La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 1249 rectifié , portant article additionnel après l'article 11.
La parole est à Mme la ministre des solidarités et des familles, pour soutenir l'amendement n° 1249 rectifié , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
Suite aux bien malheureuses malversations financières d'Orpea qui ont conduit à la rédaction de ce texte, le Gouvernement s'est engagé de longue date à ce qu'une fraction des bénéfices des Ehpad privés lucratifs soit automatiquement consacrée au financement d'actions en faveur de l'amélioration du bien-être des résidents. Cet amendement vise à concrétiser l'engagement pris par les Ehpad privés à but lucratif après le scandale – engagement que je salue. Il ne s'agit pas d'opposer des modèles économiques, mais bien de garantir qu'ils n'obèrent pas la qualité d'accueil des résidents.
Sur le sous-amendement n° 1390 rectifié , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir le sous-amendement n° 1376 .
Lors de nos débats d'hier, qui se sont déroulés dans une ambiance tout à fait constructive, nous vous avons demandé à de nombreuses reprises, madame la ministre, d'inscrire dans cette proposition de loi votre engagement à présenter en 2024 la fameuse loi de programmation sur le grand âge que nous appelons tous de nos vœux – preuve en est l'adoption unanime d'un amendement en ce sens en avril dernier. Juste avant que la séance ne soit levée, vous nous disiez qu'au-delà de la stratégie interministérielle consacrée au bien vieillir que vous avez présentée vendredi dernier et de vos paroles fortes dans la presse, notre demande trouverait un prolongement dans les annonces de la Première ministre – le suspense était à son comble !
Interviewée tout à l'heure par L'Alsace dans le cadre de sa participation à l'inauguration du bâtiment Simone-Veil au Parlement européen, la Première ministre a annoncé qu'elle mènerait une concertation avec les parlementaires et les conseils départementaux, ajoutant qu'elle souhaitait qu'une grande loi pluriannuelle sur les enjeux du grand âge et de l'autonomie puisse être adoptée en 2024, un texte fondé sur une vision partagée des besoins, des financements et des responsabilités.
Si je ne peux que me féliciter de cette annonce, elle n'est pas sans me rappeler qu'Emmanuel Macron avait déjà pris le même engagement en juin 2018 devant le congrès de la Mutualité française. Je ne mets pas en doute votre parole ni celle de la Première ministre, mais la confiance, vous le savez, se construit sur des faits : puisque la Première ministre s'y est engagée, je vous propose, par ce sous-amendement, de prévoir que la loi sur le grand âge sera présentée non pas avant le 1er septembre 2023, comme nous l'avions initialement proposé dans l'amendement que nous avions adopté à l'unanimité en avril dernier, mais avant le 1er septembre 2014…
« 2024 ! » sur divers bancs.
Oui, 2024, pardonnez-moi ! Le monde est ainsi fait que j'ai la nostalgie de 2014.
Sourires.
La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir le sous-amendement n° 1390 rectifié .
Il vise à garantir que la fraction des bénéfices qui servira à financer l'amélioration du bien-être des résidents ne puisse être inférieure à 10 %. Au-delà de la fixation de ce plancher, nécessaire pour garantir le bien-être des résidents, le fonctionnement des Ehpad doit être totalement révisé. Malgré les scandales, et bien que différents rapports vous aient été remis sur ce sujet, les choses n'avancent pas, et nous voilà à débattre d'une proposition de loi faite de mesurettes visant tant bien que mal à empêcher les Ehpad privés de faire des profits sur le dos des personnes âgées en rognant sur le nombre de soignants, la qualité de vie et des repas, et même le nombre de douches, alors pourtant que leurs tarifs sont exorbitants.
Votre proposition, qui ne précise même pas quelle part des bénéfices devra être consacrée à l'amélioration du bien-être des résidents, n'est qu'un petit pansement sur une plaie béante. Il faut transformer les Ehpad privés à but lucratif en structures associatives, coopératives ou publiques, mais aussi recruter des soignants, augmenter le nombre de places dans les établissements, effectuer des contrôles plus réguliers et allouer suffisamment de financements au secteur de l'autonomie et de la dépendance – autant de propositions dont nous espérons pouvoir débattre dans le cadre de la future loi sur le grand âge.
Je serai plus bref que tout à l'heure : madame la ministre, il serait très simple de déposer, d'ici à la fin de l'examen de ce texte, un sous-amendement visant à préciser que le projet de loi sur le grand âge et l'autonomie sera présenté en 2024, à une date à préciser. Cette décision, cohérente avec votre annonce et l'engagement de la Première ministre, et fidèle au vote unanime des parlementaires en avril dernier, nous permettrait d'avancer sereinement.
J'en viens aux deux sous-amendements. Alors que le sous-amendement n° 1376 visait à s'assurer que les fonds devant servir à financer les actions en faveur de l'amélioration des conditions d'hébergement des résidents – dont j'aurais préféré qu'ils soient mutualisés – soient réellement prélevés, et non pas seulement réservés, les sous-amendements n° 1369 et 1397 tendent à fixer un seuil minimal pour la part des bénéfices que les Ehpad devront consacrer à ces actions. Par parallélisme avec votre amendement, qui prévoit que la fraction des bénéfices n'excédera pas 10 %, et afin de crédibiliser les crédits, le sous-amendement n° 1369 prévoit de fixer un seuil minimal à 5 % – abaissé à 1 % dans le sous-amendement de repli n° 1397.
Madame la ministre, puisque nous ne disposons d'aucune étude d'impact, pouvez-vous nous indiquer, à partir de l'estimation des bénéfices connus des groupes privés, à combien vous évaluez la somme qui pourra être consacrée à l'amélioration des conditions de prise en charge des résidents, afin que nous puissions vérifier l'efficacité et l'effectivité des moyens qui seront ainsi dégagés ?
La parole est à Mme Laurence Cristol, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission.
S'agissant des sous-amendements, nous préférons au terme « prélevé » le terme « réservé », qui illustre mieux la volonté louable du Gouvernement de responsabiliser les établissements au moyen d'investissements vertueux. Contrairement à ce que vous dites, nous ne sommes pas au milieu du gué : nous sommes en train de construire un pont et aujourd'hui, avec la première pierre que constitue l'amendement n° 1249 rectifié , nous avons jeté les fondations de la responsabilisation des Ehpad. Je suis donc favorable à cet amendement et défavorable aux sous-amendements, qui ne me paraissent pas opportuns.
Défavorable à l'ensemble des sous-amendements.
Le sous-amendement n° 1376 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 16
Contre 39
Le sous-amendement n° 1390 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n° 1249 rectifié est adopté.
L'amendement n° 160 de M. Patrick Hetzel est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Sourires.
…mais j'ai besoin de comprendre pourquoi vous ne voulez pas graver l'engagement pris par la Première ministre – et dont je me félicite – dans le marbre de ce texte. À l'issue de nos débats, vous aurez un problème : un amendement adopté à l'unanimité en avril dernier prévoyait que le projet de loi de programmation pour le grand âge serait présenté au plus tard le 1er septembre 2023. La fin de l'examen de cette proposition de loi ayant été repoussée de sept mois et une semaine, le dispositif prévu par l'amendement est, de fait, caduc, et nécessite un amendement de coordination. Puisque le vote unanime des parlementaires, que vous dites vouloir respecter, est désormais en accord avec la parole de la Première ministre – qui n'a d'ailleurs fait que relayer votre propre engagement –, pourquoi refuser de déposer un amendement – ce que nous ne pouvons plus faire nous-mêmes – ou de demander une seconde délibération, afin de remplacer la date du 1er septembre 2023 par la date de votre choix en 2024 ? Cela pourrait être le 1er septembre, ce qui nous laisserait le temps de coconstruire le projet de loi.
Si vous ne le faites pas, nous risquons d'avoir la puce à l'oreille et de penser que la parole de la Première ministre est peut-être aussi démonétisée que celle du Président de la République, qui avait déjà pris cet engagement solennel devant le peuple français lors du congrès de la Mutualité française en 2018. Inscrire dans le texte ce changement de date, sur lequel nous sommes tous d'accord, est une mesure de bon sens, qui nous permettrait en outre d'être totalement tranquilles et sereins. Engagez-vous à déposer un amendement, madame la ministre, cela ne prendrait que deux minutes !
L'amendement n° 160 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Marc Zulesi, pour soutenir l'amendement n° 527 .
Dans un rapport rédigé sous la précédente législature, j'expliquais pourquoi il était important de faire la promotion des mobilités actives, notamment de la pratique du vélo, qui sont très vertueuses pour lutter contre la perte d'autonomie – dans les pays nordiques, l'utilisation du tricycle est d'ailleurs l'une des mesures de cette politique. Le renforcement de la promotion des mobilités actives passe par une formation plus poussée des professionnels de santé : c'est l'objet de cet amendement.
M. Hubert Wulfranc s'exclame.
Votre objectif, louable, est satisfait par les dispositions de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l'amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je retire l'amendement, et prendrai rendez-vous avec Mme la ministre pour lui présenter ce rapport, que j'avais déjà présenté à Jean Castex lors de la précédente législature.
L'amendement n° 527 est retiré.
Cet amendement, qui vise à créer un comité interministériel de la transition démographique, sur le modèle du comité interministériel du handicap, va vous permettre de traduire sans attendre l'engagement que vous avez pris vendredi, et qui ne figure pas dans votre feuille de route : celui de créer une instance de pilotage, d'animation et de coordination des politiques de soutien à l'autonomie.
Nous vous remercions d'adhérer à une proposition que nous défendons depuis longtemps, puisqu'elle figurait déjà dans le rapport de Luc Broussy sur l'adaptation de la société française au vieillissement de sa population en 2013, et faisait encore partie des recommandations de son rapport sur l'adaptation des logements, des villes, des mobilités des territoires à la transition démographique, publié en 2021. Il serait intéressant que ce comité – que vous proposez pour votre part de dénommer « comité interministériel de la longévité » – soit installé rapidement, afin qu'il puisse participer dans de bonnes conditions aux travaux préparatifs de la fameuse loi de programmation dont le principe est désormais acquis – même si vous n'avez toujours pas accepté de le graver dans le marbre de cette proposition de loi.
Sourires.
Défavorable, puisque l'amendement est satisfait : d'une part, l'article 1er du texte prévoit la création d'une conférence nationale de l'autonomie, d'autre part, la ministre a annoncé la semaine dernière, lors de la présentation de la stratégie interministérielle « bien vieillir », un comité associé à cette stratégie de prévention de la perte d'autonomie.
Tel qu'il est rédigé, l'amendement prévoit « un comité interministériel des autorités de contrôle » : or il s'agit de créer un comité interministériel portant sur l'ensemble des enjeux liés au grand âge, comme je l'ai proposé à la Première ministre. En outre, pour instaurer un tel comité, il n'est pas nécessaire de passer par un texte législatif. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 842 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l'amendement n° 827 .
Il vise à créer un comité national d'animation et de contrôle des politiques de soutien à l'autonomie des personnes âgées. Le rapport d'information sénatorial dû à Bernard Bonne et Michelle Meunier fait état de la nécessité, en matière de prévention de la perte d'autonomie, d'une politique structurée, cohérente et efficace : cet amendement permettrait d'instaurer l'organe qui en serait chargé. En tant qu'élue locale, conseillère départementale de longue date, j'ajouterai qu'un tel dispositif existe déjà dans certains départements ; néanmoins, dans la perspective ouverte par ce texte, nous avons besoin d'une coordination nationale, d'une colonne vertébrale de l'ensemble des politiques publiques touchant ce sujet.
Nous rejoignons votre analyse, puisque tel est, encore une fois, le but de l'article 1er , qui prévoit la conférence nationale de l'autonomie. Ayant moi-même été conseillère départementale, je partage également votre opinion concernant la nécessité d'investir dans les politiques locales ; je sais à quel point il convient d'associer les territoires. Précisément, la conférence nationale de l'autonomie a été conçue pour allier portage politique, missions nationales et déclinaison territoriale. Par conséquent, avis défavorable.
L'amendement n° 827 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement n° 393 .
Madame la ministre, il subsiste au sein du territoire français beaucoup trop de disparités concernant les groupes iso-ressources (GIR), l'indice étant déterminé par les départements. Cet amendement dû à Josiane Corneloup vise donc à ce que les conseils départementaux communiquent leur projet d'indice à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), laquelle fixerait un point GIR national dont les départements ne pourraient s'écarter que dans une limite établie par décret, ce qui leur laisserait une petite marge de manœuvre.
Votre préoccupation est légitime : la prise en charge diffère en effet d'un département à l'autre, à la grande surprise des personnes âgées. C'est pourquoi nous avons introduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) une proposition de réforme – nous avons commencé à avancer au sujet de la fusion des sections tarifaires. Changer les règles alors qu'une modification est déjà en cours ne serait pas opportun. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Comme l'évoquait la rapporteure, l'article 37 du PLFSS pour 2024 prévoit, pour les départements qui le souhaiteront, la possibilité de fusionner les sections soins et dépendance. En outre, un groupe de travail incluant Départements de France (ADF) est consacré à cette question. Il serait donc prématuré d'inscrire une telle disposition dans la loi, à l'échelle nationale : cela remettrait en cause notre dialogue avec les départements, y compris ceux qui feront office de pilotes lors de l'expérimentation. Je vous invite à retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Madame la ministre, madame la rapporteure, vous ne répondez pas tout à fait à ma collègue : celle-ci vous a parlé d'un problème de disparités entre les territoires, vous objectez l'expérimentation qui aura prochainement lieu dans les départements volontaires. Or, je le répète, cela ne répond pas à la question, qui est celle de l'harmonisation ! Je ne veux pas dire par là qu'il ne faudrait pas tester la fusion des sections ; simplement, ce sont deux choses différentes. Ajoutons-y le fait que le GIR moyen pondéré (GMP), qui traduit le niveau moyen de dépendance des résidents d'un Ehpad, est revu tous les cinq ans, alors que dans nombre de territoires la durée moyenne du séjour au sein d'un tel établissement avoisine deux ans : comment voulez-vous adapter les moyens aux besoins réels ? En plus de celui que nous avons signalé, il existe donc un problème de temporalité. Il faut accélérer la prise en compte de la réalité des publics accueillis, afin que cet accueil puisse se faire dignement : sur ce point, le texte ne contient aucune disposition, et j'espère que vous y remédierez sinon ce soir, du moins après-demain, où nous achèverons de l'examiner, ou encore au cours de la navette parlementaire. Il faut également concilier d'une part l'expérimentation que vous souhaitez, d'autre part l'harmonisation à laquelle tend l'amendement, et j'espère que vous vous emparerez de cette ambition.
L'amendement n° 393 n'est pas adopté.
L'amendement n° 203 de M. Philippe Juvin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Là, je ne comprends pas ! Madame la ministre, madame la rapporteure, vous avez lu l'amendement, je pense : il vise à ce que les résidents puissent garder auprès d'eux leur animal domestique – ce à quoi, heureusement, le règlement intérieur de nombreux Ehpad les autorise déjà ; des associations telles que Terpta (Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé) militent également dans ce but. Théoriquement, une chambre d'Ehpad constitue le domicile de la personne qui l'occupe, et l'on sait combien la présence d'un animal peut se révéler essentielle : cet amendement vise donc tout simplement à garantir un droit aux résidents. Nous avons vu défiler bien des articles portant sur la maltraitance qu'ils peuvent subir, sur leurs droits et libertés, par exemple concernant les visites, et nous les priverions d'un chien, d'un chat ? Bien sûr, il conviendra de fixer des règles – qu'il n'y ait qu'un seul animal, et d'une taille raisonnable –, mais, quitte à moduler son application, établissons le principe ! Ce serait une belle avancée, et je salue le collègue Juvin pour son initiative. Envoyons un signal aux directeurs d'établissement : l'accueil des animaux doit devenir la norme, le refus – en raison de l'état de santé de la personne, par exemple – l'exception. Faisons des Ehpad de véritables lieux de vie !
Je vous vois demander la parole, monsieur Bazin, mais pour l'amendement, je suppose, et M. Guedj est déjà intervenu en ce sens. Vous vous exprimerez lors de l'examen d'un prochain amendement !
La parole est à Mme la ministre.
L'amendement n'étant pas soutenu, j'ai moi-même été un peu vite. Le sujet est important, en effet, en tant qu'il touche aux droits des résidents ; par ailleurs, nous savons à quel point le changement d'environnement, du jour au lendemain, peut être brutal pour une personne âgée, et la présence d'un animal essentielle afin de combattre l'isolement. Peut-être faudrait-il profiter de la navette pour réécrire cette disposition, afin de circonscrire ce droit et de s'assurer que son exercice ne suscitera pas de problème sanitaire ou autre ; mais s'agissant de garantir, je le répète, les droits et le bien-être des résidents, j'émets un nouvel avis, favorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Hubert Wulfranc applaudit également.
L'amendement n° 203 est adopté.
Je remercie Jérôme Guedj d'avoir défendu notre précédent amendement ! Celui-ci est quelque peu différent : il vise à permettre aux résidences autonomie, dont certaines pourraient aller plus loin, de passer sous le régime du code de la construction et de l'habitation pour ce qui, chez elles, relève de l'activité hôtelière, et de transformer leur autorisation de fonctionnement en tant qu'établissement en autorisation de services à domicile. Elles deviendraient ainsi des domiciles regroupés, ce qui, grâce au recours à des services à domicile extérieurs, diminuerait le reste à charge des personnes âgées. Madame la ministre, de plus en plus de foyers, de résidences autonomie, accueillent des publics ayant un besoin croissant de ces services à domicile. Nous avons aidé ces derniers à évoluer en rapprochant leur offre de celle des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ; nous devons désormais aider ceux dont le domicile est un foyer, une résidence, à bénéficier de ces services pour un tarif qui reste maîtrisé. Le fait que l'établissement les propose irait donc dans le bon sens. Nous sommes en quête de solutions concrètes : cette piste mérite d'être suivie.
De bonnes idées peuvent parfois donner lieu à des difficultés. Les résidences autonomie, comme les Ehpad, sont régies par le code de l'action sociale et des familles, les résidences services par le code de la construction et de l'habitation : c'est tout à fait différent, les régimes d'autorisation étant extrêmement stricts. Le transfert que vous proposez serait pour le moins compliqué, notamment si l'on considère la qualité des prestations ou la sécurité des résidents. Avis défavorable.
J'ajouterai aux arguments de la rapporteure que les résidents de ces établissements ont déjà le choix de recourir aux services autonomie, ce qui assure une certaine flexibilité. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Madame la ministre, madame la rapporteure, je ne souhaite pas diminuer la qualité de la prise en charge, ni priver les résidents de la liberté de recourir à tel ou tel service, mais appeler votre attention sur la question du reste à charge, dont 60 % pèsent sur les personnes âgées et leur famille. Des synergies, des services optimisés peuvent se créer ! En outre, ces établissements constituent une sorte de système hybride : les maisons de retraite étant appelées à évoluer en même temps que le public qu'elles accueillent, il faudrait que les foyers et résidences autonomie puissent également le faire. La plupart des communes et des centres communaux d'action sociale (CCAS) observent ce besoin qu'ils soient accompagnés dans l'évolution du modèle. Nous n'avons pas traité ce sujet ; il mérite de l'être. Si mon amendement est mal rédigé, peut-être pourriez-vous en retravailler le texte avec vos services au cours de la navette !
Je suis désolée, monsieur Guedj, M. Bazin s'est déjà exprimé pour l'amendement.
Sourires.
Il ne faut pas sortir les résidences autonomie du périmètre du code de l'action sociale et des familles. Ce sont des établissements médico-sociaux : les transformer en habitats regroupés ne ferait pas l'affaire. En revanche, cet amendement a une vertu : il nous permet d'évoquer ces grands absents de cette proposition de loi. Les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) au sujet du bien vieillir, qui vous ont été remises par Luc Broussy et Florence Thibaudeau-Rainot, appellent à un plan Marshall pour les résidences autonomie, dont le modèle économique ne tient plus ! Elles rencontrent à la fois des problèmes d'attractivité, de remplissage, et des difficultés financières, mais leur situation est très peu documentée. C'est pourquoi, dans la perspective du futur projet de loi de programmation consacrée au grand âge, Luc Broussy et Florence Thibaudeau-Rainot suggéraient au moins un rapport – tout en formulant des propositions concrètes : accès non seulement au prêt locatif social (PLS) mais à des dispositifs plus favorables comme le prêt locatif à usage social (Plus), sortie de la logique de l'appel à projets, celle du code de l'action sociale, dont la lourdeur contraint la création et le développement de ces résidences.
Bref, je suis contre cet amendement. En revanche, le Gouvernement doit lancer dès à présent ce travail préparatoire en coconstruction. Vous avez annoncé hier le lancement d'une mission parlementaire portant sur la réforme de la tarification des services à domicile. Aujourd'hui, 120 000 personnes vivent dans les résidences autonomie, dont certaines risquent de se casser la figure. À côté des résidences services seniors (RSS), dont certaines veulent être à vocation sociale, les résidences autonomie ne peuvent pas être les RSS du pauvre, mais doivent véritablement constituer un élément du parcours résidentiel des personnes âgées.
En réponse à M. Guedj, je signale qu'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) portant sur les alternatives à l'Ehpad et le parcours résidentiel des personnes âgées est en cours de rédaction. Ce rapport sera bien sûr rendu public, et j'espère qu'il répondra à vos interrogations au sujet des résidences autonomie.
L'amendement n° 323 n'est pas adopté.
Je suis saisie de huit amendements, n° 419 , 485 , 917 , 145 , 442 , 897 , 911 et 1194 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 419 et 485 sont identiques, de même que les amendements n° 145 , 442 , 897 , 911 et 1194 .
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l'amendement n° 419 .
Je suis cohérent : en avril dernier, lorsque nous avions déposé cet amendement, le PLFSS pour l'année 2024 n'avait pas été présenté. Or, son article 37 prévoit l'expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance. Je vous accorde donc le point, même si je regrette que nous n'ayons pu avoir le débat sur ce sujet pour cause de 49.3.
Il s'agit en effet de l'une des réformes réclamées par le rapport de la concertation Grand âge et autonomie – le rapport Libault – et par tous les acteurs, qui mérite d'être accompagnée et suivie. Elle entraîne en effet des conséquences, y compris sur les sujets sur lesquels a travaillé la députée Christine Pires Beaune, à savoir la baisse du reste à charge, dans la mesure où une partie du financement des Ehpad va être socialisée.
Je vais donc retirer cet amendement. Vous le voyez, madame la ministre, nous sommes constructifs, mais donnez-moi simplement une réponse à la question que je vous pose. Sinon, je vais la poser toute la soirée et finir par me lasser, ainsi que l'auditoire…
Si vous ne voulez pas répondre, prenez simplement l'engagement que dans le cadre de la navette, quand le texte sera de nouveau discuté dans cet hémicycle, l'amendement voté ici à l'unanimité, mais dont la date de péremption – si j'ose dire – est dépassée depuis le 1er septembre, sera maintenu dans la version définitive de la proposition de loi. Je ne peux pas vous dire qu'il s'agit d'une condition pour que nous votions ce texte, mais nous n'en sommes pas loin car il y va du respect du vote unanime des parlementaires.
Ils peuvent légitimement se dire que c'est grâce à ce vote unanime en avril dernier que la Première ministre annonce demain dans le journal L'Alsace, pour la première fois très clairement, qu'une loi d'orientation et de programmation sur le grand âge sera présentée en 2024. En vous demandant que le travail des parlementaires soit salué par le maintien de notre vote, je pense être fidèle à l'esprit et à la lettre de ce que notre assemblée a voté.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 485 .
Comme vient de le dire mon collègue Jérôme Guedj, nous avions voté cet amendement en avril dernier. Nous espérons que les dispositions prévues par le PLFSS iront au-delà de la seule expérimentation et que le dispositif pourra se développer le plus largement possible.
Il s'agit du même sujet, avec une petite variante : il s'agit encore d'expérimenter, mais cette fois sur l'ensemble du territoire français et non plus à l'échelle de trois régions. Il faudra en effet généraliser – c'est une question de patience – la fusion des sections soins et dépendance, afin de rendre notre ambition cohérente, en cherchant à élever la question de la dépendance au niveau de celle des soins et en considérant la globalité de la prise en charge des personnes âgées.
Sur ce sujet, les départements ont toujours une capacité d'action et d'innovation ; un des credo de la majorité s'agissant des territoires est d'ailleurs l'expérimentation. En matière de prise en charge du vieillissement de la population, il faudra, en testant et en innovant, s'interroger sur le couple formé par l'agence régionale de santé (ARS) et le département, qui peut être source de complexité, de bureaucratie et de manque d'efficacité. Cet amendement vise donc à tester la meilleure solution pour le modèle qui sera pérennisé dans l'avenir pour la prise en charge des résidents et de leurs familles.
Soit le choix se porte plutôt sur la dimension médicale, et c'est l'ARS, dont on comprend la vocation médico-sociale, qui constitue l'autorité de tutelle. Soit l'on insiste sur la dimension de l'autonomie : dans cette hypothèse, le département, collectivité de proximité, paraît en revanche mieux placé. Nous ne savons pas où est la vérité, et le meilleur moyen de trancher est de tester. C'est la raison pour laquelle cet amendement propose un champ d'expérimentation complémentaire. Je crois me situer dans ce qu'on peut voir comme la jurisprudence de la majorité en la matière : droit à la différenciation, droit à l'expérimentation.
J'ajoute deux raisons complémentaires pour lesquelles cette expérimentation me paraît vertueuse. Premièrement, elle renforce le rôle du département. Si l'on croit à l'organisation institutionnelle de notre pays, il faut admettre que les départements ont encore un rôle à jouer, notamment dans le champ de la compétence sociale. Deuxièmement, il faut simplifier le plus possible, notamment sur un sujet comme celui-là, or l'attelage de l'ARS et du département est source de complications et de lourdeurs. Tester afin de déterminer ce qui pourrait être la meilleure solution me semble donc à la fois opportun et sans risque.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement n° 442 .
L'objet de cet amendement a déjà été très bien défendu par mon collègue Stéphane Viry. Nous rencontrons de vraies difficultés avec le double pilotage entre ARS et départements. En circonscription, on s'en rend bien compte dès qu'un Ehpad rencontre un problème : la réactivité et l'efficacité sont insuffisantes, car l'ARS et le département ne sont pas toujours en phase. Cet amendement propose donc une expérimentation qui évitera toute idée préconçue – car nous ne connaissons pas a priori la meilleure solution – et qui permettra aussi d'imaginer l'Ehpad de demain. Mon collègue a bien expliqué les détails de cette expérimentation, c'est pourquoi je n'y reviens pas.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement n° 897 .
Cet amendement, travaillé en lien avec Départements de France, va dans le même sens de ce que mes collègues viennent de dire. L'idée de fusionner les forfaits soins et dépendance des Ehpad revient régulièrement dans nos débats, notamment au sein du rapport Libault. Cette fusion va au-delà de la gestion financière. Il s'agit de questionner le pilotage des Ehpad et de trouver le bon équilibre entre l'ARS et les départements.
Cet amendement propose donc une double expérimentation : dans certains départements volontaires, une tutelle du conseil départemental avec gestion unique du financement d'un Ehpad par le conseil départemental, impliquant notamment l'accompagnement de cet établissement par le département, au titre du financement de la section soins ; dans d'autres départements volontaires, une tutelle de l'ARS avec gestion unique par cette ARS. Cette expérimentation pourrait se faire soit dans plusieurs départements avec un modèle unique par département, soit pour différents Ehpad avec une tutelle différente dans un même département. En tout état de cause, passer par une expérimentation permettra d'éviter toute idée préconçue et de déterminer ce qui est le plus pertinent pour les résidents et leurs familles.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement n° 911 .
Nous sommes confrontés à plusieurs difficultés. Les familles ont parfois du mal à comprendre la répartition des responsabilités respectives dans la prise en charge de la partie autonomie et de la partie soins. Le fonctionnement entre ARS et départements pose également des difficultés. Une expérimentation visant à simplifier cette organisation aurait sans doute le mérite d'apporter des réponses. Cela dit, il me semble que nous devons approfondir le débat en nous demandant quel type d'Ehpad nous voulons pour demain. C'est la vraie question : dans quels établissements, dans quelles structures seront intégrées nos personnes âgées en perte d'autonomie ou très dépendantes et malades ? Nous ne pouvons nous offrir le luxe de ne pas tenter une expérimentation pour faire évoluer le pilotage – sur la base du volontariat et si les départements le souhaitent, bien sûr. ADF demande d'ailleurs que nous allions dans ce sens, afin d'apporter des réponses sur l'avenir de nos Ehpad.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement n° 1194 .
À de nombreuses reprises, dans mon département de Saône-et-Loire, nous avons évoqué le problème de la double gouvernance de l'ARS et du département. Dans un objectif d'efficacité, il serait beaucoup plus judicieux d'avoir une gouvernance unique. Cet amendement propose donc une expérimentation dans laquelle des départements volontaires pourraient financer à la fois la dépendance et le soin. Les Ehpad intègrent des résidents qui vieillissent, des situations qui évoluent. Une gouvernance unique permettra une meilleure prise en charge de ces résidents ainsi qu'une simplification, en supprimant les tracas administratifs et les calculs de comptabilité analytique pour savoir qui doit payer quoi. Une expérimentation peut donc s'avérer judicieuse.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Nous partageons un constat : l'Ehpad n'est plus adapté à ses résidents. La convention tripartite en Ehpad a désormais 20 ans. Or l'Ehpad d'il y a vingt ans était davantage une maison de vie avec des résidents qu'un établissement avec des patients, comme c'est le cas aujourd'hui. Ces patients de plus en plus âgés et dépendants demandent donc un taux d'encadrement et une médicalisation supérieurs à ceux qui prévalaient il y a vingt ans. Nous partageons aussi la nécessité d'avancer sur un nouveau modèle d'Ehpad.
Revenons sur l'article 37 du PLFSS pour 2024, qui crée un régime de financement avec fusion des sections soins et dépendance dans les départements volontaires. Il s'agit moins d'une expérimentation que d'un volontariat vers un dispositif qui se veut pérenne à terme. C'est donc une avancée significative par rapport à votre proposition d'expérimentation.
Par ailleurs, nous proposons un système plus pertinent de tarification assurée par l'ARS, les départements restant quant à eux compétents en matière d'autorisation, de contrôle, de programmation et d'aide sociale.
D'un département à l'autre, les modes de fonctionnement varient. Dans mon département, l'Hérault, j'ai la chance que l'ARS et le conseil départemental entretiennent de très bonnes relations, mais j'imagine volontiers que ce n'est pas le cas partout.
Il me semble plus opportun de saisir l'occasion d'établir un modèle pérenne reposant sur une fusion des sections soins et dépendance en une section unique dont la tarification serait assurée par l'ARS, les départements conservant un rôle de coordination.
Pour toutes ces raisons, mon avis sera défavorable sur ces amendements.
Demande de retrait pour tous ces amendements, car l'article 37 du PLFSS pour 2024 prévoit précisément ce que vous appelez de vos vœux, à savoir la possibilité de fusionner les sections soins et dépendance. C'est une avancée nécessaire, mais elle suppose un préalable, que j'ai posé de manière très claire en lien avec Départements de France : si l'expérimentation ne porte pas ses fruits, il n'y aura aucune généralisation. Celle-ci ne peut donc être la seule voie. Nous assumons la différenciation territoriale : dans certains départements, cette fusion pourra devenir pérenne quand, dans d'autres, le système actuel sera conservé parce qu'il sera mieux adapté aux bassins de vie et aux évolutions démographiques. C'est tout l'intérêt de l'expérimentation dans les départements pilotes. Notre souhait est qu'il y en ait suffisamment pour qu'elle fasse sens. Il va de soi, puisqu'il s'agit d'un article du PLFSS, que nous vous ferons part des résultats auxquels elle aura abouti.
Vos amendements renvoient à deux questions fondamentales. La première, évoquée par Stéphane Viry, concerne la coordination entre les ARS et les départements. C'est un enjeu que nous aborderons dans la loi de programmation. Concrètement, quelle gouvernance voulons-nous ? Il est clair qu'elle ne saurait dépendre de la bonne ou de la mauvaise entente entre un président de département et un directeur de délégation départementale d'une ARS. Nous devons dépasser les critères intuitu personae pour poser les bases d'une gouvernance clarifiée.
La deuxième question, posée par Mme Dalloz, consiste à savoir quel modèle d'Ehpad nous voulons. S'agit-il d'Ehpad de plus en plus médicalisés, avec des unités protégées permettant de faire face à la prévalence des maladies neurodégénératives ? S'agit-il plutôt d'établissements ouverts sur les bassins de vie ? Cela exige de repenser en même temps le modèle économique des Ehpad. Nous voyons bien que les raisons pour lesquelles certains sont en déficit sont à la fois conjoncturelles – inflation, volume des rémunérations et augmentation des prix de l'énergie –, mais aussi structurelles.
Je le répète, l'expérimentation que vous demandez est prévue dans le PLFSS qui vient d'être adopté au Sénat, ce qui vous apporte une garantie.
Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse qui nous ouvre des perspectives. Je partage l'analyse de Mme Corneloup : nous sommes tous deux élus d'un département dont le président a la volonté d'expérimenter cette gestion unique. Le double pilotage est source de faiblesse, nous le sentons bien : quand il y a deux pilotes, il y en a un de trop ! Nous touchons aux limites de cette gouvernance, d'autant que la question des différences de traitement des oubliés du Ségur revient régulièrement.
L'expérimentation porterait non seulement sur la gestion du financement mais aussi sur le contrôle des Ehpad, car ARS et département se renvoient trop souvent la balle. Pour que l'expérimentation soit vraiment utile, pourquoi ne pas la pousser un peu plus loin ? Replacer la santé sous l'autorité des préfets et éviter ainsi de subir la tutelle des ARS, ce serait extraordinaire !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et LR.
Les débats de ce soir montrent que nous avons progressé. Il y a encore quelques mois, la double tutelle n'était pas remise en cause par tous. Au moins, aujourd'hui, personne n'en veut plus. Dans mon rapport sur le reste à charge, j'ai fait un choix clair entre ARS et département : pour moi, plusieurs raisons militent en faveur d'une gestion des Ehpad par les ARS…
…et j'ai formulé le vœu que l'on puisse faire une expérimentation en ce sens.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire, sans les citer, si certains départements sont volontaires pour un tel transfert de gestion ?
Mon rapport comportait aussi une disposition-miroir : je proposais que le maintien à domicile relève lui aussi d'une gestion unique, assurée cette fois-ci par les départements, car le problème de la double tutelle se pose aussi en ce domaine.
Disons-le clairement, les trois sections sur lesquelles repose le financement des Ehpad sont source de complexité non seulement pour les tutelles, mais également pour les gestionnaires. Cette structuration oblige les établissements à devoir gérer trois budgets différents, avec tous les problèmes de cohabitation entre dépenses et charges que cela implique. Cela n'a rien d'efficient. En outre, elle suscite des interrogations permanentes sur ce qui relève des soins ou de la dépendance – sur ce point, je rappelle l'exemple déjà évoqué de la prévention.
L'expérimentation de la fusion du financement des soins et de la dépendance sous la seule égide des ARS telle que la prévoit le PLFSS est souhaitable. Toutefois, je regrette que cette possibilité n'ait pas été étendue aux conseils départementaux, qui eux aussi auraient pu expérimenter cette gestion unique. Le principe de l'expérimentation nous permettant de nous confronter au réel, il serait intéressant de déterminer laquelle des deux structures est la mieux placée pour s'occuper du budget des Ehpad.
Une chose est sûre, le maintien d'un double pilotage est totalement improductif.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Mme la ministre semble avoir reconnu le bien-fondé de nos amendements à travers sa réponse. Nous voyons bien que nous visons juste : il est nécessaire de faire autrement et de faire mieux, notamment en expérimentant. Seulement, elle nous demande de retirer nos amendements, estimant qu'ils sont satisfaits par un autre texte.
N'oublions pas que nous attendons depuis des années que ces préoccupations soient prises en compte.
Une loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge assortie des financements correspondants figurait parmi les promesses du candidat Macron. Et qu'avons-nous ? Une proposition de loi sans financement, à courte vue, d'une portée très relative et dont la date d'entrée en vigueur est fort lointaine. Nous faisons ce que nous pouvons, madame la ministre, ne la videz pas de sa substance ! À chaque fois que nous faisons des propositions, vous nous renvoyez à d'autres textes. Nous l'avons vu avec les résidences autonomie, qui, rappelons-le, ont constitué dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix une réponse sociale forte, reposant sur l'armature des CCAS. Il y a là une question de méthode et de temporalité.
Là, c'est dans le PLFSS !
Je veux bien accepter l'argument selon lequel cette expérimentation est déjà prévue, mais faites attention : il importe que ce texte nourrisse chez nous le sentiment qu'il contribuera à transformer le pays. À force de nous dire que tout ce qui est utile à la France doit figurer ailleurs, vous nous donnez une impression désagréable au sujet du véhicule législatif que constitue cette proposition de loi. Je le répète, prenez garde aux signaux que vous envoyez.
Ma demande de retrait, monsieur Viry, est motivée par le fait que l'expérimentation que visent ces amendements figure dans le PLFSS. Il ne s'agit nullement de la différer.
Dès l'année prochaine, nous pourrons fixer une liste de départements pilotes et j'ai bien compris que la Saône-et-Loire en ferait sans doute partie, madame Corneloup, monsieur Rebeyrotte. Je ne vous dis pas : « Retirez vos amendements et vous verrez plus tard », mais « Retirez vos amendements et vous verrez tout de suite » ! Pour moi, vos amendements ne posent aucun problème de fond, bien au contraire.
Quant à la loi de programmation sur le grand âge, je me suis engagée devant vous à la faire aboutir et la Première ministre a déclaré aujourd'hui dans une interview qu'elle devrait être adoptée en 2024. J'ai pris hier un autre engagement très clair en vous faisant part de mon souhait de coconstruire cette loi avec l'ensemble des groupes parlementaires représentés à l'Assemblée et au Sénat. Entendons-nous bien, ce ne sera pas bidon : nous ferons des auditions communes et des déplacements communs pour avancer sur les questions qui formeront le socle de cette loi, qu'elles soient liées au financement, à la gouvernance, ou aux professionnels et à leur recrutement.
J'espère avoir répondu à vos interrogations, monsieur Viry.
L'amendement n° 917 n'est pas adopté.
L'amendement n° 794 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à fixer un quota minimal de chambres réservées à l'accueil exclusif de nuit dans les Ehpad pour les personnes âgées prises en charge par des aidants familiaux. Ceux-ci sont au nombre de 11 millions en France et la moitié d'entre eux n'ont pas conscience de l'être. Beaucoup recherchent des solutions de répit : l'une d'entre elles consisterait à confier pendant quelques jours ou quelques semaines leur proche à un Ehpad pour qu'il y dorme la nuit après avoir passé la journée à domicile.
L'âge moyen des aidants familiaux étant de 64 ans, il arrive qu'ils souffrent de problèmes de santé et parfois qu'ils meurent avant même la personne dont ils ont la charge.
Cette disposition contribuerait à sécuriser le maintien à domicile et favoriserait une entrée plus progressive en Ehpad, en particulier pour les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer.
En l'absence de quotas, cette offre, que de nombreuses familles sans solution appellent de leurs vœux, ne peut se développer. Cet amendement prévoit d'abord une expérimentation de deux ans dont un décret déterminerait les modalités, notamment s'agissant des territoires concernés. Dans un délai de six mois avant son terme, le Gouvernement en dresserait le bilan dans un rapport qu'il remettrait au Parlement afin de déterminer s'il faut ou non la généraliser.
C'est un ancien président d'Ehpad public qui vous demande de faire droit à ce besoin criant des aidants familiaux.
Il apparaît clairement que cette proposition vous est inspirée par votre expérience en la matière, et nous ne pouvons que partager votre objectif. Le soutien aux aidants familiaux, qui sont le plus souvent des femmes – épouses, mères, filles –, constitue un problème de société.
Nous savons bien que ce que vous proposez est une vraie solution pour de nombreuses personnes. Néanmoins, inscrire dans la loi une injonction à respecter un quota minimal me semble difficile à soutenir pour la grande majorité des Ehpad. Même si vous avez raison sur le fond, dans la pratique, votre proposition visant à obliger les établissements à réserver un nombre déterminé de chambres à l'accueil exclusif de nuit risquerait de les mettre dans l'embarras, alors qu'ils sont déjà en grande difficulté structurelle et conjoncturelle. Avis défavorable.
Je sais votre attachement à ce sujet, monsieur Lecamp. Tout d'abord, il n'est pas besoin de l'expérimenter, puisqu'il est déjà possible de proposer des places dédiées à l'accueil de nuit. En revanche, au-delà d'une simple expérimentation, vous souhaitez instaurer un quota minimal au sein de chaque établissement : or cela dépend aussi des projets desdits établissements, ainsi que des territoires. Honnêtement, nous irions trop loin si nous l'imposions à tous.
Par ailleurs, nous avons présenté avec la ministre déléguée Fadila Khattabi la stratégie de mobilisation et de soutien pour les aidants, qui vise à atteindre d'ici à 2027 le chiffre de 40 000 places de répit, soit une augmentation de notre capacité actuelle de 6 000 nouvelles places. L'objectif est de garantir aux aidants la possibilité de prendre des congés pour une durée minimale de quinze jours par an, quoi qu'il arrive, afin de leur permettre de souffler : tel était l'engagement du Président de la République.
Pour toutes ces raisons, demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Maintenez-vous votre amendement, monsieur Lecamp, ou souhaitez-vous le retirer ?
Je comprends le problème que vous évoquez, à la fois en tant que membre de la commission des finances – cela a un coût –, et en tant qu'ancien directeur d'Ehpad : on n'a pas toujours envie de libérer des nuits lorsqu'on peut accueillir des personnes dont le séjour est payé par le département.
Toutefois, si on ne tente pas une expérimentation, même à petite échelle, en fixant un quota minimal pour commencer, cette offre ne se développera jamais.
Cela marche très bien dans les pays d'Europe du Nord, par exemple. C'est pourquoi, même si cette disposition entraîne un coût, nous devrions l'expérimenter, ne serait-ce que dans un seul département : à vous de le déterminer par décret et de définir la taille du quota qui, au départ, peut rester modeste, de l'ordre d'une à deux chambres. Nous répondrons ainsi à la demande de familles en difficulté. Pour cette raison, je maintiens mon amendement.
L'amendement n° 1342 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, HOR et LIOT.
Encore une fois, l'article 11 bis tente de masquer la pénurie de personnels soignants – ce n'est pas la première fois que le Gouvernement recourt à ce subterfuge –, en l'espèce le manque de médecins traitants, en confiant davantage de tâches à une autre profession : les médecins coordonnateurs. Pourtant, ces derniers assurent déjà treize missions différentes et exercent généralement à temps partiel dans les établissements. Leur confier des tâches supplémentaires ne permettra pas de renforcer l'attractivité de la profession et ne palliera pas non plus la pénurie de médecins généralistes que vous organisez depuis des années en sous-finançant notre système de santé.
Réinvestissez dans le système de santé, offrez de bonnes conditions de travail aux professionnels et augmentez les rémunérations : c'est comme cela que vous renforcerez l'attractivité des métiers de santé.
Cet article prouve que nous avions besoin d'un vecteur législatif pour traiter une question pendante essentielle, celle du devenir du rôle du médecin coordonnateur – je parle sous le contrôle de la rapporteure Laurence Cristol, qui connaît parfaitement cette fonction. Nous devons aller dans le sens des dispositions proposées par les amendements de la rapporteure, que je soutiendrai bien volontiers.
Toutefois, cela n'occulte pas le fait que nous devrons engager une réflexion globale. Les Ehpad sont parfois, dans certaines zones qualifiées de déserts médicaux, la dernière offre médicale et médico-sociale.
Cela pose aussi une autre question pendante, qui est absente de ce texte – mais il n'était pas possible de l'aborder ici –, je veux parler de l'Ehpad du futur : des réflexions ont été engagées à la CNSA et à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) sur le modèle de l'Ehpad de demain, afin d'étudier son ouverture sur l'extérieur ou la manière dont il pourrait devenir un centre de ressources territorial délivrant des prestations à ses résidents en perte d'autonomie comme aux personnes âgées fragiles vivant à domicile.
Je vous présenterai tout à l'heure un amendement qui vise à instituer la présence de médecins gériatres au sein des Ehpad – à l'heure actuelle, elle n'est pas toujours assurée. Une fois de plus, un changement de braquet et d'organisation du modèle de l'offre de soins dans les établissements est nécessaire. Certes, ouvrir au médecin coordonnateur la possibilité de prescription, c'est bien, notamment dans les déserts médicaux où il n'y a plus de médecins traitants à coordonner, mais ce dispositif doit aussi s'articuler avec d'autres sujets, notamment celui de la délégation de tâches. Nous devons donc totalement repenser le modèle de l'offre de soins dans les Ehpad. Vous dites souvent, madame la ministre, qu'il faut repenser la médicalisation dans les établissements ; je ne suis pas loin de penser la même chose. D'ailleurs, nous devrions plutôt parler d'« Ehspad » – établissements d'hébergement et de soins pour personnes âgées dépendantes –, car ils doivent assumer à la fois le fait qu'ils constituent des lieux de vie et leur dimension médicalisée.
La parole est à M. François Gernigon, pour soutenir l'amendement n° 1270 .
Il s'agit d'un amendement de notre collègue Jérémie Patrier-Leitus. Dans les zones qualifiées de déserts médicaux, de nombreux habitants souffrent du manque de médecins généralistes. Il paraît donc pertinent d'introduire dans la loi une disposition permettant au médecin coordonnateur d'être considéré comme le médecin traitant des résidents d'Ehpad, sauf expression d'une volonté contraire de la part du patient.
Nous avons déjà évoqué hier la difficulté de disposer de personnels de soins en gériatrie : cela concerne non seulement les médecins coordonnateurs en Ehpad, mais également, de façon plus large, l'ensemble de la filière sanitaire et médico-sociale qui intervient autour de la personne âgée. L'article 11 bis accorde davantage de latitude au médecin coordonnateur, notamment en lui donnant la possibilité de prescrire. Votre amendement étant déjà satisfait par la rédaction de l'article, je vous invite à le retirer.
Permettez-moi également de revenir sur la prise de parole de M. Guedj, que je rejoins complètement. J'étendrai néanmoins son propos à toute la filière de la prise en charge de l'âge, de l'aide à domicile aux médecins en passant par les aides-soignants et les infirmiers. Nous devons revaloriser ces métiers qui sont au cœur du soutien aux personnes âgées. C'est précisément l'objet de cette proposition de loi sur le bien vieillir, qui cherche à apporter une meilleure lisibilité sur ces métiers et ces missions qu'il faudra soutenir à l'avenir.
L'amendement n° 1270 est retiré.
L'article 11 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l'amendement n° 790 , portant article additionnel après l'article 11 bis .
Comme je l'ai évoqué dans mon propos il y a un instant, cet amendement introduit la possibilité de prévoir la présence d'un médecin gériatre pour assister le médecin coordonnateur. Cette disposition m'a été inspirée par le rapport de Mmes Fiat et Iborra sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes,…
…qui soulignait l'importance d'associer des médecins gériatres aux équipes de soins en Ehpad. Car, je le répète, aussi incroyable que cela puisse paraître, et je ne suis pas sûr que tout le monde en ait pris la mesure, les 6 200 Ehpad – si on ne tient pas compte des résidences autonomie – ne bénéficient pas toujours de la présence d'un médecin gériatre. Cela s'explique par des difficultés de recrutement et d'attractivité. Or la perspective de disposer d'un gériatre dans chaque établissement permettrait d'en faire une forme d'Ehpad plateforme, c'est-à-dire un lieu de ressources sanitaires et médico-sociales non seulement pour ses résidents, mais aussi pour les 200 ou 300 personnes âgées fragiles vivant à proximité, que l'Ehpad pourrait également accompagner.
L'avis est défavorable, non pas sur le fond, bien sûr, mais sur la forme : nous l'avons déjà évoqué hier, la gériatrie est la spécialité qui occupe l'avant-dernier rang parmi celles choisies par les candidats du concours de l'internat. En revanche, il existe dans de nombreux territoires, notamment dans mon département de l'Hérault, des écoles de gériatrie qui ouvrent aux médecins coordonnateurs et aux médecins traitants la possibilité de se former et d'obtenir un diplôme universitaire, ce qui leur permet de disposer, à défaut d'une spécialité, tout au moins d'une qualification en gériatrie, et constitue une avancée notable pour cette spécialisation. Néanmoins, en l'état, je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement, même si, sur le fond, votre avis est pertinent.
L'amendement n° 790 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 11 ter porte sur l'automatisation des sanctions à l'encontre des établissements qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de qualité des soins et d'accompagnement, à la suite des injonctions qui leur seraient adressées par les autorités compétentes. Il s'inscrit dans le prolongement d'un amendement que nous avons adopté hier, visant à ce que ne soit pas tacitement renouvelée l'autorisation des Ehpad dont l'évaluation n'aura pas été satisfaisante. Nous faisons ainsi œuvre utile dans l'intensification des modalités de contrôle des établissements puisque, même si le plan de contrôle qui a été lancé est large et massif, il ne traduit pas nécessairement une défiance. Il est néanmoins utile pour rappeler qu'il existe des autorités de tutelle et des règles à respecter. Cet article ne vise donc qu'à les prolonger légèrement.
Permettez-moi de profiter des quelques secondes qu'il me reste, madame la ministre, pour répéter, une dernière fois – ou peut-être pas – que je ne comprends pas,…
…alors que la Première ministre a annoncé aux lecteurs du journal L'Alsace, dans un article à paraître demain, qu'elle répondra probablement à une question au Gouvernement demain pour confirmer son engagement en faveur d'une loi pluriannuelle sur le grand âge – et nous ne pouvons que nous en féliciter, puisque nous l'attendons depuis cinq ans –, je ne comprends pas, disais-je,…
Mais on en a déjà parlé !
…ce que cela vous coûterait de sous-amender l'amendement qui posait le principe d'une loi de programmation sur le grand âge et qui avait été adopté en avril dernier à l'unanimité, ne serait-ce que par respect à l'égard des parlementaires ?
Comment le sous-amender, puisqu'il a déjà été adopté ?
En effet, s'il y a aujourd'hui une loi sur le grand âge, c'est à mettre au crédit de l'ensemble des parlementaires,…
C'est ce que j'ai dit !
…qui considèrent que, certes, la présente proposition de loi permet de poser une première brique, mais qu'elle n'est pas suffisante, loin de là. D'aucuns trouvent même qu'elle est si peu satisfaisante qu'ils ne savent pas s'ils la voteront. Donc, franchement, répondez-nous et nous gagnerons du temps !
L'article 11 ter nous donne l'occasion d'avancer sur les objectifs de la proposition de loi et leur application. Toutefois, celle-ci ne sera concrète et opérationnelle que si elle s'inscrit dans une loi de programmation pluriannuelle. Nous en avons voté le principe ; il faut désormais, je rejoins le collègue Jérôme Guedj sur ce point, fixer des échéances. Vous nous avez répondu que la loi de programmation serait adoptée en 2024 ; mieux vaut toutefois arrêter une date butoir.
Il est important de le mentionner, car nous savons bien que certains rendez-vous calendaires n'ont pas été tenus, tout comme certaines promesses sur des mesures pourtant attendues.
La loi relative au grand âge en est un exemple. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de l'écrire très concrètement. Vous nous dites avoir prévu plusieurs briques – la rapporteure avait prévu plusieurs pierres, mais peu importe. Vous sollicitez notre confiance, pour voter ce qui serait une première brique, en attendant les suivantes, mais nous ne pouvons pas vous donner un blanc-seing sans certitude que ces engagements seront concrets. Je rejoins totalement M. Guedj : engagez-vous, à peu de frais, en adoptant un certain nombre d'amendements sur ce texte. C'est comme si, pour une fois, nous vous demandions une seconde délibération, c'est tout de même assez rare, et il est plus fréquent que ce soit vous qui demandiez une seconde délibération pour contredire les choix du Parlement.
Nous vous demandons un engagement, concret, dans le texte, pas seulement au micro, car, compte tenu du nombre de textes proposés l'année prochaine, nous craignons que le sujet passe à la trappe, encore une fois.
J'entends mes collègues Bazin et Guedj parler de fixer une date. L'important, c'est d'avancer ! Et la question n'est pas de mettre cette réussite au crédit des parlementaires : tout le monde s'en fiche ! Les Français veulent une loi.
Nous en avons voté le principe, la Première ministre vient d'annoncer une loi de programmation, avançons ! L'important n'est pas d'inscrire une date dans le marbre, mais d'avoir une loi.
Je le répète : les Français se préoccupent moins de ce qu'ils doivent mettre au crédit des parlementaires qu'à l'adoption d'une loi. La Première ministre en a pris l'engagement : tant mieux, c'est une réussite collective.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Comme vient de le dire M. Isaac-Sibille, nous devons avancer. Nous avons demandé un engagement sur une loi de programmation. Madame la ministre s'est engagée sur ce point.
Nous avons demandé, hier, un engagement sur la date. La Première ministre s'est engagée publiquement pour 2024. La surenchère consistant à demander un nouvel engagement doit cesser. La seule preuve dont nous disposerons, c'est lorsque nous aurons voté ce texte.
Pourront ensuite débuter de nouveaux travaux, un nouveau projet de loi avec, je l'espère, une adoption, comme prévu, en 2024.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mme Ségolène Amiot mime un joueur de pipeau.
Je rejoins pleinement l'avis de Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Aujourd'hui, nous devons continuer à examiner les amendements et les articles. D'importantes discussions ont été amorcées et doivent être prolongées, en matière de tarification, de fusion, de médecin coordinateur, de professionnel de santé.
Comment peut-on continuer à avancer si les mêmes arguments sont réitérés en permanence ? J'aimerais donc que nous avancions.
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l'amendement n° 417 rectifié .
C'est pour cette raison que nous demandons d'inscrire dans ce texte ce qui a déjà été voté. Je ne comprends pas votre opposition. Nous gagnerions beaucoup de temps, madame la ministre. Faute de quoi, nous allons devoir nous répéter, ce qui est dommage.
Plus nous parlons de grand âge, plus je suis heureux. Nous nous retrouverons donc jeudi, ou vendredi, pour achever l'examen de cette proposition de loi. Ce sera avec d'autant plus de plaisir que plein d'amendements intéressants ont été déposés par nos collègues des groupes Renaissance, Les Républicains, La France insoumise, entre autres.
L'amendement que je vous propose n'est pas rédactionnel. En remplaçant « peut », par « est », nous passons de la faculté à l'obligation d'automatiser le régime des sanctions à l'encontre des établissements qui ne respectent pas leurs obligations de qualité. En l'état de la rédaction, ces manquements peuvent être soumis à des sanctions : nous voulons, nous, qu'ils le soient automatiquement. Cela ne peut reposer sur une faculté, dont l'opportunité serait appréciée par on ne sait qui, dans on ne sait quelles conditions.
Avis défavorable. Il ne s'agit pas de gagner du temps, mais je pense que les autorités de tarification doivent conserver une marge de manœuvre pour réaliser les contrôles adéquats.
Nous allons soutenir cet amendement. Il est en effet important que la sanction soit obligatoire lorsque la faute est imputable à l'Ehpad.
Je profite également de cet amendement pour réagir aux propos de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, selon qui nous devrions faire confiance à la ministre, qui s'est engagée. Beaucoup de ministres se sont déjà engagés sur ces bancs : la ministre Agnès Buzyn, le ministre Olivier Véran, le Premier ministre Édouard Philippe s'étaient engagés.
Le Président de la République lui-même s'était engagé à ce qu'une loi sur le grand âge et l'autonomie soit déposée à la fin de l'année 2020. Or, en 2023, nous n'avons toujours pas de loi sur ce sujet.
Ce n'est pas que nous n'avons pas confiance en vous, ni que nous ne voulons pas entendre vos engagements, mais beaucoup de promesses ont déjà été faites, par les ministres et le Président de la République. Assez d'engagements : nous voulons de l'action.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.
L'amendement n° 417 rectifié n'est pas adopté.
L'article 11ter, amendé, est adopté.
Cet article reprend les propositions du rapport Libault, et du collectif de lutte contre la dénutrition. Mais comme souvent, ces dispositions ne sont pas assorties de sanctions ni de moyens pour contrôler le respect du cahier des charges. Les Ehpad privés lucratifs, comme Orpea, peuvent donc réaliser un cahier des charges sans le respecter ni prendre en compte les besoins effectifs des résidents. Comme le reste de votre projet de loi, c'est un effet d'annonce qui ne change finalement pas grand-chose à la réalité du bien-être des résidents d'Ehpad, la mesure n'étant pas assortie de sanctions.
Je tenais à remercier Mme la rapporteure d'avoir introduit cette disposition. Aussi incroyable que cela puisse paraître, dans des établissements servant quotidiennement trois, voire quatre repas, si la collation est incluse, il n'y avait pas de cahier des charges nutritionnel, quantitatif ou qualitatif. Pour tout ce qui concerne le grammage, la diversité des produits, la prévention de la dysphagie ou la lutte contre la dénutrition, nous allons enfin pouvoir, par une approche normative – ce qui n'est pas un gros mot –, encadrer les pratiques. Je me félicite que cette disposition réponde, comme l'oratrice précédente l'a rappelé, aux nombreuses sollicitations des diététiciens, nutritionnistes, médecins ou gériatres, mais aussi du collectif de lutte contre la dénutrition. Depuis quelques années, ce dernier organise, dans le cadre du programme national nutrition santé (PNNS), pour le Gouvernement et le ministère de la santé, la semaine nationale contre la dénutrition. Cela montre bien que ce sujet infuse dans le débat public.
Néanmoins, comme on l'a évoqué à propos de l'article relatif au financement par le forfait soins des actions de prévention, tout ceci n'a de sens que si nous augmentons ce forfait, afin que l'alimentation soit un élément de la prise en soin, pour mieux prévenir la dénutrition.
Reste que cet article est pertinent et ouvre la voie à une politique de prévention encore plus ambitieuse. Un jour, nous devrons également nous interroger sur la dénutrition des personnes âgées qui vivent chez elles : elle passe sous les radars, alors que c'est pourtant la plus problématique.
Notre groupe est favorable à la rédaction élaborée par la commission. Comme l'a indiqué mon collègue, améliorer la quantité et la qualité des repas dans les établissements qui accueillent des personnes âgées, pour prévenir et lutter contre la dénutrition, n'est pas un sujet anodin. Il s'agit d'un des points les plus choquants révélés par les récents scandales. Moi-même, cet été, j'ai pu constater que les briques de soupe et d'eau étaient coupées, faute de moyens – c'est en tout cas ce qui m'a été expliqué.
Veiller à la bonne nutrition de nos aînés, c'est prévenir les mauvais traitements. Ce cahier des charges destiné à assurer la quantité et la qualité des repas garantira donc un meilleur traitement des résidents ; il permettra d'objectiver et de déceler les cas de maltraitance, et de mieux encadrer la prise en charge en Ehpad de nos aînés.
L'amendement n° 1216 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 11 quater, amendé, est adopté.
Cet article met en lumière l'irrespect de la Macronie envers la démocratie et le travail parlementaire. Il s'agit de réaliser un rapport, pour étudier l'opportunité de créer un taux d'encadrement dans les établissements accueillant des personnes âgées.
Ce rapport serait rendu dans six mois. Ce rapport, nous le voulons dès maintenant. Remettez-le nous !
Avec toutes les sollicitations que vous avez déjà reçues, ce rapport devrait déjà être écrit. Il s'agissait d'une des principales recommandations du rapport d'information Fiat-Iborra, remis en mains propres au Président de la République, il y a déjà quelques années.
Ma collègue Caroline Fiat n'a cessé d'alerter sur l'absolue nécessité d'instaurer un ratio de six personnels soignants pour dix résidents. Elle a interpellé tous les ministres de la santé, la présidente de la commission des affaires sociales, le Président de la République, et j'en passe. Nous avions déjà adopté, par amendement au PLFSS pour 2023, une demande de rapport du même type, qui aurait dû nous être remis le 23 mars dernier. Et nous n'avons toujours rien !
Votre rapport devrait déjà être écrit. Transmettez-le nous dès maintenant. En attendant, les patients souffrent, les soignants n'en peuvent plus et l'ensemble des citoyens s'impatientent. Nous pouvons vous aider à formuler des recommandations, si cela peut vous permettre d'aller plus vite : Il faut bien un ratio de six personnels soignants pour dix résidents.
Il faut aussi plus d'ouvertures de lit et de meilleures conditions de travail pour tous nos soignants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il y a quelque chose d'un peu incongru dans cet article. Sur le fond, nous sommes certes d'accord pour réfléchir à ce taux d'encadrement, puisque cela correspond à la demande des professionnels, qui relaient eux-mêmes celle de leurs résidents. Je pense notamment à l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), qui, depuis des années, réclame un ratio de huit personnels soignants pour dix résidents, là où, actuellement, nous sommes autour de 6,2 ou 6,3 pour dix résidents. Reste que, l'an dernier, au moment du PLFSS, nous nous réjouissions lorsque l'amendement de ma collègue Caroline Fiat a été adopté.
C'était une petite victoire, qui, en vue d'une loi de programmation sur le grand âge, permettait de poser les bases d'une réflexion sur les modalités d'action. Aujourd'hui, pour préparer cette loi qui doit intervenir en 2024 – date que nous aimerions graver dans cette proposition de loi – nous serions heureux de lire ce rapport, qui aurait déjà dû être remis.
J'ai une question toute simple que je vais peut-être finir par vous poser en ma qualité de coprésident de la Mecss – mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale –, puisque l'article a été adopté dans le PLFSS pour 2023 : est-ce que ce rapport existe ? Si oui, communiquez-le nous. Si le rapport a bien été réalisé dans le délai prévu de six mois et que vous ne l'avez pas encore remis aux parlementaires de l'Assemblée nationale, je vous en demanderai la communication et vous aurez l'obligation de me le transmettre.
S'il n'a pas été réalisé, pourquoi ? Vous nous proposez d'en refaire un autre de même nature ; c'est un peu baroque !
Cela étant, nous sommes entièrement d'accord sur le fond. Oui, il faut fixer un ratio d'encadrement pour le personnel soignant, de même qu'il faut un ratio sur le temps du psychologue, sur le temps du diététicien, sur le temps du nutritionniste, et même sur le temps des animateurs. C'est cela qui permet de consolider les conditions d'accompagnement.
Je voudrais à mon tour insister sur le sujet du ratio entre les soignants et les résidents dans ces établissements. C'est un combat mené par Caroline Fiat depuis un certain temps et que nous menons avec elle. Nous avions voté la remise d'un rapport, qui a dû être élaboré par les services concernés. C'est ce rapport qui nous intéresse. L'heure n'est pas à demander de nouveaux rapports – il s'en écrit beaucoup, en ce moment, sur les enjeux qui nous occupent –, mais à rendre publics ceux que nous avons demandés pour que nous puissions prendre des décisions. Car en réalité, depuis hier, nous n'en prenons pas, et c'est bien le problème. Les données sont là ; il faut arrêter de reculer pour mieux sauter, et organiser un grand débat pour une grande loi.
Je me souviens très bien de cette séance, puisque nous avions adopté à l'unanimité cette demande de rapport. En tout cas, je crois que nous ne nous y étions pas opposés.
Quand j'ai été nommée, j'ai demandé un tableau de bord des rapports demandés par le Parlement car, ayant été parlementaire, je voyais bien que mes propres demandes restaient parfois lettre morte, de même que certaines questions écrites. Pour les questions écrites, nous sommes passés d'un taux de réponse de 35 % à un taux de réponse de 73 % ; il faudrait qu'il soit de 100 %, mais nous avons bien progressé.
Quant au rapport, mes services me confirment qu'il a été finalisé cette semaine. Vous en aurez communication en même temps que moi, c'est-à-dire demain !
Ce rapport sera rendu public, de même que l'intégralité des rapports commandés à l'Igas, comme je l'ai répondu hier à Jérôme Guedj. Je ne peux pas m'engager plus clairement pour témoigner du respect que mérite le travail parlementaire. Toutefois, si je puis me permettre, je vous invite à faire preuve d'un peu de rationalité. Il y a, sur ce texte, soixante-dix demandes de rapport. Si les services ont trois ou six mois pour y répondre, il est certain que leur travail sera plus compliqué.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 1217 de Mme Laurence Cristol, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement n° 1217 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement n° 1184 rectifié .
Nous parlons beaucoup de maltraitance institutionnelle. C'est un axe majeur de prévention. Les professionnels effectuent un travail remarquable au quotidien auprès des patients, mais ils sont malheureusement en nombre insuffisant. La première cause de maltraitance institutionnelle est le manque de professionnels : lorsque vous passez trop peu de temps avec lui ou que vous bousculez les habitudes du résident, c'est déjà une forme de maltraitance. Il est essentiel de replacer le résident au cœur de nos préoccupations et, pour ce faire, de déterminer la faisabilité d'un ratio permettant de prévenir au mieux la maltraitance institutionnelle.
Sur l'article 11 quinquies, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement porte sur le rapport concernant l'opportunité de créer un taux d'encadrement en partant du principe que c'est ce taux qui, faute d'être assez élevé, est source de maltraitance. Je rappelle que le titre II du texte, dont Annie Vidal est la rapporteure, comprend des mesures importantes pour lutter contre les maltraitances. Vous parlez du taux d'encadrement, mais n'oubliez pas toutes les mesures que nous avons déjà adoptées et qui seront mises en application dès l'adoption de la proposition de loi.
Pour ce qui est de la demande de rapport, je laisse Mme la ministre s'exprimer. Avis défavorable.
Je n'ai pas de difficulté avec le terme que vous employez, madame la députée : il y a évidemment une forme de maltraitance institutionnelle, à partir du moment où les professionnels n'ont pas les moyens de travailler parce qu'ils ne sont pas en nombre suffisant. Là-dessus, nous sommes d'accord.
Puisque le rapport sur le taux d'encadrement sera rendu public demain, je formule une demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. L'important n'est pas d'avoir un énième rapport mais de donner les moyens aux professionnels de travailler pour lutter contre la pénurie. Cela se fera surtout dans la loi de programmation.
L'amendement n° 1184 rectifié n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 138
Majorité absolue 70
Pour l'adoption 136
Contre 2
L'article 11 quinquies, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement n° 40 , portant article additionnel après l'article 11 quinquies .
Il vise à abroger les dispositions de l'article L. 313-23-3 du code de l'action sociale et des familles, qui est devenu caduc. Cet article prévoyait en effet la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement avant le 30 juin 2010.
L'amendement n° 40 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 284 .
Cet amendement propose d'élargir aux Ehpad et aux USLD – unités de soins de longue durée – du secteur public la réduction de cotisations sociales dont bénéficient les seuls salariés des Ehpad du secteur privé. En effet, à la différence du secteur privé, les salariés du secteur public ne bénéficient pas de l'abattement de 6 points des cotisations sociales. Cette différence de traitement pénalise les salariés des établissements médico-sociaux publics. De surcroît, quand on sait que la profession subit une sévère crise de recrutement, une telle réduction des cotisations sociales sur le personnel serait la bienvenue et pourrait éventuellement en diminuer l'ampleur.
Cette réduction de cotisations s'est substituée au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) dont les établissements publics ne bénéficiaient pas, puisqu'ils ne sont pas redevables de l'impôt sur les sociétés. Il s'agit de règles propres au secteur privé. Dans ce contexte, j'émets un avis défavorable.
Avis défavorable.
On pourrait discuter de la multiplication des exonérations de cotisations sociales dont le CICE a constitué la base il y a quelque temps de cela. Toutefois, ce qui me fait réagir, c'est que vous nous disiez, madame la rapporteure : « Il y a une différence entre le public et le privé, mais restons comme ça », alors que vous avez refusé, hier, des mesures en faveur des établissements publics en arguant du principe de libre concurrence. Je m'étonne d'entendre, à un jour d'écart, des arguments opposés.
Nous devons étudier de plus près le soutien au développement d'un service public en matière de droit à l'autonomie. C'est un débat incontournable. Je regrette qu'il ne puisse pas se tenir véritablement aujourd'hui, car il s'agit d'une absolue nécessité pour les temps qui viennent.
L'amendement n° 284 n'est pas adopté.
Je veux revenir sur l'amendement précédent pour dire que le différentiel de conditions sociofiscales devra être appréhendé dans la loi de programmation. Il y a quelques semaines, je me suis rendu, avec Monique Iborra, à la Fédération hospitalière de France-Occitanie, où nous avons eu une démonstration passionnante du différentiel de recrutement d'une aide-soignante dans un Ehpad public territorial et dans un Ehpad privé. Je n'entrerai pas dans les détails, mais le coût est de 20 % supérieur pour l'Ehpad public territorial, en raison de règles sociofiscales comme la taxe sur les salaires, sans même parler de la récupération de la TVA. Le système actuel crée des différentiels alors qu'il y a une pénurie de main-d'œuvre.
L'article 12, quant à lui, illustre le fait que nous avons besoin de lois spécifiques. Pendant longtemps, on nous a dit : « Il n'y a pas besoin de loi sur le grand âge, nous pouvons prendre les mesures nécessaires dans le PLFSS. » Patatras ! Cette bonne mesure, qui était issue du rapport d'Annie Vidal sur les conditions d'évaluation des Ehpad, a été censurée par le Conseil constitutionnel quand elle a été introduite dans le PLFSS pour 2022, au motif qu'elle constituait un cavalier législatif. La proposition de loi est le premier vecteur législatif à s'être présenté. Nous avons besoin d'une loi pour toiletter régulièrement le code de l'aide sociale et des familles, et le PLFSS ne peut pas remplir cette mission.
La disposition contenue dans l'article crée un encadrement des évaluations externes, avec une accréditation des organismes évaluateurs par un organe indépendant. Nous devons le faire dans de bonnes conditions, et je dirai tout à l'heure un mot des inquiétudes concernant les conditions de cette accréditation dans le champ du handicap.
La parole est à Mme Caroline Colombier, pour soutenir l'amendement n° 1172 .
Il vise à renforcer la transparence et l'accessibilité des évaluations de la qualité dans les établissements et services sociaux ou médico-sociaux (ESMS) en rendant ces évaluations publiques, afin d'encourager l'amélioration de la qualité des établissements. En effet, à la suite de différents scandales, nous considérons que l'une des exigences qui s'imposent à nous est d'inscrire dans la loi un certain nombre de jalons pour garantir la rigueur, la communication et la transparence de ces informations.
La parole est à Mme Annie Vidal, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission.
L'amendement est satisfait par la rédaction de l'article, selon lequel les évaluations de la qualité doivent être rendues publiques dans un langage clair et accessible, en détaillant des indicateurs de qualité fixés par la CNSA. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Nous avons abordé ce débat hier. Non seulement cet impératif figure dans la loi, mais le décret est déjà en cours d'écriture. Il sera publié avant la fin de l'année pour garantir la publicité des éléments de contrôle. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 1172 est retiré.
L'amendement n° 1031 de Mme Annie Vidal, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement n° 1031 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à préserver la souveraineté nationale dans le processus d'évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux, qui doit se conformer aux principes sous-tendant la construction de la société du bien vieillir en France. En supprimant la référence, dans le présent article, à l'accréditation « par tout organisme européen équivalent », nous souhaitons maintenir la primauté des organismes nationaux en matière de contrôle et de jugement sur ces établissements.
Il est crucial de reconnaître la spécificité des établissements français, et les organismes d'évaluation nationaux sont mieux à même d'appréhender et d'évaluer ces particularités. Ainsi, en éliminant la possibilité d'accréditation par des organismes européens, l'amendement vise à renforcer le rôle des autorités nationales dans la préservation des normes et des standards propres à notre pays dans le domaine des services sociaux et médico-sociaux.
La parole est à Mme Caroline Colombier, pour soutenir l'amendement n° 1175 .
Il vise à garantir que la France conserve sa souveraineté pour ce qui est du contrôle et de l'évaluation de ses établissements et services sociaux et médico-sociaux, qui répondent à des critères spécifiques. Nous refusons que l'accréditation puisse être accordée par un organisme européen quelconque, car la France n'a pas à sous-traiter le contrôle de ces établissements dont elle a la charge propre. Il faut donc supprimer la mention de « tout organisme européen équivalent signataire de l'accord multilatéral signé dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation ».
Je voudrais tout de même apporter une précision sur ce qu'est le Comité français d'accréditation (Cofrac) : c'est certes l'instance unique d'accréditation en France, mais il est complètement lié par des accords multinationaux, et c'est parce que de tels accords ont été signés que le Cofrac peut garantir la qualité et la sécurité des accréditations qu'il délivre. Il est donc normal de mentionner, en plus de cette instance nationale, les organismes européens équivalents.
Par ailleurs, parmi les groupes visés par l'action de la Cofrac, certains possèdent des établissements hors de France ; or ceux-ci doivent être accrédités sur les mêmes bases de référence que ceux situés en France. Ces accréditations font donc vraiment l'objet d'une coordination européenne, et l'instance française trouve ses équivalents dans chaque pays. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je veux lever le doute qui pourrait subsister quant à la manière dont les choses sont libellées. Notre pays compte 40 000 ESMS qui, vous le savez, sont contrôlés par des organismes habilités – des organismes privés –, selon des référentiels nationaux qui, eux, sont établis par la Haute Autorité de santé (HAS) ; est ainsi fixé un cadre national français. Ensuite, parmi les entreprises qui peuvent réaliser de tels contrôles, certaines peuvent ne pas être franco-françaises ! Mais il n'y a pas d'ambiguïté : le référentiel est édicté sous le contrôle de la Haute Autorité de santé. C'est donc la France qui établit ses propres règles et qui vérifie qu'elles sont bien appliquées. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 32
Contre 84
Hier, nous avons adopté un amendement qui prévoit la prise en charge du coût des évaluations dans le cadre des CPOM – contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. Le présent amendement vise à compléter le dispositif ainsi créé en donnant la possibilité de mutualiser les évaluations – tout en suivant les règles définies par la HAS –, lorsque l'établissement ou le service social ou médico-social concerné fait partie d'un groupe de plusieurs établissements, afin de limiter les coûts.
Ainsi, après l'alinéa 8 de l'article 12, je vous propose de préciser que dans le cas où l'établissement relève d'une organisation multi-établissements, que l'autorisation soit détenue par un organisme gestionnaire au sens du code de l'action sociale et des familles ou non, les évaluations peuvent être mutualisées dans des conditions fixées par la Haute Autorité de santé.
On a tendance à encourager les mutualisations et je pense même qu'on les force parfois un peu trop, surtout dans le cas d'établissements bien gérés. Je pense d'ailleurs que nous devrions revenir sur l'amendement n° 1380 rectifié de M. Sertin, que nous avions adopté au printemps sur le sujet – je vous ai écrit à ce propos il y a plusieurs semaines, madame la ministre, et je n'ai toujours pas eu de réponse. En effet, j'ai en tête des exemples très concrets d'établissements bien gérés qui seraient victimes de cet amendement, et je pense qu'il serait intéressant de corriger ce problème au cours de la navette.
En l'occurrence, la mutualisation serait judicieuse et concernerait les évaluations effectuées dans le cadre d'organisations multi-établissements, telles qu'on en trouve dans nombre de nos territoires.
Ce que vous proposez est déjà prévu, puisqu'une instruction du 28 juin 2023 relative à la mise en ?uvre de l'évaluation des activités et de la qualité des prestations délivrées dans les ESMS permet de regrouper sur un même créneau toutes les évaluations des différents établissements d'un même groupe, si celui-ci en formule le souhait. À mon sens, votre demande est donc satisfaite.
Par ailleurs, une telle mesure ne relève pas vraiment de la loi. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Dans la lignée de l'amendement que nous avons adopté hier, qui permet de réduire les frais liés aux évaluations, je suis évidemment favorable au principe que vous proposez ; c'est même le sens d'une instruction qui a été publiée cet été ! C'est donc déjà possible et déjà appliqué : il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la loi. Demande de retrait ou avis défavorable.
Madame la ministre, au printemps vous étiez placée un peu plus haut dans l'hémicycle, et je crois que celui qui était à votre place, au banc des ministres, ne nous avait pas donné la même réponse,…
C'est moi, maintenant !
…puisque l'instruction dont vous parlez n'avait pas encore été publiée. Or il ne vous a pas échappé que nous avons déposé nos amendements avant l'été !
Au lieu de vous contenter de dire que celui-là est satisfait, vous pourriez donc dire qu'il contient une demande légitime que vous avez prise en compte, en publiant une instruction sur le sujet.
Voilà ce que vous auriez dû me répondre ! Bon, vous ne l'avez pas fait, mais je trouve que cela aurait été plus correct de votre part. Pour ma part, je vais retirer mon amendement mais je le répète : nous n'avons pas mesuré l'impact préjudiciable d'un autre amendement – celui que nous avons adopté au printemps – sur le fonctionnement des établissements, notamment ceux qui sont bien gérés. Je me tiens à votre disposition pour vous expliquer pourquoi nous devons nous pencher de manière détaillée sur le sujet, surtout si vous voulez obtenir un consensus sur le texte, ce qui n'est pas encore le cas.
L'amendement n° 253 est retiré.
Sur les amendements n° 661 et 873 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Sur l'article 12, je suis saisie par les groupes Renaissance et Rassemblement national d'une autre demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Colombier, pour soutenir l'amendement n° 1200 .
Comme l'un des derniers amendements que nous avons défendus, il vise à renforcer la législation en vigueur en matière d'évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, en encourageant la transparence – nous en avons déjà parlé – et l'accessibilité des indicateurs de qualité et du résultat des évaluations. Cela permettrait d'augmenter la fréquence d'évaluations fondées sur des indicateurs simples, à la suite, là encore, des maltraitances qui ont été mises en lumière en Ehpad.
Vous voulez préciser les indicateurs de qualité de vie sur lesquels sont évalués les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dix indicateurs ont déjà été publiés sur le site de la CNSA : le taux d'encadrement ; le taux de rotation des personnels ; le taux d'absentéisme ; la date de la dernière évaluation de la qualité ; la présence de ce que l'on pourrait appeler un plateau technique, par exemple des salles de relaxation ; le profil des chambres ; le budget quotidien des repas par personne ; le nombre de places habilitées à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement (ASH) ; la présence d'une infirmière de nuit et d'un médecin coordonnateur ; enfin, l'existence de partenariats avec des réseaux de santé, équipes mobiles gériatriques (EMG) ou équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP). Des indicateurs existent donc déjà, et l'objectif de transparence qui est inscrit dans le présent article obligera à les publier.
Par ailleurs, le référentiel de la Haute Autorité de santé, sur lequel se fondent les évaluations, est justement organisé autour d'axes qui permettent d'apprécier tout ce qui concerne la qualité de vie. Un axe concerne les personnes, un autre a trait aux professionnels et un troisième se rapporte à l'établissement en tant que tel et aux conditions d'hébergement. Je ne pense donc pas que votre amendement apporte quelque chose de plus par rapport à ce qui existe déjà.
Enfin, je considère vraiment que l'évaluation faite sur la base du référentiel de la HAS est la plus solide possible. Avis défavorable.
Votre amendement comporte en fait deux aspects. Ce qui concerne les indicateurs, d'abord, est satisfait, précisément parce que nous avons renforcé les critères qui doivent être pris en compte ; ils sont publics et on peut les trouver sur le site de la CNSA. Comme je vous l'indiquais hier, il faudra évidemment qu'ils soient lisibles, pour que les familles comprennent comment les établissements sont évalués.
En revanche, et c'est la raison pour laquelle je vous demanderai de retirer votre amendement, vous demandez qu'une évaluation soit réalisée « mensuellement ». Honnêtement, je ne pense pas qu'il soit réaliste d'exiger de tous les directeurs des 7 500 Ehpad une évaluation mensuelle sur l'ensemble de ces critères.
J'ajoute qu'en deux ans, nous aurons contrôlé la totalité des Ehpad de notre pays – et, évidemment, certains auront été contrôlés plusieurs fois car ils le sont à la moindre alerte, au moindre risque. Je pense simplement qu'imposer ce travail de remontée d'informations sur une base mensuelle n'est pas réaliste.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 103
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 22
Contre 81
L'amendement n° 1200 n'est pas adopté.
L'amendement n° 391 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement n° 204 .
Si le présent article a pour ambition de conforter la législation en vigueur relative à l'évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, la transparence et l'accessibilité des indicateurs de qualité et des résultats des évaluations, qui sont impératives, doivent être davantage encouragées.
L'amendement vise donc à ce que soient systématiquement adressés aux familles les résultats de ces évaluations, car seule leur diffusion la plus large encouragera les établissements à améliorer leur qualité.
Vous demandez que les indicateurs utilisés et les résultats des évaluations soient diffusés très largement, ce que je comprends. Ils sont publiés sur le site de la CNSA, et il me semble qu'un affichage dans l'enceinte de chaque établissement serait tout à fait pertinent.
Cependant, indiquer dans la loi que les établissements vont devoir envoyer à chaque famille les résultats des évaluations de qualité me semble excessif : cela leur ajouterait une charge très lourde, sachant qu'ils croulent déjà sous les tâches administratives. Avis défavorable ou demande de retrait.
Il faut évidemment que l'ensemble des évaluations fassent l'objet d'une complète transparence. Cela passe par leur publication sur un site internet – nous en avons parlé hier ; ce sera le cas, évidemment, et c'est déjà le cas sur le site de la CNSA. Ils seront également affichés dans chaque établissement.
Par ailleurs se pose la question de la lisibilité. Je ne suis pas certaine que les évaluations réalisées, qui portent sur des questions très techniques, soient très compréhensibles et lisibles pour les familles.
L'enjeu est de disposer enfin d'indicateurs assez précis, lisibles et simples à comprendre afin que les familles mesurent la qualité de la prise en charge de leur parent. Plutôt que d'envoyer à chaque famille un rapport qui ne sera pas forcément lisible, il faut le rendre public en ligne et l'afficher dans l'ensemble des établissements, mais aussi prendre en considération des indicateurs compréhensibles par tous. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 204 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement n° 205 .
Dans le même esprit que le précédent, il vise à améliorer la qualité dans les établissements et les services sociaux et médico-sociaux et à augmenter la fréquence des évaluations réalisées sur la base d'indicateurs simples permettant de mesurer la qualité de vie et d'encadrement, par exemple le nombre de douches hebdomadaires, l'état nutritionnel des résidents ou encore le nombre de protections individuelles.
Une liste de dix indicateurs a déjà été déterminée. À partir de cette base, nous devons maintenant passer à la pratique. Vous souhaitez ajouter des indicateurs supplémentaires. Certes, par définition, lorsqu'on établit une liste de critères, on peut toujours en trouver de nouveaux, même s'il convient de rester raisonnable car, lorsqu'ils sont trop nombreux, l'analyse devient impossible.
D'un point de vue intellectuel, je suis donc d'accord avec l'idée d'ajouter des indicateurs. Cependant une telle mesure ne relève pas de la loi. En effet, la liste actuelle ayant été publiée sur le site de la CNSA, il n'est pas nécessaire d'en prévoir davantage dans la loi. Bien sûr, il n'est pas exclu que d'autres critères soient définis à terme. Avis défavorable.
L'amendement n° 205 , repoussé par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à supprimer l'alinéa 16 de l'article 12 de la proposition de loi.
Je vais me livrer à un exercice de vulgarisation à l'intention de ceux qui nous écoutent – s'il y en a encore à cette heure-ci. Les établissements et services sociaux ou médico-sociaux de type Ehpad sont régulièrement soumis à évaluation afin de déterminer s'ils peuvent conserver l'autorisation ou l'agrément nécessaire pour fournir des prestations de soins.
Le renouvellement total ou partiel de l'autorisation dépend exclusivement des résultats de l'évaluation de la qualité. C'est simple : si celle-ci est bonne, elle est renouvelée ; sinon elle ne l'est pas.
Vous proposez de remplacer, dans le code de l'action sociale et des familles, le mot « exclusivement » par « notamment ». Cela signifie que, pour décider du renouvellement d'une autorisation, il faudrait, certes, toujours prendre en considération les résultats de l'évaluation mais ce critère ne serait plus le seul.
Dès lors, madame la ministre, quels seront les nouveaux critères ? Si l'évaluation conclut qu'il existe des dysfonctionnements, l'autorisation sera-t-elle renouvelée ? De nombreuses questions restent sans réponse. Le changement que vous proposez ne semble pas aller dans le bon sens voire minimise l'importance des évaluations.
Puisque, en l'état, nous ne disposons pas de plus de détails, nous vous demandons de conserver la rédaction actuelle du code de l'action sociale et des familles afin que le renouvellement de l'autorisation soit décidé « exclusivement » – et non « notamment » – à la lumière des évaluations de l'établissement concerné.
La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l'amendement n° 1133 .
Dans le prolongement de ce qui vient d'être très bien expliqué par ma collègue, je trouve que l'alinéa 16 manque de clarté, ce qui le rend suspect. Quels sont les autres critères permettant d'accorder le renouvellement d'autorisation ?
Le changement de mot auquel vous procédez laisse penser que vous préférez accorder des autorisations à la va-vite plutôt que d'aborder, par exemple, la question des moyens. Dites-nous donc quels sont ces critères.
Puisque vous demandiez tout à l'heure plus de lisibilité, madame la ministre, nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'alinéa.
La parole est à Mme Caroline Colombier, pour soutenir l'amendement n° 1202 .
L'article 12 prévoit de modifier les conditions de renouvellement de l'autorisation des établissements sociaux et médico-sociaux, en ajoutant les résultats des évaluations de qualité comme critère de renouvellement, sans spécifier les autres critères pris en considération.
Il est nécessaire, selon nous, de maintenir la rédaction actuelle de l'article L. 313-1 afin que le renouvellement d'autorisation soit accordé « exclusivement », et non « notamment », sur la base des évaluations de l'établissement concerné.
Il est défavorable. Le remplacement du mot « exclusivement » par « notamment », que nous proposons, a du sens car d'autres critères peuvent être retenus pour décider du renouvellement de l'autorisation.
Je citerai par exemple l'application des recommandations de bonne pratique.
D'autre part, l'Igas nous avait demandé de fixer davantage de critères. Par ailleurs, nous devons être cohérents avec les mesures que nous votons. Or nous avons voté, plus tôt dans le débat, un amendement prévoyant que le renouvellement de l'autorisation pouvait dépendre du résultat des contrôles – il ne s'agissait donc pas, déjà, d'un critère exclusif.
J'ajoute que je donnerai un avis favorable à un amendement à venir, qui prévoit que les critères soient précisés par un décret.
Parmi les critères qui seront définis par décret – si vous adoptez l'amendement n° 126 à venir de Mme Brulebois – figurent notamment les résultats des inspections-contrôles, les démarches internes d'amélioration de la qualité menées par les établissements et services, les résultats des évaluations ou encore l'évolution des besoins du territoire – nous savons bien que la question démographique doit être prise en considération. Avis défavorable.
On ne peut pas soumettre des établissements à un régime d'autorisation en procédant à des évaluations au doigt mouillé – car c'est un peu cela que vous nous proposez. Se pose tout de même, dans ce dossier, la question de la bientraitance. Nous devons aussi débattre des moyens accordés aux établissements. Il convient donc de définir, de façon formelle, des règles précises. Cela peut d'ailleurs passer par un débat au Parlement.
Votre réponse, qui consiste à opter pour un décret, ne me convient absolument pas – pas plus qu'elle ne me rassure. Nous devons poser des bornes, sinon des scandales, comme ceux que nous avons connus il y a quelques années, éclateront de nouveau, inévitablement. Nous devons donc apporter ces précisions dès maintenant dans la loi.
Puisqu'un décret précisera les critères, il sera possible de procéder à des modifications et ce sera alors la seule référence. Je vous invite donc d'ores et déjà à adopter mon amendement n° 544 à venir, qui vise à supprimer l'adverbe « exclusivement », trop fort, sans toutefois le remplacer par « notamment », trop faible, ce qui laisse une plus grande marge de manœuvre.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 138
Nombre de suffrages exprimés 134
Majorité absolue 68
Pour l'adoption 54
Contre 80
L'amendement n° 544 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l'amendement n° 126 .
L'article 12 prévoit de remplacer le terme « exclusivement » par « notamment ». Toutefois, ce texte ne précise pas quels pourraient être les critères supplémentaires. Chaque autorité publique – conseil départemental ou ARS – pourrait ainsi déterminer ses propres critères, créant de nouveau un contexte de disparités territoriales voire des blocages en cas d'autorisations conjointement attribuées par un conseil départemental et une ARS. En effet, ces deux autorités pourraient poser des conditions différentes de renouvellement, ce qui mettrait les services dans une situation délicate.
S'il est compréhensible de ne pas choisir comme critère unique du renouvellement des autorisations les résultats des évaluations, il convient néanmoins de mieux circonscrire les autres critères possibles. C'est pourquoi cet amendement prévoit d'ajouter les mots : « dans des conditions définies par décret ».
L'amendement n° 126 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l'amendement n° 873 .
Madame la ministre, je pense que vous allez devoir répéter vos propos !
Cet amendement vise à renforcer la publicité des objectifs que les Ehpad s'engagent à respecter.
La publicité des diverses analyses a toujours un effet bénéfique sur les objectifs du personnel et, par conséquent, sur l'état sanitaire des établissements. Il est évident que les objectifs de qualité sanitaire dans un Ehpad doivent être proches de la perfection. Pour les atteindre, il faut un personnel non seulement formé mais aussi en nombre suffisant.
Or l'affichage permanent de ces objectifs, qui seraient donc visibles par les pensionnaires, le personnel, la direction et les visiteurs, renforcerait l'obligation de moyens de l'établissement en la matière.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Il existe un décalage important entre le dispositif légistique de votre amendement et l'exposé des motifs.
L'amendement prévoit en effet que « les évaluations sont affichées à la vue du public dans tous les établissements concernés ». Il est donc satisfait puisque cette mesure est prévue par l'article L. 312-8 du code de l'action sociale et des familles. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
Votre amendement pose un problème légistique. En effet, puisqu'il porte sur la question de la publicité des évaluations, il aurait dû viser l'article L. 312-8 du code de l'action sociale et des familles. Or il vise l'article L. 312-5, qui porte sur une autre question. En raison de sa rédaction, l'amendement ne vise donc pas le bon objet.
Sur le fond, comme je l'ai déjà dit à votre collègue Colombier, nous nous sommes engagés à ce que les évaluations fassent l'objet d'une publicité sur internet et dans les établissements. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 119
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 20
Contre 84
L'amendement n° 873 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 123
Contre 1
L'article 12, amendé, est adopté.
Je demande une suspension de séance avant d'en venir à l'examen des articles additionnels après l'article 12, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.
La séance est reprise.
Il y a eu un échange avec les représentants des différents groupes et Mme la ministre pour savoir si la séance serait prolongée au-delà de minuit pour achever l'examen du texte. Je vous indique qu'il reste 114 amendements plus les explications de vote, ce qui, au rythme actuel, nous mènerait jusqu'à cinq heures trente,
Exclamations sur divers bancs
même si soixante-dix amendements proposent seulement la remise d'un rapport. Par conséquent, et faute d'accord unanime des groupes, il n'y aura pas de prolongée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sabine Thillaye applaudit également.
Le décret n° 2022-734 du 28 avril 2022 a introduit de nouvelles obligations en matière de transparence financière, notamment l'obligation d'établir une comptabilité analytique pour chaque établissement social ou médico-social d'un groupe, et précise les documents qu'ils doivent fournir à ce titre. L'amendement donne à la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) le pouvoir de sanctionner les éventuels manquements à ces obligations. Il vise ainsi à assurer que les acteurs du secteur respecteront ces nouvelles règles garantissant la transparence financière et ainsi la qualité des services aux bénéficiaires.
L'amendement n° 1290 de M. Freddy Sertin est défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je profite de l'examen de ces deux amendements, que je voterai, pour m'exprimer sur cette proposition de loi puisque je n'aurai pas le plaisir d'être ici jeudi prochain.
Tout d'abord, je veux revenir sur la feuille de route que vous avez exposée vendredi, madame la ministre. Cette feuille de route s'inscrit dans une logique interministérielle que je salue, de même que je me félicite de l'annonce faite hier d'une future loi de programmation, suite à l'amendement de Jérôme Guedj et des amendements identiques au sien qui ont été votés au mois d'avril, au début de la discussion de cette proposition de loi. Je salue également la fin de la tarification à l'heure dans le secteur de l'aide à domicile. Enfin, je me félicite qu'ait été annoncée la création d'une mission composée de parlementaires de la majorité et de l'opposition ainsi que de présidents de conseil départemental pour travailler sur ladite loi.
Mais – car il y a toujours un mais – je veux aussi revenir sur ce qui manque encore au dispositif, à savoir une conférence des financements qu'il aurait fallu mettre en place concomitamment à la mission susmentionnée. Vous savez en effet, madame la ministre, qu'on achoppe depuis vingt ans sur cette fameuse loi du grand âge faute d'avoir défini ensemble les financements qu'on était prêts à débloquer. Il faut en effet de nouveaux financements : vous avez certainement vu l'étude que vient de faire paraître l'Institut des politiques publiques, sur le modèle de celles de la Drees, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, qui prévoit une augmentation affolante des recrutements nécessaires si on veut assurer le virage domiciliaire : plus 42 % ! Cela représente des sommes astronomiques. Mettons-nous donc d'accord pour la mise en place de cette conférence des financements, sinon j'ai bien peur que nous allions de nouveau vers un échec.
Il est défendu, madame la présidente, et je vais laisser mon collègue Freddy Sertin en développer l'argumentaire.
L'enjeu des recrutements en Ehpad est majeur. Pour relever ce défi, le Gouvernement a annoncé une trajectoire de recrutements supplémentaires de 50 000 personnels soignants d'ici à 2027.
Le présent amendement vise à améliorer la transparence, en prévoyant que les Ehpad transmettent chaque année leur taux d'encadrement à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui rendra ces données publiques sur son site internet, comme elle le fait déjà pour les prix de journée. Cette mesure permettra ainsi aux familles d'être mieux renseignées en pouvant mettre en regard le prix de journée et le taux d'encadrement.
Le Gouvernement a lancé en mars 2022 un plan national de contrôle des Ehpad, et les inspections ont révélé que certains groupes privés lucratifs prenaient, sans en informer les autorités compétentes, le contrôle d'organismes privés à but non lucratif exploitant, eux aussi, des établissements pour personnes âgées. Par cet amendement, je propose donc que de tels transferts de cession soient obligatoirement précédés d'une nouvelle demande d'autorisation. Cela vise à renforcer la surveillance de ces changements de gestion.
Les trois amendements identiques, issus de la mission flash lancée à la suite de l'affaire Orpea, visent à imposer aux établissements privés de s'engager à respecter les conditions relatives à la qualité de société à mission. Cela permettra de fédérer les salariés autour d'objectifs communs, de faciliter la collaboration entre les parties prenantes et d'afficher la volonté d'innovation au service de l'intérêt collectif.
Quelques mots sur le sous-amendement n° 1403 . Nous sommes évidemment favorables à l'obligation, pour les établissements, de respecter les conditions relatives à la qualité de société à mission, mais nous proposons que l'obtention de cette qualité soit conditionnée au respect d'un cahier des charges contenant des objectifs sociaux et environnementaux sur une série de sujets utiles : lutte contre l'isolement, présence de médecins gériatres, encadrement minimal des résidents, santé mentale, prévention des chutes, et ainsi de suite.
Quant au sous-amendement n° 1399 , il est défendu.
Défavorable. Les conditions relatives à la qualité de société à mission impliquent déjà de prendre des engagements, évalués dans le cadre du suivi de mission. Si les engagements ne sont pas tenus, l'entreprise perd sa qualité. Les précisions que vous proposez relèvent plutôt d'un cahier des charges relatif à l'évaluation de ces engagements.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements et les sous-amendements ?
Avis défavorable sur les deux sous-amendements et favorable sur les trois amendements. Le fait de conférer aux Ehpad la qualité de société à mission et de clarifier les objectifs des établissements, notamment des établissements privés à but lucratif, représente une belle avancée.
Prochaine séance, cet après-midi, à quatorze heures :
Questions au Gouvernement.
Puis, à quinze heures :
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 ;
Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 22 novembre 2023, à zéro heure cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra