Le traité sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, c'est-à-dire de haute mer, a été adopté à l'unanimité en juin 2023 et a été signé depuis par quatre-vingt-huit États.
Depuis l'année dernière, ce dossier avance bien. Malgré des négociations qui, à certains moments, ont pu être très tendues, l'accord a été qualifié d'historique dans le contexte de remise en cause du multilatéralisme due à la guerre en Ukraine et à la rivalité sino-américaine. On peut d'ailleurs noter qu'il s'inscrit dans un contexte dynamique et positif, marqué notamment par l'accord de Kunming-Montréal, conclu lors de la COP15 de décembre 2022, qui a, entre autres, fixé l'objectif de protéger 30 % des écosystèmes terrestres et marins d'ici à 2030.
La France et la Commission européenne ont joué un rôle moteur dans ce processus, notamment au travers de la coalition de la haute ambition sur la biodiversité BBNJ, lancée lors du One Ocean Summit organisé à Brest, et pendant la présidence française de l'Union européenne. Cinquante-deux États ont rejoint cette initiative, qui constitue un vecteur d'influence privilégié et un catalyseur en vue d'accélérer les procédures de ratification du traité qui nous est soumis. Mon groupe a bien noté que la France souhaite pouvoir annoncer, lors de la prochaine conférence des Nations unies sur l'océan, organisée à Nice en juin 2025, le dépassement du seuil des soixante ratifications indispensables à l'entrée en vigueur du traité, seuil qui doit être atteint au plus tard en février 2025.
Il faut saluer et soutenir cet accord international qui constitue indéniablement une avancée dans la protection de la biodiversité marine. Cependant, comme je l'ai signalé en commission la semaine dernière, il convient d'être attentif à sa traduction en droit interne et dans les politiques publiques nationales. Les modalités de sa mise en œuvre sont au moins aussi importantes pour son succès que les dispositions du traité lui-même. En effet, comme le souligne une étude internationale, parue le 9 mai 2024, à laquelle a participé le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), seulement un tiers des AMP dans le monde font l'objet d'une protection haute ou intégrale, de nature à préserver la biodiversité. Cela ne représente que 2,6 % de la surface totale des océans. Les scientifiques ont également mis en évidence que des activités industrielles « hautement destructrices », telle que la pêche à grande échelle, sont autorisées dans un autre tiers des AMP.
Je veux également dire quelques mots sur le mécanisme de gouvernance institutionnelle de cet accord, qui s'éloigne de la règle du consensus. À la différence des modalités traditionnelles de formalisation des positions et des règles décisionnelles des COP, basées sur le consensus, le traité innove en institutionnalisant le principe d'un vote à la majorité des deux tiers, en cas d'absence de consensus, sauf pour les questions financières et pour les créations d'aires marines protégées, où le seuil est fixé aux trois quarts.
Dans la mesure où les États devront trouver des majorités et chercher inlassablement à former des coalitions, la gouvernance entière de la conférence des parties attachée à cet accord pourrait être modifiée. C'est donc un fonctionnement institutionnel très différent de celui ayant cours dans les autres institutions ou organes internationaux qui pourrait émerger et faire évoluer l'application de l'accord de manière dynamique.
Pour toutes ces raisons et parce qu'il constitue un progrès du droit international, mes collègues du groupe Socialistes et apparentés et moi soutenons ce traité.