La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quatorze.
Monsieur le Premier ministre, sur votre botte de paille, vous avez fait des promesses et des déclarations d'amour à nos agriculteurs, mais eux demandaient des actes forts. Malheureusement, avec le projet de loi d'orientation agricole adopté hier par l'Assemblée, vous alignez des mesures cosmétiques, insuffisantes, voire régressives.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Martine Froger applaudit aussi.
Vous aviez pourtant une chance unique d'être à la hauteur des attentes de nos agriculteurs et agricultrices tout en agissant en faveur du pouvoir d'achat de millions de Français. Avec ce texte, vous auriez pu répondre aux paysans qui demandent un revenu digne en instaurant un véritable partage de la valeur, des prix planchers et un encadrement des marges. Avec ce texte, vous auriez pu répondre aux éleveurs qui affrontent la maladie hémorragique épizootique, la grippe aviaire et la tuberculose. Pour eux, être accompagné sera toujours un parcours du combattant. Avec ce texte, vous auriez pu protéger le foncier agricole de la spéculation et de l'accaparement, mais il n'aborde pas la question foncière, sauf pour ouvrir la porte à sa financiarisation.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Ce grand texte agricole ne dit rien du premier outil de travail des agriculteurs. Avec ce texte, vous auriez pu affirmer votre soutien à nos modèles agropastoraux et agroécologiques ,
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC
ceux de nos vallées, de nos montagnes et de nos plaines. Oui, nos agricultures sont complémentaires et nos paysans sont écologistes. Oui, ils subissent de plein fouet le réchauffement climatique. Vous niez l'interdépendance évidente de l'agriculture et de l'écologie. Vous avez même tenté de réduire les objectifs du bio. Avec ce texte, vous auriez pu protéger nos exploitations de l'inflation, mais aussi de la concurrence déloyale encouragée par des accords de libre-échange comme le Ceta. Vous auriez pu mettre fin aussi au labyrinthe administratif qui détourne nos agriculteurs de l'accès à leurs droits.
Au fond, ce texte mou ne satisfait personne. Il ne peut décemment se présenter comme une réponse à la crise. Dans le cercle infini des concertations, des promesses non tenues et des dispositions sans effet, que faut-il faire pour obtenir enfin de vous des mesures effectives et des actes ? La colère gronde toujours…
Mêmes mouvements.
Lorsque la colère des agriculteurs a grondé en France comme partout en Europe, je me suis mobilisé, avec le ministre de l'agriculture, et j'ai reçu, à de nombreuses reprises, pendant de longues heures, les représentants des agriculteurs, ce qui a donné lieu à soixante-cinq engagements clairs, attendus et salués par les principales organisations agricoles. Avec le Gouvernement, je m'attache à déployer des mesures concrètes pour répondre aux engagements que nous avons pris envers les agriculteurs.
Dans ce contexte, je salue l'adoption, hier, par l'Assemblée nationale, du projet de loi d'orientation agricole.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Huées sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Je rappelle que les principaux syndicats d'agriculteurs avaient appelé à son adoption.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Vous avez voté contre, c'est votre droit, mais vous avez du même coup voté contre la consécration de l'agriculture comme intérêt général majeur pour notre pays ,…
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC
…attendue par les agriculteurs, contre les aides et la simplification en matière d'installation, contre la modernisation de la formation, contre une nouvelle échelle de sanctions en cas d'atteintes non intentionnelles à l'environnement, contre la simplification de la vie quotidienne, que les agriculteurs appellent de leurs vœux, et contre l'accélération des procédures.
Aujourd'hui, pour étendre un bâtiment d'élevage, il faut parfois attendre deux ou trois ans tant les recours s'empilent. Nous faisons en sorte qu'ils soient limités dans le temps, ce que tous les agriculteurs et les éleveurs de France demandent ! Vous avez voté contre. C'est votre choix.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Ce texte épuise-t-il tous les sujets relatifs à l'agriculture ? Évidemment non, et nous avons toujours été clairs sur ce point. Sur le revenu des agriculteurs, que vous avez évoqué, le Président de la République s'est engagé à l'instauration de prix planchers.
Mme Sarah Legrain s'exclame.
Je rappelle que deux parlementaires, Anne-Laure Babault et Alexis Izard, travaillent sur la question et nous remettront prochainement leurs recommandations, lesquelles donneront lieu à une proposition de loi.
Les produits phytosanitaires et la suppression du Conseil stratégique pour l'usage des produits phytosanitaires feront également l'objet d'un texte. Quant aux enjeux fiscaux et de compétitivité, sur lesquels nous sommes attendus, nous les aborderons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, en complément des mesures que nous avons déjà prises.
Il y a deux visions et deux méthodes : nous considérons que travailler pour les agriculteurs, c'est avancer sur tous les sujets grâce à différentes mesures et à des textes de lois ; vous balayez tout ce travail d'un revers de main. Avec vous, à la fin, les agriculteurs seraient perdants !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il a été provoqué par un groupe dont les députés se comportent comme des militants et non comme des élus de la nation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mme Marie-Christine Dalloz applaudit aussi. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ils prétendent défendre le peuple palestinien, mais ne font qu'instrumentaliser cette cause pour servir leur stratégie du chaos.
Protestations vives et continues sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En choisissant d'opposer deux peuples, en alimentant les haines et les divisions en France,…
…ces mêmes députés irresponsables ne parlent jamais des otages français prisonniers des terroristes du Hamas.
Mme Anne-Laurence Petel applaudit.
Contrairement à eux, notre majorité n'a jamais établi d'inégalité entre les morts ou les peuples. Contrairement à eux, elle n'a jamais hésité à pleurer les assassinés du 7 octobre, parmi lesquels plusieurs victimes françaises, tout en s'indignant, comme le Président de la République, des frappes meurtrières survenues avant-hier sur Rafah et des nombreux civils tués.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Cette voie d'équilibre est la seule qui peut conduire à la réalisation de l'objectif que nous devons tous partager : la paix et la prospérité pour les peuples israélien et palestinien.
Mme Ségolène Amiot s'exclame.
Comment la France œuvre-t-elle pour permettre la libération des otages et la fin des combats à Gaza ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe HOR.
Les images qui nous parviennent nous heurtent toutes et tous. Depuis le début, la France, par la voix du Président de la République, a appelé de manière très claire à un cessez-le-feu et Israël à renoncer à son opération à Rafah.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Anne-Laurence Petel fait de grands gestes de la main en direction des bancs du groupe LFI – NUPES
Il l'a dit publiquement et directement à Benyamin Netanyahou.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Cette situation grave et catastrophique sur le plan humanitaire appelle chacun à ses responsabilités. Sur un tel sujet, le drapeau français et le drapeau européen se suffisent à eux-mêmes.
Mêmes mouvements.
Derrière ces drapeaux, il y a nos valeurs : la liberté des peuples, l'égalité et la fraternité entre les peuples.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.
Il n'y a pas besoin de brandir un autre drapeau que celui de la France et celui de l'Europe pour défendre la paix, la diplomatie et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Les députés du groupe RE, ainsi que quelques députés du groupe Dem et Mme Anne-Cécile Violland se lèvent et applaudissent. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
C'est au nom de ces valeurs que le Président de la République et le Gouvernement s'engagent et que, depuis le 7 octobre, ils appellent à la libération des otages français retenus dans la bande de Gaza.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe RN.
Je déplore que certains n'arrivent toujours pas à le faire !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est au nom de ces valeurs que la France a été l'un des premiers pays à appeler au cessez-le-feu, à défendre les résolutions qui le réclament au Conseil de sécurité des Nations unies et à larguer des colis d'aide humanitaire sur la bande de Gaza.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Ce qui permettra d'avancer vers une désescalade, c'est le travail en vue d'une solution diplomatique, pas la politique spectacle ! Construire la paix, cela se passe avec nous dans les réunions du Quai d'Orsay, pas avec vous quai de Valmy à danser autour de DJ sets tout en prétendant être à la hauteur de la gravité de la situation !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR. – Vives protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le Président de la République et le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sont mobilisés, avec l'ensemble de leurs homologues, pour parvenir à une solution politique au bénéfice des Israéliens, des Palestiniens et de la paix : c'est, le seul combat qui vaille d'être mené !
Les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR. – Mme Frédérique Meunier applaudit aussi.
Un autre 29 mai, par référendum, en 2005, le peuple français vous a dit non. Depuis, Sarkozy, Hollande et Macron ont piétiné sa volonté et lui ont imposé l'illégitime traité de Lisbonne, l'austérité comme seul cap ,
M. Antoine Léaument applaudit
la concurrence comme seul principe politique. On pourrait désobéir et refuser d'appliquer la casse sociale de Bruxelles. Vous le faites déjà sur certains sujets, mais uniquement pour de mauvaises raisons.
Monsieur le Premier ministre, vous vivez dans une bulle d'opulence et de confort.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Rémy Rebeyrotte rit.
Vous ne connaîtrez jamais, dans votre chair, la souffrance des parents d'Orly qui n'ont pas d'instituteur pour les enfants de CP depuis six mois et qui doivent quitter leur emploi pour s'en occuper.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous ne connaîtrez jamais l'angoisse de ne plus avoir d'hôpital à moins d'une heure et demie en voiture, les tourments de ceux qui renoncent à se soigner.
Mêmes mouvements.
Chacune de vos décisions cause autant d'humiliations et de violences quotidiennes.
Avec les vôtres, vous avez fait sécession. Écoles, cliniques et jets, pour vous, tout est privé, et les Français, eux, sont privés de tout.
Mêmes mouvements.
Vous allez me répondre que le niveau des dépenses publiques est élevé, mais personne, dans ce pays, ne vous demande l'aumône, juste de cesser l'immense opération de détournement de fonds publics que vous menez avec la complicité de l'extrême droite au profit des plus riches, qui paient seulement 20 % de prélèvements obligatoires, contre 50 % pour les plus pauvres.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Les Français cotisent et paient des impôts. Vous les privez donc de ce qui leur est dû. Ils se mobilisent à Redon pour conserver des lits d'hôpitaux, en Seine-Saint-Denis pour éviter des fermetures de classes, à La Souterraine pour le retour des trains. Il est temps de rendre au peuple son patrimoine commun. C'est l'objet de la proposition de loi que nous déposons aujourd'hui pour inscrire dans la Constitution l'accès garanti aux services publics.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Parce qu'il n'y a pas de République sans services publics, les Français choisiront de « s'insoumettre » le 9 juin avec l'Union populaire.
Mêmes mouvements.
Comme souvent votre question ne comprenait pas de question.
L'objet des questions au Premier ministre n'est-il pourtant pas de poser une question et de recevoir une réponse ?
Vous avez commencé votre intervention en faisant allusion au référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Je vous répondrai sur ce point, puisqu'il renvoie à l'actualité :…
…on parle beaucoup d'Europe en ce moment.
Je commençais à m'intéresser à la politique et je me souviens, tout comme, je l'imagine, chacun ici, des débats de l'époque…
…et cela me permet de mesurer le chemin qui a été parcouru.
Les débats étaient très largement consacrés au travail détaché – on parlait beaucoup du « plombier polonais ». On n'en entend plus parler ! Pourquoi ? Parce qu'avec le Président de la République, nous avons réglé le problème.
« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.
On espérait garantir enfin un salaire minimum européen. Cette question aussi a été réglée par une directive européenne.
On évoquait des initiatives en matière de transparence salariale afin d'arriver à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Cela a fait l'objet d'un texte européen.
La réalité, c'est que ces dernières années, nous avons progressé comme jamais vers l'Europe sociale.
Nous ne l'avons pas fait grâce à vous, nous l'avons fait malgré vous :
Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe LFI – NUPES
au Parlement européen, vous ne travaillez pas et vous vous opposez systématiquement à toutes les mesures que nous proposons.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous remercie donc de me donner l'occasion de mettre en avant les progrès réalisés depuis 2005 en matière d'Europe sociale. Nous entendons poursuivre dans cette voie dans les années à venir.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le Premier ministre, quelles œillères portez-vous pour ne pas voir l'autre colère qui monte ? Cette colère, c'est celle des parents et des élèves, celle des enseignants et des personnels de direction, celle de toutes celles et tous ceux qui se mobilisent pour l'avenir de nos enfants, et qui s'exprime à travers des rassemblements partout en France et des « collèges morts » à Vallons-de-l'Erdre, à Crest ou à Pontcharra.
Cela ne m'arrive pas souvent mais aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, je suis en colère ! C'est une colère profonde, parce qu'à chacune de vos annonces incantatoires, ce sont les valeurs que j'ai fait vivre en tant qu'enseignant, celles que défend la communauté éducative, qui sont ébranlées.
L'école que nous voulons pour notre jeunesse est une école garante de l'égalité, une école ouverte et inclusive, une école où la liberté pédagogique reste de mise, au service de l'émancipation et de la réussite de tous les élèves. Vous préférez le fracas des annonces, pour une école fracassée. Vous devriez avoir en mémoire le fiasco de la réforme Blanquer et pressentir les fiascos à venir, notamment ceux des stages de reconquête du mois de juin et du choc des savoirs. Dans les deux cas, les chefs d'établissement vont s'arracher les cheveux pour organiser une garderie géante ou mettre en œuvre une réforme inapplicable, celle des groupes de niveau, dont personne ne veut.
Dans l'improvisation, loin du terrain, vous dessinez une école qui fermera des portes – à commencer par celles du lycée –, qui renforcera très tôt le sentiment d'échec et qui actera le tri social.
Quand vous vous en prenez aux fondements de l'éducation nationale, les parlementaires écologistes saisissent le Conseil d'État. Quand vous faites contre tout le monde, je veux faire avec chacune et chacun.
Si nous voulons une école qui permette de faire société, la société doit faire l'école. Êtes-vous prêt à lancer une convention citoyenne pour l'éducation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Inaki Echaniz applaudit également.
Ce qui m'indigne et me bouleverse, pour ma part, c'est que près d'un tiers d'élèves ne sachent pas lire, écrire et compter correctement à la sortie du collège.
« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.
On ne peut pas dans une intervention donner le sentiment que la situation actuelle est satisfaisante pour nos élèves !
La réalité, c'est que le collège actuel ne parvient pas à réduire les inégalités que l'on constate à l'entrée en sixième. La réalité, c'est que quand on a dans une même classe des élèves qui ne savent pas lire et d'autres qui lisent très correctement, on n'arrive à faire progresser personne.
Exclamations sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LR.
Ce sont les enseignants eux-mêmes qui me l'ont dit, à de très nombreuses reprises. Ils l'ont d'ailleurs confirmé dans le cadre d'une consultation numérique, à l'issue de laquelle 250 000 d'entre eux ont jugé que la constitution de groupes de niveaux était une mesure profondément sociale,…
…parce qu'elle permettra de créer des postes supplémentaires dans les territoires où les élèves rencontrent le plus de difficultés, notamment dans l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Enfin, on va pouvoir faire progresser tout le monde !
Ce que je souhaite, c'est relancer l'ascenseur scolaire.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Mon objectif est de faire en sorte que le collège permette à chacun de progresser, de s'élever, de trouver sa voie, et cela grâce aux moyens que nous donnons pour accompagner ceux qui en ont le plus besoin.
Nous l'avons déjà fait à l'école primaire avec le dédoublement des classes dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP) et dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+). Grâce aux 2 500 postes supplémentaires créés pour mettre en place les groupes de niveaux, les classes seront presque dédoublées dans les territoires REP et REP+ pour les cours de français et de mathématiques. Il y aura plus d'accompagnement, plus d'enseignants auprès des élèves, pour les faire progresser.
Quant aux stages, l'un des grands problèmes auxquels nous sommes confrontés en France, c'est celui de l'orientation.
Dans les pays qui réussissent mieux que nous en la matière, on applique une mesure assez simple : l'organisation de stages en milieu professionnel.
En Suède, en Allemagne, aux Pays-Bas, ils représentent cinq ou six semaines dans la scolarité d'un élève en voie générale.
Mme Danielle Brulebois applaudit.
En France, celui-ci avait jusqu'à présent un stage d'une semaine en troisième. Oui, j'assume de dire que le nouveau stage en fin de seconde sera bénéfique pour nos élèves, bénéfique pour nos entreprises, bénéfique pour nos administrations.
Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Tout le monde est mobilisé pour garantir aux élèves de trouver un stage. Qu'ils puissent découvrir des horizons nouveaux, s'interroger sur leur orientation, trouver des idées, en écarter d'autres : voilà la priorité. Pourquoi s'opposer à cette mesure de bon sens, qui est dans l'intérêt des jeunes ?
Mêmes mouvements. – Brouhaha.
Je me battrai toujours pour un environnement pacifié à l'école, où chacun s'écoute. En vous regardant, je me rends compte que nous sommes bien les seuls à défendre ce modèle !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Comme chaque mercredi, les élèves sont très nombreux dans les tribunes. Sachons leur montrer l'exemple !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR. – M. Bertrand Petit applaudit également. – Mme Elsa Faucillon se tourne vers les bancs des groupes RN et LR et applaudit aussi.
Depuis la tenue du troisième référendum de 2021, l'insuffisance du dialogue entre les acteurs politiques néo-calédoniens démontre toutes les difficultés auxquelles va se heurter la mission de médiation et de travail lancée par le Président de la République. Sa réussite dépendra de sa capacité à sortir des sentiers battus et à écouter des voix différentes de celles des acteurs politiques traditionnels.
Les Néo-Calédoniens, dans toute leur diversité ethnique et culturelle, que ce soit en brousse ou en ville, prouvent aujourd'hui comme hier qu'ils sont capables de vivre ensemble et de rendre concrète la devise de leur territoire : « Terre de parole, terre de partage ».
Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous indiquer quelle est la feuille de route de la mission ? Est-il prévu qu'elle aille au-devant de la population et qu'elle rencontre des représentants de la société civile, qui démontrent chaque jour qu'un destin commun est possible ? Est-il prévu qu'elle prenne attache auprès des maires ?
Parallèlement à ce dialogue institutionnel, on voit poindre des inquiétudes économiques, en particulier chez les collectivités, en raison de la nécessité de réparer les dommages colossaux causés par les événements de ces dernières semaines, et cela alors que l'économie est exsangue depuis plusieurs mois du fait de la crise du nickel et de la concurrence sino-indonésienne. Selon une évaluation du gouvernement néo-calédonien, qui reste à affiner, on enregistrerait un besoin de plus de 25 millions d'euros par mois pour prendre en charge les demandes d'allocation chômage, et un manque à gagner de 70 millions d'euros par mois de recettes fiscales.
Enfin, dans le secteur privé, nombre d'entreprises de petite taille ne seront pas en mesure d'assurer le paiement des salaires du mois de mai.
Pourriez-vous nous indiquer dans quel délai et sous quelle forme le Gouvernement compte créer le fonds de solidarité annoncé par le Président de la République pour répondre à cette situation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La situation en Nouvelle-Calédonie reste tendue. Nous le savons, un rien, une étincelle peut suffire pour que les violences reprennent, encore plus fort.
Face aux émeutes meurtrières des dernières semaines, l'urgence fut – et reste – de rétablir l'ordre. Cela a été fait grâce à l'engagement exceptionnel des forces de l'ordre – à qui je veux rendre une nouvelle fois hommage
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR et Dem
–, grâce aux mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence, grâce à l'envoi de forces de sécurité supplémentaires. Avec le ministre de l'intérieur et des outre-mer et la ministre déléguée chargée des outre-mer, nous restons évidemment extrêmement mobilisés et vigilants.
Vous l'avez dit, il ne faut pas attendre pour envisager la suite. Et la suite, c'est le soutien à l'économie de la Nouvelle-Calédonie, car elle a été très durement touchée par les émeutes. Conformément aux orientations données par le Président de la République, la mission dépêchée sur place y travaille, en liaison avec les services de Bercy et avec les autorités locales. Les services de l'État, les banques, les assurances, les collectivités territoriales : tout le monde est mobilisé pour estimer les dégâts, pour mettre en place des dispositifs ciblés et efficaces et pour que les entreprises concernées soient dédommagées facilement et rapidement. Un fonds de solidarité va être institué. La mission précisera les modalités de son utilisation dans les toutes prochaines semaines. Il pourrait y avoir des exonérations de cotisations sociales, de l'activité partielle, de l'aide financière pour les secteurs économiques touchés ou encore un soutien aux collectivités locales.
La suite, c'est aussi la reconstruction. Il faut rebâtir dans les meilleurs délais les infrastructures les plus sensibles et en profiter pour diversifier et pour corriger les déséquilibres économiques qui existaient avant la crise.
La suite, c'est encore l'avenir politique et institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Le Président de la République s'est rendu sur place. Il a installé une mission composée d'experts aguerris afin d'instaurer le dialogue et de trouver le chemin d'une solution politique globale. Comme depuis la première heure, nous voulons donner toutes ses chances au dialogue. C'est pourquoi nous avons fait le choix de ne pas réunir le Congrès immédiatement après l'adoption du texte.
L'histoire a montré que malgré les tensions, et même malgré les violences, les responsables politiques de Nouvelle-Calédonie pouvaient se parler, s'entendre, se mettre d'accord dans l'intérêt des Néo-Calédoniens – cela, évidemment, en liaison avec l'État. J'ai la conviction que nous en sommes à nouveau capables, qu'un dialogue est possible, qu'un accord global est accessible. Sous l'autorité du Président de la République, mon gouvernement fera tout son possible pour y parvenir.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Depuis des mois, des parlementaires de tous bords, ainsi que des structures comme la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs, le Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux, le Syndicat national des établissements, résidences et services d'aide à domicile privés pour personnes âgées, la Fédération hospitalière de France, l'Association des directeurs au service des personnes âgées, la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées vous alertent sur la situation dramatique des Ehpad. Près de 80 % d'entre eux, publics comme privés, sont déficitaires et doivent affronter les augmentations salariales, les augmentations de charges de toutes natures – électricité, alimentation… –, les difficultés de recrutement, notamment des aides-soignantes et des infirmières, le coût des formations, la pénibilité au travail, l'évolution vers les GIR 1 et 2.
Les Ehpad accueillent désormais des personnes âgées dépendantes, voire très, très dépendantes. La loi « bien vieillir » n'a nullement réglé les difficultés et l'on attend toujours une loi de programmation budgétaire et une loi « grand âge ».
Plus grave encore, dans sa décision du 16 mai, le tribunal de Vannes vient de condamner pour homicide involontaire un Ehpad et son directeur, provoquant un véritable séisme dans le monde sanitaire et social. Il leur serait reproché le manque d'instructions précises et le défaut de formation d'une aide-soignante. Cette décision ouvre la boîte de Pandore, risquant d'aboutir à la mise en cause du personnel. C'est pourquoi, au nom du groupe LIOT, je tire la sonnette d'alarme. Si les ARS – agences régionales de santé – effectuent un contrôle, il faudrait aussi que tous les Ehpad bénéficient d'un accompagnement budgétaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Alexandre Vincendet applaudit également.
Vous avez raison de souligner combien la situation des Ehpad doit nous mobiliser toutes et tous. Comme nos concitoyens, j'ai été choqué par les images et les témoignages dépeignant les conditions de vie dans certains Ehpad. Les faits rapportés sont graves car constitutifs d'une rupture du pacte de confiance qui unissait les établissements aux familles ; graves aussi car tous les personnels soignants, dont l'immense majorité se démènent et s'engagent, subissent le poids du soupçon – je veux leur redire ma confiance, mon soutien et celui de mon gouvernement.
L'enjeu est d'autant plus important que nous devons nous préparer au vieillissement de la population et aux conséquences de l'allongement de l'espérance de vie et maintenir le cap en dépit de l'inflation, qui touche durement le secteur. Avec la ministre Fadila Khattabi, avec tous les membres du Gouvernement, nous continuerons à nous battre pour répondre aux difficultés des Ehpad, pour leur donner plus de moyens et pour améliorer l'attractivité des métiers du grand âge.
La première étape, c'est le rétablissement de la confiance envers ces établissements. Pour cela, nous menons un vaste plan de contrôle et nous préservons leur viabilité financière avec le fonds d'urgence de 100 millions d'euros créé l'an dernier et avec les 4 milliards entre 2019 et 2023 que prévoit le Ségur de la santé. Voilà pour le court terme.
Mais je sais comme vous que les problèmes structurels des Ehpad ne se régleront pas du jour au lendemain. Je pense aux difficultés financières : nous augmentons la dotation aux Ehpad publics de 5 % en 2024…
…pour réduire le déficit et poursuivre les revalorisations salariales. Je pense aux difficultés qu'ont les plus modestes à trouver un Ehpad : la loi « bien vieillir » permet de fixer deux tarifs d'hébergement différenciés selon les revenus. Ces avancées sont heureuses mais, soyons clairs, le travail continue, en particulier pour améliorer la gouvernance de la politique du grand âge. Je souhaite à ce titre que le financement de la dépendance par l'État en lien avec les conseils départementaux soit expérimenté et évalué dans les vingt-trois départements dont les présidents se sont portés volontaires – je sais que la Lozère est du nombre.
Le rapport remis par Éric Woerth tracera d'autres pistes d'évolution…
…auxquelles je serai particulièrement attentif, s'agissant d'une question majeure, dont l'importance ne pourra qu'aller croissant. Je sais pouvoir compter sur l'engagement de toutes et de tous pour avancer aux côtés du Gouvernement, au bénéfice de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Les Français n'en peuvent plus : c'est la croix et la bannière pour trouver un médecin dans notre pays !
Il faut plus de deux mois pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, les délais ayant doublé depuis 2019. Dans une telle situation, notre seul espoir, c'est de former plus de médecins et de ne pas persister dans une sélection excessive. Vous en formez certes davantage, mais en formez-vous assez ? Évidemment non : vous plafonnez le recrutement, ajustant le curseur au lieu de le supprimer et vous ne compensez pas même les départs en retraite. Résultat : nous formons autant de médecins qu'en 1970…
…et que la profession connaît une vague massive de départs en retraite. Outre qu'elle grippe la machine, l'impitoyable sélection à l'entrée fait fuir les étudiants en médecine hors de France. L'enquête d'Aude Frappin et Léo Juanole – dont je salue le travail –, parue dans le Quotidien du Médecin, dénonce la situation de plus de 5 000 étudiants, – plus de 15 000, si on compte les kinés et les dentistes – obligés de se former dans des universités étrangères. C'est le cas de Marie, dix-neuf ans, qui aurait pu devenir médecin en France : huit petites places au concours d'entrée la pousseront à s'expatrier en Roumanie. Pour sa carrière, elle affirme : « La Suisse, c'est mon plan A […] la France, c'est mon plan B. »
En effet, de nombreux pays – l'Allemagne, le Luxembourg et maintenant le Maroc – viennent démarcher nos étudiants aussi bien en France qu'à l'étranger. Des Marie, il y en a 5 000, qui nous glissent entre les doigts,…
…autant de médecins qui ne s'installeront pas dans nos territoires. Je vous invite à prendre connaissance de l'étude, commandée par l'Association des maires ruraux de France et son président Gilles Noël à la Banque des territoires, au sujet des étudiants français en Roumanie.
Où en êtes-vous de votre réflexion sur ma proposition de loi destinée à rapatrier les talents, que l'Assemblée a adoptée ? Où en êtes-vous de la suppression de toute forme de numerus ? Où en êtes-vous de l'accroissement des moyens fournis à nos universités ? Il est urgent de reprendre le contrôle sur la formation de nos étudiants en santé. Il en va de la santé des Français. Cela nous a été confirmé hier, avec François-Xavier Bellamy,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'accès aux soins est un enjeu majeur pour tous nos concitoyens, celui dont on me parle en premier lors de mes déplacements. J'ai récemment annoncé une série de mesures destinées à libérer du temps médical à nos médecins, notamment en accélérant les transferts d'actes entre eux et les autres professions médicales ou paramédicales. Mais la réponse de long terme consiste bien à former davantage de médecins et je commencerai par saluer les étudiants en médecine, qui passent en ce moment même les Ecos – examens cliniques objectifs et structurés : nous les accompagnons par la pensée et nous serons heureux de pouvoir compter sur eux dans les années à venir.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
…avec une grande humilité : nous payons aujourd'hui le choix des gouvernements de tous bords politiques qui se sont succédé depuis des décennies avant l'élection du Président de la République…
…de ne pas réviser le numerus clausus, ce qu'a fait le Président de la République dès l'année de son élection, en 2017. Nous formions alors quelque 8 000 médecins par an,…
…contre 10 800 cette année, 12 000 en 2025 et 16 000 en 2027 – je m'y suis engagé : après deux quinquennats d'Emmanuel Macron, nous aurons fait doubler le nombre d'étudiants en médecine formés dans nos universités.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
…aussi bien en augmentant la capacité d'accueil des universités qu'en proposant un nombre suffisant de terrains de stage. L'article 1
Nous devons aussi nous montrer capables de faire revenir les jeunes Français partis étudier la médecine à l'étranger, notamment en Europe de l'est – je sais que vous menez ce combat. Nous souhaitons évidemment qu'ils reviennent chez nous…
…au lieu d'aller en Allemagne ou en Suisse. Votre proposition de loi comporte des mesures bienvenues, permettant un retour en France à un stade antérieur des études. Après son adoption à l'Assemblée, je souhaite qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour du Sénat…
…pour le plus grand bien de nos étudiants en médecine, de notre système de santé, donc de tous les Français. Sur un tel sujet, je suis convaincu que, dépassant les clivages, nous pouvons avancer, tous ensemble, au service de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Ce n'est plus une rumeur ou une information confidentielle, mais une certitude : la société Biogaran est à vendre. Ce laboratoire français fournit 32 % des médicaments génériques prescrits à nos concitoyens, une boîte sur huit délivrées en pharmacie et compte plus de 1 000 références dans son catalogue.
Sa maison mère, les laboratoires Servier, a décidé de se séparer, donc de vendre la production de médicaments génériques pour se concentrer sur le secteur des médicaments innovants. Si cette entreprise a naturellement la liberté de choisir ses marchés et de céder une de ses filiales, il nous incombe, en tant que responsables politiques, de tout faire pour que cette production sensible ne passe pas sous la coupe d'un propriétaire non-européen. Or, à ce jour, les repreneurs les plus sérieux ne sont pas européens.
Alors que nous nous employons à relocaliser les emplois industriels et à conserver sur le sol national les productions stratégiques, notre responsabilité est d'autant plus grande : Biogaran ne compte que 250 emplois en France, mais sous-traite la fabrication de sa production à des dizaines de façonniers, dont les usines sont en majorité installées dans notre pays et représentent quasiment 9 000 emplois.
Un écosystème stratégique entier serait donc fragilisé si Biogaran passait sous contrôle étranger.
Il est primordial de protéger nos emplois en soutenant les façonniers français. Divers leviers existent : l'un d'eux consisterait, dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à ne pas mettre en œuvre la clause de sauvegarde qui s'applique aux laboratoires pharmaceutiques quand leurs ventes dépassent l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
Cette clause, qui ne concernait que les laboratoires innovants jusqu'au budget de la sécurité sociale de 2020, s'applique désormais quels que soient les médicaments produits, ce qui pénalise les laboratoires qui font de faibles marges, dont ceux qui produisent des génériques.
Le dossier Biogaran est symbolique des enjeux de souveraineté sanitaire et industrielle auxquels la France doit faire face. Comment comptez-vous agir pour garder sous pavillon national – ou à tout le moins européen –, ce fleuron, cette production et nos emplois ?
J'ai comme vous appris par voie de presse que le laboratoire Servier serait sur le point de vendre sa filiale Biogaran. Ce fleuron français produit près du tiers des médicaments génériques vendus en France, soit une boîte de médicaments sur huit, et représente plus de 8 500 emplois directs et indirects, dans toute la France, pour la production de milliers de molécules dont nous avons besoin pour notre santé.
S'agissant d'une entreprise aussi stratégique, nous avons été très clairs avec le laboratoire Servier : nous ne souhaitons pas qu'il vende Biogaran. Si Servier décidait tout de même de vendre, nous nous réserverions la possibilité d'activer la procédure de contrôle des investissements étrangers en France,…
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
…procédure que nous avons considérablement renforcée depuis 2017,…
…procédure qui nous permet de faire respecter notre souveraineté. Sur ce point, nous serons extrêmement vigilants et – je le dis publiquement et clairement – tout repreneur non-européen doit s'attendre à des conditions drastiques, s'il veut ne serait-ce qu'espérer acquérir Biogaran.
Garantir aux Français un parfait accès aux médicaments et maintenir les emplois en France, telle est notre boussole. Vous avez raison, la santé est un secteur éminemment stratégique, auquel, conformément aux engagements du Président de la République, nous avons consacré des investissements massifs au sein du plan France 2030 tout en adoptant une stratégie pour produire nos médicaments en France. La relocalisation de vingt-cinq médicaments stratégiques a commencé – il s'agit évidemment d'un travail patient, qui prend du temps.
Le succès et la force viendront de l'Europe : l'Alliance pour les médicaments critiques permettra de faire revenir sur le sol européen la production des principes actifs de nos médicaments, dont 60 à 80 % proviennent d'Asie.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
L'Europe doit être le vecteur de notre souveraineté, notamment en matière de produits de santé, pour peser davantage face à l'Asie.
Vous avez également évoqué les problèmes de financement liés à l'application de la clause de sauvegarde aux génériques : ils feront partie des sujets à discuter lors de l'examen du prochain PLFSS. En attendant, nous restons mobilisés.
La France est passée maîtresse dans l'art du vaudeville : cela prêterait à sourire si cette singularité se limitait au théâtre. La gestion du dossier de sauvetage de notre géant informatique national Atos laisse entendre que ce style burlesque trouve à s'exprimer dans le monde des affaires : claquements de portes, revirements intempestifs, valse des acteurs et j'en passe.
Quelque 5 milliards de dette, démissions à répétition de ses dirigeants, rien ne va plus pour ce groupe, pourtant essentiel à notre souveraineté numérique et à notre stratégie de défense. L'activité infogérance gère une masse considérable de données sensibles de nos administrations et services publics – Trésor public, carte vitale, caisses d'allocations familiales, SNCF, pour ne citer que les plus connus. La division supercalculateurs participe quant à elle à la mise à niveau opérationnelle de notre dissuasion nucléaire.
Ce groupe à portée stratégique est au bord de la faillite, sans que le Gouvernement et la présidence de la République n'aient manifesté une volonté affichée de le sauver coûte que coûte. Les perspectives de résolution qui se profilent laissent entrevoir l'arrivée de fonds de pensions étrangers et une vente à la découpe des divisions du groupe. Cette solution n'est pas admissible quand le régalien et notre souveraineté nationale sont en jeu.
Monsieur le Premier ministre, entendez-vous procéder à la recapitalisation rapide d'Atos, à concurrence d'un tiers de la dette, afin d'éviter sa liquidation à court terme et mettre fin au projet de démantèlement du groupe ? À quand la mobilisation d'un véritable fonds souverain national, susceptible de maintenir sous pavillon français ces entreprises de portée stratégique, qui subissent la prédation de fonds étrangers ?
La passivité de l'exécutif sur ce dossier pourrait donner lieu à une nouvelle affaire d'État, après Alstom et Technip ; il ne tient qu'à vous qu'il en soit autrement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire ici : Atos est un fleuron français. Il traverse des difficultés, mais ses atouts lui permettront de les surmonter. Parmi ces atouts, il y a notamment le fait qu'il bénéficie de marchés publics dans de nombreux pays européens, en Allemagne, en Belgique, en Italie.
Dans votre programme pour les élections européennes, vous proposez que chacun des pays européens réserve ses marchés publics aux entreprises de son pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Quand vous vous faites les défenseurs d'Atos, dites-vous à ses représentants que vous proposez qu'ils n'aient plus accès aux marchés publics dans les pays où ils en bénéficient – en Allemagne, en Italie, en Belgique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Vincent Bru applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Si vous appliquiez votre programme, vous plongeriez Atos dans des difficultés plus grandes encore.
Pour le reste, vous le savez, nous sommes mobilisés depuis le premier jour ; nous travaillons avec la plus grande vigilance pour assurer l'avenir du groupe Atos. Depuis le premier jour, nous nous sommes pleinement engagés à protéger ses actifs stratégiques ;…
…nous nous y tenons et nous avons conclu un prêt important, qui était attendu par Atos. Nous avons obtenu des droits spécifiques sur la gestion des activités stratégiques du groupe et je vous le dis comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire en réponse à une autre question : les activités stratégiques, notamment celles qui concernent notre souveraineté et notre défense, resteront sous pavillon français,…
…et leur développement sera assuré par des industriels français de premier plan. C'est en particulier le cas de nos supercalculateurs, des serveurs permettant le développement de l'intelligence artificielle (IA) et du quantique, des systèmes de communication critiques ou de protection cyber, et aussi des systèmes numériques de contrôle-commande de nos centrales nucléaires. Comme l'a indiqué Bruno Le Maire, nous souhaitons sécuriser les activités d'Atos WorldGrid, en garantissant leur acquisition par un acteur agréé par EDF.
Plusieurs entreprises ont déjà exprimé leur intérêt pour la reprise d'Atos.
C'est une bonne nouvelle et la preuve qu'il existe des solutions pour préparer l'avenir de l'entreprise. Chacune des offres sera examinée…
Nous avons deux jours, monsieur le Premier ministre ! Jusqu'au 31 mai !
…et je peux vous dire que l'État sera très attentif à leur sérieux, au projet industriel qui les sous-tend et à leur capacité à faire vivre l'entreprise. Nous serons particulièrement vigilants quant à leur impact social et, bien sûr, nous ne transigerons jamais s'agissant des activités sensibles et stratégiques pour l'État ,…
Rires sur les bancs du groupe RN
…qui doivent rester sous pavillon français. Mais contrairement à vous, nous ne proposons pas de couper les jambes de nos grands fleurons français en les empêchant de bénéficier de contrats, d'appels d'offres et de marchés publics dans d'autres pays européens.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
On nous avait servi la même musique concernant Alstom, et on voit le résultat. L'État ne s'est pas du tout intéressé à ce dossier qui est bouillant depuis dix-huit mois ; les 112 000 collaborateurs d'Atos apprécieront.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Augmentation du temps de cotisation sur une durée plus courte pour une indemnisation moins longue : ce n'est plus une réforme, c'est un coup de poignard dans le dos des Français !
Mme Raquel Garrido applaudit.
Des décennies de lutte pour davantage de droits et pour une meilleure protection des travailleurs renversées en un simple claquement de doigts : qu'ont donc fait les personnes privées d'emploi pour mériter votre haine ? Les femmes et les hommes que vous ne cessez d'attaquer ont pourtant pour unique souhait de réintégrer le marché de l'emploi. Mais votre seule réponse est de faire croire qu'ils sont responsables de leur situation.
Comment pouvez-vous prétendre aider les personnes privées d'emploi alors que près de la moitié des inscrits ne sont déjà pas indemnisés ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Comment pouvez-vous prétendre vouloir accompagner les seniors après avoir imposé un allongement de l'âge de départ à la retraite et vous être attaqués à leur régime spécifique d'indemnisation ?
Non, monsieur le Premier ministre, les difficultés de toutes ces personnes n'ont pas disparu. Puisqu'il n'y a que les chiffres qui vous intéressent, je vais vous en donner un qui devrait vous interpeller : 18 %, c'est le taux de chômage à La Réunion. Les habitants de nos circonscriptions ultramarines, soumises à un taux de chômage inégalé, craignent chaque jour l'application de vos réformes dans nos territoires. Si jusqu'à présent, les nouvelles règles ne s'appliquent pas aux résidents des outre-mer, nous ne sommes pas à l'abri d'un revirement de votre part, qui pourrait survenir à tout moment.
Vous avez réussi à faire naître un sentiment de rejet à l'égard des personnes privées d'emploi, désormais considérées comme responsables de tous les maux de la société.
« Quelle caricature ! » sur les bancs du groupe RE.
Rien ne vous fait peur. Faire des économies ne peut être une raison légitime pour mettre en jeu la survie de nos concitoyens. Les Français ne sont pas une ligne sur un tableau Excel : ce sont des femmes et des hommes
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES
qui font au mieux pour s'en sortir. Monsieur le Premier ministre, je n'ai en réalité qu'une seule question : où donc avez-vous enterré votre âme ?
Mêmes mouvements.
Vous avez donné un chiffre, celui du taux de chômage à La Réunion : il s'élève à 18 %. C'est trop, et nous devons nous battre pour faire baisser le chômage. Vous auriez pu donner un autre chiffre, celui du taux de chômage à La Réunion en 2017 : il était alors à 24 %, soit 6 points de plus.
Cela signifie – j'en suis absolument convaincu – que le chômage français, le chômage de masse, n'est pas une fatalité. On le voit au niveau national : le taux de chômage a atteint son niveau le plus bas depuis vingt-cinq ans, et celui des jeunes son niveau le plus bas depuis quarante ans ;…
…quant au taux d'emploi, il est à son niveau le plus haut depuis qu'il est mesuré, grâce aux 2,5 millions d'emplois qui ont été créés ces six dernières années et aux réformes qui ont été menées. Si vous ne faites pas confiance au Gouvernement,…
…vous pouvez au moins faire confiance à la Dares (direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques), qui a publié en février dernier une étude montrant que nos réformes, notamment celle, conduite en 2019, de l'assurance chômage, ont amélioré le taux de retour à l'emploi. Voilà la réalité !
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Ce taux de chômage historiquement bas, qui est passé de 9,5 % en 2017 à 7,5 % aujourd'hui ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Estelle Folest applaudit également
ne tombe pas du ciel ! C'est le fruit de réformes et j'assume de dire que nous devons poursuivre dans cette voie. Mais comment procéder ? D'abord, en promouvant un modèle social toujours tourné vers la reprise d'activité. C'est le sens de la réforme que nous avons annoncée, Catherine Vautrin et moi-même :…
…alors qu'il fallait avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers mois pour bénéficier de l'assurance chômage, il faudra désormais avoir travaillé huit mois sur les vingt derniers mois,…
…ce qui n'empêche pas notre système de rester l'un des plus généreux d'Europe.
Ce n'est pas de la générosité ! Les Français ne sont pas des mendiants !
Notre deuxième objectif, c'est de tout faire pour améliorer le taux d'emploi des seniors grâce à l'instauration d'une nouvelle mesure, le bonus d'activité senior. Elle permettra à des seniors qui reprennent un emploi de conserver une part de leur allocation chômage, afin d'améliorer leur rémunération.
Le troisième objectif, c'est d'impliquer les entreprises dans le recrutement de seniors. Elles ont évidemment une responsabilité en la matière, mais aussi dans la lutte contre les contrats courts qui, quand ils sont subis, pénalisent en premier lieu les salariés.
Nous avons instauré un bonus-malus sur les contrats courts, et lui aussi a produit des effets. Les études le montrent : le bonus-malus, dans les sept secteurs économiques où il a été déployé, a contribué à la réduction du nombre de contrats courts et à l'amélioration de la qualité d'emploi des salariés. Nous souhaitons le généraliser progressivement, en l'étendant à d'autres secteurs ; nous allons y travailler, Catherine Vautrin, Bruno Le Maire, l'ensemble du Gouvernement et moi-même, pour définir à quel rythme nous allons le faire.
Vous le voyez, notre seul objectif,…
C'est de taper sur les pauvres ! C'est de faire des économies sur le dos des Français !
…c'est de sortir de la précarité les Français qui y sont plongés. Le meilleur moyen d'y parvenir – et je pense qu'au moins là-dessus, nous pouvons nous rejoindre –, c'est de leur permettre de trouver un emploi ! Nous devons donc tout faire pour que des emplois soient créés dans notre pays, or 2,5 millions d'emplois ont été créés grâce à notre politique…
Quand on est pauvre, on ne retrouve pas un emploi ! C'est ça, la précarité !
…et, depuis quatre ans, la France est le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il faut s'en réjouir, des emplois continuent d'être créés : 50 000 au premier trimestre quand nos voisins, notamment l'Allemagne, sont en récession. Une fois que nous avons créé des emplois et que la dynamique est à l'œuvre, il importe de disposer d'un système d'assurance chômage, d'un modèle social qui accompagne davantage vers l'activité, qui tend la main, qui forme, qui aide, pour arriver à la reprise de l'emploi, ce qui devrait être l'objectif que nous partageons tous.
Mêmes mouvements.
Vous dites une chose mais vous faites exactement l'inverse. Comme le dit André Chassaigne, « Vous avez la queue du renard qui vous sort de la bouche, et vous dites encore que vous ne l'avez pas croqué. »
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Hélène Laporte.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord se rapportant à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (n° 2628, 2644).
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité.
Il y a cinquante ans, le commandant Cousteau nous alertait en ces termes : « Pour la majeure partie de l'histoire, l'homme a dû combattre la nature pour survivre ; dans ce siècle, il commence à comprendre que, pour survivre, il doit la protéger. » Protéger l'océan, préserver les écosystèmes qui sont à la base de la vie sur Terre, léguer une planète vivable aux générations futures, telle est, au fond, l'ambition du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter au nom du Gouvernement.
Nous dépendons tous de l'océan. Nous lui devons la moitié de l'air que nous respirons. Nous lui devons notre sécurité alimentaire, car il permet de nourrir plus de 3 milliards de personnes. Nous lui devons enfin la régulation du climat, car il absorbe un tiers du dioxyde de carbone que nous émettons, ce qui nous permet aussi de continuer à respirer. Vous l'avez compris, la haute mer est la pièce centrale du puzzle environnemental, donc de notre capacité collective à répondre à la triple crise du climat, de la biodiversité et des pollutions.
L'accord se rapportant à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique des zones ne relevant pas de la juridiction nationale – que je désignerai ensuite par son petit nom, traité BBNJ, pour Biodiversity Beyond National Jurisdiction – était en négociation aux Nations unies depuis près de vingt ans. S'il a pu y être adopté par consensus le 19 juin dernier, nous le devons à l'impulsion politique donnée par le Président de la République, Emmanuel Macron, lors du One Ocean Summit en 2022. Nous le devons à l'action diplomatique résolue et déterminante de la France et de l'Union européenne, ainsi qu'à la mobilisation parlementaire et citoyenne.
Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, et moi-même nous sommes battus pour faire de ce traité une priorité de notre diplomatie environnementale, car il contient des avancées décisives : premièrement, la création d'aires marines protégées (AMP) dans les eaux internationales ; deuxièmement, l'obligation de réaliser des évaluations d'impact environnemental pour toute nouvelle activité dans ces zones ; troisièmement, la création d'un système de partage juste et équitable des bénéfices issus de l'utilisation des ressources génétiques marines. La force de cet accord réside aussi dans son caractère universel et juridiquement contraignant.
En énonçant ces trois avancées, j'ai bien conscience que cela paraît désormais une évidence pour tout le monde, mais je peux vous assurer que rien n'était acquis d'avance. Tous ceux qui suivaient les discussions à ce sujet le voyaient bien, tant les parlementaires nationaux et européens – je pense notamment à Catherine Chabaud – que les acteurs de la société civile – je pense notamment à des ONG telles que Tara ou la Fondation de la mer. En effet, ces avancées sont intervenues dans un contexte géopolitique international particulièrement tendu, notamment à compter de l'invasion russe en Ukraine, et à un moment où la compétition stratégique entre les États-Unis et la Chine s'intensifiait.
En août 2022, lorsque je me suis rendu pour la première fois à New York pour participer aux négociations, rien n'était acquis ; peu d'observateurs considéraient qu'il était possible de conclure un accord dans les deux, trois ou quatre années qui allaient suivre. Si l'issue des négociations a été constructive et positive, c'est parce que, grâce à la mobilisation de notre corps diplomatique – dont je salue l'action –, du couple franco-allemand et des ONG, nous avons su démontrer que cet accord destiné à protéger la haute mer était fondamental pour la lutte contre le changement climatique et pour notre capacité à préserver la biodiversité dans son ensemble.
Dans ce contexte compliqué, nous avons pour la première fois réussi à obtenir un texte relatif aux questions environnementales qui prévoit que les décisions seront prises à la majorité qualifiée, plutôt que par consensus. Très concrètement, cela signifie qu'aucun État ne pourra plus désormais, à lui seul, bloquer une décision. Tout cela est le fruit, je l'ai dit, de nombreuses heures de discussion, jour et nuit. Pour la faire avancer, je me suis rendu trois fois à New York, notamment avec mon homologue allemande Steffi Lemke. Nous nous sommes efforcés en particulier de démontrer l'urgence qui s'attachait, dans le contexte qui était le nôtre, à la mise en œuvre du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, adopté en décembre 2022, qui vise à protéger 30 % des terres et 30 % des mers.
Je tiens à remercier très chaleureusement les équipes de la direction des affaires juridiques du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et celles du ministère de la transition écologique. Grâce à notre action conjointe, notamment au lancement de la Coalition de la haute ambition pour le traité BBNJ, composée de cinquante-deux États, nous avons su dépasser les clivages traditionnels entre le Nord et le Sud, entre les pays dits développés et les pays en développement. Nous avons joué un rôle moteur en proposant des voies de compromis entre souveraineté économique et priorité environnementale, afin de mobiliser tous les États, côtiers ou non.
Le Président de la République, je l'ai dit, avait fait de l'océan l'un des piliers de la diplomatie environnementale. Dès lors, dans toutes nos relations bilatérales, nous avons fait de l'aboutissement du traité BBNJ une priorité. J'en donne deux exemples. Lors de sa visite d'État aux États-Unis, le Président de la République a fait de la protection des océans l'un des enjeux forts de la diplomatie bilatérale environnementale. Plus récemment, nous avons signé avec la Chine une feuille de route intitulée « De Kunming-Montréal à Nice », qui place la protection des océans, autrement dit de 50 % de la planète, au cœur de la relation bilatérale.
Cette mobilisation bilatérale, européenne, multilatérale et citoyenne avait un objectif clair : préserver l'océan face aux pressions qui le menacent, à savoir le dérèglement climatique – sachant que l'océan régule à 90 % l'excès de chaleur dans l'atmosphère –, la dégradation de la biodiversité marine – celle-ci constitue un véritable continent caché, encore largement méconnu et sous-estimé – et toutes les formes de pollution. Il s'agissait de nous donner les moyens de prévenir juridiquement les pollutions chimiques industrielles et plastiques dans les eaux internationales.
Face à toutes ces menaces, l'accord nous fournit, enfin, des réponses opérationnelles. Pour le moment, il faut le dire, la haute mer n'est ni suffisamment régulée ni réellement protégée. Grâce au texte dont vous vous apprêtez à autoriser la ratification, toute entreprise qui souhaitera opérer dans les eaux internationales devra se soumettre à des évaluations d'impact menées par l'État dont elle dépend. Nous pourrons ainsi prévenir toute forme de pollution ou de dommage aux écosystèmes marins, en appliquant strictement le principe pollueur-payeur.
De la même manière, nous allons pouvoir créer de premières AMP en haute mer, en prenant en considération des critères tels que la santé des écosystèmes, les routes migratoires des cétacés ou encore la préservation des ressources halieutiques. Sur ce point, la science est formelle : les AMP constituent l'un des outils les plus efficaces dont nous disposons pour permettre à l'océan et à ses écosystèmes de se régénérer, d'accroître leur résilience, de continuer à nous nourrir
Mme Clémence Guetté s'exclame
et de jouer le rôle crucial de régulateur du climat. C'est la raison pour laquelle nous devons, comme le prévoit le texte du traité, nous fixer une ambition forte en la matière et examiner, territoire par territoire, quelles sont les activités menées et quelles dispositions nous devons prendre pour renforcer la protection de ces zones, tant dans les eaux internationales que dans les eaux nationales.
Le dernier volet de l'accord concerne les ressources génétiques marines. Dans les profondeurs de l'océan, notamment dans les abysses, se trouvent, vous le savez, des molécules essentielles à la recherche de traitements contre des pathologies telles que le cancer du cerveau ou la maladie d'Alzheimer, ainsi qu'au développement de vaccins à ARN messager. Or, à ce stade, moins de 20 % des fonds marins et seulement 3 % des grands fonds marins ont été explorés ou sont connus. L'exploration, l'accès et le partage des bénéfices sont d'une importance capitale pour la découverte médicale et pharmaceutique, pour nos industries, pour la souveraineté et, surtout, pour le progrès de l'humanité.
Après le marathon des négociations, qui a duré quelque vingt ans, et le sprint lancé par le Président de la République à l'occasion du One Ocean Summit, nous voici engagés dans un autre sprint, celui des ratifications. Tout le travail que nous avons réalisé ensemble – avec vous, parlementaires, avec les ONG, avec les collectivités locales, avec les peuples autochtones – n'aura aucune portée ni aucun sens si nous n'atteignons pas les soixante ratifications nécessaires à la mise en œuvre du traité BBNJ. À ce jour, quatre-vingt-dix pays, dont l'ensemble des États membres de l'Union européenne, l'ont signé. La France a d'ailleurs été l'un des premiers à le faire : dès le premier jour de la cérémonie de signature ouverte aux Nations unies, Catherine Colonna et moi-même nous sommes rendus à New York pour y apposer la signature du Gouvernement de la République française.
Cinq États l'ont déjà ratifié : les Palaos, le Chili – dont je salue l'ambassadeur, présent dans les tribunes –, le Bélize, les Seychelles et Monaco. Le Parlement européen a récemment approuvé sa ratification à une très large majorité, ouvrant la voie à un vote similaire des États membres. Grâce à ce projet de loi, la France, grande puissance maritime, pourrait ainsi devenir le premier pays de l'UE à ratifier cet accord.
Deuxième espace maritime au monde, grande nation océanique et scientifique, présente du Pacifique aux Caraïbes en passant par l'Océan indien, porteuse d'une forte ambition scientifique et d'une volonté de coopération avec les pays voisins, la France est investie de responsabilités en la matière. Guidée par cet esprit de responsabilité et par la conscience aiguë de l'importance des océans, bien commun de l'humanité, elle agit et prend de l'avance, avant même l'entrée en vigueur de la convention.
Ainsi, nous avons déjà initié des travaux de recherche scientifique pour cartographier, avec les pays voisins, les zones de haute mer à classer prioritairement en AMP. Nous sommes prêts à déployer notre flotte de satellites pour assurer leur surveillance efficace car le contrôle de la protection de ces AMP constitue la mère des batailles. Par ailleurs, j'ai annoncé la création d'une coalition pour les AMP en haute mer réunissant les États, les scientifiques et la société civile afin de progresser sur les aspects techniques, scientifiques et financiers de ces zones protégées ainsi que sur leur gouvernance. Enfin, nous avons déjà alloué 41,5 millions d'euros à France 2030 pour lancer un vaste programme de collecte, de séquençage et de partage des ressources marines génétiques dans les eaux françaises.
Pour transformer ces ambitions de protection, de coopération et d'innovation en réalité, notre objectif est d'acter la mise en œuvre du traité BBNJ à Nice, lors de la conférence des Nations unies pour l'océan (Unoc) de 2025.
Nous portons ce combat pour la ratification du BBNJ dans toutes les enceintes européennes ou multilatérales. Ainsi, lors de la réunion de l'assemblée des Nations unies pour l'environnement (Anue), qui s'est tenue à Nairobi en mars dernier et à laquelle j'étais présent, et lors du G7 environnement à Turin où Christophe Béchu s'est rendu fin avril, nous avons encouragé les autres pays à signer le traité BBNJ.
La France a également conclu un partenariat historique avec le Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue) sur l'apport de la science dans les politiques publiques. Il a pour objet de nous accompagner à créer un indicateur de la santé des océans mais également de nous aider à convaincre un maximum de pays de ratifier le traité BBNJ.
Nous sommes mobilisés – avec vous – pour rassembler ces processus multilatéraux dans la perspective du sommet des Nations unies pour les océans et pour mettre en cohérence tous ces objectifs, tels celui de protéger 30 % des zones marines. Cet objectif ne pourra être atteint si le traité BBNJ, qui s'appliquera à 70 % des océans, n'entre pas en vigueur.
Nous ne serons ni crédibles ni efficaces si nous ne signons pas le traité mondial de lutte contre la pollution plastique qui sera discuté en fin d'année à Pusan.
Nous serons encore moins crédibles si la sortie des énergies fossiles, nécessaire pour lutter contre le dérèglement climatique qui constitue la plus grande menace pour les océans, n'est pas placée au cœur de nos préoccupations. Le sommet à venir de la COP en Azerbaïdjan sera fondamental pour acter des avancées sur ce sujet.
Nous ne pourrons protéger la haute mer et 30 % des océans si nous n'obtenons pas la formation d'une coalition de pays prêts à signer un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins. La position de la France est très claire : alors que l'exploitation de ces fonds pourrait générer des retombées financières importantes, nous y avons renoncé car elle représente une grave menace pour la préservation des fonds marins…
…et pourrait entraîner des dommages irréversibles pour nos écosystèmes marins.
La France va poursuivre cette dynamique motrice sur les sujets de la surpêche, de l'exploitation minière des fonds marins, de la pollution plastique et de la protection de la haute mer.
Je conclus en vous remerciant pour votre engagement sans faille en faveur de la protection des océans et de la haute mer.
Je veux tout particulièrement remercier Jimmy Pahun de s'être fortement mobilisé, avec de nombreux parlementaires, dans une démarche transpartisane. Je remercie également Éléonore Caroit. Elle a fait preuve de diplomatie parlementaire, complémentaire de la diplomatie gouvernementale, pour faire grossir la coalition contre l'exploitation minière des fonds marins. Je tiens également à saluer les efforts remarquables déployés par Mme la rapporteure Mereana Reid Arbelot, dont les travaux ont enrichi nos réflexions sur la mise en œuvre du traité BBNJ. Enfin, je salue l'adoption à l'unanimité de la proposition de résolution pour la conservation et l'utilisation durable de l'océan, défendue par Maina Sage en novembre 2021 dans cette noble assemblée.
Ce projet de loi de ratification a bénéficié d'une adoption à l'unanimité en commission la semaine dernière ; je vous encourage à l'adopter, avec la plus large majorité possible, dans l'espoir que la voix de votre assemblée résonne dans tous les Parlements européens et étrangers pour protéger l'océan, berceau de l'humanité.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à M. Jimmy Pahun, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
La négociation du traité BBNJ aura été une « longue route », pour reprendre le titre du livre dans lequel Bernard Moitessier raconte son tour du monde en solitaire et le temps long des circumnavigations – à cette différence près que le BBNJ n'est pas une aventure solitaire mais collective.
Cette aventure a débuté il y a vingt ans lorsque les États membres de l'ONU se sont interrogés sur la nécessité de compléter la convention de Montego Bay sur le droit de mer, afin de mieux prendre en compte les enjeux de protection des écosystèmes marins liés à la progression des activités humaines en haute mer.
Alors que la convention de Montego Bay s'attache à lutter contre les pollutions aux hydrocarbures, l'accord BBNJ prend en compte l'ensemble des défis et des menaces pesant sur cet espace situé hors de toute juridiction nationale, à 200 milles des côtes : pêche illégale, surpêche, exploration – et peut-être demain exploitation – des fonds marins, transport maritime...
Le BBNJ permettra de traiter tous ces enjeux dans une même enceinte, non pas pour se substituer aux instruments juridiques existants, régionaux – comme les organisations de pêche – ou sectoriels – telles l'Organisation maritime internationale (OMI) et l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) – mais pour coordonner leurs actions au bénéfice de la biodiversité.
Le BBNJ devrait ainsi mettre fin à l'extrême fragmentation du cadre juridique applicable à la haute mer et aux grands fonds. L'accord s'appuie sur quatre piliers : le partage juste et équitable des avantages tirés de l'utilisation des ressources génétiques marines, la création d'outils de gestion par zone – y compris les AMP –, l'obligation d'études d'impact pour les activités humaines et, en dernier lieu, le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines au profit des pays en développement.
Premier pilier : l'accord organise le partage juste et équitable des avantages monétaires et non monétaires, c'est-à-dire principalement le transfert de savoirs et de compétences, qui découlent de l'utilisation des ressources génétiques marines. Si ce sujet est éminemment technique et sans doute moins médiatique que celui des AMP, il a cependant constitué le cœur des négociations.
En effet, certains organismes marins possèdent des caractéristiques uniques qui pourraient déboucher demain sur des innovations significatives et des avantages commerciaux réels pour de multiples filières. Toutefois, faute de moyens suffisants, la plupart des pays en développement ne participent pas à ces efforts de recherche et n'en tirent aucun bénéfice.
En second lieu, l'accord ouvre la possibilité de créer des outils de gestion par zone, y compris des AMP en haute mer. Celles-ci existaient uniquement dans le cadre d'accords régionaux n'engageant que les États parties. L'accord innove par la mise en place d'un nouvel outil de gestion de ces zones à la majorité qualifiée pour éviter les blocages, s'éloignant ainsi de la pratique en vigueur dans les institutions onusiennes. En contrepartie, les États disposeront d'un droit d'objection à la condition cependant qu'ils le justifient.
En haute mer comme dans les zones économiques exclusives (ZEE), je souhaite la création d'aires marines sous protection stricte ou intégrale, excluant par principe toute activité extractive. Selon la communauté scientifique internationale, seul ce niveau de protection est à même de protéger ou restaurer les écosystèmes marins. Il s'agit non de mettre la mer sous cloche mais de garantir un niveau de protection optimale des zones les plus fragiles.
En France, nous nous sommes fixé l'objectif de 10 % d'aires protégées de ce type. Elles favorisent une abondance nouvelle des ressources dont bénéficient en premier lieu les pêcheurs ainsi que le démontrent les premières expérimentations réalisées dans notre pays ou à l'étranger.
Il incombera aux États, lors des futures conférences des parties, de définir les processus de création de ces AMP en haute mer. Tout reste à construire à partir de l'outil dont nous disposons maintenant. Les COP devront aussi préciser comment contrôler le respect de ces aires éloignées de tout. Assurément, l'outil satellitaire y jouera un rôle prépondérant.
Troisièmement, l'accord introduit l'obligation pour les États parties de réaliser une étude d'impact chaque fois qu'une activité engagée sous leur juridiction ayant une incidence en haute mer ou menée directement en haute mer, est susceptible d'entraîner une modification importante et néfaste du milieu marin. Le grand intérêt de cette disposition tient au fait qu'elle prend en compte l'impact cumulé et écosystémique de telles activités.
Enfin, le traité BBNJ prévoit le transfert de technologies marines, notamment des États développés vers les États en développement, dans le but de faire progresser et de mieux partager les connaissances sur la conservation et l'utilisation durable des zones ne relevant pas de juridictions nationales.
Vous le voyez l'accord est ambitieux. Il est historique. Il est le fruit de nos efforts collectifs. Je veux, à ce propos, rendre un hommage appuyé aux personnels des ministères et de la Commission européenne, qui ont été, pendant des années, les chevilles ouvrières de la négociation et le porte-voix de nos ambitions. Je n'oublie pas l'important travail de conviction et de mobilisation réalisé par les ONG et la communauté scientifique en vue d'obtenir l'accord ayant le plus d'envergure possible. Que toutes et tous soient assurés de la gratitude de notre assemblée pour leur contribution à la réussite de cet accord.
Vingt années de diplomatie, vingt années de labeur ! En ce jour, « il faut imaginer Sisyphe heureux », heureux de participer à la quête du bien commun et de voir ses efforts récompensés mais toujours soucieux de poursuivre le travail engagé et plein d'espoir quant aux réalisations rendues possibles par cet accord historique.
L'enjeu immédiat est celui de la ratification du traité BBNJ par soixante des pays qui en sont signataires. Il pourra alors entrer en vigueur et nous commencerons à négocier le fonctionnement précis de ses mécanismes.
La Convention de Montego Bay est entrée en vigueur douze ans après sa signature : c'est un délai que nous ne pouvons plus nous permettre aujourd'hui. L'océan, régulateur du climat, puits de carbone, n'y survivrait pas. Acidification, réchauffement, désoxygénation, eutrophisation, montée des eaux, pollution plastique, disparition de la biodiversité, dégradation des écosystèmes : l'urgence est réelle et les défis sont immenses.
En engageant le processus de ratification du BBNJ, la France s'inscrit dans le mouvement engagé par les Palaos, le Chili, les Seychelles, le Bélize et Monaco, dont je salue l'engagement pour la protection de l'océan. Je remercie Son Excellence l'ambassadeur du Chili de sa présence en tribune.
Applaudissements sur l'ensemble des bancs.
Il nous faut maintenant accélérer ce mouvement pour espérer atteindre le nombre souhaité de ratifications pour l'Unoc qui se tiendra en juin 2025 à Nice. Notre diplomatie, et notamment notre formidable ambassadeur aux pôles et aux enjeux maritimes, y travaille. En votant ce texte à l'unanimité, nous nous montrerons dignes de l'identité et de l'ambition maritimes de la France et nous appellerons les autres États à entreprendre eux-mêmes la ratification du BBNJ.
En 2021, l'Assemblée avait adopté à l'unanimité la résolution appelant à un accord ambitieux, présentée avec notre ancienne collègue de Polynésie française Maina Sage. Cette cause avait aussi bénéficié du soutien sincère et bienveillant de Marielle de Sarnez, alors présidente de la commission des affaires étrangères ,
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR
et de Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale. Nous répondions au souci des diplomates et des ONG qui regrettaient le manque de visibilité médiatique et de soutien politique d'une négociation pourtant fondamentale pour l'avenir de l'océan et la planète. Je sais que ce souci était partagé par notre collègue Delphine Batho lorsqu'elle était ministre de l'écologie sous une autre majorité.
Je remarque que la protection de l'océan fédère par-delà les appartenances partisanes. Nous y sommes tous sensibles et c'est notre honneur de savoir nous rassembler pour le défendre – notre honneur à tous ou presque puisque les députés européens du RN, le candidat Jordan Bardella en tête, ont très récemment voté contre la ratification du BBNJ au Parlement européen.
L'impulsion politique de très haut niveau attendue par les ONG et les négociateurs est venue du Président de la République. Le ministre Hervé Berville l'a évoqué : le One Ocean Summit de Brest, organisé en février 2022, dans la dernière ligne droite de la négociation, a été déterminant pour aboutir à cet accord ambitieux. Monsieur le ministre, le dossier est maintenant entre vos mains. Merci de porter, avec autant de conviction et d'engagement, la voix de la France et celle des océans.
Je suis heureux d'appartenir à une majorité qui a fait de la mer une de ses priorités. Diminution effective de nos émissions de gaz à effet de serre, lutte contre la pollution plastique, soutien à la décarbonation du transport maritime, financement de la recherche océanographique, interdiction de l'exploitation des hydrocarbures en mer ou encore recherche d'un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins : voilà quelques-uns des grands chantiers que nous avons menés depuis 2017.
S'agissant de toutes ces questions, il nous faut rester vigilants et renforcer notre action autant que nécessaire. Je pense, notamment, à la lutte contre la pollution plastique, sur la base du rapport d'évaluation de la loi Agec sur l'économie circulaire, présenté ce matin en commission du développement durable. Il reste aussi des dossiers qu'il nous faut prendre à bras-le-corps comme la pêche, dont on attend une révolution au bénéfice tant des pêcheurs que des écosystèmes marins.
La route est encore longue et sa destination incertaine mais, lorsque le doute nous gagne, il faut relire Bernard Moitessier : « Ciels limpides, couchers de soleil couleur de sang, couleur de vie, sur une mer qui étincelle de puissance et de lumière, et vous donne toute sa force, toute sa volonté. Alors on sait pourquoi on continue, pourquoi on ira jusqu'au bout. »
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, Re, HOR et LFI – NUPES. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Ne croyez pas que ce soit la fête du MODEM, c'est bien plutôt la fête de l'unité de cet hémicycle autour d'un enjeu absolument essentiel.
L'Assemblée est appelée, cet après-midi, à autoriser la ratification d'un accord essentiel pour la protection de la haute mer et des grands fonds marins, ces biens communs qui recouvrent près de la moitié de la surface de la planète et sont vitaux à plus d'un titre.
Permettez-moi tout d'abord de rendre hommage au ministre Hervé Berville, que nous connaissons bien à la commission des affaires étrangères ,
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE. – M. le rapporteur applaudit également
dont nous apprécions l'enthousiasme, l'énergie et l'action et que nous félicitons pour les résultats obtenus, ainsi qu'à notre rapporteur Jimmy Pahun, inlassable défenseur des valeurs qui sont les nôtres.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Si nous ne connaissons que 3 % des grands fonds marins, nous nous devons de les protéger. C'est ainsi que nous serons en mesure de préserver la biodiversité et de lutter contre le changement climatique car les océans absorbent les excès de CO
L'accord international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine, signé à New York, au siège de l'ONU, le 20 septembre 2023, est plus connu sous son acronyme anglo-saxon BBNJ pour Biodiversity Beyond National Jurisdiction. Je précise que le nom de l'accord renvoie au fait que la compétence des juridictions nationales s'étend jusqu'à 200 milles nautiques des côtes, une limite que nous avons réussi à faire adopter lors de négociations antérieures – l'inconvénient, c'est qu'on ne commence à traiter ces questions qu'au-delà de ces 200 milles.
L'accord BBNJ, tel qu'il a été conclu, porte sur les zones maritimes situées au-delà des zones de souveraineté et des zones économiques exclusives des États côtiers. Il ouvre la voie à des avancées inédites, à savoir : en premier lieu, la création d'aires marines protégées en haute mer : ensuite, l'obligation pour les États d'évaluer l'impact environnemental des nouvelles activités qu'ils projettent en haute mer ; troisièmement, un partage juste et équitable des bénéfices de découvertes faites dans les océans et qui pourraient être déterminantes pour les sciences, les technologies ou la médecine, comme nous l'a expliqué dans le détail le rapporteur ; enfin, le renforcement des capacités des États maritimes en voie de développement en matière de recherche scientifique et d'aptitudes à assurer une bonne gouvernance des aires marines.
La portée de cet instrument juridique international a été comparée à celle de l'accord de Paris, signé en 2015. Il est vrai qu'il en partage à la fois l'ambition et les limites.
En juin 2025 se tiendra à Nice la Conférence des Nations unies sur l'océan. Cet événement témoignera, aux yeux de la communauté internationale, de l'engagement résolu et durable de notre pays en faveur de la protection du milieu océanique, enjeu clé de ce début de millénaire. Il est donc capital que nous confirmions sans tarder la parole donnée par notre pays lorsqu'il a signé le BBNJ, afin de montrer l'exemple et d'emmener dans notre sillage autant d'États que possible.
Il s'est écoulé environ huit mois entre la signature de ce texte et l'engagement du processus parlementaire pour sa ratification. Il est extravagant qu'un tel délai soit considéré comme insolite car inhabituellement rapide. Serait-il donc impossible d'aller plus vite ? Cette lenteur à consentir des accords me semble inquiétante, tout comme le fait de considérer qu'un délai de huit mois constituerait un succès.
Il est vrai que nous ne sommes pas nombreux à nous y être déjà attelés. Le processus de ratification n'en est qu'à ses débuts. L'archipel micronésien des Palaos, le Chili, les Seychelles, Belize et Monaco sont les premiers États à l'avoir ratifié. En votant ce texte, nous permettrons à la France d'être le premier État membre de l'Union européenne à les rejoindre.
Il n'est pas admissible que, s'agissant d'une législation internationale qui engage 157 États – sur 193 États membres des Nations unies –, nous ne puissions pas aller plus vite.
Oui, au-delà des États-nations, nous avons le devoir de développer le multilatéralisme. Il faut en être conscients : nous devons aller plus loin dans la gestion, en commun, des enjeux planétaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, LFI – NUPES, LR, HOR et Écolo – NUPES. – M. le rapporteur applaudit également.
À l'heure où je vous parle, quinze tonnes de plastique sont déversées dans les océans chaque minute.
À l'heure où je vous parle, nous assistons à la destruction massive, méthodique et fatale des fonds marins en raison, entre autres, de la pêche industrielle – utilisant notamment le chalutage de fond – et des multiples pollutions qui viennent souiller ces espaces longtemps préservés.
À l'heure où je vous parle, la hausse des émissions de carbone provoque l'acidification des océans, ce qui menace directement l'intégralité de la chaîne alimentaire.
Tous ces phénomènes, liés, entraînent des boucles de rétroaction des plus inquiétantes. Alors que tous les voyants sont au rouge, les seuils d'irréversibilité se rapprochent. Faut-il rappeler le rôle clé de l'océan dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Que l'océan est un puits de carbone précieux et indispensable qui a déjà absorbé près d'un tiers de nos émissions ? Qu'il représente 90 % de la surface habitable pour le monde vivant ou encore que 90 % des populations de gros poissons ont déjà disparu et que la moitié des récifs coralliens ont été détruits ?
Face à cette situation, une initiative internationale visant à traiter enfin la question de la haute mer – c'est-à-dire les eaux qui ne relèvent pas d'une souveraineté nationale – doit être accueillie à bras ouverts par la représentation nationale. C'est pourquoi les écologistes soutiendront, bien entendu et sans ambiguïté, la ratification de cet accord.
Nous saluons le rôle de la France dans ces longues négociations ainsi que ce projet de loi qui ferait de notre pays le premier État de l'Union européenne à ratifier l'accord, moins d'un an après sa signature. Nous saluons particulièrement les avancées environnementales de l'accord qui prévoit la création d'aires marines protégées, consacre la notion de patrimoine commun et permet le lancement d'études d'impact environnemental des activités maritimes dans ces zones. Vous l'aurez compris : l'accord représente une avancée majeure que les écologistes saluent.
Nous appelons néanmoins à une certaine vigilance concernant la définition exacte et le niveau de protection des aires marines protégées dans le cadre de l'accord. Surtout – et je veux le souligner aujourd'hui –, ce texte sur la haute mer ne doit pas faire oublier notre responsabilité en matière de protection des eaux qui relèvent de notre souveraineté nationale. Si la protection de la haute mer est nécessaire, elle n'est évidemment pas suffisante sans une action résolue pour préserver nos eaux françaises.
Nous nous interrogeons, monsieur le ministre, sur l'écart entre la ferveur du Gouvernement lorsqu'il s'agit de protéger la lointaine haute mer et son laxisme parfois déconcertant en ce qui concerne les eaux qui relèvent de notre souveraineté nationale. Malheureusement, à ce jour, les aires marines protégées françaises n'ont de « protégées » que le nom et la France s'illustre par le gouffre qui sépare la grandeur de ses promesses et la faiblesse de ses actions. La grande majorité des aires marines protégées françaises laissent la porte ouverte à des activités destructrices pour les écosystèmes au premier rang desquelles figure la pêche industrielle – notamment le chalutage de fond – qui constitue la première cause de destruction de l'océan.
Monsieur Berville, je me dois de vous le dire : votre opposition, plusieurs fois répétée, à l'interdiction des pratiques de pêche les plus dévastatrices dans les aires marines protégées est incompréhensible,…
Ce n'est pas vrai !
…d'autant plus que la Commission européenne soutient l'élimination progressive d'ici à 2030 du chalutage de fond dans ces aires marines protégées.
Monsieur le ministre, êtes-vous réellement déterminé à agir pour éviter l'anéantissement de la biodiversité marine ? Si tel est bien le cas – et je veux le croire –, il faut d'urgence rehausser le niveau de l'ambition de notre pays. Nous ne pouvons agir diplomatiquement pour la préservation de la haute mer et, en même temps, tolérer que nos aires marines protégées demeurent des coquilles vides, au sein desquelles les activités destructrices pour les écosystèmes ne sont pas réglementées.
Enfin, j'appelle à une ultime vigilance s'agissant de l'exploitation minière des fonds marins. Certes, l'accord sur lequel notre assemblée est amenée à délibérer aujourd'hui ne traite pas directement de cette question dont la charge revient à l'Autorité internationale des fonds marins. Je rappelle néanmoins que j'ai soumis à l'Assemblée nationale une proposition de résolution visant à défendre un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins. Nous l'avons adoptée en janvier 2023 et la France a depuis rejoint une coalition d'États engagés sur ce sujet.
Non, c'était avant !
Si nous voulons assurer une préservation complète de la haute mer, il faut, vous le savez, poursuivre nos efforts diplomatiques pour élargir cette coalition qui compte aujourd'hui vingt-cinq États.
Vous l'aurez compris, les écologistes soutiennent la ratification de l'accord. Nous pouvons devenir le sixième pays à ratifier le traité, après Monaco, le Bélize, le Chili, les Palaos et les Seychelles. Il nous faudra atteindre soixante ratifications pour que celui-ci devienne contraignant. Nous appelons donc la France à peser de tout son poids diplomatique, notamment auprès des États membres de l'Union européenne, pour faire ratifier ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC ainsi que sur les bancs des commissions.
Le combat de notre génération est celui de la transition écologique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Aujourd'hui nous devons nous prononcer sur un texte essentiel puisque nous sommes appelés à autoriser la ratification de l'accord sur la protection de la biodiversité en haute mer, dit BBNJ, un traité international contraignant visant à protéger la biodiversité marine en haute mer.
La haute mer représente plus de 60 % de la surface des océans, près de la moitié de la surface du globe et 80 % de la biosphère. Le traité que nous devons ratifier prévoit notamment l'obligation de réaliser des études d'impact environnemental préalables à toute activité en haute mer, la création d'aires marines protégées reconnues par la communauté internationale, l'instauration d'un système d'accès aux ressources génétiques marines et le transfert de technologies marines des pays développés vers les pays en développement.
Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur : l'accord marque un tournant décisif dans la protection de l'océan. Il est historique, car il intervient après plus de vingt ans de négociations et témoigne, ainsi que l'a indiqué le président de notre commission, de la victoire du multilatéralisme en matière de protection de l'environnement ; historique encore, puisqu'il prévoit que les décisions soient prises à la majorité qualifiée, empêchant un pays seul d'y mettre son veto ; historique enfin, parce qu'une fois en vigueur, il sera juridiquement contraignant, ce qui est assez rare.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, nous devons aujourd'hui nous prononcer sur un texte clef de notre diplomatie environnementale. Il ne s'agit pas d'un simple accord relatif à la biodiversité marine, car il revêt une dimension environnementale concrète. Vous le savez, l'océan est le véritable poumon de notre planète. C'est un puits de carbone essentiel à la régulation du climat. Protection de l'océan et lutte contre le changement climatique sont indissociables. En ratifiant ce traité, la France contribue ainsi utilement et concrètement à la lutte contre le changement climatique. Les États signataires de l'accord l'ont bien vu, y compris ceux qui ne possèdent aucune façade maritime, comme la Bolivie ou le Népal.
Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu à New York en septembre 2023 pour soutenir la signature de l'accord. J'étais présente à vos côtés et j'ai constaté l'engouement qu'il suscitait parmi les États – plus de quatre-vingts signatures en seulement quelques jours ! Les États d'Amérique latine et des Caraïbes se sont montrés particulièrement proactifs dans les négociations qui ont abouti à l'accord et lors de sa signature. En effet, vingt-trois des trente-trois États de ma circonscription possèdent plus de zones maritimes que de territoires terrestres, et il s'agit pour un grand nombre d'entre eux de petits états insulaires.
À l'échelle mondiale, 60 % de la population vit dans une zone côtière et 65 millions de personnes dans des États insulaires dont l'existence même est menacée. Ces chiffres mettent en exergue l'importance de la santé globale des océans et la vulnérabilité des populations face à sa dégradation.
Il est important que le BBNJ soit rapidement ratifié. Soixante ratifications sont nécessaires pour permettre son entrée en vigueur, dont nous aimerions qu'elle ait lieu à Nice en juin prochain. De cette entrée en vigueur dépend l'atteinte de l'objectif de protection de 30 % des océans de la planète d'ici à 2030, objectif adopté lors de la COP15 de Montréal, en décembre 2022. La ratification rapide de l'accord par notre pays, une grande puissance maritime, constituerait un signal fort, cohérent avec l'engagement politique ambitieux de notre pays en faveur de la protection de l'environnement.
Les Palaos, le Chili – je salue l'ambassadeur ici présent, M. Raúl Fernández Daza –, les Seychelles, le Bélize et Monaco ont ouvert la voie ; d'autres États, comme le Brésil, devraient suivre. Il faut absolument que nous ratifiions ce traité !
Le Président de la République a annoncé que 2024 serait l'année de la mer. En 2024, soyons donc le premier État de l'Union européenne à ratifier cet accord ! Que cette ratification ne soit pas la fin d'un processus, mais le début d'une coopération nouvelle et une victoire du multilatéralisme au service de la protection des océans !
Mes chers collègues, c'est une évidence et nous l'avons tous dit : cet accord est ambitieux et nécessaire. Comme le disait Alexander Pope : « La mer joint les régions qu'elle sépare. » Rejoignons donc toutes les régions autour de la haute mer et signons cet accord !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.
J'exprimerai d'abord un petit regret d'entendre parler de BBNJ. Nous défendons la francophonie ! On pourrait traduire cette expression par celle de biodiversité au-delà des juridictions nationales.
Je sais que ce serait plus long, mais ce serait français.
L'accord que nous examinons aujourd'hui vise à élaborer un instrument juridiquement contraignant en vue de la conservation et de l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas des juridictions nationales. En somme, nous nous apprêtons à réglementer ce qui n'appartient à personne, afin d'en faire un bien commun juridiquement protégé. Pour ce faire, l'article 1
De façon globale, il s'agit d'un enjeu crucial, qui appelle quelques réserves. Tout d'abord, dans le préambule de cet accord, l'Assemblée générale des Nations unies considère, au sixième alinéa, « qu'il importe de contribuer à l'avènement d'un ordre économique international juste et équitable dans lequel il serait tenu compte des intérêts et besoins de l'humanité tout entière ». Drôle de façon d'aborder le droit de la mer !
Le principe pollueur-payeur, louable par sa définition, est seulement évoqué dans les orientations prévues à l'article 7 de l'accord. Selon ce principe, seuls les vrais pollueurs des océans seront condamnés financièrement. Je regrette toutefois qu'il ne soit que théorique.
S'agissant de l'article 14 relatif au partage juste et équitable des avantages, on peut également s'interroger sur la pertinence du partage des avantages monétaires découlant de la commercialisation du séquençage numérique des ressources génétiques marines au profit des États côtiers d'Afrique, ou encore sur le partage des technologies marines avec les pays en développement sans littoral. L'esprit de l'accord n'est-il pas de protéger le patrimoine, ses habitants historiques, les espèces maritimes, plutôt que d'accroître le patrimoine de ceux qui ne participent pas ou ne peuvent participer aux grandes aventures maritimes ?
Je rejoins les propos du rapporteur sur les moyens de surveillance et de contrôle. Pour que l'accord soit respecté, on ne peut concevoir la création d'une police des mers qui patrouillerait sur des millions de kilomètres carrés, et s'apparenterait à un tigre de papier. Pour rendre possible la surveillance prévue à l'article 35, la coopération technologique visée dans la partie V devra donc inclure, bien évidemment, une coopération sécuritaire.
Enfin, le cœur de mes réserves a trait à la partie V, ayant pour objet le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines. L'intention en est donnée par l'article 40, qui prévoit que les parties s'entraident en vue de réaliser les objectifs de l'accord. Toutefois, au point 3 de l'article 41, il est précisé que « les parties veillent à ce que le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines ne soient pas soumis à de lourdes exigences en matière d'établissement de rapports. » De même, au point 2 de l'article 43, il est établi que le transfert de technologies doit se faire à des conditions justes. Puis il est précisé que, dans le cadre de la croissance des pays en développement, le transfert de technologies pourra avoir lieu dans des conditions favorables et préférentielles.
Est-ce à la France, héritière d'une tradition maritime qui remonte à l'Antiquité, précurseur des développements technologiques maritimes au point d'en faire rêver Jules Verne, de transférer ses technologies à des pays qui ne se sont jamais vraiment investis dans l'univers marin ? Le travailleur français verra-t-il donc l'État percevoir 50 % de la richesse qu'il produit et la dépenser dans l'achat de matériel qui ne profitera pas à la société française à laquelle il contribue ? Avons-nous bénéficié de conditions préférentielles pour le développement du spatial ? Non, et nous sommes pourtant la troisième puissance spatiale malgré notre investissement tardif.
Au point 5 du même article, il est indiqué que les technologies marines transférées doivent être, « dans la mesure du possible, fiables, d'un coût abordable, […] respectueuses de l'environnement ». N'est-ce pas une perte de souveraineté que de brader notre savoir-faire et nos technologies à des pays qui, parfois sous la houlette de grandes puissances, agissent contre notre intérêt ? Ces technologies participent pourtant de notre rayonnement et de nos outils de productions, et ces bénéfices ne passeront pas par d'autres pays. À nouveau, l'objectif de l'accord est de protéger efficacement l'environnement marin, non d'attribuer nos fleurons technologiques chèrement payés.
L'article 48 suscite également quelques questionnements. Il s'intitule : « Transparence ». Cependant, il n'impose pas cette dernière, mais se contente de la favoriser. De même, les réunions sont publiques, mais aussi ouvertes aux personnes autorisées, donc d'accès restreint et pas complètement publiques ! Il est également précisé que le règlement intérieur de la conférence des parties prévoit que les représentants d'États non parties à l'accord, ou d'ONG, ont accès « en temps utile » à toutes les informations pertinentes. Il n'y a rien de moins transparent que les dispositions de cet article !
La conférence des parties sera notamment financée par des crédits français et verra les technologies élaborées par certains pays…
Ne faudrait-il pas l'assujettir à une obligation de transparence beaucoup plus transparente ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
« Faire de la mer un bien commun de l'humanité en jouant un rôle actif dans les négociations pour un traité international de protection des grands fonds marins et de la haute mer ». Voilà l'une des mesures que La France insoumise promouvait dans son programme présidentiel.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous nous réjouissons donc de la voir bientôt s'appliquer puisque nous discutons aujourd'hui de l'accord impulsé par l'ONU, visant à protéger la biodiversité marine dans les zones au-delà de la juridiction nationale.
Je le précise toutefois dès maintenant : il n'est pas question que l'approbation de cet accord par notre groupe serve à faire oublier la responsabilité de votre gouvernement dans la dégradation générale des mers.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans quel état se trouve l'océan mondial aujourd'hui ? Il est au bord de l'asphyxie, à cause de la surpêche ou encore des multiples pollutions par les substances chimiques, par les pesticides, par les métaux lourds, ou, de manière plus aiguë encore, par le plastique, au point qu'un septième continent, le vortex de déchets plastiques, s'est créé dans le Pacifique Nord. L'ensemble de la chaîne alimentaire marine est contaminé, jusqu'à 10 km sous la surface et jusque dans les plus petits échantillons de krill.
Or les deux tiers de la population vivent à moins de 100 km d'une côte. C'est le cas de la moitié de la population de France hexagonale ! Et ces proportions sont encore plus importantes dans les outre-mer !
Par ailleurs, l'océan joue le rôle d'un régulateur climatique et le vivant en dépend pour subsister. La haute mer abrite ainsi des ressources marines et une biodiversité représentant plus de 61 % de la surface de l'océan, et celles-ci sont en danger, du fait du dérèglement climatique. Il y a donc urgence, et l'ONU, ainsi que la diplomatie, pose des règles, des droits et des obligations que lesdites « grandes nations » tardent trop à mettre en œuvre.
M. Matthias Tavel applaudit.
À ce titre, il est nécessaire et salutaire que la France ratifie l'accord. Notre pays est la deuxième puissance maritime mondiale : nous avons donc une responsabilité immense dans la protection des mers et du vivant. Ce traité, qui s'inscrit dans le droit international de la mer, a trait en particulier à la protection du milieu marin au-delà des frontières, à la lutte contre la pollution chimique et les déchets plastiques en haute mer, à la gestion durable des stocks de poissons, et à la hausse des températures des océans et à l'acidification des eaux marines.
Le but de ce traité est d'atteindre les objectifs issus de la COP15 de 2009. Alors que ces objectifs de réduction des émissions à l'horizon 2020, puis 2030, étaient à la carte, non contraignants, non chiffrés, et donc largement insuffisants pour nous permettre de ne pas dépasser la barre des 2 degrés, plus de la moitié des pays concernés ne les a pas atteints, la France incluse. Notons aussi que, sur quatre-vingt-dix signataires du traité, seuls cinq l'ont ratifié : Belize, le Chili, Monaco, les Palaos et les Seychelles, …
…soit aucun des pays les plus polluants, tels les États-Unis ou la Chine, alors même que soixante ratifications sont nécessaires à son entrée en vigueur.
L'approbation par notre groupe de cet accord ne vaut pas caution du double discours et de l'inaction climatique du gouvernement macroniste.
Arrêtez avec ça ! Que faites-vous de la réduction de 5,8 % des émissions ?
Votre gouvernement a multiplié les grandes déclarations sans jamais consacrer à la conduite d'une politique efficace et d'une diplomatie écologique universaliste les moyens qui lui seraient nécessaires. Dans les aires marines prétendument protégées, le chalutage sévit plus que jamais : la France, l'Espagne et l'Italie concentrent à elles seules 69 % du temps de pêche dans ces aires. En sept ans, Emmanuel Macron a supprimé des postes clefs dans les ministères, l'Office français de la biodiversité (OFB), les agences de l'eau, ou encore le Cerema, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement. Le site brestois de l'OFB a d'ailleurs été incendié il y a un an sans que ses agents n'aient reçu votre soutien, monsieur le secrétaire d'État !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez préféré assurer les pêcheurs de votre opposition à une interdiction générale et absolue des engins de fonds mobiles dans les zones Natura 2000 et les aires marines protégées.
Je n'ai jamais dit ça !
Et puis, pouvez-vous nous dire où en sont vos négociations, un an après le vote ici, à l'Assemblée nationale, du moratoire sur l'extraction minière sous-marine ? Le temps presse !
N'importe quoi !
Si vous êtes en quête de bonnes idées pour la planète, nous défendions aussi, dans notre livret programmatique dédié à la mer, la création d'une université francophone des métiers de la mer, le lancement d'un programme international méditerranéen de gestion partagée et de lutte contre la pollution maritime pour faire de la Méditerranée un modèle de gestion écologique des mers, ou encore le développement des coopérations maritimes des outre-mer français avec les États voisins.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En attendant, nous avons une autre bonne nouvelle : le Tribunal international du droit de la mer a acté que les gaz à effet de serre sont une source de pollution du milieu marin et que les États ont le devoir de protéger les océans des causes et des impacts du changement climatique.
Alors assez de communication ! Après la ratification de cet accord, il faudra agir : le droit international de la mer nous oblige !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour discuter du projet de loi visant à autoriser la ratification de l'accord des Nations unies sur la haute mer. Ce texte constitue une avancée importante dans la protection de nos océans et plus particulièrement de la haute mer, zone que l'on peut qualifier aujourd'hui de far west maritime. Aussi, pour éviter que la loi du plus fort règne sur la haute mer, celle-ci doit désormais être au cœur de nos politiques publiques, d'autant qu'elle représente plus de 65 % de la surface de l'océan et près de la moitié de la surface du globe. Elle fait encore partie des eaux internationales peu protégées et ne relevant pas de la juridiction internationale, bien qu'elle abrite des ressources génétiques maritimes ainsi qu'une biodiversité très riche, peu connue à ce jour, même par les scientifiques. Et ces espaces sont soumis à une pression croissante due aux activités humaines, notamment à la pollution.
C'est pourquoi la ratification de l'accord susmentionné constitue un tournant décisif en droit international de la mer, et ce grâce aux outils de gestion innovants et ambitieux proposés. En effet, ce texte permettra dorénavant aux États d'agir là où ils n'ont pas pris suffisamment de mesures jusqu'à présent. La convention de Montego Bay, en 1982, a posé les premières bases d'une gouvernance océanique. Toutefois, elle s'avère inadaptée face aux nouvelles pressions exercées sur ces écosystèmes fragiles, qu'il s'agisse de la pollution, de la surpêche ou du changement climatique… Nos océans souffrent et il est de notre devoir de les préserver. L'accord répond à cette urgence en introduisant des mesures concrètes. Il prévoit notamment la création d'aires maritimes protégées, l'évaluation environnementale des activités humaines en haute mer et le partage équitable des ressources génétiques marines.
Les députés du groupe Les Républicains soutiennent l'accord, et ce pour plusieurs raisons : tout d'abord, la France, en tant que deuxième nation maritime au monde, pourvue d'une zone économique exclusive s'étendant sur 11 millions de kilomètres carrés, se doit de montrer l'exemple, cette grande nation maritime portant une responsabilité particulière dans la protection des océans ; ensuite, l'accord, fruit de longues années de négociations, fait l'objet d'un consensus international rare et précieux. Rappelons que les pourparlers ont débuté en 2004 et que, fidèle à ses convictions, la France s'y est pleinement investie. Après quasiment deux décennies de pourparlers, les 193 États membres des Nations unies se sont finalement entendus par consensus sur un accord juridiquement contraignant. L'adoption de celui-ci ne doit toutefois en aucun cas être considérée comme la fin d'un processus, mais bien plutôt comme le début d'une dynamique nouvelle pour la coopération et pour le multilatéralisme au service de la protection et de la préservation des océans.
Des interrogations demeurent toutefois. En effet, si nous soutenons ce traité, il est crucial que sa mise en œuvre, ne soit pas reléguée au second plan. Il est donc indispensable de prévoir des moyens suffisants afin de faire respecter les nouvelles régulations, de lutter efficacement contre les activités illégales et d'assurer la bonne coordination des instruments juridiques existants. Et puis, alors que certaines grandes puissances freinaient les négociations, il faudra être attentif à ce que chacun des signataires respecte ses engagements pour que la France ne se retrouve pas seule dans une lutte qui doit rassembler le plus largement possible et même qui nécessite l'engagement plein et entier de tous : on doit en particulier prendre garde à ce que nos entreprises, notamment nos pêcheurs, ne soient pas défavorisées par rapport à leurs homologues étrangers.
En conclusion, je souligne que l'accord que nous nous apprêtons à ratifier est une avancée non seulement utile mais même nécessaire pour la sauvegarde de nos océans. Les députés du groupe Les Républicains, voteront ce texte. Toutefois, notre soutien est également un appel à la vigilance et à l'engagement du Gouvernement pour que cet accord ne reste pas lettre morte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe Dem. – M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.
Les océans représentent 70 % de notre planète et constituent des puits de carbone puisqu'ils absorbent, à eux seuls, 30 % du CO
Après presque vingt ans de négociations, l'accord que nous examinons a été adopté à l'unanimité aux Nations unies. Il vise non seulement à réglementer l'ensemble des activités économiques qui ont lieu en haute mer, mais il met fin à la fragmentation du cadre juridique applicable à la haute mer et aux grands fonds marins. Cet accord complète la convention de Montego Bay, la première à poser un cadre juridique qui délimite les espaces maritimes relevant de la souveraineté des États et ceux relevant de la haute mer, en proposant une protection effective de la biodiversité en haute mer et dans les grands fonds marins.
Il se construit autour de trois axes principaux.
Tout d'abord, il fournit les outils juridiques permettant de renforcer la protection des espaces situés en haute mer, notamment par la création des aires marines protégées. Ces outils de gestion zone par zone n'existaient jusqu'à présent que dans le cadre d'accords régionaux ; leur instauration à l'échelle mondiale permet de renforcer la coopération entre les États ainsi que la lutte contre la dégradation de la biodiversité de ces espaces.
De plus, il rend obligatoire les évaluations d'impact environnemental en amont de toute activité humaine en haute mer, et instaure le principe pollueur-payeur.
Enfin, l'accord prévoit la mise en place d'un système d'accès aux ressources marines génétiques. En effet, certaines molécules présentes dans les grands fonds sont utilisées pour la recherche contre le cancer du cerveau ou pour le traitement de la maladie d'Alzheimer et, en raison du caractère exceptionnel que représentent ces ressources pour les découvertes médicales et pharmaceutiques de demain, la régulation de l'accès et de l'exploration de ces espaces sont absolument centrales alors que moins de 20 % des fonds marins ont été explorés. Ce système sera également le cadre d'un partage plus juste et plus équitable des avantages – monétaires ou non – de ces ressources entre les pays à travers le transfert des technologies marines.
Le projet de loi nous donne plusieurs raisons de nous réjouir.
Tout d'abord, il s'agit d'un accord historique, cela a été rappelé, qui marque un tournant pour la protection de la biodiversité et constitue la plus grande avancée pour l'environnement depuis les accords de Paris de 2015.
De plus, il pose des jalons pour continuer d'avancer – car ce sera nécessaire – en faisant reculer les risques de blocage par l'introduction du vote à la majorité qualifiée, une innovation pour les institutions onusiennes s'agissant d'un dispositif juridiquement contraignant.
Et puis cet accord est le fruit du multilatéralisme, que l'on dit en panne alors que l'on en a jamais eu autant besoin dans un monde interdépendant et soumis à des défis globaux.
Rien n'aurait été possible sans les ONG qui ont montré la voie et que je souhaite particulièrement remercier.
M. le président de la commission, M. le rapporteur, M. Frédéric Petit et Mme Laurence Vichnievsky applaudissent.
Rien non plus n'aurait été possible sans le Parlement européen, et je voudrais saluer tout particulièrement Catherine Chabot qui nous a, elle aussi, montré la voie.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur plusieurs bancs du groupe HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.
De même, rien n'aurait été possible, monsieur le secrétaire d'État, sans le volontarisme de la France, du Gouvernement et de son administration, et je tenais à vous en remercier ; l'impulsion donnée par la France a permis de créer des coalitions inédites et d'entraîner largement, y compris les États-Unis et la Chine. Rien enfin n'aurait été possible sans la détermination de notre assemblée après le vote de la proposition de résolution de Maina Sage et de Jimmy Pahun en 2021, puis celle de Nicolas Thierry et de Jimmy Pahun en 2023 : cher Jimmy, je tiens à rendre hommage à votre inlassable travail et à votre énergie ,
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE
qui ont significativement fait avancer la cause des océans. Et je sais que ce n'est pas terminé parce que, oui, il nous faudra continuer.
Soyons dignes du travail qui a été accompli par notre assemblée et, par notre vote, soyons le premier pays de l'Union européenne à ratifier cet accord. Le groupe Démocrate votera évidemment en faveur du projet de loi de ratification.
Mêmes mouvements. – Applaudissements sur les bancs des commissions.
L'accord portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale marque une grande victoire dans la lutte contre la triple crise planétaire : dérèglement climatique, perte de biodiversité et pollution. Car les écosystèmes marins sont en grand danger, menacés par l'effet combiné des pollutions plastiques, de l'acidification, de la surpêche, des marées noires et de l'extraction minière. Des produits chimiques toxiques et des millions de tonnes de déchets plastiques les dégradent : selon les estimations des Nations unies, d'ici à 2050, il pourrait y avoir plus de plastique dans la mer que de poissons si aucune mesure n'est prise. Chacun sait que la haute mer représente 60 % de l'océan et qu'elle couvre près de la moitié de la planète. La protection de la haute mer est donc devenue l'une des principales préoccupations de la communauté internationale. C'est dans ce contexte que s'est imposée la nécessité d'adopter un instrument juridique contraignant qui permette de protéger efficacement l'écosystème marin des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Jusqu'à la conclusion de l'accord, ces zones de haute mer ne disposaient d'aucune protection spécifique. Voilà pourquoi il s'agit d'une victoire.
C'est aussi bien évidemment, les collègues l'ont rappelé, une victoire pour le multilatéralisme au profit de la protection de l'environnement et de la biodiversité. Après vingt ans de discussions et de négociations, l'accord adopté au siège des Nations unies le 19 juin 2023 et signé par la France à New York, le 20 septembre suivant est le fruit d'un travail acharné des États du monde entier en faveur de ce projet commun. Les ratifications de soixante pays sont nécessaires afin que l'accord entre en vigueur et produise des effets juridiques. Nous sommes les premiers parlementaires d'un État de l'Union européenne, il faut le rappeler, à nous prononcer sur la ratification de ce texte. Et je tiens ici à saluer le travail de M. le ministre Hervé Berville et son implication pour une ratification rapide de la France au regard de ce sujet essentiel et urgent.
La protection des fonds marins a fait l'objet de nombreuses discussions nationales et internationales ces dernières décennies. En juin 2023, le Conseil de l'Europe adoptait une résolution soulignant l'urgence de protéger les mers et les océans face aux défis environnementaux et aux impacts de la guerre, encourageant notamment la création d'aires marines protégées comme le prévoit le texte sur lequel nous nous prononçons aujourd'hui – j'en profite pour saluer tous les collègues présents dans la délégation française au Conseil de l'Europe. La France, quant à elle, s'est mobilisée et a joué ces dernières années un rôle majeur en faveur de la protection des océans et des écosystèmes marins : disposant de la deuxième plus grande zone économique exclusive au monde, elle s'est inscrite avec vingt-cinq autres pays dans une alliance contre l'exploitation minière en eau profonde ; l'Assemblée nationale s'est prononcée pour un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins dans une résolution adoptée le 17 janvier 2023.
Le traité que nous sommes invités à ratifier aujourd'hui est donc nécessaire. Trois grandes avancées sont à noter dans ce texte.
Il permet d'abord la protection de l'environnement marin, en donnant aux États la possibilité de créer, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes et avec un organe scientifique dédié, des outils de gestion par zone et des aires marines protégées. Ces aires marines protégées permettent de maintenir et de restaurer la biodiversité en prenant en compte des critères comme la santé des écosystèmes ou la préservation des ressources halieutiques. Cet outil est reconnu par les scientifiques comme l'un des plus efficaces pour permettre aux océans de se régénérer et pour les protéger. Le texte pose également l'obligation de réaliser des évaluations d'impact environnemental en amont de toute activité humaine en haute mer susceptible de causer des dommages d'une certaine gravité au milieu marin.
Il permet par ailleurs une meilleure gestion des ressources génétiques marines, en prévoyant un partage juste et équitable des avantages, y compris monétaires, découlant de leur utilisation. Enfin, il favorise le développement des pays côtiers en organisant le transfert de technologies marines et le renforcement de leurs capacités en impliquant au maximum les peuples autochtones.
Toutes ces dispositions seront nécessaires pour tenir l'ensemble de nos engagements internationaux en faveur de la protection de la biodiversité marine, notamment ceux pris lors de la COP15 sur la diversité biologique et dans l'accord de Kunming-Montréal. Le texte qui nous est soumis est essentiel dans notre stratégie environnementale. Il permet de concrétiser notre ambition et réaffirme la volonté commune de protéger 30 % des océans d'ici à 2030. En conséquence, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de la ratification de ce traité.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem. – Mme Sophie Panonacle applaudit également.
Le traité sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, c'est-à-dire de haute mer, a été adopté à l'unanimité en juin 2023 et a été signé depuis par quatre-vingt-huit États.
Depuis l'année dernière, ce dossier avance bien. Malgré des négociations qui, à certains moments, ont pu être très tendues, l'accord a été qualifié d'historique dans le contexte de remise en cause du multilatéralisme due à la guerre en Ukraine et à la rivalité sino-américaine. On peut d'ailleurs noter qu'il s'inscrit dans un contexte dynamique et positif, marqué notamment par l'accord de Kunming-Montréal, conclu lors de la COP15 de décembre 2022, qui a, entre autres, fixé l'objectif de protéger 30 % des écosystèmes terrestres et marins d'ici à 2030.
La France et la Commission européenne ont joué un rôle moteur dans ce processus, notamment au travers de la coalition de la haute ambition sur la biodiversité BBNJ, lancée lors du One Ocean Summit organisé à Brest, et pendant la présidence française de l'Union européenne. Cinquante-deux États ont rejoint cette initiative, qui constitue un vecteur d'influence privilégié et un catalyseur en vue d'accélérer les procédures de ratification du traité qui nous est soumis. Mon groupe a bien noté que la France souhaite pouvoir annoncer, lors de la prochaine conférence des Nations unies sur l'océan, organisée à Nice en juin 2025, le dépassement du seuil des soixante ratifications indispensables à l'entrée en vigueur du traité, seuil qui doit être atteint au plus tard en février 2025.
Il faut saluer et soutenir cet accord international qui constitue indéniablement une avancée dans la protection de la biodiversité marine. Cependant, comme je l'ai signalé en commission la semaine dernière, il convient d'être attentif à sa traduction en droit interne et dans les politiques publiques nationales. Les modalités de sa mise en œuvre sont au moins aussi importantes pour son succès que les dispositions du traité lui-même. En effet, comme le souligne une étude internationale, parue le 9 mai 2024, à laquelle a participé le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), seulement un tiers des AMP dans le monde font l'objet d'une protection haute ou intégrale, de nature à préserver la biodiversité. Cela ne représente que 2,6 % de la surface totale des océans. Les scientifiques ont également mis en évidence que des activités industrielles « hautement destructrices », telle que la pêche à grande échelle, sont autorisées dans un autre tiers des AMP.
Je veux également dire quelques mots sur le mécanisme de gouvernance institutionnelle de cet accord, qui s'éloigne de la règle du consensus. À la différence des modalités traditionnelles de formalisation des positions et des règles décisionnelles des COP, basées sur le consensus, le traité innove en institutionnalisant le principe d'un vote à la majorité des deux tiers, en cas d'absence de consensus, sauf pour les questions financières et pour les créations d'aires marines protégées, où le seuil est fixé aux trois quarts.
Dans la mesure où les États devront trouver des majorités et chercher inlassablement à former des coalitions, la gouvernance entière de la conférence des parties attachée à cet accord pourrait être modifiée. C'est donc un fonctionnement institutionnel très différent de celui ayant cours dans les autres institutions ou organes internationaux qui pourrait émerger et faire évoluer l'application de l'accord de manière dynamique.
Pour toutes ces raisons et parce qu'il constitue un progrès du droit international, mes collègues du groupe Socialistes et apparentés et moi soutenons ce traité.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Dem.
Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de l'accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.
Ce traité BBNJ porte sur la protection de l'océan situé en dehors des zones économiques exclusives et du plateau continental des États côtiers. Signé par la France à l'ONU le 20 septembre 2023, il permet de compléter le cadre juridique de la gouvernance océanique, établi par la convention des Nations unies sur le droit de la mer adoptée en 1982, et œuvre à une plus grande protection des océans.
L'accord définit les règles de création d'outils de gestion par zone tels que les aires marines protégées en haute mer. Il réglemente l'accès et le partage des bénéfices dérivés de l'utilisation des ressources génétiques marines, notamment au profit des pays en développement. Il fixe les conditions de réalisation des études d'impact environnementales. Enfin, il prévoit des modalités permettant une meilleure coopération internationale et un partage des connaissances et technologies nécessaires à la conservation marine.
Nous saluons ce texte qui va dans le bon sens et permet la mise en place d'un cadre plus complet pour le droit de la mer, ce qui est nécessaire. En votant pour ce projet de loi, les députés pourront faire de la France le premier pays de l'Union européenne à ratifier ce texte. Ce serait un signal fort envoyé aux autres États du monde afin d'œuvrer, ensemble, à la préservation des océans. Rappelons que la moitié de l'oxygène que nous respirons provient des océans et que ceux-ci jouent, au même titre que les forêts, le rôle important de puits de carbone dans la régulation du climat. Ce texte s'inscrit dans la dynamique de la COP15, qui prévoyait une protection de 30 % des mers d'ici à 2030.
Quelques lacunes sont à déplorer néanmoins. Le traité assure certes une base juridique solide à la protection de certaines aires marines protégées, mais il souffre de plusieurs limites relevées par notre collègue Mereana Reid Arbelot, députée de Polynésie, en commission des affaires étrangères. À l'heure actuelle, en effet, seulement un tiers des aires marines dans le monde sont efficacement protégées et seulement 1,6 % des eaux françaises sont sous un régime de protection intégrale ou haute. Cela pose des problèmes majeurs en termes de préservation de la biodiversité. De nombreux efforts doivent donc être fournis par tous les pays, particulièrement le nôtre. Ce traité permettra d'aller vers une plus grande protection des océans mais il aurait gagné en efficacité en se concentrant sur les aires marines à forte protection.
De plus, il faudra voir comment cohabiteront les clauses de ce traité et celles d'autres textes existants. Le groupe GDR sera particulièrement attentif à l'articulation entre le traité sur la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels associés, adopté tout récemment au sein de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), et l'article 13 du traité BBNJ, qui conditionne l'accès aux connaissances traditionnelles au recueil préalable du consentement des peuples autochtones et communautés locales concernées.
Enfin, le rapport issu des travaux menés par Mereana Reid Arbelot, au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), sur les enjeux scientifiques du BBNJ recommande l'implication des outre-mer français dans la mise en place de ce traité. Du fait de leur situation géographique et de leur rapport étroit à l'océan, les communautés ultramarines sont en effet les premières concernées par les questions maritimes et les plus à même d'assurer une gestion efficace de ces zones. Nous saluons donc l'association de la Polynésie aux négociations du traité BBNJ et resterons attentifs à l'inclusion de l'ensemble des territoires dits d'outre-mer dans la mise en œuvre du traité une fois qu'il sera entré en vigueur.
Ainsi, selon nous, plusieurs points nécessiteront un suivi sérieux. Toutefois, dans l'ensemble, le traité va dans le bon sens en permettant de poser les jalons d'une coopération internationale renforcée pour la préservation de l'environnement et pour la mise en commun des avancées scientifiques et technologiques en la matière. Le groupe GDR tient à rappeler l'importance de ce texte pour la protection des ressources marines. Nous voterons donc ce projet de loi et espérons qu'il recevra la même unanimité qu'en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES, sur quelques bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions. – M. Philippe Naillet applaudit également.
Sur l'article unique, je suis saisie par trois groupes – Renaissance, La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, et Démocrate (MODEM et indépendants) – d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Castellani.
L'accord sur la protection de la biodiversité en haute mer est un texte majeur, historique, et la France peut se féliciter d'avoir été l'un des moteurs de sa négociation. Il s'intègre dans la difficile mais indispensable préoccupation pour la durabilité dans un monde clos, de plus en plus usé, et devant répondre aux besoins d'une population mondiale toujours croissante. Dans ces conditions, il est indispensable de protéger sans réserve la vie animale sous toutes ses formes et toutes ses dimensions, et de préserver du mieux possible le milieu naturel si gravement attaqué.
Commençons donc par saluer la définition de la biodiversité de la haute mer, celle qui se trouve au-delà de la zone économique exclusive, comme « patrimoine commun de l'humanité ».
Nous pouvons également nous réjouir non seulement que cet accord participe à la protection de la biodiversité mais aussi qu'il vise à préserver les ressources halieutiques dont dépendent des centaines de millions de personnes. Notons également la prise en compte des populations autochtones et de leurs savoirs – c'est un point important.
Le dispositif repose sur un mécanisme innovant. D'une part, les activités génétiques produites à partir de la biodiversité marine permettront de financer les activités de la COP. Ce mode de financement s'inspire de celui prévu pour l'AIFM. Par ailleurs, l'accord prévoit des transferts de technologies marines et un « centre d'échange », indispensables à la recherche et au progrès technique.
D'autre part, le traité de protection de la biodiversité met en place des aires marines protégées. La définition de ces zones restera complexe, puisque le processus envisagé est long et privilégie le vote à l'unanimité. Pour autant, l'appui prévu d'un organe scientifique et technique est un signe positif.
Brouhaha.
Je souligne, à l'image de ce que je vois dans ma circonscription avec le parc naturel marin du Cap Corse et de l'Agriate, le rôle irremplaçable de poumon et d'abri pour la vie que peuvent remplir les aires marines protégées. Je me prononce ici pour un soutien accru à ce rôle de protection et de préservation, et pour un contrôle strict de ces fonctions. La pression sur le milieu marin – comme d'ailleurs sur le milieu terrestre – est multiforme, prédatrice, sans empathie aucune pour les animaux qui y vivent, sans pitié pour le présent ni perspectives durables pour l'avenir. L'appauvrissement rapide dont il est victime devrait être pour nous tous un signal majeur d'alarme.
C'est pourquoi nous approuvons la généralisation des évaluations d'impact sur l'environnement et le contrôle a posteriori des activités humaines en haute mer.
Compte tenu de l'évolution démographique mondiale et du développement des activités qui affectent directement les milieux marins, l'intérêt d'une telle approche est manifeste.
Le calendrier de ratification de cet accord est de la plus haute importance. D'abord, parce que soixante États doivent le ratifier pour qu'il entre en vigueur. Or la création des aires marines protégées prendra du temps ; il faut donc aller vite. Ensuite, parce qu'il est normal que la France, qui accueillera l'an prochain la Conférence sur l'océan à Nice, affiche son engouement pour le texte qu'elle a contribué à faire adopter aux Nations unies.
Certes, je regrette que la représentation nationale ait reçu tardivement les documents préparatoires à nos travaux, mais je me réjouis de la ratification de ce texte.
Je voudrais également remercier le rapporteur, dont nous connaissons la passion sans limite sur ces questions, pour son travail et son engagement continus.
Mon groupe, qui soutient l'objectif défendu par la France de protéger 30 % des océans d'ici à 2030 et sa volonté de renforcer la coopération internationale sur la haute mer – laquelle représente à elle seule plus de 60 % de la surface des océans, c'est-à-dire la moitié de la surface de la planète –, est favorable à la ratification de ce traité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Je remercie l'ensemble des groupes – à l'exception du RN, dont la position n'est pas claire
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe RN
–,…
…de leur vote en faveur de ce traité, important pour la protection de la haute mer et plus généralement pour celle des océans. Il renforce non seulement notre capacité à lutter contre le changement climatique et toute forme de pollution, mais contribue aussi à préserver les océans.
Je me permets de revenir sur certains points totalement faux qui ont été soulevés au cours de la discussion.
Madame Oziol, vous avez inventé les propos que vous me prêtez – chacun pourra le vérifier. Ils n'existent pas !
On peut être en désaccord, mais le mensonge et la déformation de la réalité ne sont pas des options, en particulier dans le climat actuel.
Certes, les élections européennes approchent, mais la moindre des choses est de rester conforme à ce que j'ai dit.
Souffrez que je termine mon propos.
À propos des aires marines protégées, vous avez parfaitement raison : il faut sans cesse renforcer la protection. Et contrairement à ce que vous affirmez, je n'ai pas déclaré être opposé à l'interdiction du chalutage de fond dans les AMP, mais à celle de tous les engins mobiles de fond,…
…car cela inclurait les pêcheurs à la coquille. Vous les connaissez bien : peut-on considérer qu'ils sont une menace pour la biodiversité ?
La position de la France et celle de nombreuses collectivités territoriales – qui, loin d'être toutes macronistes, sont parfois dirigées par des écologistes ou d'autres majorités, comme la Bretagne et l'Occitanie – est qu'il faut autoriser ou interdire zone par zone, aire marine par aire marine.
Le code de l'environnement dispose qu'il existe quatorze types d'AMP, de celles où certaines activités sont autorisées à celles où toute activité est interdite. Aucun pays européen n'était favorable à ce texte il y a encore un an. Il faut donc continuer d'avancer.
Je le fais d'autant plus volontiers que dans les Côtes-d'Armor, un territoire que je connais très bien, j'ai pris la décision – je ne vous ai ni attendus alors ni entendus depuis – de multiplier par soixante-dix la taille de la réserve des Sept-Îles et de réserver une zone tampon où aucune activité n'est autorisée.
Vous dites que les AMP n'ont de « protégées » que le nom, mais avez-vous vu des navires-usines à Port-Cros ? Dans le parc des Calanques ? Dans celui d'Iroise ? Encore une fois, comme vous, je crois qu'il faut renforcer la protection en élargissant les aires marines et en améliorant leur qualité, mais de grâce, ne relayez pas de fausses informations et ne me prêtez pas de propos que je n'ai pas tenus.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je le dis avec d'autant plus d'assurance que certains de vos collègues, comme Sébastien Jumel, qui n'est pourtant pas dans la majorité, partagent ma position, qui est de bon sens.
Il faut en effet nous doter des moyens humains et financiers pour que le contrôle et la surveillance soient effectifs mais contrairement à ce que vous affirmez, madame Oziol, les moyens de l'OFB ne sont pas en diminution. C'est bien la majorité qui a accordé 40 ETP (équivalent temps plein) supplémentaires à l'OFB, après une augmentation de 13 ETP en 2023.
M. Frédéric Petit applaudit.
Nous mettons donc les moyens en œuvre pour renforcer les zones de protection forte et les AMP. Faut-il faire plus ? Sans doute, mais au moins sommes-nous au rendez-vous des annonces du Président de la République en la matière.
Grâce au travail transpartisan accompli par l'Assemblée nationale, nous avons pu faire de l'océan un enjeu diplomatique et environnemental central. Nous avons réussi à conclure cet accord de protection de la biodiversité, sous l'impulsion du Président de la République et avec le soutien de tous les parlementaires, que je remercie. Surtout, nous avons donné une cohérence, à l'échelle nationale et à l'échelle internationale, à l'ambition de protéger les océans, essentiels dans la lutte contre le changement climatique. C'est pourquoi nous continuerons de nous battre pour l'interdiction totale de l'exploitation minière des fonds marins, pour un accord permettant de lutter contre la pollution plastique et pour instaurer une protection efficace de 30 % des mers. En clair, nous continuerons de protéger les océans afin de transmettre une planète vivable aux futures générations !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Avant de mettre l'article unique du projet de loi aux voix, plusieurs orateurs sont inscrits pour des explications de vote.
L'examen et le vote de ce texte nous permettent de montrer notre attachement unanime à la conservation et à la protection de la biodiversité de l'océan dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Cet espace, au-delà des eaux territoriales, est appelé « haute mer ». En haute mer, l'absence de contraintes est la règle et la coopération, l'exception. Elle suscite toutes les convoitises, en raison des bénéfices espérés de l'exploitation immodérée de ses ressources. C'est pourquoi nous devons prendre en faveur de l'océan un engagement opérationnel, collectif et immédiat.
Notre attachement à la défense de ce bien commun n'est pas nouveau. Nous nous sommes à plusieurs reprises engagés à soutenir ce traité sur le droit de la mer placé sous l'égide des Nations unies. Dans cet hémicycle, nous avons adopté une proposition de résolution pour la conservation et l'utilisation durable de la haute mer, et une autre pour un moratoire sur la non-exploitation minière des fonds marins.
En février 2022 à Brest, à l'occasion du One Ocean Summit et à l'initiative du Président de la République, la France avait préparé le terrain pour permettre un rassemblement au plus haut niveau autour d'une déclaration politique. Aujourd'hui, c'est bien une première victoire que nous allons pouvoir célébrer. Demain, c'est à Nice, lors de la Conférence des Nations unies sur l'océan, que nous célébrerons, je l'espère, une grande victoire historique.
En qualité de présidente du bureau du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML), je souhaite ici porter la voix de cette instance et ses membres. Sans réserve, je peux affirmer que le CNML attend que nous soyons capables de mettre la diversité de nos sensibilités au service de la grande cause du millénaire : sauver l'océan, pour sauver la planète.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le ministre, je tiens à vous rassurer, les députés du Front national…
Exclamations et sourires sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, HOR et GDR – NUPES.
Les députés du Rassemblement national – pardonnez-moi – sont des élus pleinement responsables. Lorsqu'il y va de la protection de notre pays, de notre patrimoine, de notre peuple et de l'avenir de nos enfants, nous sommes pleinement conscients de ce qu'il faut faire et voter. Je vous rassure, nous voterons ce texte ! Vous savez pourquoi je n'ai pas pu terminer ma précédente intervention : il me manquait quelques secondes.
Nous savons très bien que l'avenir de la planète passera par la protection de la mer. Peut-être que si les générations précédentes, notamment celles qui ont eu le pouvoir…
Pas moi !
…ou ont le pouvoir comme vous aujourd'hui, monsieur le ministre, s'étaient inquiétées un peu plus tôt de l'avenir de la mer ou des ressources qu'elle peut procurer à l'humanité, nous n'aurions pas à légiférer sur quelque chose qui aurait dû être fait il y a cinquante ou soixante ans. Mais nous voterons ce texte : vous voilà rassurés !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'océan mondial ne connaît pas de frontières. Cette vaste étendue appartient à la fois à chacun de nous et à personne. L'océan absorbe nos excès de carbone, tempère le climat et nourrit une biodiversité exceptionnelle. C'est le premier des biens communs de l'humanité. Étant essentiel à notre survie, il nous incombe à tous d'œuvrer à sa sauvegarde. Pourtant, l'océan est la première victime du capitalisme écocidaire.
D'abord, à cause de la pollution plastique. Chaque année, elle tue plus de 100 000 mammifères marins et 1 million d'oiseaux et empoissonne toute la chaîne alimentaire sous-marine – on retrouve des microplastiques jusque dans le krill. Surpêche, déversement d'hydrocarbures, pollution sonore, acidification – la liste des catastrophes est longue.
L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée sur terre, vous le savez sûrement, mais elle est aussi l'année la plus chaude jamais enregistrée sous la surface de nos océans. Les canicules marines sont moins visibles que les mégafeux du Canada, mais elles n'en sont pas moins dangereuses et leurs conséquences sont très graves : hécatombe pour la biodiversité, réduction drastique de la capacité d'absorption du carbone par l'océan et accélération du changement climatique.
Protéger nos océans, c'est protéger l'avenir de tous. L'adoption de ce traité historique sur la haute mer ouvrirait la porte à une politique écologique au-delà des frontières des États. Il s'agirait d'une avancée majeure et nous saluons cette initiative cruciale. Notre groupe votera donc ce projet de loi. Mais – parce qu'il y a bien un « mais » –…
…nous ne pouvons ignorer l'hypocrisie flagrante dont fait preuve le Gouvernement lorsqu'il s'agit de la protection des océans.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
Nous ne permettrons pas que ce traité soit utilisé comme un écran de fumée. Il ne pourra pas masquer la complicité du macronisme dans la dégradation de nos écosystèmes marins. Comment peut-on en même temps prétendre sérieusement défendre la biodiversité marine sur la scène internationale et refuser d'appliquer des mesures efficaces de protection au niveau national ?
Ce n'est pas vrai.
Le Gouvernement se félicite de ce traité, mais en même temps, il refuse d'interdire le chalutage de fond dans nos AMP.
Ce n'est pas vrai.
Si, monsieur le ministre. Cette méthode de pêche est la plus destructrice pour les écosystèmes marins et elle est responsable de la casse de la pêche artisanale.
Non !
Pire, notre gouvernement a récemment pris la tête d'une honteuse coalition à Bruxelles. Vous avez demandé des sanctions contre le Royaume-Uni…
Pas du tout ! Fake news !
…après sa décision d'interdire le chalutage de fond dans une petite partie de ses aires marines protégées. En plus de refuser une politique ambitieuse pour la France, vous vous battez donc pour empêcher toute avancée chez nos voisins.
Faux.
C'est indigne des engagements internationaux de la France. Voilà qui révèle la manière dont le Gouvernement est vendu aux intérêts du lobby de la pêche industrielle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre, puisqu'en novembre 2022, vous avez décrit l'un des plus gros lobbys de la pêche industrielle comme une simple association. Vous avez même passé des coups de fil à certains députés pour leur mettre la pression !
Quel mensonge !
Il faut dire que l'enjeu était de taille : les lobbys vous avaient demandé de défendre l'atroce pratique de la senne démersale, qui met les pêcheurs côtiers à genoux – 98 % d'entre eux demandent d'ailleurs son interdiction.
« Les larmes de nos souverains ont souvent le goût salé de la mer qu'ils ont ignorée », disait Richelieu. Il est temps d'agir avec cohérence et détermination : nous vous demandons de cesser l'hypocrisie et de prendre immédiatement les mesures qui permettront de protéger réellement nos aires marines protégées.
Nous, députés de La France insoumise, allons continuer de nous battre pour que les belles paroles soient remplacées par des actions concrètes et efficaces.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nos océans et les êtres vivants qui les peuplent méritent mieux que des promesses non tenues : ils méritent notre engagement total et sincère. La France doit être à la pointe du combat de l'humanité universelle ; elle doit plaider pour la création d'un tribunal international de justice climatique, l'adoption d'un traité mondial contre la pollution plastique, le lancement d'une campagne de dépollution des mers et de récupération des déchets flottants.
Mêmes mouvements.
« La mer a le goût du futur pour les Français » – et cette fois, ce n'est pas Richelieu qui l'a dit, mais Jean-Luc Mélenchon, il y a dix ans !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
L'océan est un bien fragile et précieux autant qu'une fantastique occasion, pour notre peuple mais aussi le monde entier : saisissons-la !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous aviez bien commencé, mais vous avez mal terminé !
C'est possible : oui, obtenir une avancée majeure pour la protection de la biodiversité de nos océans, c'est possible. J'en veux pour preuve la ratification prochaine de cette convention, grâce à la détermination de notre assemblée et aux textes d'initiative transpartisane adoptés en 2021 et 2023 – j'en profite pour saluer et remercier à nouveau Jimmy Pahun pour tout le travail qu'il a accompli
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE
–, mais aussi grâce au Gouvernement, qui a placé la question des océans au cœur de son action diplomatique. En ratifiant cet accord multilatéral, nous nous engageons à poursuivre notre action pour mieux protéger encore les océans ; les outils contraignants qu'il prévoit nous y aideront. Quatre-vingt-dix États doivent ratifier ce traité pour qu'il entre enfin en vigueur : je compte sur vous, monsieur le ministre, pour convaincre les États qui ne l'ont pas encore fait de le ratifier d'ici au sommet de Nice, pour qu'enfin les océans et leur biodiversité puissent être mieux protégés – car les protéger, c'est protéger notre planète !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Nous vivons une journée historique. Cette convention permettra de protéger durablement la biodiversité marine grâce à la création d'aires marines protégées et l'obligation de réaliser une étude d'impact pour toute activité susceptible de menacer l'environnement en haute mer. Ce traité, qui prévoit le transfert de technologies marines, notamment en matière de santé, recèle également un véritable potentiel pour les pays en voie de développement.
Après vingt ans de négociations, la ratification de cette convention, c'est aussi une victoire pour le multilatéralisme. Je tiens moi aussi à te remercier, très cher Jimmy Pahun, pour ton énergie et ton investissement sans faille sur tous les sujets relatifs à la préservation de la biodiversité, et, plus largement, dans le domaine de la santé environnement.
Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre engagement personnel ambitieux, qui a permis d'accélérer le processus et le calendrier – un immense merci à vous. Voyons loin, ensemble, car préserver la biodiversité des fonds marins, c'est préserver la biodiversité de la planète tout entière !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR.
La protection des océans et de leur biodiversité est cruciale pour la santé de notre planète, car les écosystèmes marins régulent le climat, fournissent de l'oxygène et sont une source essentielle de nourriture. Elle permet de préserver les habitats et les espèces marines tout en assurant la stabilité des écosystèmes, contribue à la lutte contre le changement climatique, et soutient les économies locales dépendantes de la pêche et du tourisme. Sauvegarder les océans, c'est garantir notre avenir : ce texte, s'il n'est qu'une étape, va dans la bonne direction. Le groupe Socialistes et apparentés votera donc en faveur de la ratification.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 219
Nombre de suffrages exprimés 219
Majorité absolue 110
Pour l'adoption 219
Contre 0
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Merci à tous d'avoir voté à l'unanimité pour l'adoption de ce beau texte ! Merci à mon groupe parlementaire, et particulièrement à son président, qui partage ma passion de la mer…
…de m'avoir permis de le défendre.
Monsieur le ministre, hissez haut les voiles et allez vite porter ce texte au Sénat, car il faut qu'il soit définitivement adopté d'ici au 14 juillet.
M. Antoine Léaument applaudit.
Remercions toutes celles et ceux qui ont travaillé sur ce texte, au sein de l'administration centrale ou des ONG. Ils sont présents aujourd'hui, et si certains d'entre vous souhaitent les rencontrer, chers collègues, je leur donne rendez-vous dans quelques instants dans la salle des pas perdus !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Enfin, je remercie mon équipage : merci beaucoup à Anaïs Polycarpe pour tout le travail accompli, ainsi qu'à mes assistants parlementaires, Manon et Thibaud. Merci à vous tous !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Pour poursuivre sur cette lancée, je remercie Jimmy Pahun et les députés de tous les groupes qui se sont investis sur ce texte. Un immense merci à tous les citoyens mobilisés, aux ONG, aux collectivités locales, aux acteurs de la société civile et aux formidables équipes de nos ministères, en particulier celles de la direction des affaires juridiques du ministère de l'Europe et des affaires étrangères – vous n'imaginez pas le nombre de nuits nécessaires pour faire aboutir des négociations complexes sur des textes tout aussi compliqués.
Enfin, je remercie mon cabinet, qui a tout fait pour que le texte soit débattu le plus rapidement possible. Nous allons maintenant hisser les voiles et mettre le cap sur le Sénat, afin que la Convention puisse enfin être ratifiée et entrer en vigueur en 2025 !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Il nous a été inspiré par un amendement très pertinent qu'Elsa Faucillon avait déposé en commission. Il vise à associer les structures spécialisées dans la gestion de la douleur chronique à la prise en charge des personnes bénéficiant de soins d'accompagnement, qu'elles contribuent à améliorer grâce à leur expertise reconnue et à leurs équipes pluridisciplinaires.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 2906 .
Il vise en effet à citer les structures spécialisées dans la douleur chronique en tant qu'acteurs incontournables de l'accompagnement des malades. Pluridisciplinaires et labellisées par les agences régionales de santé (ARS), elles prennent en charge les douleurs les plus complexes.
Lors de son audition par la commission spéciale, la professeure Valéria Martinez, qui exerce à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches en tant qu'anesthésiste spécialiste des douleurs chroniques et qui préside la Société française d'études et de traitement de la douleur (SFETD), a longuement illustré la pertinence de l'intervention de ses équipes auprès des patients.
Elle a également alerté la commission sur l'extrême fragilisation de l'offre de soins d'accompagnement et de prise en charge de la douleur : 25 % des médecins qui travaillent dans ces structures partiront en retraite dans les cinq prochaines années. Quant au délai d'obtention d'un rendez-vous, il est de trois mois en moyenne mais varie d'un territoire à l'autre. C'est pourquoi nous souhaitons que ces structures soient mieux reconnues et leur déploiement conforté.
La parole est à M. Didier Martin, rapporteur de la commission spéciale pour les articles 1er à 4, pour donner l'avis de la commission.
Vous citez à raison la professeure Valéria Martinez, dont j'ai bien entendu les appels à la vigilance. Je rappelle toutefois que la France dispose de 274 unités de prise en charge de la douleur, et que la SFETD existe.
Votre amendement évoque les douleurs chroniques, dont la professeure Martinez parle comme d'une véritable maladie destructrice, réfractaire à tout traitement. Ces douleurs sont telles qu'elles peuvent détruire la relation entre les patients et leurs médecins et conduire certains malades au suicide ou à la demande d'une aide à mourir.
Cependant, les alinéas 8 et 9 de l'article 1
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités, pour donner l'avis du Gouvernement.
J'insiste à mon tour sur l'importance de la prise en charge de la douleur. Valéria Martinez a contribué à l'élaboration de la stratégie décennale des soins d'accompagnement, dont la sixième mesure vise justement à développer les structures « douleur chronique » – lieux essentiels de diagnostic et d'organisation du parcours de soins des patients –, grâce à un effort budgétaire supplémentaire de 8,5 millions d'euros.
Il en existe déjà 274, la stratégie décennale vise à renforcer tout en y ajoutant 15 nouvelles unités en cancérologie et 12 dédiées à la prise en charge des mineurs. Les amendements étant satisfaits, l'avis du Gouvernement est défavorable.
À mon tour de m'attarder sur la question fondamentale de la douleur, et puisque vous avez évoqué l'audition de Valéria Martinez, présidente de la SFETD, je tiens moi aussi à revenir sur ses propos.
Tous les soignants spécialisés en soins palliatifs affirment qu'une douleur convenablement prise en charge, un patient psychologiquement et socialement bien entouré et un entourage rassuré dissipent, dans la majorité des cas, le désir de mourir.
La professeure Martinez a dit une chose que vous n'avez pas rapportée et qui était pourtant fort intéressante : elle a suggéré de faire de la prise en charge de la douleur une spécialité médicale. Êtes-vous prête, madame la ministre, à faire prospérer l'idée défendue par ce médecin ? Valéria Martinez a également suggéré de renommer les soins palliatifs en « soins palliatifs et de traitement de la douleur », signe qu'il est nécessaire d'associer étroitement le traitement de la douleur et les soins palliatifs.
Vous avez tous commencé vos interventions en rappelant que bien mourir, c'était mourir sans souffrir. Or des progrès considérables ont été accomplis dans le traitement de la douleur et je ne prétends pas que toutes les douleurs peuvent être allégées, mais la plupart le peuvent, si bien que nous nous apprêtons à légiférer à partir d'un nombre de cas très restreint. C'est bien un projet de loi d'exception que nous examinons, chers collègues !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je pense – du moins j'espère – que nous sommes toutes et tous convaincus de l'intérêt des structures spécialisées dans les douleurs chroniques, qu'ont souligné la ministre et le rapporteur. Quant à moi, je suis convaincu de leur utilité pour les personnes qui souffrent.
Confirmez-vous que le délai de prise de rendez-vous en centre antidouleur atteint six mois ? Les mesures que vous défendez permettront-elles de le résorber et, si oui, dans quelle ampleur ?
Je crois que ces structures doivent être intégrées au dispositif d'accompagnement des malades. Elles sont essentielles et nous devons leur accorder l'importance qu'elles méritent : l'adoption de l'amendement soutenu par Mme Faucillon y contribuerait.
Mme Genevard défend à l'envi l'amélioration de la couverture territoriale des unités de soins palliatifs (USP). Cette couverture, nous l'avons déjà évoquée : 50 % des patients qui devraient bénéficier de ces soins ne le peuvent pas.
L'objectif d'un renforcement des moyens des unités de soins palliatifs, tel qu'inscrit dans la stratégie décennale des soins d'accompagnement, est donc largement partagé dans cet hémicycle.
Nous n'examinons pas pour autant un projet de loi d'exception, mais un projet donnant à ceux qui sont atteints d'une maladie mortelle le choix de leur fin de vie, ce choix étant toujours guidé par la recherche d'une mort apaisée.
Je vous rappelle que dans tous les autres pays européens où une loi sur la fin de vie a été adoptée, la question des soins palliatifs se pose dans les mêmes termes. Même là où les soins palliatifs sont plus développés qu'en France, celles et ceux qui le souhaitent ont recours à l'aide à mourir.
Ainsi, soins palliatifs et aide à mourir ne s'excluent pas mutuellement car les premiers ne réussissent pas toujours à apaiser certaines douleurs. Par exemple, les patients souffrant d'une maladie pulmonaire provoquant des suffocations ne pourront pas se procurer d'antidouleurs adaptés.
Il faut laisser à celles et ceux qui le souhaitent la possibilité de mettre un terme à leur vie, lorsqu'ils sont atteints d'une maladie qui les prive de l'espoir de retrouver une vie digne.
Encore une fois, madame Genevard, les soins palliatifs ne s'opposent pas à l'aide et à mourir ; les deux vont de pair.
En effet, on entend constamment dire que soins palliatifs et aide à mourir s'opposent et qu'une offre plus importante de soins palliatifs nous éviterait de légiférer.
Madame Genevard, comme vous, je pense que la plupart des patients accueillis en USP renoncent à demander l'aide à mourir, même si elles le souhaitaient initialement. La plupart des patients, oui, mais pas tous : c'est là la nuance qui distingue nos positions !
Que proposez-vous aux malades qui persistent à demander l'aide à mourir ? Rien ? Acceptez-vous de les laisser partir en Suisse ou en Belgique ?
L'un des participants aux réunions et cafés-débats que j'ai organisés dans ma circonscription m'a par exemple annoncé que si nous ne légiférions pas, il se rendrait en Belgique – déplorant du même coup de ne pas pouvoir mourir chez lui, à son domicile, entouré de son épouse et de ses filles qui se trouveraient contraintes de l'accompagner en Belgique. Est-ce cela que vous proposez ? En réalité, le projet de loi dont nous discutons ne tend pas à imposer un choix à quiconque, mais bien à donner aux personnes qui continuent de demander l'aide à mourir la possibilité de faire valoir cette volonté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Même partiellement, il est toujours possible de calmer la douleur – qui est physique – et la souffrance – qui est morale – d'un malade. Une douleur réfractaire se constate lorsqu'elle ne peut pas être entièrement éliminée, mais elle n'est pas toujours maximale. Aussi devrions-nous soigner avant d'inscrire l'aide à mourir dans la loi !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Je désespère que nous parvenions à faire progresser la discussion des articles jusqu'au titre II et à l'article 5 du projet de loi, c'est-à-dire à débattre enfin de l'aide à mourir. Je rappelle que nous examinons l'article 1
J'ai eu la chance de travailler dans un service de soins palliatifs. Je peux vous dire que les soignants s'estiment chanceux d'y exercer, surtout s'il fonctionne selon des ratios. Ce n'est pas mentir que d'attester que les souhaits d'un patient reçu en unité de soins palliatifs concernant sa fin de vie peuvent évoluer, mais il est tout aussi vrai de reconnaître qu'ils peuvent rester inchangés.
Nous légiférons pour un nombre infime de personnes, nous dit Mme Genevard. Ne légiférerions-nous que pour une seule personne qu'en tant que soignante, j'en serais tout de même fière ! Nous n'écrivons pas la loi pour satisfaire des cas majoritaires mais pour répondre à une demande qui existe dans la société.
En l'occurrence, j'espère que le projet de loi ne répondra qu'à très peu de demandes – signe que les services de soins palliatifs fonctionnent – mais il resterait pertinent même si l'aide à mourir n'était demandée que par un seul patient.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans leur rapport d'évaluation de mars 2023 sur la loi Claeys-Leonetti, nos collègues rapporteurs ont constaté l'absence de traçabilité des types de sédation pratiqués dans les services de soins palliatifs. Et pour cause : la loi ne le prévoyait pas – et je le regrette. En attendant, soyons prudents ; certaines affirmations pourraient bien être contredites par les faits si cette traçabilité existait.
Toutes celles et ceux qui se sont rendus dans des services de soins palliatifs le savent : la volonté du patient pouvait évoluer au cours de sa maladie. Nous en tenons pleinement compte : le projet de loi prévoit précisément ce titre Ier afin de renforcer les soins palliatifs. Nul ne remet en cause ni leur bien-fondé, ni l'engagement de leurs équipes ni leur utilité pour les patients, dont beaucoup choisissent d'emprunter cette voie, quels que soient l'évolution de leur pathologie et le bouleversement qu'elle entraîne dans leur vie ; tout le monde le respecte. Tel est le sens du projet de loi. Ne mélangeons pas le titre Ier avec le titre II.
Le titre Ier traduit le respect total que nous avons pour les soins palliatifs. Le projet de loi va même au-delà, en prévoyant une stratégie décennale des soins d'accompagnement dont l'ambition est sans précédent en France. Vous nous reprocherez de ne pas faire assez, mais regardez l'évolution de l'offre de soins palliatifs ! Nous avons donc écrit l'acte I du développement des soins palliatifs ; il faudra ensuite évaluer, année après année, l'action des gouvernements successifs qui devront avoir le courage de faire autant que nous, voire plus. Voilà le premier étage de la fusée.
Le deuxième étage, c'est l'aide à mourir, car il n'en demeure pas moins que de nombreux patients souhaitent en bénéficier, pour des raisons qui leur sont propres. Dès lors que c'est leur volonté, et qu'ils la réitèrent, il n'y a aucune raison de ne pas travailler sur cette question. C'est le sens du titre II. Les parlementaires se prononceront et le texte poursuivra son chemin.
Je reviens à la question de la douleur. Comme vous, j'ai lu ce qu'a écrit le professeur Valéria Martinez : la douleur n'est pas considérée comme une spécialité, c'est une compétence en plus de la spécialité d'origine. Nous proposons donc de créer un diplôme d'études spécialisées – DES – en soins palliatifs, précisément pour répondre à votre question, madame Genevard ; il s'agit de reconnaître cette discipline. Au-delà du libellé exact de tel ou tel alinéa, il s'agit, pour les institutions, d'assurer un suivi démographique et, pour les doyens des UFR – unités de formation et de recherche –, de porter un regard différent sur cette discipline, laquelle deviendra une spécialité.
Enfin, monsieur Dharréville, 95 % des consultations des spécialistes de la douleur sont réservées. On dénombre 260 000 patients en file active – ce qui est très important –, notamment des enfants, qui doivent souvent patienter six mois pour obtenir un rendez-vous.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 64
Contre 33
Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES, LR, SOC, GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Il faut toujours lire les rapports de l'Inspection générale des affaires sociales – l'Igas –…
Oh oui !
…et ce n'est certainement pas moi qui vous dirai le contraire. Dans un rapport intitulé « La mort à l'hôpital », elle constate que les services où le taux de mortalité est élevé, notamment les services de réanimation médicale et chirurgicale, les services de soins intensifs ou les services de soins continus, ont développé une réelle réflexion sur l'accompagnement de la fin de vie. Néanmoins, « les conditions matérielles, essentiellement orientées vers la technique et l'ergonomie des professionnels, ne rendent ces services ni apaisants ni chaleureux ».
L'Igas dresse également un constat sévère s'agissant des unités de soins palliatifs. Elle va plus loin, indiquant que « la réflexion commune entre soins palliatifs et réanimateurs n'a pas lieu, et la réconciliation entre la technique nécessaire et l'humanisation souhaitable ne se produit pas. » Ce n'est pas faute de volonté de la part des professionnels qui, le plus souvent, n'en ont pas le temps.
Alors qu'une circulaire du 25 mars 2008 prévoit la désignation d'un référent soins palliatifs dans les services accueillant des lits de soins palliatifs, une étude de l'ARS de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 2022 indique que 12 % des services n'ont aucun référent soins palliatifs. Dans les départements qui en disposent, 17 % des référents n'ont pas bénéficié d'une formation spécifique aux soins palliatifs.
C'est pourquoi je propose de désigner dans les services un référent chargé d'une mission transversale de coordination de l'accès aux soins palliatifs et d'accompagnement, en commençant par les services où la mortalité est élevée – oncologie, réanimation ou encore neuropédiatrie – avant une généralisation à terme.
L'amendement n° 2079 vise à désigner un référent dans tous les établissements publics de santé ; l'amendement n° 2081 tend à en nommer un dans chaque établissement de santé. J'ai été obligé de préciser que les référents exerceraient leurs fonctions à titre bénévole, afin d'éviter le couperet de la recevabilité financière, mais il va de soi que cette fonction, qui constitue une mission des professionnels de santé, devra être rémunérée.
La création d'un tel référent enrichirait le texte. En effet, nous souhaitons que les soins palliatifs soient pratiqués dans tous les services hospitaliers, et pas uniquement dans les unités de soins palliatifs.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 2630 .
Il vise à nommer une personne référente en matière de soins palliatifs et d'accompagnement dans les Ehpad. Le déploiement des soins palliatifs sur le territoire implique que tous les établissements pouvant réaliser ce type de soins se les approprient, y compris les Ehpad.
C'est d'autant plus le cas qu'il s'agit d'un lieu de vie, où travaillent des professionnels de santé et du lien dont l'intervention peut éviter une hospitalisation lourde à une personne âgée. Chaque année, 40 000 résidents d'Ehpad sont hospitalisés durant les deux dernières semaines de leur vie. Le référent permettrait à un service de s'approprier la culture palliative, qui lui fait défaut.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Nous sommes tous favorables à la diffusion de la culture palliative et au déploiement des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP). Elles font le lien entre les différentes unités de chirurgie, de médecine et de spécialités. Elles donnent des conseils lorsqu'elles sont sollicitées. Il n'est pas souhaitable d'ajouter une fonction administrative alors qu'elle sera de toute façon exercée dans le cadre de la stratégie décennale des soins d'accompagnement.
Je comprends l'intérêt de ces amendements. La nomination du référent relève de la gouvernance des établissements, qui peuvent d'autant plus en désigner un qu'il est proposé que ses fonctions soient exercées à titre bénévole. Les amendements sont satisfaits, donc j'émets un avis défavorable.
Je reviens sur les amendements identiques précédents. Depuis des semaines, vous nous dites, madame la ministre, qu'il n'existe aucun rapport entre le titre Ier et le titre II. Vous avez filé la métaphore des étages de la fusée mais votre fusée n'a qu'un seul étage et vous le savez. Le problème, c'est que vous ne le dites pas ; vous ne faites pas preuve de transparence, vous ne dites pas la vérité.
Certes, nous sommes en train d'examiner l'article 1er , mais vous avez avoué que l'article 2 créant les maisons d'accompagnement, qui fait lui aussi partie du titre Ier , englobait l'aide à mourir, c'est-à-dire le suicide assisté et l'euthanasie.
Non.
Non seulement les titres sont poreux et se superposent, mais ils sont, en outre, interdépendants. En l'occurrence, le titre relatif aux soins palliatifs et d'accompagnement n'est qu'un alibi pour consacrer l'aide à mourir !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Soyons clairs : pour obtenir leur certification, les établissements de santé, notamment les hôpitaux, doivent proposer une offre de soins palliatifs ouverte à tous les patients.
Ensuite, madame la ministre, vous n'avez pas répondu à une question que nous vous avons posée plusieurs fois. Plusieurs d'entre nous craignent que de nombreux concitoyens aient recours à une mort administrée du fait d'une offre de soins palliatifs insuffisante. Comment comptez-vous éviter ce risque ? Comment pouvons-nous être sûrs que nos concitoyens font ce choix volontairement ? Il y va d'un sujet fondamental de nature éthique. Nous sommes nombreux à craindre que le possible continuum entre les soins palliatifs et la mort administrée aient des effets délétères – c'est un euphémisme.
L'équipe mobile de soins palliatifs dont parlait M. le rapporteur n'a strictement rien à voir avec le référent que mon amendement vise à instaurer, notamment dans les Ehpad, pour remédier au problème d'acculturation que nous constatons. Je rappelais les chiffres : 40 000 personnes en fin de vie se rendent à l'hôpital et y meurent. Ce n'est pas qu'une question administrative : le référent, en discutant avec les collègues, favoriserait une appropriation de la culture palliative au sein des services.
La création d'un tel poste, comme le disait Mme la ministre, relève du projet de chaque établissement de santé, de son organisation propre. Il existe bien des référents handicap dans certains établissements, qui y organisent le parcours des personnes en situation de handicap. De la même façon, un membre du personnel, une fois formé, pourrait être nommé référent soins palliatifs, sachant qu'il ne s'agirait pas d'une activité à temps plein. Je ne vois pas pourquoi nous devrions l'inscrire dans la loi. Je ne vois pas non plus pourquoi le référent chargé de coordonner l'accès aux soins palliatifs exercerait à ses fonctions à titre bénévole.
Nous sommes favorables aux présents amendements, mais j'interviens surtout pour dire ceci : le groupe La France insoumise, qu'on ne saurait taxer de complaisance envers le Gouvernement ,
Mme la ministre sourit
s'évertue néanmoins à voter en faveur des amendements qui assurent un maillage territorial des soins palliatifs, afin que tous ceux qui le veulent puissent en bénéficier. C'est tout l'objet du titre Ier . Je trouve hallucinant que certains entretiennent la confusion avec l'aide à mourir : nous en parlerons lorsque nous examinerons le titre II.
Il y a bien un lien entre les deux titres, sinon nous aurions deux projets de loi !
Les Ehpad se coordonnent déjà avec des unités mobiles ou des réseaux de soins palliatifs, en signant une convention pluriannuelle. Accordons aux établissements la confiance que nous leur devons, pour s'organiser comme ils l'entendent – fût-ce en instaurant un référent – et respectons leur professionnalisme.
De grâce, ne vous réfugiez pas derrière les EMSP : leur intervention dans les Ehpad ne prouve pas ni ne garantit que les choses se passent bien. Le rapport de la Cour des comptes sur les soins palliatifs souligne que si 75 à 80 % des Ehpad ont signé des conventions avec des EMSP, leurs interventions y « restent toutefois limitées : elles ne représentent que 8 % de leurs interventions et concerneraient environ 6 400 » des 650 000 résidents des Ehpad. Ne nous voilons pas la face : dans ces établissements, qui sont certes un lieu de vie, mais surtout un lieu de fin de vie, bien que les équipes soignantes baignent déjà dans la culture des soins palliatifs – Caroline Fiat le dirait mieux que moi –, un effort d'acculturation reste à accomplir. Désigner un référent y contribuerait. J'irai même plus loin : la question des soins palliatifs devrait être incluse dans leurs contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM).
Madame Darrieussecq, si j'ai précisé que le référent exercerait à titre bénévole, c'était pour éviter que mes amendements soient déclarés irrecevables. Il ne s'agit évidemment pas d'une activité bénévole. En revanche, on ne peut pas s'en remettre uniquement au bon vouloir des établissements.
Le code de la santé publique définit d'ailleurs leur organisation interne, avec des chefs de pôle et des chefs de service, ainsi que leurs missions. Y définir la mission du référent chargé de coordonner les soins palliatifs et de sensibiliser à la culture palliative serait donc plutôt cohérent. Encore une fois, je ne fais que m'appuyer sur les constats du rapport de l'Igas sur la mort à l'hôpital : dans les services à fort taux de mortalité, où le volet technique des soins prend malheureusement le pas sur les soins palliatifs, le référent pourrait aider à inverser la tendance. Il ne faut pas le voir comme un cheval de Troie, mais plutôt comme un professionnel incarnant la dimension messianique de services où la mort existe. Je ne comprends donc pas que vous ne soyez pas favorables à mes amendements, c'est presque contradictoire avec le souhait de développer les soins palliatifs à l'hôpital.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 56
Contre 43
Mme Astrid Panosyan-Bouvet et MM. Jérôme Guedj, Marc Le Fur et Philippe Gosselin applaudissent.
Il tend à préciser l'alinéa 12 concernant l'annuaire des structures de soutien reconnues d'intérêt général remis au malade en fin de vie et à sa famille – ce qui est, en soi, une bonne idée. Dans sa rédaction actuelle, cependant, on ne sait pas qui, du médecin, de l'agent hospitalier ou de l'infirmière, est chargé de remettre cet annuaire. La tâche doit incomber à une personne précise, car on imagine aisément le désarroi du malade ou de son entourage face à un document aussi dense et aussi fastidieux à consulter. Je propose qu'un agent administratif leur fournisse l'annuaire et les éclaire dans leur choix de la structure la plus adaptée, notamment sur le plan financier. La maladie et la mort ne sont pas simplement douloureuses, elles ont aussi un coût considérable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il n'est pas nécessaire de prévoir un agent administratif pour remettre cet annuaire, dont la diffusion, comme vous l'avez indiqué, est déjà prévue à l'alinéa 12. Défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 1875 n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 1905 , par le groupe Écologiste – NUPES, et sur l'article 1er , par le groupe Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 1693 .
La référence aux structures de soutien reconnues d'intérêt général, à l'alinéa 12, est assez imprécise. Mentionner explicitement les structures de soins palliatifs permettrait de clarifier cet alinéa.
Nous sommes par ailleurs très attachés, vous l'aurez compris, à ce que l'accès aux soins palliatifs soit un droit opposable.
Ce n'est pas opposable !
Les structures de soutien en question incluent non seulement les structures de soins palliatifs, mais aussi les structures de répit et d'accompagnement. Je préfère donc la rédaction actuelle de l'alinéa 12. Avis défavorable.
Vous mentionnez « des structures de soutien reconnues d'intérêt général », dont la définition pose une difficulté, car si l'on se réfère à la définition officielle, sur le site service-public.fr, les associations reconnues d'utilité publique (Arup) doivent non seulement « être d'intérêt général », mais également « avoir une influence et un rayonnement qui dépasse le cadre local », ainsi qu'« un nombre minimum d'adhérents ». La rédaction de l'alinéa 12 ne risque-t-elle pas d'exclure certaines associations locales susceptibles d'apporter un réel soutien ?
L'amendement de M. Hetzel a le mérite de recentrer la définition sur les structures de soins palliatifs, qui ne prodiguent pas que des soins médicaux, mais aussi des soins de support.
J'ai un avis contraire à celui de mes collègues Hetzel et Juvin. Si nous adoptions leur amendement, nous nous focaliserions sur les soins palliatifs. Mentionner les structures d'intérêt général permet au contraire d'inclure l'ensemble des associations, les aidants, les accompagnants, les visiteurs…
Exactement, c'est l'inverse de ce que prévoit l'amendement !
Vous oubliez naturellement les soins d'accompagnement, monsieur Juvin !
Le champ est large, pour couvrir toutes les structures, ne cherchez pas à le restreindre et ralliez-vous à son bon sens.
L'amendement n° 1693 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 1244 .
J'aimerais revenir à ce débat sémantique entre soins palliatifs et d'accompagnement, débat qui vous paraît probablement assez dérisoire mais qui me semble essentiel. Vous avez échoué en matière de soins palliatifs et je le regrette.
Hier, madame la ministre, vous parliez de responsabilité collective ; je vous ai dit ce que j'en pensais. Ce débat pourrait bien dissimuler une vraie diminution des moyens accordés aux soins palliatifs, qui accompagnent véritablement la souffrance des patients. C'est la grande crainte des professionnels chargés des soins palliatifs. Or mettre les soins d'accompagnement sur le même plan que les soins palliatifs risque d'amoindrir les seconds, de les diluer. Le supportive care existe et il est nécessaire, mais ne cherchez-vous pas uniquement, en insistant sur les soins d'accompagnement, à nous préparer à l'idée que les soins de support sont suffisants et satisfaisants, à prendre acte du fait que les soins palliatifs ne sont pas assurés pour tous, et donc à entériner leur régression continue ? Nous souhaiterions éviter cela.
Madame Ménard, vous n'avez pas défendu votre amendement qui visait à supprimer l'alinéa 13, au profit d'un développement sur la différence entre soins palliatifs et d'accompagnement. Avis défavorable.
Il faut conserver l'alinéa 13 qui vise à réécrire l'article L. 1111-2 du code de la santé publique et témoigne de l'importance accordée aux soins palliatifs : toute personne « est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile, notamment les soins palliatifs et d'accompagnement mentionnés à l'article L. 1110-10 ». Je me suis beaucoup répétée, madame Ménard, j'ai donné les chiffres et je veux bien recommencer autant de fois que vous le souhaitez : le présent texte vise à augmenter les moyens alloués aux soins palliatifs. On ne veut pas les détruire, vous ne pouvez pas dire cela : nous cherchons au contraire à en assurer l'avenir, en renforçant la formation et la recherche, et en créant un diplôme d'études spécialisées de médecine palliative. Avis défavorable.
Le mot « accompagnement » est redoutable et chacun est en train de le comprendre – c'est l'un des intérêts de l'amendement de Mme Ménard que de le supprimer. L'accompagnement, dans votre esprit, fédère les soins palliatifs et l'aide à mourir, c'est-à-dire l'euthanasie ou le suicide assisté .
« Oh ! » et exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem et SOC
Sourires.
Telle est votre logique, qui explique le lien étroit entre les titres Ier et II du projet de loi.
Sans ce lien entre les deux parties, vous auriez procédé comme le souhaitait au départ le Président de la République,…
Vous avez au contraire déposé un texte unique, dont les deux parties sont liées par le mot accompagnement. Nous considérons au contraire qu'il n'y a pas de continuum, mais une alternative entre les soins palliatifs – qui requièrent les compétences de médecins, d'infirmières et d'aides-soignantes qui ne veulent pas être associés à la deuxième partie du texte – et l'aide à mourir.
La preuve qu'il s'agit bien d'une alternative est que ceux qui se consacrent aux soins palliatifs ne veulent pas d'une évolution vers l'euthanasie. Ainsi, en Belgique, comme en témoigne le docteur Catherine Dopchie ,
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE
la possibilité de l'euthanasie a entraîné un ralentissement de la recherche palliative. Or, dans cette alternative, nous choisissons clairement les soins palliatifs, qui sont la formule la plus humaine possible.
Derrière ce débat sémantique et l'association du titre Ier et du titre II se pose la question de vos intentions. Nous ne pensons évidemment pas que vous souhaitiez détruire les soins palliatifs. Cependant, vous souhaitez les mettre en concurrence
« Non ! » sur quelques bancs du groupe RE
avec des soins d'accompagnement moins-disants. Vous espérez, à terme, remplacer les soins palliatifs par ces soins d'accompagnement, dont vous avez été incapables de nous assurer qu'ils ne mèneraient pas vers l'euthanasie. Là est le problème. Un immense mensonge est fait aux Français,…
…à qui vous faites croire qu'on a tout essayé en matière de soins palliatifs et que, depuis vingt-cinq ans, tout a été tenté pour traiter la douleur – ce qui est faux. Quand un adulte sur deux n'a pas accès à ces soins et que vingt départements en sont dépourvus, c'est qu'on n'a pas voulu essayer. Voilà le mensonge. Vous faites croire aux Français qu'il faut aller beaucoup plus loin et créer d'autres dispositifs en prétendant que ceux qui existent ne marchent pas, alors qu'ils fonctionnent très bien quand on s'en donne les moyens et, surtout, qu'on en a la volonté. Les choses sont claires : le titre Ier vise à faire passer la pilule.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE. – M. Sébastien Peytavie s'exclame aussi.
Vous l'associez au titre II car vous savez que seul ce dernier est contesté par les soignants, les patients et tous ceux qui s'intéressent aux soins palliatifs.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous ne pouvons pas laisser dire n'importe quoi. Qui a eu la volonté de développer les soins palliatifs sinon cette majorité et ce gouvernement ? Depuis 2017, les dépenses publiques qui leur sont consacrées ont augmenté de 25 % et un plan de 1,1 milliard d'euros est prévu pour les dix prochaines années.
Vous discutez de la distinction entre soins d'accompagnement et soins palliatifs. Or, dans le Jura, nous n'avons pas d'unité de soins palliatifs…
…mais nous avons des soins d'accompagnement ! À l'hôpital, on meurt dans tous les services, de médecine comme de gériatrie ; on meurt aussi dans les Ehpad. Je vois des médecins qui accompagnent les patients,…
…en appliquant parfaitement la loi Kouchner de 2002 et la loi Leonetti de 2005 – comme cette législation le prévoit, on ne laisse plus les gens souffrir .
Mme Katiana Levavasseur s'exclame
Je vois des gens dévoués qui s'occupent des malades en fin de vie avec beaucoup d'humanité, de dignité,…
…même s'ils n'ont pas suivi des modules spéciaux en soins palliatifs. Encore une fois, ne laissons pas dire n'importe quoi : même si certains hôpitaux sont dépourvus d'unité de soins palliatifs, ils peuvent compter sur des soignants très dévoués qui accompagnent les malades en fin de vie.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Ce n'est pas parce que vous le répéterez, encore et encore, tout au long des débats, que vous convaincrez ceux qui nous lisent que nous cherchons à opposer soins d'accompagnement, soins palliatifs et aide à mourir. Je n'appartiens pas à la majorité que vous attaquez et dont vous questionnez les intentions, mais je défends l'instauration d'une aide à mourir. Nous n'opposerons jamais accompagnement, soins palliatifs et aide à mourir.
Nous cherchons à répondre aux attentes de personnes en souffrance, quel qu'en soit le nombre.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.
Tous les sondages le montrent : les Français réclament davantage d'efforts pour développer les soins palliatifs, mais aussi l'instauration d'une aide médicale à mourir. C'est pourquoi le texte est structuré en deux titres. Le député du groupe Les Républicains et celui du groupe Rassemblement national qui viennent de s'exprimer sont trop expérimentés pour ne pas le comprendre. Ils font semblant et, sous prétexte d'une confusion, entendent lutter par tous les moyens contre l'aide médicale à mourir, alors que nous examinons la partie du texte consacrée aux soins palliatifs. Nous le rappellerons à chaque fois que des membres de ces groupes défendront leur opposition néfaste au texte.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
La parole est à M. Olivier Falorni, rapporteur général de la commission spéciale.
Monsieur Le Fur, à votre grande surprise sans doute, nous sommes d'accord.
Alors là !
Les soins palliatifs et l'aide à mourir, dites-vous, constituent deux branches d'une alternative : c'est vrai.
Ce texte traite de l'accompagnement des malades et de la fin de vie. Il est donc légitime qu'une de ses parties soit consacrée aux soins palliatifs et aux soins d'accompagnement – qui, pour le coup, ne sont pas alternatifs mais complémentaires. Je m'étonne que certains députés très favorables au développement des soins palliatifs fassent mine de croire qu'il s'agirait d'un grand remplacement
Sourires sur divers bancs
des soins palliatifs par les soins d'accompagnement, alors que ces derniers sont simplement des soins moins médicalisés. Comment pouvez-vous imaginer que les soins palliatifs – qui seront des soins d'excellence, médicalisés, s'appuyant sur toutes les techniques définies au niveau international – soient remplacés par des soins d'accompagnement dont la dimension sera beaucoup plus sociale et qui impliqueront les aidants ? Encore une fois, les soins d'accompagnement et les soins palliatifs ne forment pas deux branches d'une alternative ; ils sont complémentaires. Tout le monde devrait se réjouir du lancement d'une grande stratégie décennale de développement des soins palliatifs, et de la volonté de prendre en charge plus précocement les malades.
En revanche, la deuxième partie du texte repose bien, monsieur Le Fur, sur une alternative. En effet, un malade n'est pas tenu d'accepter les soins palliatifs – c'est son droit et sa liberté.
Il peut refuser de tels soins pour des raisons personnelles, quand bien même il aurait une maladie grave et incurable. Nous proposons alors une solution alternative qui, cependant, ne s'oppose pas absolument aux soins palliatifs dans la mesure où des malades pourront bénéficier un temps de ces derniers, puis décider – pour des raisons diverses et probablement, madame Genevard, parce que dans certains cas la douleur n'aura pu être traitée de façon satisfaisante, car la médecine demeure, malgré tous ses progrès, une discipline humaine qui atteint parfois ses limites – de recourir à l'aide à mourir.
C'est donc faire un mauvais procès au texte que de lui reprocher d'aborder d'un côté les soins palliatifs et de l'autre l'aide à mourir. Le but est d'améliorer la réponse primordiale que constituent les soins palliatifs avant d'envisager, comme un ultime recours, l'aide à mourir.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
L'amendement n° 1244 n'est pas adopté.
Nous avons eu le débat en commission ainsi qu'hier soir à l'occasion de la discussion de l'amendement n° 1802 de Mme Fiat. L'amendement n° 1905 vise à ce que le document informant les patients de la possibilité d'enregistrer leurs directives anticipées soit accessible aux personnes en situation de handicap, notamment les personnes malvoyantes, et rédigé en français facile à lire et à comprendre (Falc). Les établissements de soins disposent encore rarement d'indications – telles que les numéros des chambres – ou d'une charte de la personne hospitalisée rédigées en braille ou d'une façon accessible à d'autres types de handicap. Une initiative intéressante, Santé BD, que je vous invite à consulter, facilite déjà l'accès à ce type d'information.
Monsieur Juvin, vous avez à plusieurs reprises affirmé qu'il ne fallait pas décider du moment où il convient d'informer le patient de la possibilité de rédiger ses directives anticipées ; sachez que ce n'est pas l'objet de l'amendement, qui vise seulement à offrir un document accessible à tous, quel que soit le handicap.
L'amendement de repli n° 1906 prévoit d'offrir à tous un accompagnement pour enregistrer ses directives anticipées.
J'ai demandé hier à Mme Caroline Fiat de retirer son amendement n° 1802 au profit de l'amendement n° 1905 de M. Peytavie, qui constitue un apport très intéressant au texte et s'insère parfaitement à l'alinéa 13 de l'article 1er . Heureusement que cet alinéa n'a pas été supprimé, car cela aurait remis en cause la loi Kouchner de 2002 qui prévoit le droit à l'information de tous les patients. Pour maintenir ce droit et informer les patients de la possibilité de recourir à des soins palliatifs ou d'accompagnement, disposer d'un document facile à lire et à comprendre est nécessaire. Avis favorable à l'amendement n° 1905 …
Même avis. L'amendement n° 1905 permettra à chacun de bénéficier d'une bonne information sur les soins d'accompagnement et sur les directives anticipées.
Je tenais à remercier M. Peytavie d'avoir proposé cet amendement très utile aux personnes qui pourraient éprouver des difficultés à saisir des informations parfois complexes. Nous sommes favorables, pour son inclusivité, à l'utilisation du Falc.
Nous voterons, bien entendu, en faveur de l'amendement n° 1905 de M. Peytavie. Nous avons débattu hier de cette question, à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 1802 de Mme Fiat ; mais je pense, en accord sur ce point avec monsieur le rapporteur, que le présent amendement est bien plus précis dans la réponse qu'il y apporte.
Les quatre débats sur la fin de vie que j'ai organisés dans ma circonscription m'ont permis de m'en rendre compte : tous les Français sont inquiets face à la mort, la mort qui peut être lente ou douloureuse. Or on le sait : nombreux sont ceux qui ne connaissent pas la loi Claeys-Leonetti ni l'existence des directives anticipées, qu'ils ne sont que 17 % à avoir rédigées.
À la différence de la majorité de mon groupe, je suis favorable à une avancée législative rendant possible l'aide active à mourir ou le suicide assisté.
Mais, avant de voter cet amendement, je voudrais avoir la certitude que l'aide active à mourir ne sera pas mentionnée dans le livret d'accompagnement dont nous discutons. Non pas que je veuille que l'existence de ce droit, auquel je suis favorable, soit dissimulée ; mais parce que je considère qu'il est peut-être trop tôt et trop difficile, au moment où l'on apprend qu'on est atteint d'une maladie incurable, d'entendre qu'il n'y aura pas d'autre issue que la mort. Cette mort aura beau être une mort apaisée, accompagnée tant par les soins palliatifs que – je l'espère à titre personnel – par une aide active à mourir, je crains qu'une annonce trop précoce ne sape le moral du patient, au détriment de la lutte contre la maladie et pour la préservation de la vie, qui est au cœur du métier des soignants – soignants auxquels nous rendons hommage durant ces débats.
Pourriez-vous nous rassurer, madame la ministre, et nous confirmer que ces livrets ne mentionneront pas l'aide active à mourir, aux côtés des soins palliatifs et des soins d'accompagnement – sans débattre ici de leur définition ?
Mme la ministre acquiesce. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Vous me voyez très ennuyé, monsieur Peytavie. L'information doit être complète, vous avez absolument raison sur ce point, et je salue votre initiative visant à rendre les documents compréhensibles – faute de quoi ils n'ont aucun intérêt.
Cependant, lisons le texte de l'article 1er du projet de loi, à partir de l'alinéa 7 : « Dans le respect de la volonté de la personne, ils anticipent, évaluent et procurent, dès le début de la maladie […] » – dès le début de la maladie, j'y insiste. À la suite vient une liste, dans laquelle s'insère votre document facile à lire mentionnant les soins palliatifs.
Or un certain nombre de patients, même atteints de maladies graves, vont guérir – et c'est heureux. La médecine, si elle ne fait pas de miracles, remporte parfois des succès. De plus en plus de patients guérissent du cancer. Je trouve ainsi totalement inapproprié que tous les patients atteints de maladies graves – en particulier ceux qui souffrent d'un cancer dont ils finiront par guérir – reçoivent systématiquement un document qui leur présente les soins palliatifs.
Vous ne pouvez pas rencontrer un patient pour lui annoncer avoir bon espoir qu'il guérisse tout en lui remettant un document sur les soins palliatifs. Une précaution rédactionnelle – « le cas échéant », par exemple – aurait été éventuellement plus acceptable mais en l'état, il y a une absence de logique qui me gêne beaucoup.
Je remercie une nouvelle fois M. Peytavie. En dépit des débats qu'il suscite, son amendement est très simple : il ne tend qu'à rendre les documents relatifs à la fin de vie accessibles aux patients en situation de handicap – malentendants, non-voyants ou malvoyants, personnes souffrant de troubles cognitifs ou de retards mentaux. Si notre pays était à la hauteur sur les questions d'accessibilité, il ne devrait d'ailleurs même pas être nécessaire de l'inscrire dans la loi !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, RE et LFI – NUPES. – M. Thomas Ménagé applaudit également.
Pour ce qui est des services publics, cela devrait arriver, normalement, en 2026.
J'ajoute que le Falc sert à tout le monde, et pas seulement à ceux qui ont des difficultés cognitives.
Il permet de délivrer une information, avec plus de simplicité, à beaucoup de personnes.
Et je vous entends, monsieur Juvin, mais songez aux cas où un patient va être anesthésié avant une intervention chirurgicale, et qu'il lui est demandé de signer dix documents souvent illisibles, lui annonçant notamment qu'il risque de mourir : c'est bien de l'information qu'on lui donne !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, RE, LFI – NUPES et HOR. – M. Peytavie applaudit également.
C'est précisément – et tout simplement – sur cette information que porte l'amendement.
Je suis entièrement d'accord avec ce que vient de dire Mme Darrieussecq. Quand on m'a demandé, hier, de retirer mon amendement, je n'avais pas eu le temps de lire celui de M. Peytavie. Mais je constate qu'il reprend ce que j'avais proposé dans un sous-amendement en commission : je ne peux donc que le soutenir.
Et il est vrai qu'il ne devrait pas même être nécessaire de mentionner dans le texte dont nous débattons ces questions relatives à l'accessibilité. Je saisis cette occasion, madame la ministre, pour mentionner le cas de l'accessibilité des sites internet pour les personnes malvoyantes, obligatoire selon la loi. On en est loin, hélas – et les sites en gouv.fr sont de très mauvais élèves.
Les personnels de santé, par ailleurs, demandent souvent des formations en LSF – la langue des signes française. Ces formations, très chères et très longues, leur sont souvent refusées, si bien que les personnes malentendantes se retrouvent face à des soignants qui, en dépit de leur bonne volonté, ne sont pas formés pour cela. Pourriez-vous, madame la ministre – on ne sait jamais ! –, faire quelque chose à ce sujet ?
L'objectif de mon amendement, monsieur Juvin, est de rendre accessible un document. La personne est ensuite libre de le lire ou de ne pas le lire. Mon amendement n'est pas non plus limité au cas des maladies graves. Pour que nous progressions sur la question des directives anticipées, il faut que chacun puisse accéder à ce document.
L'initiative Santé BD consiste ainsi à présenter très simplement, au moyen d'une bande dessinée, les sujets de la santé et de médecine : elle est pratique pour tout le monde, comme le disait Mme Darrieussecq. Mon amendement prend simplement acte de l'importance de notre retard sur la question du handicap, en disposant qu'un document accessible doive être édité et communiqué aux patients.
Vous menez une bataille contre le titre II du texte, monsieur Juvin : mais nous en examinons en ce moment le titre Ier , et la question de l'accessibilité pour tous.
Je vais répondre à la question de M. Ménagé. Le document dont il est question est bien un document d'information sur les matières dont traite le titre Ier : soins d'accompagnement, soins palliatifs et, en effet, directives anticipées. Cela entre bien dans le cadre de la prise en charge de la douleur dont nous débattons cet après-midi : il est important que le patient sache au plus tôt quelles réponses on pourra lui offrir.
Ce document à destination des patients, enfin, devra être conçu avec les médecins, les professionnels de santé dans leur ensemble, et les associations de patients. Ce n'est pas le Gouvernement qui va le rédiger.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 149
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 106
Contre 9
L'amendement n° 1905 est adopté ; en conséquence, l'amendement n°
Ces trois amendements – comme l'amendement n° 1244 que j'ai défendu tout à l'heure – font le choix des soins palliatifs, plutôt que celui des soins d'accompagnement. Les soins palliatifs ne doivent pas être dilués dans les soins d'accompagnement. Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que les soins d'accompagnement ont vocation à être moins médicalisés. Mais les soins palliatifs, selon leur définition, sont des soins à la croisée de plusieurs disciplines, qui ont des dimensions physiques, morales, sociales et spirituelles : on voit que leur vocation n'est pas seulement médicale.
Il y a donc un risque, au niveau sémantique, que cette double inscription, dans le texte de la loi, des soins d'accompagnement et des soins palliatifs, fasse disparaître les seconds dans les premiers.
L'alinéa 14 vient compléter une disposition fondamentale figurant à l'article L. 1111-4 du code de la santé publique sur le consentement libre et éclairé des patients, en étendant cette notion aux soins d'accompagnement, à propos desquels les patients doivent naturellement recevoir une information complète. Avis défavorable.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l'amendement n° 3124 .
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
mais c'est à juste titre que Mme Ménard vient de le faire – et c'est en vérité vous, monsieur le rapporteur général, qui l'avez relancé.
L'aveu que vous avez fait il y a quelques minutes est en effet très intéressant. Alors que la fin de sa discussion
Nous sommes totalement opposés sur le fond, monsieur le rapporteur général, mais je vous fais crédit d'être clair, contrairement à Mme la ministre : vous affirmez que les soins d'accompagnement sont un point d'entrée, à partir duquel les patients pourront choisir d'accéder, ou non, aux soins palliatifs, et d'accéder, ou non, à l'aide à mourir.
Quant à vous, madame la ministre, vous affirmez tout à fait autre chose – on a d'ailleurs bien compris qu'entre le rapporteur général, la présidente de la commission spéciale et vous-même, ce sont deux, voire trois approches de ce texte qui sont défendues.
Vous avez cherché à nous rassurer hier, en assurant que l'aide à mourir ne faisait pas partie des soins d'accompagnement.
Et je le redis !
Vous avez aussi affirmé, en commission, que l'aide à mourir, ce n'est ni le suicide assisté, ni l'euthanasie. Ce n'est pas le suicide assisté, parce que les conditions en sont strictes – même si elles ne le sont plus vraiment. Ce n'est pas l'euthanasie parce que l'euthanasie est une exception – même si elle ne l'est plus vraiment.
Dans ce cas, madame la ministre, nous allons finir par être d'accord et ça tombe bien : l'amendement que je vous propose vise à l'inscrire noir sur blanc. Il est encore temps que vous fassiez preuve de clarté et de transparence et que vous disiez la vérité.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Avis défavorable. Je le répète – nous pouvons y revenir tous les jours, voire toutes les minutes –, le titre Ier vise à renforcer les soins palliatifs, qui sont englobés dans les soins d'accompagnement. Avant-hier et hier, nous avons expliqué que les soins d'accompagnement sont une prise en charge globale du patient. C'est l'esprit du titre Ier .
L'aide à mourir sera évoquée dans le titre II, qui n'a rien à voir avec cet article 1er . Monsieur Bentz, vous essayez de me faire dire ce que je n'ai jamais dit, en nous expliquant que, les uns et les autres, nous nous contredisons.
Je vais donc être extrêmement précise. Le sujet que vous évoquez est celui de l'article 2 du titre Ier – les maisons d'accompagnement –, et non celui de l'article 1
Vous m'interrogez, je vous réponds précisément. Ces maisons d'accompagnement seront considérées comme des domiciles, je le répète. Un résident qui le demanderait pourrait-il y bénéficier de l'aide à mourir ?
C'est l'amalgame que vous opérez !
Mais pourquoi est-ce dans le titre Ier ? Que fait une telle disposition dans ce titre ?
Cela revient à me demander si l'on peut bénéficier de l'aide à mourir dans un hôpital ou dans une clinique ! Ces établissements reçoivent des personnes dont l'état pathologique peut faire naître une telle demande. Ne confondons pas tout ! L'article 1
Ces soins sont renforcés par la notion de soins d'accompagnement qui englobent le bien-être et un accompagnement pluridisciplinaire du patient. C'est cet article que va être soumis à votre vote.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous aimez la précision et affirmez qu'on n'a jamais fait autant pour les soins palliatifs. Pourtant, entre 2013 et 2017, le nombre de lits en soins palliatifs a augmenté de 14 %, quand la hausse n'a été que de 8 % entre 2017 et 2021. Votre affirmation est donc fausse.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
Et en 2023 ?
L'amendement soumis à notre délibération ne fait que retranscrire ce que vous dites dans la loi. Pourquoi ne voulez-vous pas écrire que les soins d'accompagnement excluent le suicide assisté ou délégué ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit.
Cela n'a rien à voir !
Pourquoi ne le voulez-vous pas ? Comprenez que, dans ce refus, nous cherchions des explications et qu'il nourrisse le soupçon.
En outre, il est également faux d'affirmer que le titre Ier ne concerne que les soins palliatifs et le titre II le suicide assisté ou délégué. C'est faux puisqu'on pourra recourir à la mort administrée dans les maisons d'accompagnement !
Nous sommes là pour ça !
Non, nous, nous ne sommes pas là pour ça. Nous sommes là aussi pour débattre du titre II. En conséquence, pour que nous n'y passions pas des heures, il suffit que vous acceptiez de préciser que les soins d'accompagnement excluent l'euthanasie et le suicide assisté.
Ce n'est pas nécessaire !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN. – Mmes Astrid Panosyan-Bouvet et Emmanuelle Ménard applaudissent également.
Si ce soupçon n'est pas dissipé, nous ne pourrons pas voter l'article 1er .
Mêmes mouvements.
Madame la ministre, plus vous essayez d'être précise, et plus c'est flou.
On n'y comprend plus rien. Pour répondre à Christophe Bentz, vous brandissez la séparation – la frontière étanche – entre le titre Ier et le titre II. Vous ne voulez pas répondre sur les soins d'accompagnement. Vous parlez de prise en charge du patient, mais l'euthanasie fait-elle partie de cette prise en charge ?
Non !
Dans votre esprit, je pense que c'est plutôt clair, mais vous ne voulez pas le dire !
Je l'ai dit vingt fois !
Quelle est votre définition des soins d'accompagnement ? Il faut exclure l'euthanasie.
Comme Mme Genevard, j'estime que nous n'avons pas assez investi dans les soins palliatifs. L'échec est patent dans différents départements : ainsi, en 2017, il y avait 426 équipes mobiles de soins palliatifs ; en 2021, il n'y en avait plus que 420. Et vous affirmez que tout a été fait !
J'y insiste : on n'a pas voulu investir dans les soins palliatifs, et c'est pourquoi nos compatriotes qui n'y ont pas accès plaident pour le dispositif que vous leur proposez. C'est le signe de votre échec. Tant que vous n'aurez pas développé les soins palliatifs, tant que nos concitoyens n'y auront pas accès, comment voulez-vous passer à autre chose ? Je le répète, nous n'irons pas plus loin sans accès garanti aux soins palliatifs.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Après l'intervention de Mme Genevard sur l'évolution du nombre de lits en soins palliatifs, j'ai examiné les années 2007 à 2012 – des années que nous connaissons bien.
Oui, madame Genevard, j'étais députée, comme vous.
Admettez quand même que chacun prend les périodes de référence qui l'arrangent. Il eût été plus honnête d'aller jusqu'en 2023.
Oui !
La ficelle était bonne, mais elle était un peu grosse, et j'estime que nous n'avons pas à rougir de ce qui a été fait !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je ne vous ai pas interrompus, merci d'avoir la gentillesse de faire la même chose.
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
Ce n'est pas de la mauvaise foi, mon référentiel de temps n'est simplement pas le même que le vôtre.
Ensuite, vous mélangez les dispositions du titre Ier et celles du titre II – j'ai bien compris votre stratégie.
Non, monsieur Hetzel, c'est vous qui faites en sorte que nos compatriotes ne s'y retrouvent pas, en confondant l'aide à mourir avec les soins palliatifs et les soins d'accompagnement.
Si confusion il y a, elle vient surtout de l'article 4 et d'un amendement adopté à votre initiative en commission spéciale, qui figure désormais à l'alinéa 7 de cet article !
Ce n'est pas un amendement du groupe, mais d'une collègue ! C'est son droit !
On y évoque l'aide à mourir dans le cadre des directives anticipées.
Je le répète, c'est donc vous et vos petits collègues du Rassemblement national qui créez la confusion entre le titre Ier et le titre II !
Pour éviter de citer des documents qui sortent de nulle part, je vais reprendre les termes de la synthèse du rapport de la Cour des comptes de juillet 2023 – Mme Genevard aime les chiffres précis, je vais lui en fournir et les sourcer car il est important de savoir d'où viennent ces chiffres.
« La dépense publique de soins palliatifs est de 1,453 milliard d'euros en 2021, soit une augmentation de 24,6 % depuis 2017. »
Mes chiffres sont ceux de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) !
Madame Genevard, entre 2007 et 2012, nous étions sur les mêmes bancs. Reconnaissons ensemble ce qui n'a pas été fait, ce sera beaucoup plus simple.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
L'amendement n° 3124 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 533 .
Madame la ministre, je regrette que vous ne vouliez pas accéder à cette demande de clarification. Il faut préciser que les soins d'accompagnement excluent de façon certaine et absolue l'accès au suicide assisté, ou délégué – à l'euthanasie donc. Cela serait beaucoup plus clair et nous permettrait de voter en toute quiétude cet article 1er , ce qui n'est plus le cas.
Même avis.
On en revient toujours à la définition des soins d'accompagnement. Si les choses étaient claires, nous n'en serions pas là ; c'est donc qu'elles sont confuses.
Madame la ministre, hier vers vingt-trois heures quarante, contredisant le rapporteur Martin, vous avez affirmé qu'il existe un continuum entre les soins, prévus par ce titre, et l'aide à mourir du titre II. Les débats publiés au Journal officiel pourront le confirmer.
En réalité, vous entretenez la confusion depuis le début. C'est la raison pour laquelle nous plaidions pour deux textes – un sur les soins palliatifs, et un autre sur l'aide à mourir. Nous n'en serions pas là !
Le continuum existe, assumez-le !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
En étant très scolaire, on peut considérer qu'il y a une certaine logique et une unité sémantique entre les termes « soins d'accompagnement » et « maisons d'accompagnement ».
En outre, vous indiquez que l'aide active à mourir sera proposée dans les maisons d'accompagnement. Nous en déduisons assez logiquement, en nous fondant sur la sémantique, que les soins d'accompagnement incluent l'aide active à mourir.
Par ailleurs, il est inutile de chercher à infantiliser nos arguments, ou de menacer à demi-mot ceux qui ne soutiendraient pas la thèse officielle du Gouvernement et l'inscription dans la loi de l'euthanasie et du suicide assisté.
Ce type de projet de loi, sociétal, comporte un effet cliquet. Et les débats en commission spéciale ont considérablement accéléré cet effet cliquet puisqu'en quinze jours nous avons pris vingt ans d'avance par rapport à ce qu'une loi sociétale propose d'ordinaire en fait d'évolution. Ainsi, le délit d'entrave, que la commission a décidé d'inscrire dans le texte, n'apparaît généralement que dix ou quinze ans après l'adoption de tels projets de loi.
Nous avons besoin de cette précision, tout comme les parents d'enfants handicapés ou les personnes hospitalisées en gériatrie.
Si l'aide active à mourir est offerte dans les maisons d'accompagnement, elle fait partie des soins d'accompagnement, et ces personnes pourraient recevoir l'euthanasie ou le suicide assisté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.
C'est de la mauvaise foi ! Les enfants sont exclus !
Madame la ministre, je comprends que vous ne souhaitiez pas de ces précisions car, naturellement, les soins palliatifs, comme les soins d'accompagnement, n'incluent pas les dispositions du titre II du projet de loi.
Exactement ! Pas du tout !
Il n'est donc pas nécessaire d'apporter de telles précisions dans le titre Ier .
« Naïf ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Sinon, cela signifierait a contrario que l'idée contraire pourrait germer, ce que je ne crois pas.
Cela ne retire rien à mes critiques sur le risque de confusion entre soins palliatifs et soins d'accompagnement – j'ai toujours le plus grand mal à comprendre. Mais, à l'article 1er , je ne vous fais pas le même procès que certains collègues.
Merci beaucoup !
Quant au débat sur le bilan des gouvernements précédents en matière de soins palliatifs, pour savoir lequel était le moins pire, il peut certes avoir un intérêt, mais ce qui m'importe davantage, c'est de savoir quelles décisions nous pouvons prendre pour améliorer la situation.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet et M. Rémy Rebeyrotte applaudissent.
Vos propositions à cet égard sont très insuffisantes, madame la ministre. J'attends de pouvoir en débattre, ce qui ne saurait tarder.
MM. André Chassaigne, Sébastien Peytavie et Vincent Bru applaudissent.
Je le dis depuis le départ : le terme de « soins » me laisse perplexe. Je comprends que l'on parle de soins palliatifs ; l'accompagnement devrait désigner la prise en charge par une assistante sociale, un coiffeur ou un psychologue par exemple.
Il faut en tout cas trouver un terme pour désigner le fait d'entourer la personne.
En revanche, s'il y a bien une chose que nous ne devons jamais qualifier de soin dans cet hémicycle, c'est l'aide à mourir. Ne mélangeons pas tout, au risque de déraper. L'aide à mourir est un acte qui répond à une demande, mais ce n'est pas un soin.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, HOR, RN et LR.
L'amendement n° 533 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l'amendement n° 3125 .
Nous ne nous comprenons plus. Cela fait trois jours que nous discutons de l'article 1
En toute sincérité, nous hésitons à voter l'article 1er . Comme il s'agit du dernier amendement à cet article, je vous ferai une dernière remarque, madame la ministre. Mettez-vous à notre place ou à celle des Français : reconnaissez que les propos du rapporteur général Olivier Falorni – qui a été beaucoup plus clair que vous – et de notre collègue de la majorité présidentielle…
…Anne-Cécile Violland ont créé la confusion. Cette dernière disait hier que les soins d'accompagnement revenaient à élargir les soins palliatifs à l'aide à mourir.
S'ils ont mal compris, il est encore temps de leur dire ! Si vous nous promettez que l'aide à mourir, le suicide assisté et l'euthanasie ne feront jamais au grand jamais partie des soins d'accompagnement, il faut l'inscrire noir sur blanc dans la loi – c'est une question de transparence et de vérité. Pour nous, l'urgence, c'est le développement des soins palliatifs, et uniquement des soins palliatifs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR.
Monsieur le député Bentz, vous dites que nous ne nous comprenons plus, mais c'est depuis la première heure de la commission spéciale que vous ne nous comprenez pas !
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR. – M. David Valence applaudit.
Le philosophe Frédéric Worms nous a expliqué que l'aide à mourir relevait du secours et non du soin, auquel elle ne doit pas être assimilée.
Or l'article 1
Avis défavorable.
Nous travaillons depuis trois jours sur le sujet. Peut-être ne sommes-nous pas assez convaincants, ou peut-être ne voulez-vous pas entendre – c'est une possibilité à considérer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et quelques bancs du groupe SOC.
Nous avons eu le même débat en commission, où vous avez choisi de vous abstenir.
Aujourd'hui, il revient à la représentation nationale de se prononcer sur l'article 1er
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
En novembre dernier, nous avons été plusieurs à signer une tribune pour réclamer que les soins palliatifs et l'aide à mourir fassent l'objet de deux textes distincts. Frédéric Valletoux, aujourd'hui ministre délégué chargé de la santé, figurait au rang des signataires.
Nous y expliquions que traiter les deux sujets séparément permettrait d'éviter bien des confusions.
Vous avez fait un autre choix.
Par ailleurs, vous avez évoqué le rapport de la Cour des comptes, lequel précise que l'objectif d'une couverture de la totalité des besoins fixé par la loi Claeys-Leonetti en matière de soins palliatifs demeure hors d'atteinte. La présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, en présentant ce rapport devant la commission des affaires sociales, nous avait invités à « commencer par appliquer la loi existante avant d'envisager autre chose ».
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – M. Dominique Potier applaudit également.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RN.
Je vous épargne un rappel au règlement, même si j'ai été mise en cause personnellement. Je ne prends pas souvent la parole, donc je me souviens très précisément de mes propos – et vous pourrez vérifier de votre côté. Je n'ai pas dit que je ne savais pas ce qu'étaient les soins d'accompagnement, mais que je ne savais pas ce qu'étaient les soins palliatifs précoces car, selon moi la prise en charge précoce était incluse dans la notion de soins palliatifs. Il s'agissait principalement, à mes yeux, d'une question sémantique, qui ne faisait pas obstacle à ce que nous votions l'article 1er . Ce n'est pas très élégant de déformer les propos d'une collègue. Vous avez dit que nous ne nous entendions plus ; en tout cas, vous nous entendez mal.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE.
Tout aurait été plus simple si vous n'aviez pas présenté un texte à deux versants.
Cela fait vingt-cinq ans que nous sommes attendus sur la question des soins palliatifs. Nous aurions pu mettre au point un plan de financement pour doter d'une unité de soins palliatifs les vingt et un départements qui en sont encore dépourvus.
S'agissant des soins d'accompagnement, nous sommes tous d'accord : les Français ont besoin d'être soignés et accompagnés. Autrefois, les maisons d'accompagnement s'appelaient maisons de santé…
…– il s'agissait d'espaces à mi-chemin entre l'hôpital et le domicile, où l'on accompagnait la convalescence des patients.
Ce débat n'aurait pas eu lieu si vous aviez présenté deux textes distincts, ce qui aurait évité cette confusion entretenue à dessein entre le titre I et le titre II.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le rapporteur a dit que notre collègue Bentz ne l'avait pas compris. En réalité, ils ne veulent pas nous comprendre – c'est très clair !
M. Erwan Balanant applaudit.
On a cependant le droit d'être opposé à l'aide médicale à mourir – c'est une position compréhensible et respectable.
En revanche, juste avant l'intervention de notre collègue Bentz, il a été dit que nous devrions rassurer les parents d'enfants handicapés et les enfants de patients hospitalisés en gériatrie. Cet argument est inacceptable : vous alimentez des fantasmes !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et LFI – NUPES.
Oui !
Gardez vos remarques pour vous, monsieur Rebeyrotte : la dernière fois, vous avez été sanctionné !
Messieurs Rebeyrotte et Ménagé, s'il vous plaît !
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
Nous rencontrons des problèmes de définition et de compréhension, et je partirai du principe que ces interrogations sont de bonne foi. L'expression « soins d'accompagnement » est la traduction française d'advance care planning – un concept qui existe depuis les années 1990 dans les pays anglo-saxons. On peut penser que c'est une mauvaise traduction, mais c'est celle qui a été retenue.
Le texte distingue les soins d'accompagnement, structurés autour d'un triptyque – prévenir, soulager, réduire – des soins palliatifs, lesquels apportent soutien et confort au patient. Les soins palliatifs ont donc pour but de soulager la douleur et d'apaiser la souffrance, tandis que les soins d'accompagnement renvoient plus spécifiquement à l'anticipation – d'où le terme advance. Voilà en somme ce qu'apporte la notion de soins d'accompagnement par rapport à celle de soins palliatifs.
L'amendement n° 3125 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 192
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue 90
Pour l'adoption 123
Contre 55
L'article 1er , amendé, est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'articel 1er .
La parole est à Mme Géraldine Grangier, pour soutenir l'amendement n° 2373 .
Nous sommes tous d'accord sur un point : la loi Claeys-Leonetti reste inégalement appliquée : on dénombre seulement 7 500 lits réservés aux soins palliatifs, et vingt et un départements sont toujours dépourvus d'unité de soins palliatifs. Le présent amendement propose d'inscrire dans la loi que l'accès aux soins palliatifs de tous et sur l'ensemble du territoire est une nécessité éthique absolue. Il réaffirme qu'il est urgent de renforcer l'accès aux unités de soins palliatifs, lesquelles sont indispensables à une fin de vie digne.
Cette exigence de couverture du territoire national figure à l'alinéa 6 de l'article 1er – j'ai fait voter un amendement en ce sens. Par conséquent, à défaut d'un retrait, j'émettrai un avis défavorable.
Défavorable.
Cet amendement permet d'en revenir à ce qui aurait dû se trouver au cœur de l'article 1
Par ailleurs, il a été dit que le risque d'euthanasie des enfants relevait d'un fantasme. Un amendement des écologistes qui allait dans ce sens a pourtant bien été déposé devant la commission spéciale. Mon « fantasme » repose donc sur quelques réalités !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 2373 n'est pas adopté.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 878 .
Il s'agit de réparer un oubli. La proposition n° 3 du rapport du professeur Chauvin, qui a préfiguré la stratégie décennale du Gouvernement, préconisait la structuration d'organisations territoriales permettant de mettre en œuvre les soins d'accompagnement sur l'ensemble du territoire. Cette proposition a été reprise dans la stratégie décennale : il s'agit de la mesure n° 20. Or elle n'apparaît pas dans le présent projet de loi. D'où cet amendement.
Vous avez bien lu le rapport Chauvin, monsieur Saint-Huile ! Il a fait l'objet d'une publication par le Gouvernement : il est donc à la disposition de chacun. Il me semble inutile d'inclure la totalité du rapport et de ses trente propositions dans le texte.
Avis défavorable.
Je comprends votre volonté d'inscrire beaucoup de choses dans la loi, mais ce que vous proposez là relève vraiment du domaine réglementaire. D'ailleurs, des textes réglementaires détermineront le contenu de la charte nationale, telle que recommandée par le rapport et qui sera déclinée sur l'ensemble du territoire. L'amendement est donc satisfait.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, j'ai lu non seulement le rapport Chauvin mais aussi la stratégie décennale du Gouvernement : l'amendement correspond à la mesure n° 20. Il est maintenu.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 115
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 64
Contre 50
L'amendement n° 878 est adopté.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 879 .
L'amendement n° 879 est retiré.
En commission spéciale, nous avons adopté, par un amendement du rapporteur, le principe d'un droit de visite pour les patients accueillis au sein des maisons d'accompagnement. Le présent amendement vise à enrichir cette mesure en rendant inconditionnel le droit de visite des proches pour les personnes recevant des soins d'accompagnement, que ce soit dans les maisons d'accompagnement ou dans les établissements de santé.
Avis défavorable : cette garantie étant effective, il n'est pas nécessaire d'y revenir.
Vous proposez d'ajouter dans la loi un article garantissant le droit de visite quotidien pour les patients pris en charge dans un établissement de santé. Je partage avec vous l'idée qu'il est nécessaire de garantir ce droit, dont la crise sanitaire que nous avons traversée a démontré la pertinence, mais la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie vient de le consacrer. Elle prévoit que les personnes prises en charge dans un établissement de santé ont désormais le droit de recevoir quotidiennement les personnes qu'elles souhaitent ; pour les personnes en fin de vie ou en soins palliatifs, un droit absolu de recevoir une visite quotidienne est reconnu, même en cas de crise sanitaire. Chaque établissement définit les conditions qui permettent d'assurer ces visites.
L'amendement étant satisfait, je vous demanderai de bien vouloir le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Vous dites que l'amendement est satisfait mais, dans la réalité, on est loin du compte ! Pour avoir passé beaucoup de temps dans les hôpitaux ces derniers temps, je peux vous assurer que les horaires de visite restent extrêmement contraignants pour les personnes qui ont une activité professionnelle ou qui ne résident pas à proximité, ce qui est le cas dans la grande ruralité. Il serait donc bon d'affirmer clairement et une fois pour toutes, dans un texte, la permanence du droit de visite.
Certaines questions se posent quand même, madame la ministre. On a le souci de développer les soins palliatifs dans un certain nombre d'institutions autres que les établissements de santé ou les établissements médico-sociaux – nous avons évoqué la création de maisons d'accompagnement qui n'auraient pas le statut juridique d'établissements de santé. Il semble légitime de se demander si le droit de visite qui a été consacré dans la loi promulguée en avril s'appliquera bien à ces structures. De même, si l'on autorise les soins palliatifs dans des unités spécialisées ou dans des lieux de privation de liberté, les visites seront-elles facilitées pour les personnes en fin de vie ?
Oui !
L'amendement n° 526 est adopté.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 2611 .
Une vingtaine de départements ne sont toujours pas dotés de centres de soins palliatifs, et un Français sur deux n'y a pas accès. Il convient d'y remédier.
Vous affirmez que vous allez développer très rapidement un nombre important de centres – de l'ordre de quatre-vingts à cent – mais nous ne savons toujours pas comment. Il me semble important de préciser que la mise en œuvre de ce dispositif sera à la charge de l'État, et non à celle des collectivités territoriales. D'où cet amendement, qui vise à indiquer que c'est le préfet qui organisera le maillage territorial des soins palliatifs.
Avis défavorable. De toute façon, l'amendement n'est pas bien placé.
Vous ne nous avez toujours pas expliqué, madame la ministre, comment vous alliez faire. Le texte dit que c'est l'agence régionale de santé qui est chargée de garantir l'effectivité de ce droit. Or je rappelle que l'ARS agit sur un territoire en relation avec les collectivités territoriales. Pourtant, il s'agit d'une compétence qui vous revient ; c'est donc à vous, par l'intermédiaire des préfets, de mettre en œuvre le dispositif.
Vous n'êtes pas claire sur la définition des soins d'accompagnement – cela fait trois jours qu'on vous le dit. Vous n'êtes pas claire sur la manière dont vous allez mettre en œuvre le dispositif de soins palliatifs. Vous n'êtes pas claire sur l'ensemble du texte. Vous créez un flou. Ne vous étonnez pas qu'ensuite, les votes ne soient pas ceux que vous espériez !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je voudrais expliquer à notre collègue comment cela va se passer sur le terrain. La délégation départementale de l'ARS, qui en est l'émanation et qui travaillera en liaison quotidienne avec elle comme c'est l'habitude et comme ce fut le cas pendant la covid…
Mme Marine Hamelet s'exclame.
Puis-je terminer, madame ?
Il y aura un lien avec le conseil départemental et avec les élus locaux, on verra comment on organise les choses, mais la responsabilité du dispositif reviendra à la délégation départementale de l'ARS, sous la responsabilité de cette dernière. Accessoirement, l'ARS, c'est l'État ! Les politiques de santé sont centralisées et placées sous l'autorité d'un ministre.
L'amendement n° 2611 n'est pas adopté.
L'article 1er
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Combien de médecins en soins palliatifs manque-t-il dans notre pays ? 400 ; combien de patients meurent quotidiennement sans pouvoir bénéficier de ces soins palliatifs ? 500 ; combien de Français auraient besoin de ces soins ? 400 000. Or on estime que 30 % à 50 % d'entre eux n'y ont pas accès. Comment le corps médical, à qui revient la charge de présenter les solutions possibles au patient et à sa famille, pourrait-il remplir décemment cette lourde tâche si les moyens qui lui sont donnés ne sont pas à la hauteur ?
Le présent article, qui garantit un droit d'accès aux soins palliatifs, prévoit une voie de recours devant la juridiction administrative, afin que soit ordonnée la prise en charge. De prime abord, on ne peut que saluer cette disposition – mais avec quels moyens et quels effectifs l'État parviendra-t-il à garantir ce droit ?
De même, comment fixer par décret le délai au-delà duquel le patient pourra avoir recours à la justice, alors qu'une simple consultation dans un centre antidouleur peut nécessiter des mois d'attente et qu'obtenir une place dans une unité de soins palliatifs se révèle parfois impossible ?
De telles dispositions, pour encourageantes qu'elles soient, ne peuvent rien contre les faits : nos soignants n'ont pas les moyens de répondre aux besoins de tous les patients mourants. Quelle situation épouvantable ! La solution serait de développer la possibilité pour les patients de se voir délivrer les soins palliatifs à domicile – mais ce n'est pas l'option idéale, vu le manque de médecins traitants, surtout formés, d'infirmiers, voire de bénévoles, qui œuvrent dans l'ombre auprès des patients et de leurs familles.
Néanmoins, le groupe Rassemblement national défendant le respect de la dignité humaine, nous sommes favorables à l'application de cette disposition et voterons pour l'article.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cet article est très important et les votes à venir seront cruciaux. En commission, il a été décidé d'instaurer dans notre pays un droit aux soins palliatifs opposable. Il s'agit d'une grande victoire à mes yeux et à ceux des membres du groupe La France insoumise.
Pour essayer de convaincre les récalcitrants et éclairer nos concitoyens qui cherchent à comprendre nos débats, je voudrais revenir sur les contre-arguments qui ont été avancés.
Vous affirmez qu'un droit opposable ne sert à rien car il ne permettrait que d'ester en justice – mais c'est déjà ça ! C'est une avancée par rapport à la situation actuelle.
Ensuite, cela signifie que les personnes dont la dignité n'est pas respectée devront être indemnisées. Je trouve que faire payer les responsables lorsque les gens ne sont pas respectés est plutôt une bonne chose.
Troisièmement, si les personnes qui sont éligibles aux soins palliatifs et n'y ont pas accès font condamner l'État et bénéficient d'une indemnisation, cela revient à accorder une indemnisation pour un préjudice. Aujourd'hui, ils n'ont rien. Demain, ils pourront bénéficier de quelque chose. Voilà qui permettra de rattraper un peu les franchises médicales : c'est toujours ça de pris !
Hier, madame la ministre, vous nous avez dit que cela ne servirait à rien, qu'il suffisait de voir ce qu'il en était du droit au logement opposable (Dalo) – je caricature un peu vos propos.
En effet !
Vous avez néanmoins déclaré, en vous appuyant sur ce qui existe déjà, qu'un droit opposable n'aurait pas beaucoup d'effet. Je réfute cette assertion, car le Dalo, ce n'est pas uniquement indemniser les gens, c'est aussi autoriser le tribunal administratif à ordonner la mise à disposition d'un logement ; c'est donc donner à des entités publiques le pouvoir administratif de rendre le droit effectif. Ce n'est pas parce que ce n'est pas fait que le droit ne le permet pas.
Enfin, cela permet aux gens de s'organiser. Dans l'histoire de la République française, la proclamation de droits a toujours suscité des mobilisations pour en assurer l'exercice effectif. C'est parce qu'on a reconnu des droits sociaux civiques et politiques que les gens se sont organisés pour en obtenir la concrétisation. C'est la même chose ici.
Pour toutes ces raisons, le groupe La France insoumise se battra pour conserver du premier au dernier mot, de la première à la dernière lettre, le droit opposable aux soins palliatifs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Issu de l'amendement de notre collègue Thibault Bazin, l'article 1er bis représente une victoire et fait passer un message : les soins palliatifs ne seront pas la cinquième roue du carrosse. Mettre en œuvre ce droit opposable sera bien sûr difficile – nous avons l'expérience du Dalo, que Philippe Vigier rappelait hier –, mais ce n'est pas une raison pour y renoncer, au contraire. Il permettra de presser l'État, le ministère de la santé en particulier, de consacrer à ces sortes de soins des moyens financiers et surtout humains. On m'objectera que de tels moyens n'apparaissent pas quand on claque des doigts – je le sais bien. Cela suscitera tout de même une stratégie, une volonté, et contraindra l'État à mettre ses moyens à disposition.
Il ne s'agit pas d'une aumône qu'on ferait aux malades. Si nous voulons des soins palliatifs dignes de ce nom, il faut rendre opposable le droit d'en recevoir. Nous en avons déjà débattu hier soir : l'article 1er bis le permet, qui peut rester dans le texte, si chacune et chacun d'entre nous se mobilise. L'unité sera nécessaire pour affirmer que le soin n'est pas seulement une formule sur un papier, que les vingt et un départements qui n'ont pas encore d'unité de soins palliatifs doivent en être dotés, que le plan décennal – ardente obligation ! – doit se traduire chaque année dans la loi de finances. Garant d'une telle obligation, le droit opposable rappelle que les malades sont bien ceux à qui nous pensons jour et nuit.
La loi de 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs a été une première étape. Au-delà du débat que nous aurons sur cet article 1er bis, – et quels que soient les termes finalement choisis – il me semble indispensable de garantir l'effectivité de ce droit. Nous la devons d'abord à tous les patients dont l'état requiert des soins palliatifs ; il s'agit aussi de faire respecter les dispositions que nous votons dans cet hémicycle.
Nous pouvons débattre de ce qui a été fait ou non depuis 1999, force est en tout cas de constater que la stratégie décennale qui nous a été présentée procède d'un effort inédit. Très importante, sa dimension financière est à la mesure de la situation : vingt et un départements ne sont toujours pas pourvus en USP ; la moitié des patients qui devraient en bénéficier n'ont pas recours aux soins palliatifs.
Le développement de la culture palliative en constitue cependant une seconde dimension indispensable. La recherche et la formation dans ce domaine font l'objet du troisième objectif que fixe cette stratégie. Elles permettront de réaliser un saut qualitatif – à ce sujet, je remercie les membres du Gouvernement, notamment Sylvie Retailleau, pour les engagements qu'ils ont pris, en particulier touchant les maquettes des enseignements et le DES. Vous évoquiez hier, madame la ministre, le manque d'attractivité de cette spécialisation, faute d'un tel diplôme – je souhaite vivement que nous puissions y remédier
Ces moyens financiers, inédits par leur ampleur, et le développement d'une véritable culture palliative permettront à toutes celles et ceux qui en ont besoin de recourir aux soins palliatifs.
L'article 1er bis est d'une extrême importance : il peut nous donner les moyens de concrétiser les belles déclarations que nous avons inscrites dans l'article 1er . Soyons honnêtes entre nous, mes chers collègues. Nous avons dit à plusieurs reprises : « La loi garantit ceci », « la loi garantit cela »…
Tout cela restera pure incantation à moins que des moyens ne soient alloués pour le réaliser. À cet effet, vous avez prévu, dans le présent article, de consacrer l'objectif de la stratégie décennale des soins d'accompagnement et des soins palliatifs. Inscrire dans la loi que le Gouvernement doit nous présenter tous les dix ans une stratégie décennale, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Le droit aux soins palliatifs ne sera véritablement garanti que si tous ceux d'entre nous qui souhaitent leur développement se prononcent en faveur de ces soins.
Je demande qu'on mesure ce que nous pouvons et devons faire en la matière. Pour cette raison, avec d'autres collègues, nous vous proposerons de créer une véritable loi de programmation sur les soins palliatifs. Ainsi, vous, parlementaires, aurez le dernier mot au sujet de la programmation, en partant des besoins et en dégageant les moyens, pour en assurer la répartition équitable sur le territoire.
Pourquoi les parlementaires doivent-ils s'en faire les garants ? Madame la ministre, vous avez cité les chiffres issus de la Cour des comptes, pour preuve que les moyens avaient augmenté. Une telle augmentation reste cependant suspendue à la volonté gouvernementale. Je cite le même rapport : « Après une augmentation continue au cours des dix ans précédents, les crédits du plan 2021-2024 ont enregistré une baisse de 10 millions d'euros par rapport au plan pluriannuel précédent. » Cela signifie que, faute de pouvoir vérifier si les engagements ont été tenus, nous n'avancerons pas.
Madame la ministre, peut-être vous aurai-je mal comprise, mais une de vos formules m'a heurté. En commission, alors que nous souhaitions affirmer la nécessité de garantir le droit aux soins palliatifs, vous avez dit que les promesses n'engageaient que ceux qui y croyaient.
Pour ma part, j'estime qu'en écrivant la loi, il faut fixer les objectifs de bonne foi. La loi n'est pas une promesse, elle s'applique. Il faut réellement viser l'objectif affiché et ne pas en rabattre. Tout le monde semble tomber d'accord quant à la nécessité d'inscrire des garanties dans le texte.
Le débat a renforcé ma conviction qu'il fallait des outils juridiques supplémentaires, comme le droit opposable, pour que ce droit soit effectif – ce qui est problématique, car tous les droits, par nature, devraient être opposables.
Le droit opposable, initialement créé à propos du logement et repris dans le présent article, me semble une très bonne invention, parce qu'elle constitue une injonction supplémentaire, dont les effets ne se limiteront pas à l'indemnisation : la simple existence de ce droit poussera les pouvoirs publics à faire ce qui est prévu dans la loi et à ne pas temporiser. Les gens pourront en outre s'en saisir, revendiquer ce droit, ce droit opposable.
Je crois que c'est donc un outil, qui pose une exigence supplémentaire. Lorsque l'on souffre, lorsque l'on traverse des moments excessivement difficiles, on ne peut être privé du droit à être accompagné, la société ne peut pas se retirer, ne pas être au rendez-vous. C'est un droit d'autant plus absolu qu'avec le titre II, on touche à un absolu.
M. Rodrigo Arenas applaudit.
Sur l'amendement n° 3399 , je suis saisie par le groupe Écologiste-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 3374 ainsi que sur les sous-amendements n°
Sur les sous-amendements n°
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l'amendement n° 3399 , visant à supprimer l'article 1er bis .
L'article 1er
Nous pourrions proposer, par des amendements à cet article, des droits opposables pour toutes les causes, justes ou injustes. Nous constaterions qu'il s'agit d'une volonté de papier, qui n'apporte rien à nos concitoyens – ils nous le disent.
Notre véritable travail consiste à rendre ce droit effectif, PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) après PLFSS, et en contrôlant l'action du Gouvernement.
Du fait de cette opposition de principe, je propose donc la suppression de l'article.
Nous avons eu ce débat en commission spéciale et nous avons entendu tout à l'heure qu'il ne fallait pas se payer de mots, mais agir concrètement. En publiant une stratégie nationale, le Gouvernement s'engage à consacrer les moyens nécessaires pour faire de l'accès aux soins palliatifs et aux soins d'accompagnement une réalité.
En vingt ans, on a pu constater le peu d'effet du Dalo et en faire, tous ensemble, le bilan : proclamer un droit ne suffit pas. Monsieur Dharréville, vous avez parlé d'absolu – à juste titre. Mais si on veut en faire quelque chose de concret, il faut des moyens, des inscriptions budgétaires.
J'émettrai donc un avis défavorable au droit opposable. En effet, qui dit droit opposable dit possibilité de recours : je vous laisse imaginer la situation des personnes en fin de vie, atteintes d'une maladie incurable et affligées d'une souffrance difficile, voire impossible à soulager, qui voudraient saisir des tribunaux affichant des délais compris entre huit mois et deux ans et demi pour instruire une affaire.
Concernant la fin de vie, il faut nous concentrer sur l'effectivité : l'augmentation des moyens, des lits identifiés soins palliatifs, tant à l'hôpital qu'à domicile, voilà ce dont il faut parler et ce que propose notre stratégie nationale.
Je suis donc favorable à l'amendement de suppression.
Je reprends à mon compte ce qu'a dit M. Dharréville : la loi fixe l'objectif. Je suis désolée si mes propos ont pu le heurter, car mon idée était bien de faire de l'accès aux soins palliatifs un droit effectif. Or chacun sait que seul le PLFSS donnera sa pleine effectivité à la loi en discussion, en allouant chaque année le budget nécessaire pour déployer la stratégie nationale des soins palliatifs. Ainsi le veulent les institutions organisant le fonctionnement de notre pays.
M. Philippe Gosselin proteste.
J'entends bien que vous ne cherchez pas à judiciariser la question. Il faut cependant dire les choses comme elles sont : le droit opposable permet la saisine d'un juge administratif, lequel enjoindra qu'on accorde une prise en charge au plaignant. Telle est la première issue d'une saisine – sachant bien que nous parlons là d'une personne souffrant d'une pathologie extrêmement grave puisqu'elle cherche à recevoir des soins palliatifs.
Le juge administratif pourra en outre constater la carence des pouvoirs publics, engager leur responsabilité et ordonner une prise en charge. Que se passera-t-il s'il n'y a pas de place à proximité ? Il condamnera les pouvoirs publics à réparer le préjudice, en versant une somme d'argent : je ne suis pas certaine que ce soit ce que cherche la personne qui souffre.
Autrement dit, il s'agirait d'une procédure juridictionnelle longue alors que l'état pathologique des patients impose d'agir en urgence. À mon tour, je citerai un rapport de la Cour des comptes sur le Dalo : « L'intervention du juge ne permet pas d'agir sur le principal levier, l'offre de logement. » En l'occurrence, le levier sur lequel il nous faut agir est le nombre de places de soins palliatifs.
Cela vous étonne, monsieur Le Fur, mais vous avez refusé de voter la stratégie décennale. Ne demandez pas d'en accélérer la mise en œuvre. Assumez votre vote, et ne demandez pas de rendre effectif ce que vous n'avez pas voté ! La main sur le cœur, c'est bien, mais la cohérence, c'est mieux ! Avis favorable.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Ne caricaturons pas ce qui est proposé, mes chers collègues. L'article 1er bis vise à donner aux agences régionales de santé la responsabilité de garantir l'effectivité du droit d'accès à des soins palliatifs, « à toute personne dont l'état de santé le requiert ». Cela ne vient pas de nulle part : cela fait suite aux travaux de la mission d'information sur l'évaluation de la loi Claeys-Leonetti, auxquels nous avons participé.
Beaucoup de choses ont été dites à ce propos et il m'est apparu nécessaire que nous changions de paradigme : il faut que les soins palliatifs ne soient plus une option pour ceux qui pilotent la réponse aux besoins des patients. L'objectif est de dissuader les responsables du pilotage des soins d'arbitrer en défaveur des soins palliatifs, en orientant toujours les moyens vers le curatif.
Les auditions menées dans le cadre de la mission d'information que je viens d'évoquer et le rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des soins palliatifs ont mis en avant les arbitrages effectués par des responsables d'établissements, qui n'ont parfois pas utilisé les crédits dont ils disposaient pour faire fonctionner des USP. Des lits ont été gelés parce que les moyens ont été concentrés sur le curatif ! Dans mon département de Meurthe-et-Moselle, nous avions la chance de disposer d'un réseau de soins palliatifs et de prise en charge de la douleur, fonctionnant grâce à un binôme médecin-infirmier qui se rendait au domicile des patients – la file active comptait un demi-millier de patients. Ses fonds ont été complètement annulés par l'ARS, et le réseau a disparu.
Quand une personne a un accident, notre système de protection sociale s'oblige à le secourir : on ne rétorque pas qu'il manque des lits ou qu'il manque des moyens ! Ne pourrait-on pas adopter la même logique…
…quand une personne a besoin de soins palliatifs ? Notre système de santé doit être dans l'obligation de les lui prodiguer. Sinon, les mesures que nous avons adoptées à l'article 1er ne seront pas suivies d'effets ; or c'est bien ce que nous souhaitons éviter.
Mes chers collègues, plutôt que de supprimer cet article, améliorez-le ! L'idée est vraiment de responsabiliser l'administration dans ses choix…
…et dans le pilotage des moyens donnés par l'ARS aux établissements, de manière que les soins palliatifs deviennent une réalité sur l'ensemble du territoire et pour tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il n'a été question que de la Convention citoyenne, et pas du tout de la mission d'information !
Cela ne vous surprendra pas : je soutiens l'amendement de Nicolas Turquois.
Je le soutiens pour une raison simple et je le dis à Hadrien Clouet, puisque nous essayons d'accomplir un travail collectif transpartisan sur l'accès aux soins : avez-vous pensé, ne serait-ce qu'une seconde, à ce que nous devrions faire si un droit opposable aux soins palliatifs était instauré ? Il faudrait créer un droit opposable aux consultations médicales, à l'accès aux soins ! Mais enfin, avez-vous vu la situation du pays ?
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous, Les Républicains, qui ne voulez jamais la moindre des régulations – vous vous êtes opposés à toutes les lois de régulation –, voilà que vous voulez créer un droit opposable ?
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Je voudrais que l'on pense une seconde aux patients qui nous regardent. Le déploiement des soins palliatifs a été une avancée considérable, madame la ministre. On peut toujours demander plus et je suis bien placé pour vous le dire – Olivier Marleix, qui est là, peut en témoigner : dans notre département d'Eure-et-Loir, il n'y a pas d'équipe de soins palliatifs fixe – il ne dira pas le contraire. Pardon, mais créer un droit opposable aux soins palliatifs, c'est s'exposer à ce qu'à l'avenir certains disent que nous avons été incapables de le garantir, parce qu'il y aura toujours un endroit où ils ne seront pas accessibles.
Alors je vous dis : chiche ! Allez-y, créez aussi un droit opposable à l'accès aux soins partout sur le territoire ! Monsieur Gosselin, nous verrons si vous défendez ce type d'amendement dans l'hémicycle, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale !
Franchement, ça ne tiendra pas une seconde, et vous le savez. Alors de grâce, essayons d'être un peu réalistes : alors que nous n'avons jamais mis autant d'argent sur les soins palliatifs, la déception n'en sera que plus grande ! Nous n'avons pas le droit de faire ça aux malades ; nous le leur devons et ils nous regardent !
Je rappelle qu'un seul orateur pourra s'exprimer pour chaque groupe. Je vous remercie de vous entendre entre vous.
Je le sais, mais il faut fixer des limites. Merci, monsieur Bazin, de bien vouloir cesser de créer la discorde.
La parole est à M. René Pilato.
Madame la ministre, vous n'étiez pas ministre de la santé à ce moment-là, mais nous avons connu des déconvenues à propos du dernier PLFSS. Quand on aime, on ne compte pas : nous, nous n'avons pas aimé les 49.3 et il y en a eu dix-neuf. Je tenais à le rappeler.
J'ajoute que nous en sommes au moment le plus important de l'examen du texte. Pourquoi ? Parce que c'est cet article qui va donner sa pleine puissance et sa crédibilité à tout le reste. Nous devons non seulement garantir l'accès aux soins palliatifs à tous les Français sur tout le territoire, mais aussi obliger le Gouvernement à déployer les moyens lui permettant de tenir sa parole, afin de conforter le titre II du projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également.
J'invite vraiment tout le monde à prendre conscience de l'importance de ce moment : si nous voulons être crédibles, nous devons effectivement créer un droit opposable aux soins palliatifs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je veux dire avec beaucoup de solennité et de gravité que si d'aventure l'article 1
Je vous le dis, madame la ministre : si vous nous privez de ces outils-là, alors votre article 1
…mais je suis surtout et d'abord favorable au développement des soins palliatifs, et pas uniquement par des pétitions de principe et des incantations telles qu'en comporte l'article 1er , mais par des moyens concrets dont nous pourrons, nous, parlementaires, être garants.
Vraiment, madame la ministre, si vous voulez que le débat se développe sereinement, ne nous privez pas de la suite des discussions en supprimant cet article ; ne nous privez pas de la possibilité de créer une loi de programmation sur les soins palliatifs, parce que c'est le seul moyen de garantir leur déploiement sur le territoire national.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet et M. Philippe Gosselin applaudissent également.
Je considère moi aussi que la suppression de cet article serait un recul grave par rapport aux décisions qui ont été prises en commission. C'est un reproche qui vous a déjà beaucoup été fait : vous dites qu'il n'est pas possible d'introduire ce droit opposable, du fait des moyens budgétaires qui seraient nécessaires à son application. Mais enfin, de toute évidence, il faut les deux ! Personne ne pense qu'il suffira d'écrire dans la loi que le droit est opposable, sans s'occuper de rien ensuite ! L'argument que vous opposez à cet article nécessaire me semble donc assez faible.
Ensuite, cher collègue Vigier, vous avez indiqué qu'à ce compte-là il faudrait créer un droit opposable aux consultations médicales. Or la sécurité sociale doit déjà proposer un médecin traitant à ceux qui n'en ont pas : elle a une obligation, de ce point de vue ,
M. Hadrien Clouet applaudit
qui n'est d'ailleurs pas toujours effectivement honorée.
Madame la ministre, vous avez décrit les effets que pourrait avoir ce droit opposable – vous avez bien fait de présenter les choses ainsi, car ce n'avait pas été fait jusqu'alors : le juge pourrait prononcer une injonction à l'égard de la puissance publique. C'est justement le premier effet qui nous intéresse ! Une personne qui en a besoin pourrait saisir le juge qui prononcerait une injonction, afin que sa demande, ainsi renforcée, soit étudiée sérieusement et prise en compte. Voilà un effet puissant du droit opposable !
Enfin, vous voulez rassurer en disant que le titre II, relatif à l'aide à mourir – c'est un argument dont nous pourrons discuter, mais je l'ai entendu dans la bouche de certains –, donnera accès au suicide assisté. Pour moi, la meilleure manière de rassurer, ce serait de créer un droit absolu et effectif aux soins palliatifs.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Nous avons voté l'article 1er , qui témoigne de notre engagement en faveur des soins d'accompagnement et des soins palliatifs. La ministre a annoncé une stratégie décennale qui, comme toutes les mesures de financement, sera intégrée au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale – et aux suivants. Il serait tentant de conserver ce droit opposable : puisque nous nous sommes engagés, dans l'article 1
Mais en pratique, sur le terrain, comment s'exercerait un tel droit ? Pourquoi, alors, ne pas créer un droit opposable à tous les autres soins ? Tous les autres soins devraient être des droits opposables ! Cependant, nous savons tous que la santé n'est pas une science exacte et nous connaissons tous les difficultés relatives à certains parcours, l'urgence de certaines situations ou les complexités qui se font jour dans certains établissements. On sait quel est l'état de notre système de santé !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Inscrire dans la loi un droit opposable, c'est facile, c'est démagogique,…
…mais ça ne changera rien ! Ce qui est important, c'est l'engagement qui se concrétisera dans le budget de la sécurité sociale.
Je peux comprendre le besoin de rassurer, et l'amendement n° 3374 de M. Lauzzana me semblait d'ailleurs intéressant, parce qu'il ne conservait, au présent article, que ce qui avait été introduit en commission par l'adoption de l'amendement n° CS1331 de notre collègue Christophe Marion, à savoir la définition d'une stratégie décennale des soins d'accompagnement. C'est vraiment la mesure consistant à créer un droit opposable qui pose problème, parce qu'elle pourrait entraîner d'autres difficultés qui se répercuteraient sur tous les autres types de soins ; en outre, l'adopter serait mentir à tous les Français.
« Aucun argument ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
On connaît le principe : comparaison n'est pas raison. Le raisonnement consistant à dire que la réussite mitigée du droit au logement opposable emporterait l'échec du droit opposable aux soins palliatifs me paraît un peu spécieux. L'avantage du Dalo, c'est qu'il a contraint les opérateurs du logement social à réserver systématiquement, dans leurs programmes de construction, des logements aux ménages Dalo.
C'est faux !
On voit bien l'effet bénéfique de ce fameux droit opposable ! L'idée qui sous-tend la création d'un droit aux soins palliatifs opposable, c'est d'améliorer l'offre de prise en charge en la matière : parmi l'éventail des soins administrés à nos concitoyens, ils devront désormais être proposés de manière prioritaire.
D'autre part, vous avez avancé l'argument de la judiciarisation. Mais madame la ministre, une procédure en référé ne dure pas huit mois !
Je n'ai pas dit « huit mois », j'ai dit « des mois » !
Non, dans le cadre d'un référé, surtout en matière administrative – ceux qui ont pratiqué le référé liberté le savent –, la décision est connue dans les vingt-quatre heures. À partir du moment où l'on est capable de démontrer qu'une place en soins palliatifs qui pourrait être proposée à un patient ne l'a pas été, il faut lui laisser la possibilité de recourir au juge administratif en la forme des référés, afin que la place soit libérée.
Enfin, concernant le caractère prioritaire des soins palliatifs, nous ne faisons que revenir à l'esprit de votre projet de loi, madame la ministre. Si vous avez décidé de consacrer le titre I
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Discutons-nous d'un projet de loi sur la fin de vie ou bien sur l'aide à mourir ? Voilà l'enjeu. Instituer un droit opposable aux soins palliatifs, c'est faire une grande loi sur la fin de vie. Les formulations que vous aviez retenues dans la version initiale du projet de loi étaient tout à fait insuffisantes. Ainsi du verbe « permettre » : au moment où nous légiférons sur l'aide à mourir, on ne peut pas dire aux personnes concernées qu'on va leur « permettre » d'accéder aux soins palliatifs ! C'est un engagement bien trop faible par rapport au droit que nous nous apprêtons à autoriser au titre II.
Madame la ministre, vous avez respecté les débats qui se sont tenus en commission spéciale. Nous vous avons adressé des remerciements à cet égard, car cette attitude n'est pas si courante chez les ministres de ce gouvernement, pas plus qu'elle ne l'était chez ceux des gouvernements précédents.
Or ici, en supprimant le droit opposable aux soins palliatifs, vous passeriez en force. Je vous invite à considérer ce droit opposable comme un élément indispensable à l'équilibre du projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale. Nous procéderons ensuite au scrutin.
Je souscris à l'idée de supprimer du texte le droit opposable aux soins palliatifs, pour les raisons évoquées à l'instant par Philippe Vigier et Stéphanie Rist. Notre volonté à tous, conformément à ce qui est dit et répété depuis des années, est de garantir dans la loi l'accès aux soins palliatifs. Toutefois, nous devons expliquer à nos concitoyens que rendre opposable le droit à ces soins ne serait pas raisonnable ; le dispositif ne serait pas applicable.
Le présent amendement de M. Turquois tend à supprimer l'article 1er bis, tandis que l'amendement suivant, le n° 3374 de M. Lauzzana, vise à en supprimer uniquement les alinéas relatifs à la procédure de judiciarisation, autrement dit au droit opposable aux soins palliatifs. À titre personnel, je pense que l'amendement de M. Lauzzana va dans le sens de ce que nous souhaitons collectivement faire : supprimer ce droit opposable, tout en maintenant la mention, dans la loi, de la stratégie décennale des soins d'accompagnement, qui est une mesure importante. Il me semble représenter un bon compromis, en faveur duquel nous pourrions tous voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Exclamations sur divers bancs.
Exclamations vives et prolongées sur de nombreux bancs.
Elle est de droit, mais j'ai lancé la procédure de vote. Mme Pouzyreff a demandé une suspension de séance, j'ai proposé de la faire après le vote, elle m'a dit qu'elle était d'accord. Dont acte.
Soyez raisonnables et de bonne foi. J'ai mis aux voix l'amendement n° 3399 ; je suspendrai la séance ensuite.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 164
Nombre de suffrages exprimés 163
Majorité absolue 82
Pour l'adoption 38
Contre 125
L'amendement n° 3399 n'est pas adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES, LR et SOC.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement n° 3374 .
Je soutiens l'amendement de M. Lauzzana, adopté par la commission spéciale réunie en application de l'article 88. Comme je l'ai indiqué avant la suspension de séance, il conforte ce que M. Turquois souhaitait faire, c'est-à-dire retirer du texte le droit opposable aux soins palliatifs et le risque de judiciarisation afférent, tout en confirmant notre volonté commune, réitérée à de nombreuses reprises, d'inscrire dans la loi la stratégie décennale des soins palliatifs.
L'amendement de M. Lauzzana supprime deux alinéas de l'article 1er bis sans supprimer l'article lui-même. Notre souhait à tous est de faire en sorte de garantir l'accès de tous aux soins palliatifs partout sur le territoire – c'était l'objet du premier amendement adopté lors de nos débats. Pour ce faire, nous inscrivons dans le marbre de la loi que la stratégie décennale de soins palliatifs devra être présentée au Parlement. Tel est le sens de cet amendement.
Le présent sous-amendement a pour objet de rétablir la rédaction de l'article L. 1110-9 du code de la santé publique selon laquelle « toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». Ce droit fondamental, établi depuis longtemps, serait donc maintenu, contrairement à ce que prévoit l'amendement de M. Lauzanna.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 3453 .
Ce sous-amendement me donne l'occasion de m'opposer résolument à l'amendement de M. Lauzzana, qui n'est rien d'autre qu'une version allégée – on pourrait parler de « canada dry » – de l'amendement de M. Turquois.
Ces deux amendements visent à empêcher l'inscription dans la loi d'un droit opposable aux soins palliatifs, droit auquel nous sommes favorables. Si les soins palliatifs ne sont pas suffisamment développés et ne sont pas offerts aux personnes qui souffrent, le risque est grand qu'elles aillent vers une demande de mort, ce que nous ne souhaitons pas.
Le droit aux soins palliatifs doit donc être effectif, c'est-à-dire opposable. Les administrations sont ainsi faites qu'elles ont peur des juges. En cas de risque judiciaire, elles sont plus attentives à leurs devoirs. Notre souci est de faire en sorte que les ARS fassent de la création et du maintien des unités de soins palliatifs une priorité.
Pour toutes ces raisons, ce serait une erreur d'adopter l'amendement n° 3374 .
Nous sommes au cœur du débat. L'amendement de M. Lauzzana vise à supprimer le droit opposable aux soins palliatifs. Nous vous proposons au contraire de préciser que la stratégie décennale ne se contente pas de « permettre » à toute personne malade dont l'état le requiert d'accéder à des soins d'accompagnement, dont des soins palliatifs, mais qu'elle vise à « garantir un droit opposable à l'accès à ces soins ».
Ainsi, contrairement à M. Lauzzana, nous ne supprimons pas l'alinéa ayant introduit le droit opposable aux soins palliatifs ; nous le rétablissons. Notre sous-amendement manifeste la volonté de disposer, avec le droit opposable, d'un outil permettant de faire vivre les soins palliatifs. Nous présenterons ultérieurement des amendements destinés à allouer les moyens financiers nécessaires au déploiement de ces soins sur le territoire.
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir le sous-amendement n° 3441 .
L'amendement Lauzzana supprime le droit opposable aux soins palliatifs. Nous le rétablissons avec ce sous-amendement, de manière à ce qu'il soit inscrit dans la version finale de l'article, conformément à ce qui avait été voté par la commission.
Il s'agit d'un sous-amendement de repli. Il vise à passer de la mention d'un droit opposable à la « garantie » d'accès aux soins palliatifs.
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir le sous-amendement n° 3439 .
Madame la ministre, vous nous avez parlé à plusieurs reprises d'une stratégie décennale des soins d'accompagnement définie par le Gouvernement. Elle est visée à l'alinéa 4 de l'article 1er bis . Vous devriez donc être attachée à cette rédaction ! Nous vous proposons de le conserver en nous opposant à l'amendement de M. Lauzzana, qui s'inscrit dans la logique de l'amendement de M. Turquois que nous venons de refuser. Conservons votre logique des dix ans… Vous souriez mais la contradiction est de votre côté !
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements et l'amendement ?
Je serai synthétique : avis défavorable sur les sous-amendements de M. Le Fur ainsi que sur les sous-amendements n° 3440 et 3441 ; avis de sagesse pour les deux sous-amendements identiques n° 3425 et 3439 . Avis favorable à l'amendement n° 3374 de M. Lauzzana, sous-amendé par le sous-amendement n° 3445 .
Même avis que le rapporteur.
Madame la présidente de la commission spéciale, vous déclarez être favorable à l'inscription dans la loi d'une stratégie décennale des soins palliatifs. Cela va à l'encontre du droit opposable dont nous venons de voter le maintien.
Le droit opposable correspond à une obligation, accompagnée d'une sanction lorsqu'elle n'est pas respectée. La majorité n'a pas toujours été hostile aux obligations et aux sanctions ; en 2022, lors de l'examen de la loi relative au fonctionnement du marché du travail, elle était même plutôt favorable au fait de sanctionner les personnes privées d'emploi qui ne respectaient pas leurs obligations. Mais ici, les obligations et les sanctions concernent l'État, donc vous les refusez !
Nous voterons bien sûr contre l'amendement de M. Lauzzana et nous restons attachés au droit opposable. Vous ne voulez pas du droit opposable car vous savez que l'État n'a pas alloué les moyens suffisants pour garantir à tous l'accès aux soins palliatifs.
Votre stratégie décennale est insuffisante. Même dans dix ans, les soins palliatifs ne seront pas accessibles à tous !
Personnellement, je pense que l'amendement de M. Lauzzana est assez pertinent. Il permet en effet de retirer la difficulté liée à l'introduction d'un droit opposable, susceptible, ainsi que Stéphanie Rist l'a exposé, de mettre en péril jusqu'au développement des soins palliatifs.
Je pense, comme mon collègue Christophe Marion, qu'il faut, au minimum, que soit inscrite dans la loi la stratégie décennale.
Je remercie le rapporteur d'avoir donné un avis de sagesse sur les sous-amendements identiques qui réintroduisent l'idée de garantie que nous avions adoptée dans le titre Ier et dans l'alinéa 6 de l'article 1
Je voterai pour l'amendement de M. Lauzzana, le sous-amendement du rapporteur Martin et le sous-amendement de Mme Rousseau.
Pour notre part, dans le même esprit que lors de notre vote précédent, nous nous opposerons à cet amendement en l'état, et voterons les sous-amendements. Selon nous, il est nécessaire de garantir un droit opposable aux soins palliatifs. C'est une condition absolue de la crédibilité, de la sérénité et de la légitimité avec laquelle nous devrons défendre ensuite l'aide à mourir. Celle-ci en effet doit résulter d'un choix et non d'une contrainte, d'une volonté et non du fait que le malade n'ait pu recevoir les soins palliatifs qu'il souhaitait.
Il est donc très important de garantir ce droit opposable pour avancer dans nos débats avec tranquillité et confiance.
Je m'inquiète de voir que nos collègues réduisent ces discussions à un débat budgétaire, parce qu'ils ont prévu des coupes dans le budget de l'hôpital et de la santé publique et qu'ils savent que les contraintes imposées par l'Union européenne et M. Le Maire empêcheront la stratégie décennale, dont ils annoncent la mise en œuvre et que nous soutenons, de garantir l'accès effectif aux soins palliatifs.
Voilà pourquoi ce droit opposable aux soins palliatifs est aussi, en quelque sorte, un droit opposable du Parlement aux 49.3 et aux coupes budgétaires que vous voulez opérer dans les dépenses de santé !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame la ministre, en commission spéciale, notre collègue Thibault Bazin avait défendu l'amendement qui a introduit le droit opposable aux soins palliatifs en insistant sur la nécessité de donner des garanties.
Il y a moins de quarante-huit heures, vous avez déclaré à la presse : « Personne en France ne doit être conduit à demander à bénéficier de l'aide à mourir parce qu'il n'aurait pas eu de soins palliatifs ».
Je le répète.
Non !
Si l'on tire le fil qui met en adéquation vos déclarations avec la réalité, il est nécessaire d'inscrire le droit opposable aux soins palliatifs dans la loi. Sinon, vous êtes en contradiction avec vous-même. Ou alors, dites-nous comment concilier vos déclarations à la presse et la suppression du droit opposable. C'est un paradoxe flagrant ! D'énormes ambiguïtés subsistent dans les déclarations du Gouvernement, et cela est très inquiétant. .
M. Dominique Potier applaudit
Le principe d'un droit opposable est apparemment séduisant – nous assistons d'ailleurs à une multiplication de ces droits-créances dans une multitude de domaines –, mais je m'interroge sur sa mise en œuvre concrète. Pour qui ? À quel stade de la maladie ? À qui est-il opposable ? Devant qui doit-il être invoqué ? Quelles sanctions ?
Vous mesurez bien la complexité de ces questions. Ce droit ne me paraît pas adapté à la situation des malades. Si je regrette que l'amendement de mon collègue Nicolas Turquois n'ait pas été adopté, je voterai pour celui de M. Lauzzana.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 3445 . Pour une plus grande clarté, je propose que nous ayons recours à un scrutin public.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 145
Nombre de suffrages exprimés 143
Majorité absolue 72
Pour l'adoption 71
Contre 72
Le sous-amendement n° 3445 n'est pas adopté.
Protestations sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem.
Puisque certains disent avoir rencontré un problème technique, je vous propose de voter une nouvelle fois par scrutin public.
Exclamations et protestations sur de nombreux bancs des groupes LFI – NUPES et LR.
On ne peut pas voter tout de suite ! Des députés sont encore en train d'arriver ! C'est n'importe quoi !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 153
Nombre de suffrages exprimés 146
Majorité absolue 74
Pour l'adoption 69
Contre 77
Le sous-amendement n° 3445 n'est pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 3453 . Là encore, je propose que soit procédé à un scrutin public.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 154
Nombre de suffrages exprimés 153
Majorité absolue 77
Pour l'adoption 56
Contre 97
Le sous-amendement n° 3453 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 156
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 92
Contre 59
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 3454 , toujours par scrutin public.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 157
Nombre de suffrages exprimés 156
Majorité absolue 79
Pour l'adoption 56
Contre 100
Le sous-amendement n° 3454 n'est pas adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 159
Nombre de suffrages exprimés 158
Majorité absolue 80
Pour l'adoption 61
Contre 97
L'amendement n° 3374 n'est pas adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, LR et SOC.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra