Intervention de Marie Pochon

Séance en hémicycle du mercredi 22 mars 2023 à 15h00
Approvisionnement en produits de grande consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Pochon :

Qui aurait pu prédire la vague d'inflation ? nous demandait Emmanuel Macron, en décembre dernier. Alors que la hausse des prix alimentaires pourrait se poursuivre et atteindre 15,4 % en juin, alors qu'un tiers des Français renoncent à l'achat des produits d'hygiène, alors que cette hausse des prix a des conséquences sur la qualité de la nourriture, notamment pour les plus modestes – car certains industriels remplacent, dans la composition de leurs produits transformés, les produits de base par des substituts moins chers –, alors que la spéculation sur les cours et les conséquences de plus en plus concrètes du changement climatique induisent une très forte hausse du prix des matières premières agricoles, de l'énergie et des emballages, et mettent en difficulté nombre de nos PME, alors que nos concitoyens galèrent et que, le jour même où vous leur imposez brutalement une réforme injustifiée, certains grands patrons trouvent pertinent de s'augmenter de 10 %, nous ne pouvons que constater que la faille était là, devant nous, depuis des années.

Depuis des années, les paysans sont pris en étau dans des politiques libérales plus protectrices des biens que des personnes, assises sur des accords de libre-échange qui ne tiennent pas compte des conséquences concrètes sur la vie des gens. Depuis des années, règne une spéculation incontrôlée sur les cours, les prix des matières premières agricoles s'envolant ou s'amenuisant au gré des fluctuations d'un système financier en roue libre, nourri par un argent sans contrepartie réelle. Depuis des années, les supermarchés remplacent nos petits commerces ainsi que nos terres agricoles, et pratiquent des prix qui ne rémunèrent correctement ni ceux qui y travaillent – progressivement, d'ailleurs, remplacés par des machines –, ni leurs fournisseurs locaux.

Chaque année, les acteurs de l'industrie agroalimentaire et les enseignes de la grande distribution entament des négociations commerciales pour se mettre d'accord sur les prix. Mais, en 2022, le dispositif a montré ses failles. Il a été impossible de s'entendre, et les blocages ont mis au jour l'excès de pouvoir patent des distributeurs dans ces négociations. Cette proposition de loi n'était, à l'origine, qu'une réponse à ces blocages.

Pourtant, les tensions sur les ressources naturelles, sur les biens et l'énergie ne datent pas d'hier. Rien de conjoncturel dans ces problématiques, et cela fait cinquante ans que les écologistes ne cessent d'alerter sur l'absence de résilience de nos modèles économiques. Sur une planète finie, alors que le vivant s'effondre et que le climat pourrait se réchauffer de 4 degrés, nous devons plus que jamais anticiper les phénomènes de crise, notamment pour notre alimentation. Les textes de loi de ce gouvernement et de cette majorité ne sont malheureusement souvent que des rustines que l'on multiplie pour éviter que le système craque.

Oui, nous avons besoin d'un rééquilibrage des relations commerciales autour d'un juste prix pour les consommateurs et pour les fournisseurs, qu'ils soient paysans ou TPE (très petites entreprises) ou PME. Nous l'assumons, le pouvoir de vivre des Français ne se défend pas au mépris des revenus des agriculteurs, des artisans ou des petits producteurs. Il se défend avec des hausses de salaire. Notre priorité est de permettre à chaque Français d'avoir accès à une alimentation saine, abordable, respectueuse de l'environnement et du climat, qui rémunère justement les producteurs, et ce, en garantissant la transparence et l'information des citoyens sur ce qu'est le juste prix.

L'article 3, qui a vocation à mieux rééquilibrer le poids des fournisseurs et des distributeurs dans les négociations commerciales, reste cependant insuffisant. Selon nous, il manque sa cible et favorisera les gros industriels, ceux qui souffrent le moins de la crise et continuent, contrairement aux petits, à faire des marges. En effet, ce sont ces gros industriels qui auront la capacité de rompre les contrats avec les enseignes. Nul ne peut penser qu'un producteur de picodons, une vigneronne ou un nougatier risqueront de se priver de leur unique client. Encore une fois, vous favorisez donc les plus gros, les multinationales, et nous le regrettons.

Cela dit, nous considérons que cette proposition de loi va dans le bon sens parce qu'elle renforcera l'encadrement des promotions et régulera les pénalités logistiques dont les enseignes abusent massivement. Elle permettra également plus de transparence sur la fixation des prix et sur les marges de la grande distribution, en particulier sur les produits bio – et nous saluons l'amendement en ce sens que nos collègues écologistes du Sénat ont défendu. À l'heure où la filière est en crise et où le Gouvernement semble avoir baissé les bras, nous continuerons à défendre avec détermination le bio accessible à toutes et tous, car c'est le droit, pour chacun, de bénéficier d'une alimentation saine et respectueuse de l'environnement, et, pour chaque producteur, de tirer fierté de son travail.

Pour toutes ces raisons, nous, membres du groupe Écologiste – NUPES, voterons en faveur de cette proposition de loi.

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