La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (n° 948).
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Le cheminement législatif de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs arrive à son terme : la commission mixte paritaire (CMP) a été conclusive, à la suite de discussions exigeantes.
Sur deux points notamment, il était nécessaire que les intentions de chacune des deux chambres soient reformulées.
S'agissant de l'article 3, un compromis a été trouvé, qui permet d'apaiser les craintes exprimées par une partie des industriels, lesquels redoutaient que cette disposition ne favorise des ruptures commerciales, qui se traduiraient par un déréférencement.
Quant à l'article 2, il a fait l'objet de longues discussions, très ouvertes, au cours desquelles a été relayée la préoccupation exprimée par notre collègue Dominique Potier dès l'examen en commission des affaires économiques quant à l'utilisation du seuil de revente à perte (SRP) majoré par la distribution ; ces discussions ont abouti, là encore, à un compromis.
Je tiens à remercier celles et ceux de mes collègues qui, sur tous les bancs, se sont impliqués dans l'examen de la proposition de loi et à saluer le respect ainsi que le sérieux des discussions, l'exigence et la capacité d'écoute, qui nous ont permis d'aboutir, dans un esprit transpartisan, à un texte dont nous pouvons être fiers, car il permet de protéger les capacités de la première industrie française, l'industrie agroalimentaire, et, au-delà, l'ensemble du secteur de la grande consommation, à dégager un résultat suffisant pour mieux rémunérer, recruter et investir.
Je remercie également les administrateurs, avec lesquels nous travaillons – il faut souligner l'excellence de l'assistance qu'ils nous offrent et qui nous est très précieuse –, ainsi que le Gouvernement, qui a suivi de près et avec rigueur l'évolution du texte afin que celui-ci tienne compte du moment difficile que traversent nos concitoyens, confrontés à une hausse du coût de la vie.
Très peu d'amendements vous seront présentés ; il s'agit, pour l'essentiel, de coordinations juridiques, qui relèvent de la légistique. Nous vous soumettrons cependant un amendement de fond, adopté à l'issue d'une concertation avec mon homologue du Sénat et le Gouvernement ; il vise à appliquer l'encadrement des promotions concernant les produits non alimentaires lors de la prochaine négociation annuelle, celle de 2024. Nous évitons ainsi qu'il interfère avec la négociation qui vient de se dérouler, dans un climat très tendu.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Je tiens tout d'abord à saluer l'accord intervenu en commission mixte paritaire sur cette proposition de loi, qui porte sur un sujet capital pour l'avenir de l'agriculture : la juste répartition de la valeur entre les différents maillons de la chaîne agroalimentaire. Cet accord est le signe, je crois, de la volonté du Gouvernement, partagée avec le Parlement, d'œuvrer et de continuer à œuvrer en ce sens.
Cette proposition de loi, que le Sénat a adoptée hier et sur laquelle l'Assemblée nationale s'apprête à se prononcer définitivement, contribuera à poursuivre le rééquilibrage des relations commerciales dans la chaîne agroalimentaire et, ce faisant, à assurer un meilleur partage de la valeur au bénéfice des agriculteurs.
Les ajustements apportés s'inscrivent dans la continuité de la loi de 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous et de la loi de 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dites lois Egalim 1 et 2, qui ont déjà produit des effets tout à fait significatifs. C'est du reste ce que constate l'Inspection générale des finances, qui relève une progression de l'excédent brut d'exploitation de la filière agricole – reste la question des industries agroalimentaires, que nous nous efforçons de régler. Ce sont, ne nous y méprenons pas, des éléments déterminants pour préserver notre souveraineté alimentaire.
À cet égard, le texte va globalement dans le bon sens, notamment en prévoyant la nécessaire prolongation – c'était l'un de ses motifs – du dispositif expérimental de relèvement du seuil de revente à perte de 10 % (SRP + 10) pour les produits agricoles et alimentaires. Cette prolongation faisait l'objet d'une attente très forte du monde agricole.
Le texte issu de l'Assemblée nationale proposait de prolonger l'expérimentation jusqu'en 2026 ; c'était aussi, vous le savez, la position exprimée par le Gouvernement. Je vous avais alors indiqué qu'il ne s'agissait pas d'opposer le revenu des agriculteurs à la protection du pouvoir d'achat des ménages – vous l'avez d'ailleurs rappelé, monsieur le rapporteur –, en particulier des plus modestes, mais bien de mener ces deux combats de front.
J'avais également rappelé qu'il fallait que nous assumions collectivement le fait qu'une alimentation de qualité, sûre et produite dans des conditions respectueuses de notre environnement, a un coût, de même que le fait de maintenir un outil de production agricole et agroalimentaire dans nos territoires.
J'avais par ailleurs constaté avec vous que l'évaluation de l'expérimentation du SRP + 10 avait été rendue difficile par la crise sanitaire, à laquelle a succédé le choc inflationniste concomitant à la guerre en Ukraine. Il semblait donc au Gouvernement nécessaire de prolonger cette expérimentation, mais en prévoyant les dispositifs de contrôle et d'évaluation adéquats, pour répondre aux préoccupations légitimes exprimées par votre commission et votre rapporteur.
Vos travaux avec le Sénat ont abouti à une prolongation du SRP + 10 jusqu'en 2025. Bien sûr, le Gouvernement demeure convaincu – comme vous l'étiez, au fond – qu'une prolongation de trois années à périmètre constant aurait été plus adaptée, plus opérante, sur le plan de la lisibilité et de la cohérence du dispositif pour les acteurs des relations commerciales.
Je pense naturellement à la désynchronisation des dates respectives de l'encadrement des promotions – 2026 – et du SRP + 10 – 2025 – et à l'exclusion des fruits et légumes sans justification préalable. Malgré ces deux réserves, réelles, il me semble que l'équilibre global est satisfaisant et que l'objectif global est atteint.
J'en viens à présent à l'article 3, qui fixe les modalités de la relation commerciale entre fournisseurs et distributeurs en cas d'échec de la négociation annuelle. Cette disposition, très discutée, avait pour objectif d'apporter une solution adaptée qui comble un angle mort des négociations commerciales annuelles.
Les opérateurs, qu'ils soient fournisseurs ou distributeurs, ont un intérêt commun à ce que les flux de vente ne s'interrompent pas en cas d'échec de la négociation annuelle. Mais parfois, la relation commerciale doit s'interrompre ; c'est précisément cette situation qui requérait un encadrement juridique plus précis.
Le Gouvernement avait indiqué qu'il était nécessaire de poursuivre le travail à l'issue de l'adoption du texte en première lecture par votre assemblée. Ce fut le cas, et je m'en réjouis. À l'issue des travaux en commission au Sénat, le Gouvernement considérait qu'un équilibre satisfaisant avait été trouvé, qui permettait notamment de sécuriser juridiquement le dispositif.
L'écriture retenue en CMP laisse un choix clair au fournisseur et prévoit que tout préavis tienne compte des conditions économiques de marché, précision ô combien utile en période inflationniste. Par ailleurs, le recours à la médiation pour conclure un préavis est facultatif, ce qui évitera l'engorgement du médiateur et le report systématique de la date butoir.
Le texte a atteint son point d'équilibre en évitant les écueils que les versions antérieures avaient pu rencontrer ; parce qu'expérimental, il est empreint d'une certaine prudence.
Je salue par ailleurs le rehaussement des amendes administratives pouvant être infligées en cas de non-respect de la date du 1er mars. Je serai attentif – car c'est de la responsabilité du Gouvernement – à ce que nos services de contrôle se saisissent pleinement de cette disposition afin de lutter contre les pratiques de certains distributeurs, qui sont tentés de jouer la montre pour mettre la pression sur les producteurs.
Permettez-moi d'être moins disert sur les autres avancées, réelles, permises par cette proposition de loi.
Le souhait d'un encadrement renforcé des pénalités logistiques est exaucé : les obligations sont plus précises et les sanctions alourdies. Il faut en effet en finir avec l'exception française consistant pour certains acteurs à reconstituer leurs marges par l'application de pénalités abusives. Le mécanisme de suspension de l'application des pénalités logistiques en cas de circonstances exceptionnelles me semble également tout à fait pertinent. Les crises d'ampleur traversées ces dernières années, comme celle du covid, viennent légitimer, auprès de nos citoyens, la possibilité pour l'État d'user de ce type de prérogative régalienne.
Par ailleurs, la proposition de loi consacre la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve des dispositions applicables du droit de l'Union, pour connaître des litiges portant sur les négociations commerciales annuelles. Il s'agissait, sinon d'un angle mort, du moins d'une ouverture dans notre droit, ouverture qu'il convenait de refermer pour éviter ce qui s'apparente à un contournement de la loi, après l'adoption des lois Egalim 1 et 2. Le Gouvernement a particulièrement à cœur, comme vous, de lutter contre les comportements qui consistent à contourner la loi française.
Le texte apporte enfin quelques correctifs bienvenus à la loi Egalim 2, notamment en ce qui concerne le champ d'application de la clause de renégociation, le fonctionnement de « l'option 3 », de transparence » – il reprend, sur ce point une recommandation du médiateur des relations commerciales agricoles – ou le renforcement du cadre applicable aux produits vendus sous marque de distributeur, après des échanges nourris entre l'Assemblée, le Sénat et le Gouvernement. Je ne peux évidemment que partager cet objectif.
Jamais les divergences de point de vue ou d'analyse qui ont pu être exprimées ne nous ont fait perdre de vue les finalités poursuivies. Je veux, en conclusion, remercier l'Assemblée nationale, en particulier le rapporteur, Frédéric Descrozaille, et le président de votre commission des affaires économiques, d'avoir su trouver un chemin qui n'était pas évident, reconnaissons-le, pour améliorer le texte.
Il est plutôt de bonne intelligence de s'efforcer d'améliorer les textes existants, en l'espèce la loi Egalim 2, en identifiant les angles morts et les pratiques consistant à détourner le sens et l'objectif de la loi. Je me réjouis donc que nous puissions clore cette séquence, au bénéfice de notre agriculture, de nos agriculteurs et de notre industrie agroalimentaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur le ministre, peut-être l'examen de cette proposition de loi, qui témoigne de notre capacité à nous rassembler dans un esprit de justice pour agir au mieux, aura-t-il été un parcours d'entraînement en vue de la discussion du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles ; c'est, en tout cas, le vœu que je forme au nom du groupe Socialistes et apparentés.
Sapin 2, Egalim 1, Egalim 2, Egalim 3 : combien de lois et de tentatives réglementaires faudra-t-il pour garantir un prix juste sur l'ensemble de la chaîne de production ?
Je le redis ici, même si cela concerne vos prédécesseurs, monsieur le ministre : tant que nous n'aurons pas mobilisé l'ensemble des instruments de régulation des marchés qu'offre la politique agricole commune – je pense à la puissance des organisations de producteurs et à leur capacité de négocier les volumes et les prix ensemble – et les régulations extraeuropéennes – je pense aux risques de dérégulation des prix que recèle l'accord avec le Marché commun du Sud (Mercosur), faute de clauses miroirs et d'une exception agriculturelle – et tant que la loi de modernisation de l'économie (LME) ne sera pas véritablement remise en cause, ce que notre líder máximo, Charles de Courson, appelle l'oligarchie financière de la grande distribution continuera d'imposer des rapports léonins à des producteurs et à des industriels par trop dispersés.
En attendant, nous essayons de faire au mieux pour améliorer la situation. Ainsi, la proposition de loi permet – et je veux saluer le travail de Frédéric Descrozaille sur ce point – de lutter contre l'évasion juridique, laquelle a permis à une grande centrale d'achat française qui avait déplacé son siège social en dehors de nos frontières de faire ses courses dans notre pays tout en s'essuyant les pieds sur la loi française. Une telle pratique est d'autant plus honteuse que les mêmes nous donnaient des leçons de civisme sur de pleines pages de publicité dans la presse quotidienne régionale. La proposition de loi remédie à cette situation : merci !
Elle prolonge par ailleurs l'expérimentation du SRP + 10. Une telle prolongation est justifiée car la période du covid et les turbulences géopolitiques ne nous ont pas permis de tirer toutes les leçons du dispositif. Encore fallait-il la soumettre à certaines conditions ; nous y avons veillé.
Grâce à un dispositif très technique sur lequel je ne m'appesantirai pas ici, elle répond à notre principal souci en organisant les relations commerciales entre les industriels de l'agroalimentaire et la grande distribution, de manière à éviter que ne s'instaurent entre eux des rapports léonins, et en préservant les petites et moyennes entreprises (PME) qui n'ont pas la même force de frappe que les grands groupes et leurs marques.
Nous avons veillé à ce que soit reconnue dans la loi la fonction spécifique des grossistes, qui représentent un chaînon important dans le modèle de type Rungis – c'est encore un point technique, mais essentiel.
Le groupe Socialistes et apparentés est également fier d'avoir soutenu – d'abord contre la majorité, que nous avons fini par convaincre – l'idée qu'il fallait absolument un instrument permettant de mesurer les 5 à 600 millions captés par le seuil de revente à perte. Cet instrument de mesure existe désormais, et il nous permettra de constater s'il y a, ou non, ruissellement.
Enfin, l'expérimentation mise en œuvre il y a quatre ans à l'initiative de notre groupe et visant à établir des conventions tripartites, pluriannuelles et territoriales entre producteurs, transformateurs et distributeurs, est désormais définitivement inscrite dans la loi, tout comme y figure en tant que critère de conditionnalité des bonnes pratiques commerciales la faculté de s'appuyer sur les labels du commerce équitable ; c'est une mesure certes facultative mais dont nous espérons qu'elle soit incitative.
En guise de prospective, je conclurai par les deux défis qui se présentent à nous pour ce qui concerne le partage de la valeur. En premier lieu, il s'agit de mesurer réellement cette valeur, dans un environnement où les pratiques de la grande distribution mais aussi, parfois, des industriels, voire de certains producteurs agricoles, aboutissent à mettre en place de véritables écrans de fumée par la multiplication des structures de sous-traitance, de location immobilière, de prêt de matériel, et j'en passe. La fiscalité est devenue malheureusement une machine à optimiser et à dissimuler la véritable valeur produite.
Le second défi, c'est que, dans le monde de demain – François Pureseigle et Bertrand Hervieu, auditionnés par l'Assemblée, nous l'ont rappelé hier –, les ouvriers seront de plus en plus nombreux dans l'agriculture et l'agroalimentaire. Aussi faudra-t-il veiller, au-delà du partage équitable de la valeur entre producteurs, transformateurs et distributeurs, à ce que tous les travailleurs de la terre et de l'agroalimentaire touchent le digne fruit du travail qu'ils accomplissent au service de notre nation et de notre planète.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
C'est avec plaisir que je retrouve l'ensemble d'entre vous pour la dernière étape de ce marathon sur les négociations commerciales, sujet qui nous occupe régulièrement depuis une quinzaine d'années. À l'époque, la LME avait exacerbé la concurrence et fait la part belle au secteur de la grande distribution, dans l'optique que cette guerre des prix entraîne une déflation et une baisse des prix pour le consommateur. Je faisais alors partie des députés qui n'avaient pas voté cette loi, craignant ce qui n'a d'ailleurs pas tardé à se produire : une destruction de valeur au détriment des maillons en amont, c'est-à-dire de l'industrie agroalimentaire – que vous défendez, cher Frédéric Descrozaille – mais aussi de l'agriculture française, de nos producteurs et, plus particulièrement, de nos éleveurs.
Membre suppléant, j'ai participé aux travaux de la commission mixte paritaire, et je peux témoigner que, lorsque des parlementaires de bonne foi travaillent ensemble pour le bien de nos concitoyens, les convergences sont possibles. Comment ne pas songer ici à la commission mixte paritaire sur les retraites, la semaine dernière : nulle magouille, comme certains ont voulu le prétendre, mais la recherche, à huis clos, de points d'accord en vue de faire aboutir un texte.
En l'espèce, les deux points de cristallisation concernaient l'un, la majoration du seuil de revente à perte, sur lequel nous avons trouvé un accord ; je pense qu'il y a en effet lieu de poursuivre l'expérimentation, pour éviter de détruire de la valeur. S'agissant de l'autre, les fins de contrat, l'équilibre trouvé est également le bon. Il redonne la main au maillon amont qu'est le secteur de l'agroalimentaire.
Je voudrais ici éclairer l'opinion publique sur un point qu'aucun d'entre nous n'ignore : les députés et le pouvoir politique sont un peu le joujou de certains acteurs de la grande distribution ; pour le dire autrement, le ministre du commerce en France, c'est Michel-Édouard Leclerc ; à tout le moins, il est, en 2023, plus influent qu'un ministre du commerce ou un ministre de l'agriculture, et a fortiori qu'un député. Avouez tout de même que c'est embêtant.
C'est d'autant plus ennuyeux que, tous les matins, le secteur de la grande distribution bénéficie, grâce aux médias, tous supports confondus, d'une tribune pour prêcher la bonne parole. C'est ainsi que le grand patron de la distribution Michel-Édouard Leclerc explique sur les réseaux sociaux que si les parlementaires s'amusent à majorer de 10 points le seuil de revente à perte, c'est pour produire de l'inflation.
Il n'en est rien ! Le seuil de revente à perte doit permettre d'éviter la destruction de valeur.
Nous nous inscrivons dans la logique des lois Egalim 1 – qui portait essentiellement sur les matières premières agricoles et la qualité des denrées alimentaires – et Egalim 2 sur les négociations commerciales – je salue ici la présence de Stéphane Travert, notre ancien ministre de l'agriculture. Cette proposition de loi de Frédéric Descrozaille constitue en quelque sorte la loi Egalim 3, qui s'efforce de remédier aux mauvaises pratiques identifiées par la commission d'enquête sur les négociations commerciales que j'ai présidée, aux côtés du rapporteur Grégory Besson-Moreau. En effet, nous avions mis au jour, chez les acteurs de la grande distribution et des centrales d'achat internationales des pratiques aussi inqualifiables que celles consistant à délocaliser les négociations hors de France pour échapper à la législation française, ce qui est inacceptable.
Monsieur le ministre, il faut poursuivre le travail au niveau européen et être beaucoup plus intraitable sur les accords internationaux, qu'il s'agisse du Ceta – Accord économique et commercial global (AECG) – ou du Mercosur.
M. Dominique Potier applaudit.
Il y a également la question de l'étiquetage, sur laquelle l'Union européenne nous empêche de progresser et de mettre en valeur les produits agricoles français, et, enfin, celle de la réciprocité : il est inadmissible en effet que l'Union Européenne accepte l'importation pour la consommation de produits agricoles n'étant pas soumis aux mêmes règles que les nôtres. Tout ça, monsieur le ministre, c'est votre travail d'y remédier.
Ceci étant dit, le groupe Horizons remercie et félicite le député Frédéric Descrozaille pour le travail accompli, et il votera naturellement cette proposition de loi, telle qu'issue de la commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les bancs des commissions et sur les bancs des groupes HOR, RE, Dem, LR, Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Qui aurait pu prédire la vague d'inflation ? nous demandait Emmanuel Macron, en décembre dernier. Alors que la hausse des prix alimentaires pourrait se poursuivre et atteindre 15,4 % en juin, alors qu'un tiers des Français renoncent à l'achat des produits d'hygiène, alors que cette hausse des prix a des conséquences sur la qualité de la nourriture, notamment pour les plus modestes – car certains industriels remplacent, dans la composition de leurs produits transformés, les produits de base par des substituts moins chers –, alors que la spéculation sur les cours et les conséquences de plus en plus concrètes du changement climatique induisent une très forte hausse du prix des matières premières agricoles, de l'énergie et des emballages, et mettent en difficulté nombre de nos PME, alors que nos concitoyens galèrent et que, le jour même où vous leur imposez brutalement une réforme injustifiée, certains grands patrons trouvent pertinent de s'augmenter de 10 %, nous ne pouvons que constater que la faille était là, devant nous, depuis des années.
Depuis des années, les paysans sont pris en étau dans des politiques libérales plus protectrices des biens que des personnes, assises sur des accords de libre-échange qui ne tiennent pas compte des conséquences concrètes sur la vie des gens. Depuis des années, règne une spéculation incontrôlée sur les cours, les prix des matières premières agricoles s'envolant ou s'amenuisant au gré des fluctuations d'un système financier en roue libre, nourri par un argent sans contrepartie réelle. Depuis des années, les supermarchés remplacent nos petits commerces ainsi que nos terres agricoles, et pratiquent des prix qui ne rémunèrent correctement ni ceux qui y travaillent – progressivement, d'ailleurs, remplacés par des machines –, ni leurs fournisseurs locaux.
Chaque année, les acteurs de l'industrie agroalimentaire et les enseignes de la grande distribution entament des négociations commerciales pour se mettre d'accord sur les prix. Mais, en 2022, le dispositif a montré ses failles. Il a été impossible de s'entendre, et les blocages ont mis au jour l'excès de pouvoir patent des distributeurs dans ces négociations. Cette proposition de loi n'était, à l'origine, qu'une réponse à ces blocages.
Pourtant, les tensions sur les ressources naturelles, sur les biens et l'énergie ne datent pas d'hier. Rien de conjoncturel dans ces problématiques, et cela fait cinquante ans que les écologistes ne cessent d'alerter sur l'absence de résilience de nos modèles économiques. Sur une planète finie, alors que le vivant s'effondre et que le climat pourrait se réchauffer de 4 degrés, nous devons plus que jamais anticiper les phénomènes de crise, notamment pour notre alimentation. Les textes de loi de ce gouvernement et de cette majorité ne sont malheureusement souvent que des rustines que l'on multiplie pour éviter que le système craque.
Oui, nous avons besoin d'un rééquilibrage des relations commerciales autour d'un juste prix pour les consommateurs et pour les fournisseurs, qu'ils soient paysans ou TPE (très petites entreprises) ou PME. Nous l'assumons, le pouvoir de vivre des Français ne se défend pas au mépris des revenus des agriculteurs, des artisans ou des petits producteurs. Il se défend avec des hausses de salaire. Notre priorité est de permettre à chaque Français d'avoir accès à une alimentation saine, abordable, respectueuse de l'environnement et du climat, qui rémunère justement les producteurs, et ce, en garantissant la transparence et l'information des citoyens sur ce qu'est le juste prix.
L'article 3, qui a vocation à mieux rééquilibrer le poids des fournisseurs et des distributeurs dans les négociations commerciales, reste cependant insuffisant. Selon nous, il manque sa cible et favorisera les gros industriels, ceux qui souffrent le moins de la crise et continuent, contrairement aux petits, à faire des marges. En effet, ce sont ces gros industriels qui auront la capacité de rompre les contrats avec les enseignes. Nul ne peut penser qu'un producteur de picodons, une vigneronne ou un nougatier risqueront de se priver de leur unique client. Encore une fois, vous favorisez donc les plus gros, les multinationales, et nous le regrettons.
Cela dit, nous considérons que cette proposition de loi va dans le bon sens parce qu'elle renforcera l'encadrement des promotions et régulera les pénalités logistiques dont les enseignes abusent massivement. Elle permettra également plus de transparence sur la fixation des prix et sur les marges de la grande distribution, en particulier sur les produits bio – et nous saluons l'amendement en ce sens que nos collègues écologistes du Sénat ont défendu. À l'heure où la filière est en crise et où le Gouvernement semble avoir baissé les bras, nous continuerons à défendre avec détermination le bio accessible à toutes et tous, car c'est le droit, pour chacun, de bénéficier d'une alimentation saine et respectueuse de l'environnement, et, pour chaque producteur, de tirer fierté de son travail.
Pour toutes ces raisons, nous, membres du groupe Écologiste – NUPES, voterons en faveur de cette proposition de loi.
Et nous ne nous arrêterons pas là. Plus d'un Français sur dix – soit 8 millions de personnes – connaît l'insécurité alimentaire. Les bénéficiaires de l'aide alimentaire sont trois fois plus nombreux qu'il y a dix ans, et les travailleurs pauvres, les retraités, les étudiants rejoignent désormais les files d'attente et sont contraints de se priver de repas ou de renoncer aux produits de qualité. C'est pourquoi, dans le cadre de notre niche parlementaire, le 6 avril prochain, nous défendrons la proposition de loi de Francesca Pasquini, qui vise à garantir le mieux-manger pour toutes et tous, en proposant notamment la mise en place d'une prime alimentation, destinée aux 11 millions de Français les plus précaires. Il s'agit de corriger les effets de l'inflation et de soutenir les ménages qui en ont besoin dans leurs dépenses quotidiennes alimentaires. C'est un début, un premier pas vers le droit au mieux-manger et, tout simplement, le droit de manger à sa faim, que l'on parle d'un brunch dans la capitale ou de la pause méridienne en province. Voilà ce que nous défendrons le 6 avril, avec l'espoir que nous serons toutes et tous ici, comme nous le sommes aujourd'hui, au rendez-vous de l'urgence.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Nous arrivons au terme de la discussion d'un texte, dont l'examen a donné lieu à une bataille médiatique entre la grande distribution et l'industrie agroalimentaire, sur fond de flambée des prix alimentaires.
L'inflation des produits alimentaires a dépassé les 14 % en février, et la situation ne devrait pas s'améliorer à court terme. Les négociations commerciales entre distributeurs et industriels se sont achevées sur de nouvelles hausses de prix – 10 % en moyenne. Cette situation est particulièrement préoccupante : d'une part, cette hausse des prix étrangle nos concitoyens, qui limitent drastiquement leurs achats, se privent de produits frais et descendent en gamme, quand ils ne sont pas contraints de se tourner vers les banques alimentaires ; d'autre part, les fournisseurs font face à l'envolée des prix des matières premières agricoles et des factures d'énergie – en un an, le coût d'électricité a été multiplié par cinq ou six, et celui des matières premières a progressé de 40 % en moyenne.
Certes, le Gouvernement multiplie les initiatives : négociation d'un panier anti-inflation avec la grande distribution – panier qui, au passage, participera à l'étouffement des petits commerçants et des petits producteurs –, instauration d'un chèque alimentaire, ou encore aides aux entreprises en matière d'énergie.
Cependant, toutes ces mesures demeureront insuffisantes tant que nous ne nous attaquerons pas à la racine des problèmes, c'est-à-dire à l'absence de mesures fortes en faveur des salaires, des prestations et des pensions, et à l'absence de reprise en main de la tarification de l'énergie pour l'aligner sur les coûts de production.
L'amélioration du cadre des négociations commerciales constitue aussi un levier d'action. Cela étant, si nous souhaitons réellement rééquilibrer les relations commerciales, il faut tout d'abord nous affranchir des limites inhérentes à votre approche libérale reposant sur les principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce. En effet, ces principes ne permettent pas de mettre un terme au déséquilibre du marché, qui voit s'opposer six acheteurs à une myriade de fournisseurs, ni de trouver un point d'équilibre qui ne soit pas profondément instable, faute de renverser le rapport de force.
Ce constat ne nous interdit pas de saluer les avancées du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire en matière d'encadrement des promotions, de lutte contre l'évasion juridique, ou encore de plafonnement et d'encadrement des pénalités logistiques. Toutes ces mesures de protection des fournisseurs vont dans le bon sens et constituent un indéniable progrès en vue d'établir des relations commerciales moins outrageusement favorables à la grande distribution.
Nous continuons néanmoins de penser que pour optimiser la chaîne de valeur au bénéfice des producteurs et des consommateurs, nous avons besoin, monsieur le ministre, d'outils plus contraignants, afin d'encadrer les marges de la distribution, de garantir un juste partage de la valeur, et de sécuriser la chaîne de valeur.
Je pense en particulier au coefficient multiplicateur visant à bloquer certaines pratiques des distributeurs, ou à la transformation de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPMPA) en véritable régie publique d'intervention et de contrôle.
Cette dernière remarque me conduit à commenter la décision de suspendre plutôt que de prolonger l'expérimentation du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte. J'entends que le but de ce dispositif, qui était de faire en sorte que la grande distribution utilise les profits supplémentaires réalisés pour mieux rémunérer les agriculteurs, n'a pas été atteint et que le ruissellement attendu n'a pas eu lieu, la grande distribution prenant donc quelque 600 millions d'euros par an dans la poche des consommateurs. Mais il nous faut aussi entendre la demande de prolongation du dispositif par certains responsables agricoles, ceux-ci craignant en particulier que la suspension du SRP n'entraîne un durcissement des relations commerciales.
Nous nous rangerons néanmoins à la rédaction trouvée en CMP, qui permettra aux interprofessions qui en feront la demande de se voir de nouveau appliquer le relèvement du seuil de revente à perte si sa suspension leur est préjudiciable. Il n'en demeure pas moins, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que le fond du sujet réside dans la capacité d'intervention publique et dans la présence d'un vrai gendarme de terrain tout au long de la chaîne de valeur.
Considérant que, malgré les insuffisances que j'ai pointées, cette proposition de loi traduit la volonté d'œuvrer à améliorer pas à pas le cadre des négociations commerciales, nous voterons ce texte. Nous sommes convaincus que la lutte contre les pratiques toujours aussi carnassières des acteurs de la grande distribution doit demeurer pour nous tous – je dis bien pour nous tous – un objectif prioritaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem, SOC, HOR et Écolo – NUPES, ainsi que sur les bancs des commissions.
Alors que des nuages comme l'inflation ou les traités de libre-échange représentent des menaces à la fois pour nos agriculteurs et pour nos concitoyens, votre proposition de loi, monsieur Descrozaille, va dans le bon sens : le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoire tient à le souligner.
Les lois Egalim 1 et Egalim 2 étaient tout à fait opportunes, et se pose désormais la question des relations entre l'industrie agroalimentaire et la grande distribution, car la capacité de notre industrie à fournir des produits de qualité, ainsi qu'à pérenniser ses outils de production, reste fragile. C'est bien tout le rapport entre les producteurs et les transformateurs d'une part et les distributeurs d'autre part que nous questionnons depuis plusieurs années.
Rappelons que la loi LME avait fait la part belle à la grande distribution, faisant des producteurs la variable d'ajustement des prix. Si l'on considère d'ailleurs l'ensemble de notre économie, nous voyons bien que les gains de productivité obtenus dans l'agriculture ont été captés par la grande distribution, certes en partie au bénéfice des consommateurs, mais aussi à son propre profit. Depuis les années 1960, les prix agricoles, en monnaie constante, ont été divisés par quatre. Les choses ne pouvaient donc plus durer et ce fut l'objet des deux lois Egalim que nous avons votées de sanctuariser les produits et la valeur agricoles, de sorte que les agriculteurs cessent de jouer ce rôle de variable d'ajustement.
Ces derniers apprécient cette évolution et nous pouvons dire que les choses se sont améliorées. Il demeure bien sûr du travail à accomplir, mais pour en discuter avec eux au quotidien, je puis affirmer qu'ils ressentent une pression moins importante – pression qui, par conséquent, a tendance à se déplacer sur les transformateurs.
C'est vrai !
C'est un problème, car nos industriels sont ainsi pris en tenaille entre l'obligation, logique en cette période, de tenir compte de l'inflation des tarifs agricoles – sachant que notre agriculture est également accro aux hydrocarbures – et les injonctions de la grande distribution.
Je le répète, nous estimons que votre texte va dans le bon sens, même si nous sommes un peu inquiets de certaines dispositions et même si nous regrettons que nous ne nous attaquions pas au nœud du problème, qui réside dans le fait que nos quatre centrales d'achat sont en mesure de faire la pluie et le beau temps. Tant que nous ne mettrons pas un terme à cet oligopsone, j'estime qu'il sera difficile de réellement rééquilibrer les relations commerciales. J'ai conscience que le problème que je pointe est certainement complexe à résoudre, mais il n'en demeure pas moins incontournable. Notons à cet égard qu'il existe des pays où la grande distribution ne dispose pas d'un tel poids et où, partant, les rééquilibrages sont plus faciles à opérer.
Nous l'avons dit, la proposition de loi contient des mesures intéressantes, à commencer par l'affirmation du caractère de lois de police de certaines dispositions du code du commerce, lesquelles s'appliquent donc à toute relation contractuelle. Cette mesure, qui va dans le bon sens, vise à lutter contre un phénomène de délocalisation des centrales d'achat : nous avons tous en mémoire l'établissement de l'une d'entre elles en Belgique.
Par ailleurs, nous plaidons en faveur de l'établissement de conventions tripartites, ce que vous proposez peu ou prou avec ce texte. Nous verrons si cela fonctionne, mais il s'agit sans doute de la meilleure manière d'avancer pour sécuriser la situation à la fois de nos producteurs et de nos transformateurs. Certains transformateurs nous ont en effet interrogés sur votre proposition de loi et nous avons essayé de les rassurer quant à l'effectivité des mesures qu'elle prévoit.
Nous sommes également favorables à la prolongation de l'encadrement des promotions, qui se traduit par une meilleure rémunération de nos agriculteurs.
Enfin, je rappellerai que j'ai fait partie des députés ayant voté contre le Ceta et que je serai parmi ceux qui voteront contre le Mercosur. En effet, on ne peut demander à nos agriculteurs d'être vertueux, tout en important des produits élaborés dans des conditions sociales et environnementales différentes des nôtres.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
À un moment donné, il faut dire que ce n'est pas possible ! Dans le cas contraire, il sera beaucoup plus simple d'importer des produits nettement moins chers, avec pour corollaire le retour des mêmes difficultés pour le secteur agroalimentaire, les industries et les agriculteurs.
C'est pourquoi j'affirme qu'il ne faut pas être naïfs s'agissant des accords internationaux.
Il faut savoir dire non car, comme je le dis souvent, l'agriculture est notre essence même : c'est ce qui fait en partie ce pays et toute la vitalité de nos campagnes où, ne l'oubliez pas, vivent près de 50 % des Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES, sur les bancs des commissions, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.
La commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dont mon collègue Frédéric Descrozaille est l'auteur, s'est tenue le 15 mars et s'est avérée conclusive : je nous en félicite.
La proposition de loi a fait l'objet d'un large consensus au-delà des étiquettes politiques, ce qui témoigne de son équilibre, fruit des discussions et des débats tout au long de son cheminement législatif. Ce texte de compromis vise à rétablir un équilibre dans les négociations entre industriels et distributeurs. Il permettra de remettre de la valeur dans les chaînes de production alimentaires, dans l'optique d'innover et d'investir dans les transitions écologique et numérique. De plus, le texte permettra une revalorisation des salaires dans ce secteur qui constitue la première industrie de France.
Cette commission mixte paritaire a donné lieu à un dialogue ouvert et constructif. Le texte adopté reprend l'essentiel des compléments apportés par le Sénat à la version adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en janvier.
Les discussions ont particulièrement porté sur l'article 3, qui contient des dispositions en cas d'échec des négociations commerciales entre producteurs ou industriels et grande distribution.
Les entreprises du secteur agroalimentaire sont particulièrement vulnérables à la hausse généralisée des coûts. Ces dernières années, ces entreprises ont dû faire face à une hausse des coûts de l'énergie liée à la crise du gaz, et à une hausse des prix des matières fossiles. Par capillarité, cette situation a entraîné une augmentation des coûts de production – ceux des intrants et de certaines matières premières, comme les emballages ou le carton.
Les entreprises agroalimentaires sont très préoccupées par la répercussion de la hausse des coûts de l'énergie sur leurs factures, laquelle engendre une augmentation de leurs coûts de production. Cette situation, ajoutée à la déflation des prix des produits agricoles observée depuis 2013, entraîne une destruction de valeur dans les filières concernées, ce qui est préjudiciable à leur rentabilité, à leur attractivité et à leur capacité à innover.
Rappelons que la loi Egalim 1 a introduit plusieurs mesures visant à remédier à ce phénomène, telles que l'encadrement des promotions dans les grandes surfaces, la création d'un fonds de soutien pour les producteurs en difficulté, l'extension des contrats de vente entre les producteurs et les distributeurs, et la promotion de l'agriculture dans sa globalité. Je me permettrai aussi d'ajouter que le mot « gratuit » n'existe plus dans le domaine alimentaire.
Nous avons poursuivi cette dynamique avec la loi Egalim 2, qui vient renforcer les dispositions de la première loi. La loi Egalim 2 impose en effet des objectifs de réduction de l'utilisation des intrants, avec le renforcement des contrôles des exploitations agricoles, introduit des critères de durabilité dans les appels d'offres publics, et augmente la part des produits biologiques dans la restauration collective.
Ces deux lois ont permis de protéger le revenu agricole, mais le rapport de force avec la grande distribution est demeuré inchangé, laissant producteurs et industriels dans une situation déséquilibrée.
Ainsi, dans la continuité des lois Egalim 1 et Egalim 2, cette proposition de loi a pour objet d'agir sur les conditions de la négociation commerciale, afin de mettre un terme à la destruction de valeur dans la filière agroalimentaire, en protégeant les producteurs – agriculteurs et industriels – de la pression sur les prix exercée à la baisse par la grande distribution.
La proposition de loi a notamment pour but de renforcer le caractère des lois de police des dispositions du code de commerce relatives à la négociation commerciale et aux pratiques abusives dans ce domaine, afin de mieux combattre le phénomène d'évasion juridique, pratiquée par certaines grandes enseignes pour échapper à la législation française.
Elle vise également à prolonger et à parfaire certaines dispositions des lois Egalim 1 et Egalim 2, ainsi qu'à combler le vide juridique existant en cas d'échec des négociations commerciales dans les délais impartis.
En somme, cette proposition de loi permettra de rééquilibrer les rapports de force entre les producteurs, les transformateurs et la grande distribution. Cette avancée constitue une nouvelle preuve de l'engagement fort et entier de la majorité sur tous les sujets agricoles et alimentaires. Pour mémoire, c'est cette majorité qui a revalorisé les retraites agricoles ; c'est cette majorité qui a redéfini l'assurance récolte en y intégrant davantage d'exploitations ; c'est cette majorité qui protège le revenu agricole ; c'est cette majorité qui se trouve aux côtés des producteurs et des créateurs de valeur.
Avec ce texte, nous continuons donc ce travail de soutien à l'agriculture et de renforcement de notre souveraineté agricole et alimentaire.
Je remercie Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques, le rapporteur Frédéric Descrozaille, et Pascal Lavergne pour leur travail effectué en CMP.
Je tiens enfin à remercier Dominique Potier et les membres de la commission des affaires économiques qui, au-delà de nos rangs, ont contribué à cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem, SOC, HOR et Écolo – NUPES, ainsi que sur les bancs des commissions.
Nous voici arrivés au terme du parcours législatif laborieux de ce texte, avec cette dernière version qui ne traduit que vos errements, vos incohérences et votre impuissance.
La loi Egalim 1 fut un échec puisqu'il vous a fallu faire une loi Egalim 2, qui demeure partiellement inappliquée – je pense aux mesures relatives à l'étiquetage – à cause du droit européen. Une loi Egalim 2 par ailleurs si imparfaite qu'elle nous impose une nouvelle fois de la modifier pour tenter de la rendre opérationnelle par des dispositions dignes d'une usine à gaz qui, potentiellement, seront retoquées par le Conseil d'État – je pense à l'article 1er – ou par le Conseil Constitutionnel – je pense à l'article 3.
Vous êtes la majorité de l'impuissance, celle de l'abandon – rappelé par M. Thierry Benoit – du bras de fer avec Bruxelles, confirmé par le résultat piteux de la présidence du Conseil de l'Union européenne.
Vous êtes la majorité de l'incohérence, celle des larmes de crocodile sur le sort des betteraviers alors que vous comptez dans vos rangs Mme Barbara Pompili, qui porte une très lourde responsabilité dans le futur saccage de la filière sucrière.
Vous êtes aussi la majorité de l'irresponsabilité, puisque vous assumez d'être totalement en roue libre s'agissant de l'inflation à tel point que M. Bruno Le Maire, entre deux mesures d'enfumage anti-inflationnistes, vous a rappelés à l'ordre en raison de l'impact gravissime de votre texte sur l'augmentation des prix.
Sur l'inflation, vous accélérez. Vous accélérez parce que vous vous êtes laissé enfermer dans un débat infernal qui met dos à dos les agriculteurs et les consommateurs, sans jamais remettre en question les marges des intermédiaires et particulièrement celles de la grande distribution. Michel-Édouard Leclerc vous en remercie ! Vous allez aggraver considérablement l'inflation des prix de l'alimentation pour les Français, sans avoir pu nous expliquer comment ces marges pourraient se répercuter sur celle des agriculteurs.
Le groupe Rassemblement national a fait des propositions concrètes, que vous avez toutes refusées, tellement sûrs de vos dispositifs fluctuants et contestés par le Gouvernement lui-même. Sans aucune explication valable, vous avez refusé notre amendement proposant de distinguer les PME de l'agroalimentaire, qui galèrent, et les multinationales, qui se gavent. Sans aucune explication valable, vous avez refusé notre amendement, pourtant suggéré par M. le président de la commission des affaires économiques lui-même, sur la publication des marges de la grande distribution.
Au lieu de soutenir cette ligne responsable, vous reconduisez un SRP + 10 qui permet à la grande distribution d'augmenter ses marges de 600 millions supplémentaires par an, sans qu'aucun rapport ne puisse démontrer que ce dispositif profite aux agriculteurs.
Jusqu'au bout, vous vous êtes obstinés à vouloir maintenir le SRP + 10 pour la filière fruits et légumes alors que, jusqu'au bout, elle vous a expliqué qu'il fallait d'urgence qu'elle en sorte parce qu'elle en mourrait. Jamais, vous n'avez voulu remettre en question ce totem du SRP + 10, même lorsque vous étiez mis salutairement en très large minorité en CMP sur la question des fruits et légumes.
Jusqu'au bout, vous avez encouragé toutes les mesures inflationnistes, y compris celle totalement irresponsable d'étendre l'encadrement des promotions aux produits d'hygiène et de beauté, ce qui provoque l'incompréhension de tous, y compris celle de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui vous a appelés une nouvelle fois à la mesure. Ce dispositif aurait dû être réservé aux PME françaises pour neutraliser les hausses spectaculaires des marges des multinationales faites sur le dos des consommateurs français. L'Oréal et Unilever pourront ce soir trinquer à votre santé et ce sont les Français qui payeront le champagne !
Nous pourrions nous consoler de la suppression du SRP + 10 pour les fruits et légumes, de l'extension de la non-négociabilité des matières premières agricoles aux marques de distributeur ou de l'encadrement des pénalités logistiques, mais ce texte, au-delà des dispositifs très probablement inopérants, provoquera trop d'effets pervers pour que nous vous suivions.
Cette nouvelle loi n'apportera rien aux agriculteurs. Travaillons plutôt, dès demain, à la loi Egalim 4 qui, à n'en pas douter, arrivera rapidement. Travaillons pour nous assurer que les industriels rendent réellement aux agriculteurs le bénéfice de la non-négociabilité des matières premières agricoles. Travaillons à rendre plus justes les relations entre les agriculteurs et les coopératives. Travaillons à trouver de vraies solutions pour faire exploser le monopole infernal des centrales d'achat, qui écrase nos producteurs. Travaillons à trouver de vraies solutions contre cette concurrence étrangère déloyale et intenable pour de nombreux producteurs. Travaillons à redonner à l'agriculture les moyens de production nécessaires à sa compétitivité qui, demain, rendra à la France sa souveraineté alimentaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Plus de 8 millions de personnes dépendent de l'aide alimentaire ; l'inflation des produits alimentaires dépassera les 15 % à la mi-2023 ; des familles de plus en plus nombreuses doivent choisir entre se chauffer ou se nourrir correctement, ou entre des fruits et légumes frais ou un morceau de viande : notre pays est en situation d'urgence sociale.
Ce que vous ne comprenez pas, mesdames et messieurs les députés de la minorité présidentielle, c'est que cette réalité devient celle des classes moyennes, c'est-à-dire de celles et ceux qui ont un emploi, mais qui n'arrivent plus à vivre de leur salaire. Quant aux autres, ils sont dans l'angoisse des mois qui viennent et dans l'angoisse d'un horizon qui se ternit pour leurs enfants.
Face à cette situation, que fait votre gouvernement ? Plutôt que de vous attaquer à l'inflation, vous choisissez de supprimer deux ans de retraite à tous les Français.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Vous le faites en dégainant les outils les plus autoritaires de la V
Par contre, quand il s'agit de prendre des mesures contre l'inflation alimentaire, que faites-vous ? Vous annoncez un panier anti-inflation. Quel en est le contenu ? M. Le Maire invite les Français à faire le tour des supermarchés pour comparer les cartes de fidélité. Quel courage politique ! Quand il s'agit de maltraiter notre droit à la retraite, vous utilisez l'arme nucléaire du 49.3. Mais pour protéger les Français de l'inflation, vous utilisez un pistolet à eau cassé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Plus généralement, j'ai l'impression que ce gouvernement est aussi efficace pour améliorer les conditions de vie des Français que la Septième Compagnie pour s'évader.
Voilà pourquoi j'alerte sur le contenu de cette proposition de loi. Son objectif annoncé est de rééquilibrer les négociations commerciales dans le secteur des produits de grande consommation, mais elle risque, dans les faits, d'ajouter de l'inflation à l'inflation.
Vous prolongez jusqu'en 2025 le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte pour les produits alimentaires. Pourtant, quatre ans après son lancement, le constat ne fait aucun doute : le SRP + 10 s'est révélé être un chèque en blanc de 600 millions par an à la grande distribution, payé par les consommateurs sans qu'aucun mécanisme ne garantisse le ruissellement jusqu'aux producteurs.
Le pouvoir d'achat des ménages s'écroule. On ne peut donc pas accepter que seul le consommateur alimente les marges des uns et des autres par de nouvelles augmentations des prix alimentaires d'autant que, dans la nouvelle version du texte, ce sont maintenant des produits non alimentaires, aussi essentiels que le dentifrice, le savon, le shampoing ou les protections hygiéniques, qui verront leurs prix augmenter.
Certes, certaines dispositions de ce texte sont nécessaires et bienvenues, comme celles concernant les centrales d'achat situées à l'étranger, qui seront dorénavant soumises au droit français si les produits qu'elles achètent sont commercialisés en France.
Je me réjouis par ailleurs que le Sénat ait inscrit dans cette loi deux propositions faites à l'Assemblée par les groupes de la NUPES. C'est le cas de l'exclusion des fruits et légumes du SRP + 10, mais aussi de la non-négociabilité des matières premières agricoles, étendue aux produits vendus sous marque de distributeur. Mais, globalement, il y a deux grands absents dans votre loi : les paysans d'un côté et les consommateurs de l'autre.
Avec un gouvernement d'union populaire écologique et sociale, nous ferions différemment.
Nous augmenterions les petits salaires et les petites retraites pour redonner du pouvoir d'achat aux ménages, qui pourraient ainsi choisir des produits locaux et de meilleure qualité.
Nous proposerions un autre modèle, plus cohérent : assurer des prix rémunérateurs aux producteurs, tout en régulant les marges des intermédiaires à chacune des étapes de la chaîne afin de contrer l'inflation. Des prix planchers rémunérateurs pour les paysans devraient être le point de départ des négociations commerciales afin que les grands industriels et les géants de la grande distribution contribuent à l'effort collectif.
Nous proposerions aussi de bloquer les prix de produits de première nécessité sur le modèle du bouclier qualité prix aujourd'hui en vigueur dans les outre-mer. Il consiste en une liste de produits indispensables, alimentaires ou d'hygiène, dont le prix est négocié et plafonné, assurant à chacun une juste rémunération.
Nous refuserions une nouvelle étape de dérégulation du marché agricole. Refusons la ratification de l'accord commercial avec le Mercosur !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mettons en place, au contraire, un protectionnisme solidaire et écologique, clé d'un modèle économique, alimentaire et industriel vertueux et d'une amélioration des conditions de vie des agriculteurs et des consommateurs.
Bâtissons, enfin, ce que devrait être une vraie loi Egalim : la garantie d'une rémunération juste pour nos paysans et la possibilité pour les citoyens de se nourrir correctement sans sacrifier le reste.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. –Mme Sandra Regol applaudit également.
Le bon prix est un prix juste qui permet de rémunérer correctement les différents acteurs des filières, de la fourche à la fourchette. Cette position, partagée par tous, n'a jamais évolué depuis les premières discussions sur la loi Egalim. Il était donc naturel d'accueillir ce texte, tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dans le même état esprit, tout en étant encore plus exigeant envers les distributeurs, puisque ce texte permet de corriger ce qui d'évidence ne fonctionnait pas sur le terrain. Il le permet en musclant les dispositifs actuels et en développant les expérimentations, tout en protégeant à la fois les producteurs et les consommateurs, à charge pour la grande distribution de jouer son rôle et d'éviter les pénuries.
À l'Assemblée nationale, comme au Sénat, nous nous sommes donc retrouvés sur un diagnostic commun, mais aussi sur des propositions visant à rééquilibrer concrètement les rapports de force entre les uns et les autres. C'est ainsi que cette proposition de loi, telle qu'elle ressort des travaux de la commission mixte paritaire, permet de redéfinir plus clairement la relation entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.
Il faut le dire, le contexte inflationniste dans lequel nous avons travaillé ne nous a pas facilité la tâche. Les coûts de l'énergie explosent pour nos entreprises et producteurs, tout comme ceux des matières premières pour les transformateurs et agriculteurs, sans oublier les coûts des intrants et du conditionnement. Une inflation jamais vue depuis les années 1980. Le mois dernier, la hausse des prix à la consommation s'établissait à 6,3 % sur un an, plus que ce que prévoyait l'Insee. Une hausse d'ailleurs largement portée par les prix de l'alimentaire, dont l'augmentation frôle les 15 % sur la même période.
La pression était donc forte pour garantir cet équilibre au moment même où les négociations commerciales commençaient. Nous avons collectivement tenu, notamment face aux pseudo-défenseurs des consommateurs, plus attachés à leurs profits et à l'enseigne portant leur nom qu'à un vrai et juste partage de la valeur.
Il était inconcevable, quelques semaines après le Salon de l'agriculture, de ne pas prendre la mesure de l'affaiblissement de notre souveraineté alimentaire. Autrefois première puissance exportatrice agricole d'Europe, la France pointe désormais à la sixième place. Rendez-vous compte : nous importons 70 % des fruits et 30 % des légumes consommés en France ! Nous sommes le seul grand pays agricole qui voit ses parts de marché reculer face à la concurrence déloyale des pays étrangers, qui jouent sur des charges sociales extrêmement basses.
Certains, sur ces bancs, ont continué d'ajouter des contraintes réglementaires supplémentaires qui ont fait plus de mal que de bien. Ce n'est pas le cas de ce texte. Il faut le souligner et remercier Frédéric Descrozaille, auteur de cette proposition de loi, qui, grâce à une approche consensuelle, a permis d'aboutir à une version équilibrée.
D'abord, en permettant de lutter contre l'externalisation des centrales d'achat à l'étranger. Une aberration qui permettait à de grandes enseignes de se vanter d'être moins chères, mais à quel prix ? Au prix du contournement de la réglementation française et du prix toujours plus bas pour nos producteurs, qui n'arrivaient mécaniquement plus à suivre.
Cette proposition de loi permet également de poursuivre l'expérimentation de l'encadrement des promotions et du seuil de revente à perte, tout en veillant à ce que le ruissellement tant attendu porte ses fruits.
Autre point positif, toujours issu des discussions avec le Sénat : la prise en compte spécifique de la filière des fruits et légumes, qui nécessitait une adaptation des lois Egalim 1 et Egalim 2.
Enfin, dernier point, la réécriture de l'article 3, qui a fait couler beaucoup d'encre, est bénéfique puisque le fournisseur pourra discuter sur un pied d'égalité avec la grande distribution. Cet article prévoit en effet que, en cas d'échec de la négociation annuelle, le fournisseur aura le choix entre l'interruption des livraisons, si le prix durant le préavis est jugé trop bas, ou l'application d'un préavis de rupture plus classique, tenant compte des conditions économiques du marché.
Pour conclure, l'accord en commission mixte paritaire est une bonne nouvelle, tant pour les agriculteurs que pour les PME, parfois fortement dépendantes de la grande distribution. Les PME de l'agroalimentaire, des services et de l'hygiène sont souvent le cœur de l'emploi dans les territoires ruraux et les outils que nous leur octroyons avec cette proposition de loi permettront de les renforcer. Le groupe Les Républicains est donc plein d'espoir et votera ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Sur l'ensemble du texte, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Richard Ramos.
Je souhaite remercier tous ceux qui défendent le bien-manger en France, l'un des objets de ce texte.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Je remercie M. le rapporteur, qui a défendu fièrement le présent texte, permettant aux PME et à l'industrie françaises de mieux résister au rouleau compresseur de la grande distribution. Je remercie également, au sein du groupe Les Républicains, M. Nury, mais aussi MM. Bony et Descoeur, qui défendent depuis des années la paysannerie dans cet hémicycle.
M. le rapporteur applaudit.
Mes remerciements vont à Mme Pochon – parce que je l'ai bien écoutée –, pour son discours sur l'écologie qui, parfois, nous a éclairés sur l'agriculture et l'agroécologie.
Mme Sandra Regol applaudit.
Bien évidemment, je remercie les membres du groupe Socialistes, notamment M. Potier, ainsi que M. Garot, qui a tant fait par le passé pour lutter contre le gaspillage alimentaire…
…tout comme M. Travert, qui a défendu avec superbe le projet de loi Egalim, permettant aux agriculteurs de retrouver des revenus.
Je remercie M. Benoit
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR
En revanche, je ne remercierai pas les membres du groupe Rassemblement national – leur parti est le seul à avoir reçu M. Michel-Édouard Leclerc, qui étrangle les paysans dans les box de négociation.
Je ne remercierai pas non plus les membres du groupe La France insoumise, qui ne voteront pas ce texte, alors qu'il permet aux paysans de vivre.
Nous sommes fiers de ce texte équilibré, qui ne fut pas facile à élaborer dans la conjoncture actuelle, alors qu'une certaine personne – vous l'aurez compris, je pense à M. Michel-Édouard Leclerc – tente évidemment, à grands coups de publicité, de passer pour M. Anti-inflation.
Il n'est pas facile de faire manger les Français à un prix juste – c'est-à-dire non pas au prix le moins cher, mais à celui qui permet d'éviter la descente en gamme et les produits pas cher qui contiennent plus de sucre, plus de gras, plus de sel. Ce texte permettra à l'industrie agroalimentaire française de maintenir la qualité de sa production, ce qui constitue un défi par les temps qui courent. Je remercie encore le rapporteur pour son combat incessant pour le juste prix.
M. Éric Martineau applaudit.
Je n'ai pas voté pour la ratification du Ceta – Accord économique et commercial global –, ni ne voterai pour le Mercosur. Le problème de l'agriculture française est simple : il ne faut pas imposer aux paysans français des normes qui ne s'appliquent pas aux produits que l'on importe.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, LR et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Les paysans français font de la qualité ; nous devons la payer au juste prix. Le groupe Démocrate votera donc cet excellent texte des deux mains.
Mêmes mouvements.
J'appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d'abord appeler l'Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir les amendements n° 1 , 2 , 3 , 4 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Je présenterai d'abord l'amendement n° 1 , qui touche une question de fond, puis les trois suivants qui sont de coordination et portent sur des points techniques, avant de revenir sur les interventions des orateurs précédents.
Je le disais tout à l'heure, l'amendement n° 1 vise à préciser la date d'entrée en vigueur de l'encadrement des promotions sur les produits non alimentaires, sur laquelle nous nous sommes entendus avec mon homologue au Sénat et nous nous sommes concertés avec le Gouvernement. Puisque les négociations pour 2023 ont déjà été conclues et qu'elles l'ont été dans un climat tendu, l'encadrement n'entrera en vigueur que pour les négociations de 2024.
Les trois amendements suivants sont de correction légistique, de coordination technique – en d'autres termes, de rigueur ; je vous demande de les adopter.
Enfin, je regrette toujours quand les discours dans cet hémicycle ne reflètent pas les échanges que nous sommes capables d'avoir en commission et ailleurs. À ce titre, monsieur de Fournas, je regrette le discours que vous avez lu consciencieusement, de manière disciplinée, à la tribune, tant il rompt avec nos dialogues en commission des affaires économiques, où nous avons su nous écouter.
En commission, vous avez présenté des amendements et nous en avons débattu, malgré les désaccords et les contradictions. Or à l'instant, en lisant consciencieusement votre discours, vous avez déclaré n'importe quoi, prétendant que la grande distribution approuverait ce texte, parce qu'il protégerait ses marges – cela m'avait échappé !
À moi aussi !
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques, rit.
Comme souvent !
…en décalage complet avec les travaux que nous avons su conduire en commission, dans cet hémicycle et en commission mixte paritaire.
Je le regrette, car quand l'hémicycle reflète la vérité, la sincérité de nos échanges – possible malgré nos différences et nos contradictions –, nous faisons honneur à notre mission.
Sur l'amendement n° 1 , par souci de cohérence – vous connaissez l'avis du Gouvernement sur l'encadrement des promotions dans le secteur de la DPH (droguerie parfumerie hygiène) –, j'émets un avis de sagesse. Je note toutefois que la date choisie permettra à votre dispositif de fonctionner. J'émets un avis favorable sur les amendements suivants.
Les amendements n° 1 , modifiant l'article 2 ter B, n° 2, modifiant l'article 3, n° 3, modifiant l'article 3 bis et n° 4, modifiant l'article 6, sont successivement adoptés.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 151
Nombre de suffrages exprimés 117
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 117
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes LR, SOC et Écolo – NUPES.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique (n° 942).
Certains députés quittent l'hémicycle, d'autres y entrent. – Échanges de banc à banc.
Mes chers collègues, vous semblez ne pas remarquer que j'ai repris la parole. Or si vous ne m'écoutez pas, vous serez perdus dans la discussion.
La parole est à M. Thomas Cazenave, rapporteur de la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire qui s'est réunie le 9 mars a trouvé un accord sur la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.
Le présent texte est le fruit d'un large consensus entre les deux chambres du Parlement. Comme depuis le début de son examen, notre travail transpartisan a démontré notre capacité à trouver de nouvelles solutions au service de la rénovation énergétique des bâtiments et de la lutte contre le réchauffement climatique. Cette proposition de loi est aussi le fruit d'une coconstruction avec les associations d'élus qui ont été consultées tout au long du travail parlementaire afin de les associer pleinement à l'élaboration du dispositif. Elles pourront, je l'espère, s'en saisir massivement afin de répondre à l'enjeu que représente la rénovation énergétique des bâtiments publics.
Le dispositif prévu vise à accélérer ce vaste chantier. La synthèse du sixième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) nous rappelle à nouveau l'urgence de lutter contre le réchauffement climatique. Afin de respecter les objectifs que nous nous sommes fixés, la consommation énergétique des bâtiments à usage tertiaire doit diminuer de 40 % d'ici 2030 et de 60 % d'ici 2050. Nous nous retrouvons donc face à un mur d'investissement, de 40 milliards d'euros pour la rénovation énergétique des écoles, et de près de 300 milliards d'euros pour l'ensemble des bâtiments publics. Nous mettons donc un nouvel outil à la disposition de l'État, de ses établissements publics et des collectivités territoriales afin de trouver de nouvelles modalités de financement. L'objectif est de faire appel à des acteurs publics ou privés qui seront chargés de réaliser les travaux ainsi que de financer l'opération. Ces contrats permettront de lisser dans le temps le coût de l'investissement et de le rembourser à mesure que les économies d'énergie seront réalisées.
Depuis l'examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale, les sénateurs, puis les membres de la CMP (commission mixte paritaire) se sont attachés à assurer la sécurité juridique des futurs contrats. Nous nous sommes ainsi accordés pour maintenir l'examen par les services de l'État des contrats, afin de choisir celui dont le bilan est le « plus favorable », en particulier sur le plan énergétique.
Nous avons également ajouté une disposition précisant que la durée d'un marché global de performance passé dans le cadre de l'expérimentation est déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues. Ainsi, nous nous assurons que ces contrats pourront être établis sur des durées longues, nécessaires pour l'amortissement de travaux de rénovation les plus ambitieux.
Afin de simplifier au maximum la procédure de passation de ces contrats, la commission mixte paritaire a remplacé l'étude comparative de chaque mode de réalisation par la démonstration de l'intérêt de recourir à ce type de contrat.
Deux dispositions du texte de la CMP concernent plus spécifiquement les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les syndicats d'énergie. Ces structures pourront avoir recours à l'expérimentation et donc au tiers-financement pour les travaux de rénovation énergétique qu'elles effectuent pour le compte des communes qui en sont membres. Nous leur avons également donné la possibilité de prendre en charge des études dans ce domaine. Pour répondre aux besoins des plus petites collectivités, il est en effet crucial d'encourager la mutualisation des travaux.
Enfin, la commission mixte paritaire a repris la version de l'article 2 du Sénat sur l'évaluation de l'expérimentation en prévoyant, d'une part, un bilan à mi-parcours et en enrichissant, d'autre part, l'objet de cette évaluation. Celle-ci prendra notamment en compte notamment l'accès des PME à ces marchés ou l'utilisation du dispositif par les plus petites collectivités.
Au terme du travail parlementaire, le texte me paraît abouti. Je suis convaincu qu'avec cet outil, l'État et les collectivités territoriales pourront réaliser les investissements nécessaires à la rénovation énergétique des bâtiments publics. Ils seront ainsi en mesure d'effectuer des investissements verts, rentables, au bénéfice des agents et usagers des services publics. Ces investissements permettront également de réduire leurs dépenses de fonctionnement en réduisant leur consommation dans un contexte de prix élevé de l'énergie. Je souhaite remercier ma collègue, la rapporteure du texte au Sénat, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour nos échanges constructifs, ainsi que l'ensemble des membres de la commission mixte paritaire, députés et sénateurs, le ministre Christophe Béchu et la ministre déléguée Dominique Faure, pour la qualité du travail mené ensemble.
Je vous propose donc, chers collègues, d'adopter le texte issu des travaux de la CMP pour permettre à cette expérimentation de commencer au plus vite.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Comme vous le savez, la synthèse du sixième rapport du Giec, sortie lundi, nous rappelle l'urgence d'agir face au réchauffement climatique, l'urgence d'accélérer notre transition écologique et d'avancer dans la décarbonation de nos sociétés. Ce défi majeur de la transition écologique passe nécessairement par la rénovation des bâtiments, qui génèrent 23 % des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays.
Plus largement, le bâtiment représente 36 % des émissions de gaz à effet de serre au sein de l'Union européenne. Conscient de l'importance de l'enjeu, le Parlement européen a adopté, il y a une semaine, la directive sur la performance énergétique des bâtiments, dite EPBD – pour Energy performance of buildings directive – qui, pour atteindre la décarbonation des bâtiments d'ici 2050, fixe des objectifs clairs : constructions neuves zéro émission d'ici fin 2028 et accélération de la rénovation énergétique du parc existant, en plusieurs paliers à partir de 2030.
Ce chantier crucial, nous l'avons déjà lancé ; et il a un coût, notamment pour l'État et les collectivités, dont le bâti représente 30 % du parc tertiaire national et un gros potentiel d'amélioration de l'efficacité énergétique. C'est un chantier où l'État comme les collectivités se doivent d'être exemplaires face à nos concitoyens. Avec 75 % du parc des bâtiments publics, les collectivités territoriales sont, à l'évidence, en première ligne.
L'État est déjà, et restera, à leurs côtés par des dispositifs d'aides directes, mais aussi en leur ouvrant de nouvelles perspectives de financement. C'est tout le sens de cette proposition de loi, visant à autoriser l'État, ses établissements publics et les collectivités territoriales à recourir au tiers-financement pour favoriser les travaux de rénovation énergétique, inscrite à l'ordre du jour par le groupe Renaissance et qui arrive aujourd'hui au terme de son parcours parlementaire.
Nous le savons, la réalisation de travaux de rénovation énergétique constitue un investissement substantiel pour une collectivité territoriale. Or, le code de la commande publique interdit tout paiement différé dans les marchés globaux de performance énergétique passés par l'État, ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements.
Une dérogation à ce principe existait déjà, uniquement dans le cadre très spécifique des partenariats public-privé (PPP), contraignants et, de facto, très peu utilisés pour les travaux de rénovation des bâtiments des collectivités territoriales. Cette proposition de loi constitue donc une avancée très concrète. Elle leur fournira, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, un nouvel outil. Cet outil, qui vient s'ajouter à l'arsenal déjà existant, a pour ambition de leur permettre d'accélérer les démarches de rénovation qu'elles souhaitent entreprendre.
Je tiens à saluer l'esprit dans lequel cette proposition de loi a été conçue, dans le dialogue avec les collectivités territoriales, avec les élus locaux et avec le Parlement. Ce texte a été débattu, enrichi, amendé, et la version issue de la commission mixte paritaire est un bel exemple de compromis d'intérêt général. La qualité des échanges doit beaucoup aux rapporteurs et je tiens à vous remercier, monsieur Cazenave, pour votre engagement.
Le tiers-financement s'intègre dans un ensemble de dispositifs conséquents déployés par le Gouvernement – il ne s'y substitue pas. Le but est de poursuivre les efforts réalisés depuis plusieurs années pour favoriser l'initiative des collectivités territoriales et des élus locaux. Il ne s'agit ni d'une réforme du code de la commande publique – la logique qui prévaut étant celle de l'expérimentation et de l'identification des bonnes pratiques –, ni d'un désengagement de l'État en ce qui concerne ces investissements d'ampleur.
Ce mécanisme, je le souligne à nouveau, constitue une arme complémentaire qui enrichira l'arsenal déjà fourni des initiatives en faveur de la rénovation des bâtiments publics : dotation de soutien à l'investissement local pour la rénovation thermique (DSIL-RT) ; appels à projets au sein du programme Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique (Actee), réabondé de 220 millions d'euros dans le cadre du plan de sobriété énergétique ; mobilisation du Fonds chaleur, avec un budget prévisionnel de 520 millions d'euros pour 2023.
À partir de cette année, la rénovation des bâtiments publics passera également par la mobilisation du Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, également appelé Fonds vert, d'un montant inédit de 2 milliards d'euros, au service des projets portés par les élus locaux, dont ceux liés à la rénovation du bâti des collectivités.
Ce Fonds connaît déjà un succès certain puisque 2 150 dossiers ont été déposés pour la rénovation énergétique des bâtiments publics, représentant 5 millions de mètres carrés. Les financements demandés s'élèvent à 750 millions d'euros et permettraient de réaliser des économies à hauteur de 180 térawattheures par an, soit la consommation de 40 000 foyers.
C'est aussi le sens du plan de rénovation des écoles lancé par le Président de la République, le 18 novembre dernier, dont le tiers-financement est un premier jalon. Plus d'un mètre carré sur deux appartenant à une collectivité correspond en effet à un bâtiment scolaire et ce sont plus de 44 000 écoles et 50 millions de mètres carrés qui maillent notre territoire, en métropole comme outre-mer. En outre, nous travaillons avec la Banque des territoires afin qu'elle soutienne plus massivement les projets de rénovation énergétique des bâtiments publics, plus spécifiquement des écoles, dans la continuité de l'initiative du Président. Enfin, nous allons davantage accompagner les plus petites collectivités en matière d'ingénierie, et d'accès aux financements, afin que la rénovation du bâti public soit une réalité dans l'ensemble du territoire.
Ce texte au service des collectivités et des citoyens engendrera des bénéfices concrets en termes financiers, et de qualité de vie, tout en constituant une réponse à l'impératif environnemental. Le chantier de la rénovation du bâti public est une priorité dans la lutte que nous menons contre le réchauffement climatique.
Mais il n'y a pas, d'un côté, la question environnementale, et de l'autre, les questions économiques et sociales, j'y insiste. Rénover un bâti public, c'est un coût, mais ce sont aussi des perspectives tout à fait tangibles de réduction des dépenses pour toutes les collectivités. Avec la crise énergétique, le coût de l'énergie, déjà significatif pour les collectivités, a encore augmenté. Investir pour rénover, c'est donc agir directement pour les finances de sa commune ou de sa collectivité.
Et c'est aussi, concrètement, améliorer la vie de nos concitoyens, des agents qui travaillent dans ces bâtiments et de tous leurs usagers, notamment les plus jeunes. La proposition de loi qui vous est soumise est un texte de consensus, qui renforcera l'action publique pour le bénéfice de tous. C'est un texte qui favorisera également la mobilisation de tous les acteurs du bâtiment, au service de la décarbonation du parc immobilier, et qui leur ouvre de nouvelles perspectives économiques, comme l'a très bien expliqué le rapporteur. Sans leur mobilisation, ce chantier systémique ne pourra être mené à bien. C'est pourquoi j'espère, et je ne doute pas, que l'adoption de ce texte fera l'objet d'une large approbation sur vos bancs.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La rénovation thermique des bâtiments, notamment celle des bâtiments publics, constitue pour notre pays l'un des enjeux essentiels de la transition écologique dans laquelle les collectivités territoriales, surtout les communes, ont un rôle crucial à jouer. Rappelons que 400 millions de mètres carrés doivent faire l'objet de rénovations et que 75 % de cette superficie est détenue par les collectivités, notamment du fait du grand nombre d'établissements scolaires.
Le financement de ces travaux est un défi important pour les collectivités, déjà très affaiblies financièrement du fait de la baisse drastique de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ,
M. Charles Sitzenstuhl s'exclame
du détricotage de la fiscalité locale et de l'ensemble des surcoûts auxquels elles doivent faire face, qui grèvent leur capacité d'autofinancement pour investir.
Pourtant, il n'est plus possible d'attendre. C'est dans ce contexte que le groupe Renaissance a présenté cette proposition de loi. Sur la forme, je regrette une nouvelle fois l'usage détourné de la proposition de loi, qui permet de s'affranchir de l'étude d'impact. Mais, sur le fond, le texte propose une expérimentation de tiers-financement pour les marchés globaux de rénovation souscrits dans le cadre de contrats de performance énergétique (CPE). Par ce mécanisme, le donneur d'ordre public aura la possibilité de payer la rénovation par le biais d'un loyer versé à l'opérateur privé après la réalisation des travaux. Un tel mécanisme s'inspire en grande partie des partenariats public-privé, à la différence notable que, formellement, la maîtrise d'ouvrage reste à la main du donneur d'ordre public.
Nous reconnaissons que le dispositif prévu permettra d'accompagner la rénovation énergétique, en levant les freins aux investissements pour les petites communes. Pour autant, il faut toujours être attentif, voire méfiant, concernant les mécanismes de contractualisation entre le secteur privé et les collectivités publiques. Depuis de nombreuses années, le développement des PPP a en effet montré les limites de ces mécanismes : surcoûts importants, renforcement du monopole des grands acteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP), dégradation du rapport de force entre les décideurs publics et les prestataires. On peut également craindre qu'un investissement sous forme de contrat global avec tiers-financement ne soit effectivement plus coûteux pour la puissance publique, compte tenu des intérêts.
Malgré tout, on peut comprendre son intérêt et son utilisation par une collectivité, puisqu'il débloquera la contrainte de financement. En revanche, on ne comprendrait pas son utilisation par l'État central, qui ne rencontre pas ce type de contrainte.
Le dispositif est également un pont d'or pour les grands groupes du BTP, qui disposent d'une trésorerie importante leur permettant de pratiquer le tiers-financement. Il a donc l'inconvénient d'exclure les très petites et petites et moyennes entreprises (TPE-PME) alors qu'il serait essentiel de les favoriser pour des motifs économiques, sociaux et environnementaux.
Enfin, le dispositif risque de conduire à une dégradation du rapport de force entre décideurs publics et candidats prestataires en n'empêchant pas ces prestataires d'imposer leurs conditions malgré les garde-fous prévus par le texte. Comment ces derniers pourront-ils être pleinement appliqués dans le cadre d'une discussion bilatérale avec un groupe privé ?
En conséquence, nous regrettons que les auteurs de la proposition de loi aient laissé de côté l'option d'un tiers-financement public – jamais cette possibilité n'a été mise sur la table. Il aurait pourtant été possible d'imaginer un dispositif permettant aux collectivités de conserver la main sur leurs investissements. Nous déplorons, comme nous l'avons déjà fait, le rôle encore trop limité de la Caisse des dépôts, ainsi que celui de la Banque publique d'investissement (BPIFrance), qui doit devenir un pôle public moteur de la transition écologique.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine – NUPES ne pourra donc formellement soutenir ce texte. Pour autant, face à l'urgence et à la situation particulièrement délicate des collectivités, nous ne souhaitons pas entraver la mise en place de cette expérimentation. Nous nous abstiendrons et serons particulièrement attentifs aux conclusions des premières évaluations.
L'urgence énergétique se fait de plus en plus pressante, dans tous nos territoires. Le constat est le même partout : l'explosion des tarifs de l'électricité et du gaz grèvent les budgets publics, et l'état de certains bâtiments est plus qu'inquiétant. Cet hiver, nous avons tous été choqués de constater que certains locaux d'administration, de services publics, voire certains lycées, n'étaient pas chauffés.
Pourquoi ce retard ? Il faut sans doute chercher du côté du manque de moyens : rénover près de 380 millions de mètres carrés de bâtiments publics est un défi coûteux, c'est indéniable. Mais le coût de l'inaction est tout aussi élevé.
Votre texte présente des avancées et un nouvel outil au service des élus locaux, en ouvrant le tiers-financement aux collectivités pour la rénovation énergétique de leurs bâtiments. Cependant, soyons réalistes, ce n'est pas avec cette proposition de loi, modeste, que nous accélérerons la transition énergétique du parc public.
Lors des débats sur le budget 2023, et c'est un rappel utile, plusieurs amendements de toutes les oppositions avaient été adoptés afin de renforcer les efforts budgétaires en faveur de la rénovation thermique. Ils n'ont malheureusement pas été repris suite à l'utilisation de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution par le Gouvernement.
Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires salue l'adoption de la présente proposition à l'unanimité des groupes présents, tant à l'Assemblée qu'au Sénat. C'est un signal positif, même si le rythme des rénovations dans le parc public est encore trop modeste. À qui la faute ? Après dix ans d'existence, les CPE n'ont, semble-t-il, pas convaincu. L'Observatoire des CPE identifie seulement une petite quarantaine de contrats en 2021, alors qu'ils génèrent en moyenne des économies d'énergie de l'ordre de 30 %, ce qui est loin d'être négligeable.
En dépit de leur promesse de performance thermique, les CPE ont un inconvénient de taille – leur coût. Notre groupe a entendu la demande de certaines collectivités en faveur de davantage de souplesse. En l'espèce, le recours au tiers-financement, avec paiement différé, a l'avantage de ne pas conduire à un décaissement initial substantiel et permet d'étaler le paiement des travaux après leur réalisation, et donc de bénéficier des économies d'énergie qui en résultent.
Le mécanisme est intéressant, mais notre groupe a exprimé quelques réserves en première lecture. La première tenait à la trop grande proximité avec les marchés de partenariat – on ne peut passer sous silence les risques qui entourent ces marchés. Il y a quelques années, le Sénat leur avait consacré un rapport dans lequel il les qualifiait de bombe à retardement. Notre groupe salue la réécriture proposée par le rapporteur, qui améliore la lisibilité du dispositif, tout en différenciant clairement CPE et partenariats public-privé.
Deuxième réserve, il ne faut pas oublier que le paiement différé que le texte autorise donnera lieu à un remboursement, certes étalé, mais avec des intérêts. Concrètement, nous autorisons les collectivités à investir au-delà de leur capacité budgétaire, ce qui peut constituer un risque. Il faudra de la prudence. En ce sens, notre groupe salue la rédaction issue de la CMP, qui limite le recours au tiers financement aux seuls cas où l'étude préalable aura démontré qu'il s'agit de l'option la plus favorable pour opérer les rénovations. Ce cadre permettra de préserver à la fois la recherche de performance thermique et la bonne gestion des deniers publics.
Enfin, il ne faut pas oublier que les collectivités ne sont pas toutes égales face à ces travaux. Sur ce point, le choix du Sénat d'inclure pleinement les intercommunalités dans le texte va dans le bon sens. La mutualisation des moyens ainsi permise sera utile, en particulier pour des contrats globaux qui concernent la rénovation de plusieurs écoles, dans les communes les plus modestes ou situées en zone rurale. Néanmoins, ce dispositif ne résout pas tout ; des fractures territoriales persisteront. Ancien élu local d'un petit territoire, je connais les difficultés, en matière de financement comme de technicité de la commande publique, qui peuvent constituer autant d'obstacles pour les collectivités locales. Il faudra que l'État accompagne vraiment les collectivités pour assurer l'ingénierie de ces contrats.
En dépit de ces réserves, en grande partie déjà levées, le groupe LIOT salue le choix d'introduire une expérimentation raisonnable de cinq ans, avec la remise d'un rapport à mi-parcours. Nous voterons donc le texte.
Pour la seconde et dernière fois, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi visant à autoriser, à titre expérimental, l'État et les collectivités territoriales à déroger à l'interdiction du paiement différé dans le cadre des marchés globaux de performance énergétique. La commission mixte paritaire a adopté le 9 mars dernier un texte enrichi par les deux chambres qui composent notre parlement. Je tiens à saluer le travail des rapporteurs, notamment Thomas Cazenave, ainsi que des députés et sénateurs investis sur ce texte, qui ont permis son adoption à l'unanimité plusieurs fois au cours de la navette.
La présente proposition de loi vise à massifier et à accélérer le mouvement de rénovation énergétique des bâtiments publics. Beaucoup sont responsables d'une consommation et d'une perte d'énergie considérables. Le lissage du coût de la rénovation énergétique, grâce au tiers financement, facilitera le déclenchement de la décision publique et les économies ainsi dégagées contribueront au remboursement progressif de ces investissements.
Par ailleurs, le texte s'inscrit dans une politique plus vaste : le plan de relance prévoit que 4 milliards d'euros seront consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments et de nouvelles obligations s'imposent, relatives aux objectifs de réduction de la consommation d'énergie et de neutralité carbone pour 2050.
Le dispositif proposé tend à remédier au trop faible recours aux contrats de performance énergétique pour la rénovation des bâtiments publics. Il prévoit un mode de financement innovant, il met un nouvel outil juridique à la disposition de l'État et des collectivités territoriales et il offre de nouvelles solutions aux élus.
La présente proposition de loi permet donc de combiner les avantages du marché global de performance énergétique avec une possibilité de tiers financement, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans. Elle prend place dans un mouvement plus général qui devra s'accompagner d'une réflexion collective sur l'incitation à la bonne dette, afin de lever les freins politiques que nous concevons tous aisément et de bien accompagner les collectivités. Dans ce domaine, nous pourrons d'ailleurs suivre les travaux que vous menez actuellement, monsieur Cazenave, au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Le texte issu de la CMP contient également des avancées qui vont dans le sens de l'assouplissement du dispositif déjà permis au cours de la navette, tout en confortant la sécurité juridique de l'outil et donc des futurs chantiers d'envergure. Par exemple, la suppression du seuil minimal de 2 millions d'euros rendra le dispositif plus accessible aux plus petites communes ainsi qu'aux PME. Je pense également à l'exigence du « bilan plus favorable », remplacée, pour des raisons constitutionnelles, par une étude préalable démontrant que le recours au dispositif créé est plus favorable, notamment en matière de performance énergétique, que d'autres modes de réalisation du projet. À des fins de prévisibilité et de transparence, les personnes publiques, pour conclure ces contrats, devront toujours démontrer la soutenabilité budgétaire du projet. Le suivi des résultats de performance de chaque bâtiment a été légèrement assoupli afin de préserver la capacité du maître d'ouvrage de mutualiser des résultats de performance énergétique à l'échelle de son parc immobilier. Enfin, l'expérimentation a été utilement étendue aux actions de mutualisation des travaux de rénovation énergétique que mènent les EPCI et les syndicats d'énergie. Le suivi de la dérogation au code de la commande publique sera assuré grâce au rapport d'évaluation, étoffé par l'ensemble des groupes.
Ainsi, au regard des travaux menés, des objectifs poursuivis et des outils que la proposition de loi met à disposition de l'État et des collectivités territoriales, le groupe Renaissance votera le texte issu des travaux de la CMP, afin qu'il soit opérationnel dès que possible. Il contribuera très utilement à atteindre les objectifs fixés en matière de transition énergétique et à satisfaire à la nécessité impérieuse d'accélérer le mouvement de rénovation énergétique des bâtiments.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Depuis plusieurs années, nous assistons à une véritable inflation normative qui pèse sur tous les acteurs publics, au premier rang desquels les collectivités territoriales. Entre des lois parfois bavardes et imprécises, dont nous ne manquons malheureusement pas d'exemples récents, et des décrets d'application parfois incompréhensibles voire contradictoires, tout projet d'investissement public tend à devenir un parcours du combattant.
L'AMF – Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité – soulignait ainsi récemment qu'au cours des vingt dernières années, le nombre de mots du code de la construction et de l'habitation a doublé, et que celui du code de l'environnement a été multiplié par dix. Nous sommes bien loin de Boileau et du temps où ce qui se concevait bien s'énonçait clairement, même s'il semble que les mots pour le dire parviennent trop aisément.
Pour la période allant de 2017 à 2022, la direction générale des collectivités locales (DGCL) chiffre à près de 2 milliards d'euros le coût pour nos collectivités de cette inflation normative. Tout projet implique de multiples études, rapports, diagnostics et autres inventions parfois kafkaïennes, qui en augmentent le coût comme les délais.
Si on ajoute à cela la perte progressive de l'autonomie fiscale, on comprend que de nombreux maires hésitent de plus en plus à investir ou à construire, en dépit des besoins. La complexité décourageante et les risques juridiques sont alors à comparer avec le faible bénéfice attendu. Une telle situation risque d'entraîner de lourdes conséquences, dès les prochains mois. Le ralentissement brutal de la construction de logements neufs – privés et sociaux, puisque la plupart des opérations sont mixtes – aggravera les problèmes de logement de nombre de nos concitoyens, et risque en sus d'entraîner une forte crise du secteur BTP, avec un effet non neutre sur l'emploi.
Au milieu de ces ténèbres législatives, encore épaissies par le projet de réforme des retraites, reconnaissons que cette proposition de loi dessine un petit rai de lumière.
Pour une fois, ce texte offre un peu d'air et de liberté – le moyen de faciliter la vie des acteurs publics. C'est assez rare en cette période pour être souligné. Qui plus est, il concerne la rénovation énergétique des bâtiments publics, laquelle s'annonce comme un défi majeur pour les années à venir. Dans ce secteur, beaucoup d'erreurs ont été commises ; nous aurons un jour l'occasion de débattre à nouveau des interdictions progressives, dans les prochaines années, de louer des biens catalogués G, puis F, puis E, dont l'incidence sur un marché de la location déjà souvent tendu n'a pas été anticipée. Mais c'est un autre débat.
S'agissant des bâtiments publics, nombre d'acteurs, notamment les petites collectivités, ne disposent pas forcément de l'ingénierie nécessaire à la conception d'opérations de rénovation parfois complexes ; elles disposent encore moins de la capacité technique d'en assurer le suivi et la mesure des objectifs. Et c'est sans parler des difficultés de financement, encore accrues par le contexte économique.
La contradiction était donc évidente entre cette situation et la volonté louable d'agir vite, pour préserver tant l'environnement que l'économie, eu égard à la flambée des prix de l'énergie, elle-même en grande partie la conséquence des erreurs et des errements de nos gouvernements successifs, l'actuel n'étant pas en reste en la matière.
À titre expérimental et pour cinq ans, avec la remise au bout de trois ans d'un rapport détaillé, le texte autorise la conclusion de marchés globaux de performance pour la rénovation énergétique, avec paiement différé. Selon le code de la commande publique, le marché global de performance « associe l'exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance ». Cette mesure aidera à résoudre les difficultés d'ingénierie et de suivi, ce dernier devenant l'affaire du prestataire qui se sera engagé sur des résultats mesurables. Surtout, elle autorise à différer le paiement, donc à lisser le coût d'investissement et à externaliser la maintenance, en la confiant à des professionnels, garantissant les économies prévues.
En outre, la possibilité offerte aux EPCI d'agir pour le compte de leurs communes membres, par une convention ad hoc, peut véritablement aider les communes. Contrairement aux transferts obligatoires de compétences, ce dispositif offre, pour une fois, un exemple de ce qu'une intercommunalité peut apporter à ses membres – de quoi, là encore, inspirer d'autres débats que nous ne manquerons pas d'avoir un jour prochain.
Une fois encore, dans ce domaine comme de manière plus générale, nous regrettons que le code de la commande publique ne permette pas de favoriser réellement les entreprises locales. Il conviendrait au minimum de pouvoir intégrer correctement et pleinement nos PME au dispositif. Il n'en demeure pas moins que, dans le cadre juridique existant, ce texte est le bienvenu pour les acteurs publics comme pour les entreprises : il concourt à faciliter et à accélérer les actions de rénovation énergétique. C'est la raison pour laquelle le groupe Rassemblement national votera en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Avec ce texte, vous nous proposez d'inclure un tiers dans le financement des rénovations énergétiques des bâtiments. Le tiers réalise l'investissement et le bénéficiaire des travaux lui rembourse l'avance et les intérêts à la livraison des travaux. Or le code de la commande publique interdit tout paiement différé dans les marchés passés par l'État, les établissements publics ou les collectivités territoriales, le préfinancement étant réservé aux marchés de partenariat, qui sont plus strictement encadrés. Avec cette proposition de loi, vous voulez donc instaurer une dérogation au code de la commande publique, en faveur des contrats de performance énergétique.
C'est incontestable, les bâtiments publics doivent faire preuve d'exemplarité, puisqu'ils sont responsables de 76 % de la consommation énergétique des communes. Leur rénovation énergétique constitue donc un investissement essentiel pour les acteurs publics, et le rythme des rénovations engagées est insuffisant.
Les bâtiments publics représentent une partie très importante du parc immobilier à rénover : toutes les organisations et associations qui œuvrent pour le développement durable recommandent de s'y atteler. Toutefois les mesures qui nous sont proposées aujourd'hui ne sont que parcellaires et ne suffisent pas à relever le défi colossal de la rénovation thermique, pourtant incontournable.
Depuis le début de l'examen de ce texte, notre question demeure la même : qu'est-ce qui justifie qu'on privilégie ce mode-là de financement, plutôt que celui prévu par le code de la commande publique ? La réponse est certainement la manne financière que le marché de la rénovation thermique représente pour les entreprises privées. Pourtant, au regard de son ampleur, il semblerait judicieux de sous-peser tout mécanisme financier simplifiant le recours à celles-ci plutôt qu'à des acteurs publics.
De plus, votre groupe paraît quelque peu hypocrite de défendre un tel texte après son refus de voter les amendements au projet de loi de finances défendus par la NUPES, relatifs à la rénovation thermique des logements individuels. Pire, le Gouvernement a supprimé les 12 milliards d'euros qui avaient été votés malgré vous pour augmenter les crédits affectés au dispositif MaPrimeRénov' Sérénité.
Puisque vous avez balayé d'un revers de main un tel budget pour financer la rénovation thermique, je réitère ma question : est-ce bien la volonté de vous atteler sérieusement à cette tâche qui vous anime, ou plutôt les intérêts financiers du secteur privé ?
En matière de rénovation thermique des bâtiments publics, nous sommes plus généralement confrontés à un problème de structuration de la filière et à une pénurie de main d'œuvre, faute d'offres de formation. À tout le moins, les établissements publics et les collectivités territoriales, ainsi que l'État, devraient pouvoir conduire les marchés publics dans ce domaine sans avoir à passer par un mécanisme de tiers financement, avec des appels d'offres classiques, voire avec des investissements propres.
Le texte, dans sa version modifiée en première lecture à l'Assemblée, puis au Sénat et enfin en commission mixte paritaire, encadre davantage le recours au tiers financement par dérogation au code de la commande publique. Mais il reste en complet décalage avec ce qu'il est nécessaire et urgent de faire en la matière – sans grande surprise étant donné la suppression, fait du Gouvernement, d'un budget de 12 milliards d'euros pour la rénovation thermique, il y a quelques semaines à peine.
Néanmoins, le groupe La France insoumise s'abstiendra, en attendant un gouvernement et une assemblée renouvelés, qui ne trembleront pas pour renforcer l'État et les collectivités territoriales en prélevant sur les superprofits les budgets utiles à cette cause environnementale majeure.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Bien que l'ambiance sociale soit particulièrement tendue et bien que les préoccupations et les priorités du Président de la République semblent avoir changé depuis quelques heures,…
…il n'empêche que les défis auxquels notre nation et notre planète auront à faire face s'articulent tous autour du changement climatique. Celui-ci touche chacun de nos territoires, bouleverse nos modes de vie et pousse à une modification de l'économie, ainsi qu'à la rapide organisation de sa décarbonation.
La transition du système productif tourne autour de la question énergétique et en particulier de notre capacité à économiser l'énergie. Cette économie passe par la baisse de la consommation des énergies carbonées, largement utilisées pour le chauffage des bâtiments, et par la baisse de la consommation d'électricité liée au chauffage également, lorsque c'est possible, puisque nous aurons besoin de cette électricité pour de nombreux nouveaux usages. En France, l'énergie électrique est particulièrement décarbonée, grâce au système construit autour du nucléaire et de l'hydroélectricité.
Malheureusement, le modèle économique de la rénovation thermique des bâtiments n'est pas solide. Il n'est pas très rentable de rénover un bâtiment : malgré les économies d'énergie importantes, les coûts d'investissement sont bien trop élevés par rapport aux cycles économiques permettant les retours sur investissement. Il est donc nécessaire de créer des outils publics pour accompagner la rénovation énergétique et les économies d'énergie qu'elle représente. J'ai entendu notre collègue de la majorité appeler à la massification des efforts, mais les seuls mécanismes financiers ne suffiront pas. Nous ferons face à un problème d'offre en matière de compétences et de disponibilité des entreprises d'artisanat, qu'il nous faudra résoudre.
Pour relever le défi de la rénovation énergétique, le groupe Les Républicains considère que la solution consistera toujours à donner plus de liberté aux territoires et aux collectivités territoriales. Plutôt que d'organiser et d'administrer toujours davantage le pays, c'est la libéralisation des initiatives individuelles et des projets des collectivités territoriales qui permettra de le relever. Nous devons également veiller à l'exemplarité de l'action publique en matière de rénovation énergétique ; ce texte permettra peut-être d'y contribuer.
À l'occasion de sa première lecture, nous avions signalé quelques points de vigilance : il ne faudrait pas que ce mécanisme devienne aussi complexe que les partenariats public-privé. Monsieur le rapporteur, nous avons déjà eu l'occasion d'en parler : ce texte se prémunit de ce risque, mais méfions-nous tout de même de ce qui pourrait advenir, en raison de sa déclinaison administrative et, le cas échéant, des jurisprudences qui pourraient en découler. Nous devons dès maintenant, en tant que législateur, exprimer cette vigilance à l'attention de ceux qui devront interpréter nos décisions. Ce texte a vocation à rester simple et facile à appliquer, et non à devenir – permettez-moi l'expression – une usine à gaz.
J'espère qu'à terme, cette expérimentation pourra être élargie à d'autres sujets qui concernent les collectivités territoriales. a priori, il n'y a pas de raison de la cantonner à la seule rénovation énergétique, même si je comprends que c'est une priorité par le biais de laquelle on peut pousser la porte.
Je salue le travail de simplification effectué à l'occasion de la discussion parlementaire, de la navette et de la commission mixte paritaire, sur les questions de la rénovation d'ensembles et sur l'accès à ce dispositif pour toutes les collectivités. Je salue également l'ouverture dont a fait preuve le rapporteur.
Enfin, attention à ne pas nous concentrer uniquement sur l'arbre qui cache la forêt. Cette forêt, c'est évidemment la complexité des marchés publics. En France, les moins bons acheteurs sont les collectivités : nécessairement, les règles administratives augmentent les coûts, transforment les collectivités en mauvais acheteurs…
…et font payer plus cher aux contribuables des investissements qui sont généralement plus simples dans le privé. Voilà les différents points de vigilance que je tenais à exposer, tout en vous assurant du soutien du groupe Les Républicains à l'adoption de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
En France, les bâtiments publics s'étendent sur 380 millions de mètres carrés, dont les trois quarts appartiennent aux collectivités territoriales. Il s'agit d'un ensemble hétéroclite, qui va des cités administratives aux mairies de village, des écoles aux universités, des hôpitaux aux foyers d'hébergement et aux parcs de loisirs. Si la rénovation énergétique des bâtiments publics est un impératif pour tenir nos engagements climatiques, c'est aussi un levier stratégique pour atteindre la sobriété énergétique en réalisant des économies d'énergie.
Pour répondre à ce défi majeur, le Gouvernement a fait du plan de relance une priorité, soutenant désormais 4 000 bâtiments appartenant à l'État et 265 bâtiments des collectivités locales. À l'occasion du Salon des maires et des collectivités locales, le ministre de la transition écologique a annoncé « qu'un dispositif de tiers financement [était] envisagé pour favoriser la rénovation des bâtiments publics ». Ces propos faisaient suite à l'annonce du Président de la République relative à la rénovation des écoles, le 18 novembre dernier, lors des Vingt-quatre Heures du bâtiment. Tel est le contexte dans lequel s'inscrit le présent texte.
Le groupe Démocrate et moi-même tenons à saluer cette proposition de loi, qui tend à accélérer et à favoriser la réalisation d'économies d'énergie. La rénovation thermique ayant un intérêt tant pour la sobriété énergétique que pour les finances locales, la souplesse ainsi apportée facilitera, de fait, le déclenchement des travaux de rénovation. Ainsi, par la mise en œuvre du tiers financement, la personne publique pourra déroger à l'interdiction du paiement différé, qui constitue un principe fort de la commande publique. Les acteurs publics pourront dès lors obtenir un lissage du paiement dans le cadre de la rénovation de leurs bâtiments, avantage que nous ne saurions ignorer.
Le texte avait été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 16 janvier dernier ; des modifications y ont été apportées par le Sénat au cours de la navette parlementaire. La présente version étend le bénéfice de l'expérimentation à la prise en charge des travaux de performance énergétique par les EPCI et les syndicats d'énergie. Elle assouplit également les conditions d'application du dispositif expérimental, afin de le rendre plus opérationnel, en précisant qu'il peut intervenir si le bilan préalable est au moins aussi favorable que les autres contrats. Enfin, elle accroît le degré attendu de précision de l'étude de soutenabilité budgétaire, celle-ci devant identifier clairement les incidences budgétaires pour chacune des parties prenantes, lorsque le marché est conclu pour le compte de plusieurs personnes morales.
Ce travail collaboratif et les améliorations apportées par le Sénat démontrent que le travail parlementaire peut se faire en bonne intelligence, de manière raisonnée, dès lors que les postures dogmatiques cessent. Cette capacité au consensus, à l'écoute et à la coconstruction doit nous animer, quel que soit le texte de loi. Si les désaccords, les débats, les échanges sont bénéfiques et participent au bon fonctionnement de la démocratie, les clivages, la démagogie et le populisme en sont les fossoyeurs. Retenons que la coconstruction a su faire passer l'intérêt général en premier. À l'issue de la commission mixte paritaire, dont je me réjouis qu'elle ait été conclusive, le groupe Démocrate se prononcera en faveur de la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
La meilleure énergie est celle que nous ne dépensons pas. Pour faire des économies d'énergie, il faut agir dès maintenant, idéalement avec un plan massif d'isolation des bâtiments. Mais ce n'est pas l'objet de ce texte, qui permet cependant d'aider les collectivités à avancer. Avec des écoles où la température descend en dessous de zéro en hiver et atteint des niveaux intolérables en été, des hôpitaux exsangues qui croulent sous les factures d'énergie, sans parler des pompiers et d'autres services publics, l'urgence, partout, est réelle.
Les contrats de rénovation énergétique prévus dans ce texte peuvent être des outils utiles, mais l'urgence ne saurait tout autoriser. Vous vous en doutez, nous n'aurions pas proposé le même type de texte. Cependant, depuis le début de la législature, la NUPES a toujours œuvré à faire progresser les textes, quand celles et ceux qui les défendaient avaient la volonté de construire, d'écouter et de prendre en compte les avis étayés – tel est le cas pour celui-ci. Nous avons donc été attentifs à ce que cette proposition de loi permette d'aller dans le bon sens, ou qu'à tout le moins, elle n'aille pas dans le mauvais.
La première version du texte posait problème en ce que le dispositif prévu n'était pas sans rappeler les partenariats public-privé, qui ont laissé des traces et des craintes dans les collectivités. L'expérimentation que vous proposez, fruit du travail des commissions de l'Assemblée et du Sénat – un véritable travail des deux assemblées, contrairement à d'autres lois, malgré ce qu'on nous raconte –, permettra de dresser le bilan des mécanismes qui fonctionnent, d'identifier ceux qui ne donnent pas satisfaction et d'apporter des améliorations. J'ai entendu, dans les interventions précédentes, la reconnaissance unanime de la réussite du travail en commun, pour peu que l'on s'en donne les moyens.
Les collectivités qui n'ont pas les ressources nécessaires pour mener à bien la rénovation énergétique pourront trouver des financements pour engager des chantiers nécessaires, en particulier les plus petites d'entre elles, les communes rurales et toutes celles, grandes ou petites, dont les dettes liées à l'explosion des prix de l'énergie s'entassent.
Les écologistes n'ont pas de position dogmatique sur la dette, qui peut être un désagrément, mais aussi un outil dès lors qu'elle permet d'investir et de construire dans l'intérêt général, pour lutter contre le réchauffement climatique par exemple – je me permets ce rappel, puisqu'on parle beaucoup de dogmatisme. Dans ces conditions, nous sommes favorables à la dette. En revanche, la dette climatique qui se creuse est un souci : elle porte atteinte à la fois à notre santé et à notre économie. Chaque jour passé sans agir la fait augmenter de manière exponentielle. Quant à la dette du système de retraite, c'est une belle chimère !
Le groupe Renaissance choisit avec ce texte de considérer que la dette peut être bonne ; je le note et vous en ai félicité, monsieur le rapporteur. J'espère que vous avez transmis cette information au ministre des finances, car il serait bon qu'il en prenne connaissance, tout comme le Président de la République.
Ce texte technique n'aura peut-être pas électrisé l'hémicycle, qui n'est pas tout à fait au complet, mais il permettra d'aider concrètement les collectivités dans leur travail d'isolation des bâtiments et donc dans un travail de résistance et de résilience face au réchauffement climatique. La sécheresse historique que nous avons connue cet hiver se prolongera au printemps et se poursuivra l'été prochain. Elle met en difficulté le pays tout entier. Les températures caniculaires des étés passés sont probablement les plus fraîches que nous connaîtrons pendant le reste de notre vie. Il est urgent d'agir, car les difficultés s'accumulent à tous les niveaux et sont coûteuses : pour les deniers publics, pour la santé, pour l'avenir et pour le climat. Ce texte n'a peut-être pas su écarter tout risque de dérive vers le privé, mais il représente un outil sincère de transition énergétique.
La coalition présidentielle a beaucoup moqué et vilipendé les écologistes pendant l'examen des textes relatifs aux énergies renouvelables et à l'accélération du nucléaire. Nous avons voté ce dernier hier, malgré un rapport de la Cour des comptes confirmant que nous avions raison d'alerter sur l'usage de l'eau pour les centrales nucléaires. Il est fort dommage que les législateurs n'en aient pas eu connaissance avant de voter. Malgré ces moqueries, nous sommes là pour soutenir les textes qui vont dans le bon sens et pratiquer la coconstruction ; face à nous pourtant, celle-ci n'est parfois qu'un mot, utilisé comme un chiffon rouge, sans jamais être une réalité.
Merci, monsieur le rapporteur, de nous permettre de souligner que les choses vont parfois dans le bon sens, comme c'est le cas aujourd'hui. Nous avons voté pour ce texte en commission et en commission mixte paritaire, nous voterons donc en sa faveur aujourd'hui encore.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Gérard Leseul applaudit également.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Henri Alfandari.
Nous sommes arrivés à un consensus heureux. Après l'enrichissement du texte par nos collègues sénateurs, une discussion fructueuse en commission mixte paritaire a permis de s'accorder sur le nécessaire assouplissement du régime juridique des contrats de performance énergétique. Je salue à cet égard le travail des rapporteurs des deux assemblées.
Si cette loi est votée, l'État, ses établissements publics et les collectivités territoriales pourront, pendant cinq ans et à titre expérimental, afin de financer la rénovation énergétique des bâtiments publics, bénéficier du régime plus souple du marché de partenariat, qui autorise notamment le recours à un tiers financeur.
Cette rénovation est absolument nécessaire et constitue un élément incontournable pour atteindre notre objectif zéro carbone d'ici à 2050. Avec 380 millions de mètres carrés, soit 37 % du parc tertiaire national, l'État et les collectivités locales ont une responsabilité particulière dans cette rénovation, mais aussi un devoir d'exemplarité.
L'État n'a pas ménagé ses efforts pour accompagner cette transition et a investi massivement dans cette rénovation. Il y a consacré une enveloppe de 4 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance, en faisant ainsi une véritable priorité du Gouvernement. Depuis, les collectivités territoriales disposent, dans le cadre du grand plan d'investissement 2018-2022, de 3 milliards d'euros. Lors de l'examen en séance publique à l'Assemblée, le ministre Christophe Béchu a décidé de lever le gage. Nous saluons ce choix politique déterminant.
Les barrières qui se dressent sur le chemin de la rénovation énergétique des bâtiments publics ne sont pas seulement d'ordre financier, elles sont aussi juridiques. Rappelons qu'en l'état du droit, ces contrats sont soumis au régime particulièrement contraignant des marchés publics globaux, qui interdit notamment toute forme de paiement différé. Or réaliser des travaux de rénovation énergétique constitue souvent, en particulier pour les collectivités territoriales, un investissement important, et malheureusement, cela freine le rythme des rénovations du parc immobilier public.
Grâce au travail de la commission mixte paritaire, le texte initial a été enrichi et un point d'équilibre a été trouvé, notamment sur la question de l'étude préalable. Ainsi, le recours à ce type de contrat sera conditionné à une démonstration préalable de son intérêt par rapport aux autres types de contrats. En outre, les apports du Sénat ont permis d'encadrer et de sécuriser financièrement ces investissements. En effet, il a notamment introduit la réalisation d'une étude de soutenabilité budgétaire, qui précise les engagements financiers supportés par chacun, lorsque le marché global de performance est conclu pour les besoins de plusieurs personnes morales.
Le caractère expérimental de ces modifications et le rapport qui sera réalisé à l'issue des cinq années permettront sans aucun doute d'observer si le régime juridique contraignant était véritablement un frein à l'engagement de tels travaux, mais également de s'assurer qu'un tel dispositif ne conduise pas à accroître trop fortement le taux d'endettement des collectivités, en particulier des plus petites.
Il nous semble déterminant que les tiers financeurs participent à dynamiser les bassins d'emploi, en recourant à une sous-traitance locale à laquelle la collectivité aurait fait appel dans le cadre d'un marché public global classique. Ainsi, comme les dispositions du code de la commande publique le prévoient, il est heureux que, pour chaque marché, au moins 10 % de l'exécution du contrat soit confiée à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans. Tel est le but de cette expérimentation.
Simplifier et fluidifier pour verdir la commande publique, voici l'objectif louable que cette proposition de loi s'est fixé et que le groupe Horizons et apparentés soutiendra. Nous voterons donc en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Nous nous sommes collectivement fixé des objectifs ambitieux de neutralité carbone dès 2050, avec une division par six au moins des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. À ce titre, la rénovation énergétique des bâtiments est un axe majeur pour limiter les émissions et atteindre nos objectifs.
En ce qui concerne le parc public, et hors marchés de partenariat, le code de la commande publique interdit tout paiement différé ou préfinancement dans les marchés passés par l'État et ses établissements publics, et les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements. La proposition de loi vise à déroger au droit de la commande publique, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, s'agissant de l'interdiction de recourir au paiement différé pour la rénovation d'un ou plusieurs bâtiments publics.
Étant donné qu'il convient d'accélérer sur la question de la rénovation énergétique des bâtiments publics, il nous semble opportun de soutenir cette proposition, tout en exprimant quelques réserves. D'une part sur la forme, cette proposition a été examinée dans le cadre de la procédure accélérée. La pratique est devenue si courante que nous n'y faisons plus réellement attention.
Pourtant, le respect de la Constitution voudrait que, sauf motif légitime et impérieuse nécessité, les textes soient soumis à deux lectures par assemblée parlementaire. Malheureusement, d'autres textes, dont certains très importants, ont été examinés dans des délais contraints et déraisonnables, et parfois ont fait l'objet de procédures d'exception.
D'autre part, sur le fond, en élargissant le recours au préfinancement de la dépense publique, la proposition de loi comporte un niveau de risque élevé si les engagements pris ne sont pas suffisamment encadrés. En effet, alors même que le principe de ces contrats est de protéger la personne publique contre les risques de dérives des coûts, dans la réalisation de projets publics, ils peuvent être eux-mêmes porteurs de risques budgétaires.
Le mécanisme prévoit certes un ensemble d'engagements – certains fermes, d'autres conditionnels, certains explicites, d'autres moins –, mais pourrait comporter à la fois un risque lié au montage et un risque plus systémique, lié au cumul de montages pesant sur les finances locales.
Heureusement, le texte, enrichi en commission, prévoit désormais que ces marchés devront indiquer la part du prix qui est consacrée au financement du projet, et les collectivités identifier le montant de dette à comptabiliser dans leurs comptes. Elles auront ainsi l'obligation de traduire dans une annexe leurs engagements hors bilan, permettant de donner une image plus fidèle des obligations susceptibles d'entraîner des conséquences financières pour la collectivité. Dès lors, le risque sera assumé par les collectivités et non par l'État. Le texte apparaît donc en décalage avec la nécessité d'un plan public plus ambitieux.
Si les membres du groupe Socialistes et apparentés partagent l'objectif de la proposition de loi, qui vise à faciliter le financement et donc la réalisation de travaux de rénovation énergétique par les acteurs publics, plusieurs interrogations ont émergé au cours de l'examen de ce texte par la commission des lois.
La première préoccupation réside dans le risque que le tiers financement se traduise par un déséquilibre qui profiterait davantage aux tiers financeurs. La deuxième préoccupation est le risque d'endettement des acteurs publics, créé par cette nouvelle voie de financement. Enfin, la troisième préoccupation tient au fait qu'un tel dispositif n'apparaît pas suffisant pour faire face aux défis écologiques auxquels nous sommes confrontés et qui justifieraient des mesures plus ambitieuses, telle que la création d'un fonds climat-énergie régional et local pour favoriser la massification des rénovations énergétiques.
Nous avons fait des propositions en commission et posé des questions. Malheureusement, nous n'avons pas obtenu de réponses concrètes, notamment sur la proposition de créer un fonds ; nous le regrettons.
Comme nous l'avons exprimé à plusieurs reprises lors de l'examen du texte, ce nouvel outil ne représente donc pas une solution miracle, car le tiers financeur répercutera sans doute sur l'acheteur public le coût de son avance de trésorerie. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de nouvelles dispositions intéressantes, que nous soutenons.
En responsabilité et nonobstant la procédure choisie et l'absence d'engagements du Gouvernement sur le fond, mais compte tenu du renforcement des exigences relatives à la soutenabilité financière des projets, du suivi et de l'évaluation de l'expérimentation, nous voterons pour ce texte.
Je réponds à notre collègue Stéphane Peu, qui a indiqué que son groupe s'abstiendrait car la proposition réserverait le tiers financement uniquement aux acteurs privés. Or le texte ne prévoit aucune restriction : tous les acteurs publics pourront recourir à ce dispositif, qui n'est en rien réservé aux acteurs privés – nous l'avons ainsi ouvert aux syndicats d'énergie et à la Banque des territoires. J'espère que cette précision vous conduira à modifier votre vote.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 112
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 760 rectifié portant article additionnel après l'article 4.
Sur l'amendement n° 760 rectifié , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'article 4 bis, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l'amendement n° 760 rectifié .
Il concerne les sportifs de très haut niveau, qui appartiennent à un groupe cible d'un organisme sportif international ou d'une organisation nationale antidopage étrangère, ou qui participent à une manifestation sportive internationale.
Ces sportifs peuvent faire l'objet de contrôles antidopage pendant la compétition – c'est habituel, et l'amendement ne modifie pas cette disposition – ou en dehors du temps de la compétition elle-même, pendant leur préparation. Les sportifs de très haut niveau communiquent aux organismes chargés des contrôles antidopage les lieux où ils se trouvent, par géolocalisation, ainsi que les horaires auxquels ils acceptent de recevoir des contrôleurs.
Ces athlètes de très haut niveau, qui s'entraînent parfois deux fois par jour et très tôt le matin, renseignent souvent le créneau de cinq heures à six heures du matin. Or, pour effectuer un contrôle antidopage hors compétition entre cinq heures et six heures du matin, le droit actuel pose la condition qu'existent des indices graves et concordants laissant soupçonner que l'athlète a participé ou a tenté de participer à une violation des règles antidopage. L'amendement vise à supprimer cette condition pour permettre des contrôles antidopage à partir de cinq heures du matin.
Je tiens à préciser que ce contrôle qui peut être effectué à partir de cinq heures du matin sur le temps de préparation de l'athlète est compatible avec le respect de la vie privée parce que cet horaire est donné par l'athlète lui-même.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour donner l'avis de la commission.
J'apporterai quelques arguments supplémentaires à l'excellente présentation faite par Stéphane Mazars. L'amendement n° 760 rectifié est essentiel à mes yeux, d'abord et surtout dans l'intérêt des sportifs.
Les athlètes internationaux ont l'habitude et la possibilité de choisir le créneau compris entre cinq heures et six heures du matin. Ce créneau est apprécié des sportifs car il garantit qu'ils se trouvent encore à leur domicile.
Il paraît essentiel que nous puissions effectuer des contrôles sur les créneaux qu'ils définissent et auxquels ils sont habitués sans faire peser sur eux un soupçon de fraude. En effet, ceux qui auraient coché ce créneau pourraient être sanctionnés en application des dispositions du code mondial antidopage et du code du sport, pour soustraction à leur obligation de contrôle. Ne pas permettre de contrôle entre cinq heures et six heures du matin entraîne également le risque que des sportifs choisissent sciemment ce créneau en France pour éviter, tout simplement, un contrôle. Une telle situation ne peut être permise à l'aube de la Coupe du monde de rugby et, bien sûr, des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
Cette évolution législative ciblée opère une clarification attendue des instances antidopage internationales ainsi que des sportifs eux-mêmes pour que les règles applicables soient partout identiques, sans remettre en cause la protection de leurs droits constitutionnels puisque le consentement reste la condition requise.
La commission des affaires culturelles et de l'éducation émet donc un avis favorable à cet amendement.
La parole est à Mme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis favorable. Cet amendement est bien vu et bienvenu.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 59
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 45
Contre 4
L'amendement n° 760 rectifié est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 53
Contre 1
L'article 4 bis est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Sur le fondement des articles 72 et 73, relatifs aux sanctions prévues par notre assemblée. Je salue votre présidence, et vous faites le plus bel effet avec cette coiffure ,
Sourires
cependant mon message ne s'adressera pas directement à vous. Je souhaiterais que vous demandiez à la présidente de l'Assemblée nationale s'il est normal que le vice-président d'extrême droite qui était au perchoir hier ait affirmé qu'il était possible, en suivant notre règlement, d'émettre des sanctions successives. Dans notre pays, il y a des principes, notamment en matière de droit pénal : les sanctions sont explicitement prévues dans la loi, et elles ne peuvent pas être utilisées de manière autoritaire, arbitraire et successive. En vertu du principe non bis in idem que chacun connaît, on ne peut pas être condamné plusieurs fois pour les mêmes faits dans des circonstances similaires.
Vous connaissez le débat que j'ai eu avec le vice-président Sébastien Chenu sur le fait que je diffuse sur Twitch nos débats et que je les commente, usant ainsi de ma liberté d'expression.
Je souhaiterais donc que la présidente de l'Assemblée nationale prenne une position claire. À partir du moment où le règlement ne dit rien sur ce point, une décision politique d'interprétation est prise dans les interstices du règlement. Je voudrais qu'il soit assumé qu'à l'Assemblée nationale, on bascule dans autre chose qu'un fonctionnement démocratique.
Je vous remercie d'avoir remarqué mon changement de coiffure – vous pourrez féliciter Ludivine.
Sourires.
Je transmets votre demande à Mme la présidente de l'Assemblée nationale.
L'amendement défendu par mon groupe a été rédigé par M. Moetai Brotherson qui ne peut malheureusement pas être parmi nous. Il a été élaboré en lien avec le Gouvernement, les autorités locales et les députés de la Polynésie qui appartiennent à notre groupe. La formulation retenue est respectueuse de la répartition de compétences entre les institutions locales et l'État.
L'amendement vise à sécuriser les actes relatifs à la lutte antidopage accomplis par les organismes compétents en prévision des épreuves olympiques qui se dérouleront en Polynésie française.
Monsieur Peu, je vous prie de transmettre à M. Brotherson nos remerciements pour son implication, qui nous a permis d'atteindre une formulation conforme à la fois au statut de la Polynésie et à la réglementation française.
L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ne peut effectivement intervenir sur le territoire polynésien que si elle y est autorisée par les autorités locales, en respect du statut de la Polynésie française.
La rédaction que vous proposez permet d'étendre les pouvoirs d'enquêtes de l'AFLD au territoire polynésien lorsque la réglementation localement applicable le prévoit.
J'émets une simple réserve sur cette rédaction qui semble exclure de son champ les infractions commises en métropole mais consommées sur le territoire ultramarin, ce qui serait le cas d'un sportif qui achèterait un produit dopant en métropole et se rendrait à une compétition en Polynésie. Toutefois, la Polynésie rédige actuellement un nouveau code du sport, et je ne doute pas que cette question y sera prise en considération.
La commission émet donc un avis favorable.
Avis favorable. Nous saluons l'amélioration de la rédaction proposée par la NUPES.
L'amendement n° 653 est adopté.
Sur l'article 5, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l'amendement n° 137 .
L'article 5 étend les dispositifs de peines et de sanctions en cas de dopage à l'ensemble de la Polynésie française, alors que l'unique discipline des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 qui aura lieu en outre-mer se tiendra à Tahiti, où le site de Teahupoo accueillera les épreuves de surf. Afin d'éviter toute déviance, cet amendement de bon sens tend à préciser les sites concernés par les dispositions de l'article.
L'alinéa 3, que votre amendement tend à modifier, n'a pas pour objet d'étendre les peines et sanctions en cas de dopage à l'ensemble de la Polynésie française, mais d'étendre les pouvoirs d'enquête de l'AFLD à la collectivité ultramarine, dans le respect du principe de spécialité.
Sur le plan pratique, vous conviendrez que restreindre la lutte contre le dopage aux seuls sites des Jeux en limiterait l'efficacité, voire l'annulerait totalement. En outre, d'un point de vue juridique, dès lors qu'il n'y a pas d'élément d'extranéité, la loi pénale s'applique sur l'ensemble du territoire : il n'est pas possible d'en réserver l'application aux seuls sites olympiques. Avis défavorable.
Même avis : les cas de dopage constituent des violations du code pénal qui peuvent être commises dans tout le territoire. Il est donc important de pouvoir enquêter partout.
L'amendement n° 137 n'est pas adopté.
Je défendrai également l'amendement n° 502 , madame la présidente. L'article 5 vise, entre autres, à modifier le code du sport afin d'autoriser les agents de l'Agence française de lutte contre le dopage à communiquer aux autorités judiciaires et administratives de l'État et de la Polynésie française chargées de la lutte contre le dopage les renseignements relatifs à des faits susceptibles de constituer des violations et infractions pénales aux dispositions de lutte contre le dopage.
S'il s'agit d'une modification nécessaire au regard de la tenue de l'épreuve de surf des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à Tahiti, il ne paraît pas pertinent de prolonger ces dispositions au-delà des Jeux.
Il est important que les dispositions législatives exceptionnelles dont nous débattons depuis lundi soient limitées à la durée et au cadre des Jeux olympiques et paralympiques, sans quoi nous dépasserions le cadre du texte et son objet.
Puisqu'il s'agit des derniers amendements relatifs à la lutte contre le dopage, permettez-moi, avant de donner l'avis de la commission, de remercier l'administratrice qui nous a accompagnés sur cette partie du texte pour son travail.
Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger sur ces amendements lors des débats en commission. L'article 4 bis, que nous venons d'adopter, prévoit un dispositif pérenne d'échange d'informations entre l'AFLD et Tracfin dans le cadre de la lutte contre le dopage. Pourquoi en restreindre la possibilité à la seule durée des Jeux et à la Polynésie française ? Cette disposition essentielle répond à une demande de l'ensemble des acteurs de la lutte contre le dopage – y compris, donc, la collectivité polynésienne. Avis défavorable.
Nous avons en effet prévu un dispositif pérenne afin d'améliorer durablement l'ensemble de l'édifice de la lutte contre le dopage. Avis défavorable.
Il est important que nous débattions de cette question qui concerne presque tous les articles du texte. Selon son titre même, le projet de loi est « relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ». Si vous souhaitez faire évoluer la législation plus largement – en matière de lutte antidopage ou de traitement algorithmique des images de vidéoprotection, par exemple –, au-delà du seul cadre des Jeux olympiques (JO), déposez un autre texte ou modifiez l'intitulé du projet de loi, qui, sinon, est erroné.
En tant que législateur, nous ne pouvons pas adopter un texte dont la majorité des dispositions dépassent largement le seul cadre temporel et spatial des Jeux, notamment en matière de sécurité intérieure et de lutte contre le dopage.
La tenue des Jeux olympiques et paralympiques est l'occasion de mettre à niveau notre modèle de lutte contre le dopage, et, plus largement, d'apporter des améliorations qui concerneront l'ensemble des événements sportifs à venir : c'est précisément l'intérêt du texte.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 50
Contre 17
L'article 5, amendé, est adopté.
En étendant le champ des services publics chargés d'assurer les formations aux premiers secours, l'article 3 assure une coordination du code de la sécurité intérieure rendue nécessaire par l'adoption de la loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers volontaires, dite loi Matras, adoptée en 2021.
Par ailleurs, cet article étend la liste des acteurs autorisés à assurer les actions d'enseignement et de formation en matière de secourisme à toutes les associations ayant la formation aux premiers secours dans leur objet. Comme cette liste sera précisée par un décret pris en Conseil d'État, et sachant que n'importe qui peut créer une telle association, il convient de s'assurer que les critères d'habilitation prévus dans le décret garantiront la qualité et le professionnalisme des associations autorisées à dispenser cette formation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
L'article 3 est adopté.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l'amendement n° 308 , faisant l'objet de deux sous-amendements.
Malgré l'investissement sans faille de ceux qui la font vivre, la sécurité civile manque de moyens – une situation qui va se tendre davantage encore avec la tenue des Jeux olympiques et paralympiques. Afin de soulager autant que possible la sécurité civile durant cet événement, il est important – et même nécessaire – de former les 45 000 volontaires aux premiers secours, et d'en profiter pour former largement les Françaises et les Français. Alors que plus de 80 % des Allemands et des Autrichiens le sont, c'est le cas de seulement 40 % des Français : il s'agit donc d'un enjeu d'autant plus crucial que 13 millions de spectateurs sont attendus durant les Jeux et que les forces de sécurité, qui manquent de ressources humaines, seront déjà sollicitées au-delà de leurs capacités pour assurer, simultanément, la sécurisation d'autres événements, potentiellement mal anticipés – voire pas anticipés du tout : en plein cœur de l'été, qui pourrait garantir, par exemple, qu'il n'y aura pas de mégafeux de forêts ?
Le sous-amendement n° 787 tend à préciser que la formation aux premiers secours délivrée aux volontaires des Jeux olympiques est la formation prévention et secours civiques de niveau 1, dite PSC1, qui dure sept heures. Le sous-amendement n° 788 , de repli, précise pour sa part qu'il s'agit de la formation « Gestes qui sauvent », qui, elle, ne dure que deux heures. Ces sous-amendements précisent l'amendement de Mme Regol, qui va dans le bon sens – même si je note que celui que nous avons présenté hier a été rejeté, y compris par la NUPES.
Par ailleurs, madame la ministre, vous ne m'avez apporté aucune précision s'agissant du décret prévu par l'article 3, qui vise à étendre l'habilitation à dispenser des formations de premiers secours à l'ensemble des associations dont c'est l'objet en supprimant l'agrément « sécurité civile » jusqu'alors nécessaire. L'habilitation délivrée aux associations doit être gage de qualité de la formation : quelles garanties pouvez-vous nous apporter en la matière ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Je présente tout d'abord mes vœux de rétablissement au rapporteur Vuilletet, souffrant, et au nom duquel je vous donnerai donc l'avis de la commission.
L'amendement part d'une bonne intention, mais son application soulève des difficultés opérationnelles.
Tout d'abord, il est matériellement très difficile – si ce n'est impossible – de former 45 000 volontaires en tout juste quinze mois. Imposer aux volontaires d'avoir suivi une formation aux premiers secours reviendrait donc, en réalité, à renoncer à faire appel à eux au motif qu'ils n'auraient pas pu suivre la formation, alors que nous avons besoin d'eux pour organiser les Jeux olympiques.
En outre, tous les volontaires n'ont pas vocation à assurer des soins de premiers secours. Les personnes affectées aux cohortes dont c'est la mission auront bien reçu la formation : votre amendement est donc pour partie satisfait – et pour partie inapplicable.
Pour ces raisons, avis défavorable sur l'amendement et les deux sous-amendements.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je tiens à remercier Mme Regol pour son amendement, dont les dispositions participeront à la qualité d'accueil de tous les spectateurs – je note au passage qu'on nous dit parfois qu'ils seront très nombreux, et parfois qu'il n'y aura pas beaucoup plus de touristes que d'habitude : ce n'est pas très clair. Nous verrons bien.
La préoccupation soulevée par l'amendement est partagée. Alors que nous n'avons malheureusement pas obtenu gain de cause s'agissant de la prévention des violences sexistes ou du renforcement de la qualité d'accueil des personnes porteuses de handicap, cet amendement nous offre la possibilité d'affirmer notre résolution d'accueillir les spectateurs dans les meilleures conditions et de donner la meilleure image possible de la France. Il faut donc l'adopter.
Vous avez dit, monsieur Houlié, qu'il n'était pas possible de former 45 000 volontaires en quinze mois : la formation au secourisme présente pourtant un intérêt primordial, et ne dure que deux heures. Votre réponse est donc de mauvaise foi.
Ensuite, vous avez affirmé que les volontaires n'avaient pas tous vocation à porter secours. Mais tout citoyen doit pouvoir porter secours à ses proches et à son prochain ! Vos propos sont irresponsables. Tous les citoyens devraient être formés aux premiers secours : d'ailleurs, le Président de la République lui-même avait fixé, en 2019, l'objectif de 80 % de citoyens formés. Aujourd'hui, on en est très loin, et un tel amendement, qui va dans le bon sens et pourrait faire consensus, aurait été bénéfique pour atteindre cet objectif.
Une fois de plus, vos propos prouvent votre sectarisme et illustrent votre déconnexion de la réalité : vous ne cherchez vraiment pas à sauver des vies.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – « Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'amendement n° 308 n'est pas adopté.
Ils sont dans la droite ligne de l'amendement n° 308 , qui vient d'être rejeté – et c'est bien dommage, lorsque l'on sait le niveau d'impréparation dans l'organisation des JO dans plusieurs domaines primordiaux. Les JO auraient pu être l'occasion pour la France de rattraper son retard en matière de formation aux premiers secours ou de soins. Mais vous avez choisi de ne pas vous appuyer sur cet événement, au prétexte que la formation prendrait trop de temps : il nous reste pourtant 500 jours pour préparer les volontaires avant le début des épreuves. Les besoins sont importants, et ils le seront plus encore au moment des Jeux : nous venons de laisser passer une occasion de rattraper notre retard par rapport à nos voisins européens et c'est, je le répète, fort dommage.
Vous pouvez néanmoins vous rattraper triplement en adoptant les amendements n° 305 , 307 et 306 . On l'a dit, les défis en termes de sécurité sont considérables, d'où le dépôt par les écologistes de plusieurs amendements destinés à combler les lacunes du texte – lacunes reconnues, me semble-t-il, par tous et signalées entre autres par les acteurs du secteur, dont nous relayons ainsi les demandes.
Les amendements n° 305 et 307 visent ainsi à inciter davantage les Français à se former aux gestes de premiers secours en instaurant jusqu'à la fin de l'année 2024, c'est-à-dire un peu au-delà de la période des Jeux olympiques, des réductions d'impôt pour les entreprises qui financent intégralement la formation PSC1 de leurs salariés ou de leurs dirigeants, ainsi que pour les associations qui prendraient en charge la formation de leurs bénévoles ou salariés. Les arguments que vient d'avancer M. le président de la commission au sujet de la formation générale ne s'opposent d'ailleurs pas à ces mesures incitatives.
Le n° 306 prévoit quant à lui un crédit d'impôt pérenne – afin d'en faire un levier efficace – destiné aux citoyens qui financeraient eux-mêmes leur formation aux premiers secours. C'est du reste ce que préconisait, en vue de faire progresser les choses, la mission conduite en 2017 par Patrick Pelloux et Éric Faure.
À mon grand regret, il est de nouveau défavorable. Les mesures proposées seraient très faiblement incitatives, d'abord parce qu'elles se fondent sur le coût de la formation, lequel reste assez modéré, ensuite parce qu'un avantage fiscal se reporte sur l'année suivante et n'a donc pas d'effet incitatif immédiat, enfin en raison de l'existence d'autres dispositifs. Le code de l'éducation prévoit ainsi la formation aux premiers secours de chaque élève ; une circulaire, celle de tout agent public ; cette même formation est obligatoire dans certains métiers, notamment ceux qui concernent l'aide aux personnes et de l'accueil de mineurs.
J'ajouterai à l'adresse de M. Rancoule qui m'accusait de malhonnêteté qu'en l'occurrence, l'honnêteté de sa part aurait consisté à être précis : toutes les formations aux premiers secours ne durent pas deux heures, mais seulement celle aux gestes qui sauvent.
M. Julien Rancoule s'exclame.
Vos sous-amendements à l'amendement n° 308 concernaient l'un cette formation, l'autre la formation PSC1, qui demande sept heures : s'agissant de précision, vous pouviez faire un peu mieux !
J'entends vos arguments, monsieur le président, mais la France n'en est pas moins en retard dans ce domaine : l'Allemagne et l'Autriche ont formé 80 % de leur population ! En ce moment où il y a du grabuge dans les rues, des personnes blessées, parfois par des policiers qui outrepassent leurs fonctions ,…
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et RN
…il serait particulièrement nécessaire que tout un chacun puisse apporter les premiers soins aux victimes de coups ou de bombes lacrymogènes.
M. Benjamin Lucas applaudit. – « Scandaleux ! » sur quelques bancs du groupe RE.
Pour résumer en deux mots ce que m'inspirent les articles 6 et 7, l'enfer est pavé de bonnes intentions. La lutte contre le terrorisme constitue une nécessité impérieuse, à laquelle je souscris sans réserve. C'est tout ! Car ensuite viennent l'une après l'autre la lutte contre le banditisme, la lutte contre la corruption, contre la délinquance, contre les infractions routières, et à chaque étape se réduit le périmètre des libertés individuelles, que l'État n'a pas moins le devoir de préserver que celui de faire respecter la loi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Vivre en permanence sous le regard des caméras, des radars, des intelligences artificielles, des recoupements de données opérés par des ordinateurs de plus en plus puissants et interconnectés, c'est là une évolution inquiétante. Le Gouvernement affirme son parfait respect des principes démocratiques ; nous lui répondrons que rien ne garantit qu'il en sera toujours ainsi, que notre liberté se construit et se défend chaque jour, à l'occasion de l'examen de chaque texte.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'article que nous nous disposons à examiner vise à refonder, à unifier et à simplifier le régime juridique de la vidéoprotection. Son point de départ réside dans une situation de fait inquiétante : les images de vidéosurveillance captées sur la voie publique n'étaient soumises ni au règlement général sur la protection des données (RGPD), ni à la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. De l'aveu de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), du Conseil d'État et de la Cour des comptes, il convenait de revoir leur régime, moins protecteur que le RGPD. Cet article tend donc à affirmer un principe fondamental qu'il est absurde que nos concitoyens aient dû attendre si longtemps : ces images constituent des données à caractère personnel, qualité qui les fait entrer automatiquement dans les périmètres respectifs du RGPD et de la loi dite informatique et libertés.
Si nous voulons garder le contrôle, éviter que notre société ne dérive vers une surveillance de masse, sans limites, il nous faut assurer aux dispositifs concernés un encadrement solide. La Cnil est taillée pour ce rôle de garde-fou, de contrôleur, de régulateur, de protecteur des libertés des Français, auxquels le RGPD donne par ailleurs des droits tels que l'accès aux données enregistrées ou l'information. Il convient de défendre ces barrières qui préservent la vie privée ; le groupe RN votera donc en faveur de cet article cohérent et protecteur.
Je note la présence parmi nous de M. Darmanin : il était en effet important que le ministre de l'intérieur puisse répondre à nos questions. Si j'osais me permettre cette familiarité, monsieur le ministre, je vous demanderais volontiers : est-ce que ça gaze ?
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, LR et Dem.
Il ressort de l'article 6 que nos données personnelles seraient davantage protégées si les images de vidéosurveillance entraient dans le cadre du RGPD. Nous n'en croyons rien et nous nous faisons fort, au fur et à mesure de nos interventions, de prouver le contraire. Sous l'angle des droits et libertés fondamentaux, la liberté de circulation, le droit à la vie privée, celui d'exprimer ses opinions de manière pacifique, il n'en est rien, je le répète, ainsi que le relève à juste titre le Conseil d'État.
L'examen de cet article nous conduira en outre à aborder le principe d'un moratoire. En vertu de l'article 55 de la Constitution, les règlements européens prévalent sur notre législation ; or, comme vous le savez fort bien, un tel règlement, concernant le sujet qui nous occupe, sera publié d'ici à deux mois. Nous sommes donc probablement en train de perdre notre temps, à moins qu'en autorisant la vidéosurveillance algorithmique, le pays des Lumières et des droits humains ne tente de prendre de vitesse les autres États membres de l'Union européenne, en même temps que d'en prendre le contrepied. Un groupe transpartisan – j'insiste sur ce point – de députés européens nous a d'ailleurs incités à ne surtout pas approuver ce mode de surveillance.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'article 6 vise très clairement à accroître la protection de nos concitoyens, ainsi que celle des étrangers qui assisteront aux Jeux olympiques, puisqu'il prévoit de soumettre les systèmes de vidéoprotection au régime du RGPD – ce qui n'avait pas été fait à la suite de l'entrée en vigueur de celui-ci, créant un décalage par rapport au droit européen. Par conséquent, la suppression de cet article irait à l'encontre de ce que vous demandez : encore une fois, il sera plus protecteur que le régime actuel !
Par ailleurs, le futur règlement dit IA Act, dont vous avez fait mention, pourrait être adopté par le Parlement européen à la fin de l'année et appliqué graduellement à partir de 2025. Il ne s'agit pas ici de contredire des dispositions européennes, ni de les prétransposer, en quelque sorte, mais uniquement de conformer notre droit au RGPD, seul règlement en matière de protection des données qui existe aujourd'hui. Le groupe Démocrate votera donc pour l'article et contre les propositions tendant à le supprimer.
Mme Béatrice Bellamy applaudit.
Cet article vise à transposer dans le droit national des dispositions du RGPD, règlement que nous devons au travail forcené d'un eurodéputé vert allemand, Jan Philipp Albrecht. Le respect des libertés individuelles fondamentales, des libertés numériques, est pour les écologistes un combat ancien, ancré dans leur histoire ; c'est pourquoi, lorsque la commission a entamé l'examen de cet article, j'ai éprouvé une certaine inquiétude à voir en quelque sorte déshabiller le code de la sécurité intérieure – je suis désormais rassurée. C'est également pourquoi, ce combat nous tenant à cœur, nous avons noté qu'il subsistait dans l'article nombre d'incohérences : je ne doute pas que nos propositions, formulées dans le respect du RGPD et de ses valeurs, recevront sinon un accueil favorable, du moins un avis de sagesse.
Sur l'amendement n° 409 , tendant à supprimer l'article 6, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l'amendement.
Vous l'aurez compris, nous nous opposons à cet article. Il existe deux raisons pour lesquelles nous souhaiterions le voir entièrement supprimé : la première réside dans le fait qu'il rend possible l'article 7, dont il constitue la propédeutique, la seconde dans le fait qu'il n'est qu'illusion, poudre aux yeux. On nous invite à nous rassurer : dès lors que le régime de protection des données personnelles s'applique, tout va bien se passer ! En réalité, au fur et à mesure que nous étudierons les articles 6 et 7, vous pourrez vous apercevoir, encore une fois, qu'il n'en sera rien.
Je dois vous avouer, madame Martin, qu'en apercevant votre amendement, j'ai d'abord cru à une erreur due au fait que vous réclamez également la suppression de quasiment tous les articles du texte. L'article 6 vise à soumettre au RGPD, ainsi qu'à la loi dite informatique et libertés, tous les systèmes de vidéoprotection : par conséquent, il est plus protecteur que le droit en vigueur. Il tire également les leçons du fait que, depuis 2013, le Gouvernement n'a transmis à la Cnil aucun rapport concernant les commissions départementales de vidéoprotection, ce qui n'a pas empêché celle-ci de remplir sa mission de contrôle et de sanction des organismes qui ne se conforment pas au RGPD ou à la loi informatique et libertés.
Supprimer cet article entraînerait une dégradation de l'exercice de cette mission, ce qui de votre part, et touchant la vidéoprotection, rend la proposition particulièrement baroque. Avis défavorable.
Afin de compléter le propos d'Élisa Martin, j'aimerais évoquer la question du son. Si la Cnil empêche l'installation de micros sur la voie publique, c'est uniquement parce que le code de la sécurité intérieure ne prévoit expressément que la captation d'images. Or l'article prévoit qu'à l'article 223-1 de ce code, les mots « la transmission et l'enregistrement d'images prises […] par le moyen de la vidéoprotection » soient remplacés par « des systèmes de vidéoprotection » : la Cnil ne pourrait plus interdire les dispositifs d'enregistrement du son, mais seulement juger de leur proportionnalité. La porte serait dès lors ouverte à l'arbitraire.
Interrogé sur le sujet en commission, le rapporteur a répondu que les caméras actuelles n'étant pas équipées de micro, ces préoccupations n'ont pas lieu d'être. Peut-être ne sait-il pas que si les caméras n'ont pas de micro, c'est uniquement parce que la Cnil demande leur retrait sur le fondement du code de la sécurité intérieure – qui va justement être modifié. Aux nombreux arguments déjà présentés par ma collègue Élisa Martin en faveur de la suppression de cet article, il faut donc ajouter celui-ci : il s'agit d'éviter que la captation et l'enregistrement du son ne puissent devenir pratiques courantes et que le Big Brother visuel ne soit bientôt rejoint par un Big Brother sonore partout dans notre pays.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
On pourrait croire, comme le président Houlié, que le dépôt de cet amendement est une erreur. Néanmoins, Ugo Bernalicis a été très clair en commission des lois, allant jusqu'à dire que son groupe était démasqué ! Le groupe La France insoumise est effectivement opposé à toute vidéoprotection…
…et se montre, sur ce texte, en cohérence avec sa position. Mais vous le savez, chers collègues : la vidéoprotection va continuer d'exister et nous en aurons tout particulièrement besoin à l'occasion des Jeux olympiques.
Je rappelle ce qu'a dit le président Houlié : nous avons besoin de la vidéoprotection…
…et en nous mettant en conformité avec le RGPD, nous allons renforcer la protection des données personnelles. Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance ne peut que s'opposer à cet amendement de suppression de l'article 6.
M. Jean Terlier applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 8
Contre 72
L'amendement n° 409 n'est pas adopté.
Nous avons un grand amour pour la langue française – nous l'avons déjà dit, d'ailleurs – parce qu'elle est belle, bien sûr, mais aussi parce qu'elle est précise. Il me semble donc qu'il ne faut pas parler de vidéoprotection, puisque les caméras – en particulier celles installées sur la voie publique – ne protègent rien. Même s'ils ne sont peut-être pas nombreux, les faits sont têtus : les études démontrent qu'aucun incident n'est évité par les caméras. Ces dispositifs ne mettent donc personne sous protection. Ainsi peut-on observer, lorsque les mâts des caméras ne sont pas sciés, que les faits se déplacent, tout simplement ! L'ensemble des études montrent que les dispositifs de vidéosurveillance n'évitent que peu d'événements, voire aucun, et qu'ils ne sont donc pas une source de protection.
Il est incontestable, en revanche, qu'ils jouent un rôle de surveillance. Or, avec le recours au traitement algorithmique des enregistrements, la surveillance va franchir un cap. Soyons donc clairs et assumons ce que nous disons, les uns et les autres. Ne nous payons pas de mots, ne manipulons pas les citoyens : ne parlons pas de vidéoprotection mais utilisons le bon terme, celui de vidéosurveillance.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Notre collègue Rudigoz a déclaré que nous avions besoin de vidéosurveillance.
Mais comme l'indique notre collègue Élisa Martin, rien ne le démontre : aucune étude n'étaye cette croyance. Pourtant, depuis le début des années 2000, on retrouve des caméras un peu partout, dans toutes les villes de France, et elles coûtent incroyablement cher – ça, en revanche, on a de quoi l'étayer ! Aucune étude objective n'appuie les croyances relatives à l'effet dissuasif des caméras ou à leur contribution à la résolution d'enquêtes. Au contraire même, une étude commandée par la gendarmerie nationale démontre à cet égard l'inefficacité des caméras situées sur la voie publique, soulignant que seules 1,13 % des enquêtes résolues avaient bénéficié de la vidéosurveillance. La même étude constate que les inconvénients des caméras dépassent de loin leurs avantages – cela commence à faire beaucoup d'arguments contre un dispositif dont on aurait soi-disant besoin ! Soulignons également que l'attentat de Nice est survenu dans la ville la plus vidéosurveillée de France : malgré l'omniprésence des caméras, rien n'a pu y empêcher des innocents de mourir ou d'être blessés.
Si l'idée d'une protection par les caméras est battue en brèche par les données dont nous disposons, leur efficacité en matière de surveillance est plus ou moins démontrée. Ces dispositifs constituent en effet une atteinte aux droits fondamentaux et aux libertés publiques, qu'il s'agisse du droit à la vie privée ou de la liberté d'aller et venir de manière anonyme. Leur inefficacité les fait apparaître d'autant plus disproportionnés.
Mais peut-être ai-je dit une petite bêtise : une étude prouve en fait que les caméras permettent d'éloigner les faits de quelques dizaines de mètres.
Il n'est donc pas impossible que la vidéosurveillance puisse aider ceux qui habitent à côté de la caméra. S'agissant en revanche du droit à la sûreté, défini comme un droit fondamental et mentionné à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle ne le garantit en rien.
Parce que nous, au groupe Écologistes, sommes attachés au sens des mots, nous proposons comme nos collègues de remplacer le terme de vidéoprotection, qui est impropre, par celui de vidéosurveillance.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.
Vous avez parlé de sémantique. Mais ce n'est pas de la sémantique, c'est de l'idéologie !
Parfaitement ! Et c'est de la manipulation, comme souvent avec l'idéologie !
Dans toutes les villes que les écologistes ou La France insoumise dirigent ou dans lesquelles ils appartiennent à la majorité – Grenoble, Lyon, Poitiers, pour n'en citer que quelques-unes –, vos élus refusent l'installation de caméras de vidéoprotection. Ils constatent concomitamment une hausse de la délinquance dont ils accusent l'État ; celui-ci serait défaillant alors même que, dans toutes ces villes, les forces de police nationale augmentent. Vous ne tirez donc pas les conséquences de vos propres actes : l'absence de caméras de vidéoprotection…
…entraîne inéluctablement une hausse de la délinquance. Vous avez même dit, madame Regol, que ces dispositifs coûtent cher. Elles coûtent d'autant moins cher que l'État les finance ! Aujourd'hui l'État paye, pour le compte des collectivités, l'installation des caméras de vidéoprotection.
Je ne peux donc pas être d'accord avec vos propos. Vous avez par ailleurs reconnu, madame Regol, que vous aviez dit une bêtise. Je partage votre avis : c'était une bêtise de dire que les caméras ne servent à rien puisque, comme vous l'avez dit ensuite, en contrôlant certaines zones au moyen de caméras et grâce aux forces de police que nous déployons par ailleurs, nous avons les moyens d'empêcher la commission d'actes de délinquance. C'est ainsi que les caméras font reculer le nombre d'actes commis. Vous avez évoqué enfin l'attentat de Nice ; je garde cet argument pour l'article 7, que nous évoquerons tout à l'heure. Avis défavorable.
Je voudrais revenir sur la sémantique : vous souhaitez, chers collègues, que l'on remplace le terme de vidéoprotection par celui de vidéosurveillance. Or la vidéosurveillance désigne les caméras situées dans l'espace privé alors que la vidéoprotection désigne celles qui se trouvent dans l'espace public.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est la raison pour laquelle le groupe Démocrate ne votera pas votre amendement. Encore une fois, la vidéosurveillance touche au domaine privé et non public.
Or les Jeux olympiques se déroulent dans l'espace public uniquement. C'est là que nous cherchons à prévenir la commission d'actes, et non dans l'espace privé.
C'est effectivement un débat idéologique. En 1995, c'est bien le terme de vidéosurveillance qui a été inscrit dans la loi, pour l'espace public. Puis, reprenant les très bons arguments des vendeurs de vidéosurveillance – que M. Latombe maîtrise très bien – Nicolas Sarkozy a suggéré, en 2011, de réserver ce mot à l'utilisation de caméras à l'intérieur des maisons et d'utiliser le terme de vidéoprotection à l'extérieur. Il est fort regrettable que ces dogmatismes viennent perturber la loi et donner de mauvaises orientations au législateur que nous sommes. Si ce n'est qu'un débat sémantique, et que le terme ne change rien, qu'est-ce qui nous empêche d'employer de nouveau le terme de vidéosurveillance ? Si vous refusez de changer de terme, c'est peut-être parce que le débat n'est pas seulement sémantique.
Un casque de vélo ça protège, une caméra ça surveille. Ce n'est pas la même chose !
Que penser alors des maires appartenant à des majorités de la NUPES, qui nous demandent en ce moment des moyens très importants pour installer des caméras de vidéoprotection ?
M. Stéphane Mazars applaudit.
C'est le cas de la maire de Lille – vous le savez bien, monsieur le député de Lille ! – qui installe désormais des caméras de vidéoprotection et organise des conférences de presse pour en parler. L'État a d'ailleurs répondu à sa demande.
C'est aussi le cas du maire de Saint-Denis…
…qui a demandé 1 million d'euros en 2023. Je le dis à l'intention du député de Seine-Saint-Denis, car il me semble important qu'il le sache.
C'est également le cas de la maire de Rennes, de la maire de Nantes, du maire de Rouen ou encore du maire de Montpellier.
C'est encore le cas du maire de Marseille – où je suis certain que les Verts et La France insoumise ont voté la délibération demandant à l'État de financer à hauteur de 80 % les caméras de vidéoprotection de la ville !
Ce sont vos élus qui le demandent, monsieur Bernalicis !
Je n'oublie évidemment pas la maire de Paris qui, même si elle constate que c'est la préfecture de police qui doit installer les caméras, ne cesse d'en réclamer – elle a d'ailleurs bien raison.
Je constate aussi que certains maires écologistes demandent des caméras.
Je vous transmettrai bien volontiers les courriers du maire de Bordeaux qui n'a manifestement pas la même constance que vous à ce sujet. J'ajoute que, lorsque vos élus arrivent aux responsabilités dans une ville déjà pourvue de caméras, ils ne les débranchent pas. À Lyon par exemple, je vous encourage à visiter le très beau centre de supervision urbain installé par Gérard Collomb, que vous avez laissé en place.
Je pense malheureusement qu'il existe une différence importante entre ce que dit la NUPES à Paris et ce qui se passe dans les villes, auprès des électeurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR, et sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Avec ce texte, nous l'avons vu, c'est l'entrée en scène tant fantasmée d'une utilisation plus poussée des méthodes de vidéosurveillance, qui passera notamment par l'utilisation d'un traitement algorithmique. Cependant, une question persiste et le présent amendement d'appel a pour objet d'ouvrir le débat et d'y trouver un début de réponse ; il s'agit de la question de la captation sonore des enregistrements vidéo. Si la question semble avoir été tranchée par la Commission nationale de vidéosurveillance et par la Cnil s'agissant du caractère disproportionné de l'écoute et de l'enregistrement sonore, il n'en reste pas moins que le développement technologique particulièrement rapide dans ce domaine permet désormais aux caméras de capter les sons, le niveau sonore et même les intonations de voix. Un débat doit donc avoir lieu dans cet hémicycle, au cours de la discussion de ce projet de loi, quant aux intentions du Gouvernement s'agissant de l'utilisation de ces nouvelles technologies. Elles offrent de nouvelles possibilités qui, corrélativement à une utilisation permanente, semblent reconnues comme disproportionnées face aux libertés fondamentales.
Nous pouvons toutefois considérer que la surveillance sonore peut servir dans le cadre d'une levée de doute, après qu'une anomalie ou un problème a été révélé par le traitement vidéo ou par les opérateurs de terrain, afin de confirmer certaines pistes et d'appréhender des individus qui n'auraient pas pu être identifiés au seul moyen du traitement vidéo. Le rapporteur nous a expliqué en commission que la question était en partie réglée par le fait qu'aujourd'hui, les caméras ne sont globalement – ce terme est important – pas dotées d'outils de captation sonore. Mais il serait plus approprié de dire qu'elles n'en sont pas encore dotées, dans la mesure où la technologie évolue très rapidement dans ce domaine. En tant que législateur, il est de notre devoir d'anticiper ces évolutions.
Protection de nos concitoyens, amélioration de la justice, prise en compte du respect de nos libertés fondamentales, réflexion autour d'un élargissement à la captation sonore et à son traitement du principe de proportionnalité : autant de sujets que nous aurons à traiter prochainement.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l'amendement n° 786 .
Je défendrai aussi l'amendement n° 395 , qui porte sur l'alinéa 7. Tous deux sont des amendements d'appel : ils visent à obtenir une réponse, monsieur le ministre, sur un point sur lequel le texte manque de clarté. Lorsqu'on parle de captation des données, s'agit-il seulement des images ou aussi du son ? Au groupe Démocrate (MODEM et apparentés), nous pensons que la captation de son en continu serait trop intrusive et attentatoire aux droits et libertés individuelles. Mais la question se pose des levées de doute.
Monsieur le ministre, si vous confirmez qu'il n'y aura pas de captation de son, nous retirerons nos deux amendements. Mais nous souhaitons qu'il soit inscrit au compte rendu de la séance, pour la clarté des décrets d'application, qu'il n'y aura pas de captation en continu du son et que les levées de doute ne seront pas possibles avec enregistrement. Si vous nous confirmez ce point-là, nous retirerons ces deux amendements.
À ma connaissance, et quoi qu'en dise le Sénat, la captation du son n'est pas autorisée à ce stade.
Si nous n'inscrivons pas le contraire dans la loi, cela restera le cas. D'ailleurs, le rapporteur a précisé en commission que, techniquement, cette captation était le plus souvent impossible. Pour ma part, j'estime qu'elle n'est pas souhaitable, car inutile. Les comportements anormaux, les difficultés, les actes recherchés dans le cadre de la vidéoprotection peuvent être constatés sur les images. Avis défavorable.
Puisque M. Latombe souhaite une explication, qui figurera au procès-verbal de la séance : je la lui donne bien volontiers. En aucun cas il n'est prévu que la loi, et le règlement qui en découlera, autorisent la captation de son. Je veux redire ici que les conversations, qu'elles se tiennent dans un cadre public ou privé, sont protégées, au titre du droit au respect de la vie privée. Comme l'a dit Sacha Houlié, il n'est pas prévu que nous modifiions le texte : le Gouvernement, en tout état de cause, ne le souhaite pas.
Pour que ce soit bien clair, je répète qu'il n'y a pas de volonté d'interpréter le texte comme rendant possible la captation de son, même pour une levée de doute. Je m'engage à ce que le règlement que je prendrai, sur la base de la loi votée par les parlementaires, ne prévoie pas la captation de son. Avis défavorable.
Je profite de cet amendement pour m'exprimer, ayant l'impression d'avoir pris une balle perdue lors de la rafale d'arguments avancés par M. le ministre.
Sourires.
Si nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas suivi les avis du Conseil d'État et de la Cnil pour cette refonte des règles liées à la captation d'images par la vidéo, nous considérons que cet article est une avancée et nous le voterons. C'est la raison pour laquelle je ne me suis pas inscrit sur l'article. Je me félicite de la présence de caméras à Saint-Denis et je serais très content s'il pouvait y en avoir davantage. C'est ma position depuis fort longtemps.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. le président de la commission des lois applaudit également.
Les débats au Sénat ont montré que l'article pouvait être interprété comme autorisant la captation de son. Compte tenu de votre annonce, monsieur le ministre, et ainsi que je m'y étais engagé, je retire les deux amendements que j'ai défendus.
L'amendement n° 786 est retiré.
L'amendement n° 773 n'est pas adopté.
L'amendement n° 395 est retiré.
Cela ne vous surprendra pas : les « à ce stade » et les déclarations du ministre ne nous convainquent pas. Nous n'avons pas confiance dans la parole de ce gouvernement.
L'article 6 remplace les mots « enregistrements visuels de vidéoprotection » par les mots « systèmes de vidéoprotection ». Ce changement de formulation introduit un flou juridique. Et comme l'a dit Martine Aubry, que l'ex-futur Premier ministre vient d'évoquer, « quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup ». Avec cet amendement, nous proposons de lever le loup, si je puis dire, de préciser les choses et de nous prémunir contre le risque d'enregistrements sonores.
Vous nous demanderez sans doute de vous faire confiance. Mais en l'occurrence, la confiance n'exclut pas le contrôle. Mieux vaut clarifier les choses pour éviter toute dérive. Celle-ci constituerait une atteinte grave aux libertés fondamentales, faute de garde-fous dont nous convenons tous, même ceux qui soutiennent ces dispositifs de vidéoprotection inefficaces, qu'ils sont nécessaires.
Quelques détails pour alimenter notre débat : puisque M. Lucas a bien voulu citer, comme dirait M. le ministre de l'intérieur, les grands auteurs, la maire de Lille, à qui j'ai fait part des déclarations du ministre, dément qu'elle ait demandé à l'État davantage de crédits pour la vidéosurveillance dans sa ville.
Allons, monsieur le député, ce n'est pas sérieux !
L'amendement n° 310 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 772 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. José Gonzalez, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement d'appel souligne l'importance d'informer le public de manière claire et permanente de l'existence de systèmes de vidéoprotection. Il convient, d'abord, de rappeler que cette information limite fortement les initiatives délictuelles et décourage le passage à l'acte de certains individus. De plus, cette information est conforme à la déclaration universelle des droits de l'homme et au code civil, qui consacrent le droit de toute personne au respect de sa vie privée. Ce droit inaliénable exige un arbitrage complexe entre sécurité de nos concitoyens et protection de leurs libertés fondamentales.
Les mots de Montesquieu doivent nous guider : il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante, surtout lorsqu'elles concernent ce que nous avons de plus précieux, la liberté et les droits fondamentaux.
Avis défavorable. Si le texte prévoit de supprimer cette précision dans le code de la sécurité intérieure, elle figure toujours dans le RGPD – articles 12 et 14 – et dans la loi « informatique et libertés » – articles 48 et 104. Votre exigence est donc satisfaite par la loi.
Avis défavorable.
Permettez-moi deux commentaires. Le premier, c'est que les avis favorables du Gouvernement valent autant que ses refus. Ainsi, vous dites qu'il n'est pas question de capter autre chose que des images, mais vous émettez un avis défavorable sur les amendements qui proposent de rendre explicite cette interdiction. L'échange que nous venons d'avoir montre qu'une course à l'échalote est, de toute évidence, lancée : un jour, on se dira que le son pourrait être capté, puis on se demandera s'il ne serait pas possible que les caméras réalisent un scanner corporel pour plus de transparence – si je puis m'exprimer ainsi.
Le second commentaire, c'est que le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) ne devrait pas servir à payer des caméras. Ce n'est pas son objet.
Il ne faut pas dire des choses inexactes : les collectivités prennent en charge une partie des coûts d'investissement, elles paient les réseaux, les agents qui visionnent les images et les machines qu'ils utilisent pour ce faire. Par rapport au coût global, ce que l'État prend en charge est infinitésimal. Cessez donc de dire qu'il est généreux !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 65
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 16
Contre 49
L'amendement n° 772 n'est pas adopté.
La Cnil est une autorité administrative indépendante, statut qui lui permet de veiller à ce que l'informatique, dans sa globalité, ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales et aux droits tels que le respect de la vie privée. En proposant de supprimer les alinéas 19, 20 et 23, nous souhaitons maintenir les dispositions relatives aux pouvoirs et au droit de regard de la Cnil sur la vidéosurveillance dans le code de la sécurité intérieure. Ce sont des garanties réelles face aux dérives et aux abus de la surveillance, s'agissant, notamment, de la protection des données personnelles. Nous refusons que le Gouvernement s'affranchisse des protections nécessaires, sous couvert d'une mise en conformité avec le droit de l'Union européenne.
Vous connaissez parfaitement les aspects potentiellement liberticides de ce projet de loi. Supprimer le contrôle de la Cnil sur ces outils de surveillance reviendrait à assumer publiquement une vision sécuritaire et liberticide du fonctionnement de toute notre société.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Là encore, je salue la volonté de La France insoumise de chercher à préserver le code de la sécurité intérieure. Mais encore une fois, ces dispositions figurent dans le RGPD et dans la loi « informatique et libertés ». Il n'y a donc aucune raison de ne pas les supprimer dans le code de la sécurité intérieure, d'autant que nous ne faisons que répondre à la demande du Conseil d'État et de la Cnil. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Enfin, ça suffit ! Lorsque nous avons examiné, sous la législature précédente, la transposition du RGPD, notre groupe a souligné combien le règlement européen venait restreindre les pouvoirs d'une Cnil dont les moyens étaient, de surcroît, insuffisants. Et aujourd'hui, vous venez nous dire que, comme on a transposé le RGPD, on peut bien supprimer du code de la sécurité intérieure les dispositions qui donnaient plus de pouvoirs et de moyens à la Cnil !
Ce n'est pas avec des sophismes à la noix – La France insoumise défend le code de la sécurité intérieure – qu'on va relever le niveau du débat dans cet hémicycle ! Vous feriez mieux de vous appliquer à plus de clarté et de sincérité si vous ne voulez pas finir par nous donner des arguments devant le Conseil constitutionnel. Mais peut-être est-ce l'intention – et je me livre à mon tour à un sophisme – du président de la commission des lois. Peut-être est-il un opposant secret au déploiement de la vidéosurveillance et à la restriction des pouvoirs de la Cnil. De notre côté, nous déploierons encore et encore nos arguments contre ce texte.
Monsieur Darmanin, vous entendre dire que les communes demandent de l'argent du FIPD m'étonne plutôt car j'ai cru comprendre que les préfectures avaient reçu la consigne d'aller elles-mêmes démarcher les communes et leur proposer une aide du FIPD. J'ai même vu un ministre de l'intérieur, dont je tairai le nom, se rendre à Lille et dire à sa maire que, si elle voulait obtenir les effectifs de police supplémentaires qu'elle réclamait depuis des années, il fallait qu'elle commence par installer des caméras !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À ce moment du débat, je voudrais évoquer l'aspect économique de la question. J'ai visité lundi une entreprise qui est, avec 4 000 employés, leader dans le domaine de la transmission des éléments de vidéosurveillance et de vidéoprotection. Il faut savoir que la France a de belles entreprises dans ce secteur.
L'amendement n° 555 n'est pas adopté.
Là, on est face à quelque chose d'énorme. Au détour de deux alinéas, vous modifiez – en clair vous supprimez – l'article L. 254-1 du code la sécurité intérieure. Vous me direz que je me fais encore le défenseur de ce code mais vous allez comprendre pourquoi. Voici sa rédaction actuelle : « Le fait d'installer un système de vidéoprotection ou de le maintenir sans autorisation, de procéder à des enregistrements de vidéoprotection sans autorisation, de ne pas les détruire dans le délai prévu, de les falsifier, d'entraver l'action de la commission départementale de vidéoprotection ou de la Commission nationale de l'informatique et des libertés […] est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. » Et vous proposez seulement : « Le fait d'entraver l'action de la commission départementale de vidéoprotection est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. ». Qu'en déduit-on ? Que l'on ne pénalisera plus le fait d'installer un système de vidéoprotection ou de le maintenir sans autorisation, de procéder à des enregistrements de vidéoprotection sans autorisation ou encore de ne pas les détruire dans le délai prévu. Tout cela me rappelle l'affaire Benalla.
Je ne sais pas si vous entendez par là prévenir d'éventuelles turpitudes au sein de la Macronie mais, tout de même, le fait de ne plus pénaliser l'installation sauvage de caméras de surveillance, c'est une signature !
Nous sommes en désaccord avec cette modification comme avec la méthode douteuse que vous employez, d'autant que vous allez vous prévaloir d'avoir, avec cet article 6, amélioré la protection des gens. Mais qu'en est-il de leur sûreté ? Je sais que c'est un concept qui vous est peu habituel mais nous devrions toutes et tous nous employer à le faire vivre. Je rappelle qu'il s'agit pour tout citoyen du droit à ne pas être mis en cause arbitrairement par la puissance publique, droit que vous, vous remettez en cause avec la nouvelle rédaction de cet article du code de la sécurité publique. .
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La nouvelle rédaction proposée est attentatoire aux libertés. Elle fait passer la peine d'emprisonnement prévue à l'article L. 254-1 du code la sécurité intérieure de trois ans à un an et l'amendement de 45 000 à 15 000 euros. Par ailleurs, elle supprime les sanctions prévues pour l'installation ou le maintien d'un système de vidéosurveillance sans autorisation.
À l'heure où la généralisation de la vidéosurveillance augmentée s'accompagne d'une multiplication des atteintes aux libertés fondamentales, il faut maintenir un maximum de garde-fous autour de l'usage des données collectées par la vidéosurveillance qui sont, faut-il le rappeler, des données personnelles d'ordre privé. Il convient donc de conserver la rédaction actuelle de cet article du code de la sécurité intérieure.
Monsieur le ministre, j'en profite pour vous répondre au sujet des fameux centres de supervision urbains (CSU) si bien équipés en algorithmes. Certains de mes collègues et moi-même aimerions beaucoup en visiter. Le problème, c'est que ces centres, le plus souvent implantés dans des villes de droite, vous me l'accorderez, refusent systématiquement que des parlementaires pénètrent à l'intérieur de leurs locaux. C'est problématique mais je suis sûre que vous nous aiderez dans nos démarches, puisque vous nous avez si gentiment invités à les découvrir.
Habituellement, vous êtes plutôt partisans de la proportionnalité des peines et des délits. Vous devriez donc être favorables à cette réduction des peines prévues pour le délit d'entrave à l'action des commissions départementales de vidéoprotection. En outre, le fin juriste que vous êtes, monsieur Bernalicis, n'ignore sans doute pas que les autres infractions, à savoir l'installation sans autorisation d'un système de vidéosurveillance, l'exploitation des enregistrements de vidéoprotection sans autorisation ou la non-destruction de ces derniers dans les délais prévus, restent réprimées sur le fondement des articles 226-16 à 226-22 du code pénal. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
L'actuelle rédaction de l'article L. 254-1 indique : « sans préjudice des dispositions des articles » du code pénal que vous avez cités. Ces dispositions viennent se compléter au lieu de se substituer les unes aux autres.
Elles ne recouvrent pas exactement le même périmètre. Avec cette nouvelle rédaction, vous indiquez clairement vos intentions : diminuer le risque juridique, comme vous dites dans votre jargon, pour favoriser le développement de ce secteur d'activité florissant – nous avons bien entendu qu'il représentait 4 000 emplois – et attirer les investissements.
Nous comprenons bien qu'exposer ceux qui veulent mettre des caméras partout à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende ne leur ferait pas plaisir car ils pourraient avoir vite fait d'oublier de signaler telle ou telle installation dans l'autorisation générale. Pour ma part, je procéderais un peu différemment. Je maintiendrais les peines actuellement prévues pour l'installation de dispositifs de vidéosurveillance sans autorisation et j'affecterais les 4 000 emplois à la Cnil,…
… pour lui permettre de mieux exercer sa veille sur les réseaux sociaux et de mieux contrôler le respect du RGPD sur les sites internet, y compris sur les sites publics qui parfois ne s'y conforment pas.
Après tout, il s'agit de choisir de mettre des moyens là où l'on pense qu'ils sont le mieux affectés dans notre société. Vous voulez surveiller tout le monde, persuadés que vous êtes que cela réglera les problèmes. Nous considérons, pour notre part, que cela revient simplement à faire augmenter les profits d'un certain secteur d'activité qui compte parmi les fleurons de ce pays. Les JO sont une belle vitrine pour ces entreprises et nous avons bien compris pourquoi vous vouliez diminuer les risques juridiques auxquelles elles sont exposées. Tel n'est pas notre objectif. C'est la raison pour laquelle nous voulons supprimer ces deux alinéas.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 423 .
L'article 6 se présente comme une simplification du droit existant sous-tendue par une mise en conformité du code de la sécurité intérieure avec le régime de la loi de 1978 et du RGPD. Or il prévoit de supprimer toute une partie de l'article L. 254-1 du code de la sécurité intérieure, celle qui concerne les sanctions prévues pour l'installation, le maintien de caméras de vidéosurveillance ou l'enregistrement d'images sans autorisation. Et comme si cette épuration du droit destinée à donner le champ libre au déploiement incontrôlé de la vidéosurveillance ne suffisait pas, les sanctions conservées, limitées à l'entrave à l'action des commissions départementales de vidéoprotection, sont réduites de deux tiers. Le groupe Écologiste – NUPES ne peut accepter cet assouplissement juridique, qui revient à donner un blanc-seing à l'installation sans contrôle de caméras partout sur le territoire.
Par cet amendement, nous revenons sur la suppression de ces dispositions et prenons le chemin inverse en renforçant les sanctions existantes qui passeraient de 45 000 à 300 000 euros d'amende et de trois à cinq ans d'emprisonnement. Par ailleurs, nous ajoutons un alinéa prévoyant qu'est punie de 2 millions d'euros d'amende et de dix ans d'emprisonnement toute utilisation illégale de la reconnaissance faciale ou du traitement de données biométriques. Il s'agit de mettre un terme aux pratiques auxquelles se livrent plusieurs villes françaises hors de tout cadre juridique.
J'ai déjà répondu au sujet de l'entrave à l'action des commissions départementales de vidéoprotection. Quant à votre souhait concernant la reconnaissance faciale, il est déjà satisfait puisque l'article 7 prévoit expressément l'interdiction de toute technique l'utilisant. En outre, l'article 226-18 du code pénal prévoit déjà que le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Retrait ou avis défavorable.
Eh bien, c'est parfait ! La vidéosurveillance algorithmique est donc illégale puisqu'elle ne respecte en rien la protection des données personnelles. Vous nous apportez vous-mêmes des arguments. Je vous remercie.
L'amendement n° 423 n'est pas adopté.
La France, gangrenée par l'insécurité, ciblée par des actes terroristes, doit prendre en compte tous les risques et toutes les menaces qui pourraient porter atteinte à l'organisation et au déroulement des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
Il convient de prévoir des sanctions plus strictes pour prévenir certaines infractions graves sur le territoire français. Nous proposons dans cet amendement d'alourdir la peine d'emprisonnement prévue pour les entraves à l'action de la commission départementale de vidéoprotection, laquelle a pour mission d'évaluer l'efficacité de la vidéoprotection.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'ai répondu au sujet de la proportionnalité des peines et des délits. Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 74
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 20
Contre 50
L'amendement n° 44 n'est pas adopté.
Puisque tout le monde semble se lasser de l'article L. 254-1, je vous propose de nous tourner vers l'article L. 255-1 du même code de la sécurité publique. Encore une fois, le diable se cache dans les détails. La nouvelle rédaction proposée à l'alinéa 28, en renvoyant à un décret les modalités d'utilisation des données collectées par les caméras de vidéosurveillance installées sur la voie publique, risque d'ouvrir la voie à l'emploi de telles données pour l'entraînement des algorithmes. Or il serait bien peu républicain que certaines entreprises fassent des profits sur le dos de nos concitoyens. Nous en reparlerons à l'article 7.
Les écologistes se refusant à croire que le Gouvernement et la majorité sont prêts à laisser des entreprises utiliser de telles données pour nourrir leurs algorithmes, nous vous proposons de clarifier cette rédaction ambiguë en précisant de manière explicite – car nous considérons que ce qui n'est pas explicite ne peut être effectif – que ces données « ne peuvent en aucun cas servir à l'apprentissage d'un ou plusieurs traitements algorithmiques ». Si votre objectif n'est pas de nourrir la volonté de ces entreprises de développer de nouveaux marchés, je suis sûre que vous émettrez un avis favorable, monsieur le président de la commission, monsieur le ministre.
Madame Regol, vous allez un peu vite en besogne : vous anticipez sur les débats sur l'article 7 et vous présumez de mon avis. Il n'y a pas d'intentions cachées. Votre amendement revient à interdire les systèmes reposant sur le traitement algorithmique des données recueillies par les systèmes de vidéosurveillance. Or, pour les développer, il faut les entraîner pour qu'ils soient capables d'identifier certains actes comme l'abandon de bagages ou des comportements suspects ou frauduleux. Si vous supprimez toute possibilité d'apprentissage, ils ne peuvent fonctionner. L'ajout auquel vous procédez revient à empêcher l'application de l'article 7. Avis défavorable.
Si ces systèmes ne servent à rien tant qu'ils ne peuvent pas être entraînés, pourquoi dépenser des millions pour en acquérir ?
Votre argumentaire pose problème, semble-t-il : il va rendre très compliquées toutes les discussions que nous aurons à l'article 7. Nous retiendrons donc, monsieur le président de la commission des lois, que cet article est nul et non avenu. On ne peut utiliser des algorithmes inutilisables. Nous serons tous d'accord sur ce point.
Vous me faites décidément dire beaucoup de choses que je n'ai pas dites.
Les systèmes algorithmiques ont besoin d'entraînement et c'est la raison pour laquelle l'article 7 prévoit une durée d'utilisation telle qu'ils puissent être alimentés avant même les Jeux olympiques et paralympiques.
L'amendement n° 338 n'est pas adopté.
Les articles 6 et 7 suscitent des interrogations parmi nos concitoyens et nous proposerons à plusieurs reprises que l'avis de la Cnil soit publié avant le décret en Conseil d'État, et non pas après, afin qu'il y ait une plus grande transparence sur le fait que la haute juridiction ait suivi ou non ses arguments. Notre amendement se distingue de celui de M. Breton qui vise une simple publication de l'avis de la Cnil.
Il s'agit de renforcer la transparence de la Cnil et, d'une certaine façon, son autorité, en prévoyant la publication de ses avis. J'entends les explications de notre collègue Latombe qui suggère que l'avis de la Cnil soit publié avant celui du Conseil d'État. Cela irait en effet dans le bon sens. C'est pourquoi je retire mon amendement et soutiendrai celui de notre collègue.
L'amendement n° 263 est retiré.
La publication des avis de la Cnil est prévue à l'article 8 de la loi « informatique et libertés » – cette question est donc levée. En ce qui concerne les délais de publication, la commission a émis un avis défavorable parce qu'en réalité – je l'apprends en même temps que vous –, dans le cas d'un décret en Conseil d'État, l'avis de ce dernier n'est pas rendu public : je ne suis donc pas en mesure de garantir l'antériorité de l'avis de la Cnil par rapport à celui du Conseil d'État.
Selon le régime de droit commun, l'avis de la Cnil est transmis au Conseil d'État avant d'être publié. La publication intervenant après, il n'y a pas de séquence de transparence, comme nous le souhaiterions. C'est pourquoi l'amendement précise qu'il est publié « avant l'avis du Conseil d'État ». Cela constituerait une sorte de délai de prévenance qui permettrait à l'ensemble des parties prenantes et des associations qui le souhaiteraient de prendre connaissance de l'avis de la Cnil et d'y porter éventuellement des observations. Tel est le sens de l'amendement. Nous défendrons des amendements similaires lors de l'examen de l'article 7. Nous entendons toutefois que la publication de l'avis de la Cnil préalablement à celui du Conseil d'État serait dérogatoire au fonctionnement habituel. Néanmoins, nous maintenons cet amendement.
L'amendement n° 396 est adopté.
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l'amendement n° 617 .
Il s'agit d'un amendement de repli, puisque vous avez rejeté tous nos amendements à cet article 6, particulièrement liberticide. Comme vous le savez, parmi les six principes qui garantissent la protection des données personnelles, il y a le droit à l'oubli : les données ne peuvent pas être conservées ad vitam aeternam. Par ailleurs, elles doivent être utilisées à des fins précises : les autorités ne peuvent pas tout savoir sur nous, à n'importe quelle fin, et suspendre, pour ainsi dire, une espèce d'épée de Damoclès au-dessus de nos vies privées. Or aucune limite n'est prévue dans cet article, ni dans le temps ni sur les finalités : de l'arbitraire et aucune transparence ! Vous ne garantissez ainsi aucun des principes que j'ai mentionnés. Vous voulez, dites-vous, enrichir la technologie – le collègue l'a évoqué tout à l'heure –, mais au bénéfice de qui ? Certainement pas des citoyens, mais bien plutôt des lobbys.
La destruction des données est une nécessité incontestable. C'est donc pour y répondre que nous voulons préciser, par cet amendement, que les données collectées par les systèmes de vidéosurveillance seront immédiatement détruites à la fin de l'expérimentation.
Cet amendement pose une difficulté juridique puisque l'article 6 procède à une mise en conformité des règles de vidéoprotection au RGPD et à la loi « informatique et libertés ». Par ailleurs, vous anticipez l'examen de l'article 7 qui prévoit, à l'alinéa 32, des encadrements à même de répondre à vos interrogations : d'abord, l'utilisation des données pendant une durée strictement nécessaire à l'entraînement des algorithmes et, ensuite, leur destruction à la fin de l'expérimentation. Votre amendement étant donc déjà satisfait, j'en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. Puisque nous sommes toujours sur l'article 6, permettez-moi, pour la bonne information de M. Vicot et de l'assemblée, de compléter mon propos de tout à l'heure : la ville de Lille a fait une demande, lors du déploiement initial de caméras de vidéoprotection en 2021,…
…de 800 000 euros – je le précise pour les députés de Lille –, soit 50 % du coût global : 1,6 million a été dépensé par la ville de Lille. J'ajoute que, du point de vue comptable, ces dépenses sont totalement engagées. Sur le budget pour 2023, budget que vous n'avez pas voté monsieur le député, la ville de Lille a demandé des crédits pour l'installation de quarante nouvelles caméras de vidéoprotection. Le ministère de l'intérieur n'a pas encore formulé son avis mais, devant votre insistance, je pense que je donnerai un avis favorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Pas vous, monsieur le ministre ! Vous êtes suffisamment avisé de la situation politique locale pour savoir que mes amis et moi n'étions pas inscrits sur la liste de Mme Aubry aux élections municipales et que nous ne participons pas à sa majorité !
Oui, c'est comme cela. C'était avant la formation de la NUPES, que voulez-vous que je vous dise !
Que le collègue Vicot s'exprime est une chose. Par contre, vous n'avez pas démenti le fait que vous procédez à du chantage : bénéficier d'effectifs policiers contre l'installation de la vidéosurveillance. J'en sais quelque chose, puisque je l'ai dénoncé à l'époque – vous pouvez ressortir mes tweets –, parce que j'étais scandalisé par vos méthodes : c'est vrai !
Vous affirmez que les données seront détruites. Mais lorsqu'on vous demandera d'ouvrir la boîte noire et de faire la lumière non pas sur le fonctionnement des algorithmes mais sur la manière dont ils ont été enrichis – quelles données ? quels paramétrages permettant d'obtenir tel ou tel résultat ? –, il n'y aura plus personne ! Et pour cause : c'est ce qui, aux yeux des entreprises françaises fleurons en la matière, confère au dispositif sa valeur sonnante et trébuchante. Cela leur permettra, ensuite, de vendre la même solution technologique à d'autres pays hôtes de grands événements sportifs, qu'il s'agisse de la Coupe du monde de rugby, des Jeux olympiques ou autres – il y a chaque année, à travers le monde, pléthore d'événements sportifs de grande ampleur dans les différentes catégories de sports.
Il y a donc à la clef un beau business, et je comprends que vous vouliez le défendre. Mais assumez-le et allez au bout de votre logique. Reconnaissez que cela n'a rien à voir avec la protection des Français, mais qu'il s'agit bien d'un business de la sécurité privée, pour lequel vous voulez que la France brille, notamment à travers – comment dites-vous, déjà ? – ses licornes.
Je sais que vous aimez les licornes, mais si vous pouviez éviter que leur développement se fasse au détriment des libertés individuelles et fondamentales des Français, ce serait mieux.
M. Aurélien Saintoul applaudit.
Merci, monsieur le député. Hormis les licornes, l'amendement est-il maintenu ?
Permettez-moi de répondre, chers collègues de la NUPES, à vos propos sur l'article 6, ainsi que sur l'article 7 que nous examinerons tout de suite après. Par cet amendement, vous souhaitez vous assurer que les images captées par la vidéoprotection seront bien détruites. Ce que vous voulez détruire, en réalité, ce sont les caméras de vidéoprotection de manière générale !
Dites-le clairement ! Nous aurons l'occasion d'en discuter très largement ce soir. J'ai fait des recherches depuis nos travaux en commission et vais vous citer quelques chiffres : 50 % des faits de délinquance élucidés sur la commune de Crécy-la-Chapelle le sont grâce à la vidéoprotection, affirme le lieutenant Buriller, commandant de la brigade de gendarmerie de cette commune. Que répondez-vous à cela ? Et que direz-vous à la femme qui se fait agresser dans la rue et pour qui les forces de l'ordre sont en mesure d'intervenir rapidement grâce aux caméras de vidéoprotection ? Qu'elle se débrouille toute seule la prochaine fois, parce que vous aurez supprimé les caméras de vidéosurveillance ?
Par cet amendement, chers collègues de la NUPES, et par votre idéologie générale, vous ne voulez pas aider les forces de l'ordre à protéger les Français !
Lorsque cela permettra vraiment de protéger les femmes des agressions, nous pourrons en discuter !
C'est bien parce que la délinquance et l'insécurité augmentent que des caméras de vidéoprotection sont installées partout ! Dans un monde idéal sans délinquance, ce ne serait pas nécessaire ! La vidéoprotection est mise en place par pragmatisme. Nous y sommes favorables précisément parce qu'elle permet de mieux protéger les femmes et les hommes dans la rue. Dans mon département de l'Aube, les gendarmes sont heureux de disposer des images de la vidéoprotection pour résoudre des enquêtes de cambriolages et de vols, voire parfois pour protéger des personnes, comme je viens de le rappeler. Ces images sont utiles pour élucider leurs enquêtes – c'est d'ailleurs prouvé par tout le monde.
À vous qui évoquez toujours le référendum, je rappelle que 83 % des Français sont favorables à la vidéoprotection. Changez donc votre fusil d'épaule, ou vous resterez complètement à côté de la plaque !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 617 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 88
Contre 6
L'article 6, amendé, est adopté.
Il s'agit d'abroger les articles du code de la sécurité intérieure relatifs aux drones, dans la mesure où ceux-ci seront, sans nul doute, utilisés – en tout cas je le crains puisque la raison ne semble pas vous revenir – pour analyser de façon algorithmique les images qu'ils capteront. Tel est le cœur de l'amendement.
De surcroît, nous avons déjà une expérience en la matière – c'est bien la preuve que, lorsque nous évoquons Orwell, notre argumentation se fonde sur des faits : les drones avaient été utilisés, en l'occurrence en toute illégalité, afin de vérifier que les Français respectaient bien les mesures de confinement. D'ailleurs, j'avais exprimé ma surprise, en commission des lois, quant au très grand nombre de communes qui utilisent en toute illégalité plusieurs de ces dispositifs, dont des dispositifs algorithmiques. Que voulez-vous que je vous dise ? Si l'État ne respecte pas la loi, comment voulez-vous que les communes le fassent ?
En l'occurrence, ce n'est pas l'État qui ne respecte pas la loi mais les communes qui se livrent aux actes que vous mentionnez : ces infractions sont sanctionnées – cela est prévu. Par ailleurs, le recours aux drones a été validé par le Conseil constitutionnel : il n'est pas encore effectif, puisque des décrets d'application s'imposent, que nous attendons toujours. Vous proposez donc d'interdire quelque chose qui n'est même pas encore entré en vigueur ! C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur votre amendement.
Même avis. Ce n'est pas l'État qui ne respecte pas la loi, madame Martin : il n'a aucun problème avec la législation. D'ailleurs, lorsque la Cnil a demandé à la préfecture de police de Paris de ne plus utiliser de drones, non pas parce que c'était illégal, mais en raison d'une carence législative, l'interprétation du précédent préfet de police a été, sur ma demande, d'attendre le vecteur législatif – celui-ci a été voté, mais il n'est pas encore effectif : les décrets d'application seront bientôt publiés, puisque la Cnil y a donné un avis favorable, il convient de le souligner.
L'État utilisera les drones dans les conditions prévues – nous en avons longuement parlé dans le cadre de la loi « sécurité globale » –, conditions qui n'étaient d'ailleurs pas celles évoquées par monsieur Bernalicis, puisque nous avons accepté que les drones volent dans le cadre de missions de police administrative et non pas dans le cadre d'opérations de police judiciaire, alors que nous pensions, objectivement, qu'il aurait été plus protecteur qu'ils soient utilisés en matière de police judiciaire plutôt qu'en matière de police administrative. C'est la décision inverse qui a été rendue par le Conseil constitutionnel, et c'est tant mieux pour les préfets de la République, protecteurs des libertés individuelles. J'ajoute que nous ne ferons pas voler de drones tant que les décrets d'application ne seront pas publiés, ce qui sera, je le répète, le cas très bientôt – pourtant ce ne sont pas les occasions qui manquent, monsieur le président de la commission des lois, pour le ministre de l'intérieur que je suis.
Deuxièmement, l'État n'utilise pas l'intelligence artificielle – appelez cela comme vous voulez – dans les caméras qui dépendent de son autorité. En revanche, madame la députée, les collectivités sont compétentes, vous le savez, en matière de sécurité et de vidéoprotection dans leur commune – il s'agit non pas d'une compétence de l'État mais bien des maires, à l'exception de la Ville de Paris pour des raisons historiques que nous connaissons tous. À ce titre, elles doivent respecter la loi et le règlement.
Il existe une autorité de contrôle, la Cnil qui, par définition, procède à des contrôles. Quand j'ai été élu maire, j'ai eu connaissance des contrôles qu'elle avait effectués du temps de mon prédécesseur, qui n'était pourtant pas de ma famille politique : je peux vous assurer qu'ils sont poussés. Il appartient aux maires d'appliquer les règles. Si la Cnil souhaite effectuer des contrôles sur la base de la loi, nous ne pouvons que nous prêter à ses demandes. Je précise qu'en vertu de l'article 72 de la Constitution, ce n'est pas l'État qui contrôle les collectivités locales en la matière, mais l'autorité administrative indépendante qu'est la Cnil. Ne dites donc pas que l'État ne respecte pas la loi.
Je n'ai pas dit cela, vous faites semblant de ne pas me comprendre ! Vous êtes de mauvaise foi !
L'État et le ministère de l'intérieur et des outre-mer respectent parfaitement la loi de la République en matière d'intelligence artificielle et de drones.
Je tiens à dire à la NUPES, qui fait manifestement preuve de dogmatisme, que la vidéoprotection est bel est bien une protection vidéo.
Écrivez au maire de Meaux et demandez-lui de visiter le centre de vidéoprotection : on peut y suivre, sur une cinquantaine d'écrans, les personnes qui s'apprêtent à commettre des infractions. Certaines d'entre elles sont empêchées, et des personnes sont arrêtées parce qu'on s'aperçoit qu'un vol va être commis. Les images servent de preuves.
Vous répétez à l'envi que la vidéoprotection ne sert à rien, et c'est tant mieux : avec ce discours, vous n'accéderez jamais au pouvoir. Les gens demandent de la sécurité car la première des libertés est la sécurité. Tant mieux pour nous tous : vous n'arriverez jamais au pouvoir en tenant ce genre de propos, qui ne correspondent pas à ce que souhaitent les gens ! Ils veulent de la sécurité et, je l'affirme : la vidéoprotection apporte des preuves et empêche la commission d'infractions.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Ce débat est cocasse : on nous explique qu'il sera répréhensible d'installer des caméras ou d'utiliser des drones dans une finalité non prévue par la loi. Or vous venez de supprimer la sanction de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende pour l'usage d'un dispositif de « vidéoprotection », comme vous l'appelez – je parle plutôt de vidéosurveillance – sans en avoir l'autorisation ou dans un cadre qui n'est pas prévu par la loi. M. le président de la commission des lois a voulu taquiner ou titiller ma rigueur juridique, qui est bien connue,…
Sourires.
Je suis allé vérifier : il traite d'une autre infraction, consistant à porter atteinte à la vie privée de manière volontaire. Il implique de prouver l'élément intentionnel – autant dire qu'il faudra se lever tôt pour y parvenir, les uns et les autres pouvant plaider leur bonne foi et s'en tirer à bon compte –, d'autant qu'il est toujours plus compliqué d'attaquer la puissance publique ! La disposition du code de sécurité intérieure, elle, n'implique pas de prouver un élément intentionnel : elle prévoit que le simple fait d'utiliser ces dispositifs sans autorisation, ou dans un cadre qui n'est pas prévu par la loi, est répréhensible pénalement. Un peu de rigueur juridique ne fait pas mal. En réalité, vous voulez diminuer le risque juridique pour ceux qui font usage de ces dispositifs hyperintrusifs.
Quant aux drones, monsieur le ministre, vous savez pertinemment qu'ils sont utilisés, que ce soit par la préfecture de police ou à Lille. J'en ai vu, des drones, au-dessus de ma tête, même après le débat sur la sécurité globale, alors que les arrêtés n'étaient pas encore pris !
Cela s'appelle de la paranoïa !
Dois-je à chaque fois saisir la Cnil ? Cela devient pénible ! J'imagine qu'on peut tapisser les murs d'une grande partie du ministère de l'intérieur avec les mises en demeure que la Cnil lui adresse, tant il est fréquent qu'il soit mis à l'amende par cette autorité, qui n'a probablement pas les moyens de se faire respecter. Quant à l'article 72 de la Constitution, vous avez oublié un léger détail, monsieur le ministre, tant vous êtes focalisé sur la police et la gendarmerie : il existe des préfectures, et quelque chose qui s'appelle, vaguement, le contrôle de légalité – mais c'est probablement un détail !
L'amendement n° 468 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.
La séance est reprise.
La parole est à M. Léo Walter, pour soutenir l'amendement n° 472 .
Quand nous nous sommes rencontrés, madame la ministre, à l'occasion d'auditions ou au ministère pour débattre du projet de loi, vous nous avez rassurés à plusieurs reprises en indiquant que la reconnaissance faciale en est très clairement exclue. Nous en avons pris note, et nous proposons de l'écrire noir sur blanc dans le projet de loi. Il s'agirait donc d'inscrire un délit passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende – vous reconnaîtrez la peine encourue – pour toute mise en place d'un algorithme permettant l'identification d'un individu au moyen de ses caractéristiques biométriques. Nous tenons à le préciser dans le projet de loi pour éviter toute dérive.
Ne soyons pas naïfs : dans ce domaine, des gens sont en embuscade. Or, en la matière, un verrou technologique est levé. Les associations que nous avons auditionnées nous ont expliqué qu'une fois cela fait, il suffira de cocher une case dans le logiciel pour passer directement de la vidéosurveillance algorithmique à la reconnaissance faciale. Une fois encore, nous souhaitons inscrire très clairement dans le projet de loi un délit pour recours à la reconnaissance faciale, de sorte que la garantie que vous nous avez donnée, et dont nous prenons acte, soit clairement mentionnée dans le droit.
M. Aurélien Saintoul applaudit.
L'interdiction de principe est inscrite noir sur blanc dans le projet de loi, à l'alinéa 5 de l'article 7 – que vous voterez, je n'en doute pas.
M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sourit.
Elle est rédigée dans les termes suivants : « Les traitements mentionnés au I du présent article n'utilisent aucun système d'identification biométrique, ne traitent aucune donnée biométrique et ne mettent en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale. Ils ne peuvent procéder à aucun rapprochement, aucune interconnexion ni aucune mise en relation automatisée avec d'autres traitements de données à caractère personnel. » Quant à la collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite, elle est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Le code pénal est donc mieux-disant que La France insoumise pour réprimer ce type de comportement. Vous amendement est par conséquent satisfait, et mon avis est défavorable.
Les amendements successifs de La France insoumise prouvent qu'elle est opposée à la vidéoprotection – nous l'avons bien compris.
Nous constatons qu'elle est également opposée à tout progrès technologique et à tous les moyens modernes pouvant soutenir les forces de l'ordre et la justice et faciliter les enquêtes.
Vous avez évoqué le cas de Lille : le 1er mars 2023 s'y est tenu le premier comité de surveillance éthique de la vidéoprotection. À cette occasion, Mme la commissaire et M. le procureur ont souligné que la vidéoprotection commence à produire des résultats, à exercer un effet dissuasif et à éclairer les enquêtes consécutives aux délits.
Ils se sont également étonnés de constater que, malgré l'aide de l'État, seules trente-trois caméras ont été installées en 2023 dans toute la ville de Lille – et encore, ce sont celles que M. le préfet a demandé d'installer pour les JO et pour la Coupe du monde de rugby !
Au regard de l'enjeu des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, il est très inquiétant que les villes acquises à la NUPES soient à la traîne par rapport aux autres métropoles françaises.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Ugo Bernalicis s'exclame.
Je savais que nous allions en arriver là. Sommes-nous, par principe, contre toute forme de progrès ?
L'intelligence artificielle permet de traiter simultanément davantage de données que ne le peut le cerveau humain. Elle permet par exemple d'identifier très tôt une tumeur au cerveau que l'œil des meilleurs médecins ne saurait repérer. Il ne manquerait plus que nous y soyons opposés ! Ne nous accusez pas de cela – même si je me doutais que nous en arriverions là. Je vous propose de laisser de côté les aspects locaux du sujet – combien de caméras dans telle ou telle ville – et de débattre précisément du fond. Par ailleurs, pour être précis, je vous invite à lire l'enquête de Laurent Mucchielli – oui, un livre ! –, qui conclut que la vidéosurveillance permet de résoudre moins de 1 % des affaires.
Mieux encore, les gendarmes de l'Isère ont commandé une étude qui a établi la très faible utilité de ces systèmes, non seulement au regard de la justice mais surtout au regard de leur coût. Comme vous le voyez, lire permet de s'informer précisément et de faire progresser le débat.
M. Aurélien Saintoul applaudit.
L'amendement n° 472 n'est pas adopté.
Par cet amendement de repli, nous proposons d'instaurer la mesure promue par l'amendement n° 472 uniquement pendant la durée des Jeux olympiques.
Je profite de cette prise de parole pour revenir sur la question des études. Celles-ci montrent l'inutilité de la vidéosurveillance, contrairement à ce qu'affirment Mme Spillebout et les députés du Rassemblement national. Vous mentionniez les gendarmes – eh bien, c'est une étude de la gendarmerie de l'Isère qui vient d'en prouver l'inutilité. Elle indique que 1,13 % des enquêtes ont été résolues grâce à la vidéosurveillance. Elle souligne aussi que la délinquance, loin de diminuer, se déplace simplement hors des espaces vidéosurveillés.
C'est pourquoi, madame Spillebout, je répète que nous croyons non pas dans la vidéosurveillance,…
…mais dans les moyens humains. Il se trouve que, le coût de la vidéosurveillance étant énorme, cette dépense s'effectue au détriment des embauches : or ce sont les moyens humains, non la vidéosurveillance, qui assurent la sécurité.
M. Aurélien Saintoul applaudit.
Avis défavorable. Il me semble que nous avons déjà débattu de cette question, d'abord pendant l'examen de la loi dite sécurité globale – mais tous les députés actuels n'étaient pas encore élus –, puis pendant l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).
Vous citez chaque fois la même étude, que vous décrivez comme une étude de la gendarmerie nationale,…
…qui prouverait sans aucun doute possible l'inefficacité de la vidéoprotection. Je vous ai déjà répondu que cela était faux. Vous-même, monsieur Bernalicis, venez de rectifier ces propos, sentant venir mon argument : il ne s'agit pas d'une étude de la gendarmerie, mais d'un chercheur travaillant pour la gendarmerie nationale, le docteur Guillaume Gormand, rattaché à l'université de Grenoble.
Indépendamment de cela, nous avons constaté le caractère partiel de cette étude, souligné par le chercheur lui-même : il aurait été souhaitable que vous le précisiez. En effet, l'étude consiste dans l'examen de 2 000 procédures – non des caméras en soi, mais des procédures – afin de déterminer si les images de vidéoprotection ont augmenté l'efficacité de l'enquête. Elle a été menée dans quatre communes périurbaines entourant Grenoble, situées en zone gendarmerie. Le chercheur lui-même indique lors d'un entretien à AEF info que « cette étude mériterait d'être renforcée par beaucoup d'autres du même genre » et que « pour tirer des conclusions générales, il faudrait répliquer cette étude » ailleurs. Je ne vais pas répéter tous mes arguments à ce sujet, monsieur Bernalicis, puisque nous en avons déjà débattu plusieurs fois, assez longuement.
À l'époque, je vous avais d'ailleurs signalé qu'un des problèmes de l'étude résidait dans le fait que les caméras de ces villes n'étaient pas directement reliées à la gendarmerie et que les flux d'images méritaient d'être mieux coordonnés entre les zones de délinquance, c'est-à-dire entre les communes. M. Gormand formule cette remarque, que vous n'avez pas citée. En outre, comme vous le savez, l'étude date déjà de 2021 : elle n'est pas nouvelle.
Par ailleurs, monsieur Bernalicis, je vous ai souvent encouragé à mener vous-même la grande étude sur les caméras de vidéoprotection que vous appelez de vos vœux. Vous disposez des moyens législatifs pour ce faire, mais je constate qu'en six ans, vous n'avez toujours pas réalisé ce travail et, sortant du cadre du pur discours, n'avez jamais exercé votre droit de tirage pour créer une commission d'enquête ou une mission d'information.
Je vous y encourage, car je pense que cela donnerait lieu à un travail parlementaire très intéressant.
M. Latombe est corapporteur d'une mission d'information sur les enjeux de l'utilisation d'images de sécurité, qui préfigure ce que pourrait être un statut global de l'image. Mme la ministre des sports et moi-même sommes conscients qu'il n'est pas tout à fait pertinent de parler uniquement des caméras de vidéoprotection, car la Cnil et le Conseil d'État nous ont encouragés à créer un statut général de l'image applicable à l'ensemble des moyens de capture d'images, qu'il s'agisse des drones, des hélicoptères avec caméra ou encore des caméras-piétons.
Il ne fait aucun doute que le statut actuel de l'image est daté. M. Latombe, lui, ne s'est pas contenté de parler : il s'est saisi de la question et a adressé des propositions au Gouvernement. Puisque le sujet semble vous passionner, je vous encourage à l'imiter, plutôt que de vous référer toujours à la même étude ancienne qui, de l'aveu même de son auteur, reste partielle et mériterait d'être approfondie.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.
Il existe une petite asymétrie entre M. le ministre et moi-même lorsqu'il s'agit d'exposer nos arguments respectifs : je dispose d'un temps de parole relativement restreint de deux minutes.
C'est normal !
Avec votre permission, madame la présidente, je déborderai légèrement, afin de préserver la clarté et la sincérité de nos débats.
Monsieur Bernalicis, vous n'aurez que deux minutes, comme tout le monde.
C'est ce que je soulignais, car cela crée une asymétrie assez désagréable.
Monsieur le ministre, nonobstant notre droit de tirage, si vous parvenez à convaincre la majorité de lancer une commission d'enquête transpartisane sur ce sujet, avec des corapporteurs issus de tous les groupes, banco !
M. Aurélien Saintoul applaudit.
Nous y participerons. Le problème réside dans le fait que les parlementaires ne disposent pas des mêmes moyens d'étude et d'enquête au long cours que des chercheurs qui peuvent s'y consacrer à temps plein pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.
Il faut simplement y consacrer du temps, plutôt que de faire le guignol dans l'hémicycle !
Cela étant dit, Laurent Mucchielli, qui a sorti un livre remplissant les conditions que vous citez, parvient aux mêmes conclusions que Guillaume Gormand. La Cour des comptes a également réalisé une étude à ce sujet, qui aboutit à peu près aux mêmes conclusions, puisqu'elle souligne que la vidéosurveillance est très rarement utile.
Elle permet de résoudre beaucoup d'affaires !
Cela progresse !
Ces études soulèvent donc un point fondamental. Et puis, tout de même ! C'est vous qui, lors du quinquennat précédent, avez supprimé l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) !
C'était justement l'organisme qui aurait permis de financer de telles études et de les mener sous la direction d'un conseil scientifique indépendant, sans qu'elles soient dictées par les desiderata du ministre de l'intérieur, qui ressemblent à autant de prophéties autoréalisatrices. Nous attendons toujours votre étude prouvant l'efficacité des caméras-piétons ! Où est-elle ? Elle n'existe pas. C'est pourtant sur la base d'un rapport bidon de huit pages, issu de votre propre ministère, que vous avez généralisé l'usage des caméras-piétons. En revanche, les études internationales révélant que le bilan de ces outils est au mieux neutre, au pire négatif, ne manquent pas. Mais la science, ce n'est pas votre truc ! Pour les enquêtes de victimation, vous préférez vous tourner vers les bouchers-charcutiers.
« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
N'insultez pas les bouchers-charcutiers !
Pour ma part, je préfère aller chez le boucher-charcutier pour acheter de la viande ou de la charcuterie. Chacun son métier, chacun son domaine. Mais visiblement, vous vous en moquez. Ce mépris qu'affiche la Macronie envers la science est très dangereux pour la démocratie !
Monsieur Bernalicis, plus de 6 000 communes ont installé des caméras de vidéoprotection.
Vous avez raison : cela coûte cher. Croyez-vous vraiment que 6 000 maires engageraient de l'argent public pour acheter des outils parfaitement inutiles ? Non, ils écoutent simplement les procureurs de la République et les préfets, qui sont très favorables aux caméras de vidéoprotection,…
…et les habitants des quartiers touchés par l'insécurité, qui demandent la vidéoprotection. Plutôt que de vous rendre dans les commissariats pour rendre visite aux délinquants, je vous invite donc à vous y rendre pour discuter avec les commissaires et les policiers, et à visiter les tribunaux pour rencontrer les procureurs de la République.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chers collègues, s'il vous est possible de baisser d'un ton, je vous en saurai gré pour ma santé auditive.
L'amendement n° 473 n'est pas adopté.
Le projet de loi prévoit de créer une base juridique pour l'utilisation de caméras dotées d'algorithmes en vue de détecter des événements suspects dans l'espace public. Cette disposition entre en conflit avec un projet de règlement de l'Union européenne sur l'intelligence artificielle, actuellement en préparation. Si l'article 7 était adopté, cela créerait un précédent inquiétant en matière de surveillance, à rebours du principe de proportionnalité que nous souhaitons observer dans ce domaine. La France deviendrait alors le premier État de l'Union européenne à légaliser explicitement de telles pratiques. C'est pourquoi nous proposons d'attendre l'adoption du règlement européen avant d'instaurer un dispositif qui suscite de nombreuses interrogations et inquiétudes.
Voilà qui pourrait offrir une issue positive et nous inciter à diminuer le volume sonore, comme nous venons d'y être invités. Au mois d'avril, un règlement européen sur ce sujet sera promulgué. L'article 55 de la Constitution dispose – et c'est bien normal – qu'un règlement européen s'impose à la législation nationale française.
Il est vrai que le vent est mauvais pour les industriels qui développent de telles technologies et comptent bénéficier de la manne qu'elles représenteront. En effet, les États membres de l'Union européenne y sont majoritairement opposés ; à l'inverse – c'est certes un raccourci oratoire, mais cela n'en est pas moins vrai –, la Chine, la Russie ou encore la Corée ont installé des systèmes de vidéosurveillance algorithmique. Vous nous concéderez que ces États ne sont pas les plus démocratiques.
A priori, la directive européenne n'ira donc pas dans votre sens, cela est vrai. Il serait sage de l'attendre. De surcroît, plusieurs députés européens issus de divers horizons politiques nous interpellent à ce sujet : « Chers membres de l'Assemblée nationale, nous soussignés, membres du Parlement européen, vous écrivons pour vous faire part de notre vive inquiétude concernant l'article 7 du projet de loi sur les Jeux olympiques et paralympiques. Nous vous alertons sur le fait que, si la loi est adoptée dans sa forme actuelle, la France créera un précédent de surveillance jamais vu en Europe. »
Telle est peut-être votre intention, mais ces avertissements, conjugués au fait que l'Union européenne se propose d'adopter un règlement, vraisemblablement au mois d'avril – donc largement à temps pour que tout soit prêt lors des Jeux olympiques –, nous invitent à vous proposer un moratoire de sagesse – pour reprendre une expression que vous employez parfois – et de concorde.
Vous nous proposez d'attendre l'entrée en vigueur de la réglementation européenne, mais les Jeux olympiques et paralympiques, dont nous ne pouvons pas reporter la tenue, se dérouleront aux mois de juillet, d'août et de septembre 2024. Or il n'est pas certain que cette réglementation sera adoptée d'ici là. Du reste, je me réjouis que La France insoumise reconnaisse la primauté du droit européen sur le droit national : c'est une nouveauté.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quoi qu'il en soit, la question de l'utilisation d'images de sécurité dans le domaine public fera l'objet d'un rapport de MM. Gosselin et Latombe, qui sera remis à la commission des lois à la fin du mois. Nous pourrons alors prendre connaissance des différences qui existent en la matière entre le droit français et le projet de réglementation européenne et, le cas échéant, en tirer toutes les conséquences.
Enfin, madame Martin, vous nous reprochez de profiter des Jeux olympiques et paralympiques pour entraîner des algorithmes et développer une série de technologies attentatoires aux libertés fondamentales. Or vous venez de nous dire que ces technologies seront de toute façon interdites par la réglementation européenne. Pourquoi, dans ces conditions, enrichirions-nous des sociétés européennes ou mondiales ?
Vous venez de vous priver de l'un de vos principaux arguments en faveur du rejet de l'article 7 et des suivants. Avis défavorable.
Madame Martin, le paquet européen sera, avez-vous dit, adopté en avril 2023. Je suis très content de l'apprendre ! En réalité, le trilogue a à peine commencé, de sorte que le vote du Parlement européen n'interviendra probablement qu'à la fin de l'année 2023 et que le texte n'entrera en application qu'à partir de 2025 et, de façon échelonnée, jusqu'en 2027 ou 2028. Nous ne sommes donc pas du tout dans la phase de prétransposition d'une réglementation dont nous connaîtrions tous les tenants et aboutissants, loin de là ! Par ailleurs, les projets transmis au Parlement européen par la Commission et les États membres prévoient des exceptions à l'interdiction de l'utilisation de l'intelligence artificielle pour la reconnaissance faciale, mais pas pour des mesures de vidéoprotection algorithmique appliquée à des objets tels que des bagages abandonnés.
Mme Élisa Martin s'exclame.
Relisez le projet transmis au Parlement européen ! Vous spéculez lorsque vous affirmez que celui-ci adoptera le texte en avril prochain : sa version définitive ne lui a même pas été transmise. Encore une fois, il ne s'agit pas, ici, de prétransposition ; il s'agit de protéger les Jeux olympiques et d'assurer la sécurité de ceux qui y assisteront.
En fait, nous ne nous sommes privés d'aucun argument, monsieur le président de la commission : j'ai déjà répondu, en commission, à la question que vous venez de poser. Il est vrai qu'à cette époque, vous n'étiez pas encore rapporteur ; je ne vous en veux donc pas.
La réalité, c'est que la France veut que les Jeux olympiques soient une vitrine pour le secteur privé et qu'ils lui permettent d'être, en matière de vidéoprotection, prescriptrice au niveau européen. En effet, lorsque les États membres sont sollicités dans le cadre d'une négociation européenne, ils ont souvent tendance à défendre leur propre législation – c'est une règle de base. C'est ainsi que, lors de l'élaboration de la directive sur les lanceurs d'alerte, la France – qui a finalement été mise en minorité, mais la bataille fut épique – avait défendu bec et ongles le fait que, pour être reconnu lanceur d'alerte, il fallait avoir prévenu sa hiérarchie : c'était une hérésie et la source de dysfonctionnements. C'est la raison pour laquelle j'étais – en bon opposant à l'Union européenne, comme l'a dit M. le président de la commission des lois – favorable à la transposition de cette directive.
En l'espèce, vous sentez bien que des interdictions pourraient être décidées au niveau européen, mais vous souhaitez que la France, forte du dispositif qu'elle aura adopté – biométrique mais pas vraiment, avec toutes les embrouilles que vous nous servez depuis le début de l'examen du texte – pèse de tout son poids pour que l'Union européenne vienne sur ses positions. De fait, la voix de la France est importante à l'échelle européenne : on l'a vu en matière de lutte contre le terrorisme. Nous ne voulons pas que vous puissiez vous prévaloir des dispositions que nous examinons actuellement pour tenter de les imposer dans les négociations en cours comme norme au niveau européen. Nous ne voulons pas vous donner ce mandat, car une telle réglementation irait à l'encontre des libertés individuelles et porterait une atteinte disproportionnée à la vie privée des citoyens français et des citoyennes françaises, et à celle des Européens et des Européennes.
La parole est à Mme Anne Le Hénanff, première oratrice inscrite sur l'article.
Cent ans après la tenue des Jeux olympiques à Paris, la France accueille à nouveau cet événement mondial sur son territoire. Plus de 16 000 athlètes, dont 4 350 paralympiques, pratiquant trente-deux sports différents y concourront, et soixante-douze collectivités territoriales seront impliquées dans l'organisation de cet événement, qui mobilisera tous les territoires. Plus de 13 millions de billets ont été mis en vente.
Cette manifestation sportive et festive ne peut être une réussite complète si nous n'anticipons ni ne prévoyons les enjeux de sécurité pour le public et les athlètes. C'est pourquoi l'article 7 du projet de loi définit le cadre juridique de l'expérimentation de l'utilisation de caméras intelligentes le temps de l'événement. Ce faisant, il vise à assurer la sécurité des manifestations au sein et autour des enceintes où se dérouleront les Jeux, grâce à des caméras déjà installées, auxquelles on ajoutera une fonction dite augmentée qui permettra notamment aux forces de sécurité habilitées de détecter toute situation anormale.
Qu'entendons-nous par situation anormale ? Un objet déposé, un véhicule stationné indûment, un regroupement susceptible de porter atteinte à l'ordre public ou à la sécurité. Cette expérimentation, conforme aux recommandations de la Cnil et du Conseil constitutionnel, donnera lieu, fin 2024, à un rapport public, qui nous permettra d'en tirer toutes les conséquences.
Le groupe Horizons et apparentés, qui est attaché à la réussite des Jeux olympiques et paralympiques, votera en faveur de l'article 7.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Certes, Google a été un précurseur en matière d'utilisation des données des personnes sans leur consentement. Mais nous ne nous attendions pas à ce que, dans la patrie des Lumières, le pays de la déclaration des droits de l'homme, on cherche à faire adopter par le Parlement une loi qui transformerait en cobayes les citoyens et les touristes venus assister aux Jeux olympiques. Tel est pourtant bien le cas, puisque le président de la commission a rappelé tout à l'heure que les algorithmes ont besoin d'être nourris par les comportements de tous pour pouvoir distinguer ce qui est normal de ce qui ne l'est pas. Mais il n'y a pas de définition juridique d'un comportement anormal : cette notion est floue, elle relève de l'a priori au sens littéral du terme.
Ce que vous proposez, par l'article 7 – nous entrerons plus tard dans le détail du fonctionnement technique du dispositif –, c'est le traitement biométrique de l'ensemble des personnes qui passeront devant les caméras. C'est une dérive gravissime au regard de ce qu'autorisent notre droit et le droit européen. Vous affirmez, et c'est dramatique, que le dispositif ne mettra en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale pour cacher que les données liées au visage seront bien traitées par l'intégralité des algorithmes. Peut-être seront-elles floutées et ne pourront-elles pas être lues par les agents assermentés, mais elles seront bien traitées et archivées. Or on peut légitimement s'interroger sur un État qui archive autant de données sur les personnes pendant environ une année – puisque vous avez largement étendu cette durée.
Bref, le groupe Écologiste – NUPES votera contre l'article 7, que nous vous proposerons au préalable de supprimer.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES
Dans moins de 500 jours, la France devra, sous le regard du monde entier, relever le défi sécuritaire le plus important et le plus périlleux de son histoire. Cela nous oblige, dès à présent, notamment dans le cadre de l'examen de l'article 7. Que prévoit-il ? Des captations d'images par la vidéoprotection, qui existe déjà, et par des aéronefs. Il s'agit ici simplement de se doter d'un outil supplémentaire afin de traiter ces images et de permettre aux opérateurs humains d'identifier des situations prédéfinies pour lesquelles il peut être nécessaire de dissiper un doute.
C'est de cela et uniquement de cela qu'il s'agit : d'une aide à la décision pour des opérateurs humains dont la mission est certainement plus périlleuse que celle que nous exerçons dans cet hémicycle. Car l'enjeu est de taille et ils auront une lourde responsabilité. On peut donc concevoir que tout ce qui peut les aider à prendre une décision doit être mis en œuvre. Ce n'est que cela, le traitement algorithmique des images captées par la vidéosurveillance ou des aéronefs. Je vous invite donc tous à prendre la mesure de la responsabilité qui est la nôtre et à donner aux forces de sécurité intérieure les pleins moyens d'exercer leur importante mission, celle d'assurer la sécurité de nos concitoyens et des millions de personnes qui se rendront dans notre pays en 2024.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Anne Le Hénanff applaudit également.
Sur l'article 7, qui vise à autoriser l'expérimentation de l'utilisation de caméras algorithmiques, le Rassemblement national propose une solution d'équilibre : oui à l'expérimentation, mais en la limitant, dans le temps comme dans l'espace, à la sécurisation des Jeux olympiques de 2024. Si vous voulez prolonger l'autorisation d'utiliser ces caméras après les Jeux olympiques, il vous suffira de revenir devant nous le moment venu et de nous soumettre un projet de loi ad hoc. Vous proposiez, au départ, que l'expérimentation s'achève le 30 juin 2025 ; elle doit à présent prendre fin le 31 décembre 2024. Ce n'est toujours pas suffisant : il faut mettre un terme à cette expérimentation en septembre 2024, soit à la fin des Jeux olympiques.
L'extrême gauche cherche, quant à elle, à empêcher la protection de nos concitoyens puisqu'elle n'aime ni la vidéoprotection – à laquelle sont pourtant favorables 83 % des Français – ni les caméras algorithmiques : je n'y reviens pas. Ces dernières seront utilisées, je le rappelle, dans l'objectif de lutter contre le terrorisme. Or, à cet égard, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, les mesures proposées sont insuffisantes. Monsieur le ministre, puisque vous n'étiez pas présent lors de la discussion générale, je vous invite, comme je l'ai dit dans mon intervention, à consulter le programme présidentiel de Marine Le Pen.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Il vous arrive, c'est vrai, de le consulter un peu. Je pense, par exemple, aux mesures que vous avez prises dans la Lopmi. Cela faisait des années que nous réclamions une augmentation des effectifs de police et du nombre de commissariats : vous avez un peu agi en ce sens. Mais lutter contre le terrorisme, cela suppose de lutter aussi contre les filières d'immigration clandestine et contre l'idéologie islamiste qui gangrène nos quartiers et nos écoles, et d'appliquer toutes les obligations de quitter le territoire français (OQTF),…
…comme le Président de la République et vous-même l'avez promis, en vain.
Sur ce texte, il y a beaucoup à dire, notamment sur le stockage des données et sur ce qui doit relever du niveau européen.
Je veux, pour conclure, évoquer un point qui m'inquiète. Le dispositif sera expérimenté pendant les Jeux olympiques de 2024 : or, cela fait des années que nous savons que nous allons les organiser. Pourquoi ne pas avoir mené cette expérimentation pendant la Coupe du monde de rugby, de manière à être certain que le dispositif sera opérationnel pour les Jeux olympiques ? Car, si l'expérimentation, hélas ! se passe mal, que direz-vous à nos concitoyens et aux 7 millions de personnes qui se rendront à Paris pour assister aux Jeux olympiques ? Nous sommes très inquiets.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
On n'a pas compris si vous étiez pour ou contre…
Vous l'avez bien sûr compris, le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale est opposé à cette technologie, comme le sont l'ensemble des associations de défense des droits humains, nombre de pays européens, ainsi que la Défenseure des droits.
Je pense que la majorité des Français sont favorables aux caméras de surveillance.
Après, c'est comme pour les retraites : on peut considérer qu'on a raison contre tout le monde, contre la foule, contre le peuple. C'est ce qu'on a entendu à midi, mais je pense que vous auriez quand même intérêt à écouter certains arguments, comme ceux du haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, qui, lui aussi, exprime son opposition.
Cette affaire fait peser un risque objectif sur les libertés fondamentales. À cet égard, la Défenseure des droits est très claire : dès lors, dit-elle, que certains éléments, par exemple, les mouvements, relèvent des données corporelles, on est dans la biométrie, et il est inexact de prétendre le contraire, en tout cas si l'on s'entend sur le sens du terme biométrie. Comment définira-t-on un comportement suspect, inadapté, inadéquat, anormal ou que sais-je encore ? Espérons que cette définition ne relèvera pas des entreprises privées qui attendent de bénéficier de la manne que vous allez leur offrir ce soir. Quoi qu'il en soit, force est de constater que le respect de la vie privée va quand même en prendre un sacré coup, de même que la liberté d'aller et venir, ainsi que l'expression pacifique des opinions, comme le souligne le Conseil d'État, dans le vingt-deuxième point de son avis.
Nous abordons ici la question de la sécurité et des moyens utilisés par la vidéoprotection afin d'assurer une sécurité exemplaire lors des Jeux. On entend, sur certains bancs, s'exprimer des contestations et des craintes – reprises à l'instant par Mme Martin – au sujet de l'intelligence artificielle. Les débats en commission nous ont pourtant largement permis d'évoquer ce sujet et d'être notamment rassurés par le rapporteur sur la ligne rouge que constitue la reconnaissance faciale.
Devant le groupe de travail sur les Jeux olympiques et paralympiques que nous avons mené avec Belkhir Belhaddad, le préfet de police de Paris, M. Nuñez a été tout aussi clair.
Excellent préfet ! S'il pouvait aussi s'occuper de mes poubelles, ce serait bien.
Oui, nous aurons sans doute à débattre un jour de la reconnaissance faciale, à laquelle je suis favorable, à titre personnel, mais ce ne sera pas dans le cadre des Jeux. Ce qui nous occupe ici, c'est la détection d'événements inhabituels, comme un mouvement de foule ou un colis abandonné.
Sachez par ailleurs que la SNCF dispose déjà de tels algorithmes, qu'elle a expérimentés après un avis favorable de la Cnil, et que leur usage dans d'autres pays – l'Espagne, notamment – a montré l'efficacité des caméras intelligentes. Il nous appartient d'être novateurs, tout en respectant bien évidemment la liberté des Français, à laquelle nous sommes tous attachés, afin d'être le plus efficaces possible en matière de sécurité. C'est ce que propose l'article 7, que je vous invite donc à soutenir.
Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) votera l'article 7 et repoussera donc les amendements de suppression, pour proposer, au contraire, d'y introduire des garanties supplémentaires. Je voulais avant tout insister sur le fait que nous avons besoin d'un système de protection pour les Jeux, et ce d'autant plus que nous accueillerons des touristes et des athlètes qui nous demandent de les protéger. Pour cela, il faut que les algorithmes puissent aider les forces de l'ordre à jauger des situations qui, toutes, feront l'objet d'une décision humaine et en aucun cas d'un traitement automatique, sans recours ni à la biométrie ni à la reconnaissance faciale.
Je le dis devant le ministre de l'intérieur, j'avais signé, sous la précédente législature, un moratoire sur la reconnaissance faciale et m'étais opposé au projet de loi sur la sécurité globale. Or, dans le texte que nous examinons aujourd'hui, je ne vois rien, absolument rien qui porte atteinte aux libertés fondamentales, individuelles ou publiques. Nous avons renforcé en commission des lois les garanties nécessaires, et nous allons faire en sorte, dans l'hémicycle, de rendre le plus efficace possible un dispositif extraordinairement protecteur des libertés publiques et de notre corpus constitutionnel – le Conseil constitutionnel, si vous le saisissez, n'y trouvera, j'en suis sûr, rien à redire.
Enfin, j'ai déjà dit en commission des lois que Paris avait besoin de moyens algorithmiques permettant de détecter non pas les mouvements individuels…
Prenons l'exemple de Séoul, puisque, selon La Quadrature du net, Séoul utilise la vidéoprotection algorithmique.
Il y a bien de la vidéoprotection algorithmique à Séoul, madame, mais elle n'est utilisée que dans les affaires criminelles, et absolument pas pour la gestion de foule. Or l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) travaille depuis plusieurs années sur un GPS dédié à la gestion de foule. Nous souhaitons qu'il soit le plus vite possible expérimenté à Paris pour éviter, comme à Séoul, des mouvements de foule mortels.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Nous disons depuis le départ que cette manifestation sera exceptionnelle et qu'à toute manifestation exceptionnelle doivent correspondre des moyens exceptionnels. Dont acte. Et nous n'avons pas changé d'avis. Néanmoins, avec le couplage entre vidéosurveillance et algorithmes, qui constitue, si j'en juge par le nombre d'amendements, le cœur du sujet, vous ne nous facilitez pas la tâche, monsieur le ministre.
Je ne suis pas d'accord avec M. Mazars, qui nous expliquait tout à l'heure que le couplage entre vidéosurveillance et algorithmes était, somme toute, assez bénin, que cela était rendu nécessaire par le caractère exceptionnel de la manifestation et qu'il faudrait l'accepter comme tel. Vous nous demandez un chèque en blanc ! Vous renvoyez à un décret la définition d'un comportement anormal et réclamez notre confiance, assurant que tout sera ainsi fait pour que la surveillance des Jeux olympiques se déroule parfaitement. Mais ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder : vous devez nous dire en amont ce qu'est un comportement anormal et ce que vos algorithmes vont déterminer, identifier et traquer : alors nous pourrons éventuellement nous accorder sur la manière d'encadrer cette manifestation et sur ce qu'il adviendra de ce couplage par la suite.
Si le groupe Socialistes et apparentés a déposé un amendement de suppression de l'article 7, il est immédiatement suivi d'un autre, déposé dans un esprit de coconstruction – j'ai cru comprendre que c'était une notion qui vous était chère –, qui réécrit intégralement l'article pour renforcer les garanties données sur le fond et sur la forme, sur le rôle de l'État, sur les scanners millimétriques, sur la durée de l'expérimentation.
Nous ne sommes donc pas totalement opposés à l'utilisation de moyens exceptionnels, mais nous souhaitons qu'ils soient davantage cadrés et que vous soyez plus clairs, plus transparents avec nous, sur ce que vous entendez faire avec cet article 7 et la surveillance algorithmique.
M. Jérémie Iordanoff applaudit.
Vous me permettrez de prendre la parole pour répondre aux orateurs qui viennent de s'exprimer, ce qui sera une manière de justifier mes avis sur les nombreux amendements qui ont été déposés à l'article 7 et qui sont d'autant plus légitimes que nous parlons d'un événement tout à fait exceptionnel : les Jeux olympiques à Paris, c'est une fois par siècle ; les cérémonies d'ouverture en dehors des stades, c'est une fois tous les 3 500 ans, puisque cela ne s'est jamais fait.
Je reviendrai en un mot sur ce qu'est l'article 7 car, si ceux qui nous suivent ne se fient qu'aux explications de Mme Martin, ils penseront que nous parlons d'une surveillance de masse, ce qui n'est évidemment pas le cas. Beaucoup d'inexactitudes ont été proférées et il suffit de consulter le texte du projet de loi sur le site de l'Assemblée nationale pour le constater.
L'article 7 offre aux forces de l'ordre un outil d'aide à la décision pour interpréter, sur un mur d'images, certaines situations, qui n'ont rien à voir avec le repérage de personnes – le député Latombe a fort bien dit qu'il n'y avait pas de reconnaissance faciale. Je vais m'efforcer de rassurer M. Vicot, dont j'entends la remarque, même si toutes les réponses qu'il demande ne relèvent pas du domaine de la loi. Les caméras de vidéoprotection fourniront un certain nombre d'images – goulots d'étranglement, mouvements de foule, colis abandonnés, abribus endommagés – qu'il appartiendra à l'opérateur, un policier ou un gendarme disposant d'un agrément, d'interpréter en validant ou non le signalement issu de l'intelligence artificielle et en décidant, le cas échéant, d'une intervention des forces de sécurité. En aucun cas, il ne s'agira d'identifier dans une foule tel individu figurant dans un fichier du ministère de l'intérieur, y compris dans les fichiers relatifs au terrorisme. Il ne s'agit pas non plus, contrairement à ce que j'ai pu entendre, d'un profilage permettant, par exemple, de cibler tous les bruns d'un mètre soixante-quinze ou telles personnes dotées de tel signe distinctif.
Cela ne servira pas davantage, même si cela pourrait être bien utile, à retrouver des enfants égarés dans la foule. Cela étant posé, je voudrais vous citer in extenso les vingt-huit garanties prévues par la loi.
Le dispositif, applicable, jusqu'au 31 décembre 2024, aux seules manifestations sportives, récréatives et culturelles, particulièrement exposées à des risques de terrorisme, aura un caractère expérimental ;
Sa finalité sera limitée à la détection, en temps réel, des événements prédéterminés susceptibles de présenter ou de révéler ces risques et de les signaler ;
Il ne pourra être mis en œuvre que par la police ou la gendarmerie nationale, les services d'incendie et de secours, la police municipale et les services de sécurité de la SNCF et de la RATP ;
Les agents pouvant accéder aux images devront être formés et spécialement habilités ;
Les algorithmes, y compris lors de leur conception, seront régis par le RGPD et par la loi « informatique et liberté » ;
L'information spécifique des personnes faisant l'objet du traitement sera préalable à la mise en œuvre du traitement ;
Une information générale du public sur l'emploi des traitements algorithmiques sera organisée par le ministère de l'intérieur – nous y reviendrons dans les débats ;
La reconnaissance faciale et le traitement des données biométriques seront interdits ;
Tout rapprochement, toute interconnexion ou mise en relation automatisée avec d'autres fichiers à caractère personnel seront interdits ;
Il n'y aura aucune décision automatique, l'algorithme procédant exclusivement à un signalement d'attention ;
Les traitements demeureront sous le contrôle permanent des personnes chargées de leur mise en œuvre ;
Le recours au traitement algorithmique sera autorisé par décret, après avis de la Cnil ;
Ce décret précisera les exigences requises pour ce qui concerne les matières, les événements, les finalités et les garanties concernés.
Parmi ces exigences, les données d'apprentissage devront être traitées de manière loyale et éthique, reposer sur des critères objectifs et permettre d'identifier et de prévenir l'occurrence de biais et d'erreurs ;
L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), en lien avec la Cnil, sera chargée de vérifier le respect des exigences relatives à la cybersécurité
Signes et manifestations d'impatience sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
– nous n'en sommes qu'à la seizième garantie, mesdames et messieurs ;
Le respect des exigences fera l'objet d'une attestation de conformité établie par l'autorité administrative compétente ;
Le décret d'autorisation sera accompagné d'une analyse d'impact relative à la protection des données personnelles ;
L'État assurera le développement du traitement ou, lorsqu'il le confie à un tiers ou l'acquiert, s'assurera du respect des nombreuses exigences comme la déclaration d'intérêts du prestataire, le contrôle des biais, la garantie d'assistance et de contrôle humains ;
L'emploi du traitement pour un événement donné sera autorisé par le préfet du département concerné, sous condition de proportionnalité ;
La décision d'autorisation sera motivée, publiée et limitée à une durée d'un mois maximum ;
L'autorité responsable tiendra un registre des suites à apporter au signalement effectué par le traitement ainsi que des personnes ayant accès au signalement ;
Le préfet ou, à Paris, le préfet de police, ainsi que les maires des territoires concernés seront informés chaque semaine des conditions dans lesquelles le traitement est mis en œuvre. Le préfet ou le préfet de police tiendra lui-même la Cnil informée et pourra suspendre l'autorisation s'il le juge nécessaire ;
Les images traitées pourront être utilisées comme données d'apprentissage pendant une durée strictement nécessaire ;
La Cnil exercera un contrôle sur l'application de l'ensemble de l'article ;
La Cnil sera informée tous les trois mois des conditions de mise en œuvre de l'expérimentation ;
Le Gouvernement remettra au Parlement un rapport d'évaluation au plus tard le 31 décembre 2024 ;
Ledit rapport d'évaluation sera transmis à la Cnil et rendu public ;
Enfin, l'évaluation associera deux députés et deux sénateurs, dont au moins un député et un sénateur appartenant à un groupe de l'opposition, désignés respectivement par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.
Voilà donc vingt-huit garanties : c'est sans précédent.
Cela étant, je comprendrais que ni la loi de la République ni le Gouvernement ne parviennent à vous convaincre. Oserais-je donc citer le rapport la Cnil elle-même ? Vous citez constamment cette autorité mais, en l'espèce, vous ne l'avez pas fait.
Pourquoi ? Parce que ce rapport, dont je vous encourage à prendre connaissance – il s'agit de la délibération n° 2022-118 du 8 décembre 2022, qui fait une vingtaine de pages –, valide intégralement la proposition du Gouvernement. À cet égard, je vous renverrai à la page 9 et au considérant 35, qui est le suivant : « La Commission souligne que l'encadrement des traitements algorithmiques, créé par le projet de loi, prend en compte une large partie de ses recommandations. »
L'encadrement relèvera du niveau législatif : la Cnil l'avait demandé, elle l'a obtenu ;
Le recours à des analyses automatisées sera bien réservé à des hypothèses restreintes ;
M. Ugo Bernalicis s'exclame
Enfin, l'encadrement prévoit un certain nombre de garanties à même de limiter les risques d'atteinte aux données à caractère personnel.
Et si vous ne croyez pas non plus la Cnil, que vous citez sans arrêt mais à laquelle, je le répète, vous avez cette fois oublié de faire référence, je puis aussi vous renvoyer au Conseil d'État, que vous citez aussi très fréquemment : cela répondra d'ailleurs à Mmes Regol et Martin, selon qui l'inconstitutionnalité du texte est évidente. Je me réfère au considérant 26 de son avis n° 406383, de dix-huit pages, pris en sa séance du 15 décembre 2022.
« Le Conseil d'État estime que cette expérimentation, limitée dans le temps et dans l'espace, telle qu'elle est régie et encadrée par le projet de loi ainsi précisé, ne se heurte à aucune objection d'ordre constitutionnel ou conventionnel et est susceptible d'assurer une plus grande efficacité du maintien de l'ordre et de la sécurité des manifestations d'ampleur inédites qui vont se dérouler notamment dans la période des Jeux olympiques et paralympiques. L'intervention de la Cnil comme autorité de contrôle, aussi bien au stade de l'autorisation du déploiement du traitement que durant sa mise en œuvre et son évaluation, assure une supervision constante de l'expérimentation de nature à prévenir les risques susceptibles d'être rencontrés. »
Ayant évoqué tous ces éléments et arguments du Conseil d'État, de la Cnil et de la loi, j'en viens à me dire que, au fond, ce n'est pas tant la bonne organisation des Jeux olympiques qui vous intéresse, mais de former une opposition, que j'estime assez stérile.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra