Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Robert Badinter disait que le plus grand abolitionniste était Victor Hugo. Pour nous, le meilleur s'est éteint la semaine dernière. Ce matin, le Président de la République lui a rendu un vibrant hommage national devant la foule réunie place Vendôme, près du ministère de la justice où il mena, entre autres combats, celui de l'abolition de la peine de mort. Ce combat capital pour notre civilisation se nourrissait de sa passion pour la justice, qu'il savait humaine, donc faillible, et de sa conviction profonde – qu'il partageait avec Victor Hugo – que nul ne saurait être privé du droit d'être meilleur. Il affirmait que nous devions ce progrès humain aux présidents Mitterrand et Chirac, l'un pour avoir fait de la France le trente-sixième pays abolitionniste, l'autre pour avoir constitutionnalisé ce droit à la vie.
Pour Robert Badinter, le délinquant devait être acteur de sa propre peine. Il mena donc un autre combat, celui des travaux d'intérêt général. Il nous laisse en héritage bien d'autres luttes : contre l'antisémitisme, pour la compétence universelle, ou encore – question actuelle – contre la surpopulation carcérale.
Son dernier combat, il l'a mené pour l'abolition universelle de la peine de mort. Malgré le moratoire signé par 123 pays, 883 vies ont été dilapidées l'année dernière, 883 corps ont été électrocutés, coupés en deux. Aucune étude n'a pourtant jamais établi le pouvoir dissuasif de la peine de mort. Alors que certains pays s'éloignent l'un après l'autre de valeurs humanistes, alors que l'opinion publique appelle à des peines toujours plus lourdes, et qu'elle serait favorable au rétablissement de la peine de mort, la France doit plus que jamais poursuivre ce combat.
Je sais que vous faites vôtres les combats de Robert Badinter, monsieur le garde des sceaux. Comment entendez-vous les perpétuer ? Robert Badinter s'est éteint, mais il nous reste sa lumière.