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Intervention de Michel Guiniot

Séance en hémicycle du mercredi 29 mai 2024 à 14h00
Convention des nations unies sur le droit de la mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Guiniot :

Je sais que ce serait plus long, mais ce serait français.

L'accord que nous examinons aujourd'hui vise à élaborer un instrument juridiquement contraignant en vue de la conservation et de l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas des juridictions nationales. En somme, nous nous apprêtons à réglementer ce qui n'appartient à personne, afin d'en faire un bien commun juridiquement protégé. Pour ce faire, l'article 1er établit que seuls les États souverains et les unions régionales d'États prennent part à l'accord, ce qui exclut de fait les organismes non étatiques des entités consultées, mais non des parties prenantes.

De façon globale, il s'agit d'un enjeu crucial, qui appelle quelques réserves. Tout d'abord, dans le préambule de cet accord, l'Assemblée générale des Nations unies considère, au sixième alinéa, « qu'il importe de contribuer à l'avènement d'un ordre économique international juste et équitable dans lequel il serait tenu compte des intérêts et besoins de l'humanité tout entière ». Drôle de façon d'aborder le droit de la mer !

Le principe pollueur-payeur, louable par sa définition, est seulement évoqué dans les orientations prévues à l'article 7 de l'accord. Selon ce principe, seuls les vrais pollueurs des océans seront condamnés financièrement. Je regrette toutefois qu'il ne soit que théorique.

S'agissant de l'article 14 relatif au partage juste et équitable des avantages, on peut également s'interroger sur la pertinence du partage des avantages monétaires découlant de la commercialisation du séquençage numérique des ressources génétiques marines au profit des États côtiers d'Afrique, ou encore sur le partage des technologies marines avec les pays en développement sans littoral. L'esprit de l'accord n'est-il pas de protéger le patrimoine, ses habitants historiques, les espèces maritimes, plutôt que d'accroître le patrimoine de ceux qui ne participent pas ou ne peuvent participer aux grandes aventures maritimes ?

Je rejoins les propos du rapporteur sur les moyens de surveillance et de contrôle. Pour que l'accord soit respecté, on ne peut concevoir la création d'une police des mers qui patrouillerait sur des millions de kilomètres carrés, et s'apparenterait à un tigre de papier. Pour rendre possible la surveillance prévue à l'article 35, la coopération technologique visée dans la partie V devra donc inclure, bien évidemment, une coopération sécuritaire.

Enfin, le cœur de mes réserves a trait à la partie V, ayant pour objet le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines. L'intention en est donnée par l'article 40, qui prévoit que les parties s'entraident en vue de réaliser les objectifs de l'accord. Toutefois, au point 3 de l'article 41, il est précisé que « les parties veillent à ce que le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines ne soient pas soumis à de lourdes exigences en matière d'établissement de rapports. » De même, au point 2 de l'article 43, il est établi que le transfert de technologies doit se faire à des conditions justes. Puis il est précisé que, dans le cadre de la croissance des pays en développement, le transfert de technologies pourra avoir lieu dans des conditions favorables et préférentielles.

Est-ce à la France, héritière d'une tradition maritime qui remonte à l'Antiquité, précurseur des développements technologiques maritimes au point d'en faire rêver Jules Verne, de transférer ses technologies à des pays qui ne se sont jamais vraiment investis dans l'univers marin ? Le travailleur français verra-t-il donc l'État percevoir 50 % de la richesse qu'il produit et la dépenser dans l'achat de matériel qui ne profitera pas à la société française à laquelle il contribue ? Avons-nous bénéficié de conditions préférentielles pour le développement du spatial ? Non, et nous sommes pourtant la troisième puissance spatiale malgré notre investissement tardif.

Au point 5 du même article, il est indiqué que les technologies marines transférées doivent être, « dans la mesure du possible, fiables, d'un coût abordable, […] respectueuses de l'environnement ». N'est-ce pas une perte de souveraineté que de brader notre savoir-faire et nos technologies à des pays qui, parfois sous la houlette de grandes puissances, agissent contre notre intérêt ? Ces technologies participent pourtant de notre rayonnement et de nos outils de productions, et ces bénéfices ne passeront pas par d'autres pays. À nouveau, l'objectif de l'accord est de protéger efficacement l'environnement marin, non d'attribuer nos fleurons technologiques chèrement payés.

L'article 48 suscite également quelques questionnements. Il s'intitule : « Transparence ». Cependant, il n'impose pas cette dernière, mais se contente de la favoriser. De même, les réunions sont publiques, mais aussi ouvertes aux personnes autorisées, donc d'accès restreint et pas complètement publiques ! Il est également précisé que le règlement intérieur de la conférence des parties prévoit que les représentants d'États non parties à l'accord, ou d'ONG, ont accès « en temps utile » à toutes les informations pertinentes. Il n'y a rien de moins transparent que les dispositions de cet article !

La conférence des parties sera notamment financée par des crédits français et verra les technologies élaborées par certains pays…

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