. Les mesures que nous proposons, en revanche, permettraient de rendre l'économie et les entreprises françaises attractives, dans l'intérêt du pouvoir d'achat des Français.
Avec vous, c'est la double peine pour nos compatriotes : ils paient toujours plus de taxes et l'électricité toujours plus chère. Mais où passe leur argent ? Monsieur le ministre, allez-vous agir ou allez-vous partir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cela vous déplaît de le reconnaître, mais au cours des deux dernières années, la France est le pays qui a le plus protégé ses concitoyens
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN
face à l'augmentation des prix de l'énergie .
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR
Dès le début de la crise énergétique, le Gouvernement et la majorité ont agi résolument pour protéger les Français, les collectivités locales et les entreprises face aux hausses des tarifs de l'électricité. Bouclier tarifaire, amortisseur électricité, filet de sécurité, chèque énergie : tous ces dispositifs ont été mis en œuvre en un temps record ces dernières années.
« Avec quel argent ? » sur les bancs du groupe RN.
Le bouclier tarifaire a représenté un effort massif de 40 milliards d'euros uniquement pour l'électricité sur la période 2022-2023. Nous avons fait ce choix pour protéger les Français et pour leur permettre de bénéficier de prix de l'électricité parmi les plus bas d'Europe.
Mme Marine Le Pen fait un signe de dénégation. – M. Sébastien Jumel s'exclame.
La majorité présidentielle peut être fière d'avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour protéger les Français !
L'irresponsabilité est du côté de ceux qui ont refusé de soutenir ces dispositifs,…
…du côté du Rassemblement national : comme à son habitude, vous parlez beaucoup, mais vous faites peu !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – « Mensonges ! » sur les bancs du groupe RN.
Quant à nous, au contraire, nous avons pris nos responsabilités. Si nous n'avions pas agi, et vous le savez, les factures d'électricité des Français auraient doublé en février.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Selon la Commission de régulation de l'énergie, les tarifs réglementés de vente d'électricité auraient dû augmenter de près de 75 %, mais le Gouvernement a opté pour une hausse limitée de 10 % au 1er août.
Nous resterons extrêmement vigilants avec M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire. Le maintien du bouclier tarifaire permettra de prendre en charge plus du tiers de la facture d'électricité des Français.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Il s'agit bien d'un soutien massif, monsieur Guitton !
Avec vos choix économiques, vous avez trahi les entreprises et les artisans.
Vous avez trahi nos fleurons industriels par électoralisme. Vous avez trahi la parole des Français. Un jour ou l'autre, ils vous balaieront dans les urnes !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je veux tout d'abord rendre hommage à Manon Labarre, une jeune sapeur-pompier de ma circonscription décédée en intervention samedi.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.
Merci pour elle ! Je redis à sa famille, à ses proches et à ses camarades du centre de secours de Culan à quel point la nation est triste aujourd'hui, mais fière aussi de son engagement et des valeurs qu'elle portait.
Monsieur le garde des sceaux, il y a maintenant un peu plus d'une semaine, les Français ont été les témoins de scènes d'une violence inouïe : 12 000 voitures brûlées, 105 incendies et dégradations de mairies, 168 attaques d'écoles, 17 atteintes aux élus. La lecture de ces chiffres témoigne de la gravité des exactions commises. Alors que nous nous apprêtons à discuter cette semaine d'un projet de loi visant à accélérer l'engagement des moyens nécessaires pour réparer les conséquences de ces violences, j'aimerais que vous nous rassuriez sur le fait que ces actes ne resteront pas impunis.
Je vous parle au nom de territoires ruraux comme le mien, qui n'ont pas participé aux émeutes, mais aussi au nom des zones qu'elles ont directement touchées, dont nombre des habitants ont désapprouvé ces violences et vu avec effarement leur déchaînement. La réponse immédiate des forces de sécurité intérieure a été à la hauteur et je remercie encore une fois leurs membres. Toutefois, il ne doit pas subsister de doute quant à la réponse pénale : notre pays a besoin que la loi s'applique fermement à tous.
Je connais votre engagement, monsieur le garde des sceaux : la circulaire adressée aux procureurs il y a quelques jours appelle à une réponse ferme, systématique et rapide. Vous avez également fait entrer en vigueur le code de la justice pénale des mineurs, qui réforme totalement le traitement judiciaire des affaires impliquant des mineurs délinquants ou criminels. Cette nouvelle procédure permettra-t-elle de prendre efficacement en charge ces émeutiers parfois très jeunes, dont le profil est bien particulier ? Où en sommes-nous des réquisitions et des peines prononcées ? De manière générale, quelle réponse pénale les tribunaux ont-ils apportée aux récentes émeutes ?
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Permettez-moi, tout d'abord, de m'associer au vibrant hommage que vous avez rendu à la jeune Manon, sapeur-pompier volontaire de votre département. Son engagement et celui de tous ceux qui protègent la République obligent chacun d'entre nous.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe LR. – M. Roger Chudeau applaudit également.
Dans la circulaire de la Chancellerie relative au traitement judiciaire des violences urbaines, datée du 30 juin 2023, et dans la dépêche relative aux festivités du 14 juillet, j'ai demandé – et je demande encore ici, devant la représentation nationale – que les procureurs de notre pays – totalement mobilisés et auxquels je rends solennellement hommage – apportent une réponse pénale « ferme, rapide et systématique » aux actes de violences urbaines qui ont été commis. Tel est le triptyque qui définit ma politique pénale, une politique de fermeté, sans démagogie.
J'ai aussi rappelé avec force que les personnes qui appellent à la violence et à la haine sur les réseaux sociaux ne peuvent se retrancher derrière l'anonymat. Il n'existe pas de zone de non-droit. De nombreuses poursuites ont été engagées et plus d'une dizaine de premières condamnations sont d'ores et déjà tombées.
Après plus de quinze jours, le bilan de la circulaire est à la hauteur et les chiffres parlent d'eux-mêmes. Entre le 27 juin et le 13 juillet, 1 278 jugements ont été prononcés, avec 95 % de condamnations, souvent avec mandat de dépôt. Plus de 1 300 défèrements au parquet ont eu lieu et 935 personnes ont fait l'objet d'une comparution immédiate. Par ailleurs, 1 056 personnes ont été condamnées à une peine d'emprisonnement, soit 90 % des condamnés, dont 742 à une peine d'emprisonnement ferme, c'est-à-dire 62 % d'entre eux. Le quantum moyen d'emprisonnement ferme s'élève à 8,2 mois. Près de 600 personnes ont été incarcérés et 608 mineurs ont été déférés.
La justice a répondu présente pour faire revenir l'ordre républicain aux côtés des policiers et des gendarmes. Mais après trente ans d'abandon, elle a besoin de votre soutien. J'appelle donc tous les républicains présents dans cet hémicycle sur les bancs de gauche comme de droite…
…à voter tout à l'heure en faveur du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, qui marque une hausse historique de plus de 7,5 milliards du budget de la justice.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
En ce 18 juillet, la canicule accable une partie de l'Europe et une vague de chaleur fait exploser le thermomètre au-delà des 40 degrés Celsius. Malgré le deuxième mois de juin le plus chaud de l'histoire de notre pays, le Gouvernement ne rougit pas de son déni climatique. M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire considère que ces températures n'ont rien d'extrêmes et sont plutôt « normales pour un été ». Mais non, monsieur le ministre, rien n'est normal dans ce que nous vivons !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
Notre maison brûle et, vingt et un ans après que le président Chirac a utilisé sa célèbre formule, nous regardons toujours ailleurs. En France, il est évident que nous n'avons pas, que vous n'avez pas, pris la mesure du combat à livrer. Nous sommes le 18 juillet et il n'y a toujours pas de conseil de la planification écologique, de nouveau reporté.
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le réchauffement climatique lui ne recule pas, mais il n'est pas la priorité du président Macron, qui élève au rang d'officier de l'ordre national de la Légion d'honneur le PDG de TotalEnergies, …
…une entreprise dont les projets écocides se développent au même rythme que les profits indécents.
La Cour des comptes a publié hier un rapport sévère sur l'absence de planification opérationnelle pour faire face à la dramatique raréfaction de la ressource en eau. Pourtant, des plans existent : certains pays ont déjà pris la mesure de l'ampleur des décisions à prendre. Par exemple, le pays de Galles annule ses projets routiers, car il est impossible d'atteindre l'objectif de la neutralité carbone sans changer les comportements, au lieu de le reproduire encore et encore.
Cette semaine, on essaie de nous vendre une nouvelle fable, celle de l'« industrie verte » qui, au lieu de remettre en cause le modèle d'une production sans limite, prétend résoudre par magie nos problèmes de décarbonation.
Monsieur le ministre, nous n'attendons pas de la part du Gouvernement des lendemains qui chantent, mais pour éviter des lendemains qui brûlent et qui épuisent les ressources, quand prendrez-vous enfin vos responsabilités ? Quand vos actions seront-elles à la hauteur de l'immense défi que nous devons relever ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Quand sortirez-vous des discours et des mots tout faits ?
Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Quand regarderez-vous le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat, par exemple ? Sa présidente, Corinne Le Quéré, indique que la France fait partie des dix-huit pays sur la planète qui, depuis dix ans, baissent tous les ans leurs émissions de gaz à effet de serre.
Quand regarderez-vous les chiffres du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique qui montrent que les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 2,7 % en 2022 ?
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Monsieur Raux, il est vrai qu'il faut accélérer : nous devons doubler le rythme de la baisse des émissions. Il est nécessaire d'agir sur tous les fronts.
Nous devons améliorer l'adaptation, car il y a déjà un réchauffement climatique irréversible.
Nous devons également atténuer les effets du changement climatique, en France et en mobilisant la diplomatie environnementale, pour que d'autres acteurs se mobilisent à nos côtés.
Nous devons conduire la planification écologique : quand nous tenons des conseils, vous prétendez qu'ils ne sont pas assez ambitieux, mais quand nous ne le faisons pas, vous nous dites qu'il faudrait les réunir.
La vérité, c'est que si les écologistes arrêtaient de penser que l'avenir de la planète est leur fonds de commerce, on aurait plus de chances de s'en sortir !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Vives exclamations continues sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je vous invite à sortir des postures, à regarder en face la réalité, à nous soutenir quand nous prenons des mesures qui vont dans le bon sens, à saluer l'annonce par Mme la Première ministre de la mobilisation de 7 milliards d'euros supplémentaires, ainsi que les efforts de formation qui ont été déployés.
Je vous invite à soutenir le plan d'adaptation au changement climatique et le plan eau.
Dès lors que ce n'est pas vous qui présentez ces mesures, vous faites comme si elles n'étaient rien. Les Français ne sont pas dupes, sinon, vous seriez dans une autre situation !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'Europe est frappée par une chaleur intense qui s'étend désormais sur toute la France et sur le bassin méditerranéen. Dans ce contexte compliqué pour nos concitoyens, les propos qu'a tenus le ministre de l'agriculture samedi dernier sur France Inter sont inacceptables.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Non, les températures que nous connaissons ne sont pas « des températures normales pour un été ».
Mêmes mouvements.
Le niveau de 68 % des nappes phréatiques se situe au-dessous des chiffres normaux en cette saison ; elles ne se sont pas rechargées depuis l'été dernier. Le mois de juin 2023 a été le mois le plus chaud après celui de 2003.
Les Français souffrent au travail et chez eux
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
dans 25 millions de bâtiments bouilloires thermiques pendant que des ultrariches, que vous récompensez par la Légion d'honneur, comme M. Pouyanné, PDG de TotalEnergies, …
…pratiquent avec gourmandise depuis des salons climatisés leur sport préféré : détruire la planète.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Qu'ont-ils fait pour mériter les honneurs de la nation ? Ils n'ont pas agi pour que les 330 000 sans-abri et les 4 millions de mal-logés supportent la vague de chaleur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Qu'en est-il pour nos concitoyens de Mayotte qui doivent faire face depuis hier à des coupures d'eau quotidiennes ? Ce matin, je vous ai adressé une lettre pour vous demander, au titre de l'article 50-1 de la Constitution, d'ouvrir un débat dans l'hémicycle pour un plan d'urgence pour Mayotte.
Mêmes mouvements.
Madame la Première ministre, quand, au lieu de décorer le roi du pétrole,…
…agirez-vous concrètement au service de la planète ? Il est indispensable de le faire pour nos concitoyens et pour le vivant.
Les députés des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES se lèvent et applaudissent. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je suis heureux de vous entendre parler du climat, alors que les seules températures qui vous intéressaient jusqu'à présent étaient celles des émeutes urbaines.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Le 8 juin dernier, quand le Gouvernement a présenté le plan national de gestion des vagues de chaleur, et dans les semaines qui ont suivi, où étiez-vous ?
Où étiez-vous au début du mois de juillet pour parler de l'eau ?
Vous souffliez sur les braises des émeutes dans les banlieues ! C'était là la seule température qui vous intéressait !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Venir dans l'hémicycle, prendre un micro et essayer de créer une polémique, alors que votre objectif véritable n'est pas de parler des vagues de chaleur,…
…mais du président de TotalEnergies.
Mme Mathilde Panot s'exclame vivement.
Il ne vous a pas échappé que M. Pouyanné n'a pas été décoré au titre de la transition écologique mais à celui de l'économie et des finances.
La vérité – et les vociférations de Mme Panot n'y changeront rien – est la suivante : ce qui a sidéré les Français ce week-end, n'est pas la liste des personnes promues à la Légion d'honneur, mais les propos indignes de Jean-Luc Mélenchon sur le Conseil représentatif des institutions juives de France, qui lui valent d'être accusé d'antisémitisme.
Vous pouvez tenter de faire diversion, mais ça ne trompe personne !
Vous voulez débattre du fond ; faisons-le !
Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Exclamations en réponse sur les bancs du groupe RN.
La planification écologique,…
…c'est nous !
Vives protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Les budgets, c'est nous ! Le plan, c'est nous ! L'adaptation, c'est nous ! Désolé, il vous reste l'outrance, les fake news comme celle de Mme Rousseau sur les « 60 degrés », et la confusion entre l'écologie politique et la sauvegarde de la planète !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vos provocations ne changeront rien, monsieur le ministre. Elles prouvent simplement que vous êtes en manque d'inspiration. Je vous invite donc à télécharger notre plan pour protéger l'eau sur notre site internet.
Applaudissements et exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Mme Mathilde Panot s'exclame.
Madame la présidente Panot, s'il vous plaît ! Vous n'avez pas la parole.
Vives exclamations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. Dans une réaction commune sans précédent, la quasi-totalité des partis politiques et groupes parlementaires des parlements français et européen se sont accordés pour contester la nomination, par la Commission européenne, de Fiona Scott Morton comme économiste en chef à la direction générale de la concurrence.
Cette bronca n'est en aucun cas une remise en cause du brillant parcours universitaire de cette professeure de Yale,
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN
mais elle vise son activité de lobbyiste pour Amazon, Apple ou Microsoft, entre autres, et son tropisme avéré en direction des grandes sociétés. Ce qui se profile n'est pas une future fonctionnaire au service de l'Union européenne, mais un conflit d'intérêts latent.
Cette nomination intervient dans un contexte d'adaptation, par le Parlement, dans notre droit national, des Digital Markets Act et Digital Services Act. Ces règlements européens prévoient de limiter la domination économique des grandes plateformes et la diffusion en ligne de contenus et produits illicites. Parler d'un fâcheux hasard serait un euphémisme.
« Couvrons ce conflit d'intérêts que nous ne saurions voir », semble dire la Commission qui, pour sauver sa décision, propose que la nouvelle cheffe économiste se mette en retrait de sa mission chaque fois qu'un conflit d'intérêts s'annoncera.
La majeure partie des sujets qui seront à traiter concernent les Gafam. On peut s'interroger sur la crédibilité d'un tel choix et sur l'intérêt de placer à une telle fonction une personne qui ne pourra de toute façon que très partiellement l'exercer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame la ministre, le groupe Démocrate ne comprend pas cette nomination.
Mêmes mouvements.
L'Europe n'a-t-elle pas la capacité à trouver, en son sein, parmi 447 millions d'habitants, une personne qui présente les compétences qui la rendent digne de ce poste ?
Nous souhaitons donc savoir comment vous envisagez, madame la ministre, de convaincre la Commission européenne de revenir sur sa décision.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE, RN, LR et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.
Je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'absence de la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères qui est sur le chemin…
…du retour du Conseil de sécurité des Nations unies à New York. Sans nous prononcer sur les qualités professionnelles de Mme Fiona Scott Morton qui est de nationalité américaine, reconnaissons que sa nomination au poste d'économiste en chef de la direction générale de la concurrence à la Commission européenne suscite de nombreuses interrogations légitimes. Par la voix de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, de Mme la secrétaire d'État chargée de l'Europe, Laurence Boone, et de M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, Jean-Noël Barrot, le Gouvernement a rapidement réagi.
Nous l'avons fait de manière publique car ce sujet est d'intérêt collectif. Monsieur Latombe, vous avez procédé de même, comme le montre votre question. De nombreuses voix se sont élevées au Parlement européen ; les présidents de groupes ont écrit à la Commission européenne dès la semaine dernière.
Cette nomination entraîne un risque sérieux de conflits d'intérêts. Alors que la régulation numérique est une priorité pour l'Union européenne, il est difficilement justifiable de nommer quelqu'un dont les activités professionnelles antérieures consistaient précisément à promouvoir les intérêts des grandes entreprises qui sont directement concernées.
Si un système de déport était mis en place cela viderait en fait le poste de l'essentiel de sa substance.
« Et alors ? » sur les bancs du groupe RN.
Vous l'avez affirmé avec raison.
De plus, cette nomination soulève une question politique. En effet, aucun pays ne confierait de telles responsabilités à un ressortissant étranger. C'est une question évidente de souveraineté européenne.
Murmures sur les bancs du groupe RN.
Nous attendons donc de la Commission qu'elle réexamine cette nomination. Nous lui avons dit très clairement. L'objectif n'est nullement de s'immiscer dans le pouvoir de nomination de la Commission, mais nous attendons de cette dernière qu'elle fasse preuve de tout le discernement
Sourires sur les bancs du groupe RN
et de toute la rigueur nécessaires dans la nomination à des postes aussi stratégiques. Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères abordera ce sujet lors du Conseil des affaires étrangères jeudi 20 juillet.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture.
« Levez-vous monsieur Hitler ! Il y a des personnes qui ont besoin d'être brûlées ! »
« Il incombe à chaque Palestinien de tuer un Juif et l'affaire est close. » Ce ne sont pas les propos d'un djihadiste, ni ceux de Salah Hamouri, terroriste du Front populaire de libération de la Palestine, reçu en héros à l'Assemblée nationale par l'extrême gauche, et qui donne des conférences dans nos prisons, avec l'accord de la Chancellerie, monsieur le garde des sceaux. Ce sont des tweets de journalistes de la chaîne arabophone de France 24 appelant à la haine des Juifs.
« Honteux ! » sur quelques bancs du groupe RN.
Trois des quatre journalistes mises en cause sont toujours en poste et rémunérées par les impôts des Français. Aucune réaction de votre part face à ces propos néo-nazis, vous qui vous alarmez le dimanche matin pour nos valeurs républicaines quand Geoffroy Lejeune, jugé d'extrême droite
« Il l'est ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
est nommé à la tête du Journal du dimanche.
La vérité est cruelle. Comme le ministre de l'Éducation nationale, vous êtes terrorisé par le pluralisme des médias, vous qui êtes si prompte à qualifier Bolloré, Europe 1 et CNews d'ennemis de notre démocratie ! Pour vous, tout ce qui est à droite, patriote ou intransigeant avec l'immigration et l'insécurité est taxé d'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
En revanche, vous gardez le silence sur l'antisémitisme niché durablement au cœur du service public. Notre démocratie mérite mieux que la « reductio ad hitlerum » théorisée après-guerre par les staliniens, et reprise ce dimanche par Mélenchon et ses propos mensongers et scandaleux sur le président du Conseil représentatif des institutions juives de France – le Crif –, le jour de la commémoration de la rafle du Vel' d'Hiv'.
La bête immonde a de vrais fantassins dans l'espace politique et médiatique, mais vous vous trompez de tanière. Votre croisade moralisatrice masque mal votre complaisance à l'égard du nouvel antisémitisme qu'est la diabolisation d'Israël, si présent dans le service public et qui tue en France, de Toulouse à Sarah Halimi.
Rappelez-vous les mensonges et les terribles conséquences de l'affaire al-Durah. Madame la ministre, pourquoi cette hémiplégie intellectuelle ? N'oubliez jamais que votre ministère est celui de Malraux, cet immense combattant contre l'antisémitisme. Mettez à lutter contre lui le même zèle que celui que vous déployez contre Vincent Bolloré, à moins que, pour vous, un milliardaire catholique breton soit plus dangereux pour la démocratie que les islamistes et les antisémites.
Mêmes mouvements.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
Protestations vives et prolongées sur les bancs du groupe LR.
Les attaques du leader de La France insoumise…
Mêmes mouvements
Qu'elle démissionne tout de suite, si elle ne répond pas aux questions !
…contre le président du Crif le jour où toute la France se souvient des 13 150 juifs raflés et déportés lors de la rafle du Vel' d'Hiv sont indignes. Pour ces femmes, ces hommes et ces enfants, un peu de tenue !
J'étais dimanche à la Maison des enfants d'Izieu, en souvenir des victimes des crimes racistes et antisémites commis par l'État français pendant la seconde guerre mondiale, et pour rendre hommage aux Justes de France. Et je tiens à réaffirmer ici tout mon soutien à Yonathan Arfi qui, aux côtés d'associations, a participé à l'élaboration du plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine pour les années 2023 à 2026 à l'initiative de la Première ministre.
Mme Huguette Tiegna applaudit. – M. Pierre Cordier s'exclame.
Désormais, au cours de sa scolarité, chaque enfant visitera au moins un lieu mémoriel : lorsqu'on a vu Drancy, Auschwitz, ou la Maison des enfants d'Izieu, on n'est plus le même ; et on comprend ce qu'est l'antisémitisme, cette idéologie qui a conduit à la mort des millions de personnes, et pourquoi il est indigne de faire de la petite politique avec les pires crimes de l'histoire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Car non, l'antisémitisme n'est pas mort. Il continue de faire des victimes en France, mais le Gouvernement ne laissera rien passer
Protestations sur quelques bancs du groupe RN. – M. Maxime Minot s'exclame
et continuera à lutter sans relâche contre le racisme, l'antisémitisme et la haine de l'autre.
J'invite la France insoumise et son leader à un sursaut de dignité, et à nous rejoindre dans ce combat, non pas uniquement pour les Français juifs et pour la France, mais pour une certaine idée de l'humanité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et quelques bancs du groupe HOR. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LR.
Un peu de silence, mes chers collègues ! Merci d'écouter les réponses qui vous sont apportées.
Vives protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
Mêmes mouvements.
Madame la Première ministre, nous avons cru comprendre que vous aviez obtenu un nouveau sursis : après tout, puisque tout va si bien, pourquoi changer de cap ? D'après l'Élysée, l'objectif des 100 jours d'apaisement a été tenu.
Sourires sur quelques bancs du groupe RN.
Devant un tel niveau de déconnexion, on reste sans voix.
Ces 100 jours font suite à cinq mois d'un mouvement social inédit contre la réforme des retraites, que vous avez fait passer en force contre l'avis de l'immense majorité des Français. Qu'avez-vous apaisé ?
Les Français souffrent de l'inflation. Pourtant, au cœur des vacances, le prix de l'électricité va encore augmenter de 10 %, après une augmentation de 15 % en février. Qu'avez-vous apaisé ?
Vos propres experts considèrent que la richesse insolente des super-riches devrait être mobilisée pour lutter contre le réchauffement climatique. Pourtant, vous avez refusé d'envisager le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Qu'avez-vous apaisé ?
Dans toute une partie du territoire, l'accès aux soins est devenu chimérique. Pourtant, vous avez rejeté une proposition de loi transpartisane contre les déserts médicaux, déposée à l'initiative de Guillaume Garot
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
« Rien ! » sur quelques bancs du groupe SOC.
En grève, les journalistes du Journal du dimanche en ont appelé à votre pouvoir et vous ont demandé d'intervenir. Pourtant, le seul ministre qui a eu le courage de dénoncer la mainmise de l'extrême droite sur ce journal n'a reçu aucun soutien de votre part.
« La honte ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.
« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Des Uber Files au fonds Marianne créé par Marlène Schiappa, plus une semaine ne passe sans que soient évoquées les relations troubles entre le Gouvernement, les lobbys et les intérêts privés. Pourtant, vous regardez ailleurs. Qu'avez-vous apaisé ?
« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Suite à la mort, filmée, de Nahel, nous venons de connaître des violences urbaines d'une intensité rare. Pourtant, le Président de la République a annoncé aux maires de France qu'il n'investirait pas un centime de plus dans nos quartiers. Qu'avez-vous apaisé ?
« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC et quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
J'ai l'immense honneur de répondre au premier secrétaire d'un parti que j'ai beaucoup aimé ,
« Oh ! » sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
un parti qui voyait dans le travail la première des solidarités et dans la sécurité la première des libertés ; un parti qui prônait le renforcement des services publics et qui promettait aux Français de réussir la transition énergétique.
Alors que vous posiez votre question, monsieur le député, j'ai regardé vos votes au cours des 100 derniers jours, mais aussi des cinq mois qui les ont précédés, puisque vous y avez fait référence : décidément, vous avez beaucoup changé.
Pendant ces 100 jours, nous avons fait adopter des lois fondamentales pour les Français,…
…comme la loi de programmation militaire, qui permettra de moderniser nos armées, mais également la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, qui permettra de moderniser notre justice et de lui accorder des moyens comme elle n'en avait encore jamais eu.
Elle n'a pas encore été adoptée, il vous faut attendre quelques minutes !
Le Parti socialiste que j'ai quitté à l'époque aurait voté en faveur d'un tel texte, monsieur le député : regardez-moi dans les yeux et osez prétendre le contraire !
La transition énergétique et la planification écologique vont nous permettre de réduire de 55 % nos émissions de gaz à effet de serre – un objectif inimaginable sous le quinquennat Hollande, vous le savez aussi bien que moi.
Au-delà de nos désaccords politiques formels et des effets de tribune, vous devriez embrasser cette planification : nous sommes en démocratie, et vous avez évidemment le droit d'afficher vos volontés électorales,…
…mais vous sortiriez grandi à le reconnaître lorsque vous êtes profondément d'accord avec la politique conduite par la majorité.
Vous pourriez éventuellement nous demander d'aller plus loin, mais vous ne pouvez pas tout rejeter comme vous le faites : votre position n'est pas crédible.
Et vous, pendant ces 100 jours, qu'avez-vous fait ?
« Rien ! » sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Mais nous ne sommes pas au Gouvernement, nous ! Ce n'est pas nous qui avons décidé des 100 jours !
Et qu'ont fait vos partenaires, qui défilaient dans des manifestations interdites, qui criaient « Tout le monde déteste la police ! » ,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOC
qui n'ont pas su condamner les émeutes urbaines et les violences ? La différence entre votre bilan et le nôtre, monsieur le député, c'est que le nôtre fait progresser la France !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de la justice, en France, en 2022, 3 267 personnes ont trouvé la mort dans un accident de la route, et plus de 16 000 ont été gravement blessées. Or, 92 % des accidents routiers mortels sont causés par un facteur humain : 30 % sont dus à une vitesse excessive, 22 % à une conduite sous l'emprise de l'alcool, 13 % à une conduite sous l'emprise de stupéfiants. Nous ne pouvons nous résoudre à ce triste bilan : l'accidentologie et la mortalité routières doivent baisser.
Les leviers d'action sont pluriels : éducation routière, vérification de l'aptitude à la conduite, amélioration des infrastructures et, bien évidemment, prévention et répression des comportements de violence routière.
En juin, j'ai déposé, avec trente-huit collègues, une proposition de loi visant à instaurer un délit et un crime d'homicide routier et à mieux accompagner les familles de victimes. Ce texte tend à créer une infraction spécifique distincte de l'homicide volontaire – l'homicide routier – pour caractériser les homicides causés par le conducteur d'un véhicule en cas de vitesse excessive, de conduite sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants, de conduite sans permis ou d'usage du téléphone portable au volant. Ces circonstances seront désormais considérées comme une mise en danger délibérée de la vie d'autrui, car la qualification d'homicide involontaire est alors non seulement inadaptée, mais aussi mal vécue par les victimes et leurs familles – nous les comprenons.
Mme Emmanuelle Ménard s'exclame.
La création de la qualification d'homicide routier vise à responsabiliser leurs auteurs et à réaffirmer la gravité de leur comportement. Elle permettra également une meilleure reconnaissance du statut de victime.
Il convient aussi de parler des peines. En effet, au-delà des peines encourues, c'est souvent la clémence des peines finalement prononcées et exécutées qui provoquent la colère de celles et ceux – mère, père, enfant, fratrie – qui ont perdu un être cher, fauché sur la route ou le trottoir.
Hier, à l'issue du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), Mme la Première ministre a annoncé trente-huit mesures pour améliorer la sécurité sur la route, dont la création de la qualification d'homicide routier. Avec mes collèges Éric Pauget et Pierre Morel-À-L'Huissier, je suis mobilisée depuis longtemps sur ce sujet.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les conséquences de cette qualification en matière de circonstances et de peines, et leur traduction législative ?
« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – MM. Éric Pauget et Victor Habert-Dassault applaudissent aussi.
Je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre question…
…et à souligner votre engagement sur ce sujet : à ce titre, je vous remercie tout particulièrement d'avoir déposé une proposition de loi – et je n'oublie pas les autres députés mobilisés sur cette question, en particulier M. Éric Pauget…
…et M. Pierre Morel-À-L'Huissier.
Notre code pénal ne peut continuer à engendrer chez les victimes l'incompréhension et la souffrance, et c'est pourquoi nous allons créer une nouvelle infraction très justement intitulée « homicide routier ». Il existe déjà une distinction entre l'homicide involontaire que je qualifierais de « classique », puni de trois ans d'emprisonnement, et l'homicide perpétré au volant d'un véhicule en cas d'excès de vitesse ou de conduite sous l'emprise de substances, entraînant des peines de cinq, sept ou dix ans de prison en fonction des circonstances aggravantes retenues. En créant la qualification d'homicide routier, nous allons distinguer cette infraction des autres homicides involontaires, et créer un chapitre du code pénal exclusivement consacré aux homicides routiers et blessures routières.
Vous avez raison, madame la députée : comme disait Camus, « mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur de ce monde. » Les victimes doivent retrouver dans le code une sémantique adaptée à leur chagrin. Pour apporter encore plus de cohérence et de lisibilité au code pénal, les dispositions relatives aux peines encourues en cas d'homicide routier seront intégrées dans le chapitre nouvellement créé au sein du titre II du livre II, consacré aux atteintes à la personne humaine – il s'agit, là encore, de bien les distinguer des peines encourues en cas d'homicide involontaire classique.
Vous savez ma détermination dans la lutte contre les comportements routiers les plus dangereux ; je sais pouvoir compter sur votre entière mobilisation pour qu'ensemble, grâce à votre initiative, nous puissions changer la loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Géraldine Bannier applaudit aussi.
En juin 2020, les députés du groupe GDR – NUPES demandaient la création d'une commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse. Les conclusions de ses travaux soulignaient l'état préoccupant de la santé mentale d'une partie de nos enfants, et pointaient un niveau de prise en charge nettement insuffisant.
Professionnels de santé, syndicats étudiants, équipes pédagogiques, tous alertaient sur cette bombe à retardement. En effet, la pandémie n'a fait qu'aggraver des phénomènes lourds préexistants – harcèlement, violences intrafamiliales, isolement social, comportements autodestructeurs –, sans que des réponses suffisantes soient apportées. Aujourd'hui, 43 % des étudiants sont en détresse psychologique mais, faute de moyens et de personnels dans les établissements d'enseignement supérieur, ils ne vont pas consulter. Chez les plus petits, la situation n'est guère mieux, 13 % des enfants du primaire présentant au moins un trouble de santé mentale. Pourtant, alors que les besoins n'ont jamais été aussi grands, le nombre de pédopsychiatres a diminué de plus d'un tiers en dix ans.
Les fragilités psychologiques et les comportements autodestructeurs peuvent conduire à des violences, parfois même chez de très jeunes individus. La répression ne saurait constituer l'unique réponse à des comportements et des souffrances qui, faute de portes à pousser et d'accompagnement par des professionnels, ne trouvent pas de remèdes.
Comment le Gouvernement entend-il valoriser le choix de la spécialité pédopsychiatrie dans les cursus de formation, et créera-t-il de nouveaux postes pour augmenter le nombre de professionnels dans cette filière ? Comment entend-il redonner aux services de la protection maternelle infantile les moyens pour mieux accompagner les familles précaires ? Allez-vous enfin nous doter de tous les outils nécessaires à la prise en charge de la santé mentale de nos enfants ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES, sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Comme le Président de la République et la Première ministre l'ont encore réaffirmé récemment, la santé mentale de nos jeunes, qui se dégrade, est un enjeu majeur et prioritaire. Nous avons encore été alertés très récemment sur l'augmentation des prescriptions de psychotropes chez les plus jeunes : c'est un signal fort, qui doit nous interpeller.
Vous l'avez dit, la pédopsychiatrie est une spécialité qui a été sinistrée par des décennies de gestion aveugle des effectifs médicaux. Or, vous le savez, dix années sont nécessaires pour former un médecin pédopsychiatre : aujourd'hui, c'est donc bien sur l'ensemble des professionnels spécialisés dans la santé mentale que nous devons nous appuyer.
Nous entendons poursuivre les nombreuses actions qui ont déjà été lancées, comme la politique des 1 000 premiers jours pour les plus jeunes – je n'y reviens pas –, le renforcement des centres médico-psychologiques infanto-juvéniles, et le déploiement continu de maisons des adolescents – elles sont au nombre de trois dans votre département –, qui ont déjà permis la prise en charge de 100 000 jeunes et leurs familles. Nous allons créer des postes universitaires en pédopsychiatrie, afin de rendre cette filière plus attractive et de favoriser la formation de professionnels dans cette spécialité, et poursuivre notre action dans le cadre du dispositif Mon parcours psy, car, malgré les critiques dont il fait l'objet, il a déjà permis 700 000 consultations et la prise en charge de 145 000 patients, dont 20 % sont des jeunes. Le dépistage est également essentiel. C'est pourquoi, avec le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, nous déployons aussi vite que possible les 50 000 secouristes en santé mentale dans toutes les écoles, mais aussi dans le milieu sportif et associatif.
Enfin, pour agir sur l'origine de ces difficultés, il est essentiel de développer dès le plus jeune âge les compétences psychosociales des enfants. Nous œuvrons en ce sens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de l'agriculture, c'est une production d'excellence, un fleuron de notre chère Provence, au sujet duquel vous avez rencontré il y a peu le sénateur Jean-Baptiste Blanc, qui m'amène aujourd'hui à vous interpeller : la filière des cerises est en danger de mort. Des monts de Venasque aux coteaux du Ventoux, le Vaucluse, premier producteur de ce fruit avec près de 1 000 tonnes récoltées chaque année, est directement affecté par les ravages que causent le moucheron asiatique, Drosophila suzukii, et la mouche de la cerise, Rhagoletis cerasi. Si nous ne pouvons anticiper les fléaux provoqués par les caprices de la nature, d'autres maux sont prévisibles : les dérives illégalistes évoquées par l'universitaire Daniel Dory et débouchant sur l'écoterrorisme, ou encore l'acharnement idéologique de l'Union européenne, prête à sacrifier une partie de sa production alimentaire au nom d'une pratique qu'elle suppose écologiquement vertueuse. Le 15 décembre 2020, j'avais adressé un courrier à votre prédécesseur pour l'informer des graves dangers qui menaceraient la filière en cas de non-renouvellement de l'homologation du phosmet, produit phytosanitaire irremplaçable dans la lutte contre le moucheron asiatique. Le résultat est là : cette année, les producteurs de cerises du Vaucluse accusent 70 à 90 % de pertes.
Ce constat dramatique doit nous faire à réagir. Les filets, extrêmement coûteux, ne peuvent être envisagés comme le seul outil de protection. Par ailleurs, je m'inquiète de ce que l'interdiction du phosmet dans la filière européenne ne concerne pas les pays exportateurs, qui, n'étant pas soumis aux mêmes obligations que nos producteurs, peuvent vendre à moindre coût aux Français des cerises contenant des phytosanitaires que, pour notre part, nous avons bannis.
« Intolérable ! Injuste ! » sur quelques bancs du groupe LR.
C'est là une concurrence déloyale, ainsi qu'un choix douteux en matière d'écologie et de santé publique. Le respect des règles devrait nous inciter à produire et à consommer français : il est regrettable que favoriser les circuits courts se révèle bien plus onéreux que d'importer des tonnes de fruits. Faute de préférence nationale, nos exploitants baisseront les bras et nous perdrons, je le répète, un fleuron de la production provençale, particulièrement vauclusienne. Quelles mesures comptez-vous donc prendre, monsieur le ministre, pour le sauver ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
La filière des cerises traverse en effet une crise grave, accentuée par la présence massive de Drosophila suzukii ainsi que par des épisodes de grêle et d'excès d'eau, ce qui a entraîné la perte d'une partie importante des récoltes. Dans l'immédiat, comme je m'y étais engagé par courrier auprès des producteurs, nous étudions les dispositifs utilisables soit au niveau européen, soit au niveau national, en vue de couvrir leurs pertes et de leur permettre de franchir ce cap difficile. À moyen et long terme, il nous faudra trouver des solutions alternatives aux produits phytosanitaires, car, si vous me permettez ce désaccord avec vous, le phosmet et le diméthoate ont été interdits pour des raisons de santé publique, y compris celle des exploitants qui les appliquent.
Mme Marie-France Lorho s'exclame.
La position française ne constitue pas une surtransposition : telle est la décision de l'Union européenne, qui s'applique dans tous les États membres, et s'agissant de questions d'environnement, de santé publique, nous n'envisageons pas d'en rabattre quoi que ce soit, ce qui nous engagerait dans une voie dangereuse.
On ne peut pas accepter non plus d'importer des produits dangereux pour la santé !
En revanche, nous avons besoin d'accélérer la recherche et l'innovation : insectes stériles, couverture des vergers qui s'y prêtent – mais vous avez raison, le surcoût est important. Le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes prévoit des moyens en vue d'accélérer la transition des vergers et d'ouvrir des perspectives aux producteurs de cerises, comme à ceux qui, dans d'autres secteurs de l'arboriculture, rencontrent les mêmes difficultés. Il importe de trouver des solutions de rechange crédibles, c'est-à-dire qui le soient aussi économiquement.
Monsieur le ministre de la santé, nous avons été nombreux à vous interpeller ici au sujet de la désertification médicale qui s'aggrave au point de gagner désormais les hôpitaux et leurs services d'urgences. Pas un territoire, notamment rural, n'est épargné par l'avalanche de défections de médecins, accentuée par la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist. Tous les clignotants sont au rouge ! Cette situation devient insupportable pour les patients, insoutenable pour les élus qui se battent quotidiennement pour tenter d'y remédier. Récemment encore, mon collègue Laurent Panifous vous interrogeait au sujet du risque de fermeture des urgences des deux centres hospitaliers de l'Ariège : depuis, aucune initiative, aucune amélioration. Pire, sont annoncées en cascade de nouvelles fermetures de services, rebaptisées par euphémisme « suspensions temporaires »… La maternité de Saint-Girons sera ainsi fermée quinze jours, au grand dam des femmes enceintes et des parturientes qui apprennent, consternées, qu'elles devront effectuer un trajet de plus de cinquante minutes en voiture. Dans ce territoire qui n'en finit pas de subir cette désertification galopante, l'inquiétude et l'incompréhension sont à leur comble.
Monsieur le ministre, la situation n'est plus tenable. Vous avez certes engagé un certain nombre de réformes ; reste que nos concitoyens ne constatent aucun changement, sinon le fait que la dégradation de l'offre de soins s'amplifie. Pourtant, des solutions existent : encore faut-il les mettre en œuvre – je pense entre autres à la mutualisation, qui peut s'opérer à l'échelle régionale. Aussi, ma question sera double : d'une part, quand tiendrez-vous enfin compte des propositions transpartisanes concernant l'introduction d'une forme de régulation de l'accès aux soins ? D'autre part, quelles mesures entendez-vous prendre à court terme pour assurer concrètement la continuité du service public de santé ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Nous sommes d'accord sur le diagnostic : dans tout le territoire national, les professionnels de santé font défaut. Or, comme je viens de le dire, la formation d'un médecin demande dix ans ! Il n'y aura donc pas de solution miracle dans les mois ou les années qui viennent : nous ne pouvons que redonner aux professionnels plus de temps à consacrer à leurs patients et les engager dans une logique territoriale afin de mieux répondre aux besoins de la population. Je n'entends pas recommencer avec vous le débat d'ailleurs très riche que nous avons eu ici même pour savoir s'il convient de contraindre les médecins généralistes à s'installer à tel endroit plutôt qu'à tel autre : j'ai déjà dit que la coercition serait contre-productive.
S'agissant des maternités et des services d'urgences, je conçois bien sûr l'enjeu pour les territoires : tout le monde préfère les savoir au plus près de chez soi ! Ma ligne en la matière consiste à associer proximité et sécurité en donnant la primauté à celle-ci, laquelle consiste à garantir aux Français qui passent la porte d'un service d'urgences qu'ils seront correctement pris en charge si l'urgence est réelle et vitale, aux Françaises qui vont accoucher qu'elles le feront sans aucun risque pour elles ou pour l'enfant. Nous mettons donc en place avec les élus, à l'échelle de chaque territoire, les solutions les plus adaptées, en fonction des moyens dont nous disposons. Ce que les gens appellent la fermeture des services d'urgences est d'ailleurs dans l'immense majorité des cas un accès régulé, c'est-à-dire soumis au préalable d'un appel au 15, le numéro du service d'aide médicale urgente, qui oriente les patients. La meilleure solution n'est pas de se rendre systématiquement aux urgences : elle peut consister à aller voir un généraliste.
Nos concitoyens habitant à la campagne disposent du reste d'une possibilité très simple de visualiser les médecins généralistes proches de leur domicile et disponibles pour des soins non programmés.
Mme Stéphanie Rist applaudit.
Depuis un an, nous avons pour la première fois, en votre personne, un ministre de la prévention, ce qui marque à la fois une ambition et une priorité. Les défis ne manquent pas : multiplication des pathologies chroniques, prévention auprès des jeunes, des aînés qui perdent leur autonomie, au travail, à l'école, dans le domaine du logement, à la croisée de toutes les dimensions de la santé et de la vie, alors que les inégalités sociales et territoriales demeurent fortes. Cette complexité explique certaines impatiences. Sans prétendre à l'exhaustivité, je constate que nous avons fait depuis six ans des progrès considérables, que ce soit en matière de lutte contre le tabac, de santé sexuelle, de vaccination ou des 1 000 premiers jours de la vie de l'enfant. Reste que, si la crise sanitaire a pu freiner l'ambition des précédents gouvernements, les lignes ont désormais bougé de nouveau ; de nombreux travaux ont été publiés. Il nous faut désormais accélérer : je pense en particulier au développement de l'activité physique adaptée, aux leviers qui permettraient de mieux combattre l'obésité, à l'ambition d'une génération sans tabac, qui nécessite une régulation accrue des nouveaux produits conçus par les industriels.
Les prochains mois, les prochaines années, doivent amener des actions résolues et structurées. Ma question est donc simple : après un an d'exercice, quel bilan tirez-vous de votre action…
…et quelles sont les perspectives de vos services en vue d'accélérer le virage préventif de notre société ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
En tant que ministre de la prévention, je fais bien entendu de celle-ci un objectif phare de la politique du Gouvernement. Nous avançons vers une véritable révolution, un changement de paradigme voulu par le Président de la République et conduit sous l'autorité de la Première ministre. Son axe principal consiste à « aller vers », vers nos concitoyens les plus éloignés du soin, qui seront les premiers à bénéficier de cette politique de prévention : médiation en santé, centres communautaires de consultation avancée. Sans vouloir dresser un inventaire à la Prévert, je reviendrai sur quelques autres mesures : la gratuité des préservatifs a multiplié par trois leur utilisation ; la vaccination contre le papillomavirus sera pratiquée à partir de septembre dans les classes de cinquième, ce qui représente près de 800 000 élèves, nous donnant l'occasion historique d'éradiquer en vingt ans le cancer du col de l'utérus – lequel touche chaque année 3 000 femmes et en tue 1 000.
Vous avez évoqué le sport santé : le déploiement du réseau des maisons sport-santé se poursuit, ainsi que l'évolution de la prescription d'une activité physique adaptée. Nous avons beaucoup parlé de prévention lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale : je suis ravi de pouvoir vous annoncer que vous débattrez dès le 1er octobre des rendez-vous de prévention, prioritairement auprès des Français de 45 à 50 ans, car ce sont eux qui ont le plus besoin de parcours de santé complets. Enfin, à la rentrée, un nouveau plan de lutte contre le tabac nous permettra de poursuivre la lutte contre ce fléau, qui tue encore 75 000 personnes par an.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Le rapport de la commission d'enquête consacrée aux Uber Files, rendu public aujourd'hui, confirme que la plateforme américaine Uber a érigé l'illégalité en mode de fonctionnement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Olivier Faure applaudit également.
Transmis par le lanceur d'alerte Mark McGann, de nouveaux documents accablants révèlent à quel point Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, fut pour la multinationale un soutien précieux, allant jusqu'à conclure un accord avec elle, à réduire drastiquement les conditions de formation des chauffeurs, à modifier un arrêté préfectoral.
La commission a également enquêté sur le développement de l'ubérisation depuis 2017 et l'action des pouvoirs publics. Madame la Première ministre, les décisions de justice confirment la réalité du lien de subordination entre le travailleur et la plateforme qui l'emploie, donc l'illégalité de son statut de travailleur indépendant et la nécessité de sa requalification en salarié.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – MM. Steve Chailloux et Benjamin Lucas applaudissent également.
Une note du ministère du travail, datée de 2019, démontre que le Gouvernement avait pleinement connaissance de l'étendue de l'ubérisation de secteurs aussi différents que la restauration, les services funéraires, l'aide aux personnes, la santé, le bâtiment et travaux publics (BTP), le tourisme, les auto-écoles, le transport maritime et aérien – et j'en passe.
Quel que soit le domaine concerné, cette note est accablante : les plateformes sont hors la loi, piétinent le code du travail, leurs obligations sociales et fiscales et les réglementations sectorielles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.
Qu'en est-il ressorti ? Qu'avez-vous fait afin d'assurer le respect de l'État de droit ? L'enquête démontre l'absence de toute impulsion politique visant à cibler les plateformes, à accroître les moyens des administrations chargées des contrôles. Pire, l'action de l'exécutif depuis 2017 a uniquement pour but de protéger ces mêmes plateformes du risque de requalification de leurs travailleurs, au mépris du droit !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quel message adressez-vous aux entreprises qui subissent cette concurrence déloyale : « Allez-y à votre tour, externalisez en remplaçant vos salariés par des autoentrepreneurs, cessez de payer l'Urssaf et recourez à l'évasion fiscale » ?
Quel est donc votre projet de société du plein emploi : la casse du salariat et le retour au tâcheronnage du XIX
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Les membres du groupe Écolo – NUPES et quelques membres du groupe SOC applaudissent également.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Que de mensonges en deux minutes, madame la députée Simonnet, que de mensonges !
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous dites qu'il y aurait un deal secret ,
Mêmes mouvements
mais le rapport de la commission d'enquête, dont vous êtes vous-même la rapporteure, ne le montre en rien ! Vous dites que les décisions de justice donnent raison à la thèse qui est la vôtre ; or un certain nombre de procédures ont été intentées par des travailleurs des plateformes et moins d'un jugement sur deux a conduit à une requalification.
Vous dites que l'organisation du travail en plateforme ne débouche sur aucun droit dans notre pays ; nous en sommes pourtant à cinq accords collectifs visant à protéger les travailleurs des plateformes, à permettre la fixation d'un prix minimum et à organiser leur représentativité.
Vous dites que le Gouvernement fait obstacle à la conclusion et à l'adoption d'une directive européenne ; or j'étais présent au Conseil des ministres du travail de l'Union européenne, et j'ai voté pour cette directive ! Chacune de vos assertions et de vos affirmations est au mieux un mensonge, au pire relève du complotisme !
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Olivier Faure proteste également.
Je reprends volontiers à mon compte les mots du président de la commission d'enquête ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE
qui dit que vous avez fait preuve de parti pris dans votre rôle de rapporteure, que les propositions que vous faites ne sont qu'un copier-coller du programme de Jean-Luc Mélenchon
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
et que vous avez eu vous-même, en audition, une attitude qui frise le complotisme ! Vous tirez de votre rapport des conclusions qu'il ne porte pas. Vous êtes dans l'affirmation, dans l'incantation, et vous vous éloignez de la réalité.
M. Olivier Faure s'exclame.
Votre seul objectif est de nourrir une forme de diversion pour faire oublier les errements de votre famille politique. Votre rapport est creux, et là est bien la difficulté pour vous : vous pensiez trouver un complot, vous n'avez trouvé que le droit et la loi !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, notre système de santé est à bout de souffle et vous restez aveugle et sourd. En établissement comme en ville, nos soignants sont épuisés, las et démotivés ; ils ne se retrouvent plus dans leur métier. Le manque cruel de médecins se fait sentir dans tous les services et tous les territoires. La majorité de nos Ehpad sont déficitaires. En Haute-Loire, par exemple, les déficits pour l'année 2022 s'échelonnent de 60 000 à 130 000 euros. Ceux de 2023 seront catastrophiques, atteignant une moyenne de 300 000 euros. C'est accablant, mais personne dans ce Gouvernement ne prend la mesure du problème.
Dans cette situation, les établissements de santé sont forcés de rééquilibrer leurs comptes au détriment de la qualité des soins. Suppressions de postes – notamment d'animateurs et d'ergothérapeutes –, réduction du coût de l'alimentation, fermeture d'unités Cantou – centres d'activités naturelles tirées d'occupations utiles : la liste est malheureusement longue, et nos aînés feront les frais de ces décisions.
Vous le savez : les principales causes de la situation alarmante dans laquelle se trouve notre système de santé sont le coût du Ségur, l'avenant 43 à la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, ainsi que l'augmentation du point d'indice et l'explosion des charges.
Ces dernières semaines, vous nous avez proposé un texte portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. Mais c'est vous qui êtes responsable du renoncement à une véritable loi relative au grand âge et à l'autonomie, attendue depuis six ans – un choix politique purement financier. Le texte que vous nous proposez ne correspond absolument pas aux attentes des professionnels de santé du domicile, ni à celles des personnes âgées et de leurs familles. Il s'agit ni plus ni moins d'une coquille vide, impossible à amender, qui n'est pas à la hauteur des enjeux du bien vieillir. Les prévisions sont en effet unanimes : face au vieillissement de la population, les besoins en professionnels médicaux et paramédicaux ne vont cesser d'augmenter ces prochaines années. Quid des formations adaptées ? Parcoursup est aberrant pour ces métiers ! Monsieur le ministre, quelle place voulez-vous donc donner aux aînés dans notre société ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Je vous remercie, madame la députée, pour votre question qui me permet de rappeler l'ambition du Gouvernement pour nos aînés. Depuis ma nomination, je suis aux côtés des établissements pour les soutenir dans cette période qui, vous l'avez dit, est particulièrement difficile.
C'est pour les aider à faire face à leurs difficultés économiques que le Gouvernement a délégué 440 millions d'euros de crédits supplémentaires en fin d'année. C'est aussi dans ce but que la loi de financement de la sécurité sociale prévoit une augmentation des budgets des Ehpad supérieure à 5 %. J'ai également demandé aux agences régionales de santé (ARS) d'agir avec les départements pour soutenir les opérateurs en leur versant des crédits, mais aussi en établissant un diagnostic de la situation qui permettra d'apporter des réponses à la hauteur à court terme.
Pour le moyen terme, j'ai mis en place un groupe de travail associant les départements, chargé de travailler sur le modèle économique des Ehpad.
Ses conclusions seront enrichies par la mission de Mme Pires Beaune sur l'évaluation des soutiens publics permettant de limiter le reste à charge des personnes âgées en perte d'autonomie, dans le but d'assurer l'accessibilité de l'offre à nos aînés. Nous sommes donc bien aux côtés des Ehpad.
Rien de concret ! Et la loi ? Vous avez enterré la proposition de loi sur le bien vieillir, voilà votre bilan ! Il n'y a toujours pas de feuille de route ministérielle alors que nous l'attendons depuis un an !
Vous mentionnez enfin la proposition de loi relative au bien vieillir, mais vous savez qu'elle ne reflète pas l'ambition du Gouvernement dans ce domaine.
Brouhaha.
J'ai moi-même mené une réflexion dans le cadre du volet « bien vieillir » du Conseil national de la refondation, qui a fait l'objet de conclusions en avril dernier. Je présenterai une feuille de route interministérielle qui portera notre ambition pour adapter la société, dans toutes ses dimensions, au défi du vieillissement que nous devons relever tous ensemble.
Ma question s'adresse à Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
L'agression de la Russie contre l'Ukraine a placé dans un contexte de guerre le cœur même de notre vieux continent ; le rôle parfois méconnu du Conseil de l'Europe en matière de défense des droits de l'homme n'en reste pas moins essentiel. La Convention européenne des droits de l'homme, signée par quarante-six États, protège aujourd'hui plus de 700 millions d'Européens. Ayant l'honneur de présider la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour saluer tous ses membres, députés comme sénateurs, pour leur travail et pour leur engagement. Je les remercie pour le travail exemplaire accompli au cours de cette année.
Comme l'a déclaré le Président de la République lors du quatrième sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe, à Reykjavik, le 16 mai, « un seul lieu nous permet d'agir pour la "sécurité démocratique" de notre continent : le Conseil de l'Europe. » À l'occasion de ce sommet historique, une feuille de route commune a été tracée. La France et le Conseil de l'Europe ont réaffirmé leur soutien sans faille à l'Ukraine.
Un registre des dommages causés par l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a été ouvert, et la volonté politique est aujourd'hui de créer un tribunal spécial international pour juger les crimes de guerre commis par la Russie. Comme de nombreux députés et sénateurs ayant pu se rendre en Ukraine, nous avons constaté, dans la ville martyre d'Irpin, les blessures infligées par les soldats russes au peuple ukrainien.
Pouvez-vous détailler devant la représentation nationale, monsieur le ministre délégué chargé du commerce extérieur, la part que la France entend prendre dans le processus visant à faire reconnaître les crimes de la Russie et à permettre l'indemnisation des victimes ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Stéphanie Kochert applaudit également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.
La France réitère sa condamnation de l'agression injustifiée et illégale de la Russie contre l'Ukraine. La Russie doit rendre des comptes et nous soutiendrons l'Ukraine aussi longtemps qu'il le faudra.
C'est le message constant entendu lors des rendez-vous internationaux qui se sont succédé au cours des dernières semaines, qu'il s'agisse du sommet du G7, du Conseil européen ou du sommet de l'Otan. Nous avons apporté sans délai un soutien humain et financier aux juridictions ukrainiennes et à la Cour pénale internationale pour leurs enquêtes sur les crimes commis par la Russie contre les victimes ukrainiennes. Comme l'a rappelé la ministre Catherine Colonna hier devant les Nations unies, à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire du statut de Rome, il ne peut pas y avoir de paix sans justice, ni en Ukraine ni ailleurs.
Vous évoquez en particulier, monsieur le député, l'action du Conseil de l'Europe ; je voudrais rendre hommage à la délégation française que vous présidez à l'Assemblée parlementaire, ainsi qu'à l'ensemble de cette institution. Le Conseil de l'Europe a su agir vite en excluant la Russie de l'organisation dès le 16 mars 2022. Il s'est porté sans délai aux côtés de l'Ukraine et de ses citoyens, pour accompagner sa résilience et ses efforts, pour renforcer encore l'État de droit et pour l'aider à lutter contre l'impunité des criminels russes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Lors du sommet de Reykjavik des 16 et 17 mai, au cours duquel le Président de la République est intervenu en visioconférence, le Conseil de l'Europe a marqué à nouveau son soutien à l'Ukraine en créant un registre des dommages causés par l'agression russe. Ce registre, qui répond à une demande de l'Ukraine et de l'Assemblée générale de l'ONU, permettra de recenser et de documenter les dommages, pertes ou préjudices subis par les victimes de l'agression de la Russie contre l'Ukraine. Tous les pays peuvent y adhérer, y compris ceux qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe. Il sera bientôt fonctionnel, et c'est ainsi que nous punirons les criminels russes et demanderons la réparation des dommages.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Madame la secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée de la jeunesse et du service national universel, face à nos interrogations et à nos réticences, vous nous avez invités à nous rendre sur le terrain pour voir de nos propres yeux la réalité du SNU. J'ai suivi votre recommandation et le constat est déroutant. Je veux croire qu'il ne serait pas partout le même. Nous sommes en effet loin des enjeux proclamés à grand renfort de communication, tels que le développement de la mixité sociale, l'appréhension des valeurs de la République et l'engagement au service de la nation. Parce que le moment m'a laissé muette pendant une minute, je reprends ici les propos du premier tuteur rencontré qui, à la vue de ma carte de visite, s'est exclamé : « Ah, mais je connais l'Assemblée nationale, je l'ai visitée », avant d'assumer : « Je n'ai pas voté aux législatives, moi je ne vote que pour les présidentielles ».
La responsable du séjour a ensuite détaillé les activités : lever des couleurs, Marseillaise, théâtre, baby-foot, balades, visites culturelles et interventions de l'armée ou de la gendarmerie.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Les objectifs présentés sont en réalité similaires à ceux déjà validés par l'ensemble des élèves en fin de classe de troisième, à ceci près que leur transmission n'est pas assurée par des gens formés pour cela et que le budget qui y est consacré est particulièrement important : on m'a annoncé 700 euros par jeune hors hébergement et restauration !
Enfin, alors que je l'interrogeais sur les attentes des jeunes et sur le sens qu'ils donnent aux symboles mis en avant, comme le drapeau ou La Marseillaise, le silence de l'encadrante fut à la fois profond et gêné. « On parle des valeurs de la France », me dit-elle, avant d'évoquer la devise nationale dans le désordre et avec la plus grande hésitation. J'ai quitté le site assez consternée, avec l'impression que le SNU ressemble surtout à une colonie de vacances inadaptée aux enjeux. Ne serait-il pas temps, madame la secrétaire d'État, d'abandonner ce dispositif aussi coûteux qu'inadapté et de transférer les crédits qui lui sont alloués à l'éducation nationale…
…et à l'éducation populaire, des acteurs plus à même de répondre aux défis et aux enjeux que vous souhaitez relever ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.
Je vous remercie, madame la députée, d'avoir pris le temps d'aller à la rencontre de cette jeunesse engagée qui a fait le choix de prendre quinze jours pour développer son esprit civique et citoyen et pour vivre un temps de patriotisme. Je suis particulièrement heureuse de votre démarche, car vous avez eu l'honnêteté d'aller vers eux. Vous avez ainsi pu découvrir que 57 % des jeunes qui participent au SNU sont des jeunes filles et que plus de 6 % viennent des quartiers populaires. Pour nous, lever un drapeau n'est pas un sujet, mais pour eux, lever le drapeau français est une chance : cela crée de l'unité et permet d'aborder les valeurs de la République, en complément des travaux menés par les enseignants au sein de l'éducation nationale. Il n'y a point d'investissements qui soient excessifs pour notre jeunesse.
Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame Chikirou, pouvez-vous vous taire et laisser Mme la secrétaire d'État s'exprimer ?
Des députés de l'ensemble des bancs de l'Assemblée nationale ont visité des centres de SNU. Plus de 40 000 jeunes ont fait un séjour cette année et 10 000 sont sur liste d'attente. C'est un dispositif qui rencontre le succès progressivement et qui fait ses preuves. Il n'y a rien de plus fort, à mes yeux en tout cas, que de voir une jeunesse qui n'avait jamais quitté son département oser le faire,…
…dormir dans un dortoir, manger la même chose que les autres et découvrir …
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES
Faire preuve d'honnêteté intellectuelle commande d'abord de ne pas opposer éducation populaire et service national universel.
Un tiers des encadrants du SNU viennent de l'éducation populaire. La Ligue de l'enseignement accueille des jeunes, tout comme la Fédération Léo Lagrange ou les Francas. Certains ont servi sous nos drapeaux, notamment des gendarmes ou des pompiers, et d'autres sont enseignants !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Lundi 4 septembre, 12 millions d'élèves retrouveront les bancs de l'école. En Charente-Maritime, ce sont 46 470 enfants qui feront leur rentrée, soit environ 700 de moins que l'an dernier. Cette baisse entraîne une recomposition importante de la carte scolaire, notamment dans les zones rurales, fragilisées démographiquement et dont il faut renforcer l'attractivité.
Dans le département, cinquante-trois fermetures de classes ont été annoncées, contre seulement onze ouvertures. Nous savons que l'école est centrale dans un village, qu'elle est le vecteur du maintien des commerces, des services à la personne, du lien social. Si la baisse du nombre d'élèves entraîne logiquement une diminution du nombre de classes, cela ne doit pas avoir de conséquences sur la qualité de l'enseignement, tout particulièrement en zone rurale ; or les fermetures de classes peuvent conduire à surcharger les classes restantes, ce qui fait baisser le niveau d'enseignement et détériore la qualité de vie des enfants.
De nombreuses mesures sont déployées pour cette rentrée, comme l'extension de l'expérimentation des territoires éducatifs ruraux. De son côté, la mesure de dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville a prouvé sa pertinence. Peut-on envisager son application dans les zones rurales ?
Les difficultés de recrutement peuvent faire craindre un manque d'enseignants. Comme vous le rappelez dans votre circulaire de rentrée, monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, le Gouvernement a pris des mesures volontaristes en 2022 et en 2023, notamment une revalorisation inédite des salaires des enseignants.
Comment le Gouvernement accompagne-t-il les académies afin que la rentrée scolaire se déroule dans les meilleures conditions qui soient ? Y aura-t-il bien un enseignant devant chaque classe, avec un taux d'encadrement acceptable, en particulier en zone rurale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Les territoires ruraux présentent deux caractéristiques : ils sont éloignés, avec une faible densité de population ; leurs effectifs scolaires diminuent – on compte 500 élèves de moins en Charente-Maritime. Nous avons pris l'engagement d'améliorer le taux d'encadrement ; de fait, il passera sous la barre des 22 élèves par enseignant dans votre département.
Mais nous devons faire plus : c'est tout l'objet du plan pour notre école dans les territoires ruraux, annoncé par la Première ministre il y a quelques mois. Ce que les maires des communes rurales demandent, c'est de la visibilité et une carte scolaire qui ne soit pas modifiée en février, à quelques mois de la rentrée. Nous nous engageons à ce qu'une instance de concertation regarde la carte scolaire sur trois ans – puisque les enfants qui naissent aujourd'hui seront scolarisés dans trois ans –, en tenant compte des mouvements annuels de population. Il ne s'agit pas de geler la carte scolaire, mais de donner aux maires, comme ils le demandent, de la visibilité.
Nous avons répondu à la perte d'attractivité du métier d'enseignant par des hausses significatives de traitement :…
…entre 8 et 11 % pour les sept premiers échelons, auxquelles s'ajoute l'augmentation de 1,5 %, pour tous les fonctionnaires. Je note que le nombre d'admis au concours de recrutement de professeurs des écoles est en hausse de 8,2 %. Ce n'est pas suffisant et nous avons encore du chemin à parcourir, mais cela permet de préparer la rentrée dans des conditions satisfaisantes.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Cette année, 40 % des gens ne partiront pas en vacances ; 63 % d'entre eux sont des ouvriers, trois fois plus nombreux que les cadres dans cette situation. Les raisons ? La baisse du pouvoir d'achat, l'augmentation des loyers, la hausse des prix des produits de première nécessité, que la majorité et le RN ont refusé de bloquer quand nous le proposions ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
votre refus d'augmenter les salaires pour rattraper l'inflation. Pour tous ceux qui vivent dans la précarité, pour les enfants qui n'ont pas la chance d'avoir des grands-parents à la retraite – et ils seront plus nombreux encore l'an prochain à cause de votre réforme –, les vacances, ça reste du rêve !
Les centres sociaux pourraient adoucir l'été de ces enfants. Toute l'année, ces espaces créent du lien social, prennent le relais des services publics, que vous détruisez petit à petit ,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…permettent l'expression pacifique de la parole des citoyens. Ils offrent, aux enfants comme aux parents, des activités culturelles et sportives. Précieux durant l'année, ils deviennent indispensables pendant les vacances scolaires, surtout l'été, pour ces enfants et ces ados contraints de rester chez eux du fait de vos choix politiques.
Les centres sociaux crient au secours. Fragilisés par un sous-financement chronique, par votre logique délétère d'appels à projets et par une crise profonde des métiers du secteur social, ils subissent de plein fouet les conséquences de l'inflation. Ils ont déjà raboté tout ce qui pouvait l'être, on arrive à l'os ! La Fédération des centres sociaux de la Loire a réalisé une projection comptable sur l'année 2023-2024 et son constat est dramatique : sans un soutien massif de l'État, de nombreux centres sociaux baisseront le rideau. Les premiers concernés sont ceux implantés dans les quartiers les plus fragiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre des solidarités, pouvez-vous dire quelle est la ligne de la convention d'objectifs et de gestion (COG) entre l'État et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) s'agissant de l'augmentation des prestations des centres sociaux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
En tant que ministre en charge de la petite enfance et des familles, je ne peux que partager votre pensée pour ceux qui, pour des raisons diverses, ne pourront malheureusement pas partir en vacances.
Je ne suis pas d'accord avec vous : nous agissons ! Cette année encore, avec les collectivités locales et les acteurs associatifs, le Gouvernement fera en sorte d'aider le plus de familles possible à profiter de ces moments de respiration et d'épanouissement personnel. Pour les parents, c'est un équilibre avec leur vie professionnelle ; pour les enfants, ce sont des temps de sociabilisation.
La nouvelle convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Cnaf, que j'ai signée il y a quelques jours, prévoit un effort significatif en faveur de l'accès aux vacances. Les caisses d'allocations familiales (CAF) renforceront leur investissement dans les structures d'accueil périscolaire et extrascolaire, avec une augmentation de 12 % des heures d'accueil financées et 410 nouveaux animateurs qualifiés, pour que tous les enfants puissent être accueillis, sans distinction. Cette COG est historique ! Par ailleurs, le bonus inclusif a été généralisé dans l'accueil collectif des mineurs, une annonce forte de la Conférence nationale du handicap.
Ces efforts viennent compléter l'action de mes collègues, Sarah El Haïry, en faveur des « colos apprenantes » – auxquelles ont participé plus de 250 000 enfants –, et Olivia Grégoire, qui a annoncé en avril la hausse des moyens de l'Agence nationale pour les chèques-vacances.
Les centres sociaux assurent l'accompagnement des familles et des jeunes, mais aussi – c'est important – l'accès au droit et la lutte contre le non-recours. Ils sont au cœur de cette nouvelle COG. Les CAF développeront 600 nouvelles structures d'animation de la vie sociale entre 2023 et 2027 ; les structures existantes verront leur financement pérennisé et renforcé. Nous sommes clairement à leurs côtés.
« Mangez des pommes ! », aimait à dire Jacques Chirac, qui vantait la pomme corrézienne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Aujourd'hui, la pomme française est en danger ! La filière est attaquée de toutes parts et ceux qui lui nuisent sont nombreux. Les pucerons d'abord, dont les invasions massives et sans précédent dévastent nos vergers. Les normes françaises, ensuite, qui sont trop contraignantes pour nos pomiculteurs. Alors que l'Union européenne réglemente l'utilisation et autorise une liste de produits phytosanitaires, la France, fidèle à sa tradition de surtransposition, interdit ces mêmes matières actives. Cela pénalise les producteurs, qui ne disposent que de traitements phytosanitaires inefficaces : leurs coûts de production sont multipliés par trois.
Notre souveraineté alimentaire passe par des règles homogènes. Face au puceron, le verger français doit être traité comme le verger italien ou polonais.
Nous ne pouvons laisser nos agriculteurs dans le désarroi. Même en Corrèze, les grossistes importent massivement de Pologne des pommes traitées avec des produits interdits en France ; elles sont servies à nos écoliers, à nos collégiens, à nos aînés en Ehpad, au prix d'un bilan carbone déficitaire. Nous marchons sur la tête !
Les pommes de la discorde sont légion. Nos vergers sont aussi victimes de nuisibles écologistes ravageurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La semaine dernière encore, dans le Tarn, plus de 9 000 pommiers ont été arrachés et saccagés ! Dans quel monde vit-on ? Les commandos écologistes ont détruit 90 % de ce verger alors que face à la dureté du marché bio, où seule la moitié de la production est valorisée, les producteurs se trouvent contraints de s'adapter en revenant à une agriculture conventionnelle.
Monsieur le ministre de l'agriculture, appliquons les règles de l'Union européenne en matière de traitements, stoppons immédiatement la surenchère normative et punitive à la française.
Proposons sans délai à nos pomiculteurs des engagements concrets et durables !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Vous avez raison, on vante, pour des tas de raisons, la pomme en Corrèze. Pour répondre à votre question, je veux d'abord dénoncer les actes de destruction de biens d'autrui, revendiqués, sous couvert de l'anonymat, ce qui pose quand même une question sur les intentions finales des auteurs. Il faut dénoncer sans relâche ces actes. La justice est saisie, la police et la gendarmerie travaillent pour retrouver les coupables et les traduire devant les tribunaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.
Cela procède de ces discours qu'on entend sur le terrain, opposant l'agriculture conventionnelle au modèle bio. Des mots violents naît la violence. Je le dis aux uns et aux autres : attention à ce que nous disons sur l'agriculture ! Il faut défendre toutes les agricultures…
… y compris lorsque la transition est nécessaire.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et LIOT.
Oui, il faut raisonner en Européens. Arrêtons les surtranspositions – c'est le souhait de la Première ministre – et cessons de croire que les Français sont seuls sur leur île : nous faisons partie d'un marché commun. Nous poussons au niveau européen pour instaurer des clauses miroirs, mais cela suppose qu'il y ait des règles européennes.
Dans cette filière, comme dans d'autres, il faut sortir de la logique molécule par molécule – c'est le sens du plan Écophyto et du travail que nous menons sous l'égide de la Première ministre.
Nous devons établir une planification, regarder les usages, mettre en évidence les impasses éventuelles et consacrer des moyens à la recherche et à l'innovation – ce que nous faisons massivement avec le plan France 2030.
Enfin, et vous avez commencé par là, j'appelle les Français à agir en tant que consommateurs. Nous travaillons avec les cantines pour développer la consommation de pommes – et rattraper notre retard sur un programme européen –, mais il faut aussi promouvoir la filière pomme française dans la grande distribution et sensibiliser chacun à sa responsabilité de consommateur.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Depuis plusieurs jours maintenant, les producteurs de vins, de spiritueux et de bières s'inquiètent d'une modification de la fiscalité sur l'alcool, notamment d'un relèvement des droits d'accise. La filière vins et spiritueux, avec la bière, représente 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Ce secteur d'excellence française est le second contributeur à la balance commerciale ; le solde commercial avoisine les 16 milliards. Les 650 000 emplois de la viticulture, non délocalisables, sont répartis sur 20 000 communes et 66 départements. La France est le premier pays d'Europe pour le nombre de brasseries, le deuxième dans le monde.
La viticulture, la brasserie et les spiritueux sont des secteurs en pleine crise de compétitivité. Le contexte est particulièrement difficile : crise géopolitique, crise sanitaire, aléas climatiques, hausse des prix de l'énergie, inflation sur les matières sèches. En Gironde, les ravages causés par le mildiou exacerbent ces difficultés.
Une augmentation de la fiscalité aggraverait une situation économique déjà dégradée. Depuis 2017, la majorité œuvre pour la compétitivité de nos entreprises et de nos filières. Une augmentation de la fiscalité mettrait sous pression une des rares filières exportatrices.
Le soutien de la majorité à cette filière ne vaut pas négociation des enjeux de santé publique liés à la consommation d'alcool. Aujourd'hui, tous les indicateurs de santé publique sont orientés à la baisse. La France, qui était le deuxième pays au monde pour la consommation d'alcool, se place désormais au treizième rang.
Monsieur le ministre, nous avons partagé un verre de Pessac-Léognan lors de votre venue à Bordeaux le 17 avril – cela fait partie des traditions. En période de forte inflation, une hausse de la taxation risquerait de pénaliser les plus faibles. Envisagez-vous une telle mesure ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je vous remercie, monsieur Lavergne, pour votre question qui va me permettre de clarifier devant la représentation nationale les axes que nous suivons.
Je saluerai tout d'abord le travail réalisé par les membres de la commission des affaires sociales de votre assemblée, en particulier Cyrille Isaac-Sibille, qui a rédigé en vue du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) un rapport qui fournit plusieurs pistes de réflexion intéressantes sur ce sujet.
Notre combat, je le dis haut et fort, n'est pas dirigé contre une filière et je vous rejoins, monsieur le député, dans le soutien que vous apportez à nos viticulteurs et nos brasseurs – comme vous l'avez rappelé, j'ai eu l'occasion de me rendre récemment dans votre belle circonscription.
Notre combat porte sur la consommation excessive d'alcool
Mme Christine Pires Beaune applaudit
– et j'insiste sur le terme « excessive » –, qui est encore responsable de 41 000 morts par an dans notre pays. Nous avons sur cet enjeu de santé publique une approche en termes de prévention et de modération. Nous menons régulièrement des campagnes de communication, notamment en direction des jeunes et des milieux festifs, comme « Amis aussi la nuit ». Nous déployons des actions autour de l'« aller vers », afin d'offrir un accompagnement psychologique aux victimes de ces addictions – car il s'agit bien de victimes. Nous observons des évolutions positives dans la consommation d'alcool : elle a ainsi reculé de 13 points en dix ans chez les jeunes de 17 ans.
Le PLFSS vous offrira comme chaque année l'occasion de débattre du niveau de la fiscalité sur certains produits, dont ceux à base d'alcool, essentiellement les alcools forts.
Nous n'aurons pas de débats, car vous aurez recours à un nouveau 49.3 !
Cette réflexion associera l'ensemble des parties prenantes dont, bien évidemment, les parlementaires de la majorité comme ceux de l'opposition. À la rentrée auront lieu de larges consultations au ministère de la santé et à Bercy, avec mon collègue Gabriel Attal, ministre chargé des comptes publics.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
« Ma chérie, dans quelques jours cela fera dix ans qu'un fou du volant t'a pris ta vie, a brisé la nôtre, celle de ton petit frère et celle de tous ceux qui t'aiment et qui ne t'oublient pas. Dix ans que je me bats pour qu'enfin soit reconnu l'homicide routier ; dix ans que le député de la Lozère nous soutient dans ce combat. Alors aujourd'hui, je pense à toi, ma Laurie, et à toutes ces victimes innocentes de chauffards de la route, je pense à tous ces parents qui souffrent et à tous nos amis réunis au congrès de Moulins. On ne lâchera rien ! Maman ». Des témoignages comme celui-ci, chaque député en reçoit. On ne peut rester insensible aux conséquences de ces comportements irresponsables, qu'il s'agisse du décès d'un proche, d'un père, d'une mère, d'un enfant ou des blessures qui affectent une personne durant toute sa vie. Nous sommes plusieurs parlementaires, de tous les bords politiques, à nous être emparés de cet enjeu en nous rapprochant de plusieurs associations de victimes.
Monsieur le ministre de la justice, je vous demande qu'un texte consensuel et adapté aux réalités humaines que je viens de rappeler donne lieu à un débat parlementaire le plus ouvert possible, allant même au-delà des mesures annoncées.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE, Dem et LR. – M. Frédéric Boccaletti applaudit également.
Monsieur le député, vous appelez de vos vœux un débat parlementaire : vous l'aurez, c'est une certitude. Plusieurs d'entre vous mènent ce combat de longue date. Je pense en particulier à Mme Brugnera et à vous-même…
À M. Pauget aussi, bien sûr, que je ne peux pas oublier.
Hier, Mme la Première ministre a annoncé que nous allions donner à cette terrible infraction le nom qui lui convient et qu'elle deviendrait une infraction autonome. Je veux parler aussi d'autres mesures, qui concernent mon ministère et celui de Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. Les grands excès de vitesse ne relèveront plus d'une contravention mais d'un délit – rappelons que leur nombre est passé de 41 000 en 2019 à 72 000 en 2022. Nous allons créer un délit pour la désignation frauduleuse du conducteur fictif d'un véhicule en infraction. Les récidives dans les infractions liées aux restrictions du droit de conduire seront assimilées à la conduite sans permis. Possibilité sera donnée au procureur de la République de confisquer un permis pendant douze mois au lieu de six et au tribunal judiciaire de confisquer – je dis bien confisquer – un véhicule. Vous savez ma détermination à lutter contre les comportements routiers les plus dangereux.
Sans attendre ces évolutions législatives, je prendrai dans les prochains jours une circulaire de politique pénale en matière routière, dans le prolongement des conclusions du comité interministériel de la sécurité routière. Je souhaite que les victimes soient mieux prises en compte, en particulier s'agissant de l'information qui leur est due et de leur suivi. Elles ont des droits et ces droits méritent d'être respectés et même amplifiés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe RE.
Je connais votre sensibilité, monsieur le ministre, et je ne doute pas que nous ferons ensemble œuvre utile.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Encore aujourd'hui, le Gouvernement fait peser sur les épaules des plus précaires le poids de son incapacité à prévoir les crises futures. L'augmentation sera de 10 % pour les prix de l'énergie ; mais pour le Smic, elle sera de 4 %, pour les pensions, de 0,8 %, pour le point d'indice des fonctionnaires, de 1,5 %. Qui supporte l'inflation, la réforme des retraites, l'effondrement de notre système de soins ? Ce sont les plus précaires, ceux à qui vous demandez de manière injuste de faire encore des efforts.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Sébastien Jumel applaudit également.
Or gouverner, c'est anticiper. Nous vous avions déjà alertés lors de la mise en place du bouclier tarifaire, en soulignant que cette solution d'urgence n'était ni juste ni pérenne car cette crise, qui est loin de se terminer, n'est ni la première ni la dernière. Les Français n'ont pas à payer votre manque d'investissement dans les énergies renouvelables et dans l'efficacité énergétique.
Le Grenelle de l'environnement fixait l'objectif de 38 % de baisse des consommations dans le bâtiment pour 2020. Nous n'en sommes qu'à 1 %. Le résultat, c'est une augmentation de 150 euros par an qui va obliger les familles les plus modestes à faire des arbitrages entre manger, offrir des vacances à leurs enfants ou payer les factures d'électricité.
Vous souhaitez faire 14 milliards d'euros d'économies. Au lieu de pénaliser les plus pauvres, vous auriez pu choisir d'exclure du bouclier tarifaire les 20 % les plus riches, qui sont ceux qui consomment le plus.
Vous auriez ainsi dégagé 5 milliards à 6 milliards d'euros d'économies tout en encourageant la sobriété énergétique. Vous auriez aussi pu choisir, dans un monde réellement apaisé, de mettre en place un bouclier tarifaire juste, fondé sur la progressivité des tarifs avec des niveaux bas pour les premiers kilowattheures destinés à couvrir les besoins vitaux – se laver, s'alimenter, se chauffer – et plus élevés pour les besoins superflus.
Alors, madame la ministre de la transition énergétique, quels sont vos choix pour nous offrir une énergie accessible, durable et résiliente face aux crises présentes et à venir ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Vous vous inquiétez d'une hausse de 10 % des coûts de l'électricité, mais dois-je vous rappeler, monsieur le député, que ni vous ni votre groupe n'avez voté en faveur du bouclier énergétique qui a permis de limiter massivement la hausse des prix de l'électricité pour les Français, pour les collectivités territoriales et pour les entreprises ? Dois-je également vous rappeler que s'agissant des énergies renouvelables, ni vous ni votre groupe n'avez voté en faveur du projet de loi relatif à l'accélération de leur production ?
Dois-je encore vous rappeler que ni vous ni votre groupe n'avez voté en faveur du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes ?
Les prix de l'énergie ont explosé avec le nucléaire qui est défaillant. Vous allez droit dans le mur !
Vous le savez, il faudra à la fois du nucléaire et des énergies renouvelables pour produire sur notre territoire une énergie abondante, peu chère, bénéficiant aux industries et permettant de créer de l'emploi. C'est très exactement la politique que nous menons et la stratégie que nous suivons.
Dois-je enfin vous rappeler, monsieur le député, que nous n'avons pas vu vos bancs manifester beaucoup de soutien à l'égard du plan de sobriété, qui a permis à l'ensemble des grandes entreprises, des grandes administrations et des grandes collectivités locales de réduire leur consommation d'énergie…
…et qui a abouti à une diminution de nos émissions de gaz à effet de serre de 7 % l'année dernière et, au premier trimestre de cette année, de 4 % ?
Alors, monsieur le député, quand vous mettrez en cohérence vos actes et vos paroles,…
…vos amendements et vos votes à l'Assemblée nationale, nous pourrons continuer à discuter.
Ce sont les questions au Gouvernement ou les questions au groupe Écologiste – NUPES ?
Vous disposez d'une plateforme avec la loi de programmation sur l'énergie et le climat : je vous y attends.
M. Thomas Rudigoz applaudit.
Le 14 juillet dernier, la nomination scandaleuse de Fiona Scott Morton comme économiste en chef à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne était actée, preuve de plus, s'il en fallait une, que la Commission est étrangère à toute idée de souveraineté, qu'elle soit nationale ou même européenne. Ancienne consultante auprès de géants du numérique comme Microsoft ou Apple, cette Américaine a aussi servi l'administration Obama. Comment imaginer que cette lobbyiste défende réellement l'intérêt des Européens contre l'influence des Gafam, quand nous savons que toute divulgation d'informations confidentielles relatives aux entreprises américaines pour lesquelles elle a travaillé la ferait tomber sous le coup du Cohen Act pour espionnage économique par ou pour le compte d'un gouvernement étranger ? Son allégeance est donc toute trouvée et le destin des Gafam est désormais entre les mains des Gafam eux-mêmes.
Les années s'écoulent et les scandales s'enchaînent à la Commission européenne dont la présidente, Ursula von der Leyen, outrepasse allègrement ses prérogatives – ses échanges de SMS avec le PDG de Pfizer lors de la négociation des juteux contrats de vaccins l'ont montré.
Nombre de gouvernements ont pourtant dénoncé ces dérives de la Commission – qui fait trop souvent fi de la volonté des peuples européens et de leurs intérêts, comme le démontre cette nomination. Ce mépris envers les États membres était à peine masqué dans les propos de la porte-parole de la Commission, Dana Spinant : « La décision a été prise. Nous ne voyons pas de raison de la reconsidérer. ».
Cela doit cesser. Il n'existe pas de supériorité des bureaucrates de la Commission européenne sur la volonté des peuples européens !
J'aimerais que Mme la Première ministre nous dise si elle va réellement s'opposer à cette nomination ou si elle continuera à laisser la Commission européenne dicter ses règles envers et contre tous les États membres.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.
Je voudrais associer à ma réponse Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications. Le député Philippe Latombe a déjà posé une question à ce sujet et je lui ai donné la position du Gouvernement.
Je vous l'indique donc à nouveau. Ce profil pose question s'agissant tant des conflits d'intérêts que de la souveraineté européenne. Cette nomination est certes le fruit d'un processus interne à la Commission européenne, mais nous avons expressément invité celle-ci à la réexaminer.
Je note aussi que le Parlement européen s'est saisi de la question. Il auditionne aujourd'hui même la commissaire Vestager. L'idée de souveraineté européenne portée par le Président de la République et poussée par la France depuis six ans est désormais majoritaire en Europe.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
La défense des intérêts stratégiques de l'Union européenne, de nos entreprises et de nos emplois est désormais une boussole pour notre action au niveau européen, position partagée à la fois par les États membres et les institutions européennes. Ce succès, c'est aussi au Président de la République et à cette majorité que nous le devons.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Nous attendons que la Commission européenne suive cette voie et réexamine la décision qu'elle a prise de nommer Mme Fiona Scott Morton à ce poste.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Depuis trop longtemps, vous attendez les décisions de la Commission européenne qui, je le rappelle, ne représente personne alors que les pouvoirs devraient être confiés au Conseil européen qui, lui, représente les peuples. Vous venez de souligner que vous aviez une majorité au Parlement européen. Je vous rappelle que vous avez perdu les élections européennes en 2019 et je vous prédis que vous perdrez à nouveau celles qui auront lieu en 2024. C'est Jordan Bardella qui en sortira victorieux.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, nous entamons une nouvelle phase dans la gestion de nos finances publiques. Permettez-moi pour commencer de saluer votre initiative, renouvelée cette année, d'engager les dialogues de Bercy qui incluent toutes les sensibilités parlementaires.
Après le quoi qu'il en coûte qui a permis de préserver des centaines de milliers d'entreprises et d'emplois, puis les mesures d'urgence, en particulier le bouclier tarifaire, visant à répondre à l'inflation et qui ont permis d'atténuer l'effet de la hausse des prix sur le pouvoir d'achat des Français, nous devons désormais accélérer la rationalisation des dépenses publiques et le désendettement. Une France trop endettée, c'est une France qui abdique sa souveraineté et abandonne son avenir.
Vous avez présenté récemment un document relatif aux plafonds des dépenses de l'État pour 2024, avec des économies qui seront réalisées principalement grâce à la fin des mesures d'urgence. Nous le saluons. Toutefois, ces seuls efforts ne suffiront pas à rétablir durablement les finances publiques. Lutter contre la fraude, contre toutes les fraudes, est donc un enjeu essentiel et nécessaire pour garantir la justice sociale. Nous n'avons pas à rougir de nos efforts en la matière !
À ce titre, nous travaillons depuis des mois avec vous sur la fraude à la TVA : cette dernière étant la première recette de l'État par son montant, elle est aussi la plus grande source potentielle de fraude. Grâce à des outils simples, nous voulons répondre efficacement à ce danger, avec un fort effet de levier potentiel et donc des perspectives de financement pour les enjeux d'aujourd'hui et de demain que sont l'adaptation au changement climatique, la santé de nos concitoyens et l'accompagnement de chacun vers un logement digne et durable.
Pouvez-vous, monsieur le ministre délégué, nous préciser où en est la phase de lancement de la facturation électronique ? Les entreprises, grandes et petites, ainsi que les administrations sont-elles prêtes à faire face à cette nouvelle obligation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Je vous remercie d'avoir mentionné les dialogues de Bercy, que j'ai effectivement souhaité relancer cette année, parce que je crois profondément au dialogue par-delà les clivages politiques. Je ne sais pas ce qu'il adviendra du vote des uns et des autres sur le projet de loi de finances,…
…même si je comprends que les oppositions estiment que le voter reviendrait à marquer son appartenance à la majorité. Néanmoins, ce dialogue ne peut être que positif, en ce qu'il démontre que toutes les forces politiques sont capables de travailler ensemble, en amont, sur le budget.
Vous abordez la question de la lutte contre la fraude, qui constituera un chapitre majeur du projet de loi de finances, ainsi que du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La fraude fiscale sur laquelle nous disposons de l'évaluation la plus solide, c'est la fraude à la TVA : l'Insee et la direction générale des finances publiques l'estiment à 20 milliards d'euros par an, or nous n'en recouvrons que quelques milliards. C'est pourquoi nous devons être plus efficaces en la matière.
Le prochain PLF comportera donc des mesures visant à répondre à cet objectif, dont une disposition sur le dropshipping : ce terme désigne un système de vente sur internet dans lequel le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente de produits. Cette pratique s'est largement développée ces dernières années et se prête particulièrement bien à des schémas d'évitement de la TVA. Une mesure permettra donc de réformer les règles de la TVA appliquée à l'importation.
Le deuxième sujet concerne les relations entre assujettis : vous avez formulé de nombreuses propositions sur ce point et je souhaite que nous avancions, dans le cadre du PLF, en fonction de ce que la directive TVA nous permet de faire.
Enfin, vous l'avez évoqué, la facturation électronique interentreprises constituera le chantier majeur. Elle a été adoptée par le Parlement et doit s'appliquer progressivement, pour une pleine entrée en vigueur à l'horizon de l'année 2026. Mon objectif est qu'elle soit soutenable pour les entreprises, qui sont les premières concernées : nous continuerons donc de travailler avec elles pour adapter le calendrier en conséquence.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre des armées sur la situation de détresse des blessés de guerre en Polynésie que la France, pour préserver ses intérêts dans le monde, a été contrainte de jeter dans la bataille. De ce fait, comme le disait Clemenceau, « Ils ont des droits sur nous », notamment celui de jouir d'un accompagnement dans toutes les démarches administratives, juridiques ou encore sociales, depuis la constatation de leur blessure jusqu'à leur retour à l'emploi. Ce soutien est nécessaire pour compenser la perte d'autonomie due à leur blessure. Il s'agit là d'une contrepartie évidente au sacrifice qu'ils ont consenti pour la nation.
Or, en Polynésie, la contrepartie s'avère défaillante. Ce sont les cellules d'aide des trois armées qui ont pour mission d'assurer leur suivi. Toutefois, lorsque les blessés de guerre quittent l'Hexagone et regagnent physiquement la Polynésie, leur situation semble échapper à la compétence desdites cellules : l'éloignement géographique du Fenua – du pays – en est la principale cause.
En effet, les cellules d'aide n'ont aucun équivalent en Polynésie. Lorsque le militaire blessé est radié des contrôles de l'armée, c'est l'agence de reconversion Défense Mobilité qui l'accompagne jusqu'au retour à l'emploi. Cependant, celle-ci souffre d'un manque d'effectifs et d'un fort taux de roulement qui ne permettent pas d'assurer le suivi complet et constant des blessés de guerre. Leur accompagnement y est lacunaire et ce sont les blessés eux-mêmes qui finissent par en souffrir.
Alors que la Polynésie offre chaque année à la France près de 600 de ses enfants pour alimenter l'armée, Te mau Aito nô te Fenua – les guerriers de notre terre –, une telle souffrance est inacceptable. Ma question est donc simple : quelles actions l'État français compte-t-il engager pour résoudre cette situation ? Mauruuru, te aroha 'ia rahi. Merci et salutations à tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.
Permettez-moi de vous présenter les excuses du ministre des armées, qui est à l'étranger et m'a fait part de sa réponse, qui lui tient extrêmement à cœur.
Vous avez raison, l'ensemble de nos blessés ont des droits sur nous tous pour le sacrifice consenti, quel que soit leur lieu d'origine. Toutefois, il y a des spécificités propres aux territoires ultramarins. Vous évoquez plusieurs points, tels que l'accompagnement physique ou encore l'éloignement postérieurement au retour de l'Hexagone.
Néanmoins, tous les aspects du parcours doivent être garantis, à commencer par l'accès aux droits. Celui-ci sera renforcé grâce au plan Blessés 2023-2027, annoncé par ma collègue Patricia Mirallès le 10 mai et que le Président de la République a lui-même évoqué le 13 juillet à l'hôtel de Brienne. Cet accompagnement est un dû : nous le leur devons, ainsi qu'à leurs familles.
Le premier axe de ce plan vise donc à renforcer cet accès. Le Président de la République a également rappelé que la demande de pension militaire d'invalidité doit être facilitée. L'instruction sera automatisée et accessible au format numérique : cette disposition sera effective très prochainement pour les blessures psychiques – nous savons à quel point elles sont importantes. La téléexpertise sera aussi rendue possible, grâce à un décret, afin d'éviter les déplacements non essentiels qui entraînent un coût pour les blessés.
En matière d'accompagnement, les cellules d'aide seront densifiées : un meilleur accompagnement tenant compte de la réalité du tissu local est à l'étude. Plus que jamais, l'investissement financier en la matière est essentiel : 16 millions d'euros permettront de renforcer les effectifs de ces cellules, parce que c'est d'abord l'humain qui accompagne, et un effort particulier sera consacré aux outre-mer puisque 6 millions au moins y seront consacrés. Citons également les maisons Athos, qui ont fait leurs preuves grâce à un accompagnement très spécifique : une à deux nouvelles seront créées dans les territoires ultramarins.
Vous pouvez donc compter, monsieur le député, sur la mobilisation de l'ensemble de la maison des armées pour accompagner les blessés et, surtout, de l'ensemble du Gouvernement.
« Ceux qui ont pris tout le plat dans leur assiette, laissant les assiettes des autres vides, et qui ayant tout disent avec une bonne figure, une bonne conscience, "Nous, nous qui avons tout, nous sommes pour la paix !" […] : les premiers […] provocateurs, c'est vous ! » Ces mots sont de l'abbé Pierre. À coup sûr, ils auraient suffi à ce que vous l'excluiez de votre arc républicain.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Toutefois, où se cache la République, dans votre arc républicain ? Je vous le demande.
Où est la République, en effet, quand une petite poignée s'approprie tout et qu'il ne reste rien pour les autres ?
Mêmes mouvements.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 affirme que l'impôt est également réparti « entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Pourtant, pour la quasi-totalité de la population, le système fiscal est progressif, alors qu'il devient régressif pour les 0,1 % les plus riches.
Mêmes mouvements.
Le taux d'impôt sur le revenu des milliardaires est proche de zéro. Une telle accumulation ne peut se faire que sur le dos des autres.
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors, face à votre prétendu arc républicain, je vous pose la question : où est la République quand les 500 plus grandes fortunes accaparent près de la moitié des richesses produites
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
pendant qu'un Français sur trois ne dispose plus que de 100 euros sur son compte bancaire dès le 10 du mois et qu'un sur deux saute un repas ? Où est la République quand les réformes fiscales de votre gouvernement profitent quatre fois plus aux 10 % les plus riches qu'aux 10 % les plus pauvres ? Où est la République quand le plus fortuné gagne en vingt-quatre heures ce qu'un salarié au Smic ne parviendra pas à gagner en toute une vie ?
Où est la République, sans l'égalité ? Où est la République, sans la justice sociale ?
De nombreux députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
Vous pouvez tordre les chiffres dans tous les sens,…
…vous n'arriverez pas à faire croire que le pays qui se place au deuxième rang en matière de prélèvements obligatoires, sur les trente-huit pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), est un paradis fiscal.
Vous n'arriverez pas à faire croire qu'un pays qui est le dernier pays de l'Union européenne à appliquer un impôt national sur la fortune est un paradis fiscal. Vous n'arriverez pas à faire croire qu'un pays dans lequel 10 % des contribuables payent 75 % de l'impôt sur le revenu est un paradis fiscal.
Vous n'arriverez pas à faire croire qu'un pays où le taux marginal d'imposition, lorsqu'on y ajoute la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, est de 49 % est un paradis fiscal – il n'existe pas de taux comparable dans l'Union européenne.
La réalité, c'est que la France n'est un paradis fiscal pour personne.
Mme Sophia Chikirou s'exclame.
Écoute la réponse, au moins ! Tu peux bien souffrir en écoutant la réponse : nous, on a bien souffert pendant que ton collègue parlait !
Vous évoquez les réformes fiscales, en particulier le prélèvement forfaitaire unique. Néanmoins, si la France est un paradis fiscal, cela veut dire que l'Espagne, où vos amis du parti Podemos sont au pouvoir, est un superparadis fiscal ! L'impôt sur la fortune n'existe plus et les dividendes y sont moins taxés que chez nous !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Cela signifie que l'Allemagne, où les sociaux-démocrates sont au gouvernement, est un superparadis fiscal : les dividendes y sont également moins taxés que chez nous. Malgré la réforme que nous avons engagée, nous continuons de taxer davantage que nos voisins européens. La réalité, c'est que la France n'est un paradis fiscal pour personne, mais que vous voulez en faire un enfer fiscal pour tout le monde !
Nous l'avons constaté grâce aux amendements que vous avez déposés au moment de l'examen du projet de loi de finances : vous voulez taxer les ouvriers qui font des heures supplémentaires ; vous voulez taxer les patrons de PME qui recrutent des salariés au Smic ;…
…vous avez même proposé de taxer les successions dès le premier euro, alors même que 80 % d'entre elles sont exonérées de droits de succession en France.
Voilà la vraie différence entre vous et nous : vous voulez taxer tout ce qui bouge, même si à la fin, cela conduit certains à quitter le pays ; cela ne vous pose pas de problème. Nous, nous souhaitons que la richesse soit créée en France et que tous les Français en bénéficient. C'est ce à quoi nous nous sommes engagés.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
La fin des travaux parlementaires approche et depuis le 1er juillet, les départs en vacances commencent pour de nombreux Français. Cette période heureuse se heurte pourtant au mur bien triste de la réalité des abandons qui vont de pair avec ces départs.
Chaque été, près de 60 000 animaux sont délaissés pour cause de congés. Chaque année, plus de 100 000 animaux domestiques sont abandonnés par ceux qui les ont voulus, soit près de douze par heure !
L'année 2023 connaîtra une situation bien pire encore, car les foyers et les refuges pour animaux subissent de plein fouet la hausse vertigineuse de l'inflation et de l'énergie. La France détient le record européen des abandons et les refuges débordent. Il est temps d'agir.
Les refuges sont essentiellement privés puisque, dans bien des départements, il n'existe aucun refuge public – c'est le cas dans mon département de la Seine-et-Marne. La Fondation 30 millions d'amis indique que ses structures sont saturées et qu'elles subissent une hausse drastique de leurs dépenses : 13 % pour l'alimentation, 15 % pour l'électricité – qui va encore augmenter – et 20 % pour l'eau ; sans parler du prix des croquettes qui a fait un bond inimaginable. Elle en appelle à la générosité des Français, qui ont déjà bien du mal à boucler leurs fins de mois ; certains ont même dû se séparer de leur compagnon à quatre pattes. Les donateurs ne peuvent plus supporter seuls la charge des refuges.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, malgré les efforts déjà réalisés sous les gouvernements Macron pour prévenir l'acte d'abandon, tels que l'interdiction des ventes en animalerie,…
…seriez-vous prêt à créer des refuges publics ou à subventionner davantage les associations ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Vous avez raison de poser cette question en cette période estivale, parce que c'est celle qui, malheureusement, voit le plus grand nombre d'abandons de chiens et de chats et, globalement, d'animaux de compagnie.
Comme vous l'avez souligné avec beaucoup d'honnêteté, c'est la volonté du Gouvernement, partagée sur l'immense majorité des bancs, que de lutter contre l'abandon. Un animal n'est ni un objet, ni un jouet, et son acquisition, dans un magasin – lorsque c'était encore possible – ou ailleurs, ne saurait procéder d'un coup de tête.
C'est pourquoi nous avons voté la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, qui a permis de renforcer considérablement les sanctions, qu'il s'agisse d'amendes ou de peines d'emprisonnement, et de les alourdir en cas de mort de l'animal.
Par ailleurs, nous devons œuvrer sans relâche à l'information et à la sensibilisation des personnes souhaitant adopter un animal. Nous menons à cet effet des campagnes de communication estivales visant à accroître la vigilance générale, à influer sur les attitudes et à rappeler chacun à ses responsabilités. En outre, nous souhaitons sensibiliser le détenteur d'un animal dès son acquisition ; c'est la raison d'être du certificat d'engagement et de connaissance instauré, lui aussi, par la loi du 30 novembre 2021.
Comme vous, je tiens également à saluer les associations, qui animent la majorité des refuges. Dans le cadre du plan France relance – dont le déploiement se poursuit, les crédits n'ayant pas encore été pleinement consommés –, le Gouvernement a soutenu à hauteur de 35 millions d'euros la modernisation des refuges, qui consiste notamment à en étendre la surface pour répondre au besoin croissant d'espace. J'ai rencontré plusieurs associations, et les services de mon ministère continuent à étudier la meilleure manière de les accompagner financièrement, tant pour investir que pour assumer leurs charges de fonctionnement.
Le Gouvernement mène donc des actions tant législatives que ministérielles pour accompagner les refuges. Il a déjà fait ses preuves en la matière et continue à dialoguer avec les associations pour identifier d'autres besoins d'investissement et de fonctionnement que la puissance publique pourrait couvrir. J'ajoute que s'il importe d'évaluer le phénomène d'abandon et d'y réagir lucidement, il est tout aussi primordial de le prévenir.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Je crois entendre en filigrane que l'État augmentera les subventions accordées aux refuges. Sachez que je prépare une proposition de loi à ce sujet et que je me tiens à votre disposition pour y travailler ensemble.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
En France, le taux de non-recours à certaines prestations sociales dépasse 30 %. Ce phénomène accroît la précarité et l'isolement des personnes concernées ; en outre, il les empêche d'en sortir. La lutte contre le non-recours constitue donc un axe stratégique de la lutte contre la pauvreté.
C'est pourquoi la mesure introduite par ma collègue Christine Le Nabour, par voie d'amendement, dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS », prévoit que certains territoires seront désignés « territoires zéro non-recours » à titre expérimental pendant trois ans. Un appel à projets a été lancé, à la suite duquel trente-neuf territoires ont été récemment sélectionnés pour participer à cette expérimentation. Je me réjouis d'ailleurs que la commune de Chemillé-en-Anjou, dans ma circonscription, ait été retenue, illustrant ainsi l'engagement de notre territoire en faveur d'un meilleur accès aux droits.
L'expérimentation permettra de lancer des initiatives de lutte contre le non-recours aux droits sociaux en développant l'information relative aux droits, en étendant la démarche d'« aller vers » et en mobilisant les acteurs concernés, qu'il s'agisse des associations, des bailleurs sociaux, de l'État ou encore des collectivités locales. L'enjeu consistera alors à identifier les personnes concernées, puis à les accompagner afin qu'elles bénéficient de 100 % de leurs droits. Je pense ici au RSA et à la prime d'activité, mais aussi au chèque énergie, aux aides personnelles au logement ainsi qu'à l'accès aux services publics.
L'expérimentation s'inscrit dans le cadre du pacte des solidarités et poursuit la démarche consistant à renforcer l'accompagnement social des plus fragiles. Il en sera également question lorsque nous examinerons la réforme de France Travail, qui met l'accent tant sur les devoirs que sur les droits. En outre, nous aurons l'occasion, lors des débats budgétaires, d'évoquer les moyens qu'il convient de dédier à cet accompagnement.
Pour l'heure, monsieur le ministre des solidarités, pouvez-vous nous indiquer quel soutien apportera l'État aux territoires sélectionnés dans le cadre de l'expérimentation « territoires zéro non-recours » durant les trois prochaines années ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Je vous remercie pour votre question qui me permet d'évoquer un dispositif précieux instauré par la loi « 3DS », à l'élaboration duquel de nombreux députés ont contribué ; je salue particulièrement Christine Le Nabour, que vous avez mentionnée. L'expérimentation « territoires zéro non-recours » constitue un élément central de la politique en faveur de l'accès aux droits sociaux que mènent depuis plusieurs années le Gouvernement et la majorité. Elle rejoint en cela d'autres dispositifs, comme par exemple les maisons France Services, qui, dans l'ensemble du territoire, proposent au public une offre élargie de services s'adaptant de près aux besoins des personnes, ou encore la solidarité à la source que nous comptons instaurer.
Le 6 juillet, j'ai eu le plaisir de présenter une liste de trente-neuf candidatures retenues pour l'expérimentation – et non dix, comme cela était initialement prévu –, sur soixante-sept dossiers soumis. Ces chiffres témoignent de la motivation d'un grand nombre d'acteurs locaux, prêts à se mobiliser aux côtés du Gouvernement pour favoriser l'accès de chacun au juste droit. Je me réjouis qu'une diversité impressionnante de territoires, allant de Rennes à la communauté d'agglomération du pays ajaccien et de Saint-Louis et Sainte-Rose, communes de La Réunion, à Lille, soient représentés. Il importe à présent de déployer rapidement le dispositif, car les conséquences sociales du non-recours sont prégnantes, en particulier pour les 30 % de Français qui n'effectuent pas les démarches nécessaires pour avoir accès aux droits auxquels ils peuvent prétendre.
L'État soutiendra les territoires concernés à hauteur de 80 % des montants engagés pendant trois ans. Ils bénéficieront par ailleurs d'une animation nationale qui permettra aux différents acteurs, qu'il s'agisse des collectivités, des associations, des caisses de sécurité sociale ou encore des bailleurs sociaux, de partager leurs bonnes pratiques et de comparer leurs résultats. L'ensemble des parties prenantes au comité de coordination pour l'accès aux droits seront particulièrement attentives aux effets de ces démarches, qui seront évalués par un comité dédié présidé par Nicolas Duvoux, président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.
L'ordre du jour appelle les votes solennels sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice pour les années 2023 à 2027 (n° 1346, 1440 deuxième rectification) et sur le projet de loi organique relatif à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire (n° 1345, 1441).
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la conférence des présidents a décidé que ces deux votes seraient précédés d'explications de vote communes.
Durant l'examen de ces deux textes sur la justice, nous avons tous partagé le même constat : le système judiciaire de ce pays a besoin d'un gros coup de pouce, et c'est peu dire. La hausse du budget de la justice que vous proposez, monsieur le garde des sceaux, de 9,6 milliards à 10,7 milliards d'euros sur la période 2023 à 2027, est clairement indispensable, tout comme l'augmentation des effectifs ; mais elle reste limitée, notamment si on la compare avec celle du ministère de l'intérieur.
S'agissant du contenu des textes eux-mêmes, notre groupe réaffirme clairement son opposition à l'article 3 du projet de loi d'orientation et de programmation, qui autorise l'activation à distance des appareils électroniques, à l'insu du propriétaire, aux fins de géolocalisation et de captation d'images et de sons. Cette mesure nous fait franchir un nouveau cap dangereux et nous rejoignons la réserve du Conseil d'État, qui souligne une atteinte importante au droit à la vie privée. Plusieurs garanties ont certes été apportées, en commission puis en séance, notamment pour assurer le respect du secret des échanges entre la personne espionnée et son conseil, mais ces avancées restent limitées. Nous regrettons le choix final du Gouvernement de généraliser cette technique d'enquête de géolocalisation à tous les délits et crimes contre les personnes punis d'au moins cinq ans de prison ; le choix du Sénat de borner cette technique aux crimes punis d'au moins dix ans de prison était plus proportionné. Il en est de même pour l'extension du recours aux perquisitions de nuit, dont l'encadrement demeure insuffisant. Nous restons par ailleurs dubitatifs sur le choix de priver le juge des libertés et de la détention de ses fonctions civiles, qui concernent essentiellement le contentieux des étrangers. Selon nous, le renforcement des équipes des JLD était préférable pour permettre de tenir des délais raisonnables.
Sur la partie territoriale de ces deux textes, vous avez affiché, monsieur le garde des sceaux, la volonté de dédier des mesures aux territoires exposés à des difficultés d'attractivité. Certaines juridictions des zones rurales, et surtout d'outre-mer et de Corse, souffrent d'un manque de personnels. La création d'un dispositif contractuel de priorité d'affectation, contrepartie pour les magistrats qui auraient accepté une nomination dans ces territoires peu attractifs, va dans le bon sens. Il s'agit d'une logique incitative que notre groupe soutient, d'où notre satisfaction de voir rétablir l'article 5 du projet de loi organique, qui renforce les dispositifs de délégation pour les juridictions d'outre-mer et de Corse. Nous sommes également satisfaits de l'adoption en séance de plusieurs de nos amendements en faveur des juridictions corses et ultramarines, même si, comme toujours avec les textes de programmation, ces engagements sont inscrits dans le rapport annexé, qui n'a pas de valeur contraignante. Ce dispositif, limité à trois mois, et très probablement utilisé essentiellement en visioconférence, ne pourra cependant remplacer des nominations à plein temps de magistrats au sein des juridictions corses, en donnant notamment une place plus importante aux juges originaires des territoires concernés.
Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT s'abstiendra majoritairement.
La justice est au cœur de toutes les préoccupations ces dernières semaines, que ce soit au sein de cette assemblée ou au-dehors. Je pense bien sûr aux émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel. Ces événements troublants, parfois choquants, nous rappellent le rôle fondamental de notre système judiciaire dans la préservation de l'ordre public, de la paix sociale et de la cohésion nationale.
La justice, c'est l'épine dorsale de notre démocratie. Elle constitue le pilier central sur lequel repose notre société. Pour qu'elle puisse remplir pleinement sa mission et faire face aux sérieux défis mis en lumière par les états généraux de la justice, nous lui accordons des moyens historiques.
En effet, la programmation ambitieuse que nous allons voter portera le budget du ministère de la justice à hauteur de 11 milliards d'euros en 2027, soit une hausse de 60 % en dix ans : c'est considérable, c'est massif, c'est historique !
Cette loi entérinera le recrutement de 10 000 emplois supplémentaires dont 1 500 greffiers, près de 1 700 attachés de justice, des surveillants pénitentiaires et conseillers de probation, et bien sûr 1 500 magistrats, plus que le nombre recruté ces vingt dernières années.
De la même manière, cet effort budgétaire participe à la revalorisation des rémunérations des métiers de la justice. Je pense particulièrement aux greffiers, avec lesquels la Chancellerie a trouvé un accord de méthode relatif à la revalorisation de leur profession. De même, le statut des magistrats va évoluer grâce aux nouvelles dispositions prévues par le projet de loi organique, en particulier l'ouverture et la simplification des voies d'accès à la magistrature, en vue d'attirer plus de candidats, mais aussi de moderniser leur carrière, conformément à leurs attentes.
À ce titre, je tiens à saluer le travail important de M. le rapporteur Didier Paris. Je pense aussi aux directeurs de services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip) : la Chancellerie mènera en effet une réflexion sur la revalorisation de leur métier grâce à un amendement défendu par le groupe Renaissance visant à corriger un effet de bord créé par la revalorisation des conseillers de probation.
Face aux autres défis majeurs auxquels notre société est confrontée, ces projets de loi apportent également des réponses concrètes. Ils renforceront la protection des victimes d'infraction, notamment lorsqu'elles sont mineures, grâce à l'adoption d'un amendement du groupe Renaissance défendu par Mme Sarah Tanzilli. Ils permettront également d'expérimenter les tribunaux des activités économiques pour moderniser la justice économique et de créer des pôles spécialisés en violences intrafamiliales dans nos juridictions, sur la base du rapport rendu par Mmes Émilie Chandler et Dominique Vérien. Grâce à l'élargissement de la compétence universelle de nos tribunaux suggérée par M. Guillaume Gouffier Valente, la poursuite des auteurs de crimes contre l'humanité et crimes de guerre sera facilitée. En renforçant les techniques d'enquête, ces textes contribueront aussi à la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme. Ils nous permettront, enfin, de développer la médiation en matière civile, de rénover nos tribunaux grâce à soixante projets d'agrandissement et de rénovation énergétique dans nos territoires et de poursuivre l'objectif zéro papier à horizon 2027 – sans être exhaustive, déjà rien que cela !
Pendant ces deux semaines d'examen du texte, tout comme en commission, nous avons abordé la question de la surpopulation carcérale, qui préoccupe tous les bancs de cet hémicycle.
Quand nous sommes sortis des débats caricaturaux, nous avons tous admis que la surpopulation carcérale ne permet pas une détention digne et prive de chances de réinsertion. Pour moi, c'est la clé de voûte de la lutte contre la récidive. Nous n'avons donc pas fini de parler de régulation carcérale, même si rien, dans ce texte, n'a été ajouté sur le sujet.
Dans cette optique, nous poursuivons la construction du plan 15 000 places lancé en 2018. Certains sur les bancs des Républicains pensent qu'il faut 3 000 places de plus…
Encore faudra-t-il achever ce plan 15 000 places sans encombre urbanistique. C'est l'objet du sous-amendement déposé par le groupe Renaissance.
Pour l'heure et dans l'urgence, nous préférons, pour lutter contre la surpopulation, rendre la peine de travail d'intérêt général (TIG) plus effective ou encore faciliter le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (Arse).
Le groupe Renaissance a contribué à ces objectifs en proposant, par ses amendements, un délai de convocation raccourci chez le Spip, ou encore la faculté donnée au juge d'instruction de solliciter l'avis du Spip dans la décision de renouvellement de la détention provisoire.
Je tiens, en son nom, à remercier l'ensemble des parties prenantes qui ont donné à ces textes toute leur importance, à commencer par M. le garde des sceaux, dont l'engagement sans faille a permis d'obtenir des budgets historiques, et MM. les rapporteurs Balanant, Terlier, Pradal et Paris, qui ont grandement contribué à l'amélioration de ces projets de loi.
Quand on est attaché à l'institution judiciaire, quand on est attaché à lui donner des moyens, on ne peut que voter ce texte. C'est ce que fera le groupe Renaissance, en prenant ses responsabilités et avec fierté !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Depuis plus de quarante ans, aucun gouvernement n'a fait quoi que ce soit pour préserver cette justice qui est la nôtre. Nous l'avons laissée se déliter d'année en année, jusqu'à ce qu'elle soit dans un état de délabrement tel que la France se classe parmi les pays européens qui investissent le moins dans leur justice.
Vous avez dit, monsieur le garde des sceaux, que le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice pour les années 2023 à 2027 était « le projet de loi le plus ambitieux et celui qui donnait le plus de budget à la justice depuis trente ans ». C'est aller un peu vite. Certes, l'effort est louable, mais nous partons de si loin que comparaison n'est pas raison. Il devra encore être poursuivi ; sinon, nous ne rattraperons jamais notre incommensurable retard sur nos voisins européens.
Précisément, s'agissant de la promesse de création de 10 000, puis de 15 000, voire in fine de 18 000 nouvelles places de prison, votre enthousiasme mérite d'être sérieusement tempéré : nombre d'entre elles ne verront manifestement pas le jour dans les délais indiqués. En effet, si certains réclament haut et fort, face à la caméra, des places de prison, d'autres, de la même appartenance politique, multiplient les tentatives d'entrave, notamment en refusant les autorisations d'urbanisme nécessaires. Mettre de côté ce petit jeu politique ne nuirait pas à l'intérêt de la nation.
L'article 2 prévoit la réécriture à droit constant du code de procédure pénale. Certains, à gauche, affirment que le travail de réécriture devrait être fait par les parlementaires et qu'il ne faut donc pas donner au Gouvernement l'habilitation qu'il sollicite. C'est oublier qu'il s'agit là d'un travail de bénédictin, qui demande des connaissances très approfondies en droit pénal et en procédure pénale pour donner une meilleure lisibilité à ce code…
…devenu totalement illisible et indigeste au fil du temps. Ce n'est pas faire injure aux parlementaires que nous sommes que d'estimer peu réaliste de nous atteler à cette tâche – nous n'en avons ni le temps, ni les compétences. Il serait donc irresponsable de ne pas voter cette habilitation, tant la réforme du code de procédure pénale est attendue par l'ensemble des acteurs du monde judiciaire.
En revanche, nous serons des parlementaires plus vigilants encore qu'à l'accoutumée, monsieur le ministre, car nous ne vous donnons pas un blanc-seing en vous accordant cette habilitation.
L'article 3 comporte un certain nombre de mesures parmi lesquelles, d'une part, la possibilité de perquisitions, de visites domiciliaires et de saisies de pièces à conviction de nuit, et d'autre part, l'activation à distance d'un appareil électronique aux fins de géolocalisation pour les délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Nos amendements ont permis de revenir au texte initial de cinq ans – et non pas dix ans –, et d'autoriser ainsi l'application de ce dispositif pour nombre de faits relevant de la criminalité organisée, notamment en matière de trafic de stupéfiants, qui auraient échappé à ce dispositif bienvenu si le plancher de dix ans avait été maintenu.
J'entends certains s'élever contre cette possibilité, attentatoire selon eux à la vie privée. Néanmoins, si l'on veut réellement lutter contre la criminalité organisée, il faut se donner les moyens de le faire, et doter les enquêteurs des mêmes techniques que celles utilisées par ces groupes criminels.
À ce sujet, Laure Beccuau, procureure de la République de Paris, affirmait très récemment : « La lutte contre la haute criminalité organisée est un défi actuel, un défi majeur. Aujourd'hui, le niveau de la menace est tel que l'on détecte des risques de déstabilisation de notre État de droit, de notre modèle économique, mais également de nos entreprises, à un niveau stratégique majeur. […] Les organisations que l'on affronte n'ont aucune limite dans leurs moyens financiers, aucune limite dans leurs frontières ni dans leurs champs d'action. »
La situation est donc grave. Si l'on ne veut pas que notre pays devienne un « narco-État », il nous faut réagir vite et fort. C'est l'une des raisons pour lesquelles je déplore le fait que ce projet de loi conjugue à l'infini les mesures alternatives à la prison : une mesure alternative pour un délinquant primaire, soit, mais pas pour un délinquant chevronné. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas suffisamment de places de prison qu'il faut systématiquement recourir à une mesure alternative.
À l'heure où des défis majeurs nous attendent en matière de criminalité organisée, proposer à tout prix une peine alternative me semble relever d'une décorrélation totale avec le monde réel.
Enfin, ce texte nous rappelle une fois encore que la victime est la grande oubliée du procès pénal. La place réservée aux victimes dans le projet de loi se limite en tout et pour tout à deux pages et demie sur un total de 121 ; dire que c'est peu est un euphémisme.
Pour conclure, nous voterons ces textes, car même si nous ne sommes pas d'accord avec certaines des mesures proposées, le budget qu'ils prévoient permettra de mener en partie la politique pénale que nous voulons.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
« Vous êtes contre tout, vous ne voulez pas débattre » : voilà ce que nous ont dit M. le ministre et les rapporteurs – un club d'hommes refusant la parité, soit dit en passant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Murmures sur les bancs du groupe RE.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À une exception près, vous les avez toutes balayées d'un avis défavorable, le plus souvent sans explications ni arguments, les qualifiant de « bêtises » ou « d'inepties » – c'est dire le sens que vous avez du débat contradictoire.
Ces 163 avis défavorables montrent que vous êtes contre tout :
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Ah oui ! C'est pour cela que nous augmentons son budget de 7,5 milliards !
Vous êtes contre des emplois pérennes. Vous inscrivez dans la loi la flexibilité chez les magistrats pour combler les manques – affectation provisoire hors de leur juridiction, intégration provisoire à temps partiel, recours aux magistrats honoraires.
Idem pour l'administration pénitentiaire : vous êtes contre de vraies augmentations substantielles pour ces métiers peu attractifs, contre la titularisation des CDI existants. Vous préférez embaucher des contractuels. Vous allez jusqu'à ouvrir la réserve à 67 ans pour les surveillants. Quelle provocation après la réforme des retraites !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Contre, aussi, le principe de gratuité du service public de la justice : vous instaurez une contribution pour l'introduction d'une instance devant les tribunaux des activités économiques. Certes, cela ne touchera que les entreprises de plus de 250 salariés, mais vous faites entrer le ver dans le fruit.
Contre, encore, un système pérenne de régulation carcérale. Vous n'avez écouté ni les préconisations de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, ni le rapport du comité des états généraux de la justice rédigé par son président, Jean-Marc Sauvé, en 2022. Le ministre renie l'avocat Dupond-Moretti, qui écrivait en 2020 au président Macron : « Réduire la population carcérale n'est ni dangereux ni déraisonnable. » Vous avez préféré rajouter à vos 15 000 places de prison les 3 000 que réclamait M. Ciotti, et M. Houlié est allé encore plus loin en disant « chiche » au RN, qui en demandait 10 000 de plus !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
C'est un mensonge éhonté ! C'est à M. Ciotti que j'ai dit cela ! Vous mentez au mépris du compte rendu ! C'est pitoyable !
Ce sont des mensonges ! Arrêtez de prendre les Français pour des imbéciles !
La droite et l'extrême droite sont ainsi rassurées par l'équipe macronienne.
Contre toutes les associations de défense des libertés, dont la Ligue des droits de l'homme, déjà attaquée il y a quelques semaines par M. Darmanin. Celles-ci nous alertaient sur l'article 3, florilège de mesures opposées à nos libertés fondamentales :…
…surveillance généralisée avec la possibilité d'enregistrer sons et images de tout individu suspecté d'un crime ou d'un délit puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement, et non plus de dix comme l'avait voté le Sénat, ou encore élargissement des perquisitions de nuit. Vous dites que cette dernière mesure est à destination des terroristes ; mais comme c'est votre collègue de l'intérieur qui décerne ce label, les prétendus « écoterroristes » n'ont qu'à bien se tenir !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Contre le Conseil national des barreaux, dont vous avez déformé sans scrupule et à votre avantage la préconisation qui s'opposait au principe de confidentialité des juristes d'entreprise. Votre argument ? Parce que c'est dans l'air du temps !
Le terme consacré dans le texte est « legal privilege », preuve que vous êtes aussi contre la défense de la langue de Molière !
Vous étiez contre une justice au service des plus modestes et prétendiez déjudiciariser les saisies sur rémunération ; mais cette fois, malgré votre avis défavorable, notre amendement a été adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous avions relayé la motion votée à l'unanimité par l'Association européenne des magistrats, qui alertait sur les mesures disciplinaires de l'article 8 du texte organique. Vous êtes allés contre cet avis, vous montrant bien peu défenseurs de la séparation des pouvoirs – sans doute est-ce votre intérêt ! Le rapporteur Paris s'est même opposé à une proposition qu'il validait pourtant en 2020, quand il était rapporteur de la commission d'enquête présidée par mon collègue Bernalicis.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous avais mis en garde au début de l'examen des deux textes : sans écoute, sans débat, on ne retiendrait de ce budget soi-disant historique qu'une seule chose, le fait qu'il représente la moitié de celui de la police. C'est donc fait. Les vingt-cinq heures de discussion en séance auront aussi mis en évidence les accointances entre la Macronie et l'extrême droite, puisque la minorité présidentielle a voté comme le groupe RN dans 45 % des cas. Cette réforme s'inscrit dans une logique néolibérale et une vision managériale du service public ,
Murmures sur les bancs des groupes RE et Dem
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
…car nous sommes pour le service public de la justice, pour une justice au service du peuple et pour la défense de nos libertés fondamentales.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Que des mensonges !
Après trois semaines de travaux – une semaine en commission des lois puis deux dans l'hémicycle –, nous arrivons au terme de l'examen de ces deux textes relatifs à la justice, présentés par le Gouvernement et censés trancrire en droit les propositions du rapport Sauvé issu des états généraux de la justice de 2022. Sauveront-ils la justice de la clochardisation ? Nous verrons. En tout cas, nous avons essayé d'apporter des réponses aux problèmes.
Le projet de loi organique n'appelle pas d'observations particulières ni de critiques insurmontables. Il prévoit la refonte des voies d'accès à la magistrature, réforme le statut des magistrats et modifie le mode de scrutin du Conseil supérieur de la magistrature. Je le dis d'emblée : nous voterons ce texte sans aucune difficulté.
Le projet de loi ordinaire mérite une attention bien plus soutenue. Ce texte de programmation et de financement fixe une trajectoire pour la justice – son budget passerait de 9,5 à près de 11 milliards en 2027 –, mais il ne faudrait pas qu'il s'écarte de la politique pénale que nous attendons. Je le redis : Les Républicains attendent une politique pénale ferme, des peines exemplaires et rapides.
Mme Annie Genevard applaudit.
À la suite des émeutes et des violences urbaines des dernières semaines, il n'est pas question de flancher.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous ne cautionnerons jamais le désarmement pénal qui a été engagé par Christiane Taubira et largement poursuivi par Nicole Belloubet.
Mme Justine Gruet et M. Meyer Habib applaudissent.
Nous vous avons entendu, monsieur le ministre, parler de rapidité, de fermeté, de systématisme ; nous vous prenons au mot. Comme nous l'avons répété dans différents débats parlementaires, chiche : nous serons au rendez-vous pour rappeler la nécessité de mener une politique pénale ferme.
Nous ne transigerons pas non plus sur la question carcérale.
On ne saurait laisser passer sous silence la réalité de l'exécution des peines de prison en France ; cela reviendrait à offenser, d'une certaine façon, les victimes. Oui, le risque de surpopulation carcérale est réel : nous n'arrivons pas à loger tous les détenus, dont le nombre augmente, et certains magistrats procèdent donc à des ajustements.
Le plan « prisons », lancé en 2018, prévoyait la construction de 15 000 places, mais son exécution a pris du retard ; il faut absolument donner un coup de collier pour y parvenir. Nous nous réjouissons surtout, contrairement à ce que semble penser Mme Abadie, d'avoir fait inscrire à l'article 1er un plan prévoyant de porter le parc pénitentiaire total à près de 80 000 places en ajoutant aux 15 000 nouvelles places déjà prévues 3 000 places supplémentaires.
Cet effort est nécessaire au regard des besoins, et permettra également, parce qu'il n'y a pas que l'aspect répressif qui compte, de remplir le contrat de l'encellulement individuel – vieille baderne qui date de 1875, repoussée d'année en année. Nous nous accrochons à cette victoire, qui ne nous paraît pas secondaire : l'engagement a été pris devant la représentation nationale, et nous serons là, dans les collectivités des territoires, pour accélérer la mise à disposition des terrains – nous ne tiendrons pas un double discours.
Nous nous réjouissons d'une série d'autres avancées, telles que le « legal privilege » pour les juristes d'entreprise, qui leur permettra de lutter à armes égales avec leurs collègues anglo-saxons, ou l'exonération des petites et moyennes entreprises de moins de 250 salariés de la contribution pour la justice économique.
En conclusion, nous appelons de nos vœux, sans mollir, une politique pénale ferme et une politique carcérale ambitieuse. Nous nous félicitons de l'engagement d'augmenter le nombre de places de prison et des moyens supplémentaires pour la justice, qui permettront de créer 10 000 emplois : 1 500 postes de magistrat, autant de postes de greffier, des emplois de surveillant et de personnel dans les Spip – on en a besoin.
La responsabilité nous amène, tout en restant vigilants et attentifs, à vous apporter notre soutien critique mais réel, et à voter majoritairement pour le projet de loi ordinaire, qui semble aller dans le bon sens. Nous serons cependant présents, monsieur le ministre, à chaque rendez-vous budgétaire pour veiller à l'exécution des programmes et des actions afférents.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Au début du long parcours législatif de ces deux textes, j'avais tenu, avec ma collègue Blandine Brocard, à rappeler quelques principes et marqueurs essentiels de la conception que notre groupe se fait de la réforme judiciaire. Reprenons-les en conclusion du débat.
En premier lieu, il faut une justice plus rapide et plus efficace. Nous partageons sur ce point l'objectif premier des deux textes.
En second lieu, il faut donner aux magistrats les moyens de remplir leurs missions. Certes, ils seront plus nombreux, mais il faut veiller à leur niveau de formation et à leur qualité professionnelle. Avec ma collègue Laurence Vichnievsky, nous nous sommes efforcés de conforter ces orientations et nous resterons vigilants sur ce point. La consécration par la loi d'une équipe autour du magistrat et la stabilisation des personnels contractuels représentent des avancées, et nous souhaitons que le rôle essentiel des greffiers dans le fonctionnement de l'institution judiciaire soit confirmé.
En troisième lieu, il faut moderniser la procédure pénale pour la rendre plus accessible et plus simple. La recodification proposée, à droit constant, est impérative et les parlementaires doivent être associés à ce travail ; des garanties ont été obtenues et nous en prenons volontiers acte. La procédure pénale doit ensuite s'adapter à l'évolution des comportements délictueux. Nous avons souhaité que ces adaptations assurent le délicat équilibre entre maintien de l'ordre public et respect des libertés fondamentales ; Erwan Balanant, rapporteur sur cette partie du texte, y a veillé. Nous saluons également les efforts de notre collègue Pauget pour la redéfinition de la criminalité routière, qui a trouvé hier sa traduction dans les annonces de la Première ministre.
En quatrième lieu, il faut conforter la politique pénitentiaire. Dans ce domaine, notre groupe a obtenu des progrès importants, en particulier la mise en œuvre effective des travaux d'intérêt général, une attention plus importante à la réinsertion sociale des détenus, et la mise en place d'une aide psychologique aux personnels pénitentiaires. Cependant, le débat reste ouvert. Nous attendons d'ailleurs avec intérêt les conclusions, demain, en commission des lois, de la mission d'information sur les alternatives à la détention et l'éventuelle création d'un mécanisme de régulation carcérale, menée par nos collègues Abadie et Faucillon. Néanmoins, rien ne sera possible sans un accroissement significatif du nombre de places de prison et la rénovation des prisons vétustes. Souvenons-nous qu'une prison ne se résume pas aux bâtiments, aux détenus et aux personnels : elle marque de son empreinte au-delà de ses murs. C'est pourquoi notre groupe a soutenu l'inscription dans le rapport annexé de l'objectif de 3 000 places de prison supplémentaires. Au-delà des chiffres, l'exemple désolant de la maison d'arrêt de La Talaudière, dans ma circonscription, montre à quel point l'État devra se surpasser pour réaliser ce programme.
En cinquième lieu, il faut délester le contentieux ordinaire par la voie judiciaire en imposant une véritable révolution de l'amiable. L'adoption en commission de notre amendement créant un magistrat référent pour le recours amiable au sein de chaque juridiction va dans ce sens.
En sixième lieu, il faut répondre aux agressions qui minent notre société par un traitement attentif des violences, en particulier par une approche spécifique des violences intrafamiliales. L'adoption de notre amendement prévoyant des assistants spécialisés VIF dans les futurs pôles concourt à cet objectif.
En septième lieu, il faut expérimenter pour simplifier et adapter la justice commerciale au monde économique d'aujourd'hui. La création des tribunaux des affaires économiques est la bienvenue, comme l'est l'exonération de la contribution pour la justice économique en faveur des petites entreprises, dont j'avais pris l'initiative.
En huitième lieu, il faut faire du recours au numérique une réussite en poursuivant résolument la modernisation des juridictions et en rendant celles-ci plus facilement accessibles à tous ceux qui ont affaire à la justice ou qui la font, au premier rang desquels les avocats.
Sur tous ces sujets et de nombreux autres, le rapport annexé a été l'occasion d'un vaste et riche débat, donnant lieu à l'adoption de très nombreux amendements. Il nous reste à espérer tous ensemble que ces bonnes intentions se traduisent avec une égale force dans les faits. Dans cette démarche, monsieur le garde des sceaux, vous pouvez compter sur le groupe Démocrate : conscient que la demande sociale de justice n'a jamais été aussi forte, il est prêt à y prendre toute sa part, de manière résolue. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera les deux projets de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Nous achevons ce jour deux semaines de débat. Le long examen du rapport annexé traduit le besoin de revoir le couperet des articles 40 et 45 de la Constitution, arme de dissuasion du débat parlementaire, et l'intérêt des annexes sans portée normative. Nous avons tous conscience de l'état de délabrement du système judiciaire français et de la souffrance de ses professionnels, dont le métier digne et exigeant perd de son sens du fait des difficultés tant matérielles que judiciaires qui détournent le justiciable de cette institution. Je remercie les rapporteurs, Jean Terlier – rapporteur général –, Erwan Balanant et Philippe Pradal, de leur aide pour trouver, parfois, des compromis avec le Gouvernement. Cela a été particulièrement vrai sur les questions statutaires et déontologiques du projet de loi organique, avec Didier Paris.
Ces textes doivent porter l'espérance d'une réforme systémique de l'institution judiciaire, formulée par Jean-Marc Sauvé, président du comité des états généraux de la justice.
Cette réforme doit passer par une programmation budgétaire indispensable, avec 2 milliards supplémentaires d'ici 2027 et la création de 10 000 emplois, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers. Certains d'entre nous n'y croient pas. Pour ma part, je considère que cette programmation sera contrôlée par nos soins chaque année dans le cadre de la loi de finances. D'ailleurs, à cette fin, nous avons obtenu par voie d'amendement qu'au 30 avril de chaque année, un rapport sur les créations d'emplois et la consommation des crédits soit remis au Parlement. Nous y vérifierons aussi l'efficacité de la nouvelle politique numérique, deuxième point sombre du système judiciaire français.
Les modalités de travail doivent également être modifiées en profondeur : le magistrat pourra désormais s'appuyer sur une véritable équipe, associant au premier chef les attachés de justice et – nous le demandons avec insistance – les greffiers. Le nombre de magistrats devrait augmenter grâce à l'ouverture de la magistrature à d'autres professionnels ; ces connaisseurs du droit apporteront également à la profession leur propre culture. Le projet de loi organique contient des mesures fortes en ce sens. Par ailleurs, on l'a dit, la réforme doit aussi simplifier le droit.
Enfin, l'indépendance de la justice est un socle constitutionnel, et il est essentiel pour notre démocratie d'y veiller. Gardons en mémoire l'exemple de la Pologne et de la Hongrie.
L'indépendance ne signifie pas pour autant l'indifférence. La responsabilité renforcée des magistrats devant le Conseil supérieur de la magistrature, la réaffirmation de leur liberté syndicale et l'inscription dans la loi des conseils de juridiction, qui associent l'ensemble des parlementaires du ressort, participent de cette exigence. Le rôle local du député consiste aussi à connaître l'effet, sur le terrain, des lois qu'il a votées.
C'est une réforme systémique, certes, mais elle trouve ses limites face au problème de la surpopulation carcérale. Le discours démagogique du tout-enfermement a trouvé plus d'écho au Gouvernement que notre proposition, très partagée à gauche et au centre de l'hémicycle, d'une avancée vers une régulation carcérale efficace, tant pour assurer la dignité des détenus que pour lutter contre la récidive. Je passe sur l'épisode pitoyable et ridicule d'une annonce surprise de 3 000 places de prisons supplémentaires dans le rapport annexé ,
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC
heureusement dépourvu de valeur contraignante.
Ces limites se manifestent aussi par deux mesures incohérentes qui ont pour effet d'évincer le juge du cœur du litige : celle qui est relative aux saisies sur rémunération – fort heureusement, elle a été supprimée par un vote majoritaire en séance publique – et celle qui étend le champ de compétence des tribunaux des activités économiques, sans pour autant prévoir la présence d'un juge assesseur professionnel. Dois-je rappeler que le secteur agricole se trouve déjà très satisfait par le travail des magistrats du tribunal judiciaire ?
J'en viens aux nouvelles techniques spéciales d'enquête, qui suscitent notre inquiétude. Je pense que le dispositif en vigueur est suffisant. Ce que veulent les procureurs, c'est d'abord pouvoir mobiliser les services d'enquête judiciaires. Or la réforme engagée par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) ne le leur permet plus.
Enfin, nous regrettons l'absence d'approche globale concernant la médiation et la justice restaurative. Le texte ne parle pas non plus des juridictions sociales et des conseils de prud'hommes ; pourtant, les délais de plus de cinq ans, voire de dix ans en appel, nous imposent d'agir.
En conclusion, nous partageons tous le souci de répondre à l'attente des personnels des juridictions, comme à celle des justiciables. Je reconnais l'effort financier auquel nous nous engageons à travers la présente loi de programmation ; cette réforme systémique nous semble aller dans le bon sens.
Une petite majorité de députés de notre groupe s'abstiendra sur le projet de loi ordinaire ; d'autres, redoutant les effets liberticides de l'article 3 et exprimant certaines réserves, que j'ai évoquées plus haut, voteront contre. En revanche, l'ensemble du groupe Socialistes et apparentés votera le projet de loi organique.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Jérémie Iordanoff applaudit également.
La justice n'est pas n'importe quel service public : elle est la richesse, en particulier de ceux qui n'en ont pas, qui permet de rétablir l'ordre, l'équilibre et le lien social ; elle est l'ultime recours quand tous les autres services publics ont échoué avant elle. En cela, « [l]a justice est la première dette de la souveraineté », comme le disait Portalis. Et, puisque nous contribuons dans nos fonctions à l'exercice de cette souveraineté, notre responsabilité est de tout faire pour honorer cette dette.
L'actualité a montré combien la justice était essentielle et devait être défendue pour que fonctionne un État impartial, qui inspire le respect. Ceux qui la discréditent et qui la remettent en cause en cautionnant la violation des règles ou en ne les respectant parfois pas eux-mêmes, ont légitimé la violence et l'usage de la force. Ils l'ont encore fait récemment en érigeant les émeutiers en victimes et en désignant comme coupables les policiers, les juges ou les élus. Je les mets en garde : on ne construit pas un projet sur des ruines.
Ce n'est pas pour rien que la justice est un pilier de notre démocratie et que nous devons tout faire pour qu'elle tienne debout et reste solide. Les textes que nous nous apprêtons à voter sont une nouvelle occasion de la renforcer. La justice a longtemps été le parent pauvre des lois de finances. Nous tournons définitivement cette page du sous-investissement en votant un budget de 11 milliards d'euros d'ici à 2027. Autrement dit, car il est important de rappeler le cadre de référence duquel nous sommes partis, cela représente 60 % de crédits supplémentaires pour le ministère de la justice depuis 2017. Je salue l'ambition budgétaire sans précédent que défend le garde des sceaux, qui est allé obtenir ces crédits pour réparer la justice, permettre à ses agents d'être revalorisés, réhabiliter tribunaux et prisons et étoffer les équipes de magistrats.
Bruit de conversations.
Mais ce n'est pas tout. À côté de la question des moyens, la justice continue d'être réformée pour mieux fonctionner, qu'il s'agisse de justice pénale, civile ou économique. Le groupe Horizons et apparentés a défendu un certain nombre de positions et a obtenu l'adoption d'amendements importants, notamment en ce qui concerne les techniques de déclenchement à distance des appareils électroniques. Il nous semble indispensable de donner aux enquêteurs les moyens de travailler efficacement. La réalité que ne veulent pas voir certains, c'est celle d'une criminalité astucieuse, qui emploie des moyens de plus en plus sophistiqués pour violer la loi. Mais parce que ces techniques sont particulièrement intrusives, nous avons proposé de les encadrer, de les subordonner à la nature et la gravité des faits, à une durée d'autorisation strictement proportionnée à l'objectif recherché, en prenant soin d'exclure les professions dépositaires d'un secret qui doit être protégé – avocats, magistrats, journalistes, parlementaires et médecins.
Le groupe Horizons et apparentés a également défendu avec beaucoup d'application le projet de justice restaurative, convaincu que, parallèlement à la justice contentieuse, on peut faire place, dans un certain nombre de cas, à un dialogue sécurisé permettant à l'auteur de l'infraction de se responsabiliser et à la victime de se reconstruire.
Nous avons également fait voter l'exclusion des associations, fondations et fonds de dotation de l'expérimentation du tribunal des activités économiques et la représentation, au sein de celui-ci, des agriculteurs. Nous serons vigilants, lors de la commission mixte paritaire, à conserver ces équilibres.
Un mot de la régulation carcérale, comme solution à la surpopulation dans les prisons. Nous y sommes opposés ; ce n'est pas notre choix politique. Selon nous, ce n'est pas justice que de ne pas procéder à une incarcération quand celle-ci s'impose, ou de remettre en liberté les détenus qui n'ont pas purgé l'intégralité de leur peine, au seul prétexte de la surpopulation carcérale. Conscients des difficultés de l'administration pénitentiaire, nous soutenons, bien entendu, la construction de nouvelles places de prisons et appelons à poursuivre nos travaux sur les alternatives à la détention, les aménagements de peine évitant les sorties sèches et les dispositifs de réinsertion et d'accompagnement pour lutter contre la récidive.
Enfin, la réforme statutaire de la magistrature est une avancée majeure : la diversification des profils et les garanties nouvelles de protection, de responsabilité et d'indépendance du corps de la magistrature forment une grille de lecture moderne du métier de juge.
Mes chers collègues, ces réformes ont l'ambition de redonner à l'institution judiciaire de véritables moyens pour agir et d'assurer une justice efficace, rapide et accessible, qui rétablisse un peu plus le lien et la confiance de nos concitoyens. Tel est le visage de la justice de demain que nous appelons de nos vœux : le groupe Horizons et apparentés votera ces deux projets de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.
Je fais annoncer, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, les scrutins publics sur l'ensemble du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et sur l'ensemble du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff.
La justice est une institution clé de notre République et nous sommes conscients de l'impérieuse nécessité de la fortifier. Mais vos textes ne sont pas satisfaisants. Nous nous abstiendrons sur le projet de loi organique qui, malgré quelques points sur lesquels nous ne sommes pas en désaccord, comme la diversification des voies de recrutement pour faire face à l'urgence, comporte plusieurs dispositions problématiques. L'indépendance de la justice aurait dû être un axe fort de cette réforme.
Nous assistons plutôt à un mouvement inverse ; je pense en particulier à la transmission d'office au garde des sceaux des plaintes, pourtant jugées irrecevables, à l'encontre des magistrats.
Pour ce qui est du projet de loi de programmation, nous aurions aimé pouvoir voter l'augmentation du budget proposée. Néanmoins, sans disposer d'éléments précis sur sa répartition – et c'est bien dommage –, nous comprenons et déplorons qu'il servira majoritairement à la construction de places de prison. J'ajoute que, devant une loi si épaisse, la question budgétaire ne saurait être le seul déterminant du vote.
Bruit de conversations.
Revenons sur quelques éléments du texte. Vous permettez l'activation à distance des appareils électroniques à des fins de géolocalisation pour les crimes et les délits passibles de plus de cinq ans d'emprisonnement – même le Sénat avait relevé le seuil à dix ans ! Le nombre d'infractions ainsi visées est tout à fait considérable. Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que l'activation des appareils à des fins d'écoute ou de captation d'images concernerait une dizaine d'affaires par an, sans que l'on sache vraiment d'où vous teniez ce chiffre. Et vous avez refusé tous nos amendements qui visaient à faire la lumière sur le nombre réel de ces activations.
Brouhaha.
Vous n'avez pas accepté de renforcer le rôle du JLD en le dotant d'une équipe ; vous n'avez pas accepté l'extension du référé pénal environnemental, qui serait pourtant si utile ; vous n'avez pas pris au sérieux nos propositions pour en finir avec les immixtions de l'administration dans la lutte contre la délinquance environnementale ;…
…vous n'avez pas accepté le transfert à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) du pouvoir d'agrément des associations de lutte contre la corruption – encore un rendez-vous manqué ! Vous n'avez pas non plus accepté le renforcement du rôle du juge de l'application des peines dans le prononcé des sanctions, ni le mécanisme de régulation carcérale, qui était tant attendu.
En somme, vous n'avez pas cherché à construire une majorité avec les députés du groupe Écologiste. En revanche vous avez donné à M. Ciotti les 3 000 places de prison supplémentaires qu'il réclamait.
Vous êtes évidemment libres de négocier avec la droite réactionnaire, mais ne venez pas ensuite vous offusquer que nous ne votions pas votre texte.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Je tiens par ailleurs à signaler que vous avez, dans les dernières heures de la discussion sur le projet de loi organique, fait adopter un amendement du Rassemblement national, sous-amendé par le rapporteur général.
Peut-être est-ce simplement par confort. Reste, chers collègues, que c'est une grave erreur…
…que de participer encore à l'entreprise de normalisation accélérée de l'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Sophia Chikirou applaudit également. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
En tout état de cause, malgré ce texte très fourni, et en dépit de l'effort budgétaire annoncé et de quelques avancées utiles, il ne nous a pas paru difficile de constater que la balance penchait du mauvais côté. Et croyez bien que, pour la justice de notre pays, nous le regrettons. Vous l'avez compris, les députés du groupe Écologiste – NUPES voteront contre le projet de loi de programmation.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Qu'est-ce qu'une bonne décision de justice, et comment y parvenir ? Ce n'est pas mon rôle, en tant que législateur, d'apporter une réponse à cette question. Ce n'est pas non plus celui du ministre de la justice, quelles qu'aient été ses fonctions dans une vie antérieure. C'est bien au juge qu'il revient d'y répondre, lui qui est appelé à dire le droit parmi les hommes et pour les hommes. Notre rôle, donc, est d'écouter ceux qui œuvrent quotidiennement – souvent avec passion et acharnement, parfois avec un certain découragement – pour que la machine judiciaire continue de tourner. Ce sont eux qui ont les réponses : à nous d'en faire bon usage.
Bruit de conversations.
Quel est le rôle de la justice dans notre société ? Quel est son poids face aux actes répréhensibles, son importance dans les esprits où la défiance prend petit à petit le dessus ? Toutes les dispositions de ce texte ne sont pas à vilipender : il est indéniable que des moyens sont mis sur la table, mais nous ne pouvons pas nous contenter d'une loi qui fait couler les milliards à flots sans jamais frontalement aborder aucun sujet de fond.
Le brouhaha persiste et s'intensifie.
Je suis le dernier orateur, chers collègues ; permettez-moi de terminer mon discours, après quoi vous pourrez deviser à votre guise !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et RE, ainsi que sur les bancs des commissions.
Comme je le disais, tout n'est pas à vilipender. Pourtant, l'institution judiciaire s'acharne à tirer la sonnette d'alarme depuis quelque temps déjà. Mais il faut croire que le double vitrage des portes de votre ministère est de qualité, monsieur le ministre ! Sont-elles à ce point imperméables aux doléances du réel, à ce point cadenassées par une vision budgétaire qui se désintéresse du contenu ? Les états généraux de la justice ont accouché non pas d'une souris, mais d'un projet de loi hétéroclite, un peu touche-à-tout, et qui manque de poser l'unique question qui devrait tous nous préoccuper : la justice est-elle juste aujourd'hui ?
Ceux qui voient des voleurs, des violeurs, des assassins à chaque coin de rue peuvent se taper dans le dos et se féliciter des 3 000 places de prison supplémentaires que, par surenchère, vous leur avez bien volontiers accordées. À ces collègues, nous adressons le même message qu'à vous, monsieur le ministre : vous faites fausse route. La prison comme seule réponse à la délinquance est un leurre.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Une réponse judiciaire de qualité se mesure non pas à l'encombrement des prisons mais à la réinsertion des condamnés.
…les magistrats, les greffiers, les agents administratifs doivent gérer une pénurie qui les use, un empilement de réformes qu'ils n'absorbent plus, une justice sans vision globale.
Brouhaha.
L'affaire Nahel nous pousse à nous interroger sur la faculté laissée à l'institution judiciaire de véritablement se constituer en pouvoir indépendant …
Le brouhaha persiste
…et sur la politique de l'autruche qui est menée de longue date en France dès lors qu'il s'agit d'instaurer un rapport serein et confiant entre les citoyens, leur police et leur justice.
La défiance gronde et se matérialise sous nos yeux, dans nos rues, sous nos fenêtres. Il est temps d'interroger la domination sociale qui sous-tend les rapports entre nos institutions et ceux qui n'ont pas le bon capital social, qui n'ont pas la bonne couleur de peau, qui ne correspondent pas au modèle type.
Les présents projets de lois n'envoient en rien un signal d'apaisement, ni par les moyens humains supplémentaires, dont on ne sait rien du fléchage, ni par la dématérialisation rampante, qui grignote encore un peu plus le peu d'humain et d'empathie qu'il nous reste dans les démarches administratives et judiciaires, ni par la lente « big-brothérisation » de notre société, qui substitue au principe du présumé innocent celui de la suspicion légale, qui permettra de filmer, d'écouter, de géolocaliser des individus avant toute condamnation.
À titre plus personnel, monsieur le ministre, je tiens à déplorer les lacunes immenses de votre projet de loi de programmation à l'égard des territoires d'outre-mer, sur lesquels vous appliquez un cache-misère.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
La Première ministre a déclaré aujourd'hui que les territoires d'outre-mer étaient une chance pour la France. L'inverse est-il vrai ? Vous auriez pu vous rattraper au moyen du comité interministériel des outre-mer qui s'est tenu aujourd'hui : pas une seule fois le mot « justice » n'apparaît dans les propositions du Gouvernement. Dans nos territoires, la défiance envers l'État grandit : attention !
Pour toutes ces raisons, notre groupe aura deux positions sur ces textes : la majorité de ses membres votera contre, la minorité s'abstiendra – mais personne ne penchera en faveur de leur adoption.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.– M. Philippe Naillet applaudit aussi.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 544
Nombre de suffrages exprimés 499
Majorité absolue 250
Pour l'adoption 388
Contre 111
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 545
Nombre de suffrages exprimés 504
Majorité absolue 253
Pour l'adoption 439
Contre 65
Le projet de loi organique est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Après le Sénat, c'est l'Assemblée nationale qui vient de tourner la page de la clochardisation de notre justice, abandonnée depuis plus de trente ans.
Mme Mireille Clapot applaudit.
Ce moment solennel est observé de près dans tous nos tribunaux et dans toutes nos prisons, soyez-en convaincus.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je remercie les rapporteurs, le président Houlié et les responsables du texte pour l'excellence de leur travail. Je tiens aussi à saluer l'engagement des femmes et des hommes, magistrats, greffiers, agents administratifs, avocats, qui font fonctionner la justice au quotidien. Ils attendaient ce texte ; ils attendaient que les états généraux de la justice se concrétisent. Grâce à vous, mesdames et messieurs les députés, c'est aujourd'hui chose faite.
Mêmes mouvements.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Hélène Laporte.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'industrie verte (n° 1443 rectifié, 1512).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles. Elle a commencé à examiner une série d'amendements en discussion commune à l'article 1er bis A, s'arrêtant à l'amendement n° 463 .
Je rappelle qu'un scrutin public a été annoncé sur les amendements n° 1025 et 1024 .
Sur l'amendement n° 463 , je suis saisie par les groupes Renaissance et Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur les sous-amendements n° 1687 , 1686 , 1684 et 1688 , ainsi que sur l'amendement n° 1294 , je suis saisie par le groupe Écologiste – NUPES de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Stéphane Viry pour soutenir l'amendement n° 463 , qui fait l'objet d'une série de sous-amendements, dont certains sont identiques.
Cet amendement, déposé à l'initiative de notre collègue Bonnivard et cosigné par de nombreux députés du groupe Les Républicains, vise, comme ceux en discussion commune qui ont déjà été examinés hier soir, à rétablir l'article. Le nombre élevé d'amendements provenant de presque tous les groupes de l'Assemblée montre manifestement notre volonté partagée d'élaborer une stratégie nationale éclairée en matière d'industrie. La France doit savoir où elle veut aller.
Nous sommes même d'avis d'organiser chaque année un débat devant le Parlement pour que nous puissions délibérer des choix industriels de notre pays : quelles filières privilégier, quelles politiques mener, quel cap fixer en matière de relocalisations industrielles ?
Nous sommes hostiles à toute dépendance systématique envers des pays tiers, avec tout ce que cela comporte. Nous souhaitons que la France soit une puissance industrielle établie, comme peuvent l'être les États-Unis ou la Chine. Nous considérons qu'il convient de l'affirmer clairement à travers le présent projet de loi. C'est pourquoi nous souhaitons récrire cet article.
Je ne prends qu'un exemple : la filière automobile, qui emploie 100 000 personnes de l'amont à l'aval, ne sait plus précisément où elle va. Manifestement, elle va passer au moteur électrique, mais quel est le cap ? Quelles seront les conséquences ? On a un sentiment de flottement.
Nous considérons que le Parlement doit tenir son rang et assumer ses responsabilités. C'est pourquoi, à l'instar de nombreux collègues d'autres groupes, nous souhaitons rétablir l'article 1er bis A, supprimé malencontreusement en commission.
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir le sous-amendement n° 1673 .
Si nous avions adopté l'article 1er bis A en commission, si vous vous étiez abstenu de la petite manœuvre qui a conduit à son rejet, nous aurions économisé plusieurs heures de débat sur cette série d'amendements et de sous-amendements.
En réalité, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre délégué, vous n'étiez pas d'accord avec l'idée d'élaborer une stratégie nationale pour l'industrie verte.
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie, fait un signe de dénégation.
C'est la raison pour laquelle vous avez voulu supprimer l'article 1er bis A en commission. Toutefois, dans la mesure où vous avez vous-même déposé un sous-amendement, monsieur le rapporteur général, il semble que vous vous résigniez finalement à l'élaboration d'une telle stratégie.
Le nombre considérable de sous-amendements, parmi lesquels figure le vôtre, révèle un certain flou artistique, pour ne pas dire une absence totale de vision en ce qui concerne la réindustrialisation de notre pays ainsi que le verdissement et la décarbonation de notre économie. Si nous étions parvenus à un accord en commission, ce que vous n'avez malheureusement pas su favoriser, nous aurions pu nous épargner plusieurs heures de débat.
L'exposé sommaire de l'amendement n° 463 de Mme Bonnivard explique qu'il est nécessaire pour l'État d'établir une stratégie industrielle claire. Vous allez donner un avis favorable à cet amendement. Autrement dit, vous reconnaissez vous-même que l'absence de stratégie claire était le péché originel de ce texte.
Pour notre part, nous sommes évidemment très favorables au rétablissement de l'article 1er bis A. Nous le voterons en fonction du sort réservé aux sous-amendements.
En commission, vous aviez adopté un amendement reportant de 2023 à 2024 le début de la période pour laquelle sera élaborée la stratégie nationale pour l'industrie verte, afin de laisser le temps nécessaire à la concertation avec les acteurs concernés. Compte tenu de cette position, vous devriez en principe donner un avis favorable à ce sous-amendement n° 1673 , qui a le même objet.
En tout cas, je suis très heureux que nous ayons un débat sur une stratégie que vous n'avez pas.
Puisque le Gouvernement n'a pas accepté l'article 1er bis A, nous sommes engagés dans une réécriture complète de cet article. Par nos sous-amendements, nous souhaitons reprendre des précisions qui nous paraissent indispensables. Celui-ci vise à indiquer que l'État élabore une stratégie nationale pour l'industrie verte non seulement pour la période 2023-2030, mais aussi pour chaque période décennale suivante. Engagement doit être pris à la fois d'adopter une telle stratégie pour chaque période décennale et d'organiser un débat annuel sur cette stratégie.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Vous gardez la parole, monsieur Leseul, pour soutenir le sous-amendement n° 1666 .
Il est plus important encore que le précédent. Il vise à préciser le périmètre de la stratégie nationale pour l'industrie verte, dont le principe a été introduit, rappelons-le, par nos collègues sénateurs. Il s'agit d'insérer la phrase suivante : « Cette stratégie porte sur l'ensemble de la production et du développement industriels qui ne se font pas au détriment de la santé des écosystèmes naturels ou des êtres humains. » C'est tout l'enjeu : pour être verte, l'industrie doit non seulement tenir compte des limites planétaires – nous l'avons dit hier –, mais aussi montrer le plus grand respect pour la santé de l'ensemble de nos écosystèmes.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir le sous-amendement n° 1693 .
Nous proposons de préciser que ladite stratégie nationale « identifie les besoins impliqués par l'industrie en matière de développement et de localisation des constructions logistiques, des infrastructures de transports et de l'aménagement portuaire. » Un produit, non seulement cela se crée et se fabrique, mais cela entre et sort. S'agissant d'industrie verte, la question du transport des marchandises ne peut pas être traitée séparément car le transport contribue de manière décisive à l'empreinte carbone – nous en reparlerons à propos d'autres stratégies ou politiques publiques. La logistique et le transport ont toute leur place dans les préoccupations à prendre en compte et dans les orientations à donner en matière de filières industrielles verdies ou vertes.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le sous-amendement n° 1692 .
Je tiens d'abord à saluer la volonté du groupe Les Républicains d'introduire des éléments de planification et de coordination de la politique industrielle. C'est la raison pour laquelle nous apporterons nos voix à leur amendement n° 463 . Nous souhaitons néanmoins l'enrichir par le présent sous-amendement, qui reprend un de nos amendements précédents : il vise à ce qu'on prenne en compte les spécificités des territoires d'outre-mer, préoccupation inscrite dans l'ADN du groupe Gauche démocrate et républicaine. Ces spécificités, au regard du changement climatique et de la nécessaire résilience face à ses effets, ne sont plus à démontrer.
Il convient d'envisager une politique nationale et des mesures adaptées à leurs réalités, qui sont bien différentes de celles de l'Hexagone. Il faut que vous ayez conscience – j'imagine que c'est le cas – du retard de la transition dans ces territoires. Cela commence par l'absence de biocarburant disponible et distribué à la pompe aux consommateurs ultramarins. L'absence de parcs et de bornes électriques en nombre suffisant est une autre de ces réalités, qui se traduit par une dépendance aux énergies fossiles, y compris à l'horizon 2025-2030. Il nous faut aussi prendre en compte l'absence de la filière nucléaire dans les territoires d'outre-mer.
Telles sont certains des problèmes particuliers auxquels sont confrontés nos amis et camarades ultramarins. Selon nous, il serait justifié que la stratégie nationale pour l'industrie verte tienne compte des contraintes et spécificités des collectivités qui relèvent de l'article 73 ou de l'article 74 de la Constitution.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir le sous-amendement n° 1680 .
Par son amendement n° 463 , Mme Bonnivard met en avant la nécessité pour l'État de définir une stratégie claire en matière de relocalisation industrielle et de développement des filières stratégiques de souveraineté nationale, telles que l'alimentation, l'énergie, la santé ou le numérique.
Par ce sous-amendement, le groupe La France insoumise propose de renforcer la prise en compte des enjeux des territoires d'outre-mer dans la stratégie nationale pour l'industrie verte pour la période 2023-2030, laquelle devra notamment déterminer les filières stratégiques qui doivent être implantées ou développées prioritairement sur le territoire national. Comme vient de l'expliquer notre collègue, il faudra alors prêter une attention particulière aux territoires dits ultramarins. Ceux-ci disposent d'atouts qui devraient leur permettre d'être aux avant-postes de la bifurcation écologique et du progrès humain.
Ce matin même, lors de la conférence de presse tenue à l'issue de la réunion du comité interministériel des outre-mer (Ciom), la Première ministre, Mme Borne, a insisté sur le fait que les territoires dits d'outre-mer sont « une chance exceptionnelle pour la France ». Je vous invite donc à voter ce sous-amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur les sous-amendements n° 1666 et 1670 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) de demandes de scrutin public.
Sur le sous-amendement n° 1680 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir le sous-amendement n° 1668 .
Nous proposons que la stratégie nationale pour l'industrie verte précise la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur industriel, en vue d'atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050.
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir le sous-amendement n° 1687 .
Nous sommes évidemment favorables au rétablissement de l'article 1er bis A. Une telle stratégie industrielle est indispensable à nos yeux ; elle fait partie de l'exercice de planification.
Néanmoins, il nous semble que l'amendement n° 463 de Mme Bonnivard n'est pas assez précis. C'est pourquoi nous proposons plusieurs sous-amendements pour le compléter. Celui-ci vise à préciser que la stratégie nationale pour l'industrie verte fixe des objectifs pour chaque secteur industriel afin d'en assurer la nécessaire compatibilité non seulement avec la trajectoire à 1,5 degré définie par la COP21 de Paris, mais aussi avec les limites relatives aux ressources naturelles et aux matières premières. De notre point de vue, c'est à ces conditions que l'industrie peut être verte ; la stratégie en question sera verte si elle apporte ces précisions.
Une vraie stratégie nationale pour l'industrie verte doit également déterminer les besoins en compétences et en formation professionnelle. Tel est l'objet de ce sous-amendement. La question de la formation est absente du texte ou n'y est présente que de manière marginale.
La parole est à M. Alexandre Loubet, pour soutenir le sous-amendement n° 1698 .
En commission, la majorité a fait sauter le principe d'une stratégie nationale pour l'industrie verte.
Nous nous réjouissons donc de la voir revenir ici. Néanmoins, il nous faut compléter son contenu. Le groupe Rassemblement national considère que nous devons nous donner les moyens d'atteindre nos objectifs de réindustrialisation. Or qui peut imaginer que l'on puisse réindustrialiser le pays sans identifier les besoins en compétences et en formation professionnelle ?
Il y a deux mois, Emmanuel Macron et le Gouvernement, notamment vous, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, avez communiqué à propos de ce projet de loi. Vous avez alors parlé abondamment de formation. Lors de notre rendez-vous à Bercy, vous nous avez informés que le Gouvernement travaillerait sur la question. Il est donc navrant de constater que la formation est la grande absente de ce texte. Par ce sous-amendement, nous entendons préciser que la stratégie nationale pour l'industrie verte détermine les besoins en compétences et en formation professionnelle. Nous comptons sur cet ajout.
Au printemps, le Gouvernement a effectivement orchestré une grande campagne de communication. De nombreuses concertations ont été menées ; des groupes de pilotage ont été créés ; des missions ont même été confiées à des parlementaires, dont certains sont présents ici ce soir. Or on ne retrouve pas dans ce texte la question de la formation, qui était pourtant présentée comme l'un des piliers. Nous avons bien noté, monsieur le ministre délégué chargé de l'industrie, qu'un texte relatif à la formation serait bientôt rédigé, et c'est une bonne chose. Néanmoins, nous souhaitons préciser que la stratégie nationale pour l'industrie verte détermine les besoins en matière de formation professionnelle ; cela nous semble fondamental.
Mme Clémence Guetté applaudit.
C'était, j'y insiste, un des piliers de votre projet de loi ; vous devez l'intégrer au moins à cet endroit du texte.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le sous-amendement n° 1690 .
Je suis fils de chaudronnier soudeur, et j'en suis plutôt fier. À ce chaudronnier soudeur on a dit, dans les années 1970, que son métier était dépassé. C'est la période où l'on a laminé toute la sidérurgie française ; c'est ainsi que l'on a sacrifié des territoires, des usines et les familles qui allaient avec.
Or, trente ans plus tard, on réfléchit à l'implantation d'un EPR, un réacteur pressurisé européen, à Penly, et on constate qu'il n'y a plus de soudeurs ni de chaudronniers, que l'on peine à trouver des robinetiers. D'après les besoins identifiés par la filière nucléaire, il est nécessaire de former et de recruter 100 000 ouvriers qualifiés.
Si l'on ajoute à cela les besoins de l'ensemble des filières industrielles, lesquelles sont confrontées à deux défis endogènes majeurs : développer l'offre de formation et l'adapter aux besoins futurs, mais aussi rendre ces filières attractives en proposant des métiers reconnus et valorisés, y compris par le salaire – « Ça passe par la tiquette », comme disait mon père –, on mesure à quel point l'enjeu de la formation est consubstantiel à ce renouveau industriel souhaitable, au made in France nécessaire et à la volonté réaffirmée de recouvrer tout un pan de notre industrie que l'on avait laissé délocaliser ailleurs.
C'est le sens de cet amendement. Il n'y aura pas de planification efficace si l'on n'intègre pas les besoins de formation, filière par filière, avec une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences globale, intégrée et territorialisée.
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir le sous-amendement n° 1699 .
En commission, tous les amendements sur la formation ont été déclarés irrecevables. Je suis ravi que, par voie de sous-amendement, nous puissions enfin débattre de cet enjeu majeur pour le développement de notre industrie, dans le cadre du débat sur la stratégie nationale pour l'industrie verte. On a largement sous-estimé nos besoins, notamment en ouvriers qualifiés, pour l'industrie d'excellence à laquelle nous aspirons tous.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir le sous-amendement n° 1670 .
Nous nous perdons dans tous ces sous-amendements. Il aurait été préférable de récrire l'article 1er bis A, comme nous l'avions suggéré à de nombreuses reprises.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous en venons à un sujet des plus importants qui a été assez peu abordé jusqu'à présent : c'est la question des contreparties, chère à M. le rapporteur général. Ce sous-amendement vise donc à « précise[r] les éventuelles contreparties aux aides publiques attribuées aux entreprises industrielles, notamment au regard de l'ensemble des objectifs fixés. »
Le projet de loi, comme le reste de la politique gouvernementale, accorde de nombreuses aides aux entreprises dont certaines sont les bienvenues ; encore faut-il que ces aides soient assorties de contreparties claires en matière de verdissement de l'industrie, et plus précisément de responsabilité sociale et environnementale. Nous ne pouvons pas continuer à distribuer des subventions sans conditionnalité. C'est l'objet de cet amendement, et il y en aura d'autres.
Je vous demande instamment d'instaurer cette indispensable conditionnalité des aides. À partir du moment où l'on demande des efforts à tout le monde, aux salariés – des efforts de formation et de mobilité – comme aux élus locaux, nous devons demander des efforts aux entreprises qui bénéficient de ces aides.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Sébastien Jumel applaudit également.
Le sous-amendement n° 1684 apporte une précision qui nous semble importante. Nous défendons l'idée d'une planification nationale et territoriale. Nous proposons donc que la stratégie nationale pour l'industrie verte soit articulée avec les stratégies régionales qui seront établies dans le cadre des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). C'est une mise en cohérence avec l'article 1er , que nous avons adopté, en vertu duquel les régions seront saisies des objectifs de développement industriel du fait du rôle confié aux Sraddet.
Le sous-amendement n° 1689 vise à préciser que la stratégie nationale s'inscrit dans une perspective d'économie circulaire et qu'elle prend en considération la question de la consommation de matières premières, mais aussi celle de la disponibilité en eau. Une stratégie qui ignorerait ces sujets serait une stratégie perdante.
Mme Cyrielle Chatelain applaudit.
Le sous-amendement n° 1688 , pour finir, nous semble tout aussi important. Tel qu'est rédigé l'amendement de Mme Bonnivard, la stratégie nationale pour l'industrie verte ne vise que le développement des filières, sans anticiper que certaines d'entre elles seront amenées à se réduire, à se transformer ou à s'engager dans une conversion écologique importante. L'anticipation est indispensable si nous ne voulons pas voir s'effondrer des pans entiers de notre industrie, faute d'avoir anticipé certaines difficultés ou incompatibilités avec les limites planétaires. Le présent sous-amendement vise donc à identifier les filières qui seront amenées à décroître, à se réorganiser et à se réorienter.
Une France désindustrialisée, dans laquelle le poids de l'industrie est passé de 20 % du PIB à 10 %, avec une division par deux du nombre d'emplois industriels, c'est aussi des territoires traumatisés. Je pense au Nord et à l'Est de la France, mais aussi à ma circonscription, qui était une circonscription minière.
Le premier sous-amendement, que j'avais déjà déposé en commission, vise à préciser que la stratégie nationale pour l'industrie verte comprend une planification de la revitalisation industrielle des territoires désindustrialisés. Ces territoires encore traumatisés, très enclavés, qui ont souffert de la politique de désertification, n'ont absolument pas été accompagnés lors de la désindustrialisation. Ils méritent une vraie planification et le retour de leur activité. En effet, ils connaissent de très grandes difficultés, tant en matière d'emplois que de transport, puisque, sauf rares exceptions, ils ne sont pas reliés aux grandes métropoles. Ils ont besoin d'une réparation morale du traumatisme qu'ils ont subi. M. le rapporteur général m'a dit, en commission, que l'amendement était trop restrictif, mais il ne semblait pas être contre sur le principe ; je me suis donc efforcé d'en améliorer la rédaction.
M. Jocelyn Dessigny applaudit.
Le sous-amendement n° 1696 propose que la stratégie nationale incorpore le désenclavement numérique des territoires. En 2018, Emmanuel Macron disait qu'en deux ans, la totalité du territoire national serait couverte en haut, voire en très haut débit. Nous parlions hier d'incantations : en voilà une ! Elle n'a pas tellement marché. Dans ma circonscription, trois communes n'ont même plus internet – Rivières-de-Theyrargues, Sainte-Anastasie et Dions. Or l'attractivité des territoires, c'est-à-dire leur capacité à attirer des investissements, dépend de leur couverture numérique. La stratégie nationale doit donc fixer un objectif en ce sens pour que les entreprises fonctionnent et que la réindustrialisation se fasse dans tous les territoires, y compris les plus enclavés.
Pour terminer cette petite série de sous-amendements, parce que l'amendement m'a donné plein d'idées,…
…le sous-amendement n° 1697 propose un objectif de désenclavement des territoires. En effet, nous avons eu de très nombreuses fermetures de ligne de train, nous avons des ouvrages d'art en très mauvais état, et la France est passée du premier au dix-huitième rang mondial en ce qui concerne la qualité des routes, notamment des routes secondaires. L'objectif est d'envisager la réindustrialisation d'un point de vue global en incluant les enjeux connexes, c'est-à-dire les voies de communication. Un territoire enclavé, qui n'est pas connecté aux métropoles ni aux grands axes routiers, ferroviaires, fluviaux et maritimes, est un territoire qui attirera très peu d'investisseurs. L'objectif est d'intégrer les voies de communication à la stratégie nationale. Tout cela est de bon sens.
Sur les sous-amendements identiques n° 1691 et 1708 ainsi que sur les sous-amendements n° 1693 et 1692 , je suis saisie par le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES de demandes de scrutin public.
Sur les sous-amendements identiques n° 1669 , 1690 et 1699 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national et par le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES de demandes de scrutin public.
Sur les sous-amendements identiques n° 1677 et 1701 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national et par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Sur le sous-amendement n° 1695 , les sous-amendements identiques n° 1678 , 1683 et 1702 , les sous-amendements identiques n° 1679 et 1700 et les sous-amendements n° 1682 , 1671 et 1676 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Sur les sous-amendements n° 1674 , 1704 et 1705 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Sur le sous-amendement n° 1689 , je suis saisie par le groupe Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Laurent Alexandre, pour soutenir le sous-amendement n° 1682 .
Il vise à préciser le contenu de la stratégie nationale pour l'industrie verte en prêtant une attention particulière à l'équilibre des territoires. Il permet également de cibler les sites pertinents de relocalisation de filières stratégiques en tenant compte des savoir-faire présents dans notre pays.
En effet, de trop nombreux sites sont laissés à l'abandon ; je pense aux anciens bassins industriels dans le Nord et l'Est du pays, ou encore au bassin de Decazeville, dans ma circonscription. De nombreuses personnes travaillaient – et travaillent toujours – dans ces industries. Ces territoires sont riches de gens qualifiés, compétents, qui connaissent le monde de l'industrie. Beaucoup de jeunes veulent se former et rester vivre au pays, mais ils partent, faute de débouchés. Des salariés d'usines qui ont fermé, comme la SAM, et qui sont actuellement laissés sur le carreau, ne demandent qu'à retrouver un emploi qui correspond à ce qu'ils savent faire le mieux : construire les biens manufacturés de notre pays.
Mon département de l'Aveyron est traversé par la Mecanic Vallée, avec de nombreuses entreprises qui ont une véritable expertise dans la mécanique de précision, la construction d'engins de chantier, l'aéronautique et bien d'autres secteurs. Des filières économiques cohérentes peuvent se reconstruire et se reformer dans nos territoires. Saisissons l'occasion de réindustrialiser notre pays en nous appuyant sur la richesse des gens qui le composent, en ne négligeant aucun site et en ne laissant personne de côté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Alexandre Loubet, pour soutenir le sous-amendement n° 1704 .
Nous allons voter en faveur de l'élaboration d'une stratégie nationale de plusieurs années en matière d'industrie verte. Le problème est que nous n'avons aucune définition de l'industrie verte. Ce sous-amendement déposé par le groupe Rassemblement national vise à définir ces termes, sans quoi la stratégie nationale sera un coup d'épée dans l'eau.
La définition de l'industrie verte que nous proposons ne vous surprendra pas : elle inclut le développement de technologies décarbonées, la décarbonation et l'amélioration de l'efficacité énergétique de l'industrie nationale existante et, enfin, la relocalisation, c'est-à-dire la nécessité de rapatrier un maximum d'activités industrielles sur le sol français, lorsque cela est économiquement viable.
Nous ne cesserons de le répéter : la moitié de l'empreinte carbone de la France est liée à ses importations. Produire localement, nationalement, est meilleur pour l'environnement que d'importer des marchandises depuis l'autre bout de l'Europe ou du monde.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Alma Dufour, pour soutenir le sous-amendement n° 1671 .
Nous avons rappelé, hier, que l'État avait été incapable de respecter la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), au point que le Gouvernement avait dû baisser ses propres objectifs afin de les atteindre en 2019. La seule fois où vous avez été dans les clous, c'était pendant le covid-19. On voit mal comment vous allez faire pour respecter la nouvelle stratégie nationale bas-carbone, beaucoup plus ambitieuse.
Parlons de l'industrie. J'ai entendu beaucoup de discours selon lesquels l'industrie aurait fait beaucoup d'efforts pour se décarboner. Il n'y aurait donc pas besoin de fixer d'objectifs ni de prévoir un contrôle légal. Tout le monde s'en sort très bien. Or, durant les trente dernières années, mis à part le secteur de la chimie, qui a effectivement réalisé des gains importants, les baisses d'émissions de gaz à effet de serre constatées dans les autres secteurs comme les cimenteries, les aciéries ou encore les raffineries sont dues à des délocalisations ou à des crises économiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La seule fois où l'industrie dans son ensemble a respecté la part d'émissions qui lui était allouée dans le cadre de la SNBC, c'était en 2020, pendant le covid-19. Si elle le fait au titre de l'année 2022, ce sera à cause de la crise de l'énergie, de nombreuses industries ayant dû baisser leur production parce qu'elles ne pouvaient plus payer leurs factures de gaz et d'électricité.
Mêmes mouvements.
Les objectifs pour l'industrie sont clairs : celle-ci doit réduire ses émissions de 5 % par an d'ici à 2030. Or un énorme acteur, Holcim Lafarge, annonce une réduction de seulement 1 % par an d'ici à 2030.
Au vu des faits que je viens de citer, je ne vois pas comment on peut se priver d'inscrire dans la loi que la stratégie nationale pour l'industrie verte doit définir les engagements des acteurs industriels pour respecter l'accord de Paris.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Hubert Wulfranc applaudit également.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir le sous-amendement n° 1685 .
Ce sous-amendement que nous avons déposé à l'initiative de Charles de Courson fait écho à la discussion commencée hier, dans laquelle nous contestions le mirage sémantique que représente l'expression « industrie verte ». Nous considérons que le vrai sujet réside dans la capacité à verdir l'ensemble du champ industriel. Par conséquent, nous souhaitons appuyer une définition minimale de cette stratégie en fixant un cadre qui reprenne tous les éléments de production qu'il convient de verdir, y compris la partie déchets.
La parole est à M. René Pilato, pour soutenir le sous-amendement n° 1676 .
Monsieur le ministre, vous décorrélez l'aménagement du territoire national des choix industriels opérationnels qui sont faits à l'échelle locale. Si l'on considère, comme vous, que le périmètre de décision est forcément administratif – au niveau des régions, des départements ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) –, il me semble que l'information dont on dispose est incomplète.
Quant à vous, messieurs les rapporteurs de la majorité relative, votre position est moins pardonnable. Nous vous avons présenté, le 28 juin dernier, un rapport de 200 pages sur la gestion de l'eau pour les activités économiques.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce rapport nous conduit à nous interroger sur la pertinence des frontières administratives, qui sont inadaptées dans le cas de la gestion de l'eau.
Vous n'étiez pas d'accord entre vous sur les conclusions du rapport ! C'est culotté !
Prenons l'exemple de Suez, qui veut nous vendre des systèmes permettant la réutilisation des eaux usées. Le cas du fleuve Charente, qui passe par cinq départements, est édifiant : si, en amont, un département ou une collectivité décide d'installer une industrie de réutilisation des eaux usées pour irriguer sans prélever, au nom de la préservation de la ressource, c'est en fait une fausse bonne idée. En effet, cela compromettra l'étiage en aval et l'accès à l'eau potable en Charente-Maritime, car les eaux usées servent à la régulation du débit de ce fleuve. La gestion de l'eau doit être au cœur de l'aménagement du territoire ; elle doit conditionner les choix industriels, et sa priorité doit être la souveraineté alimentaire. Définissez votre « industrie verte » ou assumez de faire du greenwashing.
Ce qui est vrai pour les usages de l'eau l'est aussi pour ce qui est de sa qualité entre l'amont et l'aval car polluer en amont signifie qu'il faut équiper pour dépolluer en aval. L'État doit définir le cadre de ce qui est tolérable. Pour nous, ce doit être le principe zéro pollution : c'est mieux pour l'écosystème et cela coûte moins cher aux usagers.
Pour être cohérent et efficace, votre projet de loi doit planifier la bifurcation écologique de l'industrie et donc de nos entreprises. Vous ne pouvez pas faire l'économie d'une véritable vision de la France dans les cinq, dix et quinze ans qui viennent ; il est temps de donner un cap en la matière, en faisant des choix opérationnels compatibles et cohérents. Planifier, c'est redonner sa grandeur à la France.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir le sous-amendement n° 1705 .
Il vise à inscrire, parmi les objectifs de la stratégie verte de l'État, les besoins en énergie. Cet aspect est fondamental car le développement d'infrastructures industrielles ne peut se faire sans une énergie sûre, disponible et à des prix soutenables, d'autant plus que la consommation d'électricité devrait augmenter d'au moins 25 à 40 % dans les douze ans qui viennent, ce qui représente un défi important pour l'économie française et conditionne le développement de l'industrie verte.
En outre, l'électricité étant l'énergie potentiellement décarbonée la plus répandue, l'établissement d'une telle stratégie doit permettre de mieux cerner les perspectives d'évolution du mix électrique français. Si elle n'incluait pas d'objectifs énergétiques, elle manquerait de pertinence ; il importe donc que ce sujet figure parmi les grands axes de la stratégie nationale pour l'industrie verte, pour la période 2023-2030.
MM. Roger Chudeau et Laurent Jacobelli applaudissent.
Il vise à intégrer la question des besoins en électricité dans la stratégie nationale pour l'industrie verte. RTE – Réseau de transport d'électricité – prévoit une forte hausse de ces besoins en cas de réindustrialisation de l'économie du pays, estimant que la consommation d'électricité pourrait dépasser d'environ 100 térawattheures la trajectoire de référence, et atteindre 750 térawattheures.
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir le sous-amendement n° 1708 .
Il répond à la même logique. La réindustrialisation va entraîner des besoins accrus en énergie, en particulier en électricité ; ce n'est pas avec vos éoliennes ,
Mme Alma Dufour s'exclame
ni d'ailleurs avec l'électricité produite à base de charbon allemand, que nous allons réindustrialiser la France – surtout, ce n'est pas de cette manière que nous rééquilibrerons la balance commerciale !
Cela étant dit, nous aimerions savoir où vous comptez trouver l'énergie disponible – en particulier l'électricité – pour réindustrialiser le pays. Vous n'avez toujours pas proposé de loi de programmation « énergie-climat »…
…qui pourrait nous donner ne serait-ce qu'une idée globale de votre vision en la matière. Vous avez saucissonné tous les textes importants sur le sujet depuis le début de la législature, notamment celui sur les énergies renouvelables, qui s'est d'ailleurs démarqué par son caractère informe et technocratique. Puis, au gré d'une prise de conscience miraculeuse, vous vous êtes reconvertis au nucléaire, après avoir fermé la centrale de Fessenheim – fermeture grâce à laquelle nous importons de l'électricité carbonée allemande !
Alors que l'objectif est de sortir des énergies fossiles, vous naviguez à vue tant sur le plan énergétique qu'en matière d'industrialisation. Nous sommes dans le flou total et je pense que nous allons passer la semaine à vous poser ce type de questions, auxquelles vous n'avez manifestement pas beaucoup de réponses à donner.
Il nous faut donc intégrer à cette stratégie une vision des besoins en énergie – et particulièrement en électricité – nécessaires à la réindustrialisation de notre pays. En effet, la sobriété promue par la gauche consiste plutôt à poursuivre le mouvement de désindustrialisation et de décroissance.
Mme Clémence Guetté s'exclame.
Monsieur le ministre Le Maire, vous dites avoir choisi la voie de la croissance, mais la croissance sans énergie, sans électricité, ce n'est pas possible ! Donnez-nous des perspectives en la matière.
Il vise à inclure, dans la stratégie nationale pour l'industrie verte, les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Emmanuel Macron nous l'a dit en juin 2023 : déléguer à d'autres la production de nos produits pharmaceutiques essentiels est une impasse pour le pays. Nous voulons donc que cette volonté du Président de la République soit inscrite dans la loi. En effet, quand il est question de relocaliser les médicaments, nous avons souvent l'impression que nous devrions nous contenter de vous faire confiance ; mais justement, nous ne vous faisons pas confiance !
Nous ne vous faisons pas confiance parce que cet hiver et au printemps, nous avons manqué de tous les médicaments ; parce que depuis 2017 le nombre de pénuries a été multiplié par sept ; parce que lors de sa visite en Ardèche, la seule proposition d'Emmanuel Macron a été de balancer de l'argent public – nos impôts – à toutes les entreprises en espérant que ça pousse. Nous ne vous faisons pas confiance parce que le seul groupe de travail qui a été missionné sur l'industrie pharmaceutique – la task force, monsieur Lescure – est composé à 70 % de personnes issues de cette même industrie, c'est-à-dire que vous demandez aux responsables de ce problème de le régler eux-mêmes.
Le Sénat a également publié un rapport, œuvre de nos collègues sénatrices Sonia de La Provôté et Laurence Cohen, dans lequel il propose d'« établir une stratégie claire et transparente de relocalisation, en France et en Europe, de la production de médicaments critiques ». À elles, nous faisons confiance, car nous faisons davantage confiance à des gens qui ont travaillé à fond pendant six mois qu'à ceux qui, pendant six ans, n'ont rien fait.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Alexandre Loubet, pour soutenir le sous-amendement n° 1701 .
Messieurs les membres du Gouvernement, près de 37 % des Français ont malheureusement été confrontés, en 2022, à des pénuries de médicaments ; c'est une réalité. Vous n'êtes pas sans savoir qu'en 2017, près de 500 molécules étaient concernées par une pénurie ou un risque de pénurie ; en 2022, il y en avait plus de 3 500 dans ce cas. La pénurie est donc en train de s'aggraver radicalement.
Je tiens à préciser que 60 à 80 % des principes actifs pharmaceutiques sont produits en Inde ou en Chine ; c'est donc un impératif – votre gouvernement, d'ailleurs, le reconnaît – que de relocaliser un maximum d'industries pharmaceutiques de production de médicaments et de molécules sur le territoire national. Le groupe Rassemblement national souhaite profiter de l'élaboration de cette stratégie nationale pour l'industrie verte, pour opérer cette relocalisation, afin d'éviter que nous nous retrouvions à nouveau particulièrement dépendants de l'extérieur, voire en situation de pénurie, comme ce fut le cas notamment lors de la crise du covid, mais aussi, malheureusement, en dehors des périodes de crise – comme je vous l'ai dit, plus d'un tiers des Français ont été confrontés à des pénuries l'année dernière.
Manifestement, collègues macronistes, vous pensiez qu'en supprimant l'article 1er bis A en commission, nous gagnerions du temps. Nous aurions mieux fait de garder l'article pour l'amender ici,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
nous aurions eu seulement des amendements à défendre. Le besoin d'une stratégie nationale industrielle, et singulièrement en ce qui concerne sa bifurcation écologique, est évident. Si nous n'agissons pas en ce sens, nous ne ferons que légiférer un peu comme on jouerait à colin-maillard,…
Sourires.
…à l'aveugle, en espérant que le marché allouera au bon endroit les besoins.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Le présent sous-amendement vise donc à éviter que cette stratégie nationale, dont nous espérons qu'elle sera réintroduite par le vote de l'amendement n° 463 , sous-amendé par nos soins, soit aveugle sur le plan budgétaire. En effet, si nous élaborons une stratégie nationale pour la réindustrialisation et la bifurcation verte de l'industrie, il faut lui donner des moyens publics ; il faut que ces moyens soient clairement évalués et qu'ils correspondent à des objectifs précis, pour que nous puissions ensuite vérifier que l'argent public investi a bien rempli son rôle et qu'il n'a pas été distribué sans contrôle ni contrepartie, comme vous le faites si souvent – c'est déjà le cas pour 200 milliards d'euros qui sont donnés chaque année sous forme d'aides publiques, et ce sans conditions ni contreparties sociales ou écologiques.
Mêmes mouvements.
Le rapport Pisani-Ferry sur les impacts macroéconomiques de la transition écologique nous dit que 67 milliards d'euros d'investissements publics et privés seront nécessaires chaque année, et que la moitié devront être publics. Vous proposez à peine 7 pauvres milliards de plus dans le budget de l'année à venir, soit nettement moins que ce qui est nécessaire. Puissent ce sous-amendement et cette stratégie nationale prévoir enfin des moyens budgétaires à la hauteur de l'enjeu climatique !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir le sous-amendement n° 1683 .
À l'origine, vous aviez présenté ce projet de loi comme une réponse à l'IRA – l'Inflation Reduction Act, la loi américaine sur la réduction de l'inflation – des États-Unis qui, je le rappelle, a prévu de mettre 370 milliards de dollars sur la table pour permettre la transition verte des entreprises américaines. Si nous voulons mettre en œuvre cette stratégie commune, nous devons être capables de déterminer une trajectoire budgétaire partagée ; c'est l'une des conditions de réussite des objectifs que nous nous fixons collectivement. Nous devons nous mettre d'accord pour savoir quelles filières nous soutiendrons, dans quelle mesure et à quel moment : voilà les questions essentielles que nous devons nous poser. Certes, vous avez proposé quelques mesures concernant l'épargne privée ou un crédit d'impôt – ce dernier, renvoyé au projet de loi de finances, profitera aux technologies dites du big five –, mais, de manière générale, reconnaissons qu'à ce stade, nous sommes – pardonnez-moi pour l'expression – un peu secs quand il s'agit de donner de la visibilité en la matière.
Le présent sous-amendement peut donc permettre de commencer à écrire – et seulement cela – un début de stratégie financière pour encourager ce que vous souhaitez, c'est-à-dire le verdissement de l'industrie.
M. Laurent Panifous et applaudit.
La parole est à M. Roger Chudeau, pour soutenir le sous-amendement n° 1702 .
Le projet de loi relatif à l'industrie verte révèle une absence de vision globale de l'État en matière de politique industrielle. Notre amendement vise donc à ajouter que la stratégie nationale pluriannuelle s'accompagne d'une nécessaire détermination des voies et moyens permettant de réindustrialiser le pays. En d'autres termes, plutôt que de mener la politique de ses moyens, il faut se donner les moyens de sa politique.
Nous souhaitons donc insérer, après l'alinéa 3 du présent article, l'alinéa suivant : la stratégie nationale « évalue les moyens financiers nécessaires au développement de l'industrie verte. Elle fixe des objectifs de financement public pour les filières stratégiques. »
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Comme ceux d'autres collègues de la NUPES avant lui, il vise à compléter l'amendement de Mme Bonnivard – dont l'objectif est de réintégrer la stratégie nationale pour l'industrie verte dans le texte –, en y ajoutant la question de la formation. Il nous faut absolument déterminer les besoins en la matière et flécher les investissements publics vers certains types de métier et de technologie. Je rappelle que 71 % des métiers dits verts ont des difficultés de recrutement, et ce n'est pas un hasard : en réalité, vous avez abandonné l'industrie du pays depuis une trentaine d'années, mais vous avez aussi démantelé le cadre national de la formation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet, par différentes lois, vous avez dirigé l'essentiel des financements vers des solutions privées, notamment les centres de formation d'apprentis d'entreprise qui fleurissent partout. C'est en réalité la victoire d'une logique très court-termiste, selon laquelle les gens sont formés à l'utilisation d'un logiciel et non plus à des qualifications durables, susceptibles de mener à une reconversion. Nous vous proposons donc, par ce sous-amendement, de former les gens à des métiers qui seront utiles demain – notre collègue Jumel a souligné cette nécessité avant moi –, soit des soudeurs, des chaudronniers ou des électrotechniciens, notamment pour atteindre le « 100 % renouvelable » qui a été l'une de vos grandes intentions affichées lors de cette première année de mandat. Certains salariés pourraient aussi se reconvertir vers ces mêmes filières. Si nous voulons donner corps à cette stratégie nationale, voilà des questions, relatives à la formation, que nous devons nous poser.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir le sous-amendement n° 1700 .
Il vise à inclure la question de la main-d'œuvre dans la stratégie nationale pour l'industrie verte. En reprenant le sous-amendement d'un autre groupe, les députés du groupe Rassemblement national font preuve d'ouverture, dans l'objectif de participer à l'enrichissement de l'amendement n° 463 .
Définir une stratégie nationale ne peut se faire en délaissant la question de la formation. Le secteur de l'industrie connaît de grandes difficultés pour recruter suffisamment et de nombreux métiers sont sous tension. La relance de l'industrie française exige que nous menions impérativement une politique publique ambitieuse en la matière, dans le cadre de cette stratégie nationale.
Vous avez de nouveau la parole, madame Ranc, pour soutenir le sous-amendement n° 1703 .
Il s'agit d'ajouter la question de la main-d'œuvre dans la planification industrielle de l'État pour 2030. Des chaudronniers aux ingénieurs, l'industrie française fait face à une pénurie en matière de ressources humaines qui risque de mettre à mal ce projet de loi sur l'industrie verte. Si le Gouvernement veut faire passer la part de l'industrie dans le PIB de 10 à 15 %, les effectifs des métiers de l'industrie vont forcément devoir augmenter alors qu'il existe déjà un déficit structurel : les métiers de l'industrie ne sont pas aussi attractifs qu'ils devraient l'être. Pour éviter de créer les conditions d'une pénurie de main-d'œuvre qui retarderait – voire empêcherait – la réindustrialisation, l'État doit prendre des mesures fortes en matière d'orientation et de formation.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement n° 1695 .
Nous voulons corriger une absence sidérante, incompréhensible : dans votre texte, il n'y a pas un mot sur les droits, les pouvoirs et la participation des salariés à la bifurcation écologique de leur entreprise.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
On pourrait se dire que c'est un choix idéologique de votre part, et on n'en serait pas surpris tant vous êtes opposés aux droits des salariés. Mais même d'un point de vue purement pragmatique, comment pouvez-vous imaginer faire bifurquer des industries aussi importantes que la sidérurgie, la chimie ou les cimenteries sans que les salariés soient associés, ne serait-ce que sous la forme de négociation avec leur employeur, à la définition de la stratégie permettant de mettre la production en adéquation avec les objectifs climatiques, tout en gardant le souci permanent de préserver l'emploi, les compétences et les qualifications professionnelles des salariés ?
Prenons un exemple dans mon département de la Loire-Atlantique. Sans l'engagement des salariés et de la CGT à la centrale thermique de Cordemais, il n'y aurait aucun projet alternatif pour le site : le Gouvernement et EDF n'ont fait aucune proposition. Grâce à la mobilisation des salariés, des négociations sur l'avenir du site sont engagées, notamment avec des partenaires industriels comme le groupe Paprec. C'est la preuve que c'est en faisant confiance aux salariés et à leurs syndicats que l'on peut engager une bifurcation écologique efficace et juste.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors que les collègues du groupe Rassemblement national ont plagié certains sous-amendements, bizarrement celui sur le droit des salariés…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir le sous-amendement n° 1709 .
Nous souhaitons inscrire l'objectif d'une résorption progressive du déficit de la balance commerciale dans cette stratégie de réindustrialisation. Pour les produits manufacturés, ce déficit est passé de 35 à 78,5 milliards d'euros entre 2019 et 2022 – cette dégradation ayant eu lieu en plein macronisme, vous ne pouvez l'attribuer aux gouvernements précédents.
Au passage, j'en profite pour faire un sort à cette idée reçue que vous invoquez en permanence, monsieur le ministre délégué, en faisant preuve d'une grande autosatisfaction : la France serait le pays le plus attractif d'Europe en matière d'investissements étrangers.
Ce sont les investisseurs qui le disent, pas nous !
C'est parfaitement faux. Avec 17 milliards d'euros d'investissements étrangers en 2022, la France se classe derrière l'Allemagne, le Royaume-Uni et même la Belgique qui a reçu 25 milliards d'euros cette même année. Vous travestissez les chiffres pour faire votre propre promotion alors que votre gouvernement n'est pas à même de réindustrialiser la France. Vous êtes aussi crédibles dans le domaine des investissements étrangers que lorsque vous affirmez que l'électricité ne va pas augmenter grâce au bouclier tarifaire : l'électricité va augmenter de 10 % au 1er août. Quel Français pourrait encore vous faire confiance ?
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir le sous-amendement n° 1681 .
Il tend à compléter la stratégie nationale industrie verte 2023-2030 en y ajoutant un objectif d'équilibre de la balance commerciale des produits manufacturés. Entendons-nous bien : nous visons l'équilibre et pas l'autarcie. Il s'agit d'établir, dans une logique d'équilibre, des relations de coopération avec les pays étrangers, en s'attaquant au niveau des importations qui creusent le déficit structurel de la balance commerciale.
Il existe des clauses miroirs, fondées sur des normes sanitaires et environnementales, que le Gouvernement tente de promouvoir dans les accords de libre-échange concernant les produits agricoles. Pourquoi ne pas envisager un système identique pour les produits manufacturés, ce qui permettrait à notre pays de se préparer à la relocalisation de certaines productions et de diminuer sa dépendance aux importations ? Ce sous-amendement vise deux objectifs : réduire le déficit commercial structurel ; répondre à des préoccupations écologiques grâce à des normes environnementales.
Nous importons ainsi massivement des produits électroniques et numériques, promus par les grandes marques vantant des innovations technologiques qui, en réalité, sont souvent minimes. Il faudrait ralentir ces importations en développant et en soutenant la filière du réemploi et du reconditionnement. Il existe une très forte demande de produits reconditionnés dans notre pays, mais nous sommes actuellement incapables d'y répondre.
M. René Pilato applaudit.
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir le sous-amendement n° 1707 .
Nous voulons reprendre un sous-amendement de M. Schellenberger sur la relocalisation des activités industrielles qui avait été adopté en commission spéciale. Après l'alinéa 3, il serait ainsi précisé : « Cette stratégie encourage les entreprises qui s'installent, ou se réinstallent, et produisent en France, en tenant compte de la réduction des impacts environnementaux engendrée par la relocalisation sur le territoire national. » Étant attachés à la relocalisation industrielle, nous nous sommes permis de reprendre cette excellente proposition de M. Schellenberger. Nous martèlerons un chiffre pendant toute la discussion : l'impact carbone de la France est lié pour 51 % à nos importations. Alors, relocalisons !
Vous avez de nouveau la parole, monsieur Meurin, pour soutenir le sous-amendement n° 1710 .
Comme le montrent toutes nos propositions, le Rassemblement national, derrière Marine Le Pen,…
Nous parlons de réindustrialisation, de transports, de politique de l'eau, d'intermodalité. Nous avons une vraie vision, qui n'est pas seulement techno comme la vôtre. En l'occurrence, il s'agit de défendre l'idée que pour réindustrialiser la France, il faut enfin mener une politique de grands travaux pour la récupération, l'adduction et la distribution de l'eau en France. Loin de défendre une politique de décroissance, nous croyons que les infrastructures – dans le domaine de l'eau comme dans celui de l'énergie – ne sont pas du tout à la hauteur et qu'il faut les inclure dans cette stratégie nationale, ne serait-ce que pour distribuer de l'eau dans les industries qui en auront besoin.
Voyez qu'au Rassemblement national, avec Marine Le Pen, nous avons des idées et une vision globale que vous n'avez pas, ni à gauche ni dans la majorité relative.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
S'il vous plaît, madame Chikirou, pas d'invective de ce style.
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir le sous-amendement n° 1672 .
Il se soutiendra lui-même et n'aura quasiment pas besoin d'explication tant il est de bon sens. Contrairement à ce que laisserait supposer son titre, ce projet de loi n'ébauche pas la moindre stratégie industrie verte : on nous demande une sorte de chèque en blanc et, à cet égard, j'aime l'expression « colin-maillard législatif » employée par mon collègue Tavel.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
En l'occurrence, nous proposons de préciser que les collectivités territoriales seront pleinement associées à l'élaboration de la stratégie industrie verte qui doit voir le jour à l'issue du vote de ce texte. Cela paraît de bon sens. Comment imaginer une stratégie de verdissement de l'industrie qui serait coupée des réalités des différents territoires et collectivités ? Avec les salariés, les collectivités sont les mieux placées pour définir les objectifs de ce verdissement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela n'a pas de sens de ne pas le préciser.
Supprimant l'article adopté au Sénat, vous avez supprimé l'idée de stratégie nationale. Pourquoi devrions-nous y renoncer ? Comment pourrions-nous éviter de donner la parole aux collectivités territoriales sur ce sujet ? Je ne vois pas.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission spéciale, pour soutenir le sous-amendement n° 1665 .
Adopté au Sénat à l'initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, cet article, dont nous débattons depuis de longues minutes sinon des heures, vise à instaurer une stratégie pour l'industrie verte. Lors de nos travaux en commission spéciale, nous étions un certain nombre à être assez dubitatifs sur l'intérêt d'un tel article qui n'a pas de caractère normatif, qui n'est pas contraignant, qui ne prévoit pas de sanctions, qui ne va pas simplifier la vie des industriels et qui nous paraissait un peu bavard. C'est pourquoi, après une longue discussion et quelques péripéties, la commission spéciale a supprimé cet article.
Mme Clémence Guetté s'exclame.
Néanmoins, nous avons constaté que de très nombreux bancs de l'opposition souhaitaient inscrire dans le texte une stratégie nationale sur l'industrie verte. Cette volonté était nette, même si les amendements et les formats proposés étaient très différents. Dans une optique de compromis, d'écoute de la volonté des oppositions, il nous a semblé intéressant de retenir l'amendement n° 463 de Mme Bonnivard et du groupe LR, dont la rédaction nous semblait meilleure que les autres.
Cependant, j'ai déposé ce sous-amendement n° 1665 qui vise à supprimer l'obligation de tenir un débat annuel devant le Parlement sur la stratégie relative à l'industrie verte, une telle disposition étant contraire à la Constitution.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je tiens à la disposition de ceux qui en doutent l'extrait de la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 sur l'inconstitutionnalité de dispositions imposant au Parlement ou au Gouvernement d'organiser un débat en séance publique.
D'autres sous-amendements nous semblent tout à fait intéressants – je pense notamment aux sous-amendements n° 1669 de M. Leseul et 1690 de M. Jumel.
S'il vous plaît, monsieur le rapporteur général, vous nous donnerez votre avis sur tous ces amendements et sous-amendements à la fin de la discussion commune.
Je veux bien attendre la fin de la discussion commune pour vous donner mon avis, mais si nous adoptons l'amendement de Mme Bonnivard, les autres n'ont plus d'intérêt.
Il reste vingt-cinq amendements dans la discussion commune. Je sais que tout le monde a très envie de siéger jusqu'à dimanche, mais je suggérerais le retrait de ces vingt-cinq amendements, afin de nous concentrer sur l'amendement n° 463 que nous proposons de sous-amender.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela nous permettrait de gagner une demi-heure, mais nous pouvons passer une demi-heure de plus sur la discussion commune.
Alors quoi, on ne peut plus amender ? Le droit d'amender et de sous-amender figure dans le règlement !
La parole est à Mme Clémence Guetté, pour soutenir l'amendement n° 1016 .
Madame la présidente, si je veux parler une heure au micro, je parle une heure au micro !
Monsieur Kasbarian, après avoir noué un accord avec le groupe Les Républicains pour sauver votre projet de loi qui ne contient rien, non seulement vous proposez de supprimer l'obligation de tenir un débat dans le Parlement – c'est l'objet de votre sous-amendement – mais en plus vous nous demandez gentiment de retirer nos amendements afin d'épargner un débat à l'Assemblée. Bref, si, pendant l'examen de ce texte, notre présence dérange, dites-le nous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
J'en viens à cet amendement qui vise à créer une Agence pour la relocalisation, chargée d'identifier les filières industrielles indispensables à notre souveraineté, d'élaborer des plans de relocalisation, de flécher des investissements publics pertinents en la matière, d'évaluer les besoins en formation et d'établir des critères définissant un protectionnisme écologique.
Pendant la crise du covid, vous avez découvert que nous ne savions plus fabriquer de masques, ni de blouses, ni de médicaments. Nous vous proposons donc de changer d'optique et de passer enfin à la planification s'agissant des filières qui seront indispensables demain.
Mêmes mouvements.
Je vous donne l'exemple de Stellantis – je suis un peu déçue que le ministre de l'économie soit absent…
…mais vous lui transmettrez mon message, monsieur Lescure. Début juillet, on apprenait que le patron de cette entreprise, Carlos Tavares, refusait de relocaliser la production de la Peugeot 208 en France malgré les nombreuses demandes en ce sens de M. Bruno Le Maire. Stellantis a bénéficié, comme d'autres groupes de la filière automobile, d'aides sans contrepartie. Pendant la crise du covid, ces aides se sont élevées à 8 milliards d'euros.
Or, que fait M. Bruno Le Maire face à une telle situation ? Il appelle les grands patrons en leur demandant de faire preuve de patriotisme industriel. C'est totalement insuffisant.
Mêmes mouvements.
Cessons de supplier les uns et les autres et de distribuer des aides sans aucune contrepartie, et créons une Agence pour la relocalisation industrielle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES – MM. Sébastien Jumel et Sébastien Peytavie applaudissent également.
Vous gardez la parole, madame Guetté, pour soutenir l'amendement n° 1022 .
Lorsque j'ai soutenu le sous-amendement n° 1679 , j'ai évoqué les besoins en formation pour les métiers dits verts. J'y reviens avec cet amendement.
Vous savez peut-être que le Syndicat des énergies renouvelables évalue à 61 000 emplois les besoins, à l'avenir, dans les filières d'énergies renouvelables, notamment 19 100 s'agissant du photovoltaïque et de l'éolien terrestre et en mer.
Cette question devrait vous intéresser puisque vous avez prétendu tout récemment vouloir relancer les énergies renouvelables grâce à votre projet de loi. Vous savez très bien qu'aujourd'hui les éoliennes sont principalement conçues en Allemagne et les panneaux photovoltaïques en Chine et que nous ne savons plus fabriquer cela en France.
Il faut donc absolument anticiper les besoins en matière de formation pour être à la hauteur d'un défi majeur. Par cet amendement, nous proposons donc de rétablir l'article en mentionnant la nécessité d'identifier de tels besoins pour les filières d'avenir. Cette précision figurait dans la version adoptée par le Sénat dont nous avions discuté en commission avant que vous votiez la suppression de l'article en catimini, au moment où tous les députés siégeaient en séance publique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il fallait être présente en commission et voter, tout simplement ! Ça s'appelle un vote démocratique ! Je sais que ça vous dérange mais c'est comme ça !
Il vise à ajouter à la stratégie nationale proposée par le Sénat la prise en considération de la consommation énergétique liée au développement industriel – nos collègues ont déjà évoqué ce sujet.
Cette question, qui commence à émerger, vous conduira nécessairement – et je sais que vous détestez cela – à fixer des priorités et à choisir certaines activités. En effet, selon l'Autorité de sûreté nucléaire, si nous ne développons pas massivement les énergies renouvelables au cours de la prochaine décennie et si nous n'accélérons pas la réalisation d'économies d'énergie, nous serons confrontés à une tension très forte entre l'offre et la demande.
Car la décarbonation de l'industrie nécessite énormément d'électricité. Le plan de relance actuel a ainsi occasionné, dans la seule Normandie, une augmentation de 20 000 mégawattheures de la consommation d'électricité sur le réseau. Autre exemple : il faudrait un tiers de réacteur nucléaire pour décarboner le seul site industriel de Borealis, dans ma circonscription.
Nous devons aller vite dans le processus de décarbonation. Toutefois, comme nous ne vous faisons pas confiance pour décarboner les énergies renouvelables ni pour réduire la consommation d'énergie, au vu du rythme qui a été le vôtre ces dernières années, nous risquons de subir des coupures si nous ne prévoyons ni n'évaluons la consommation d'énergie des industries que nous voulons implanter en France. Si nous n'intégrons pas cette dimension dans la stratégie nationale, nous transformerons le pays des Lumières en pays du blackout.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir l'amendement n° 1294 .
Nous souhaitons le rétablissement de l'article 1er bis A relatif à la stratégie nationale et vous en proposons, avec cet amendement, une réécriture. Celle-ci reprend une grande partie des sous-amendements à l'amendement de Mme Bonnivard que nous avons déposés.
J'insiste sur le fait que, dans le cadre de cette stratégie, il faut anticiper les difficultés à venir de plusieurs filières qui devront disparaître, se transformer ou se réorienter. Car ces usines font vivre des salariés ainsi que des territoires et leurs habitants. Faute d'anticipation, nous verrons ces filières s'effondrer sans que nous puissions leur apporter de réponse.
Le travail d'anticipation doit porter, certes, sur ce qui peut être développé mais aussi sur ce qui pourrait se retrouver en danger. En effet, les limites planétaires ne nous permettront pas de produire dans les mêmes conditions au cours des prochaines années.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 1339 .
On comprend pourquoi vous avez essayé d'escamoter cet article. C'est parce qu'il vous met mal à l'aise. Il évoque la réindustrialisation et la souveraineté énergétique si bien que nous pouvons y lire, en creux, tous vos échecs.
Je pense tout d'abord à votre soutien à la mondialisation qui a entraîné la perte des emplois et la désindustrialisation en France. Je pourrais aussi citer votre politique énergétique européenne qui a imposé à notre électricité et notre énergie des coûts faramineux. Un autre de vos échecs, c'est votre volonté, depuis des années, de signer des traités de libre-échange avec tout le monde, permettant à d'autres pays de produire pour moins cher et nous conduisant à importer des produits qui ne respectent pas les mêmes normes, ce qui a mis nos industriels en difficulté.
À présent, ayant vu la lumière – je ne sais trop pourquoi –, vous essayez de revenir sur vos pas mais ce n'est pas un mouvement naturel pour vous. C'est pourquoi, dès lors qu'il est question d'élaborer une stratégie industrielle, vous paniquez au point de supprimer l'article qui la prévoit.
Par cet amendement de notre collègue Meurin, nous vous proposons de revenir à la rédaction du Sénat, dans une version améliorée qui mentionne notamment la nécessité de mettre en place une politique de souveraineté énergétique – sans laquelle aucune souveraineté industrielle n'est possible –, ainsi qu'un plan de revitalisation des territoires.
En tant que député de la Moselle, terre qui a vécu tristement, tragiquement, la désindustrialisation, je ne peux que vous rappeler qu'il faut adopter une stratégie visant à réindustrialiser la France – après tout, vous avez bien élaboré une stratégie pour le désindustrialiser. Écoutez donc la voix de la sagesse et soyez favorable à cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
La parole est à M. Idir Boumertit, pour soutenir l'amendement n° 1023 .
Nous sommes nombreux à souhaiter réintroduire une version complétée de l'article 1er bis A, malheureusement supprimé en commission.
Afin de parvenir à une meilleure planification de la bifurcation écologique, il nous semble nécessaire d'intégrer à la stratégie nationale pour l'industrie verte divers ajouts tels que la décarbonation de certaines filières de production ou de transformation de matières premières, l'exigence d'une production locale bien sûr ainsi qu'un volet financier afin de permettre aux acteurs économiques et industriels de décarboner leurs activités.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES.
Il se fonde sur l'article 100.
Je ne veux être désagréable avec personne. Je rappelle simplement que la séance ne peut se tenir qu'en présence d'un ministre au banc du Gouvernement et du rapporteur général au banc des commissions. Le président de la commission spéciale ne supplée pas le rapporteur général.
Il s'agit de deux fonctions différentes.
Nous pourrions donc suspendre la séance pendant quelques minutes en attendant le retour de M. le rapporteur général car je ne veux pas qu'au moment où il devra émettre un avis sur les amendements sérieux que nous avons déposés, il se trompe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. le rapporteur général, qui s'était absenté pendant quelques minutes, est de retour dans l'hémicycle.
Nous sommes favorables à l'élaboration d'une stratégie nationale pour l'industrie verte afin de mettre la France sur de bons rails.
Par cet amendement, nous proposons donc de rétablir l'article 1er bis A tel qu'il aurait dû être adopté en commission spéciale si le président avait accepté la suspension de séance qui s'imposait compte tenu de l'activité dans l'hémicycle au même moment.
Notre amendement fait ainsi la synthèse des différents ajouts ou retraits qui avaient reçu les suffrages de notre commission spéciale. C'est pourquoi nous pensons qu'il doit faire l'objet d'un consensus dans l'hémicycle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 444 .
Comme certains collègues qui viennent de s'exprimer, nous souhaitons rétablir l'article dans la version du Sénat que nous avions discutée et enrichie en commission spéciale avant que cet article ne soit finalement supprimé. Nous voulons y intégrer les quelques amendements issus de la majorité et des oppositions visant à définir le cadre de la stratégie nationale pour l'industrie verte.
Reconnaissons que sans définition ni stratégie, il est assez difficile de prétendre que nous pourrons construire l'industrie de demain. Si des bonnes volontés se manifestent de part et d'autre – ce dont je ne doute pas –, nous devons tout de même prévoir ici un cadre, aussi large soit-il, pour savoir quelles mesures nous voulons prendre collectivement pour l'industrie française et pour son verdissement. Tel était le sens des travaux que nous avions menés en commission spéciale et qui ont été effacés par le vote final.
Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit.
Nous continuons d'évoquer la mise en place d'une stratégie nationale, prévue par l'article 1er bis A qui a « disparu » en commission spéciale.
Le groupe Socialistes et apparentés souhaite que cette stratégie détermine les filières stratégiques qui doivent être implantées ou développées, favorise la recherche et l'expérimentation des produits et procédés qui pourraient contribuer à la transition écologique, et identifie les besoins en matériaux.
D'autre part, nous estimons qu'elle doit identifier les besoins de financement précis pour sa mise en œuvre afin d'accélérer son déploiement – l'accélération étant le maître-mot des derniers projets de loi relatifs à cette question, cela me semble indispensable.
La parole est à Mme Clémence Guetté, pour soutenir l'amendement n° 1028 .
Cet amendement de repli vise à inscrire l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'industrie dans la stratégie nationale pour l'industrie verte. Je rappelle que l'industrie représente 20 % de ces émissions.
Nous proposons donc de définir des critères, ce qui revient à fixer trois objectifs à atteindre : réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur de l'industrie d'ici à 2030, zéro artificialisation nette en 2050 – comme le prévoit le projet de loi que nous avons voté la semaine dernière – et définition précise des engagements attendus en matière de réduction des impacts environnementaux de la part de chaque filière industrielle, au-delà d'un simple bilan fourni par les entreprises quand bon leur semble.
Le fait de fixer ces objectifs dans le cadre de la stratégie nationale constitue un prérequis indispensable.
Pierre Dac disait : « Ceux qui ne savent pas où ils vont sont surpris de se retrouver ailleurs. » Nous avons un peu peur que cela se vérifie avec ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Planifions, inscrivons des objectifs clairs dont nous pourrons débattre une fois que nous aurons entendu les avis sur les amendements de cette longue discussion commune. Si, aujourd'hui, nous appelons de nos vœux une planification, nous serons vigilants au cours de la suite de l'examen du texte. Nous vérifierons notamment que vous ne déferez pas tout aux articles 8 et 9.
Mêmes mouvements.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 1014 .
Il prévoit la création d'un fonds souverain « industrie verte » chargé d'investir dans la bifurcation écologique de l'industrie et dans les secteurs industriels stratégiques et qui serait alimenté par une taxe sur les superprofits.
Nous l'assumons, la bifurcation écologique suppose, de façon urgente, d'échapper aux logiques de rentabilité financière et de prendre pleinement en compte la dimension sociale. Ce fonds souverain public apparaît donc comme un outil financier et stratégique à privilégier.
Nous insistons aussi pour que la stratégie nationale pour l'industrie verte fasse l'objet d'un débat annuel devant le Parlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 1015 .
Il vise le même objectif que le sous-amendement n° 1681 que j'ai présenté tout à l'heure : la recherche d'une balance commerciale à l'équilibre pour les importations de produits manufacturés.
J'ai déjà avancé quelques arguments mais je peux en donner d'autres.
J'imagine que tout le monde, ici, est favorable à une relocalisation et à une augmentation du volume de produits manufacturés français. C'est notre cas.
Pour atteindre cet objectif, il faut prendre des décisions fortes, au vu des tendances que l'on observe depuis quelques années. Le déficit commercial en matière de produits manufacturés, qui s'élevait à 35,5 milliards d'euros en 2019, a atteint 78,5 milliards en 2022. En trois ans, et malgré la pandémie qui nous a fait prendre conscience qu'il était important de produire localement pour se fournir le plus rapidement possible sans dépendre des chaînes d'approvisionnement internationales, nous n'avons donc rien fait pour améliorer la situation.
Nous avons l'occasion d'inscrire un objectif pour les sept prochaines années pour certains produits manufacturés et filières.
Le Haut Conseil pour le climat appelle à réduire nos émissions importées qui entraînent une importante pollution. Notre empreinte carbone globale ne cesse d'augmenter. Nous importons beaucoup de l'Union européenne alors qu'il n'y a pas d'harmonisation sociale en son sein. Nous importons aussi de pays étrangers avec lesquels il n'y a d'harmonisation ni sur le plan social ni sur celui des normes et de l'impact environnementaux. Cet impact ne se résume pas aux émissions de carbone mais comprend aussi la pollution des sols, la déforestation, etc.
L'amendement n° 1015 peut changer les choses et nous amener sur la voie de la relocalisation, de la solidarité internationale en tenant compte de notre rôle de consommateurs et de l'impact de ce que nous consommons au niveau mondial.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement vise à récrire l'article 1er bis A en incluant dans la stratégie nationale les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur.
Je citerai à nouveau Emmanuel Macron qui, en mars 2020, affirmait : « Déléguer […] notre protection, notre capacité à soigner […] à d'autres est une folie. »
Nous pouvions être d'accord avec ces affirmations, cependant j'ai besoin d'une traduction : il semble qu'on se soit mal compris car, manifestement, rien n'a été fait depuis pour arrêter de déléguer notre production aux autres.
Le plan annoncé en Ardèche consiste uniquement à saupoudrer d'argent public l'industrie pharmaceutique. Si vous aviez un doute, sachez que saupoudrer d'argent public les industries sans rien demander en échange, ça ne fonctionne pas.
Par exemple, en dix ans, Sanofi a bénéficié de 1 milliard d'euros de crédit d'impôt recherche, tout en divisant par deux le nombre de chercheurs qu'elle emploie. Quand on cherchait un vaccin contre le covid, l'entreprise Sanofi, à qui la France avait donc donné 1 milliard d'euros sur dix ans, a annoncé qu'elle les accorderait d'abord aux États-Unis. Nous lui avons encore donné 200 millions d'euros pour la recherche. Une semaine plus tard, elle a annoncé 1 700 suppressions de postes dont 1 000 en France.
L'amendement n° 1020 a un objectif simple : une ligne claire sur la production de médicaments. Nous voulons que la stratégie soit discutée tous les ans au Parlement.
Au fond, nous voulons vous dire ceci : faites autre chose de nos impôts. Il faut qu'ils soient investis pour la production, pour notre santé et pour notre souveraineté.
« Bravo ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l'amendement n° 652 .
Dans la continuité des différentes propositions qui vous ont été faites, il vise à récrire l'article 1er bis A, que, dans leur grande sagesse, les sénateurs avaient ajouté. Nous pouvons effectivement l'amender pour le rendre plus compatible avec vos objectifs, dans un esprit de compromis, en nous y mettant tous. Grâce aux nombreux amendements en discussion commune, nous devrions trouver une rédaction adaptée.
Pour nous, une stratégie industrie verte doit comporter au moins quatre éléments.
Premièrement, elle doit viser la réduction des pollutions. Nul ne peut ignorer que les industries ont un impact. Prenons un exemple : je viens d'un territoire où sont situées des plateformes chimiques. Une plateforme chimique sans impact sur l'environnement, ça n'existe pas. En revanche, on ne peut pas demander à la population d'accepter une industrie chimique près de chez elle au détriment de sa santé. Nous devons donc présenter des exigences fortes aux industriels en matière de santé et de pollution, notamment quand on sait l'importance de la qualité de notre eau.
Deuxièmement, cette stratégie doit prendre en considération la consommation. Réindustrialiser, oui, mais pas pour faire n'importe quoi. Nous devons produire les biens nécessaires au bon fonctionnement de la société, et non nous engager dans une course à la surproduction, à la surconsommation, dont la fast fashion est sans doute l'exemple le plus criant.
Troisièmement, vous parlez beaucoup de décarbonation. Nous vous demandons de renoncer à ce terme pour inscrire les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre au niveau européen, qui sont clairs et partagés. Donnons-nous des objectifs.
Quatrièmement, une telle stratégie doit prendre en considération la rareté des ressources, telles que les minéraux ou l'eau, sur la gestion de laquelle la Cour des comptes vient de publier un rapport. La question des conflits d'usage va devenir prégnante.
M. Dominique Potier applaudit.
Nous devons poser cette question de la répartition de la ressource en eau.
Il nous semble indispensable d'intégrer ces quatre éléments dans la définition de la stratégie nationale industrie verte.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC. – M. Matthias Tavel applaudit également.
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir l'amendement n° 1262 .
Prolongeant ce que vient d'exposer Cyrielle Chatelain, je répondrai au rapporteur général qui veut supprimer la disposition qui prévoit un débat devant le Parlement chaque année. J'entends que la rédaction actuelle n'est pas conforme à la Constitution, mais vous auriez pu faire une contre-proposition pour que se tienne régulièrement un débat ou du moins pour que vous présentiez régulièrement un bilan de cette stratégie.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES
En effet, quel est l'intérêt d'une stratégie qui ne serait pas suivie ? Quel est l'intérêt d'une représentation nationale qui ne pourrait pas débattre ou échanger ? Je pense qu'il était possible de récrire cette disposition au lieu de la supprimer, afin de conserver la dimension collective et démocratique qui est indispensable.
Par cet amendement, le groupe LFI – NUPES souhaite améliorer la gestion de la ressource en eau et propose que soient élaborés des plans de sobriété de la consommation d'eau par filière industrielle, contenant des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d'eau et d'amélioration de la qualité de l'eau.
Cet effort de sobriété est urgent dans un contexte de changement climatique qui affecte très fortement la disponibilité de la ressource en eau. Au mois de juin, deux tiers des nappes phréatiques françaises étaient sous leur niveau normal.
Par ailleurs, les tensions croissantes sur la ressource en eau ne doivent en aucun cas occulter les enjeux relatifs à la qualité de l'eau. En France, 56 % des masses d'eau de surface et 33 % des masses d'eau souterraines ne sont pas en bon état au sens du droit européen.
Les activités industrielles ont de fortes répercussions sur la qualité de l'eau, du fait des rejets de produits chimiques tels que les hydrocarbures, les polychlorobiphényles (PCB) et les polluants éternels, comme l'illustrent les dernières découvertes relatives aux pollutions aux substances chimiques, notamment les substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas) dans la vallée du Rhône.
L'amendement n° 1017 reprend la proposition n° 15 du rapport déposé par M. Patrice Perrot et moi-même sur la gestion de l'eau pour les activités économiques. Le rapport souligne que « des efforts de sobriété doivent encore être conduits par les acteurs industriels. Avant toute chose, la réflexion qui doit primer est celle relative à la réduction "à la source" des besoins en eau, en améliorant les processus de production. » Nous y avons établi que l'« effort de planification en la matière est aujourd'hui insuffisant ».
Bref, nous devons conditionner les aides à la réduction de la consommation d'eau et à l'amélioration de sa qualité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il vise à rétablir l'article 1er bis A issu du Sénat, relatif à la stratégie nationale pour l'industrie verte, pour la période 2023-2030. Ce projet de loi a été annoncé par le ministre de l'économie comme un texte « révolutionnaire », alors que la notion d'« industrie verte » n'est toujours pas explicitée : l'ensemble des amendements de définition et de précision sur le sujet ont été rejetés en commission spéciale.
Si cette dernière n'avait pas supprimé cet article qui avait été voté grâce aux socialistes au Sénat et si le Gouvernement l'avait accepté dans sa totalité, nous aurions gagné plus de deux heures de discussion.
Monsieur le ministre, vous avez bien compris combien les différents groupes sont attachés à la définition d'une stratégie nationale.
On avance à tout petits pas mais on avance quand même. Il y a six ou sept ans, pour les amis du président Macron, il y avait deux gros mots : « souveraineté » et « planification ». C'étaient deux vilains mots qu'il était très mal vu d'employer. À cette époque, M. Guillaume Kasbarian et moi étions les rapporteurs d'une commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, et en particulier sur les ventes d'Alstom, d'Alcatel, de Technip et de Lafarge. Désormais, le mot « souveraineté » est employé – je ne sais pas s'il correspond à des réalisations effectives – et un degré minimum de planification est, à l'évidence, nécessaire.
La planification est nécessaire parce qu'il y a des choix technologiques sur lesquels il est important de s'interroger régulièrement. Prenons un exemple : nous allons condamner 100 000 emplois dans la filière du moteur thermique sans être certains d'avoir résolu tous les problèmes que pose la production des batteries, notamment celui de la dépendance quasi exclusive à la Chine pour l'approvisionnement en terres rares dont on a besoin pour fabriquer ces batteries électriques.
Sur l'énergie, nous devons nous interroger sur l'éolien et le photovoltaïque dont vous ne parlez quasiment pas et sur lequel nous n'avançons pas, alors que nous avons, avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l'Institut national de l'énergie solaire (Ines), de formidables capacités.
Les Pays-Bas avancent plus vite que nous sur l'énergie éolienne alors que c'est nous qui avons les brevets grâce à l'Ines et au CEA.
Il faut s'interroger régulièrement sur tous ces sujets, d'autant qu'il y a beaucoup d'argent public derrière tout cela. Actuellement, une partie de nos aides à l'automobile électrique bénéficient à l'industrie chinoise !
En outre, on engage des milliards par petits bouts, sans aucune visibilité d'ensemble, dans France 2030 ou dans le plan de relance. Nous avons donc besoin de débats parlementaires. Si cela n'est pas inscrit dans le projet de loi, vous pouvez vous y engager, monsieur le ministre. La réindustrialisation de la France et l'industrie décarbonée méritent un débat devant le Parlement.
Je retire donc l'amendement n° 22 au profit de l'amendement n° 463 de Mme Bonnivard qui a reçu l'avis favorable du rapporteur général.
L'amendement n° 22 est retiré.
La stratégie nationale pour l'industrie verte, introduite dans l'article 1er bis A, favoriserait la recherche et l'expérimentation de nouveaux produits et procédés contribuant à la transition écologique. Cet objectif est parfaitement louable, mais nous souhaitons, par l'amendement n° 524 , remettre la notion d'indépendance nationale au centre. Opérer la transition écologique, c'est bien, mais il ne faut pas que ce soit notre seule boussole et que la recherche se cantonne à ce qui relève de votre conception de la transition écologique. Par exemple, la recherche dans le domaine minier pour l'exploitation de matériaux stratégiques, qui certes est polluante, mais qui est aussi indispensable pour l'indépendance technologique de la nation, rentrerait-elle dans ce champ ? Pour que la formulation soit sans équivoque, nous souhaitons donc ajouter la mention de l'indépendance technologique et industrielle de la nation.
Un État stratège, qui définit, qui oriente, qui assume, qui assure la souveraineté nationale est attendu par de nombreuses filières. C'est vrai dans l'industrie, d'autant plus qu'elle tend à diminuer ses émissions de carbone, mais aussi dans l'agriculture, l'armement ou l'énergie. Nos débats depuis une heure et demie sur ces nombreux amendements montrent que cette attente est partagée sur tous les bancs. Le débat houleux en commission sur l'article 1er bis A qui avait été supprimé, par défaut, nous permet maintenant, après avoir débattu de ces questions en parallèle, de converger vers une rédaction adéquate.
Je retire donc moi aussi l'amendement n° 613 au profit de l'amendement n° 463 de Mme Bonnivard qui me semble bien mieux rédigé.
L'amendement n° 613 est retiré.
Par cet amendement de repli, le groupe LFI – NUPES propose lui aussi de rétablir l'article 1er bis A tel qu'adopté par le Sénat.
Nous faisons face à une crise écologique sans précédent, qui présente de multiples facettes. Nous découvrons chaque année les limites planétaires que, hélas, nous dépassons. Il est évident que pour réduire les pollutions, la perte de biodiversité ou les émissions de gaz à effet de serre, qui sont associées au développement industriel, nous devons planifier.
En outre, il me semble évident qu'il faut réviser cette planification chaque année. Quels éléments une telle planification doit-elle prendre en considération ?
D'abord, il est nécessaire que la représentation nationale, chaque année, réfléchisse à ce qui est vraiment essentiel pour la société.
Ensuite, il faut établir quelles industries stratégiques permettent de répondre à ces besoins.
Enfin, nous devons déterminer quelles sont les ressources naturelles, notamment les ressources minières, nécessaires pour répondre à ces besoins. Or cette planification ne peut se faire sans démocratie. C'est pour cela qu'il faut mener de réelles concertations à la fois avec le Conseil national de la transition écologique, le Haut Conseil pour le climat, mais aussi dans les territoires. C'est la seule manière d'engager l'ensemble de la population dans la transformation et bifurcation écologiques dont nous avons besoin.
Ceci me semble faire consensus : nous pensons tous qu'il faut une stratégie nationale pour la réindustrialisation et pour transformer l'industrie en industrie verte. J'espère donc que nous serons nombreux à voter cet amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Après presque deux heures de discussion sur ce sujet, je souhaite rendre hommage à nos collègues sénateurs, qui ont fait œuvre utile en adoptant presque à l'unanimité l'amendement portant article additionnel déposé par les sénateurs socialistes – je ne pense pas qu'ils aient passé autant de temps à discuter de cette proposition intelligente que nous pour décider de son rétablissement. Je constate que malgré de longs débats en commission sur ce sujet, il a malheureusement fallu y revenir en séance pour obtenir le rétablissement de l'article.
C'est certes le principe du débat, monsieur le rapporteur général, mais il faut aussi savoir reconnaître la sagesse de nos collègues sénateurs : à mes yeux, recommencer l'ensemble de cette discussion – même si nous l'avons tous fait de bon cœur – a été une perte de temps.
Comme nous l'avons dit et répété, nous avons tous – les entreprises et les salariés, mais aussi l'ensemble des filières de formation que nous avons appelées de nos vœux – besoin d'une stratégie nationale et de planification. C'est pourquoi il est indispensable de rétablir cet article dans la rédaction issue des travaux du Sénat ou, à défaut, dans celle proposée par Mme Émilie Bonnivard, sous réserve de l'adoption des sous-amendements.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'industrie verte.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra