…devenu totalement illisible et indigeste au fil du temps. Ce n'est pas faire injure aux parlementaires que nous sommes que d'estimer peu réaliste de nous atteler à cette tâche – nous n'en avons ni le temps, ni les compétences. Il serait donc irresponsable de ne pas voter cette habilitation, tant la réforme du code de procédure pénale est attendue par l'ensemble des acteurs du monde judiciaire.
En revanche, nous serons des parlementaires plus vigilants encore qu'à l'accoutumée, monsieur le ministre, car nous ne vous donnons pas un blanc-seing en vous accordant cette habilitation.
L'article 3 comporte un certain nombre de mesures parmi lesquelles, d'une part, la possibilité de perquisitions, de visites domiciliaires et de saisies de pièces à conviction de nuit, et d'autre part, l'activation à distance d'un appareil électronique aux fins de géolocalisation pour les délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Nos amendements ont permis de revenir au texte initial de cinq ans – et non pas dix ans –, et d'autoriser ainsi l'application de ce dispositif pour nombre de faits relevant de la criminalité organisée, notamment en matière de trafic de stupéfiants, qui auraient échappé à ce dispositif bienvenu si le plancher de dix ans avait été maintenu.
J'entends certains s'élever contre cette possibilité, attentatoire selon eux à la vie privée. Néanmoins, si l'on veut réellement lutter contre la criminalité organisée, il faut se donner les moyens de le faire, et doter les enquêteurs des mêmes techniques que celles utilisées par ces groupes criminels.
À ce sujet, Laure Beccuau, procureure de la République de Paris, affirmait très récemment : « La lutte contre la haute criminalité organisée est un défi actuel, un défi majeur. Aujourd'hui, le niveau de la menace est tel que l'on détecte des risques de déstabilisation de notre État de droit, de notre modèle économique, mais également de nos entreprises, à un niveau stratégique majeur. […] Les organisations que l'on affronte n'ont aucune limite dans leurs moyens financiers, aucune limite dans leurs frontières ni dans leurs champs d'action. »
La situation est donc grave. Si l'on ne veut pas que notre pays devienne un « narco-État », il nous faut réagir vite et fort. C'est l'une des raisons pour lesquelles je déplore le fait que ce projet de loi conjugue à l'infini les mesures alternatives à la prison : une mesure alternative pour un délinquant primaire, soit, mais pas pour un délinquant chevronné. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas suffisamment de places de prison qu'il faut systématiquement recourir à une mesure alternative.
À l'heure où des défis majeurs nous attendent en matière de criminalité organisée, proposer à tout prix une peine alternative me semble relever d'une décorrélation totale avec le monde réel.
Enfin, ce texte nous rappelle une fois encore que la victime est la grande oubliée du procès pénal. La place réservée aux victimes dans le projet de loi se limite en tout et pour tout à deux pages et demie sur un total de 121 ; dire que c'est peu est un euphémisme.
Pour conclure, nous voterons ces textes, car même si nous ne sommes pas d'accord avec certaines des mesures proposées, le budget qu'ils prévoient permettra de mener en partie la politique pénale que nous voulons.