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Intervention de David Valence

Séance en hémicycle du mercredi 14 février 2024 à 14h00
Mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Valence, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Parce que les régions ne sont pas encore compétentes en matière de voirie, cette expérimentation avait été ouverte sans perspective de généralisation ultérieure. Elle avait surtout été ouverte afin de compléter les outils de gestion des mobilités déjà mis à leur disposition. Les régions sont devenues cheffes de file en ce domaine ; elles sont déjà compétentes en matière de transport ferroviaire et interurbain, et affirment chaque jour davantage leur rôle en matière de transport de marchandises. La loi « 3DS » laissait une place prépondérante à la négociation entre les collectivités et l'État pour déterminer les modalités d'application et d'activation de ces deux articles.

La liste des sections routières susceptibles d'être mises à la disposition des régions a été fixée rapidement, par un décret du 30 mars 2022 – à peine un mois après la promulgation de la loi. Cette liste englobe 10 000 kilomètres de voirie sur un total d'un peu plus de 1 million de kilomètres de voies routières. Ces sections représentent l'ensemble du réseau routier national non concédé, qui pouvait être mis à la disposition des régions, à l'exception de l'A20 reliant Vierzon à Montauban – l'Occitane –, de l'A75 reliant Clermont-Ferrand à Béziers – la Méridienne – et de l'ensemble autoroutier reliant Dunkerque à Bayonne – la route des estuaires.

Mis à part ces exceptions et le réseau concédé, le réseau routier français est déjà en quasi-totalité géré par des collectivités territoriales. Cette mise à disposition au bénéfice des régions s'inscrit dans une politique déjà ancienne de décentralisation des infrastructures routières. Plusieurs vagues y ont contribué : en 1972, au bénéfice des départements, pour 55 000 kilomètres de voies routières ; en 2006, pour 18 000 kilomètres supplémentaires. Depuis lors, les départements entretiennent bien leur réseau routier, comme le montre l'augmentation de leurs investissements routiers depuis 2017, malgré des difficultés rencontrées pour réunir ces moyens – on constate évidemment des variations en fonction de la taille des départements.

Pour la gestion des axes de plus longue distance que les voies départementales, la loi « 3DS » a prévu que l'échelon régional puisse être mobilisé. Depuis le décret d'application de cette loi, trois régions se sont portées volontaires pour activer ses articles 40 et 41 : Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et Grand Est. Les 1 600 kilomètres d'autoroute pouvant être mis à leur disposition ont été déterminés dans la décision interministérielle du 4 janvier 2023, afin qu'elles puissent améliorer la qualité de service et assurer une transition écologique de la route plus efficace, par exemple en aménageant des sections partagées sur certaines sections autoroutières, réservées au covoiturage ou aux transports collectifs, mais aussi en équipant les aires de services de plus de bornes de recharge électrique.

La mise à disposition de routes est aussi la seule possibilité pour les régions, dans le cadre législatif actuel, de lever l'écotaxe poids lourds, dans le cadre prévu par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience. Ainsi, dans la région Grand Est, l'abandon de l'écotaxe décidé par la ministre Ségolène Royal a eu des conséquences désastreuses, les nombreux poids lourds qui la traversent ne s'arrêtant même plus pour faire un plein sur son territoire, pourtant étendu.

Des doutes sur les modalités de compensation financière de l'État expliquent la faible réponse des régions – car il faut bien l'admettre, seules trois sur douze ont manifesté leur intérêt pour cette disposition. Cependant, les trois régions candidates ont été largement rassurées depuis ; reconnaissons que l'État a beaucoup investi ces dernières années dans son réseau routier, davantage qu'avant 2017, ainsi que l'a constaté l'Observatoire national de la route (ONR) dans son rapport pour l'année 2023.

La loi « 3DS » et les textes réglementaires prévoient la mise à disposition des régions de services compétents de l'État qui s'occupent du réseau routier national non concédé – notamment les quelque 860 équivalents temps plein (ETP) des directions interdépartementales des routes (DIR). En revanche, ils ne prévoyaient pas de leur fournir une délégation de signature pour l'exercice concret de cette compétence. Cette délégation est pourtant indispensable à la gestion quotidienne des routes, comme toutes les régions concernées l'ont observé dans les délibérations qu'elles ont prises. Ainsi, une interdiction de circulation, à la suite d'une traversée de gibier ou d'un accident de la circulation, exige que soient prises de nombreuses décisions rapides et effectives ; on imagine mal un président de région être obligé d'apposer sa signature à de telles décisions, même par voie électronique – d'où la nécessité de modifier les articles 40 et 41 de la loi « 3DS ».

Accorder à un agent de l'État une délégation de signature pour le compte d'un exécutif local n'est possible que par voie législative, comme l'a reconnu la jurisprudence du Conseil d'État. Auparavant, certaines dispositions de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam, qui avait permis aux régions qui souhaitaient assumer cette responsabilité de gérer les financements du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), avaient déjà apporté des modifications en ce sens.

La présente proposition de loi a précisément pour objet de donner cette possibilité aux régions. De plus, sur les axes routiers concernés, les trois régions retenues disposeront des mêmes pouvoirs de police que ceux qu'exercent les présidents de conseils départementaux sur les axes qu'ils gèrent.

Les discussions entre l'État et la région Grand Est sont particulièrement avancées et portent sur les axes A31, A30, A33, A313, RN4, RN44, RN52 et RN431. Les discussions avec la région Auvergne-Rhône-Alpes devraient bientôt connaître une avancée décisive. En Occitanie, elles ne pourront probablement pas aboutir dans le délai fixé, mais il est souhaitable qu'elles se poursuivent. Permettez-moi à cet égard de me réjouir de l'adoption en commission de l'amendement de Boris Vallaud, défendu par Stéphane Delautrette, portant ce délai de discussion de huit à seize mois.

Le texte que nous nous apprêtons à examiner vise à sécuriser juridiquement le dispositif de mise à disposition de ces axes routiers, en proposant jusqu'à trois niveaux de délégation : le président du conseil régional pourra déléguer des fonctions en matière de mobilités à un vice-président, qui pourra lui-même déléguer sa signature aux directeurs de DIR et de Dreal – directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement –, qui pourront à leur tour subdéléguer leur signature à leurs agents au sein des services, comme cela se fait déjà pour les axes gérés par l'État.

L'application de la loi repose essentiellement sur le pouvoir réglementaire. Il nous arrive de regretter certains retards dans la publication des décrets d'application, mais pour être appliquée, la loi doit parfois être complétée et précisée par le législateur lui-même. C'est le cas de figure qui se présente à nous aujourd'hui : il est de notre responsabilité d'élaborer et de voter cette proposition de loi, afin de rendre effective la loi « 3DS », de lever un obstacle opérationnel à la mise à disposition des régions du réseau routier national non concédé, et ainsi de sécuriser juridiquement une disposition attendue au moins par trois régions, étant entendu que d'autres régions observent attentivement nos travaux, dans la perspective d'une future décision législative qui leur permettrait également de recourir à cette possibilité.

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