Nous achevons ce jour deux semaines de débat. Le long examen du rapport annexé traduit le besoin de revoir le couperet des articles 40 et 45 de la Constitution, arme de dissuasion du débat parlementaire, et l'intérêt des annexes sans portée normative. Nous avons tous conscience de l'état de délabrement du système judiciaire français et de la souffrance de ses professionnels, dont le métier digne et exigeant perd de son sens du fait des difficultés tant matérielles que judiciaires qui détournent le justiciable de cette institution. Je remercie les rapporteurs, Jean Terlier – rapporteur général –, Erwan Balanant et Philippe Pradal, de leur aide pour trouver, parfois, des compromis avec le Gouvernement. Cela a été particulièrement vrai sur les questions statutaires et déontologiques du projet de loi organique, avec Didier Paris.
Ces textes doivent porter l'espérance d'une réforme systémique de l'institution judiciaire, formulée par Jean-Marc Sauvé, président du comité des états généraux de la justice.
Cette réforme doit passer par une programmation budgétaire indispensable, avec 2 milliards supplémentaires d'ici 2027 et la création de 10 000 emplois, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers. Certains d'entre nous n'y croient pas. Pour ma part, je considère que cette programmation sera contrôlée par nos soins chaque année dans le cadre de la loi de finances. D'ailleurs, à cette fin, nous avons obtenu par voie d'amendement qu'au 30 avril de chaque année, un rapport sur les créations d'emplois et la consommation des crédits soit remis au Parlement. Nous y vérifierons aussi l'efficacité de la nouvelle politique numérique, deuxième point sombre du système judiciaire français.
Les modalités de travail doivent également être modifiées en profondeur : le magistrat pourra désormais s'appuyer sur une véritable équipe, associant au premier chef les attachés de justice et – nous le demandons avec insistance – les greffiers. Le nombre de magistrats devrait augmenter grâce à l'ouverture de la magistrature à d'autres professionnels ; ces connaisseurs du droit apporteront également à la profession leur propre culture. Le projet de loi organique contient des mesures fortes en ce sens. Par ailleurs, on l'a dit, la réforme doit aussi simplifier le droit.
Enfin, l'indépendance de la justice est un socle constitutionnel, et il est essentiel pour notre démocratie d'y veiller. Gardons en mémoire l'exemple de la Pologne et de la Hongrie.
L'indépendance ne signifie pas pour autant l'indifférence. La responsabilité renforcée des magistrats devant le Conseil supérieur de la magistrature, la réaffirmation de leur liberté syndicale et l'inscription dans la loi des conseils de juridiction, qui associent l'ensemble des parlementaires du ressort, participent de cette exigence. Le rôle local du député consiste aussi à connaître l'effet, sur le terrain, des lois qu'il a votées.
C'est une réforme systémique, certes, mais elle trouve ses limites face au problème de la surpopulation carcérale. Le discours démagogique du tout-enfermement a trouvé plus d'écho au Gouvernement que notre proposition, très partagée à gauche et au centre de l'hémicycle, d'une avancée vers une régulation carcérale efficace, tant pour assurer la dignité des détenus que pour lutter contre la récidive. Je passe sur l'épisode pitoyable et ridicule d'une annonce surprise de 3 000 places de prisons supplémentaires dans le rapport annexé ,