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Intervention de Hervé Berville

Séance en hémicycle du mercredi 29 mai 2024 à 14h00
Convention des nations unies sur le droit de la mer — Présentation

Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité :

Il y a cinquante ans, le commandant Cousteau nous alertait en ces termes : « Pour la majeure partie de l'histoire, l'homme a dû combattre la nature pour survivre ; dans ce siècle, il commence à comprendre que, pour survivre, il doit la protéger. » Protéger l'océan, préserver les écosystèmes qui sont à la base de la vie sur Terre, léguer une planète vivable aux générations futures, telle est, au fond, l'ambition du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter au nom du Gouvernement.

Nous dépendons tous de l'océan. Nous lui devons la moitié de l'air que nous respirons. Nous lui devons notre sécurité alimentaire, car il permet de nourrir plus de 3 milliards de personnes. Nous lui devons enfin la régulation du climat, car il absorbe un tiers du dioxyde de carbone que nous émettons, ce qui nous permet aussi de continuer à respirer. Vous l'avez compris, la haute mer est la pièce centrale du puzzle environnemental, donc de notre capacité collective à répondre à la triple crise du climat, de la biodiversité et des pollutions.

L'accord se rapportant à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique des zones ne relevant pas de la juridiction nationale – que je désignerai ensuite par son petit nom, traité BBNJ, pour Biodiversity Beyond National Jurisdiction – était en négociation aux Nations unies depuis près de vingt ans. S'il a pu y être adopté par consensus le 19 juin dernier, nous le devons à l'impulsion politique donnée par le Président de la République, Emmanuel Macron, lors du One Ocean Summit en 2022. Nous le devons à l'action diplomatique résolue et déterminante de la France et de l'Union européenne, ainsi qu'à la mobilisation parlementaire et citoyenne.

Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, et moi-même nous sommes battus pour faire de ce traité une priorité de notre diplomatie environnementale, car il contient des avancées décisives : premièrement, la création d'aires marines protégées (AMP) dans les eaux internationales ; deuxièmement, l'obligation de réaliser des évaluations d'impact environnemental pour toute nouvelle activité dans ces zones ; troisièmement, la création d'un système de partage juste et équitable des bénéfices issus de l'utilisation des ressources génétiques marines. La force de cet accord réside aussi dans son caractère universel et juridiquement contraignant.

En énonçant ces trois avancées, j'ai bien conscience que cela paraît désormais une évidence pour tout le monde, mais je peux vous assurer que rien n'était acquis d'avance. Tous ceux qui suivaient les discussions à ce sujet le voyaient bien, tant les parlementaires nationaux et européens – je pense notamment à Catherine Chabaud – que les acteurs de la société civile – je pense notamment à des ONG telles que Tara ou la Fondation de la mer. En effet, ces avancées sont intervenues dans un contexte géopolitique international particulièrement tendu, notamment à compter de l'invasion russe en Ukraine, et à un moment où la compétition stratégique entre les États-Unis et la Chine s'intensifiait.

En août 2022, lorsque je me suis rendu pour la première fois à New York pour participer aux négociations, rien n'était acquis ; peu d'observateurs considéraient qu'il était possible de conclure un accord dans les deux, trois ou quatre années qui allaient suivre. Si l'issue des négociations a été constructive et positive, c'est parce que, grâce à la mobilisation de notre corps diplomatique – dont je salue l'action –, du couple franco-allemand et des ONG, nous avons su démontrer que cet accord destiné à protéger la haute mer était fondamental pour la lutte contre le changement climatique et pour notre capacité à préserver la biodiversité dans son ensemble.

Dans ce contexte compliqué, nous avons pour la première fois réussi à obtenir un texte relatif aux questions environnementales qui prévoit que les décisions seront prises à la majorité qualifiée, plutôt que par consensus. Très concrètement, cela signifie qu'aucun État ne pourra plus désormais, à lui seul, bloquer une décision. Tout cela est le fruit, je l'ai dit, de nombreuses heures de discussion, jour et nuit. Pour la faire avancer, je me suis rendu trois fois à New York, notamment avec mon homologue allemande Steffi Lemke. Nous nous sommes efforcés en particulier de démontrer l'urgence qui s'attachait, dans le contexte qui était le nôtre, à la mise en œuvre du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, adopté en décembre 2022, qui vise à protéger 30 % des terres et 30 % des mers.

Je tiens à remercier très chaleureusement les équipes de la direction des affaires juridiques du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et celles du ministère de la transition écologique. Grâce à notre action conjointe, notamment au lancement de la Coalition de la haute ambition pour le traité BBNJ, composée de cinquante-deux États, nous avons su dépasser les clivages traditionnels entre le Nord et le Sud, entre les pays dits développés et les pays en développement. Nous avons joué un rôle moteur en proposant des voies de compromis entre souveraineté économique et priorité environnementale, afin de mobiliser tous les États, côtiers ou non.

Le Président de la République, je l'ai dit, avait fait de l'océan l'un des piliers de la diplomatie environnementale. Dès lors, dans toutes nos relations bilatérales, nous avons fait de l'aboutissement du traité BBNJ une priorité. J'en donne deux exemples. Lors de sa visite d'État aux États-Unis, le Président de la République a fait de la protection des océans l'un des enjeux forts de la diplomatie bilatérale environnementale. Plus récemment, nous avons signé avec la Chine une feuille de route intitulée « De Kunming-Montréal à Nice », qui place la protection des océans, autrement dit de 50 % de la planète, au cœur de la relation bilatérale.

Cette mobilisation bilatérale, européenne, multilatérale et citoyenne avait un objectif clair : préserver l'océan face aux pressions qui le menacent, à savoir le dérèglement climatique – sachant que l'océan régule à 90 % l'excès de chaleur dans l'atmosphère –, la dégradation de la biodiversité marine – celle-ci constitue un véritable continent caché, encore largement méconnu et sous-estimé – et toutes les formes de pollution. Il s'agissait de nous donner les moyens de prévenir juridiquement les pollutions chimiques industrielles et plastiques dans les eaux internationales.

Face à toutes ces menaces, l'accord nous fournit, enfin, des réponses opérationnelles. Pour le moment, il faut le dire, la haute mer n'est ni suffisamment régulée ni réellement protégée. Grâce au texte dont vous vous apprêtez à autoriser la ratification, toute entreprise qui souhaitera opérer dans les eaux internationales devra se soumettre à des évaluations d'impact menées par l'État dont elle dépend. Nous pourrons ainsi prévenir toute forme de pollution ou de dommage aux écosystèmes marins, en appliquant strictement le principe pollueur-payeur.

De la même manière, nous allons pouvoir créer de premières AMP en haute mer, en prenant en considération des critères tels que la santé des écosystèmes, les routes migratoires des cétacés ou encore la préservation des ressources halieutiques. Sur ce point, la science est formelle : les AMP constituent l'un des outils les plus efficaces dont nous disposons pour permettre à l'océan et à ses écosystèmes de se régénérer, d'accroître leur résilience, de continuer à nous nourrir

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