La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quatorze heures.
Avant de poser ma question, je souhaite rendre hommage, au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES, à Mélinée et Missak Manouchian, aux « vingt et trois étrangers et nos frères pourtant », ces résistantes et résistants de la main-d'œuvre immigrée fusillés par les nazis, désignés comme boucs émissaires sur l'Affiche rouge parce qu'ils défendaient la dignité humaine et portaient un espoir plus grand qu'eux-mêmes, morts pour la France et vivants dans notre mémoire.
Mmes et MM. les députés de tous les groupes, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, RE, LFI – NUPES, LR, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et LIOT.
L'entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian est une juste réparation mémorielle ; elle ne rachète pourtant pas les errements graves de la politique de notre pays, si loin d'idéaux qui ont été un puissant antidote face à l'horreur. Le poète Manouchian, venu d'Arménie, on ne peut pas l'édulcorer. Puisse cet événement favoriser la réflexion et la prise de conscience ; puisse-t-il contribuer à nous orienter sur le chemin heureux de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, non sur celui de l'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
J'en viens à ma question, qui s'adresse au ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Gaza : 28 000 morts ; 68 000 blessés et 11 000 enfants désormais seuls ; aucune possibilité de fuite, si peu de possibilités de se soigner ; la famine, la douleur, la destruction, le chaos. La révolte ne nous quitte pas devant le massacre qui s'amplifie à Rafah, et que les crimes insoutenables du 7 octobre ne peuvent justifier.
Quels actes forts la France compte-t-elle engager ? Allons-nous consolider l'Unrwa – l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient – et déployer une action humanitaire massive ? Allons-nous soutenir l'ordonnance de la Cour de justice internationale et défendre le droit international ? Allons-nous empêcher le commerce des armes et proposer des sanctions européennes pour faire cesser le feu ? Allons-nous refuser les produits issus de la colonisation qui se poursuit ? N'est-ce pas enfin le moment de reconnaître l'État de Palestine ? Allons-nous saisir le Conseil de sécurité pour construire la paix avec le peuple israélien et le peuple palestinien ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES, et sur plusieurs bancs du groupe SOC.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux.
Je vous prie d'excuser le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné. Comme il l'a indiqué hier, la catastrophe humanitaire qui se déroule à Gaza doit cesser. La France exprime son inquiétude face aux frappes israéliennes. Les Israéliens connaissent notre position : M. Séjourné s'est entretenu avec leur Premier ministre lors de son déplacement au Proche-Orient. Une offensive israélienne à Rafah créerait une situation intenable. Afin d'éviter un désastre, nous réitérons notre appel à l'arrêt des combats. Israël doit prendre des mesures concrètes pour protéger la vie des populations civiles à Gaza.
En parallèle, nous sommes mobilisés pour faciliter l'évacuation de nos ressortissants et des personnes ayant travaillé pour la France. Dimanche, quarante-deux personnes ont ainsi pu quitter la bande de Gaza. L'avenir de cette région ne pourra s'inscrire que dans un État palestinien vivant en paix et en sécurité aux côtés d'Israël. La détermination de la France est totale ; des sanctions ont d'ailleurs été annoncées hier par le Gouvernement contre vingt-huit colons violents. Le cessez-le-feu est indispensable pour la libération des otages à Gaza – parmi lesquels se trouvent encore trois de nos compatriotes – et pour l'acheminement de l'aide aux populations civiles. Nous ne pouvons plus attendre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
J'ai bien entendu les prises de position du Gouvernement, ces derniers jours, mais nous devons accomplir des gestes beaucoup plus forts pour essayer de faire bouger les choses. Il y a urgence.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Depuis 2017, les personnes âgées n'avaient plus de ministère dédié ; je vois dans votre nomination, madame la ministre, le signe d'une prise de conscience de l'exécutif – j'espère ne pas me tromper.
Aujourd'hui, ce n'est pas moi qui vous interroge : je souhaite relayer la voix de plusieurs concitoyens que j'ai reçus ces dernières semaines dans ma permanence parlementaire. Je ne doute pas que leurs histoires feront écho à celles de milliers d'autres de nos concitoyens.
Je parle ainsi pour cette dame hébergée dans un Ehpad privé à Châtel-Guyon pour 3 700 euros par mois, qui a dû quitter cet établissement en janvier car il était bien trop cher pour ses faibles ressources.
Je parle pour cette une autre femme âgée, riomoise, qui, une fois payés les frais d'hébergement en Ehpad de son époux, n'a quasiment plus rien pour régler ses propres factures, et doit même renoncer à l'abonnement à son journal quotidien. Je parle pour toutes ces personnes qui, depuis des mois, m'écrivent leur incompréhension – parfois même leur colère – face au refus obstiné de votre gouvernement de transformer la réduction d'impôt pour frais d'hébergement en Ehpad en crédit d'impôt, c'est-à-dire en aide pour tous.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et LR.
Qu'avez-vous à répondre à leur détresse, qui, croyez-moi, est bien réelle ? Que prévoit le Gouvernement pour leur venir en aide ?
Au-delà de la question du reste à charge, comment comptez-vous répondre au défi du vieillissement de la population, face auquel, je le dis clairement, nous ne sommes pas prêts ? De nombreux travaux et rapports, consolidés dans la proposition de loi de mon collègue Jérôme Guedj, contiennent des réponses qui permettraient de mener une réforme ambitieuse de la politique du grand âge.
Nous ne pouvons plus procrastiner. Le 17 novembre dernier, votre prédécesseure, Aurore Bergé, s'est engagée à présenter au Parlement, avant l'été, une loi de programmation du grand âge. Faites-vous vôtre cet engagement ? Quand cette loi verra-t-elle le jour ? Pour toutes les personnes dont je parlais tout à l'heure, pour nous tous, il y a urgence.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.
Vous évoquez à juste titre les personnes qui ne peuvent plus s'acquitter de leurs frais d'hébergement en Ehpad, ou dont les enfants ne peuvent plus assumer la charge financière : nous leur devons des réponses concrètes.
Nous nous mobilisons depuis de nombreuses années pour améliorer leur situation.
Exclamations prolongées sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, LR et GDR – NUPES.
Rappelons tout d'abord que nous prenons en charge leurs soins. Les dépenses de la branche autonomie, créée en 2020, auront ainsi augmenté de 30 % entre 2022 et 2027.
Par ailleurs, nous nous sommes engagés à recruter 50 000 soignants supplémentaires et à créer 25 000 places dans les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).
En parallèle, nous devons renforcer l'attractivité de ces métiers. Nous avons commencé à le faire, et nous poursuivrons ce travail dans la lignée du Ségur de la santé.
Les chakras ne semblent pas ouverts aujourd'hui ! Qu'importe.
J'ai lu votre rapport sur la prise en charge des personnes âgées en établissement et l'encadrement de leur reste à charge, madame la députée – vous me l'avez présenté quand je présidais la commission des affaires sociales – ; j'en salue la qualité et le sérieux.
Sous l'impulsion de ma prédécesseure, Aurore Bergé,…
…nous avons lancé une réforme du financement des Ehpad ; elle s'appliquera dès 2025 avec les départements volontaires. Elle constitue un préalable en vue d'agir sur le reste à charge – c'est la clé, le nerf de la guerre –, en limitant les disparités territoriales. C'est une question de justice sociale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Quand la loi sur le grand âge, promise par votre prédécesseure, verra-t-elle le jour ? Pouvez-vous vous engager sur une date ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LIOT.
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Robert Badinter disait que le plus grand abolitionniste était Victor Hugo. Pour nous, le meilleur s'est éteint la semaine dernière. Ce matin, le Président de la République lui a rendu un vibrant hommage national devant la foule réunie place Vendôme, près du ministère de la justice où il mena, entre autres combats, celui de l'abolition de la peine de mort. Ce combat capital pour notre civilisation se nourrissait de sa passion pour la justice, qu'il savait humaine, donc faillible, et de sa conviction profonde – qu'il partageait avec Victor Hugo – que nul ne saurait être privé du droit d'être meilleur. Il affirmait que nous devions ce progrès humain aux présidents Mitterrand et Chirac, l'un pour avoir fait de la France le trente-sixième pays abolitionniste, l'autre pour avoir constitutionnalisé ce droit à la vie.
Pour Robert Badinter, le délinquant devait être acteur de sa propre peine. Il mena donc un autre combat, celui des travaux d'intérêt général. Il nous laisse en héritage bien d'autres luttes : contre l'antisémitisme, pour la compétence universelle, ou encore – question actuelle – contre la surpopulation carcérale.
Son dernier combat, il l'a mené pour l'abolition universelle de la peine de mort. Malgré le moratoire signé par 123 pays, 883 vies ont été dilapidées l'année dernière, 883 corps ont été électrocutés, coupés en deux. Aucune étude n'a pourtant jamais établi le pouvoir dissuasif de la peine de mort. Alors que certains pays s'éloignent l'un après l'autre de valeurs humanistes, alors que l'opinion publique appelle à des peines toujours plus lourdes, et qu'elle serait favorable au rétablissement de la peine de mort, la France doit plus que jamais poursuivre ce combat.
Je sais que vous faites vôtres les combats de Robert Badinter, monsieur le garde des sceaux. Comment entendez-vous les perpétuer ? Robert Badinter s'est éteint, mais il nous reste sa lumière.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Prétendre, comme je l'entends souvent, que la justice serait laxiste, et que ce laxisme générerait de la délinquance, c'est faire offense à l'héritage que nous laisse Robert Badinter. Dire que le tout-carcéral est la solution, c'est faire la même offense. Robert Badinter rappelait souvent, à propos de l'exemplarité, que lorsque les voyous commettent des infractions, ils ont d'abord la certitude de ne pas se faire prendre ; ils ne commettent pas leurs infractions avec un code pénal sous le bras : c'est la réalité, ne l'oublions pas.
Quant aux travaux d'intérêt général, créés par Robert Badinter, certains ne voudraient plus les voir figurer dans notre code pénal. À bon entendeur, salut ! Pour notre part, nous les avons multipliés, parce que nous croyons que cette peine est efficace, et nous savons qu'elle a fait ses preuves.
S'agissant de la peine de mort, l'extrême droite tergiverse encore et encore.
Sa restauration figurait en 2012 dans le programme de Mme Le Pen. Elle a dit être favorable au retour de la peine de mort à titre personnel, mais à titre politique…, on ne sait plus trop où on en est.
Arrêtez, à la fin, de vous en prendre à Mme Le Pen à tout bout de champ !
D'ailleurs, M. Bardella, le roi de la préterition, veut l'abolition sans la vouloir tout en la voulant.
Voici les chiffres. En 1981, deux tiers des États pratiquaient la peine de mort, ils sont aujourd'hui cinquante et un ; depuis 2022, six nouveaux États ont rejoint le camp des pays abolitionnistes.
Le vide que laisse Robert Badinter est à la hauteur de son héritage : immense, incommensurable. Pour le faire vivre encore, personne ne compte sur vous
L'orateur désigne les députés du groupe RN
mais tout le monde compte sur nous.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et sur quelques bancs du groupe SOC.
Monsieur le Premier ministre, quand allons-nous enfin légiférer sur la fin de la vie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Depuis près de deux ans, vous multipliez les promesses sans lendemain. La convention citoyenne s'est prononcée, le comité d'éthique s'est prononcé, nous recevons chaque jour des témoignages de personnes qui réclament de pouvoir mourir dans la dignité et de nombreux rapports parlementaires démontrent la nécessité de faire évoluer la loi. Que vous faut-il de plus ?
Après des semaines de discussions transpartisanes, de réunions avec les soignants et de déplacements auprès des malades, nous avions enfin fait aboutir un avant-projet de loi avec Mme la ministre Agnès Firmin Le Bodo, un texte équilibré, entre un renforcement des soins palliatifs et le nouveau droit à l'aide active à mourir – des mois de travail pour que la ministre soit finalement remerciée ! Le projet de loi sur la fin de vie sera-t-il remercié lui aussi ? Nous sommes très inquiets.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Car nous voilà aujourd'hui avec une ministre de la santé qui s'est déjà prononcée contre une aide active à mourir, son ministre délégué qui semble opposer soins palliatifs et aide active à mourir, et un Président de la République qui préfère consulter les cultes et prendre son temps.
Or nos concitoyens n'ont pas le temps, leurs souffrances n'ont pas le temps, leur peur de ne pas pouvoir choisir leur mort n'a pas le temps.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Pendant que vous reportez indéfiniment, il y a des histoires de vie douloureuses que vos errements ne pourront jamais réparer. Il y a urgence. Les patients ne peuvent plus attendre.
Pourtant, vous n'avez pas dit un mot sur ce sujet dans votre interview sur le calendrier des réformes.
Ne reste qu'une promesse – encore une –, celle, dans votre déclaration de politique générale, d'examiner ce projet de loi avant l'été. Alors ma question est simple : allez-vous enfin respecter cette promesse ?
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – Mmes et MM. les députés des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que quelques députés des groupes RE, LR, Dem et SOC applaudissent également.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Je pense que nous serons d'accord pour dire que la notion de fin de vie est liée à une pathologie et non à un âge. Je tiens à le rappeler car c'est un point important qui nous réunit.
Vous avez évoqué les différents travaux qui ont été menés. L'un des constats du premier d'entre eux, qui portait sur la douleur, est l'impérieuse nécessité de prendre en charge la douleur grâce à une stratégie décennale de soins palliatifs. M. le Premier ministre l'a évoquée dans une interview et l'a fait figurer dans ma feuille de route. C'est la première brique sur laquelle je voulais insister.
Le deuxième point est bien sûr l'aide à mourir. Là encore, les travaux menés – j'en profite pour rendre hommage à votre collègue Mme Firmin Le Bodo – ont permis de consulter et d'avancer sur des points très concrets. Le premier critère est évidemment la situation du patient : il faut savoir si son pronostic vital est engagé, de façon irréversible, et s'il subit une souffrance physique réfractaire. S'y ajoutent deux conditions très importantes : le patient doit disposer encore de sa faculté de discernement et l'équipe médicale doit donner son accord. Le Président de la République s'est engagé précisément sur cette question.
Oui, des consultations ont encore lieu. Celle de jeudi dernier, par exemple, a réuni des professionnels et des représentants de différents courants de pensée. Nous travaillons également avec les élus, avec le Parlement.
Je serai fière de défendre ce texte. Il sera prêt dans les semaines qui viennent et sera ensuite soumis au Conseil d'État. Nous serons alors en mesure d'en discuter, à la fin du printemps et probablement cet été. Voilà le calendrier et voilà notre engagement.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
J'entends que nous légiférerons sur ce texte avant le début de l'été. Un avant-projet de loi, rédigé de manière transpartisane, avait abouti lorsque Mme Firmin Le Bodo était ministre. Ma question est simple : ce texte sera-t-il celui que nous verrons arriver dans l'hémicycle ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.
Ma question s'adresse à M. Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité – qui est absent, me semble-t-il.
Demain, une chaîne humaine de 600 mètres se formera sur le port de Saint-Malo. 600 mètres : c'est aussi la longueur du filet dont sera équipé le nouveau navire-usine de la Compagnie des pêches de Saint-Malo, un monstre capable d'engloutir 400 000 kilos de poissons par jour et d'en congeler 7 millions.
Je salue les militants, associations et syndicats de pêcheurs qui se mobilisent pour protéger la biodiversité marine et la pêche artisanale.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
et je dénonce les armateurs tenants d'une pêche industrielle ainsi que les responsables politiques qui accompagnent ce modèle destructeur des océans.
L'administration a travaillé avec la Compagnie des pêches de Saint-Malo, laquelle a dépensé 15 millions pour le plus gros chalutier pélagique du monde – 145 mètres de long, il ne pourra même pas entrer dans le port de Saint-Malo. Après avoir vidé le golfe de Gascogne, il ira débarquer aux Pays-Bas le poisson congelé, qui sera acheminé par camion en Bretagne pour être transformé en bâtonnets de surimi. Une aberration pour l'environnement, un désastre pour les emplois côtiers.
Par ailleurs, la région Bretagne proposera ce vendredi sa feuille de route halieutique qui fixe le financement de la pêche bretonne jusqu'en 2027. Plaidant pour la construction de nouveaux chalutiers industriels et ignorant les pêcheurs artisans, ce document est incompatible avec toute transformation juste et écologique de la pêche française.
Monsieur le secrétaire d'État, qu'avez-vous à dire sur ce modèle industriel ? Quel est le rôle de l'administration dans l'exploitation du chalutier polonais Annelies Ilena ? D'après le communiqué de l'Élysée, vous avez hérité du portefeuille de la biodiversité, lequel se retrouve au dernier rang de l'ordre protocolaire. Or, jusqu'à présent, nous ne vous avons pas entendu sur la suspension du plan Écophyto. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur le non-respect par la France du cadre international sur les aires marines protégées.
Vous le savez, au rythme actuel, il y aura d'ici à 2050 plus de plastique que de poisson dans les océans. J'espère vous entendre sur la biodiversité d'ici-là.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je vous prie tout d'abord d'excuser Hervé Berville, retenu par une rencontre avec son homologue grec à propos de dossiers sur lesquels travaille le Gouvernement.
Vous m'interrogez sur la situation à Saint-Malo qui a en effet suscité beaucoup d'émotion. J'aurais aimé que vous commenciez votre intervention en saluant la période qui se termine cette semaine. Bientôt, nous irons à la rencontre des pêcheurs après le mois de fermeture spatio-temporelle de certaines activités de pêche dans le golfe de Gascogne.
C'est le Conseil d'État qui vous a obligés à procéder à cette fermeture !
La position du Gouvernement est simple : elle consiste à rappeler que la pêche contribue à notre souveraineté alimentaire au moment où nous importons 70 % des poissons que nous consommons, mais aussi à souhaiter que nous continuions, par tous les moyens à notre disposition, à réduire la surpêche.
Il y a vingt ans, seul 18 % du volume de poissons pêchés provenait de populations sur lesquelles ne pèse aucune menace en matière de stock ; ce chiffre s'élève désormais à plus de 56 %. Certes, le rapport de l'Ifremer – l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer – souligne qu'il nous reste encore des progrès à faire et que nous avons du chemin à parcourir par rapport à l'ambition qui était la nôtre en 2020.
Ce qui nous anime, c'est précisément la volonté de continuer à travailler de manière responsable avec les pêcheurs pour éviter cette surpêche et de continuer à agir en faveur d'un bon état écologique.
Je vous ai entendus – vous et quelques autres – dire à quel point vous souteniez les agriculteurs, à quel point vous compreniez qu'une agriculture durable et souveraine était également une bonne chose du point de vue écologique. Je ne doute pas que vous avez le même regard s'agissant d'une pêche souveraine et durable.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et HOR.
De l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution à la procréation médicalement assistée – ou PMA –, les choix des femmes doivent être protégés et assurés pour toutes.
Par exemple, les spermogrammes démontrent l'impact négatif de la santé environnementale sur la santé humaine et ses conséquences sur la baisse de la fertilité. Le développement de la recherche sur les maladies génétiques accroît les connaissances scientifiques sur les anomalies et les pathologies qui entravent la reproduction.
Dans les années 1980, la recherche française fut parmi les premières à permettre l'accès à la procréation médicalement assistée mais nous sommes aussi l'une des dernières nations à pratiquer cette technique au moyen d'une médecine hasardeuse.
La recherche d'anomalies de l'embryon est déjà proposée sous consentement à toutes les femmes en fin de premier trimestre, conduisant à autant d'interruptions de grossesse, mais reste prohibée pour les femmes en parcours de PMA avant implantation : une logique ubuesque.
Or les données sont sans appel : selon l'âge des patientes, 40 à 90 % des embryons sont porteurs de telles anomalies, réduisant de facto les chances de donner naissance à un enfant. Dans la grande majorité des cas, elles conduiront à des avortements spontanés ou à de multiples interruptions médicales de grossesse.
Le parcours proposé aux femmes françaises, composé trop souvent des quatre tentatives autorisées, avec les souffrances et les risques associés, est indigne de notre pays.
Enfin, seules les plus favorisées d'entre elles pourront accéder à ces techniques biomédicales à l'étranger, renforçant malgré elles les délocalisations de la reproduction et le tourisme médical.
Une telle recherche d'anomalies limiterait le transfert embryonnaire à un seul embryon, éviterait la congélation d'embryons anormaux, bref multiplierait de façon considérable les chances de succès de la PMA. Le coût humain est terrible bien sûr mais c'est aussi un coût sanitaire et financier.
Dès lors, monsieur le ministre, quand autoriserez-vous la recherche d'anomalies chromosomiques avant l'implantation de l'embryon dans le cadre d'une PMA ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Vous m'interrogez sur l'autorisation de la recherche d'anomalies chromosomiques avant l'implantation de l'embryon, et ce dans le cadre de la procréation médicalement assistée – on parle également de DPI-A, soit le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d'aneuploïdies.
Aujourd'hui, il n'est pas pratiqué systématiquement en population générale mais seulement lorsqu'un risque a pu être identifié chez les parents – vous l'avez rappelé. L'ouverture du DPI-A à l'ensemble des personnes inscrites dans un parcours de fécondation in vitro, ou FIV, a fait l'objet – vous vous en souvenez – de débats parlementaires nourris lors du dernier projet de loi sur la bioéthique, il n'y a pas si longtemps, en 2021.
Je partage pleinement la ligne défendue alors par le Gouvernement sur cette question. Il ne faut pas limiter nos capacités de dépistage de maladies pouvant avoir des conséquences sanitaires terribles sur les enfants qui viennent de naître ou sur les enfants à naître. Il faut aussi donner au patient en parcours de FIV le maximum de chances d'aboutir à une naissance. C'est à la science de faire son chemin et de formuler des propositions.
Avant d'autoriser par la loi la technique DPI-A, celle-ci doit être validée, à la fois sur le plan médical et scientifique mais aussi d'un point de vue médico-économique ainsi qu'éthique. C'est pour cette raison qu'une étude clinique sur le sujet a été lancée, comme vous le savez. Actuellement en cours, elle devrait aboutir à des conclusions en 2026 ou en 2027.
Sur la base de ces travaux, nous pourrons rouvrir le débat parlementaire – il le faudra – sur l'autorisation du DPI-A pour l'ensemble des patients ayant recours à une FIV.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Cela fait sept ans que le nouveau monde est aux affaires et deux ans que vous-même êtes en charge du ministère de l'agriculture.
Il y a trois semaines, un mouvement agricole vous a bousculé, à tel point que le Premier ministre a été obligé de préempter ce dossier – et c'est le Président de la République lui-même qui s'en occupe aujourd'hui.
Je ne comprends pas que vous n'entendiez pas le murmure profond des territoires, cette exaspération de femmes et d'hommes qui souffrent dans le cadre de leurs activités agricoles. Pourtant, ce n'est pas faute de vous faire remonter leurs revendications concernant le juste prix, la simplification des normes, les contraintes environnementales et les contrôles trop tatillons.
Monsieur le ministre, vous êtes aux responsabilités. Vous disposez d'un budget et d'un pouvoir réglementaire. Ne me renvoyez pas à une future loi agricole. Ne me parlez pas de concertations avec les syndicats car depuis le temps, vous devez connaître les dossiers et avoir les solutions. Ne vous réfugiez pas non plus derrière l'Europe. Vous avez des prérogatives pour prendre des décisions rapides et pouvez vous appuyer sur les préfets en leur donnant une certaine latitude – certains le demandent et n'ont aucune réponse de votre cabinet. J'attends avec mes collègues que vous preniez enfin vos responsabilités en proposant des mesures concrètes et urgentes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Ne vous inquiétez pas, j'ai l'habitude de prendre mes responsabilités. Cela fait sept ans que nous sommes au travail…
…pour la rémunération des agriculteurs. Je pense aux lois Egalim mais aussi à l'action et aux moyens que nous avons mis en œuvre en matière de transition. Je pense aussi à ce que nous avons fait – et qui doit encore se déployer – dans le cadre du plan eau ainsi qu'aux combats européens que nous menons, par exemple sur la PAC, la politique agricole commune, ou sur les mesures-miroirs. Eh oui, monsieur Morel-À-L'Huissier, pardonnez-moi mais certains dossiers se règlent au niveau européen.
En revanche, c'est vrai, nous devons accélérer sur un certain nombre de points, comme les questions liées à la simplification. Des mesures sont prises dès à présent. Un décret sur les curages a ainsi été promulgué et nous nous assurerons de sa bonne application. Par ailleurs, un décret, examiné actuellement par le Conseil d'État, prévoit de simplifier les procédures – un problème qui ne date pas d'il y a deux ans, ni même de sept ans, mais bien de quinze ou vingt ans.
Vous-même avez été membre de la majorité de l'époque et aviez soutenu les mesures décidées alors… Le Gouvernement est en train, je le répète, de travailler à la simplification, mais je suis désolé de vous rappeler qu'il faut tout de même parfois passer par la loi, et nous le ferons dans le cadre du projet de loi d'orientation agricole.
Et, en même temps, nous répondons à l'urgence, qu'il s'agisse de l'élevage…
Il faut un fort soutien à la filière laitière : 50 millions d'euros, c'est l'amendement Jumel !
…en proie à la MHE, la maladie hémorragique épizootique, à travers un fonds d'urgence qui prendra en charge les frais vétérinaires à hauteur de 80 millions, ou de la question viticole, en consacrant 150 millions à la restructuration du vignoble. Chaque fois, nous sommes au rendez-vous de l'urgence, y compris dans les crises graves qu'a traversées l'agriculture : je pense à la crise ukrainienne, à la crise de l'inflation ou encore à la crise du covid.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Si je vous comprends bien, monsieur le ministre, vous êtes au courant de tout et tout va bien… Pourquoi alors le mouvement agricole actuel ? Pourquoi des hommes et des femmes se battent-ils aujourd'hui et vous disent-ils qu'ils ne peuvent plus accepter ce qui se passe ? Bougez-vous !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT. – Mme Emmanuelle Anthoine applaudit également.
J'aime beaucoup les injonctions et le « y'a qu'à, faut qu'on »… Tout paraît si simple avec vous, mais vous êtes député depuis nombre d'années et qu'avez-vous fait de votre côté ? Nous, nous travaillons concrètement à la simplification ; nous, nous avons travaillé à la modification du plan « loup » ;
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem
nous, nous nous battons au niveau européen sur les jachères par exemple. Je n'ai pas de leçons à recevoir de votre part.
Mêmes mouvements.
Ma question s'adresse à Mme la Ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
J'appelle votre attention, madame la ministre, sur une situation devenue insupportable dans les stations de sports d'hiver, et ce depuis le début de la saison, que dis-je, depuis des années ! En effet, nous constatons la présence de nombreux moniteurs de ski étrangers qui, pour certains, ne possèdent pas la carte professionnelle requise et, pour d'autres, ne satisfont pas à leurs obligations fiscales et sociales. Pendant que nos professionnels de l'enseignement du ski payent de lourdes charges, une concurrence déloyale s'est donc organisée sous leurs yeux, à leur détriment !
Certes, des contrôles coordonnés sont menés par l'administration et par la gendarmerie et l'Urssaf, que je remercie pour leur implication. Mais la réalité est qu'elles manquent de moyens humains et de moyens réglementaires. Il faudrait que toute délivrance de carte professionnelle soit assortie de l'obligation pour le demandeur de fournir une attestation de conformité fiscale et sociale, quelle que soit sa nationalité, à l'instar de ce que les écoles de ski demandent à leurs moniteurs.
À ce contexte particulier s'ajoute le rapport de la Cour des comptes, à charge et parfois caricatural, sur les sports d'hiver. Qu'en pensez-vous ! ?
Madame la ministre, le problème de la concurrence déloyale est identifié : il faut le régler ! Un problème de même nature se pose aussi d'ailleurs pour les artisans taxi. Il est du rôle de l'État que de protéger l'activité de nos compatriotes.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Je vous remercie beaucoup pour votre question car vous abordez des enjeux qui sont importants, a fortiori dans un contexte marqué, depuis la crise du covid, par l'augmentation du nombre de moniteurs étrangers qui viennent encadrer en France. Il est capital que nous contrôlions de manière très rigoureuse leurs titres et qualifications, mais aussi que nous sécurisions les conditions d'une concurrence la plus loyale possible en termes d'obligations fiscales et sociales.
Vous évoquez les moyens de contrôle. Nous les renforçons : c'est le sens de la création, au 1er septembre dernier, du service national des métiers de l'encadrement du ski et de l'alpinisme, que j'ai chargé d'une mission de coordination de nos inspections et de l'évaluation de toutes ces questions. Je précise que pas plus tard qu'hier, à Courchevel, un contrôle interservices d'ampleur a été diligenté. La vigilance du ministère ne baissera pas d'un iota car ces enjeux sont absolument majeurs. J'ai d'ailleurs eu l'opportunité de m'en entretenir récemment avec le président du Syndicat national des moniteurs du ski français.
Nous croyons dans l'avenir des sports d'hiver, vous le savez, et c'est le sens de la candidature de la France aux Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2030.
L'ensemble de ce gouvernement et les administrations concernées sont ultramobilisés pour sécuriser partout et tout le temps le caractère à la fois loyal et efficace de nos activités, tant économiques que commerciales.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous, au groupe Les Républicains, sommes évidemment d'accord sur l'existence d'une concurrence, mais à la condition qu'elle soit loyale. Et il faut y veiller absolument.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR.
Ma question, à laquelle j'associe ma collègue Marie-Agnès Poussier-Winsback, s'adresse à M. le garde des sceaux.
Depuis quelques jours, la machine infernale des réseaux sociaux s'emballe et fait entendre une musique insidieuse, pernicieuse et profondément dangereuse, celle d'une campagne de désinformation qui s'est propagée avec une rapidité déconcertante, pour ne pas dire effrayante. Sur différents posts et vidéos, on peut lire en effet que « la France ne criminaliserait plus le viol », que le Président de la République l'aurait dépénalisé et qu'il serait même « désormais permis ». Ces affirmations ne sont pas des cas isolés et elles ont été vues, partagées, repartagées des millions de fois au point de devenir la vérité pour un grand nombre de nos concitoyens ! Ainsi, dans ma circonscription, des collégiennes inquiètes sont venues me trouver pour savoir si c'était vrai qu'en France, désormais, le viol était autorisé.
On pourrait croire qu'une campagne aussi dangereuse et néfaste est le fruit d'ingérences étrangères, de la Russie et de ses ingénieurs du mensonge… Et pourtant, ce n'est pas le cas ! Elle résulte des propos scandaleux tenus par des parlementaires européens de gauche, à l'instar de Raphaël Glucksmann ou de Manon Aubry, qui nous parlent de scandale ,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe HOR
et expliquent même que « pour Macron, une relation sexuelle non consentie n'est pas un viol ». Aveuglés par la haine du Président de la République, ces pyromanes, ces fossoyeurs de la vérité sont prêts à tout pour faire le buzz, pour faire de la politique politicienne,
Mêmes mouvements
prêts à toutes les compromissions avec la vérité ! Je le dis avec force ici : la campagne pour les élections européennes n'autorise pas tout, ne permet pas tout. On ne joue pas avec le viol qui est « comme une mort », disait Gisèle Halimi.
Mes chers collègues, alors que les fausses informations pénètrent les esprits et menacent nos démocraties, la parole politique, notre parole, nous engage. Nous avons une responsabilité : celle de garder de la dignité, de la mesure et de la tempérance, celle de ne pas être nous-mêmes des ingénieurs du chaos et du mensonge.
Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous redire à la représentation nationale la position de la France afin que la vérité puisse être rétablie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Je vous remercie, monsieur le député, de me permettre en deux minutes de remettre les pendules à l'heure. Car c'est très important. Tout part d'une directive européenne ; la position de la France est très claire : se pose en droit une question de compétence.
Nous pensons, comme l'Allemagne d'ailleurs, qu'il n'est pas possible de modifier l'article 83 du traité fondamental. Ce n'est pas plus compliqué que cela et ce n'est rien d'autre que cela.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais les LFIstes, qui devraient ouvrir un code pénal de temps en temps ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Maxime Minot applaudit également
nous racontent que le président Macron ne veut plus que le viol soit criminalisé. Outre que le propos est injurieux, c'est une folie que de raconter cela !
« Eh oui ! » sur divers bancs des groupes RE et Dem.
De nombreuses femmes qui ont été victimes se posent des questions, évidemment : « Puis-je encore déposer plainte ? », se demandent-elles.
J'ajoute, pour donner totalement tort à nos adversaires, qu'en France, les condamnations pour viol ont augmenté de 30 % depuis 2017.
Et je rappelle que notre législation est la plus sévère d'Europe, mesdames, messieurs les députés LFIstes.
Enfin, je conclurai en soulignant que le Parlement européen, la Commission et le Conseil européen, dans un trilogue conclusif, nous donnent raison et ont repris les éléments qui sont les nôtres !
Non, en politique, on n'a pas tous les droits !
L'orateur se tourne vers les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce que vous avez fait est une honte et un scandale !
Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est vous, la honte !
Mêmes mouvements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN
nous vous avons découvert un nouveau visage : celui d'un défenseur invétéré de l'agriculture française face aux dégâts du libre-échange mondialisé …
Mêmes mouvements
S'il vous plaît, seule l'oratrice a la parole, chers collègues, vous n'avez pas à vous exprimer.
On n'entend rien en effet. Madame la députée, vous allez recommencer votre question, et cette fois-ci dans le silence. Le compteur est remis à zéro.
Monsieur le Premier ministre, ces dernières semaines, disais-je, nous vous avons découvert un nouveau visage : celui d'un défenseur invétéré de l'agriculture française face aux dégâts du libre-échange mondialisé et de la surréglementation qui étrangle nos producteurs.
Mais qui croire, vous qui assurez maintenant que les agriculteurs français seront protégés de la concurrence internationale déloyale, ou M. Dombrovskis, qui hier au Parlement européen, a vanté les mérites des accords de libre-échange pour l'agriculture européenne en défendant un projet d'accord avec le Mercosur, le Marché commun du Sud, que les présidents Lula et Milei sont empressés de voir conclu et qui fera passer de 13 % à 26 % la part de viande bovine importée depuis l'Amérique du Sud ? Qui croire, monsieur Attal ? Vous qui affichez votre opposition franche à ce projet d'accord ou M. Scholz qui affirme que cet accord doit être conclu au plus vite, laissant présager qu'une fois de plus, l'agriculture française va être sacrifiée au profit des exportations industrielles allemandes ? Comme ce fut le cas de la filière aviaire avec le Chili et de la filière ovine avec la Nouvelle-Zélande, allons-nous aujourd'hui immoler notre filière bovine ? Qui croire, monsieur Attal : le premier ministre français qui promet que notre pays bloquera cet accord ou les traités européens qui rappellent qu'en la matière, les États membres n'ont aucun droit de veto ? Qui croire, vous qui, annonçant la mise en pause du plan Écophyto, affirmez qu'il n'est plus question de soumettre la France à des normes phytosanitaires plus sévères que ses voisins, ou M. Béchu qui a soutenu il y a peu qu'il n'a jamais été question de suspendre ce plan plus de quelques jours ?
Que croire, monsieur Attal ? Les engagements solennels du Premier ministre envers les agriculteurs pour éteindre le feu de la colère né dans les fermes françaises ou le bilan politique de la majorité présidentielle qui, année après année, a préparé cet incendie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Madame la députée, ce sont les faits qu'il faut croire. Et je vais donc vous les rappeler.
C'est bien parce que la France s'est opposée au traité de libre-échange avec le Mercosur qu'il n'a pas été signé, et ce pour les raisons que vous évoquez : il prévoyait d'organiser une concurrence déloyale en posant le principe d'une agriculture qui n'est pas celle que nous voulons, tant au niveau français qu'à l'extérieur de nos frontières. C'est la France aussi qui s'est opposée au traité de libre-échange avec l'Australie, considérant que certaines garanties nécessaires n'avaient pas été prises. Voilà ce qu'il faut croire parce que ce sont des faits que nous avons tous sous les yeux.
Sur la question de la simplification, c'est la même chose. Il est vrai que des mesures en ce domaine étaient attendues depuis très longtemps, mais la question était déjà mise sur la table : je pense au curage des fossés, mais aussi aux délais de recours qui vont être ramenés dans le droit commun alors que cette affaire traînait depuis quinze ans, ce qui permettra aux agriculteurs de développer des projets d'élevage ou des projets sur l'eau qui ne soient plus embourbés par des procédures dilatoires ne visant au fond qu'à les empêcher de se réaliser.
En matière de surtransposition, je vous rappelle que nous avons commencé à agir, y compris s'agissant des produits phytosanitaires. Nous aurons besoin de revenir sur ce dernier point dans la loi d'orientation agricole parce qu'il y aura alors des mesures législatives à prendre, mais le principe est posé.
Et puis, vous avez évoqué l'urgence de la situation, et je sais que votre département est, lui aussi, concerné. Vous avez raison d'en parler, mais qui croire sinon les faits ? Nous prenons des mesures pour l'élevage par rapport à la MHE, la maladie hémorragique épizootique, mais aussi pour la viticulture et pour le bio, comme nous l'avons fait au cours des années précédentes sur beaucoup de sujets. Ceux-ci sont nombreux, mais le Gouvernement s'en saisit et nous avançons.
Tous les députés de la Macronie ont voté tous les traités de libre-échange.
Maintenant, vous nous parlez des aides au niveau de la filière bovine alors qu'on a perdu plus de 2 millions de têtes depuis 2017… Quant aux aides annoncés, j'ai des retours du Lot-et-Garonne qui montrent qu'il y a de trop nombreuses exclusions du dispositif et que la filière n'est pas complètement protégée. Ce que vous dites à ce propos n'est pas vrai, je tiens ces éléments à votre disposition, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la députée Laporte, vous trouverez toujours la porte du ministère ouverte
Sourires et exclamations
pour répondre aux difficultés pratiques qui peuvent se poser concernant le déploiement des mesures sur l'élevage. Nous sommes, nous aussi, vigilants à cet égard et nous regarderons s'il y a des difficultés. Le guichet est ouvert depuis le 5 février, et je constate qu'un certain nombre de gens s'y sont déjà inscrits. S'il faut faire évoluer le dispositif, pas de problème ; en tout cas, il est déjà sur la table.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Naïma Moutchou.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 5.
Il vise à supprimer l'article 5, qui déroge au principe du secret de l'enquête et de l'instruction. En effet, l'article oblige le ministère public à informer les ordres professionnels de santé dans deux hypothèses : en cas de condamnation, même non définitive, d'une personne relevant de ces ordres pour une infraction liée aux dérives sectaires ; et en cas de placement d'une personne sous contrôle judiciaire, avec obligation de ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, ou de ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs.
Imposer au ministère public de transmettre des décisions judiciaires non définitives, sans qu'il puisse en apprécier l'opportunité au cas par cas, nous semble contrevenir au principe du secret de l'instruction et à la présomption d'innocence. Nous proposons, conformément à l'avis du Conseil d'État, qu'une circulaire de politique pénale recommande au parquet de procéder à une appréciation de chaque situation individuelle afin de déterminer si cette communication est ou non opportune.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 117 .
Parlant de dérives, nous avons là affaire à une dérive démocratique. Trahir le secret de l'enquête pour, soi-disant, préserver la sécurité des citoyens représente, dans ces conditions, une aberration totale. On piétine le droit des justiciables, surtout si l'affaire n'est pas totalement jugée. Lorsqu'il y a un appel en cours, transmettre aux ordres les accusations dont fait l'objet un praticien est, à notre sens, scandaleux. Il serait incohérent pour le législateur de voter un article qui s'affranchit du principe de la présomption d'innocence, sur le plan judiciaire comme professionnel. Nous demandons donc la suppression de l'article 5.
La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Je suis défavorable à ces amendements de suppression, pour les raisons suivantes.
L'article 5 est nécessaire pour assurer une meilleure transmission de l'information entre l'autorité judiciaire et les ordres professionnels de santé ; c'est d'ailleurs ce que réclament les ordres, qui souhaitent mieux appréhender les sanctions. La loi prévoit aujourd'hui, à l'article 11-2 du code de procédure pénale, la possibilité pour le ministère public d'informer les ordres de santé, mais force est de constater que cette disposition est peu employée.
Il est déterminant que les ordres soient informés des procédures judiciaires et des condamnations prononcées à l'égard des professionnels de santé sur lesquels ils ont autorité. Cette information leur permet d'assurer le respect du contrôle judiciaire et, en cas de condamnation, leur offre une base juridique pour prendre le cas échéant des sanctions disciplinaires.
Dans son avis, le Conseil d'État a certes noté que cette précision ne relevait pas nécessairement du domaine de la loi. Cependant la disposition est directement inspirée d'un article existant du code de procédure pénale, l'article 706-47-4, qui instaure un mécanisme d'information obligatoire identique.
Pour l'ensemble de ces raisons, il m'apparaît nécessaire de conserver l'article 5 tel qu'il est rédigé.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable également. L'article 5 du projet de loi rend les ordres nationaux des professionnels de santé destinataires des décisions pénales prises contre une personne relevant de leur autorité, leur donnant ainsi la capacité de mieux exercer leur pouvoir disciplinaire.
Vous faites peu de cas de la présomption d'innocence. Avez-vous consulté les praticiens de votre connaissance pour recueillir leur avis sur les dispositions de cet article ? Ils sont nombreux à y être opposés.
Si vous commencez à appliquer une telle dérogation à la présomption d'innocence pour le milieu médical, vous pourriez la généraliser. Cela ne serait d'ailleurs pas étonnant, car en matière d'ordre public, vous ne faites qu'étendre la logique de pénalisation à outrance. Autoriser un tel dispositif pour les professions de santé conduira à l'appliquer à d'autres sphères, et vous finirez par remettre entièrement en question la présomption d'innocence. Cela se traduira par un name and shame – pardonnez l'horrible anglicisme –, pour l'heure auprès de l'Ordre des médecins, puis pourquoi pas auprès des ordres d'avocats. Vous vous engagez sur une mauvaise pente et prenez le risque d'abîmer les libertés individuelles – même si, je répète, cela ne nous surprend pas outre mesure.
L'article 5 est adopté.
L'amendement n° 171 de M. Thomas Ménagé est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est proposé de préciser le champ d'application de la procédure d'amicus curiae en parlant de poursuites exercées « du chef d'une infraction commise avec une circonstance aggravante relative à l'état de sujétion ». Si je comprends l'intention, il me semble que la précision rédactionnelle n'est pas suffisante. L'expression « poursuites exercées […] du chef d'une infraction » ne me semble pas correcte. Par ailleurs, on ne retrouve pas cette expression dans le code de procédure pénale. Avis défavorable.
L'amendement n° 171 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
Nous proposons de supprimer l'article 6 bis afin de garantir, dans la continuité de l'amendement qui a été excellemment présenté par mon collègue Coulomme, les formes de secret dont bénéficient légitimement les professionnels de santé. Le droit permet actuellement, à juste titre, de sanctionner des gourous ou des charlatans qui mettraient en danger la vie des personnes. Il ne semble pas nécessaire d'adopter ce type de dispositions juridiques qui, en plus d'être redondantes, nous paraissent d'une construction bien fragile eu égard à l'objectif qu'elles visent à atteindre.
L'article 6 bis, introduit en commission, part d'une bonne intention, celle de permettre de détecter les dérives sectaires. Il pourrait cependant avoir des effets complètement contre-productifs, ce qui nous pousse à demander sa suppression.
On se confie à son médecin parce qu'on a confiance en lui ; il est celui qui nous soutient, nous conseille, nous aide. Si on lui parle librement, c'est qu'on sait que notre parole est couverte par un secret quasiment absolu. Personne n'a honte devant son médecin ; on renonce parfois à sa pudeur, on dévoile son intimité.
Jusqu'ici, le droit pénal a su trouver un équilibre subtil entre le secret dû par le professionnel de santé à son patient et la nécessité de protéger l'intérêt général et celui des mineurs. En mettant fin à cette confidentialité, l'article créerait un effet boomerang pervers.
Une personne sous emprise n'est pas disposée, par nature, à évoquer son état ; elle peut cependant le faire si elle est sûre d'être couverte par un secret quasiment absolu. Mais si elle sait que le médecin à qui elle parle est susceptible de faire un signalement qui l'entraînera dans une procédure pénale lourde et éprouvante, qu'elle n'est pas prête à affronter, elle peut être dissuadée d'évoquer tout signe de sujétion.
Il s'agit d'encourager les médecins à signaler les états d'emprise, mais on risque, paradoxalement, de décourager leurs patients de se confier. Nous proposons de supprimer l'article et de faire confiance aux médecins. Les patients doivent pouvoir s'ouvrir à eux sans s'inquiéter d'un possible signalement. L'intention, que nous partageons, est bonne, mais l'article sera malheureusement contre-productif et n'aidera en rien la lutte contre les dérives sectaires.
M. Emeric Salmon applaudit.
L'article 6 bis a été introduit en commission et, à titre personnel, j'y étais défavorable. Je persiste à penser que nous aurions dû recueillir l'avis des ordres professionnels sur cette proposition de dérogation au secret médical, mais cela n'a pas été fait lors des auditions.
Toutefois, des amendements de précision ont été déposés à ma demande pour mieux définir le périmètre de ce dispositif. Moyennant ces ajustements, je suis favorable au maintien de l'article, donc défavorable aux amendements de suppression.
Même si – vous avez raison de le souligner – il convient de limiter les dérogations au secret médical, surtout sans l'accord du patient, le but reste de protéger les personnes en état de sujétion psychologique ou physique. Avis défavorable.
J'avoue que je n'ai pas de religion en la matière, si vous me permettez l'expression, mais je me pose des questions. Nous avons déjà abordé à d'autres occasions, notamment dans le cadre des débats sur les violences faites aux femmes, la possibilité, pour le médecin, de trahir le secret médical. Le cas examiné aujourd'hui est similaire.
Une personne sous emprise ou en état de sujétion, dans le cadre d'une dérive sectaire, a tendance à se méfier de tout et de tout le monde. Si elle décide de consulter un médecin, elle doit pouvoir le faire en toute confiance. Si elle sent que, parce qu'elle en dit trop, cette confiance peut être trahie, je pense que nous arriverons à un résultat contre-productif, contraire à notre objectif.
Comme M. Ménagé et comme la rapporteure, j'aurais aimé connaître l'avis de l'Ordre des médecins sur ce sujet. Cela aurait été très utile pour prendre une décision en âme et conscience. Sur cette question très délicate, je n'ai pas d'avis tranché. Je m'abstiendrai donc sur ces amendements.
La parole est à Mme Mathilde Desjonquères, pour soutenir l'amendement n° 64 .
Il s'agit de préciser le champ d'application de la levée du secret médical pour signaler des faits de placement ou de maintien dans un état de sujétion, ou d'abus frauduleux de cet état, et de prévoir l'accord de la victime.
Les débats en commission ont permis l'adoption d'un nouvel article 6 bis créant une possibilité de dérogation au secret professionnel dédiée aux dérives sectaires.
Le Grenelle des violences conjugales avait permis de mettre en exergue l'emprise subie par les victimes, qui les empêche de révéler les faits aux forces de l'ordre ou à leur entourage et même, parfois, de se considérer comme victimes. À l'initiative du groupe de travail présidé par Isabelle Rome, alors haute fonctionnaire à l'égalité entre les femmes et les hommes, et en concertation avec l'Ordre des médecins et la Haute Autorité de santé, il avait été proposé de permettre une dérogation au secret médical dans ce cas.
Comme l'étude d'impact le précise à maintes reprises, ce phénomène d'emprise caractérise aussi les dérives sectaires. Pour les victimes, le résultat est le même : elles n'osent pas porter plainte ou en parler à leur entourage et, parfois, elles ne se considèrent même pas comme victimes. Ce qui est valable pour un majeur l'est davantage pour un mineur, que son âge rend plus vulnérable. Tout cela est encore plus vrai en cas de rupture sociale, une des caractéristiques des dérives sectaires.
Votre amendement apporte les éléments techniques dont je parlais tout à l'heure. En outre, il garantit que le signalement se fera avec l'accord de la victime, sauf si elle est mineure ou dans l'incapacité de se protéger en raison de son état physique ou psychique, ou, en cas d'impossibilité, après l'avoir informée. Ces ajustements me semblent tout à fait pertinents, raison pour laquelle mon avis est favorable.
Une personne en état de sujétion psychologique ou physique est vulnérable. C'est le sens de l'article 1er adopté hier. Il faut bien encadrer la levée du secret médical car cela reste quelque chose de très sensible. Je donne un avis favorable.
L'article 6bis, amendé, est adopté.
L'article 7 est adopté.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement n° 32 .
Nous demandons que le rapport sur la mise en œuvre de la loi dans le domaine de la santé mentale porte sur l'application de l'ensemble des dispositions actées par la présente loi, tant en matière de lutte contre les dérives sectaires qu'en matière d'amélioration de l'accompagnement des victimes.
Le projet de loi ne comportant aucune disposition en lien avec la santé mentale, j'entends que le champ du rapport doive être revu.
Néanmoins, il appartient au Parlement de contrôler et d'évaluer la loi. Notre règlement nous permet ainsi d'évaluer l'application des lois trois ans après leur adoption, mais aussi de mener, après quelques années, des travaux sur la pertinence de leurs dispositions. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
Défavorable.
Cet amendement nous paraît doublement utile. D'abord parce qu'il propose, avec ce bilan général, d'élargir le champ de l'analyse, ce qui nous permettra de savoir ce qu'il en est dans les différents secteurs – formation professionnelle, éducation, santé publique, etc. – que nous avons évoqués hier.
La seconde vertu de cet amendement est qu'il modifie le délai. Comme des dispositifs transitoires seront mis en œuvre pendant un an, il vaut mieux que le rapport soit rendu après vingt-quatre mois d'application.
On en a parlé.
Ainsi, il est préférable d'évaluer au bout de deux ans seulement l'application de l'article 3, qui prévoit une période transitoire d'un an pour les associations reconnues d'utilité publique, afin de mieux en mesurer les effets.
Une fois n'est pas coutume, je prends la parole contre l'amendement et mon collègue Clouet. L'article 8 a le mérite de mettre en avant le sujet, fondamental, de la santé mentale. C'est en ce sens que la commission l'a adopté et que les médecins psychiatres le soutiennent. Il faut saluer leur démarche et adopter l'article non modifié.
Par ailleurs, le Parlement rédigera un rapport d'application. Il n'est donc pas indispensable, même si cela serait souhaitable, que le Gouvernement remette un rapport dont le champ serait similaire.
L'amendement n° 32 n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement, avant les discussions budgétaires de 2024, un rapport faisant état des besoins, notamment en personnels, de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. La Miviludes est le lieu où des regards pluriels et pluridisciplinaires peuvent analyser le phénomène d'emprise sectaire, que différents rapports notent en augmentation. En lui donnant les moyens de faire son travail, nous aborderions la question sous un autre angle que celui de la surenchère pénale.
Vous demandez un rapport pour connaître les besoins de la Miviludes. Je trouve cela tout à fait honorable.
Toutefois, nous l'avons évoqué hier, les effectifs et les moyens de la mission interministérielle ont été renforcés. La Miviludes peut aussi s'appuyer sur différents services comme le montre le bon fonctionnement de son partenariat avec la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ).
Par ailleurs, le Parlement dispose de moyens d'évaluation et de contrôle qui rendent inutile la remise d'un rapport par une administration.
Enfin, les agents spécialisés, que vous évoquez dans votre amendement, existent déjà. Je pense notamment à la Cellule d'assistance et d'intervention en matière de dérives sectaires (Caimades), au sein de la police, et aux techniques spéciales d'enquête qui peuvent s'appliquer à l'abus de faiblesse depuis l'adoption de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Avis défavorable.
Madame la députée, je connais l'attention que vous portez à la Miviludes. Ses effectifs sont deux fois plus nombreux qu'en 2015 ; ils s'établissent désormais à 15 agents. Dès mon arrivée au secrétariat d'État, j'ai obtenu un agent supplémentaire de l'éducation nationale. Un gendarme, un policier et une magistrate complètent les effectifs.
Je rappelle, en outre, que le Parlement est chargé d'évaluer les lois. Avis défavorable.
Vous présupposez que la hausse des moyens humains de la Miviludes serait suffisante. Je ne sais pas ce qui vous permet de l'affirmer avec autant de force, alors que les saisines ont augmenté de 86 % – une hausse considérable. De surcroît, si le rapport que nous demandons atteste que la mission interministérielle a les moyens de faire son travail, tout le monde sera content !
L'amendement n° 118 n'est pas adopté.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 44 .
Le Gouvernement doit remettre un rapport sur les moyens dont la Miviludes dispose pour mener ses enquêtes et conduire des campagnes de prévention.
Nos débats ont montré à quel point ses agents, qui fournissent un travail colossal, manquent de moyens. Le dernier rapport d'activité porte sur l'année 2021, non par manque d'envie, mais faute de moyens. Alors que les dérives vont croissant, notamment à cause du numérique, on ne peut se satisfaire de la situation présente.
Avec cet amendement, nous voulons enjoindre au Gouvernement d'informer le Parlement des moyens spécifiques qu'il déploie pour répondre aux besoins nouveaux – que cette loi, par ailleurs, ne manquera pas de créer.
Au risque de vous frustrer, je donnerai la même réponse que tout à l'heure : le Parlement peut conduire des travaux d'évaluation. Avis défavorable.
L'amendement n° 44 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le Parlement doit être informé des moyens dont dispose la Miviludes pour conduire sa mission d'information des victimes.
Cette information est un des leviers les plus essentiels de la lutte contre les dérives sectaires puisque ce sont les victimes qui, en portant plainte, permettent que des poursuites soient engagées et qu'elles débouchent sur des condamnations. Informer les victimes permet d'éviter qu'il y en ait d'autres.
L'orateur peut changer mais les mêmes causes produisent les mêmes effets… Avis défavorable, d'autant que le rapport de la Miviludes contient déjà certains des éléments que vous demandez.
L'amendement n° 45 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nos débats, riches, ont montré que, sur tous les bancs de cette assemblée, nous considérons la Miviludes comme un outil essentiel de la lutte contre les dérives sectaires.
Cela fait maintenant près de deux ans que nous nous réunissons et que les chefs de gouvernement successifs nous promettent un travail transpartisan. Nous vous proposons de réfléchir, grâce à un rapport, à l'opportunité de faire de la Miviludes une autorité administrative indépendante (AAI).
Cela permettrait de réunir tous les acteurs, notamment les ministères concernés – intérieur, éducation nationale, santé, sports, etc. – et nous autres, parlementaires. Nous emprunterions ainsi un chemin de coconstruction. Ce serait bien plus utile et cela renforcerait le pouvoir de cette institution, que nous jugeons essentielle.
Là encore, le Parlement n'a pas besoin de demander un rapport au Gouvernement, puisqu'il dispose de tous les moyens nécessaires pour étudier la question. J'ajoute que notre ancien collègue Georges Fenech l'avait déjà fait et avait rejeté l'idée de transformer la Miviludes en AAI. L'avis est défavorable.
L'amendement n° 107 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je le formule sur le fondement de l'article 101 du règlement.
Invitée ce matin sur CNews, madame la ministre, vous êtes revenue sur nos débats d'hier soir, notamment sur l'adoption de l'amendement qui a supprimé l'article 4.
Vous avez annoncé sur ce média qu'il y aurait, semble-t-il, une seconde délibération. Il nous reste une dizaine d'amendements à examiner. En cas de seconde délibération, vous bafouerez non seulement le vote de la représentation populaire, mais aussi celui du Sénat,…
Vous êtes au RN et vous dites ça ? Savez-vous d'où vous parlez, tout de même ?
…qui avait déjà retoqué l'article 4, confirmant la claque que vous aviez prise lorsque le Conseil d'État avait estimé, dans son avis, que les dispositions de l'article 4 portaient une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles, notamment à la liberté d'expression.
Pour la bonne tenue de nos débats, il serait bon, à quelque dix amendements de la fin de l'examen des articles, que nous sachions si vous allez passer en force au moyen d'une seconde délibération, comme vous le faites habituellement en recourant au 49.3. Vous avez perdu, mais vous voulez une seconde chance. Répondez-nous ! Nous devons êtes informés dès à présent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – Exclamations sur divers bancs.
Il est inspiré du dernier rapport d'activité de la Miviludes, qui relève à juste titre que la formation professionnelle a toujours été un terrain propice aux dérives sectaires, développement qui s'est encore accentué au cours des dernières années. Il vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le dévoiement de la formation professionnelle à de telles fins. Il s'agit pour nous d'obtenir des précisions sur ce phénomène qui prend de l'ampleur.
Vous avez raison : le domaine de la formation professionnelle est un champ propice aux dérives sectaires, ce que la Miviludes a mis en évidence.
Faut-il pour autant un rapport du Gouvernement ? Je vous rappelle que le Parlement dispose de tous les outils nécessaires pour réaliser un tel travail. En outre, je tiens à souligner que la formation professionnelle est déjà prise en compte dans la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires, qui prévoit des actions renforcées de formation et de sensibilisation. Je vous remercie d'avoir évoqué cette question, mais je vous invite à retirer votre amendement.
Je demande moi aussi le retrait de l'amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.
L'amendement n° 61 est retiré.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 119 .
Vos réticences à l'égard des rapports continuent de nous étonner. Elles tiennent peut-être à une culture de gouvernance qui tire parti de l'opacité la plus totale. C'est sans doute une façon de s'affranchir du regard de l'Assemblée, donc du peuple.
Nous demandons que le Gouvernement remette, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de ce texte, un rapport sur les causes de l'augmentation des dérives sectaires, qui analyse la corrélation entre cette augmentation et les difficultés sociales que rencontrent les Françaises et les Français. Cela semble vous faire rire, mais figurez-vous que plus de 10 millions de nos compatriotes vivent sous le seuil de pauvreté, ce qui fait d'eux des victimes potentielles de tous les charlatanismes, notamment médicaux, contre lesquels vous prétendez lutter grâce à cette loi répressive.
Excusez-moi de vous avoir dérangée, madame la secrétaire d'État…
Vous ne me dérangez pas, cher collègue, et vous le savez très bien.
Nous avons eu un échange à ce sujet en commission. Le rapport que vous demandez existe déjà : c'est celui de la Miviludes. L'avis est donc défavorable.
L'amendement n° 119 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Hier soir, j'ai avoué que j'avais fréquenté, contre mon gré, un lycée privé, ce qui m'a valu quelques railleries, compte tenu des déclarations d'une ministre de l'éducation nationale, désormais seulement des sports, qui avait placé ses enfants dans un tel établissement.
Dans ce lycée, j'ai été témoin de certaines pratiques de la part d'intervenants extérieurs. Par exemple – je l'ai relaté hier sur Twitter –, un intervenant a expliqué que, grâce à Jésus, il avait guéri de son homosexualité et avait mis fin à son addiction aux lubrifiants pour moteur – pardonnez-moi de rapporter ce détail très bizarre – et que, grâce aux soins prodigués par un gourou, il avait réussi à ralentir l'affection par le VIH dont il était atteint. Voilà le discours qu'un jeune gay de 17 ans a été obligé de subir dans un établissement privé agréé !
Il convient de mettre en cause la place et la liberté laissées à ces intervenants extérieurs, dont l'activité contrevient aux droits humains fondamentaux. C'est pourquoi nous demandons la remise d'un rapport sur les intervenants en milieu scolaire – il peut s'agir, par exemple, d'associations. Eu égard à ce qui se passe dans plusieurs lycées confessionnels – le collège Stanislas en fait partie, mais il n'y a pas que Stanislas dans la vie, il y a aussi l'externat des Enfants-Nantais –, il est nécessaire qu'un rapport faisant le point sur ces dérives soit remis à notre assemblée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je rappelle que le Parlement n'a pas à désigner telle ou telle administration pour la production d'un rapport : c'est au Gouvernement qu'il s'adresse. D'ailleurs, en ne ciblant que la Miviludes, vous nous priveriez de l'expertise d'autres administrations, notamment de celle de l'éducation nationale. Enfin, je rappelle que les ressorts des dérives sectaires et leur importance dans certains secteurs particuliers tels que la formation professionnelle ou l'éducation sont des questions qui sont au cœur de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires. J'émets un avis défavorable.
Défavorable.
Vous avez raison, madame la rapporteure, je reconnais que l'amendement est mal rédigé : c'est le Gouvernement que j'aurais dû implorer de faire son travail en nous remettant un rapport sur ces pratiques qui pourrissent la vie des enfants concernés.
Vous n'imaginez pas la souffrance que peuvent subir, dans ces établissements confessionnels, de jeunes LGBTI, notamment de jeunes trans ,
M. Benjamin Lucas applaudit
qui souffrent souvent, ensuite, de troubles dans la construction de leur individualité et de leur personne. Je vais donc retirer l'amendement, mais je demande au Gouvernement de faire ce travail, car vous n'imaginez pas quel peut être le nombre de suicides, dans le monde LGBT, surexposé, à cause de telles pratiques ou à cause de parents.
Je rappelle d'ailleurs qu'hier, le RN et LR ont souhaité retirer aux associations compétentes le pouvoir de lutter contre les thérapies de conversion.
Exploiter un sujet tel que celui-là à des fins politiciennes, franchement, c'est incroyable !
Il est nécessaire de mener ce combat, essentiel, contre les dérives sectaires au sein des établissements scolaires, surtout contre les pratiques de tels intervenants.
L'amendement n° 132 est retiré.
En notre qualité de parlementaires, nous souhaiterions disposer d'un rapport qui nous éclairerait sur les circuits de financement des groupes que l'on peut qualifier de sectaires. Tout le monde l'a compris, il y a évidemment des enjeux financiers derrière ces pseudo-spiritualités ou ces pseudo-thérapies : les personnes en état de sujétion sont invitées à se dépouiller de leur argent. Un tel rapport permettrait, de surcroît, de révéler à tous un certain nombre d'infractions.
Par cet amendement, ma collègue Marie Pochon demande la remise d'un rapport sur le financement des organisations accusées de dérives sectaires surveillées par le Miviludes. Il s'agirait de documenter par quels moyens ces organisations bénéficient d'argent public – ce peut être notamment grâce à la réduction d'impôt sur des dons, legs et versements reçus. Ce travail permettrait de mettre à jour le rapport sur les sectes et l'argent remis en 1999 par Jacques Guyard et Jean-Pierre Brard.
Par exemple, la Famille missionnaire de Notre-Dame est surveillée pour dérives sectaires par la Miviludes en raison du culte de la personnalité dont son dirigeant fait l'objet. Or elle projette de construire une mégabasilique de 3 500 places à Saint-Pierre-de-Colombier, petit village de 500 habitants situé en plein cœur du parc naturel régional des Monts d'Ardèche. Il est impensable que de telles organisations puissent financer des projets incohérents de cette nature.
Monsieur Lucas, nous avons adopté hier un amendement de votre groupe, qui a supprimé…
Dommage, vous auriez dû être présent !
La question du financement d'organisations en lien avec des dérives sectaires relève davantage d'une mission d'information ou d'une commission d'enquête que d'un rapport du Gouvernement au Parlement. Je vous engage à demander la création d'une telle mission ou commission. Le sujet peut même relever du cadre judiciaire si le lien entre l'organisation considérée et les dérives sectaires est avéré.
J'ajoute que l'amendement n° 134 ne définit pas précisément l'objet du rapport car il n'identifie pas les organisations concernées.
J'émets un avis défavorable sur les deux amendements.
Défavorable sur les deux amendements.
Je regrette ces avis défavorables.
Hier, nous avons assisté à une Saint-Valentin anticipée entre le groupe Rassemblement national et la ministre, qui s'en est remise à la sagesse de l'Assemblée sur des amendements de ce groupe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En l'espèce, nous demandons simplement la remise d'un rapport, sur un sujet très important. Ces questions, exposées par Marie Pochon, intéressent nos concitoyens, puisqu'il s'agit de réductions fiscales, donc d'argent public. Madame la rapporteure, vous avez donné hier un avis favorable à un amendement de Marie Pochon, et je vous en remercie. Je vous invite à poursuivre sur votre lancée, dans un esprit de coconstruction. Je ne vois pas pourquoi vous ne vous en remettez pas à la sagesse de l'Assemblée sur cette simple demande de rapport.
Madame la rapporteure, je suis étonné par votre réponse : vous repoussez notre amendement n° 134 au motif que nous n'aurions pas précisé quelle secte ou organisation doit faire l'objet du rapport.
Pour illustrer notre propos, je vais citer un article publié en 2019 dans Libération.
Il y est question de l'Église de scientologie, qui avait pour projet d'acheter un bâtiment de 7 200 mètres carrés au pied du Stade de France, lequel servira d'ailleurs pour les Jeux olympiques. Voyez un peu les circuits alambiqués qu'inventent les sectes pour détourner l'attention !
« La SCI Building Investments Group a acheté l'immeuble dans le courant de l'année 2017. L'adresse de cette société écran, dont les actionnaires sont inconnus, renvoie vers une entreprise de domiciliation sur les Champs-Élysées. Sa trace se perd dans le comté de Fairfax en Virginie, où est enregistré l'avocat américain qui l'a déclarée au registre du commerce français. Afin de garder secrète l'identité de l'utilisateur final, une clause de confidentialité a été insérée à la promesse de vente avec l'ancien propriétaire, le fonds d'investissement allemand Warburg-HIH. Montant de la transaction : 33 millions d'euros. » J'imagine que ce n'est pas grand-chose, 33 millions, de votre point de vue, puisque la moitié de votre gouvernement est millionnaire ;…
Je ne suis pas millionnaire, moi !
…mais nous, cela nous interpelle et nous aimerions bien savoir où va tout cet argent, et surtout d'où il provient.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
On le sait, les moyens manquent trop souvent. Par cet amendement, nous demandons qu'un rapport présente les moyens publics qu'il conviendrait d'engager pour mener une lutte efficace contre les dérives sectaires et les avantages qu'il y aurait à créer une juridiction et des services d'enquêtes spécialisés.
Cela a été dit à plusieurs reprises tout à l'heure : la mise en application des lois que nous votons est aussi une question de moyens. Un tel rapport permettrait de nous éclairer à ce sujet.
Je répète que le Parlement dispose de suffisamment d'outils pour mener ces études. Je précise aussi qu'avec l'entrée en vigueur de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ) 2023-2027, les moyens de la justice ont connu une hausse inédite.
Par ailleurs, je ne suis pas certaine qu'il soit nécessaire d'instaurer une juridiction spécialisée dans les dérives sectaires. Celles-ci sont difficiles à définir – nous le savons tous ici – et les infractions commises par les sectes relèvent souvent du droit commun. Enfin, j'ai expliqué qu'une cellule policière, la Caimades, était spécialisée dans les dérives sectaires. Avis défavorable.
L'amendement n° 43 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Desjonquères, pour soutenir l'amendement n° 137 .
Il s'agit d'une demande de rapport sur la protection et l'accompagnement des mineurs contre les dérives sectaires. On estime que 60 000 à 80 000 enfants vivaient dans une communauté sectaire en 2022. Comme l'a rappelé la Miviludes, le centre névralgique des dérives sectaires étant l'emprise mentale, les mineurs, en quête d'eux-mêmes et confiants dans le discours des adultes, en sont les cibles privilégiées.
Cependant, la situation des mineurs face aux dérives sectaires ne correspond pas à une seule et unique réalité qu'il serait aisé d'identifier : elle relève au contraire de circonstances multiples, qui doivent être appréhendées dans leur singularité.
La nécessité de protéger les mineurs face à l'emprise sectaire est une exigence pour les pouvoirs publics et un devoir pour tous.
Il me semble donc opportun de disposer d'un rapport sur la situation des mineurs et sur les moyens mis en œuvre aux niveaux national et local pour les accompagner et les protéger contre les dérives sectaires.
La protection des mineurs nous tient particulièrement à cœur. Comme les auditions que j'ai organisées l'ont malheureusement confirmé, ce sont souvent de très jeunes enfants qui sont enrôlés dans ces communautés. Vous avez raison de souligner cette réalité et je partage votre préoccupation, mais je ne crois pas qu'un rapport soit nécessaire. L'un des objectifs de la stratégie nationale 2024-2027 est de faire émerger une stratégie cohérente et complète de protection des enfants exposés à des dérives sectaires.
Votre amendement est donc satisfait ; je vous demande de le retirer.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 137 est retiré.
Il a également trait à la question des mineurs et de leur protection, puisqu'il s'agit de produire un rapport permettant d'informer le Parlement sur les dérives sectaires au sein des écoles privées hors contrat. Face au risque spécifique concernant les mineurs, qui sont particulièrement influençables, il convient de prendre la mesure de telles dérives.
En outre, le rapport permettra de mieux comprendre le mode de financement de ces écoles, en particulier les dispositifs de défiscalisation des dons qu'elles reçoivent. Le Gouvernement devra aussi préciser quels sont les moyens que l'État a engagés pour lutter contre ce phénomène. La question de l'exposition des mineurs aux dérives sectaires est cruciale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Vous le savez, ce sujet me touche particulièrement. Lors des auditions – M. Delaporte a assisté à quelques-unes d'entre elles –, il a été largement évoqué. Il devrait faire l'objet, plutôt que d'un rapport, d'une mission d'information ou d'une commission d'enquête parlementaire,…
…dont je soutiendrais la création. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La rapporteure s'étant engagée à la création d'une commission d'enquête transpartisane, nous retirons notre amendement.
L'amendement n° 140 est retiré.
La parole est à M. Sacha Houlié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
En application de l'article 101, alinéa 2, du règlement de l'Assemblée nationale ,…
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN
…la commission des lois demande qu'il soit procédé à une seconde délibération sur l'article 4.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
La commission des lois estime que cela permettra d'examiner un nouvel article 4, grâce à un amendement déposé par Mme la rapporteure,…
…lequel prendra en compte les quelques craintes exprimées par la représentation nationale
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR
relatives au consentement éclairé et à la protection des lanceurs d'alerte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Les exclamations continuent sur les bancs du groupe RN
elle est de droit, mes chers collègues – je vous renvoie à l'article 100, alinéas 1, 2 et 3 de notre règlement –,…
…et elle aura lieu juste après le vote du dernier amendement au projet de loi.
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l'amendement n° 160 , qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Dans le domaine de la santé, les pratiques dites complémentaires ou alternatives connaissent un développement croissant et sont parfois sans fondement scientifique avéré. Il est donc devenu impératif d'assurer une protection accrue des patients contre les risques de confusion et de tromperie.
Le fait de s'appuyer sur un titre professionnel réglementé – docteur en médecine, chirurgien-dentiste, sage-femme ou infirmier – pour exercer des pratiques non conventionnelles ou non réglementées menace la confiance publique dans les professions de santé. Cette situation est particulièrement préoccupante lorsque de telles pratiques conduisent à retarder ou à remplacer des traitements médicaux conventionnels et éprouvés.
Il est essentiel que le législateur soit informé de manière détaillée sur l'étendue de ce problème, sur les failles éventuelles de la législation en vigueur et sur les actions menées par le Gouvernement pour y remédier. Ce rapport serait un outil précieux pour savoir s'il convient de procéder à des ajustements législatifs et s'assurer que les mesures de protection des patients et de préservation de l'intégrité des professions médicales sont efficaces et adaptées.
La parole est à M. Didier Paris, pour soutenir le sous-amendement n° 191 .
L'amendement d'Annie Vidal concourt pleinement à notre objectif qui est de prévenir les dérives de certains médecins vers des pratiques non réglementées. Mon sous-amendement vise à préciser que le rapport examinera l'impact de l'usurpation des titres sur les dérives thérapeutiques à caractère sectaire, ce qui n'apparaît pas clairement dans l'amendement.
Il est essentiel d'avancer vers un meilleur encadrement des pratiques de santé et des titres professionnels permettant de les exercer. C'est une question vaste, qui mérite une concertation avec les ordres professionnels médicaux mais également avec l'ensemble des parties prenantes. C'est aussi un enjeu de santé publique, qui pose de réelles difficultés et peut être source de confusion pour le grand public. Je suis donc favorable à cette demande de rapport, ainsi qu'au sous-amendement de M. Paris.
Vous connaissez la position du Gouvernement sur les demandes de rapport, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Un élément a favorisé le développement de toutes ces pratiques médicales sans fondement, parfois à l'origine de dérives sectaires : c'est le mensonge auquel s'est livré le Gouvernement au début de l'épidémie de la covid. Vous avez menti aux Français, en leur expliquant que les masques n'étaient pas nécessaires, pour dissimuler le fait que les stocks étaient insuffisants.
Toutes ces pratiques – éminemment discutables – s'appuient sur un manque de confiance envers les institutions. Et ceux qui ont alimenté cette défiance, y compris autour de la question médicale, c'est vous ! Vous avez dit à nos concitoyens qu'ils n'avaient pas besoin de porter un masque, tout simplement parce que vous n'en aviez pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le sous-amendement n° 191 est adopté.
L'amendement n° 160 , sous-amendé, est adopté.
Sur l'amendement n° 3 , qui fait l'objet d'une seconde délibération, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement n° 33 .
Il vise à modifier le titre pour y inclure la lutte contre la désinformation dans le domaine de la santé.
Sur le fondement de l'article 101 de notre règlement, madame la présidente, concernant la seconde délibération. Celle-ci n'est jamais de droit, sauf si c'est à la demande du Gouvernement. Or il me semble que cette seconde délibération a été annoncée par un député, fût-il – et je le respecte à ce titre – président de la commission des lois.
Lorsqu'un député demande une seconde délibération, elle ne peut être effective qu'après la réunion de la commission concernée .
Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES et LR
Il ne me semble pas que, ce matin, en commission des lois ou lors de la réunion du bureau qui a suivi, nous ayons évoqué officiellement cette seconde délibération. Elle me paraît donc totalement inappropriée.
Mêmes mouvements. – M. Nicolas Dupont-Aignan et Mme Emmanuelle Ménard applaudissent également.
Je compléterai les propos de mon collègue en citant l'alinéa 3 de l'article 101 de notre règlement, selon lequel « les textes qui font l'objet de la seconde délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter, par écrit ou verbalement, un nouveau rapport ».
Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour un rappel au règlement.
Sur le fondement de l'article 100, madame la présidente, concernant la bonne tenue des débats. Je voudrais que les gens qui nous regardent, en particulier sur LCP, se rendent bien compte que la représentation nationale est sommée de donner un nouvel avis sur un article qui sera réécrit, certes, mais par un amendement dont nous n'avons pris connaissance qu'il y a quelques minutes ! Voyez un peu avec quel sérieux on traite notre travail. On ne nous donne même pas le temps nécessaire d'étudier ce long amendement.
« Tricheurs ! » sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le vice-président Gosselin, je vous remercie d'avoir posé cette question. C'est une coutume de la commission des lois qui, de tout temps, indépendamment de son président, en toutes circonstances, a délégué aux personnes au banc – le président ou le rapporteur – le soin de demander une seconde délibération.
Aux termes de l'alinéa 3 de l'article 101, le rapport peut être présenté par écrit ou verbalement.
En l'espèce, l'avis sera rendu au banc, par la rapporteure de la commission des lois. Le règlement de notre Assemblée a été scrupuleusement respecté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'article 101 du règlement de l'Assemblée nationale dispose, en son alinéa 2, que la seconde délibération est de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond, ou si celle-ci l'accepte.
La commission, vous le savez, n'est pas tenue de se réunir. Selon une pratique constante, l'avis qui est donné en séance publique par le rapporteur vaut rapport oral, ce qui est conforme à l'alinéa 3 puisqu'il y est inscrit que « les textes qui font l'objet de la seconde délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter, par écrit ou verbalement, un nouveau rapport. »
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour un rappel au règlement. Il me semble que nous ayons fait le tour, monsieur le député. Sur quel article vous fondez-vous ?
Sur l'article 101. Je sais lire tout aussi bien que vous, madame la présidente : celui-ci ne vise pas le président de la commission mais la commission. Ce n'est pas la même chose !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Vives protestations sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Il n'y a pas d'obligation de réunir physiquement la commission et le rapporteur peut s'exprimer oralement – ce que fera Mme la rapporteure dans un instant. Les règles sont respectées. Je vous demande, à présent, de passer à la suite.
Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 33 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 133 .
Nous souhaitons proposer un titre en cohérence avec nos débats en remplaçant « améliorer l'accompagnement des victimes » par « accompagner l'inflation pénale ». C'est en effet à cela que se résume ce texte fourre-tout, dans lequel vous ne vous êtes occupés que de renforcer l'inflation pénale en allongeant la durée des peines et en augmentant le montant des amendes.
Je l'ai dit, le texte prévoit des mesures importantes pour accompagner les victimes : création d'une nouvelle infraction et meilleure indemnisation ; renforcement des sanctions ; allongement du délai de prescription ; extension des catégories d'associations pouvant agir en justice.
Vous doutez que ces dispositions soient de nature à dissuader les auteurs de commettre de tels méfaits mais que proposez-vous ?
D'abroger le code pénal ? C'est peut-être malheureux d'en arriver là mais, dans le monde dans lequel nous vivons, il faut sanctionner les comportements dangereux pour les personnes ou attentatoires aux libertés.
Avis défavorable.
Avis défavorable.
Avouez que les propos que le président de la commission des lois a tenus sont de nature à jeter le trouble dans notre assemblée. Il nous apprend ainsi que la commission, c'est lui, ce qui n'est pas sans rappeler un ancien roi de France…
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je demande une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.
L'amendement n° 133 n'est pas adopté.
En application de l'article 101 du règlement, la commission demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 4.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 3 , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
L'amendement tend à préciser le champ d'application des nouveaux délits de provocation à l'abandon ou l'abstention de soins ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent la personne à un risque grave pour la santé.
Cette nouvelle proposition de rédaction répond aux critiques formulées contre l'article. Elle permet de garantir la sécurité juridique des dispositions du texte sans sacrifier l'enjeu de santé publique qu'il s'attache à relever.
La rédaction préserve le principe de la volonté individuelle en garantissant que les délits ne pourront être constitués lorsqu'il est apporté la preuve du consentement libre et éclairé de la personne.
Parce qu'il faut tenir compte du milieu très spécifique dans lequel ces infractions vont se développer, cette rédaction est de nature à protéger la personne en état de sujétion psychologique ou physique, en garantissant par un mécanisme de présomption simple qu'elle ne sera pas considérée comme ayant librement adhéré à ce discours idéologique.
Enfin, pour lever toute ambiguïté, il est précisé que les lanceurs d'alerte ne tomberont pas sous le coup de ces nouvelles infractions.
Cette nouvelle écriture permettra d'atteindre les objectifs que nous nous sommes assignés et de nous doter d'un moyen de lutte proportionné et efficace contre la diffusion de discours à caractère sectaire faisant la promotion de dérives thérapeutiques.
Je suis convaincue que cette rédaction, qui répond en tout point à chacune de vos inquiétudes, en précisant le champ d'application des infractions, garantit l'équilibre général du texte. Elle satisfera ceux qui veulent défendre les libertés individuelles tout en protégeant les victimes de ces charlatans, ceux que l'on appelle les gourous 2.0, qui sévissent aujourd'hui en toute impunité.
Voilà mes chers collègues, ce que j'aurais aimé vous proposer hier soir si vous m'en aviez laissé le temps
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et SOC.
Contre les gourous malfaisants, pour les victimes et leur entourage, pour les associations, nous devons voter cet article et cette loi.
Quoi qu'il arrive, je n'oublierai jamais les personnes que j'ai entendues, les témoins, les victimes, leur entourage. .
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR
J'aurais aimé que nous soyons plus nombreux lors des auditions des victimes. .
Applaudissements sur les bancs RE
Sur le sous-amendement n° 5 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.
Article 4 (seconde délibération)
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir le sous-amendement n° 10 .
…puis M. Attal ont fait part, dans leur discours de politique générale et à chaque motion de censure, de leur volonté de respecter les parlementaires, de chercher des compromis, de faire avancer la loi progressivement – en un mot, de faire vivre une démocratie dans un hémicycle où il n'y a pas de majorité absolue.
Que constatons-nous aujourd'hui ? Le projet de loi recueillait un avis positif pour la plupart de ses articles. L'article 4 faisait exception : il était dépourvu de tout lien avec le reste du texte ; le Conseil d'État avait indiqué qu'il n'était ni nécessaire ni proportionné mais liberticide. Le Sénat, dans sa sagesse, puis l'Assemblée nationale ont voté sa suppression. Mais vous revenez là-dessus.
Le président de la commission des lois, qui prétend incarner à lui seul la commission, détournant le règlement de l'Assemblée…
Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.
…demande une nouvelle délibération sur l'article 4.
Quelle contradiction entre le discours de politique générale devant les Français et ces méthodes méprisantes de passage en force ! Vous voulez faire taire ceux qui ne pensent pas comme vous ! Vous ne luttez pas contre les dérives sectaires, vous luttez contre ceux qui ne pensent pas comme vous. Vous voulez les mettre en prison et leur donner des amendes. Tel est le vrai visage de cet article 4 !
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR.
Vous prétendez protéger les lanceurs d'alerte. Mais un lanceur d'alerte n'est reconnu qu'au terme de son combat, lorsqu'il est victorieux. C'est ce qui est arrivé à Irène Frachon.
Un lanceur d'alerte émet un doute contre la position dominante, il lutte contre des intérêts puissants, souvent financiers. Il veut faire part d'une autre vérité.
Cette disposition ne sert qu'à tromper les Français et les parlementaires. C'est totalement mensonger ! Vous vous prenez pour les défenseurs du progrès mais vous vous comportez comme les promoteurs de la loi des suspects de 1793.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR.
il ne peut avancer par l'État. La science d'État est un crime contre la raison et n'a jamais fonctionné. Vous voulez enfermer les Français avec des amendes et des peines de prison, faire taire ceux qui ne pensent pas comme vous et renvoyer à l'arbitrage des juges. L'objet de ce texte est de faire taire certaines personnes ; cela n'a rien à voir avec la lutte – légitime – contre les sectes.
Protestations sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir le sous-amendement n° 12 .
Hier soir, vers vingt-trois heures trente, l'Assemblée nationale a dit « non » à l'article 4 ; quand l'Assemblée nationale dit « non », c'est le peuple qui dit « non » ; et quand le peuple vous dit « non », il n'entend pas vous voir user d'artifices procéduraux…
…, exposés avec morgue et autoritarisme. Ceux-ci vous permettent de battre le rappel des troupes, après avoir publiquement tancé la ministre au banc lors d'une suspension de séance.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR.
L'article 4 porte une atteinte directe à la liberté d'expression, au droit de ne pas être d'accord, à la possibilité d'avoir un avis scientifique différent, divergent, de dénoncer un scandale.
C'est bien la première fois que le Rassemblement national critique l'autorité !
L'histoire regorge de cas dans lesquels la vérité scientifique du jour différait de celle du lendemain. La science a pu progresser grâce à ceux qui n'étaient pas d'accord. Vous me rappelez ceux qui ont forcé Galilée à abjurer sa théorie minoritaire, selon laquelle la terre tourne autour du soleil – « Et pourtant elle tourne ! » .
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Quatre siècles plus tard, quel regret de voir que les scientifiques qui ne sont pas d'accord avec vous, avec la doxa, sont encore considérés comme des sorcières !
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir le sous-amendement n° 5 .
Ce sous-amendement vise à corriger un effet de bord que la rédaction de l'amendement pourrait entraîner.
Dans l'ensemble, nous nous satisfaisons du retour de l'article 4.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, Dem et sur quelques bancs du groupe écolo – NUPES.
Il était plus que nécessaire quand on voit les dérives, les mensonges qui prospèrent actuellement sur les réseaux sociaux. Monsieur Dupont-Aignan hoche la tête, mais certaines des personnes qu'il a invitées hier en tribune affirment que les riches boivent du sang avec des paupières de bébé. Ces propos sont inacceptables. Nous devons les combattre.
Les riches qui boivent du sang de paupières de bébé, ce n'est pas de la science, Monsieur Dupont-Aignan, c'est un mensonge ! Avec cet amendement, nous défendons la science, l'application du droit et la protection des populations.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, Dem – exclamations sur les bancs du groupe RN.
« Ah ! » sur les bancs des groupes RE et Dem.
Pour mise en cause personnelle, puisque M. Delaporte estime que je bois…
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RE, Dem et SOC.
Il faudrait qu'un peu de calme revienne dans les esprits de certains collègues. J'ai beaucoup de défauts, mais je n'ai pas encore bu de sang dans des paupières de bébé, j'en suis désolé ! Ceux qui professent de telles absurdités portent atteinte à mon honneur
Mêmes mouvements.
– quoique, c'est tellement grotesque –, et à la sérénité des débats. Cela montre bien aux Français ce que vous devenez : vous ne supportez plus aucune contradiction,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir le sous-amendement n° 11 .
D'abord, je veux dire, à l'attention de ceux qui nous regardent, que ce ne sont pas des façons de travailler .
M. Maxime Minot applaudit
Vous ne pouvez pas, alors que vous le saviez depuis hier soir ou ce matin – madame la ministre, vous avez annoncé ce matin à la télévision que vous feriez en sorte que l'article 4 soit rétabli dans une nouvelle rédaction –, déposer un amendement cinq minutes avant les débats ! Nous sommes obligés de sous-amender dans l'urgence, ce n'est pas possible !
Je passe sur le président Houlié, qui entend incarner à lui seul la commission ; je me demande bien à quoi servent les commissaires aux lois.
Votre amendement, madame la rapporteure, présente, certes, un progrès par rapport à la rédaction initiale, puisqu'il exclue les lanceurs d'alerte du champ d'application de l'article 4. Cependant la personne qui lance une alerte n'est jamais considérée, au début, comme lanceuse d'alerte – ce serait bien trop simple ! Dès lors, comment faites-vous pour exclure les lanceurs d'alerte du champ d'application dès le départ ? Cette disposition handicapera tous ceux qui lancent des alertes, à bon escient, et qui ne seront pas protégés par l'alinéa 8.
Par ce sous-amendement, je propose de substituer aux alinéas 6 et 7 un texte bien plus clair. Alors que, dans votre texte, les délits ne sont pas constitués quand la « volonté libre et éclairée de la personne » n'a pas été remise en cause, j'évoque de mon côté « la volonté et le consentement libres et éclairés », ce qui fait toute la différence.
Par ailleurs, selon votre amendement, lorsque la personne est placée dans un état de sujétion, « l'information donnée est présumée ne pas permettre de garantir la volonté libre et éclairée de la personne ». Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie ? Vous vous immiscez dans une sphère tout à fait privée et restreinte, ce qui constitue un réel danger pour nos libertés fondamentales.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Madame la rapporteure, je vous demande, pour la forme, votre avis sur les sous-amendements.
Le sous-amendement n° 10 ne me semble pas opérationnel, et mon avis est défavorable. Si je peux me permettre, monsieur Dupont-Aignan, hier soir, vous avez cru me voir opiner à vos propos ; sachez que cela fait sept ans que je siège ici, et jamais je n'ai partagé un seul de vos propos.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Je voudrais également répondre à la personne qui s'est exprimée au nom de Galilée.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.
Je ne pense pas que Galilée ait jamais proposé de substituer du jus de carotte à un traitement thérapeutique !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Madame Ménard, si l'amendement de suppression n'avait pas été adopté hier soir, j'aurais pu vous présenter cet amendement.
Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LR.
Je ne suis pas favorable à votre sous-amendement, qui revient à supprimer la protection des personnes placées en état de sujétion.
S'agissant du sous-amendement de M. Delaporte, j'émets un avis de sagesse.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN. – Mme Laure Lavalette forme un cœur avec ses mains.
La rédaction préconisée par ce sous-amendement soulève des difficultés légistiques, car la loi doit être impérative et prescriptive ; j'en comprends toutefois l'intention.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Monsieur Delaporte, votre amendement est assez imprécis…
…mais j'en comprends l'esprit, que je partage. D'où l'avis de sagesse.
Je vais donner la parole à deux orateurs pour et à deux orateurs contre, pas plus, puisque le débat a déjà eu lieu hier.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Sans surprise, nous nous abstiendrons sur cette nouvelle version proposée par l'amendement n° 3 . Madame la rapporteure, j'ai retenu deux mots dans vos propos. Tout d'abord, vous vous êtes plainte des délais dans lesquels vous avez dû déposer cet amendement ; nous aussi, nous pouvons nous en plaindre, quand on voit le peu de temps qui nous est laissé pour nous prononcer sur un texte aussi important, qui crée une nouvelle infraction.
Vous saviez depuis l'examen en commission quelles étaient nos réserves,…
…ainsi que celles que nous aurions en séance. Cinq minutes avant de voter, nous découvrons la nouvelle rédaction d'un article particulièrement important : cela ne nous permet pas de nous prononcer sur la sécurité juridique du texte que vous invoquez.
Nous avons des doutes importants à propos de termes qui, dans cette nouvelle rédaction, posent des difficultés. Quelle est la définition du « lanceur d'alerte », quand le devient-on ? L'« état des connaissances médicales » est également source d'insécurité juridique, pour le juge qui aura à appliquer le texte. Par prudence, nous nous abstiendrons.
Ni la méthode ni la forme ne nous conviennent. Ce n'est pas dans ces conditions que notre assemblée doit créer de nouvelles infractions, comme elle en crée à la pelle depuis maintenant plusieurs mois.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Sur le fondement de l'article 100 du règlement, en considérant que le débat n'a pas pu avoir lieu sur ce texte : ce n'est pas celui qui a été présenté hier, il a été réécrit depuis. Nous demandons que les débats se poursuivent et qu'il puisse y avoir plus d'un orateur pour et plus d'un orateur contre.
Sourires.
Vous connaissez les règles, je donnerai la parole à deux orateurs pour et deux orateurs contre, précisément pour ne pas qu'il n'y en ait qu'un seul défendant chaque position. L'Assemblée a fait le choix de supprimer l'article 4 et de ne pas en débattre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Nous ne sommes satisfaits ni du fond ni de la forme de la nouvelle rédaction proposée par l'amendement n° 3 .
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur la forme, nous avons été saisis du texte il y a une dizaine de minutes à peine. Où est le sérieux de la délibération et de la concertation ? Où est la coconstruction ?
Mêmes mouvements.
Cela fait des mois que nous vous interpellons, pour vous dire que ce texte doit être coconstruit avec vos oppositions. Nous n'avons eu aucune des discussions qui auraient permis de faire évoluer l'article 4 vers une rédaction convenable. Je rappelle que le Sénat a émis à son encontre de sérieuses critiques, et l'a rejeté. Le Conseil d'État, quant à lui, a fait part de son grand scepticisme.
Il n'est pas raisonnable que nous soyons maltraités à ce point…
…avec de telles méthodes. Que cela vous serve de leçon ! Nous ne continuerons pas à subir des 49.3, des décrets, et des façons de discuter les textes qui relèvent de l'indigence pour la représentation nationale. Voilà pour la forme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur le fond, le texte ne donne la définition ni des lanceurs d'alerte, ni des victimes de sujétions psychologiques ou mentales, encore moins des sectes et de leurs dérives. Le flou est tel que les arrière-pensées qui animent ce texte pourraient mener à de graves dérives, tant pour l'expression démocratique et la liberté de la presse que pour les lanceurs d'alerte. Ces derniers bénéficient dans le texte d'un traitement de faveur, mais seront mis en cause avant d'être qualifiés comme tels, au moment où ils lancent leur alerte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce texte ne contient aucune arrière-pensée, mais une pensée, forte et déterminée – celle de lutter contre les dérives sectaires. Si nous sommes tous d'accord pour lutter contre ces dernières, nous devons l'être pour lutter contre les provocations qui y conduisent : les provocations directes d'un médecin, d'un faux médecin ou d'un charlatan, mais aussi les provocations « impersonnelles » – comme dit le Conseil d'État –, plus générales et qui touchent des personnes souvent fragiles, qui le seront encore plus si ces provocations ne sont pas combattues.
Nous ne pouvons pas retirer de ce texte l'article 4, sauf à vider de sa substance la proposition de loi et notre détermination. Il y a eu beaucoup de débats – trop, sans aucun doute…
L'amendement présenté opère la synthèse d'amendements que nous aurions dû discuter hier – mais vous l'avez refusé. Il ne contient aucune nouveauté ; nous reprenons simplement les amendements qui nous permettent d'atteindre un équilibre…
…entre notre volonté d'attaquer les dérives sectaires, et celle de respecter les libertés publiques et individuelles.
Vous faites mine d'être surpris et poussez des cris d'orfraie mais tout cela était déjà contenu dans les amendements qui avaient été déposés à l'article 4 et que vous auriez pu étudier.
Nous protégeons les libertés, en précisant que le délit visé à l'article 4 n'est pas constitué lorsque la provocation « s'accompagne d'une information claire et complète quant aux conséquences pour la santé et que les conditions dans lesquelles cette provocation a été faite ne remettent pas en cause la volonté libre et éclairée de la personne ».
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En aucune façon les sénateurs ne se sont prononcés sur la nouvelle rédaction proposée par l'amendement n° 3 . Ils se sont prononcés sur la rédaction initiale qui, à nos yeux, était imparfaite – il faut le reconnaître. La nouvelle rédaction nous permet de trouver un équilibre, en dépit des difficultés légistiques soulevées.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé.
Vifs applaudissements prolongés sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Quand j'entends ces applaudissements, je me dis que j'ai bien fait de revenir à l'Assemblée nationale. Je vous remercie.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.
Deux orateurs d'un même groupe ne peuvent pas intervenir successivement ! Ce n'est pas possible !
Vous crierez quand j'aurai parlé. Peut-être aurez-vous alors une raison de le faire !
Mêmes mouvements.
La France, c'est le pays des Lumières, de l'excellence scientifique, de la rigueur intellectuelle.
En France, la loi doit protéger les plus fragiles et condamner tous ceux qui prospèrent sur la peur, la misère et la mort.
Mêmes mouvements.
Avant de venir, j'ai tapé les mots « gourou » et « Raoult » sur Google. J'ai obtenu davantage de réponses qu'en tapant les mots « science » et « Le Pen ».
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Pendant la pandémie, il y a eu d'un côté les blouses blanches, au chevet des malades et dans les laboratoires, et, de l'autre, il y a eu Didier Raoult.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Les premiers ont gagné notre estime et notre respect : le second a gagné de l'argent et des disciples.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.
Les critères d'une dérive sectaire sont-ils ici réunis ? À tout le moins, il y a matière à débat.
Nous avons assisté aux délires quasi messianiques d'un homme qui porte la blouse comme Raël porte la tunique, et dont le talent exceptionnel l'emporterait sur l'ensemble de la communauté scientifique internationale.
Rappelons-nous des files ininterrompues de malades devant l'institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille, en quête du précieux élixir.
Mêmes mouvements.
S'il vous plaît ! Pourquoi hurlez-vous ainsi ? Nous n'entendons rien ! Je vous ai laissés vous exprimer.
Combien de malades, en France, auront-ils refusé un vaccin protecteur, enfermés dans de fausses croyances en raison des propos ambigus du charlatan de la Canebière ?
Mêmes mouvements.
Sourires. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
L'hydroxychloroquine mal utilisée a ôté bien plus de vies qu'elle n'en a sauvé, et Didier Raoult a vendu des dizaines de milliers de livres.
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RN et LR, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Mesdames et messieurs les députés, notre pays connaîtra d'autres crises sanitaires et d'autres gourous. Certains d'entre eux parviendront à ébranler la confiance de nos concitoyens à grande échelle. D'autres attenteront peut-être à nos institutions.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.
Nous sommes ici pour faire la loi, pour protéger les plus fragiles, pour rappeler des évidences scientifiques. S'il est possible de débattre de toutes les idées, on ne peut s'arroger des compétences qu'on n'a pas et attenter à la sécurité et à la santé de nos concitoyens pour des bénéfices personnels.
Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes RE et Dem, de nombreux députés du groupe RE s'étant levés. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN. – M. Ugo Bernalicis fait mine de se prosterner.
Je vois que vous demandez la parole, madame la présidente Le Pen, mais deux députés pour et deux députés contre l'amendement n° 3 se sont déjà exprimés.
Chers collègues, j'ai prévenu que je ne donnerai pas la parole à davantage de députés, et je ne reviendrai pas sur ma décision.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, qui souhaitait ajouter des éléments.
Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.
Oui, cet article 4 est fondamental. J'aurais adoré que nous en débattions hier, et peut-être nous serions-nous entendus sur une réécriture. Vous avez toutefois décidé de le supprimer avant toute discussion.
Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LR.
La seule chose qui m'anime, ma seule boussole, ce sont les victimes des dérives sectaires et leurs familles, ainsi que la Miviludes, qui travaille et les accompagne au quotidien.
J'y insiste, j'agis pour nos compatriotes confrontés à ces dérives sans pouvoir y répondre : nos débats d'hier ont montré que vous reconnaissez ce phénomène.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Franchement, ces hurlements incessants sont difficiles à supporter. Imaginez ce que doivent penser les personnes qui nous regardent depuis les tribunes.
Mêmes mouvements.
Je ne suis pas de ceux qui provoquent ,
Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LFI – NUPES
qu'il s'agisse de la gauche ou de la droite de l'hémicycle. Cela étant, et même si cela n'a pas grand-chose à voir avec les dérives sectaires, je me permettrai simplement de dire que je préfère battre le RN dans les urnes. C'est ce que j'ai fait – cela clôt le débat totalement.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Encore tout à l'heure, j'ai été insultée. Mais si j'avais réellement manqué de courage, ne croyez-vous pas qu'il aurait été bien plus facile d'accepter la suppression de l'article 4, d'achever ainsi l'examen du texte, et tant pis pour les victimes ? Ce n'est pas ce que j'ai fait, je suis revenue devant vous. Nous avons une nouvelle rédaction, transpartisane, de l'article.
Exclamations sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.
Je ne l'ai fait ni pour vous ni pour nous : je l'ai fait uniquement pour les victimes de dérives sectaires et leurs familles, qui se retrouvent seules dans cette situation.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.
Je le répète, il aurait été bien plus simple pour tout le monde de plier bagage et d'achever la discussion du projet de loi, sans l'article 4. Mais nous avons discuté et écouté tout le monde pour proposer une nouvelle rédaction.
« Votons ! » sur quelques bancs du groupe RE.
Voilà ce qu'a fait la majorité, à qui vous reprochez sans cesse de ne pas travailler avec les autres.
Quand j'étais parlementaire, comme vous, j'ai travaillé avec tous les groupes, dans toutes les commissions et dans tous les groupes de travail où j'ai siégé. Ayez donc un peu de respect pour les personnes qui nous regardent et nous écoutent, ainsi que pour les victimes !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Ce sont les Français qui nous ont conduits ici : nous avons tous été élus de la même manière. Voilà la réalité.
Mêmes mouvements.
Chers collègues, s'il vous plaît. Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir conclure.
Il est compliqué de s'exprimer dans ces conditions, mais je souhaite dire un dernier mot, madame la présidente. Le travail transpartisan a payé. L'article 4 contient les dispositions relatives à la provocation à l'abandon de soins. Elles me tenaient à cœur et constituaient même la raison d'être de ce texte. Je suis donc ravie pour les victimes et la Miviludes que ces mesures soient en passe d'être adoptées. Je remercie tout le monde, notamment la DLPAJ et les députés de la majorité, d'y avoir consacré autant d'énergie.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Par ailleurs, dans la mesure où Mme K/Bidi a effectivement indiqué qu'elle s'abstiendrait sur l'amendement n° 3 , il me faut, pour être juste, donner la parole à un député qui y est opposé. Mme la présidente Le Pen s'exprimera donc, puis nous procéderons au vote.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.
Madame, la ministre, vous nous avez presque tiré les larmes ! Il ne s'agit pas de savoir si certains ne souhaitent pas lutter contre les dérives sectaires, car tout le monde le veut.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Dem.
À cet égard, doit-on prendre le risque de toucher aux libertés publiques, et particulièrement à la liberté d'expression, que l'on doit préserver en toutes circonstances et donc ne toucher que d'une main tremblante ? Vous arrivez avec vos gros sabots et un texte qui représente un danger ; le Conseil d'État vous l'a dit.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Puisqu'une réécriture de l'article nous est soumise, nous devons définir ce qu'est un lanceur d'alerte.
Vous me pardonnerez, mais s'il y a une personne qui n'aurait pas dû prendre la parole aujourd'hui, c'est bien M. Véran, qui, pendant la crise du covid, a dit absolument tout et son contraire ! J'insiste, il a dit n'importe quoi et cela a été scientifiquement prouvé.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Et comme il a osé parler de M. Raoult, nous allons continuer, car c'est effectivement un sujet fondamental. Certains ministres n'ont-ils pas été soignés par ce professeur ?
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
La mère d'un certain président de conseil régional n'a-t-elle pas, elle aussi, été soignée par M. Raoult ?
Mêmes mouvements.
Et un Président de la République ne s'est-il pas déplacé pour rendre hommage au professeur Raoult ?
Mêmes mouvements.
Et maintenant, vous le traînez dans la boue ! Comme quoi, il faut conserver à tout prix la liberté de critique et la liberté d'expression ! Merci d'en avoir fait la démonstration.
Mmes et MM. les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.
Le sous-amendement n° 10 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 11 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 272
Majorité absolue 137
Pour l'adoption 174
Contre 98
Le sous-amendement n° 5 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue 160
Pour l'adoption 182
Contre 137
L'amendement n° 3 , sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-François Coulomme. Je demande aux députés qui souhaitent quitter l'hémicycle de le faire en silence.
Nous avons assisté à un amateurisme confondant, pour ne pas dire stupéfiant. Tous ceux qui nous regardent ont dû se dire que l'Assemblée nationale, lieu où on fabrique la loi, manque cruellement de savoir-faire, de compétence, en comparaison avec la plupart de nos compatriotes qui exercent leur métier avec soin, attention et professionnalisme.
Nous avons également assisté à une forme de désastre moral, le Gouvernement, par l'intermédiaire de Mme la secrétaire d'État, ayant à plusieurs reprises offert une tribune au Rassemblement national et donné un avis favorable à ses amendements.
Ce n'est pas vrai !
Ce n'est toutefois pas si surprenant, dans la mesure où Emmanuel Macron a, en quelque sorte, coconstruit son gouvernement avec ce parti.
Oui, coconstruit.
Nous devions examiner un texte dont l'objet principal était de protéger les victimes de dérives sectaires. Nous sommes néanmoins au regret de vous dire qu'aucune disposition, ou presque, ne va en ce sens. La Miviludes existait avant ce texte et existera ensuite, mais sans que vous ne l'ayez confortée dans ses missions en accroissant les moyens dont elle dispose. Vous avez même mis en péril les dispositifs de prévention en ne consacrant pas les associations reconnues d'utilité publique, leur préférant des structures que vous agréerez vous-mêmes. Enfin, aucun moyen supplémentaire n'est prévu pour la prévention et l'information des professionnels, des collectivités territoriales ou encore des acteurs de l'enseignement public. En définitive, rien ne nous rassure quant à la pertinence et à l'efficacité du projet de loi.
Vous vous faites plaisir avec un texte sans moyens ni budget, mais qui vous donnera bonne conscience dans la mesure où il alourdira les sanctions pénales, qu'elles soient pécuniaires ou de prison. Notons à cet égard que certaines sanctions pécuniaires ont été multipliées par cent, mais sans que l'on comprenne pourquoi.
Une fois de plus, il ne s'agit que de jeter de la poudre aux yeux. Le peu de pouvoir qui demeure accordé au Parlement est celui de sanctionner, de pénaliser toujours plus. Nous avons la bride autour du cou, tous nos amendements demandant des moyens ou des budgets supplémentaires étant jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. Vous n'allez pas chercher les fonds où ils se trouvent, c'est-à-dire, entre autres, dans les poches des entreprises du CAC40. J'insiste, alors que l'inflation des profits des entreprises est immense, vous n'allez pas chercher l'argent où il est. Nous aurons donc de moins en moins de moyens, surtout compte tenu de la rigueur budgétaire à laquelle vous soumet la Commission européenne.
Eu égard à cette situation et à la manière avec laquelle l'article 4 nous a été soumis en seconde délibération – nous avons dû nous prononcer quelques instants après avoir découvert sa nouvelle rédaction –, nous ne voterons pas ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En l'espace de quelques heures, vous aurez réussi à nourrir comme personne le camp des charlatans que vous prétendez combattre, madame la secrétaire d'État. Partout où vous passez, vous abîmez tout !
Cela ne justifie pas le sourire narquois que j'ai vu aux lèvres de la rapporteure et du président de la commission des lois car cette cause est essentielle !
Vous seuls êtes responsables du piètre niveau des débats ! Malgré l'importance du sujet, vous avez manœuvré et bricolé ce texte de bout en bout.
Depuis sept ans, je n'ai pas souvenir qu'un texte ait été déjugé comme celui-ci : le Conseil d'État vous a rappelés à l'ordre, jugeant le projet mal rédigé et plaidant pour qu'il soit révisé de fond en comble.
Et vous, sur la loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, vous avez oublié tout ce que le Conseil constitutionnel a censuré ?
Le Sénat vous a sanctionnés en rejetant l'article 4, tout comme l'Assemblée nationale hier soir. Pourquoi ? Nous n'avons pas voulu vous empêcher de débattre. Si vous avez été battus hier, c'est parce que vous avez été incapables – infoutus si vous me permettez l'expression – de mobiliser suffisamment de députés sur vos bancs afin que cet article – que vous prétendez essentiel – soit adopté !
Au fond, ce que vous payez, c'est votre incurie sur un sujet qui ne mérite pourtant pas cela. Cette victoire, c'est une victoire à la Pyrrhus, qui va laisser des traces : après avoir assisté à vos manœuvres, ceux qui sont tentés par les charlatans ou par les dérives sectaires que vous dénoncez auront sûrement encore davantage le sentiment que vous leur mentez ! Vous avez instillé le pire poison, celui de la défiance !
Je dénonce votre incurie et votre morgue. Quant à la petite manœuvre de la seconde délibération, elle vient nourrir celles et ceux que vous prétendez combattre !
Personne ne doit être faible dans la lutte contre les dérives sectaires. Mais vous êtes faiblards et, en jouant petit comme vous l'avez fait, vous n'avez pas servi la cause.
Faites-vous plaisir !
Madame la secrétaire d'État, ce matin, vous étiez conviée à une émission de télévision. Vous n'avez même pas eu la décence d'attendre d'être devant la représentation nationale pour annoncer cette seconde délibération.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cette somme de petits détails a causé une rupture démocratique. Vous êtes assise au banc depuis le début de l'après-midi, et vous n'avez même pas osé nous informer – c'eût été votre courage et votre honneur – que vous alliez demander une seconde délibération.
Je le répète : quel manque de courage et quelle incurie ! Ni cette assemblée ni la cause que vous prétendez servir ne le méritent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Sur le projet de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Mathilde Desjonquères.
L'accroissement des agissements à caractère sectaire est inédit : la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a reçu 4 020 saisines en 2021, soit une augmentation de 33,6 % par rapport à l'année précédente. Les victimes ne cessent d'augmenter ; leur désarroi aussi. Ainsi, 60 000 à 80 000 enfants vivaient dans une communauté sectaire en 2022. Une réponse des pouvoirs publics est donc attendue et nécessaire.
La Miviludes l'a aussi rappelé, le principe névralgique d'une dérive sectaire étant l'emprise mentale, les mineurs et les adultes en quête d'eux-mêmes, confiants dans les discours parfois rassurants des charlatans, sont les cibles privilégiées.
Il est nécessaire de protéger les victimes de ces dérives, mais aussi les praticiens honnêtes, en sanctionnant davantage et de manière plus efficace les personnes mal intentionnées.
Que nos concitoyens se rassurent – même si certains prétendent que le projet de loi constitue une atteinte à la liberté de choix ou à la liberté d'expression – : la lutte contre les dérives sectaires ne vise en aucun cas, en l'absence de pressions inappropriées, à stigmatiser les pratiques dites non conventionnelles et la recherche du bien-être, et encore moins à entraver la liberté d'accepter ou de refuser un traitement médical spécifique ou de choisir un autre type de traitement, liberté essentielle à la maîtrise de son propre destin et à l'autonomie personnelle. C'est tout l'enjeu de ce texte.
Il est également nécessaire de protéger les mineurs face à l'emprise sectaire : c'est une exigence pour les pouvoirs publics et un devoir pour nous tous. Leur vulnérabilité physique et psychologique, leur dépendance matérielle les désignent comme une proie facile pour des mouvements porteurs de dérives sectaires, notamment lorsque la vigilance du titulaire de l'autorité parentale est défaillante.
Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme la rapporteure applaudit également.
Il faut le reconnaître : nous avons évité de peu que le texte ne soit vidé d'une grande partie de son sens. En votant l'article 4, nous rétablissons une disposition importante, visant à sanctionner tous ceux qui prônent l'abstention thérapeutique.
En outre, le projet de loi répond aux nouvelles dérives sectaires : il ne s'agit plus de la secte du Temple solaire, mais d'influenceurs qui usent de leur notoriété sur les réseaux sociaux pour promouvoir des pratiques et diffuser des messages complotistes ou hostiles à la science, qui sont, n'en déplaise à M. Dupont-Aignan et à ses invités, contraires à la raison et favorables à l'obscurantisme !
Si nous avons soutenu l'adoption de l'article 4, c'est aussi parce que sa récriture témoigne qu'un amendement du groupe Socialistes a été entendu. Il portait sur la défense des lanceurs d'alerte, qui pose un problème plus large.
Nous avions proposé cette rédaction hier soir et la secrétaire d'État, comme la rapporteure, avaient émis un avis défavorable. La nuit a donc porté conseil ; c'est peut-être aussi à cela que servent les secondes délibérations.
Sourires.
Maintenant, il faut avancer, et il faut surtout des moyens. J'espère que ce texte ne sera pas une occasion perdue. Si le projet de loi permet de faire passer des messages, il faut aussi renforcer les moyens des vigies du numérique – la Miviludes, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos) ou la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) – où le nombre d'agents est bien trop faible. Ils sont démunis car ils sont trop peu !
M. Christophe Barthès s'exclame.
Comment peuvent-ils surveiller les réseaux numériques ?
Nous sommes le 14 février. Dans trois jours, le règlement du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques ou Digital Services Act (DSA) entrera en vigueur, ce qui appellera une vigilance accrue tant des plateformes pour lutter contre les gourous que des régulateurs européens et nationaux pour retirer les messages les plus dangereux.
M. Christophe Barthès s'exclame.
Cette loi, comme toutes les autres, doit être appliquée. Il y va de la stabilité de notre édifice juridique.
Nous voterons ce texte, qui permet de faire un pas en avant. Cependant, il reste insuffisant ; continuons le combat.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Nous l'avons affirmé dès le début de la discussion générale, nous partageons l'ensemble de vos objectifs car il s'agit de lutter contre les dérives sectaires. Mais nous avions aussi émis de vives réserves sur l'efficacité de votre texte et sur la méthode pour parvenir à ces objectifs.
Nous arrivons à la fin des débats et le groupe GDR – NUPES reste sur sa faim. Rien dans ce projet de loi ne nous laisse espérer que nous pourrons lutter efficacement contre les dérives sectaires.
De nouvelles infractions ont été créées, qui nous laissent un goût amer – celui du risque en termes de sécurité juridique et d'une inflation pénale galopante, sans que l'on donne des moyens suffisants à la justice.
Même si le statut de la Miviludes est renforcé, nous regrettons de ne pas avoir débattu de ses moyens.
Nous allons le faire.
Ce n'est pas un demi-million d'euros qui nous permettra de lutter davantage contre les dérives sectaires.
Après avoir examiné ce texte, nous avons l'impression d'un rendez-vous manqué : si nous avons abordé les dérives sectaires, nous n'avons pas débattu des sectes ou des mouvements sectaires, de leur implantation en France et de la lutte contre les groupes qui pratiquent ces dérives. Pourtant, on ne saurait déconnecter les dérives des mouvements sectaires.
Ce projet de loi aurait pu être l'occasion d'améliorer l'état du droit, mais nous n'en avons pas eu le temps, pas plus que celui d'analyser cet amendement n° 3 déposé dans la précipitation. Quelle impréparation et quel amateurisme…
Ce n'est pas dans la hâte ni dans l'impréparation que le Parlement doit traiter d'un sujet aussi grave. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.
« La dérive sectaire est un dévoiement de la liberté de pensée, d'opinion ou de religion qui porte atteinte à l'ordre public, aux lois ou règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l'intégrité des personnes. » Au regard de cette définition un peu succincte, les députés des groupes politiques de la majorité comme les députés socialistes peuvent être fiers d'avoir soutenu ce texte.
Nous devons être fiers, car ce projet de loi permettra d'agir mieux et plus fermement contre ceux qui s'arrogent des titres qu'ils ne le méritent pas.
Ces gourous autoproclamés font des ravages auprès des personnes trop fragiles.
Nous devons être fiers parce que ces dispositions permettront d'assurer une meilleure prévention, une meilleure information, une meilleure formation et une meilleure répression pénale de nouveaux délits commis dans des situations qui, jusqu'à présent, n'étaient pas faciles à appréhender.
C'est pourquoi notre groupe votera bien évidemment ce texte, tout en étant conscient qu'il ne constitue pas une réponse définitive à un sujet infiniment plus large, protéiforme. L'évolution des manœuvres et dérives sectaires ne peut que nous inquiéter, notamment quand il s'agit de délits de presse ou des réseaux sociaux.
Malgré tout, notre fierté est empreinte d'une forme de tristesse.
Nos débats n'ont pas été à la hauteur de ce qu'attendent les victimes des dérives sectaires d'aujourd'hui et de demain. Nous avons donné à voir une piètre image de nous-mêmes, pour avoir été confrontés à des groupes qui sont dans la posture. Ils parlent de démocratie et de respect sans les pratiquer !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Nous sommes là pour protéger les libertés collectives, les libertés individuelles et, dans un sens plus large, les libertés publiques.
Nous avançons avec détermination. J'espère que le Sénat s'appropriera les modifications que nous avons apportées au projet de loi. Trois articles ont été plus particulièrement débattus. L'article 1
L'article 2, ensuite, prévoit une aggravation des peines, impérative, car certains crimes graves sont facilités par la dérive sectaire. Enfin, l'article 4 crée des infractions réprimant la provocation. C'est tellement facile de provoquer sur la toile, en l'absence de contradictoire et d'esprit critique ! C'est tellement facile de déverser des idioties contraires aux connaissances scientifiques actuelles.
C'est pourquoi, je le répète, nous sommes fiers de ces avancées.
Je regrette à nouveau certaines prises de position révélatrices d'un état d'esprit rétrograde et fermé, à contre-courant de l'évolution du pays et des mentalités.
Notre groupe ne doute aucunement de son vote ; il en est fier. Même si l'on peut déplorer les conditions dans lesquelles il a lieu, c'est le résultat qui compte.
J'espère que nous saurons expliquer à nos collègues sénateurs la manière dont nous avons voulu faire évoluer un texte qui, au départ, ne convenait pas, pour un certain nombre de raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas.
Votons à présent tous dans le même sens !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
« Aux oppositions, […] je leur fais la promesse de toujours les écouter, toujours les respecter » : voilà ce qu'a déclaré le Premier ministre Gabriel Attal lors de la passation de pouvoir, il y a tout juste un mois.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Là comme ailleurs, M. Attal a communiqué – très bien d'ailleurs –, mais n'a pas agi : les paroles n'ont pas été suivies d'actes. En ce 14 février, jour de la Saint-Valentin, nous attendions pourtant une preuve d'amour pour le Parlement.
Nous ne vous aimons pas et nous, nous ne voterons jamais avec vous ! Nous n'aimons pas les gens qui nous disent de nous taire !
Mme Borne n'est plus à la tête du Gouvernement et siège maintenant à nos côtés, mais rien n'a changé dans la majorité.
Ce projet de loi devait renforcer la lutte contre les dérives sectaires ; dans ce cas comme dans tant d'autres, la Macronie a tout gâché, par son entêtement et son sectarisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le sujet était si consensuel – il s'agissait de renforcer le combat contre les dérives sectaires et d'en soutenir les victimes – que tous les groupes politiques auraient dû être écoutés et associés au travail législatif. En fin de compte, nous n'avons abouti qu'à un texte aux dispositions au mieux cosmétiques, au pire très dangereuses.
Sans aucune honte et par une de ces petites manœuvres bassement politiciennes dont il a l'habitude, le camp présidentiel a fait procéder à une seconde délibération pour réintroduire l'horrible article 4.
Cet article, le Conseil d'État l'a pourtant jugé inconstitutionnel, pointant l'atteinte disproportionnée aux libertés publiques qui résulterait de son adoption. Le Sénat l'a supprimé et la rapporteure du projet de loi au Sénat a considéré que la création de ces nouveaux délits était inutile.
Hier soir, l'Assemblée nationale l'a supprimé en séance publique : vous avez été battus !
En toute honnêteté, nous peinons à comprendre votre stratégie et votre persévérance aveugle. Alors que, comme l'indique le Conseil d'État, il existe déjà six infractions permettant de réprimer la promotion des dérives thérapeutiques à caractère sectaire, vous voulez alourdir le code pénal, ce qui est inutile et dangereux. Alors que l'arsenal répressif existe déjà, et n'attend que d'être appliqué – c'est un problème –, vous rendez la loi bavarde…
…et attentatoire à nos libertés.
Aujourd'hui, vous tordez les règles du Parlement. Vous ne supportez pas la contradiction – on l'a encore vu à l'instant –, même quand elle est précédée de tous les avertissements.
Vous n'acceptez toujours pas que votre majorité soit relative, et qu'il y ait quatre-vingt-huit députés du Rassemblement national présents ici, dans l'hémicycle. Vous piétinez la démocratie parlementaire, toujours avec les mêmes méthodes : vous la servez à la sauce 49.3, vous forcez les procédures, vous vous livrez à des contorsions pour bâillonner la représentation nationale,…
…alors que les oppositions comme les spécialistes – dont le Conseil d'État, je le rappelle – vous alertent depuis le début sur la dangerosité de l'article 4.
Au lieu de sanctionner les gourous et les complotistes d'internet, ce que nous souhaitons tous ici, l'article 4 fera planer l'ombre de la censure sur des personnalités comme Irène Frachon, la pneumologue lanceuse d'alerte, dont le courage a permis de sauver des milliers de vies – nous n'avons cessé de le répéter.
Sur le fond, vous voulez censurer les lanceurs d'alerte ; sur la forme, vous censurez le Parlement avec la magouille que constitue cette seconde délibération.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Pour le Rassemblement national, l'article 4 constituait une ligne rouge à ne pas dépasser.
Comme toutes les lignes rouges, le camp présidentiel l'a franchie.
Ce texte prévoit des infractions trop génériques ce qui met en danger les individus et les collectifs de bonne foi, sans pour autant permettre un meilleur accompagnement des victimes, ni une implication optimale des élus locaux.
Ces objectifs auraient été atteints si l'on avait adopté notre amendement : nous avons obtenu un avis de la sagesse de la ministre, qui s'est ensuite fait tirer les oreilles par sa propre majorité, au mépris de la séparation des pouvoirs. Voilà aussi ce que nous avons vécu lors de nos débats !
Confronté au mépris à l'encontre du Parlement et de nos libertés publiques, le groupe Rassemblement national votera évidemment à la fois contre l'article 4, comme nous l'avons fait à de multiples reprises, et contre ce texte, qui salit malheureusement ce qui aurait dû être un beau combat, la lutte contre les dérives sectaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Lorsque les assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires se sont tenues en mars 2023, nous étions tous convaincus qu'il fallait agir et nos attentes étaient élevées. Le chemin parcouru en près d'un an est à la hauteur de ces attentes. Le texte que nous nous apprêtons à voter permettra de mieux lutter contre les dérives sectaires, de renforcer le rôle des associations et surtout de mieux venir en aide aux victimes.
Nous pouvons retenir trois avancées : la consécration de la Miviludes, la répression d'un délit autonome de sujétion pour mieux indemniser les victimes et enfin – sujet qui me tient à cœur et pour lequel nous sommes nombreux à nous être battus – le renforcement de la protection des mineurs victimes de dérives sectaires, notamment par l'allongement des délais de prescription.
Nous avons bien sûr des regrets, en particulier au sujet de mon amendement sur la capacité des associations à se constituer parties civiles. Je n'ai pas compris son rejet, alors que vous aviez donné, madame la secrétaire d'État, un avis favorable, dont je vous remercie. Je maintiens qu'il aurait été préférable de faire coexister les deux régimes, d'agrément et d'utilité publique, pour permettre au plus grand nombre d'associations d'œuvrer pour défendre les victimes de dérives sectaires.
Nous déplorons aussi la manière dont les débats se sont déroulés aujourd'hui, et surtout la précipitation dans laquelle nous avons dû légiférer.
Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, vous avez parlé hier du travail formidable accompli par le groupe de travail consacré aux dérives sectaires. Savez-vous qu'après m'avoir sollicitée, on a fini par me dire que seuls des députés de la majorité pouvaient intégrer ce groupe ?
Je ne pouvais pas me taire à ce sujet.
Toutefois, pour continuer à nous battre contre les dérives sectaires, et pour le bien des victimes et des associations, notre groupe votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 236
Nombre de suffrages exprimés 224
Majorité absolue 113
Pour l'adoption 151
Contre 73
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.
La parole est à M. David Valence, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Hier, le 13 février 2024, nous célébrions le centième anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Servan-Schreiber, député radical de Lorraine et avocat passionné de la décentralisation. Pour lui, comme pour le gaulliste Olivier Guichard ou le socialiste Gaston Defferre, et comme pour tous ceux qui l'ont défendue depuis les années 1970, la décentralisation répond à un double objectif : renforcer la démocratie en l'exerçant davantage à l'échelle locale et améliorer son efficacité au service de nos concitoyens.
Donner davantage de liberté aux collectivités pour mieux exercer des compétences touchant à la vie quotidienne : tel était l'esprit dans lequel la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, a ouvert un nouveau cycle de décentralisation, fondé sur la différenciation. Son objectif consistait à permettre à chaque collectivité de se saisir de certaines compétences qu'elle estimait pouvoir utilement exercer, sans généralisation automatique à l'ensemble du territoire.
Les articles 40 et 41 de cette loi, relatifs à la maîtrise d'ouvrage, répondaient à une demande unanime de Régions de France, toutes régions et toutes sensibilités confondues. Ils ouvraient la possibilité d'une mise à disposition pendant huit ans, pour les régions qui le souhaitaient – et seulement pour celles-ci –, de fractions du réseau routier national non concédé. Cette durée, de cinq ans initialement, avait été prolongée à la demande des régions, afin de mieux correspondre au temps des infrastructures qui, comme M. le ministre le sait, est un temps long.
Parce que les régions ne sont pas encore compétentes en matière de voirie, cette expérimentation avait été ouverte sans perspective de généralisation ultérieure. Elle avait surtout été ouverte afin de compléter les outils de gestion des mobilités déjà mis à leur disposition. Les régions sont devenues cheffes de file en ce domaine ; elles sont déjà compétentes en matière de transport ferroviaire et interurbain, et affirment chaque jour davantage leur rôle en matière de transport de marchandises. La loi « 3DS » laissait une place prépondérante à la négociation entre les collectivités et l'État pour déterminer les modalités d'application et d'activation de ces deux articles.
La liste des sections routières susceptibles d'être mises à la disposition des régions a été fixée rapidement, par un décret du 30 mars 2022 – à peine un mois après la promulgation de la loi. Cette liste englobe 10 000 kilomètres de voirie sur un total d'un peu plus de 1 million de kilomètres de voies routières. Ces sections représentent l'ensemble du réseau routier national non concédé, qui pouvait être mis à la disposition des régions, à l'exception de l'A20 reliant Vierzon à Montauban – l'Occitane –, de l'A75 reliant Clermont-Ferrand à Béziers – la Méridienne – et de l'ensemble autoroutier reliant Dunkerque à Bayonne – la route des estuaires.
Mis à part ces exceptions et le réseau concédé, le réseau routier français est déjà en quasi-totalité géré par des collectivités territoriales. Cette mise à disposition au bénéfice des régions s'inscrit dans une politique déjà ancienne de décentralisation des infrastructures routières. Plusieurs vagues y ont contribué : en 1972, au bénéfice des départements, pour 55 000 kilomètres de voies routières ; en 2006, pour 18 000 kilomètres supplémentaires. Depuis lors, les départements entretiennent bien leur réseau routier, comme le montre l'augmentation de leurs investissements routiers depuis 2017, malgré des difficultés rencontrées pour réunir ces moyens – on constate évidemment des variations en fonction de la taille des départements.
Pour la gestion des axes de plus longue distance que les voies départementales, la loi « 3DS » a prévu que l'échelon régional puisse être mobilisé. Depuis le décret d'application de cette loi, trois régions se sont portées volontaires pour activer ses articles 40 et 41 : Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et Grand Est. Les 1 600 kilomètres d'autoroute pouvant être mis à leur disposition ont été déterminés dans la décision interministérielle du 4 janvier 2023, afin qu'elles puissent améliorer la qualité de service et assurer une transition écologique de la route plus efficace, par exemple en aménageant des sections partagées sur certaines sections autoroutières, réservées au covoiturage ou aux transports collectifs, mais aussi en équipant les aires de services de plus de bornes de recharge électrique.
La mise à disposition de routes est aussi la seule possibilité pour les régions, dans le cadre législatif actuel, de lever l'écotaxe poids lourds, dans le cadre prévu par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience. Ainsi, dans la région Grand Est, l'abandon de l'écotaxe décidé par la ministre Ségolène Royal a eu des conséquences désastreuses, les nombreux poids lourds qui la traversent ne s'arrêtant même plus pour faire un plein sur son territoire, pourtant étendu.
Des doutes sur les modalités de compensation financière de l'État expliquent la faible réponse des régions – car il faut bien l'admettre, seules trois sur douze ont manifesté leur intérêt pour cette disposition. Cependant, les trois régions candidates ont été largement rassurées depuis ; reconnaissons que l'État a beaucoup investi ces dernières années dans son réseau routier, davantage qu'avant 2017, ainsi que l'a constaté l'Observatoire national de la route (ONR) dans son rapport pour l'année 2023.
La loi « 3DS » et les textes réglementaires prévoient la mise à disposition des régions de services compétents de l'État qui s'occupent du réseau routier national non concédé – notamment les quelque 860 équivalents temps plein (ETP) des directions interdépartementales des routes (DIR). En revanche, ils ne prévoyaient pas de leur fournir une délégation de signature pour l'exercice concret de cette compétence. Cette délégation est pourtant indispensable à la gestion quotidienne des routes, comme toutes les régions concernées l'ont observé dans les délibérations qu'elles ont prises. Ainsi, une interdiction de circulation, à la suite d'une traversée de gibier ou d'un accident de la circulation, exige que soient prises de nombreuses décisions rapides et effectives ; on imagine mal un président de région être obligé d'apposer sa signature à de telles décisions, même par voie électronique – d'où la nécessité de modifier les articles 40 et 41 de la loi « 3DS ».
Accorder à un agent de l'État une délégation de signature pour le compte d'un exécutif local n'est possible que par voie législative, comme l'a reconnu la jurisprudence du Conseil d'État. Auparavant, certaines dispositions de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam, qui avait permis aux régions qui souhaitaient assumer cette responsabilité de gérer les financements du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), avaient déjà apporté des modifications en ce sens.
La présente proposition de loi a précisément pour objet de donner cette possibilité aux régions. De plus, sur les axes routiers concernés, les trois régions retenues disposeront des mêmes pouvoirs de police que ceux qu'exercent les présidents de conseils départementaux sur les axes qu'ils gèrent.
Les discussions entre l'État et la région Grand Est sont particulièrement avancées et portent sur les axes A31, A30, A33, A313, RN4, RN44, RN52 et RN431. Les discussions avec la région Auvergne-Rhône-Alpes devraient bientôt connaître une avancée décisive. En Occitanie, elles ne pourront probablement pas aboutir dans le délai fixé, mais il est souhaitable qu'elles se poursuivent. Permettez-moi à cet égard de me réjouir de l'adoption en commission de l'amendement de Boris Vallaud, défendu par Stéphane Delautrette, portant ce délai de discussion de huit à seize mois.
Le texte que nous nous apprêtons à examiner vise à sécuriser juridiquement le dispositif de mise à disposition de ces axes routiers, en proposant jusqu'à trois niveaux de délégation : le président du conseil régional pourra déléguer des fonctions en matière de mobilités à un vice-président, qui pourra lui-même déléguer sa signature aux directeurs de DIR et de Dreal – directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement –, qui pourront à leur tour subdéléguer leur signature à leurs agents au sein des services, comme cela se fait déjà pour les axes gérés par l'État.
L'application de la loi repose essentiellement sur le pouvoir réglementaire. Il nous arrive de regretter certains retards dans la publication des décrets d'application, mais pour être appliquée, la loi doit parfois être complétée et précisée par le législateur lui-même. C'est le cas de figure qui se présente à nous aujourd'hui : il est de notre responsabilité d'élaborer et de voter cette proposition de loi, afin de rendre effective la loi « 3DS », de lever un obstacle opérationnel à la mise à disposition des régions du réseau routier national non concédé, et ainsi de sécuriser juridiquement une disposition attendue au moins par trois régions, étant entendu que d'autres régions observent attentivement nos travaux, dans la perspective d'une future décision législative qui leur permettrait également de recourir à cette possibilité.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports.
La proposition de loi sur laquelle vous êtes appelés à vous prononcer vise à faciliter l'application du volet routier de la loi « 3DS ». Il s'agit de combler ce que nous devons bien qualifier d'omission dans cette loi, une omission qui interdit aux régions d'accorder des délégations de signature aux agents de l'État exerçant dans les services routiers mis à leur disposition. La loi « 3DS » a introduit la possibilité d'une mise à disposition de parties du réseau routier national non concédé, à titre expérimental, aux régions volontaires.
Cette loi, construite dans le dialogue avec les élus et leurs associations, constitue donc une innovation par rapport aux précédents actes de décentralisation routière. Elle ne se résume pas – contrairement à des lois plus anciennes – à un classique transfert de compétences aux départements, puisqu'elle offre aux autorités organisatrices des mobilités à l'échelle régionale la possibilité d'assumer la gestion, la modernisation et l'aménagement des axes routiers les plus structurants de leur territoire.
Les régions Occitanie,…
…Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est se sont saisies volontairement de cette possibilité, pour un linéaire total de plus de 1 600 kilomètres de routes et d'autoroutes. La région Grand Est, que je sais chère au rapporteur,…
…a d'ores et déjà conclu avec l'État une convention de mise à disposition, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025. La région Auvergne-Rhône-Alpes a également signé sa convention et l'État, représenté par la préfète de région, s'apprête à en faire autant. Quant à elle, la région Occitanie a validé par délibération un projet de convention et les discussions se poursuivent.
Cependant, les régions candidates ont toutes relevé une lacune dans la loi « 3DS », qui compromet, voire empêche, l'exercice de leurs nouvelles missions. Vu la jurisprudence claire et constante du Conseil d'État, les présidents de conseil régional ne sont pas habilités à déléguer leur signature aux agents de l'État. Or quiconque est familier de la gestion d'un réseau routier sait la quantité d'actes administratifs et réglementaires qu'il faut accomplir chaque jour. Dans le cadre actuel de la loi, une DIR est amenée à émettre, chaque année, des centaines d'arrêtés de circulation pour travaux, intervention ou gestion d'événements survenus sur la voie publique, mais également des centaines, voire des milliers de bons de commande pour maintenir, réparer et entretenir le patrimoine routier, autant pour en exécuter la liquidation, et mon énumération n'est pas exhaustive. Les services aguerris à la gestion des routes, qu'il s'agisse de ceux de l'État, de ceux des départements ou de ceux des métropoles, sont ainsi dotés de chaînes de délégation de signature qui permettent, au niveau le plus pertinent de leur organisation, d'agir promptement au bénéfice des usagers de la route.
La proposition de loi examinée aujourd'hui vise, dans le cadre des expérimentations menées en région, à offrir la même fluidité d'action en précisant le champ de compétence du président de conseil régional et en autorisant les délégations et les subdélégations vers les directeurs et les agents des services de l'État. En l'absence du président de conseil régional, tous les actes que je citais doivent en effet être visés par l'exécutif régional, ce qui serait ingérable au quotidien. Aussi le Gouvernement soutient-il pleinement la proposition de loi défendue par le rapporteur David Valence, que je remercie pour son initiative.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La proposition de loi que nous examinons vise à améliorer l'efficacité de notre gouvernance régionale et la sécurité de nos infrastructures routières en corrigeant une lacune de la loi « 3DS » : elle doit permettre de rendre plus effective la gestion par les régions des routes nationales et des autoroutes non concédées.
La loi « 3DS » du 21 février 2022 a permis, à titre expérimental, le transfert de la gestion de ces infrastructures aux régions, sans toutefois prévoir les délégations de signature des exécutifs régionaux aux agents des services déconcentrés de l'État. Cet oubli entrave la capacité des régions à assurer la gestion opérationnelle des voies du réseau routier, notamment par des actes courants d'entretien et d'exploitation.
La présente proposition de loi vise donc à permettre aux présidents des conseils régionaux concernés de déléguer leur signature et, partant, à faciliter et à améliorer la gestion des infrastructures routières. Elle répond également à une demande légitime des régions volontaires, qui souhaitent bénéficier de règles de gestion des portions non concédées identiques à celles applicables au domaine public routier dont elles ont déjà la charge.
Pour assurer la sécurité juridique de la délégation de signature, il est ainsi proposé de modifier l'article 40 de la loi « 3DS » : le président du conseil régional ou son délégataire pourra déléguer sa signature aux chefs de service ou aux agents de l'État exerçant des responsabilités territoriales ou fonctionnelles. En outre, il est proposé d'ajouter expressément que le président du conseil régional exerce sur les axes mis à disposition les attributions prévues par le code général des collectivités territoriales en matière de gestion du domaine public routier.
Cette proposition de loi accorderait donc aux régions les moyens nécessaires à l'exercice de leurs responsabilités vis-à-vis des infrastructures routières et contribuerait à l'uniformisation de leurs règles de gestion, pour une plus grande cohérence dans tout le territoire national.
Je siégeais déjà à l'Assemblée nationale lors de la discussion de la loi « 3DS » et je m'étais alors inquiété des effets de déport du transit routier vers la Lorraine – et plus particulièrement vers le sillon lorrain –, que pourrait provoquer l'application d'une écotaxe en Alsace. Je me réjouis donc que la présente proposition de loi vise une plus grande harmonisation, qui épargnerait à la Lorraine tout préjudice.
Une politique d'aménagement du territoire plus cohérente nous évitera en effet d'avoir à légiférer de nouveau pour corriger certains biais. De surcroît, l'harmonisation envisagée facilitera la contribution des transporteurs routiers étrangers qui utilisent les voies nationales.
En autorisant la délégation de signature que j'évoquais plus tôt, cette proposition de loi contribuera à la simplification de l'administration et à l'optimisation de ses ressources. Son adoption facilitera la prise rapide et efficace de décision et garantira ainsi la sécurité et la qualité de nos infrastructures routières.
Enfin, elle s'inscrit dans une démarche de modernisation de notre législation, car elle permettra l'adaptation de nos outils aux défis de la mobilité et de l'entretien des routes.
En Lorraine, les discussions avec l'État au sujet du transport routier étaient très attendues. Le passage en deux fois deux voies du tronçon de la RN4 reliant Gogney, dans ma circonscription de Meurthe-et-Moselle, et Saint-Georges en Moselle – un tronçon de près de 7 kilomètres, le plus accidentogène de Lorraine –, améliorera ainsi la sécurité des usagers. Je me réjouis par conséquent de la signature, en décembre dernier, du protocole d'accord portant sur le volet mobilité du contrat de plan État-région 2023-2027 (CPER) : il prévoit cet investissement tant attendu, avec un financement égal de chacune des parties. Nous avons hâte que les travaux commencent et je sais que les études préalables ont été engagées.
La RN4, ainsi que l'A33 et d'autres voies mentionnées par le rapporteur, compte justement parmi les axes devant être gérés par la région Grand Est. Grâce aux corrections qu'apporte la proposition de loi, sa mise à disposition devrait se dérouler dans les meilleures conditions. La délégation de la gestion, même expérimentale, ne doit-elle pas viser une amélioration de la situation ? En matière d'entretien du réseau routier national, les attentes sont importantes et leur satisfaction contribuera au désenclavement de territoires et au renforcement de la sécurité des usagers. Pour ces raisons, le groupe Les Républicains votera pour cette proposition de loi et espère que l'ensemble de l'hémicycle fera de même.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
En promouvant une logique innovante, de différenciation et de partenariat, qui, espérons-le, responsabilisera l'ensemble des élus locaux, cette proposition de loi doit nous permettre d'entrer pleinement dans le nouveau cycle de décentralisation ouvert par la loi « 3DS » – et par son article 40 notamment. Concrètement, un peu plus de 1 680 kilomètres de route, qui relèvent actuellement du réseau national non concédé, pourraient être mis à disposition de collectivités territoriales volontaires, pour une gestion expérimentale.
Si l'on en juge par le nombre de régions qui se sont emparées du dispositif ou si l'on rapporte le nombre de kilomètres qu'elle concerne au nombre total de kilomètres de route que compte la France – plus de 1 million –, cette expérimentation peut sembler modeste. Toutefois, les sections retenues sont importantes, puisqu'elles sont quotidiennement empruntées par des millions de concitoyens et qu'elles assurent la continuité et la cohérence du maillage routier national. En outre, certaines ont pu être identifiées comme devant être prioritairement sécurisées au bénéfice des usagers ou pouvant assurer le désenclavement des territoires qu'elles desservent. En tant qu'élu de la région Auvergne-Rhône-Alpes, je pense ici aux routes du Massif central, mais également à celles du Grand Est et de l'Occitanie, que mes collègues ont évoquées.
Ces trois régions ont ainsi manifesté leur intérêt et leur volonté de participer pendant huit ans à cette expérimentation. Nous imaginons bien évidemment qu'une nouvelle étape de la décentralisation s'ouvrira à son issue.
Malheureusement, le réseau non concédé se détériore, faute de moyens suffisants, ce que la Cour des comptes a d'ailleurs souligné dans un rapport de 2022 : outils d'évaluation inadaptés, suivi lacunaire de l'état des routes, perturbations dans l'allocation des crédits, le tout se traduisant depuis trop longtemps par un sous-investissement. Les constats se répètent et il convenait de réagir à cette situation, comme l'a fait l'État en augmentant ses investissements.
Les collectivités territoriales – départements et communes – assurent déjà l'entretien de plus de 1 million de kilomètres de routes et se satisfont globalement de cette expérience. Pour le réseau routier national non concédé, qui connaît d'importantes difficultés de gestion, l'expérimentation donnera aux autorités organisatrices de mobilités que sont les régions l'occasion d'agir avec cohérence, sachant qu'en matière de mobilité, leur mission est très importante.
L'obstacle juridique que les orateurs précédents ont relevé nous impose d'agir en modifiant le code général des collectivités territoriales. Le nombre très élevé d'actes administratifs nécessaires à la gestion quotidienne et opérationnelle des routes justifie pleinement le dispositif proposé par notre collègue David Valence.
L'objet de la proposition de loi est limité : il s'agit seulement d'autoriser les présidents de conseils régionaux à déléguer leur signature aux agents des services routiers de l'État, afin de permettre à ces derniers de prendre en charge la gestion de portions du réseau national non concédé. De plus, l'évaluation qui suivra l'expérimentation pourrait aboutir au transfert définitif de cette gestion aux collectivités.
Il conviendra bien sûr d'aborder les aspects financiers de ce transfert, mais nous avons d'ores et déjà été rassurés à ce sujet.
Le groupe Démocrate, très attaché aux politiques de décentralisation – qu'il a toujours soutenues –, ainsi qu'aux libertés locales, votera pour cette proposition de loi, qui ouvre la voie à une meilleure application d'une expérimentation nécessaire.
M. le rapporteur et M. Rémy Rebeyrotte applaudissent.
Le groupe Socialistes et apparentés soutient pleinement cette proposition de loi, attendue et demandée par nos régions, notamment la région Occitanie.
Si la loi « 3DS » a déçu de nombreux élus locaux, elle a néanmoins permis l'expérimentation, pendant huit ans, de la mise à disposition des régions d'une partie du réseau routier non concédé. Pourquoi cette expérimentation ? Les régions sont compétentes en matière de transport et d'économie, de sorte qu'elles mettent en œuvre des politiques qui visent à répondre à des objectifs ou à des besoins de développement économique et de création d'emplois.
Dans de nombreux territoires où les transports publics sont insuffisants ou inadaptés, un réseau routier qui répond à ces enjeux est nécessaire pour les automobilistes et favoriserait le développement de mobilités partagées, telles que les bus à haut niveau de service. L'exemple de la voie de bus dédiée entre Marseille et Aix-en-Provence sur l'A51 plaide largement en ce sens. Cet aménagement a permis une réduction notable de la durée de trajet sur cet axe, qui est plus sécurisé et emprunté par de nombreux utilisateurs, auparavant automobilistes.
Il est donc utile que la région puisse prendre la main sur les aménagements et l'usage de plusieurs axes stratégiques, dans le cadre d'une politique des transports cohérente avec les autres priorités régionales. Nous considérons que la différenciation se fait au bénéfice des usagers grâce au développement d'un réseau mieux adapté à leurs besoins, car conçu au plus près du terrain et cohérent avec les autres projets régionaux – c'est un point de divergence avec nos collègues de La France insoumise. Nous voterons donc contre les amendements tendant à supprimer l'article unique de la proposition de loi et le dispositif de mise à disposition.
En commission, nous avions proposé de préciser les conditions de versement de la soulte due par l'État à la région à la suite de cette mise à disposition. Vous avez soulevé des arguments que nous avons entendus. Nous avons déposé un amendement en séance qui nous semble envoyer le bon message aux services de l'État : il vise à aider les régions à gérer leurs contraintes de trésorerie sans obliger les parties de manière excessive dans le cadre de la convention. Il devrait satisfaire la demande de la région Occitanie, tout en prenant en considération les points d'alerte que vous avez soulevés.
Par ailleurs, nous nous réjouissons de l'adoption de notre amendement en commission qui a levé toute éventuelle ambiguïté sur la question du délai de passation des conventions. Il est désormais urgent de voter ce texte, afin de lever les blocages techniques sur la délégation de signature aux agents de l'État, et de donner aux régions les moyens de faire vivre cette expérimentation au bénéfice des habitants de ces régions.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Je suis heureux de vous retrouver pour examiner la proposition de loi de notre collègue David Valence visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé. Il s'agit d'une proposition de loi ciblée et nécessaire. Certes, elle n'est pas révolutionnaire mais elle a le mérite de répondre à un problème spécifique, tout comme elle rend effectives les dispositions votées dans cet hémicycle lors de la dernière législature.
En effet, la loi « 3DS » du 21 février 2022 a ouvert la possibilité aux régions, départements et métropoles volontaires de se voir transférer – pour les départements et les métropoles – ou mettre à disposition – pour les régions – des portions du réseau national non concédé situées sur leur territoire. L'article 40 de cette loi, relatif à la mise à disposition des régions, prévoit que cette possibilité prend la forme d'une expérimentation, pour huit ans, ouverte aux régions volontaires.
Les orateurs précédents l'ont rappelé : trois régions se sont d'ores et déjà portées volontaires – Grand Est, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes. Elles pourront ainsi gérer quelque 1 640 kilomètres d'autoroutes et routes nationales, dans des conditions stipulées dans une convention signée avec l'État. Le conseil régional de chaque région sera compétent pour aménager, entretenir et exploiter les autoroutes, les routes et les portions de voies ainsi mises à disposition. Pendant la durée de l'expérimentation, les services de l'État qui participent à l'exercice de ces compétences seront également mis à leur disposition à titre gratuit.
En l'état actuel du droit, tel qu'issu de l'article 40 de la loi « 3DS », les exécutifs des conseils régionaux ne peuvent pas déléguer leur signature aux agents des services routiers mis à leur disposition, ce qui fragilise le bon déroulement de l'expérimentation. Seule la possibilité pour le président du conseil régional de déléguer sa signature à des agents de l'État pour la préparation et l'exécution des délibérations de l'assemblée régionale est prévue par le code général des collectivités territoriales.
La proposition de loi vient donc utilement modifier l'article 40 de la loi « 3DS », en permettant au président du conseil régional, et éventuellement aux personnes à qui il a délégué son pouvoir, de donner délégation de signature aux agents de l'État exerçant sur le réseau routier mis à disposition. L'article unique de la proposition de loi précise également que le président du conseil régional exerce ses attributions sur le domaine public routier mis à disposition. Ces précisions techniques, si elles ne modifient en rien l'esprit et les modalités générales de l'expérimentation, permettront sa pleine application dans les régions concernées. Nous nous en félicitons.
Par ailleurs, lors de son examen en commission des lois, la proposition de loi a été enrichie d'un amendement visant à doubler l'échéance à laquelle la convention État-région doit être conclue. Nous apportons une réponse pragmatique, afin que l'expérimentation puisse être pleinement menée.
Enfin, je rappelle à ceux qui, dans cet hémicycle, remettent en question le principe même de cette expérimentation, qu'elle répond à une demande des régions, formulée par Régions de France. En outre, les débats relatifs aux concessions autoroutières sont hors sujet puisque l'expérimentation porte précisément sur le réseau routier national non concédé. Il s'agit simplement de permettre à des régions volontaires, déjà autorités organisatrices de la mobilité, d'appliquer une politique de transport cohérente, qui détermine à la fois les modalités de gestion des infrastructures d'intérêt régional et l'organisation des services de transport associés. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
La présente proposition de loi introduit des dispositions techniques qui facilitent la décentralisation d'une partie du réseau routier national au profit des régions. Cette possibilité a été créée par la loi « 3DS », qui prévoit la mise à disposition des régions qui le souhaitent, pour une période de huit ans, de fractions du réseau routier national non concédé.
Ce texte apporte des précisions importantes. D'abord, il permet au président de région, aux vice-présidents et aux autres membres du conseil régional de donner délégation et subdélégation de signature aux chefs des services ou aux agents des services routiers, qui demeurent agents de l'État, pour les actes relatifs aux fractions du réseau routier national mis à disposition de la région. La seconde précision concerne l'exercice de l'autorité de gestion du président du conseil régional sur les fractions du réseau routier national non concédées mises à disposition, conformément à l'article L. 4231-4 du code général des collectivités territoriales.
On pourrait considérer que cette mesure expérimentale s'inscrit dans le cadre de la décentralisation des politiques de transport. À ce titre, elle pourrait donc recevoir notre approbation, puisque nous sommes favorables à la décentralisation. Pourtant, elle met surtout en lumière un éparpillement des compétences entre les différents échelons de collectivités – départements, métropole de Lyon, métropoles, régions – rendant incohérente la répartition des compétences relatives au réseau routier national.
Ce constat a déjà été dressé en matière de politique de l'habitat, au sein de laquelle la répartition des compétences est confuse, d'une part, entre les collectivités elles-mêmes, d'autre part, entre l'État et les collectivités. Il en va de même pour la politique publique des transports, ce qui empêche les citoyens d'identifier les responsabilités de chacun des acteurs, et les députés de cerner les financements alloués à telle ou telle politique en matière de mobilités.
Ainsi, bien que la proposition de loi apporte des ajustements nécessaires en cas de transfert de compétences, les mesures proposées modifient un texte – la loi « 3DS » – qui, sur plusieurs aspects, émiette ces compétences et leur répartition, alimentant davantage encore le millefeuille territorial. La Cour des comptes, dans son rapport public annuel publié le 10 mars 2023, a regretté que la décentralisation ait perdu son souffle initial à la suite de l'abandon de la logique des blocs de compétence, principe cardinal des lois de décentralisation de 1982 et 1983. Les règles de la décentralisation forment désormais un maquis inextricable que cette proposition de loi continuera à alimenter.
Par ailleurs, ce dispositif suscite un faible engouement des régions métropolitaines puisque seules trois régions – Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est, Occitanie – sur douze envisageraient – j'insiste sur le conditionnel – d'y recourir. Dans le contexte actuel de raréfaction des ressources et de difficultés financières des collectivités territoriales, en particulier des régions – ce que la présidente de Régions de France a confirmé le 16 janvier lors de son audition en commission des finances –, cette mise à disposition représenterait pour les régions qui s'engageront des investissements non négligeables, alors que les expériences précédentes illustrent bien assez la mauvaise compensation financière par l'État des compétences transférées, ainsi que vous l'avez dit, monsieur le rapporteur.
À ce sujet, la révision à la baisse des prévisions de croissance pour 2024, qui passerait de 1,4 % à 0,9 %, obligerait l'État à trouver plusieurs milliards d'économies pour boucler le budget de l'année 2024, ce qui laisse encore davantage planer le doute sur ses capacités réelles à accompagner les collectivités dans le cadre de transferts de compétences, en particulier en matière routière. La route, ça coûte ! Le Haut Conseil des finances publiques et tous les économistes estimaient déjà avant l'adoption, par 49.3, du projet de loi de finances pour 2024, que la prévision de croissance du Gouvernement était trop élevée. Le groupe Écologiste n'avait pas dit autre chose en commission des finances, mais n'avait pu le répéter en séance publique – 49.3 oblige.
Tous ces éléments ne sont pas de nature à rassurer les personnels, qui voient dans cette proposition de loi les prémisses de leur future mise à disposition des collectivités territoriales – approche rendue possible par la loi « 3DS ». Elle représente une menace pour leur statut, leurs conditions de travail et leur rémunération, déjà bien affectée par les effets de l'inflation. Ce texte est une première étape ; ils pensent, eux, à la seconde. Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra comme il l'a fait en commission des lois.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le texte soumis à notre examen se présente comme un texte technique. Il vise à répondre à une attente pressante des trois régions qui se sont déclarées volontaires pour exercer à titre expérimental la compétence d'aménagement et de gestion de fractions du réseau routier national non concédé. Il a essentiellement pour objet de permettre aux présidents des régions concernées de déléguer leur signature aux agents de l'État des services routiers pour les actes qui concernent les fractions du réseau routier national mis à disposition.
Avec le groupe GDR – NUPES, nous comprenons bien qu'il s'agit de combler une lacune juridique et de contourner la jurisprudence du Conseil d'État, afin d'appliquer pleinement l'expérimentation. Si l'on s'en tient à cette présentation, le texte devrait recueillir l'adhésion unanime des parlementaires.
Néanmoins, il reste des carences majeures. Dans le prolongement de la position que nous avons exprimée lors des débats sur la loi « 3DS », notre groupe votera contre ce texte. Mes collègues s'étaient alors prononcés contre le fait de permettre aux régions volontaires d'exercer à titre expérimental, pendant huit ans, la compétence d'aménagement et de gestion des routes nationales non concédées.
Si cette mesure s'inscrit dans le prolongement des attributions nouvelles confiées aux régions en matière de mobilité et d'aménagement du territoire, elle traduit surtout un désengagement de l'État continu qui nuit à l'unicité du réseau national – qui continue de se dégrader – et à l'égalité territoriale. Si cette expérimentation devait être une réussite – or, quoi qu'il advienne, elle sera jugée réussie –, une fois de plus, une fois de trop, nous prendrions acte du renoncement de l'État à jouer son rôle de stratège et d'aménageur à l'échelle du pays.
« La finalité de ce projet de loi est de parvenir à un meilleur état des routes sur l'ensemble du territoire, pour répondre aux attentes des Français » indiquait la ministre Jacqueline Gourault lors des débats sur la loi « 3DS » en 2021. Le Gouvernement avouait ainsi l'échec de sa politique en matière routière et son refus d'assumer ses responsabilités.
On confia le bébé aux régions sans s'interroger plus avant sur leur capacité à assumer ces nouvelles compétences et à réaliser les investissements nécessaires.
Le Gouvernement ne s'est pas davantage interrogé sur la fragmentation croissante de la compétence routière en France, dénoncée pourtant par un rapport de la Cour des comptes, qui écrivait, en 2022 : « il ne semble pas que cette transformation et ces perspectives aient donné lieu à une réflexion sur le nouveau rôle de l'État en matière de politique routière. » On ne saurait mieux dire.
Vous ne serez donc pas surpris, puisque nous avions refusé l'expérimentation du dispositif, que nous ne soutenions pas un texte qui vise à le rendre effectif.
Nous devrions débattre des moyens nécessaires à l'entretien des routes nationales et des ouvrages d'art, de la manière dont nous pouvons réduire le nombre de camions sur nos routes en développant notamment le fret ferroviaire, ou encore de l'opportunité de renationaliser les autoroutes afin d'en finir avec la prédation économique exercée par les grands groupes du BTP – bâtiment et travaux publics.
Selon nous, la priorité n'est pas de débattre d'un texte qui organise la fuite en avant dans la décentralisation, voire la privatisation progressive du réseau routier national.
Mmes Catherine Couturier et Christine Arrighi applaudissent.
L'excellente loi « 3DS » ouvre la possibilité d'une mise à disposition des régions qui le souhaitent, pendant huit ans, de fractions du réseau routier national non concédé, en concertation avec les départements pouvant être concernés, et sous forme expérimentale.
La décision ministérielle du 4 janvier 2023 a déterminé les sections routières concernées après que trois régions – Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie – ont fait part de leur souhait d'obtenir cette délégation. Or le bon exercice de la compétence ainsi reconnue aux conseils régionaux implique que le président de l'exécutif local puisse déléguer sa signature à des agents des services routiers – qui restent des agents de l'État –, pour les actes qui concerneront les fractions du réseau routier national ainsi mis à disposition.
Les dispositions actuelles du code général des collectivités territoriales ne prévoient de possibilité de délégation de signature du président du conseil régional à des agents de l'État que dans un seul cas : la préparation et l'exécution des délibérations de l'assemblée régionale. En dehors de ce champ restreint, et hors disposition législative expresse, la jurisprudence constante du Conseil d'État exclut toute délégation des exécutifs locaux à des agents de l'État.
Les régions qui ont activé le mécanisme prévu par le III de l'article 40 de la loi « 3DS » demandent que cette délégation de signature à des agents de l'État soit autorisée pour les fractions du réseau routier national qui pourraient être mises à leur disposition. Faute de modification législative – c'est pourquoi nous sommes là –, elles ne s'estimeraient pas capables de gérer efficacement ce patrimoine durant huit années.
Dans la même logique, le texte propose de compléter l'article 40 précédemment cité afin de permettre au président du conseil régional de déléguer sa signature aux chefs de service ainsi qu'aux agents de l'État exerçant des fonctions de responsabilité au niveau territorial ou fonctionnel.
À des fins de sécurité juridique et de facilitation de la délégation de signature aux services de l'État pour les actes d'utilisation du domaine public routier et sa protection, il propose également d'ajouter que le président du conseil régional exerce, sur les routes mises à disposition, les attributions figurant à l'article L. 4231-3 du code général des collectivités territoriales.
Bien que technique…
…le texte permet d'appliquer concrètement une partie de la loi « 3DS », celle qui renforce à la fois l'expérimentation territoriale – à laquelle nous sommes attachés – et la différenciation. L'une et l'autre sont au service de l'efficacité de l'action des élus dans nos territoires. Ces derniers cherchent à mieux œuvrer au quotidien pour nos concitoyens ainsi que l'attractivité de leur bassin de vie. C'est pourquoi nous voterons évidemment le texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur les bancs des commissions.
La centralisation et la décentralisation sont deux processus conjoints visant à réajuster en permanence l'équilibre délicat entre le maintien de l'unité nationale et la nécessité d'adapter les politiques publiques aux réalités territoriales.
Cependant, si l'on considère le contexte de la proposition de loi et le processus global auquel elle contribue, il est évident qu'elle résulte d'une approche davantage budgétaire que politique de la part de l'État, dont l'incapacité croissante à assumer ses responsabilités et à entretenir le réseau national le pousse, une fois de plus, à déléguer son rôle stratégique en matière de transports à des collectivités bien gérées et soumises à des contraintes budgétaires strictes.
Après avoir bradé les autoroutes, dont les recettes bénéficiaient aux caisses de l'État, la grande braderie continue : il s'agit désormais de transférer les charges financières de l'administration centrale aux collectivités locales. On noie le bébé des routes en mauvais état dans l'eau des énormes budgets des régions – lesquelles sont évidemment moins exposées politiquement et médiatiquement que l'État – en créant un nouveau service routier régional qui va complexifier encore la relation entre la région et le département avec, en plus, une différenciation territoriale.
Certaines régions ne voudront pas que leurs compétences incluent la gestion des routes concernées. Nous passerons donc de certaines régions responsables de leur réseau routier à d'autres où le réseau se retrouvera dans le giron de l'État. Au bout du compte, ce seront de nouvelles difficultés administratives à régler, des agents publics à engager pour mettre de l'huile dans les engrenages de ce nouveau millefeuille routier et, bien sûr, de l'argent gaspillé.
La Macronie dispose de complices dans ce processus, à commencer par les présidents de régions qui vont récupérer les routes, pour flatter leur ego…
…et accroître leurs compétences comme leurs pouvoirs sur leurs grands fiefs régionaux. In fine, cependant, ce sont les agents de l'État mis à disposition des régions qui continueront à gérer les routes au moyen de délégations de signature pour assumer toujours les mêmes missions.
Les présidents de région, qui ont des ambitions nationales, et pour certains rien de moins que celle de succéder à Emmanuel Macron, pourront claironner qu'ils sont en charge des routes, que leur gestion est formidable et qu'ils ont les épaules pour présider à un niveau supérieur.
Je ne manquerai pas d'évoquer l'idéologie sous-jacente à ce processus qui va dans le sens d'un effritement et d'un affaiblissement organisé de l'État au profit des régions. En toile de fond se trouve bien sûr l'Union européenne qui lorgne ces régions, censées être les entités administratives intermédiaires d'un super-État européen dont la majorité présidentielle et le Gouvernement sont évidemment les premiers partisans à Bruxelles.
Ce n'est pas possible !
Les grandes régions sont au centre de l'organisation administrative fédérale que l'Union européenne veut imposer en se débarrassant des États, de leurs traditions politiques, des parlements et des hommes d'État qui pourraient leur mettre des bâtons dans les roues.
La région plaît beaucoup à l'Union européenne : elle est malléable, elle gère et administre sans imposer de vision politique, surtout quand elle a été préalablement charcutée et reconstruite dans des territoires qui n'ont pas toujours d'unité culturelle et géographique.
Vous aurez bien compris que notre groupe s'opposera à ce texte porteur d'un esprit non pas décentralisateur mais déconstructeur de la nation et des identités, destiné à mieux subjuguer les peuples et à les soumettre à l'oligarchie européenne, laquelle dispose bien d'un projet politique qu'elle est déterminée à mettre en œuvre.
Ce dont notre pays a besoin, avant de morceler et de créer de nouvelles différenciations administratives, c'est d'un renforcement préalable de notre État,…
…car il est devenu incapable d'élaborer une vision stratégique nationale de développement du territoire.
Vous avez toujours été contre la décentralisation !
Nous ne céderons pas au pipeau de la décentralisation prétendument nécessaire pour s'adapter aux territoires et optimiser la gestion publique, quand il ne s'agit en réalité que d'une recentralisation à l'échelon européen.
Vous avez oublié le mot « immigration » !
Pour ou contre l'installation de nouveaux péages sur les routes nationales au détriment de l'intérêt des Français ? Pour ou contre la poursuite de ce racket organisé ? Notre débat se résume à ces questions.
Je sais ce que vous allez dire : ce n'est pas le sujet, puisque l'objectif officiel de ce texte est de « faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé ». Outre que cela ne sert à rien, que cela ne respecte ni notre code de déontologie ni la Constitution – j'y reviendrai –, j'affirme que tout ceci finira à nouveau en privatisations et en péages.
Plusieurs raisons m'invitent à le penser et pour commencer le fait que mes amendements pour interdire aux régions de privatiser les routes qui leur sont déléguées aient été jugés irrecevables, au motif qu'ils créeraient une dépense. Il n'y a pourtant aucune raison à cela. L'interdiction d'une privatisation ne peut pas créer une dépense puisque l'État est censé compenser la charge des régions qui obtiennent la concession des routes.
Ce n'est pas Éric Coquerel, le président de la commission des finances, qui juge de la recevabilité des amendements ?
Or, dans un courrier de juillet 2023, les trois présidents de région qui sont censés récupérer les routes s'inquiètent du « caractère nettement insuffisant du cadre financier de ce transfert ». Traduction : une fois les routes données aux régions, ils redoutent que ces dernières n'aient pas les moyens de les entretenir et qu'elles soient confiées à des entreprises privées qui y installeront du goudron et des péages !
Autrement dit, ce texte contient, en germe, une nouvelle privatisation des routes à laquelle nous sommes vivement opposés, puisque nous demandons la renationalisation de celles qui ont déjà été concédées. Elles sont à nous, nous les avons payées ! Ras-le-bol du racket des actionnaires parasites des sociétés d'autoroute !
Admettons néanmoins que je fasse semblant de croire que l'objet de cette loi est bien celui de son titre. Laissez-moi vous dire pourquoi la régionalisation de ces routes n'a pas de sens.
Je passe rapidement sur la bureaucratie que vous inventez – mais je tiens à en parler tout de même, ne serait-ce que pour faire rire un peu les gens susceptibles de nous écouter, du moins ceux qui sont présents en tribune.
Vous proposez de concéder aux régions des routes détenues par l'État mais, comme les régions n'ont pas la capacité de les gérer, vous leur confiez aussi des agents de l'État détachés pour le faire. Puis vous confiez à ces agents les pouvoirs que vous déléguez aux régions. Ce qui nous donne, dans le texte : « Les délégataires et subdélégataires peuvent, sauf disposition contraire dans l'acte de délégation ou de subdélégation, subdéléguer leur signature aux agents de l'État qui exercent au sein de leur service des fonctions de responsabilité au niveau territorial ou fonctionnel. » En résumé, le subdélégataire du subdélégataire pourra subdéléguer… à celui qui s'en occupe actuellement. C'est brillant !
N'importe quoi ! Quelle méconnaissance !
Et M. Attal nous dit qu'il y a trop de normes ! Je préfère en rire car, en vérité, ce qui se joue ici au sujet d'un texte en apparence anodin c'est, de nouveau, la trahison du peuple et de ses textes fondamentaux.
Que sommes-nous, chers collègues ? Des députés, du latin deputatus, qui signifie « représentants de l'autorité ».
Sourires sur les bancs du groupe RE.
De quelle autorité ? Celle du peuple lui-même – l'autorité suprême qui nous commande tous, comme le dit l'article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
Que sont les ministres ? Eux aussi nous viennent du latin minister, qui signifie « serviteur ». De qui ? Du peuple lui-même !
Tous, ici, nous ne sommes que les représentants ou les serviteurs de l'autorité suprême qui nous commande : le peuple. C'est pourquoi l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dit : « La loi est l'expression de la volonté générale. » Elle ne doit être rien d'autre.
C'est la raison pour laquelle la régionalisation des routes nationales et des autoroutes n'a pas de sens. Qui vous a demandé ça ? Quand vous l'a-t-on demandé ? Quel Français est venu vous trouver en disant : « Mon dada, ce que je veux vraiment, c'est la régionalisation des routes nationales, monsieur le député, régionalisez-moi tout ça ! » Personne, jamais, ne vous a dit ça. J'en ai la certitude absolue parce que nos compatriotes veulent qu'on agisse pour leurs salaires, pas pour régionaliser leurs routes.
Je crois ce texte contraire à la Constitution car l'article 9 du préambule de 1946 expose : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » Les routes nationales et autoroutes sont déjà les deux : service public et monopole de fait. Et elles sont déjà la propriété de la nation tout entière. À quoi bon les transférer aux régions ?
Vous proposez en somme un texte inutile, bureaucratique, que personne ne demande, qui est contraire à la Constitution et qui fait risquer à tous de nouveaux péages.
Collègues, je vous rappelle l'article 1
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de loi.
Je vous annonce que, sur le vote de l'amendement n° 2 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Catherine Couturier, inscrite sur l'article.
M. Léaument a au moins le mérite d'avoir fait sourire nos collègues de la majorité ; c'est déjà ça.
Il faut tenir des propos cohérents !
Cette proposition de loi, nous avons vraiment le sentiment qu'elle a été conçue pour M. Wauquiez et Mme Delga…
…et non, comme vous le prétendez, monsieur le rapporteur, pour donner plus de liberté aux collectivités. Car encore faut-il qu'elles aient les moyens financiers d'exercer cette liberté. Or, malheureusement, elles ne les ont plus.
Il suffit pour s'en convaincre de constater les dégâts causés par le transfert aux régions de la compétence en matière de transport – n'est-ce pas, monsieur Beaune ? –, notamment de voyageurs : les régions font face à des difficultés croissantes, des gares ferment…
Vous avez indiqué que le texte était au bénéfice des régions. Non : il sera à leur charge.
Elles doivent se porter volontaires !
Même si l'expérimentation ne dure que huit mois, nous savons très bien quel est votre objectif final, dans le cadre du projet de loi de décentralisation.
C'est la raison pour laquelle nous voterons pour la suppression de l'article unique de la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur le vote de l'article unique de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Sylvain Carrière, pour soutenir l'amendement n° 2 , qui vise à supprimer l'article unique.
Les réseaux de transport sont un service public ; ils doivent donc être gérés par l'administration publique. Comme le disait M. Léaument, donner aux régions la compétence en matière de routes nationales, c'est offrir, demain, ces mêmes routes aux sociétés privées, car les régions n'auront pas les moyens de les entretenir, et vous le savez.
Vous évoquez de prétendues compensations par l'État mais, nous le savons déjà, elles seront insuffisantes, voire inexistantes. Il faudra donc créer rapidement de nouvelles sources de financement. On ouvre ainsi la porte à la mise en concession privée de routes nationales.
Les concessionnaires autoroutiers se gavent déjà sur les autoroutes en explosant toutes les prévisions concernant le taux de rentabilité : 3 milliards de dividendes annuels taxés aux Françaises et aux Français !
Ils s'en mettent plein les poches depuis trente ans et continuent à augmenter le prix des péages alors que les salaires, eux, n'augmentent pas !
Chez nous, on appelle cela du vol ; chez vous, c'est la norme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chez vous, il faut tout ouvrir au marché, et tant pis si les paysans sont exclus, si des centaines d'arbres sont abattus…
…et si c'est contraire à la planification écologique ! Pour nous, il n'en est pas question : nous voulons une réelle planification des transports. Aussi, monsieur Vergriete, je vous pose la question : votre feuille de route est-elle pro-bagnole, comme nous l'a dit le Président de la République il y a quelque temps et comme le montre le projet de l'A69 ?
Quoi qu'il en soit, nous demandons, par cet amendement, la suppression de l'article unique de cette proposition de loi absurde.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Tout d'abord, je regrette que, par la volonté de la seule France insoumise, nous soyons astreints à ce débat…
…alors qu'en commission, la discussion s'est bien passée et que la procédure de législation en commission, qui était sans doute préférable s'agissant d'un texte aussi technique, aurait pu être appliquée.
Ensuite, je m'étonne d'avoir entendu, en particulier lors des interventions des orateurs du Rassemblement national et de La France insoumise, une défiance que je juge proprement scandaleuse à l'égard des collectivités territoriales.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'orateur désigne les bancs du groupe RN
estiment que les collectivités territoriales, singulièrement les régions, ne sont intéressées par cette délégation que pour montrer leurs biceps, affirmer leur puissance et avoir des arguments à faire valoir lors des prochaines élections. Or la préoccupation des élus locaux – que tous, ici, nous devrions partager –, c'est d'abord de répondre efficacement aux attentes de nos concitoyens.
Certes, monsieur Léaument, ces derniers ne demandent pas que les régions ou quelque autre collectivité gèrent les routes nationales. Mais ils ne se posent pas non plus la question de savoir qui les gère lorsqu'ils les empruntent. Ce qu'ils veulent, c'est qu'elles soient bien entretenues.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous nous prenez pour qui ? Nous savons faire la différence entre une route départementale et une route nationale !
Or si les régions demandent à les gérer, c'est parce qu'elles seront en mesure de le faire efficacement.
D'un côté, disais-je, on soupçonne les régions de vouloir montrer les biceps ; de l'autre, on les soupçonne de vouloir céder les routes nationales au privé. C'est faire un mauvais procès aux régions et, plus globalement, aux collectivités.
Les orateurs de La France insoumise et du Rassemblement national se sont exprimés comme si les départements ne géraient pas d'ores et déjà des centaines de milliers de kilomètres de routes. En vérité, ils sont contre la décentralisation de manière générale. Selon eux, l'organisation des pouvoirs devrait ressembler à un jardin à la française : il faudrait procéder de la même façon dans tous les territoires, sans tenir compte de leurs différences.
Je comprends, compte tenu des initiales de leur groupe, que les députés du Rassemblement national aiment les routes nationales. Mais La France insoumise devrait davantage rechercher davantage l'intérêt des citoyens et moins se méfier des collectivités territoriales.
Je sais, du reste, qu'en dehors de cet hémicycle, certains d'entre vous n'expriment pas la même défiance vis-à-vis des collectivités territoriales.
Cette proposition de loi est un texte d'application d'une loi adoptée par la représentation nationale, démocratiquement élue. Pardon, monsieur Léaument, de recourir à une expression rustique, mais vous aurez beau souffler dans le derrière du cheval,…
Sourires.
…vous ne ferez pas de notre discussion un débat sur la souveraineté nationale,…
…laquelle, je le rappelle, s'exerce également grâce aux collectivités territoriales, qui sont, selon la science politique, une partie de l'État.
Avis évidemment défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Même avis que M. le rapporteur.
Monsieur le rapporteur, j'ai tout de même entendu beaucoup d'approximations. Nous n'aurions pas confiance, dites-vous, dans les collectivités territoriales. Mais j'ai déposé une proposition de loi visant à faire du 18 mars, jour anniversaire de la Commune, un jour férié !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
C'est dire si j'ai confiance dans les collectivités territoriales !
Il est vrai néanmoins que, fidèle à notre histoire révolutionnaire,…
…j'ai davantage confiance dans la commune et le département que dans d'autres collectivités, comme les régions, par exemple, qui, depuis que vous leur avez confié la gestion des trains, font à peu près n'importe quoi dans ce domaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous ne voulons pas, après la suppression des petites lignes ferroviaires, subir la mauvaise gestion des autoroutes et des routes nationales car on sait comment cela finit : on va nous dire que le privé les gérera de manière plus efficace.
« Voilà ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et que se passe-t-il alors ? Les sociétés installent des péages et nous voilà revenus au Moyen Âge, où l'on devait s'acquitter d'une taxe privée à chaque fois que l'on voulait se déplacer. Non, nous ne sommes pas d'accord !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Il faut, dites-vous, avoir confiance dans les institutions. Il en est une en laquelle j'ai confiance : l'État ! Il a été capable de construire, partout, des routes et des autoroutes. C'est la nation qui les a payées. Pourquoi irait-elle donner aux régions ou aux départements des routes qui lui appartiennent ? Cela n'a pas de sens ! C'est contraire à l'esprit même du préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité.
Vous pouvez toujours prendre les Français pour des imbéciles en prétendant qu'il est préférable que la région gère les routes nationales ». Mais ils ont bien compris que lorsque la gestion n'est plus assurée par l'État, c'est moins efficace, et cela finit par être confié au privé – on le voit avec l'hôpital, et on sait que vous voulez qu'il en soit de même pour l'école. Non seulement cela marche moins bien, mais cela coûte plus cher, et il y en a ras-le-bol !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Édouard Bénard applaudit également.
En écoutant notre collègue Léaument, j'ai eu l'impression de me replonger dans le passé, au moment des débats sur la loi « 3DS ».
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais en lisant l'exposé sommaire de votre amendement, on a l'impression que vous voulez supprimer l'article 40 de cette loi.
En réalité, cet amendement ne va pas du tout dans le sens de ce que vous souhaitez. En effet, vous avez peur que les routes nationales soient mal gérées. Or adopter cette proposition de loi est le plus sûr moyen de créer les conditions d'une bonne gestion.
De fait, elle a pour objet de permettre aux régions, non pas de gérer les routes nationales, mais de bien les gérer, en instituant la faculté de délégation de signature et en permettant une articulation des responsabilités, surtout dans le cas où des agents de l'État continuent d'exercer des responsabilités sur les domaines publics routiers concernés.
Les enjeux ne manquent pas – dans mon territoire, par exemple, les attentes en matière de sécurité routière sont fortes. Le transfert de la gestion du domaine public routier aux régions doit justement être l'occasion de mieux gérer ce dernier, et d'articuler les responsabilités de la meilleure façon possible.
Madame Fiat, si on introduit l'écotaxe en Alsace mais non en Lorraine, on aura un véritable problème avec le trafic de transit des poids lourds étrangers.
Il faut une politique globale et cohérente. L'enjeu n'est pas de revenir sur l'article 40,…
M. le rapporteur et Mme Véronique Louwagie applaudissent.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 36
Contre 51
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
Je vais vous faire plaisir, cher collègue Bazin : le présent amendement tend à supprimer l'article 40 de la loi « 3DS ».
Tout à l'heure, vous nous disiez que ce n'était pas le débat ; pourtant, le texte qui nous est soumis a bien pour objet de rendre cet article opérationnel.
L'article 40 – je le dis à l'intention de ceux qui nous écouteraient en tribune et qui se demanderaient de quoi on parle – vise à régionaliser les routes nationales ainsi que les autoroutes dont la gestion n'est pas encore déléguée à des entreprises privées. Vous savez comme nous que, chaque fois qu'on emprunte une autoroute dont la gestion est déléguée au privé, on paie une taxe qui s'apparente à du racket dans la mesure où l'on avait déjà payé pour la construction de ces routes. Ce n'est pas là une manière très naturelle de défendre l'intérêt général et celui de la nation.
Et ce n'est pas fini : une fois que la gestion a été déléguée aux régions, celles-ci peuvent la déléguer à leur tour aux départements, lesquels peuvent également déléguer aux régions.
En résumé : voilà un embrouillamini général, des mesures bureaucratiques prises par des personnes qui ne savent absolument pas comment bien gérer les routes ou plutôt qui veulent se débarrasser de cette compétence, tout comme ils se sont déjà débarrassés de la gestion des trains, tout comme, petit à petit, ils remplacent l'hôpital public par des cliniques privées, bref, tout comme ils bradent le service public et les biens de la nation en général.
Nous proposons de supprimer l'article 40 de la loi « 3DS » avant son application effective, sachant qu'il prévoit une gestion des routes par les régions à titre expérimental, pour une durée de huit ans.
Monsieur Bazin, vous m'avez demandé de remettre sur la table la loi « 3DS ». C'est fait ! Par conséquent, j'espère que vous serez d'accord avec nous et que vous voterez pour la souveraineté nationale et pour des routes nationales sans péage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est évidemment défavorable. Tout d'abord, l'amendement est incomplet puisque les dispositions visées sont contenues dans les articles 40 et 41. En effet, l'article 40 porte sur la délégation de gestion s'agissant du domaine public routier national – autrement dit, les routes qui existent – tandis que l'article 41 porte sur la maîtrise d'ouvrage pour les opérations à venir que l'État avait prévu de réaliser.
En toute logique, votre amendement aurait dû mentionner ces deux articles. Je suis désolé de constater que M. Léaument ait, comme souvent, manqué d'attention sur ces questions techniques.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Par ailleurs, je suis consterné d'entendre de tels propos. L'accumulation de contre-vérités ne fait pas une vérité.
Ce n'est pas parce que vous n'avez pas été nommé ministre que vous devez être désagréable !
Je pense notamment à une contre-vérité exprimée à la fois à l'extrême droite et à l'extrême gauche de cet hémicycle, selon laquelle le transport régional se porterait mal…
…en raison de la régionalisation, décidée par cette assemblée en 1997 à titre expérimental, puis généralisée en 2002.
Or il n'y a jamais eu autant de trains régionaux qui circulent en France qu'aujourd'hui.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Jamais on n'a autant investi sur le réseau ferroviaire en France qu'aujourd'hui.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Si l'État investit davantage depuis 2017, les régions font de même. Pardonnez-moi mais vous ne pouvez pas dire que les régions ont oublié le transport régional et qu'elles le gèrent mal. C'est contraire à la vérité. Cela révèle cependant la défiance des uns et des autres vis-à-vis de la décentralisation.
J'appelle tous ceux qui estiment que le pouvoir est bien exercé lorsqu'il est exercé à l'échelle locale à faire front contre ces discours profondément réactionnaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Ce n'est pas ça, être réactionnaire ! Vous ne connaissez pas le sens des mots !
J'ai presque envie de réagir en tant qu'élu local plutôt qu'en tant que ministre.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Pouvez-vous me laisser m'exprimer ?
Nous avons déjà attendu trois semaines pour avoir un ministre des transports, il ne faudrait pas qu'il disparaisse !
Je ne pensais pas entendre un jour dans cet hémicycle quelqu'un dire, devant un élu local comme moi, qu'une gestion est inefficace dès lors que l'État s'est retiré.
L'entretien des écoles est-il moins bien géré par les communes que par l'État ? Tout le monde sait aujourd'hui que cette mission est mieux assurée par les communes que si elle avait été laissée à l'État, à tel point que le débat n'est plus de savoir s'il faut de nouveau confier cette tâche à l'État mais bien s'il ne faudrait pas aller plus loin et demander à des collectivités de gérer l'entretien du patrimoine de l'État – on pourrait même imaginer qu'elles gèrent demain davantage de patrimoine de l'État que l'État lui-même car celui-ci n'est pas en mesure de le faire correctement.
Voilà pourquoi je suis profondément choqué lorsque j'entends qu'une gestion est moins efficace lorsqu'elle n'est plus assurée par l'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.
Je vous donne d'autres exemples. L'aménagement est-il mieux traité par l'État que par les collectivités locales ? Je pourrais aussi citer les déchets ou la mobilité de proximité.
À Dunkerque, depuis cinq ans, nous avons augmenté la fréquentation du transport collectif de 125 % grâce à la gratuité des transports publics.
Aucune agglomération dans le monde n'avait pris une telle décision.
Nous l'avons prise.
Mme Natalia Pouzyreff applaudit.
L'État aurait-il réussi à mener à bien un tel projet ? Je n'en suis pas certain.
Sincèrement, je ne pensais pas entendre dans cet hémicycle, en 2024, des propos aussi anti-décentralisation…
…et anti-élus locaux.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
C'est absolument incroyable.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement au nom de la décentralisation que je soutiens à fond.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.
Bienvenue au Gouvernement, monsieur le ministre. Nous sommes ravis d'échanger à présent avec vous sur la question des mobilités.
Vous parlez de l'État mais nous avons du mal à vous faire confiance s'agissant de la défense des usagers de la route, ne serait-ce que parce que votre prédécesseur, M. Beaune, nous avait annoncé qu'il n'y aurait pas d'augmentation du prix des péages sur les autoroutes alors que cette année encore ils ont connu une hausse de 3 %. Merci pour le pouvoir d'achat des Français, des honnêtes gens qui travaillent !
Nous ne voterons pas cet amendement. Toutefois, M. Léaument a raison…
…lorsqu'il évoque le caractère très expérimental de cette décentralisation.
Monsieur le rapporteur Valence, vous nous faites le coup de la confiance dans les collectivités territoriales. Or qu'est-ce que le macronisme sinon une recentralisation permanente et une défiance à l'égard des élus locaux ?
Vous ne pouvez donc pas servir aujourd'hui le couplet de la confiance dans les élus locaux !
J'aimerais aborder cette question de façon plus large. Les mobilités représentent un enjeu stratégique pour l'État. Or celui-ci veut se désengager en concédant le réseau routier national aux régions. Pardonnez-moi mais il s'agit bien d'un dessaisissement de l'État au profit des régions.
À l'arrivée, des régions lanceront leurs projets aux dimensions qu'elles souhaitent, sans que l'État maîtrise quoi que ce soit, ce qui aboutira à une différenciation selon les territoires alors que les réseaux routiers nationaux relèvent d'une compétence de l'État. Au Rassemblement national, nous défendons le fait que l'aménagement du territoire, en matière de mobilité, est une prérogative de l'État.
Votre proposition de loi vise à dessaisir l'État d'une compétence absolument stratégique. Nous voterons in fine contre ce texte qui sonne comme un aveu de faiblesse de l'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le rapporteur, vous avez dénoncé des contre-vérités qui auraient été exprimées sur nos bancs. Certes, nous proposons par cet amendement de supprimer l'article 40 de la loi « 3DS » alors qu'il aurait fallu demander de supprimer également l'article 41. Admettez cependant que lorsque vous constatez une erreur de ce type, vous avez la possibilité de sous-amender.
S'agissant des propos de M. Léaument sur les trains, je connais un député ici présent qui était vice-président chargé des transports dans une région où les trains ont disparu peu à peu. Il y en a de moins en moins…
Nous avons beaucoup moins de trains dans la région Grand Est car, pendant des années, des trains ont été supprimés.
Il n'y a jamais eu autant de voyageurs dans les trains ! Deux cent mille par jour !
Or, lorsqu'il y a plus de trains, il y a moins de personnes sur les routes.
Par ailleurs, vous dites que nous ne faisons pas confiance aux élus locaux. Or nous leur faisons totalement confiance. D'ailleurs, Antoine Léaument vous a rappelé qu'il avait déposé une proposition de loi relative à la Commune de Paris.
Toutefois, à force de demander aux collectivités de tout gérer, elles n'ont plus les moyens de remplir correctement leurs missions. Par conséquent, ce qui arrivera, une fois que votre proposition de loi sera adoptée, c'est que les collectivités abandonneront cette compétence et iront trouver des prestataires privés qui leur proposeront de refaire les routes.
Le problème, c'est que, bien évidemment, les routes deviendront privées et on installera un petit péage parce que – c'est bien connu – ça fonctionnera mieux ainsi. C'est exactement ce que l'on observe actuellement.
Je vous assure que nous faisons totalement confiance aux départements et aux élus locaux…
Eh bien alors ?
Eh bien alors, donnez-leur des moyens, monsieur le ministre ! Prenez le micro et si vous me dites que vous leur confiez l'entretien des routes en leur donnant le chèque correspondant, alors nous serons d'accord avec vous. Le problème, c'est que cela n'arrive jamais : vous donnez aux élus locaux des responsabilités sans les moyens financiers nécessaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais ils sont volontaires !
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Il porte sur le calendrier de versement de la soulte, une précision qui doit être donnée dans le cadre de la convention, ce qui est une bonne chose. Nous avions proposé en commission que ce versement intervienne avant la fin du premier semestre de chaque année afin que la région n'ait pas à supporter la charge de trésorerie de la mise à disposition pendant l'essentiel de l'exercice.
Nous avons été sensibles aux arguments avancés alors par le rapporteur, c'est pourquoi nous vous proposons, dans cette deuxième rédaction, un compromis plus souple qui vise simplement à rappeler que le cadencement du versement doit être adapté aux contraintes de trésorerie de la région. Il s'agit d'enjoindre l'État à s'adapter aux besoins de la région en la matière sans rigidifier le cadre de la convention afin que chaque région obtienne le calendrier de versement le plus adapté.
Cet amendement a été rédigé en lien avec la région Occitanie qui, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, est actuellement en phase de discussion sur la mise à disposition.
Cet amendement me donne l'occasion de rappeler que les régions se portent candidates. Ce dispositif repose sur la base du volontariat, il ne s'agit pas d'un transfert automatique – je le précise pour répondre à Mme Fiat.
Je demande le retrait de cet amendement et émettrai, à défaut, un avis défavorable, pour une raison assez simple qui tient à la sécurité juridique. Lorsqu'un contrat est conclu, par principe, les deux parties doivent être d'accord. Je n'imagine pas qu'une région signerait un contrat si elle n'était pas d'accord sur les dispositions en matière de versement de la compensation de la part de l'État.
Je tiens à souligner que les échanges entre les régions et l'État sur la question de la compensation des dépenses de fonctionnement ne posent pas de problème – comme on vous l'a sans doute expliqué à la région Occitanie. Le débat porte non pas sur le fonctionnement mais sur les investissements à réaliser.
Même avis. De grâce, laissons certains éléments relevant de la méthode – en l'occurrence les modalités de versement de la soulte – être déterminés au niveau local dans le cadre du dialogue entre le préfet et le président du conseil régional.
J'aimerais néanmoins insister sur la portée de cet amendement. Nous n'obligeons personne à se soumettre à un calendrier contraint par les uns ou par les autres. En réalité, j'aurais pu parler d'un amendement de précision rédactionnelle qui invite l'État, au cours de la phase de négociation, à adapter le calendrier de versement aux besoins des régions.
Nous ne sommes pas dans une logique de contrainte – que vous pourriez craindre – mais dans la volonté d'inciter l'État à s'adapter au calendrier de versement que pourraient souhaiter les régions, eu égard aux éventuelles difficultés de trésorerie. Aucun calendrier n'est imposé à qui que ce soit puisque, comme cela a été dit en commission par le rapporteur – je l'ai bien entendu –, chaque région a ses particularités auxquelles elle peut souhaiter que le cadencement du versement soit adapté.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Après l'énergie, après le logement, après le transport ferroviaire, c'est maintenant le réseau routier qui s'apprête à subir une nouvelle attaque. Déjà en février 2022, mes collègues l'ont rappelé, notre groupe parlementaire s'était fortement opposé à la loi « 3DS »,…
…qui contenait une nouvelle tentative de décentralisation des routes de l'État vers les collectivités. Secteur central de l'aménagement du territoire, nous considérons que le réseau routier doit rester dans les mains de l'État et demeurer public à 100 %. Alors que les enjeux sont énormes, il est inacceptable que l'État fasse le choix de se dérober à ses responsabilités en se défaussant sur les collectivités, lesquelles voient leur dotation baisser d'année en année…
…tandis que l'État leur demande de toujours faire plus. En confiant la gestion du réseau routier aux collectivités et en délaissant le peu qui lui reste, l'État abandonne ses missions fondamentales et fragilise encore plus la cohésion territoriale et sociale.
La nouvelle délégation ainsi prévue ne sera bénéfique ni pour les régions ni pour les usagers de la route. Nous savons bien que les réseaux routiers nécessitent des investissements colossaux que les collectivités concernées n'ont pas les moyens d'assumer. Et le peu de réponses sur les appels d'offres ouverts, monsieur le ministre, confirme que les régions ont de toute façon d'autres priorités que de reprendre en main une partie du réseau national ! Les présidents de région eux-mêmes ont alerté le ministère en juillet 2023, manifestant leur inquiétude quant à l'insuffisance des ressources financières allouées à cette transition. Vous leur demandez plus, mais vous ne signez pas de chèque en face : c'est toujours la même histoire. Quant au syndicat national des personnels techniques des réseaux et infrastructures, il a exprimé son opposition à cette délégation, dénonçant des conséquences dangereuses pour les usagers et pour les agents. Mais en fidèles macronistes, vous n'écoutez personne, vous plaçant dans une longue lignée de politiques libérales qui visent à transférer des compétences aux collectivités sans jamais leur donner les moyens de les assumer pleinement !
Cette proposition de loi aura pour effet de morceler la gestion du réseau routier, accentuant ainsi les disparités territoriales et renforçant les inégalités entre les citoyens – inégalités déjà largement aggravées par sept ans de macronisme. La qualité des infrastructures routières variera selon les régions et vous allez créer des citoyens de deux niveaux : ceux qui habiteront des régions capables de les entretenir et les autres !
Eh oui ! Écoutez-le, monsieur le ministre, il vous explique comment ça marche !
En vérité, comme l'ont très bien expliqué mes collègues, derrière cette volonté de déléguer se dessine un autre objectif que vous cachez : celui de continuer à privatiser le secteur routier pour le livrer à vos amis !
Rien dans cette proposition de loi ne permet d'assurer que ces routes ne finiront jamais sous une maîtrise privée, rien ne garantit qu'elles seront toujours sous maîtrise publique !
Le schéma, nous ne le connaissons que trop bien car il est toujours le même : faire en sorte que le secteur public n'ait pas les moyens d'assurer pour le montrer du doigt, justifier la privation et finir par le livrer au privé.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Face à votre logique de dépeçage, nous défendons une autre vision, celle où l'État reprend en main la gestion des infrastructures de transport, assurant ainsi la cohésion territoriale et sociale du pays.
La priorité, monsieur le ministre, n'est pas à la délégation de portions supplémentaires de routes, mais bien à la reprise en main du réseau, notamment du secteur autoroutier que certains ici ont livré au privé ! Au nom de l'intérêt général, nous demandons la renationalisation immédiate des autoroutes ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
dont la gestion actuelle symbolise les politiques libérales qui gavent les actionnaires au détriment des usagers et des salariés. Comment pouvez-vous défendre un tel texte alors que le secteur autoroutier se gave, que les usagers passent à la caisse, que vous ne faites rien pour eux, et que des gens continuent à être saignés chaque jour quand ils prennent leur voiture !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans une période marquée par de multiples crises et une baisse préoccupante du pouvoir d'achat, votre gouvernement ne fait rien pour les gens qui n'ont d'autre choix que de prendre leur voiture. Et la proposition de loi que nous examinons étend le modèle du secteur autoroutier au secteur routier ! Pour nous, seule une gestion centralisée par l'État peut garantir la cohérence et l'équité nationale en matière d'infrastructures et de transports.
Enfin, monsieur le ministre, remarquons qu'il n'y a pas chez nous de défiance à l'égard des collectivités mais une défiance vis-à-vis de vos choix politiques…
Non, ce n'est pas vrai.
…consistant à organiser la casse d'un secteur pour, ensuite, le livrer au privé !
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'entends dire qu'au bout du compte, la régionalisation des TER aura été bénéfique pour les usagers et pour les cheminots : quel mensonge !
Oui, quel mensonge ! Les ouvertures à la concurrence des TER sacrifient les conditions de travail des salariés du rail, mettent en danger les usagers, augmentent les tarifs et diminuent l'offre pour aboutir à une gestion qui n'est pas rentable.
Allez un peu sur le terrain, enfin !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je profite de ce moment pour saluer les cheminots qui seront en grève ce week-end pour dénoncer la casse du service public ferroviaire.
Mmes et MM. les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
Pour toutes ces raisons, nous voterons évidemment contre cette proposition de loi. Nous nous battrons toujours contre le dépeçage du réseau routier !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous allons, je l'annonce tout de go, voter contre ce texte et j'espère qu'il sera largement rejeté. Autrement, ci-gît l'engagement de l'État dans une politique stratégique en termes de mobilités. La tendance du Gouvernement à se décharger de ses responsabilités sur les collectivités territoriales,…
Depuis des années, le Rassemblement national demande une politique de mobilités cohérente et nationale. Marine Le Pen demande, depuis plus de quinze ans, la nationalisation des autoroutes, une gabegie financière…
…qui fait baisser le pouvoir d'achat des Français. Monsieur Léaument, chers collègues de gauche, vous êtes très sympathiques, mais dans tous les exécutifs locaux auxquels vous participez, vous ne vous êtes jamais opposés aux concessions autoroutières,…
…et vous vous réveillez depuis un an seulement, depuis le début de ce mandat !
Protestations sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce n'est pas parce que vous débarquez au Parlement qu'il faut ignorer ce qui s'est passé avant !
C'est le Rassemblement national qui défend les automobilistes en France !
Mêmes mouvements.
Dois-je vous le répéter ? Nous sommes, au Rassemblement national, très largement élus de circonscriptions rurales et nous connaissons le quotidien des automobilistes. Or le signal que vous donnez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, c'est clairement celui de la création de nouveaux péages, celui de la privatisation du réseau routier national qui est un peu le dernier des Mohicans, le dernier réseau que les automobilistes peuvent encore emprunter sans se voir ponctionnés par les superprofiteurs autoroutiers – superprofiteurs que nous dénonçons depuis des années.
Je tiens à dire aux Français que la défense des automobilistes, que la lutte contre les superprofiteurs autoroutiers, que la lutte contre votre désengagement de notre réseau routier et votre absence de stratégie, c'est le Rassemblement national qui l'incarne.
Rappelons un fait important : la France, dans les années 2000, était le premier pays au monde en termes de qualité des routes secondaires comme des routes en général. En 2020, elle n'était plus qu'au dix-huitième rang. Cela veut dire clairement que depuis des années – vous et les vôtres gouvernez depuis sept ans, mais les gouvernements précédents n'ont pas à être épargnés par le même constat –, vous avez tiers-mondisé le réseau routier national !
Il est donc temps de mener une politique globale, d'arrêter de se décharger sur les collectivités territoriales, d'arrêter de menacer le pouvoir d'achat des automobilistes comme vous le faites avec les superprofiteurs autoroutiers et tentez encore de le faire avec ce texte.
Que l'État, je le redis, cesse de se désengager de la stratégie des mobilités. Nous avons besoin de réponses. Les automobilistes, eux aussi, ont besoin que vous leur expliquiez comment notre réseau routier…
…peut redevenir un réseau qui contribue à assurer la sécurité de tous les usagers parce que la qualité du réseau est un vrai paramètre en la matière– je parle en tant que président du groupe d'études consacré à la sécurité routière.
Nous allons donc voter contre ce texte puisqu'il est le symbole d'un désengagement de l'État, et j'espère qu'il sera rejeté massivement !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Évidemment, nous allons voter pour le texte.
Tout d'abord, je veux saluer M. Léaument…
Non ! Pas au Gouvernement, mais à l'État et à sa continuité depuis 1789 !
Il a montré qu'il était très attaché à l'échelon national, et nous partageons bien sûr les compliments qu'il leur adresse.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En revanche, contrairement aux deux extrêmes, nous, nous défendons la décentralisation et faisons confiance aux élus locaux, et surtout, nous ne voulons pas les caporaliser !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN
et extrême gauche, qui ne rêvez que de ça : remettre en coupe réglée les élus locaux. Nous, quand ils sont volontaires pour exercer davantage de pouvoir sur le territoire au service de leurs concitoyens, nous sommes à leurs côtés !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 119
Majorité absolue 60
Pour l'adoption 64
Contre 55
La proposition de loi est adoptée.
Je voulais conclure en disant que je ne pensais vraiment pas, en déposant ce texte, qui ne vise qu'à faire appliquer une loi votée par la représentation nationale, provoquer un nouveau débat sur la décentralisation.
Mais, finalement, ce débat aura permis de faire tomber les masques : il y a, d'un côté, ceux qui soutiennent les élus locaux dans leurs initiatives, qui leur font confiance, et, de l'autre, nonobstant les grandes déclarations d'amour pour les élus locaux, ceux qui ne les aiment pas, qui s'en méfient et qui les soupçonnent de tout, surtout de ne pas agir dans l'intérêt des Français. Nous nous souviendrons de ce débat ; merci à toutes et à tous de l'avoir ouvert !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Prochaine séance, lundi 26 février, à dix-huit heures :
Débat sur le thème : « L'école publique face aux politiques de tri social. »
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra