Intervention de Philippe Lottiaux

Séance en hémicycle du mercredi 22 mars 2023 à 15h00
Faciliter le financement des travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Lottiaux :

Depuis plusieurs années, nous assistons à une véritable inflation normative qui pèse sur tous les acteurs publics, au premier rang desquels les collectivités territoriales. Entre des lois parfois bavardes et imprécises, dont nous ne manquons malheureusement pas d'exemples récents, et des décrets d'application parfois incompréhensibles voire contradictoires, tout projet d'investissement public tend à devenir un parcours du combattant.

L'AMF – Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité – soulignait ainsi récemment qu'au cours des vingt dernières années, le nombre de mots du code de la construction et de l'habitation a doublé, et que celui du code de l'environnement a été multiplié par dix. Nous sommes bien loin de Boileau et du temps où ce qui se concevait bien s'énonçait clairement, même s'il semble que les mots pour le dire parviennent trop aisément.

Pour la période allant de 2017 à 2022, la direction générale des collectivités locales (DGCL) chiffre à près de 2 milliards d'euros le coût pour nos collectivités de cette inflation normative. Tout projet implique de multiples études, rapports, diagnostics et autres inventions parfois kafkaïennes, qui en augmentent le coût comme les délais.

Si on ajoute à cela la perte progressive de l'autonomie fiscale, on comprend que de nombreux maires hésitent de plus en plus à investir ou à construire, en dépit des besoins. La complexité décourageante et les risques juridiques sont alors à comparer avec le faible bénéfice attendu. Une telle situation risque d'entraîner de lourdes conséquences, dès les prochains mois. Le ralentissement brutal de la construction de logements neufs – privés et sociaux, puisque la plupart des opérations sont mixtes – aggravera les problèmes de logement de nombre de nos concitoyens, et risque en sus d'entraîner une forte crise du secteur BTP, avec un effet non neutre sur l'emploi.

Au milieu de ces ténèbres législatives, encore épaissies par le projet de réforme des retraites, reconnaissons que cette proposition de loi dessine un petit rai de lumière.

Pour une fois, ce texte offre un peu d'air et de liberté – le moyen de faciliter la vie des acteurs publics. C'est assez rare en cette période pour être souligné. Qui plus est, il concerne la rénovation énergétique des bâtiments publics, laquelle s'annonce comme un défi majeur pour les années à venir. Dans ce secteur, beaucoup d'erreurs ont été commises ; nous aurons un jour l'occasion de débattre à nouveau des interdictions progressives, dans les prochaines années, de louer des biens catalogués G, puis F, puis E, dont l'incidence sur un marché de la location déjà souvent tendu n'a pas été anticipée. Mais c'est un autre débat.

S'agissant des bâtiments publics, nombre d'acteurs, notamment les petites collectivités, ne disposent pas forcément de l'ingénierie nécessaire à la conception d'opérations de rénovation parfois complexes ; elles disposent encore moins de la capacité technique d'en assurer le suivi et la mesure des objectifs. Et c'est sans parler des difficultés de financement, encore accrues par le contexte économique.

La contradiction était donc évidente entre cette situation et la volonté louable d'agir vite, pour préserver tant l'environnement que l'économie, eu égard à la flambée des prix de l'énergie, elle-même en grande partie la conséquence des erreurs et des errements de nos gouvernements successifs, l'actuel n'étant pas en reste en la matière.

À titre expérimental et pour cinq ans, avec la remise au bout de trois ans d'un rapport détaillé, le texte autorise la conclusion de marchés globaux de performance pour la rénovation énergétique, avec paiement différé. Selon le code de la commande publique, le marché global de performance « associe l'exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance ». Cette mesure aidera à résoudre les difficultés d'ingénierie et de suivi, ce dernier devenant l'affaire du prestataire qui se sera engagé sur des résultats mesurables. Surtout, elle autorise à différer le paiement, donc à lisser le coût d'investissement et à externaliser la maintenance, en la confiant à des professionnels, garantissant les économies prévues.

En outre, la possibilité offerte aux EPCI d'agir pour le compte de leurs communes membres, par une convention ad hoc, peut véritablement aider les communes. Contrairement aux transferts obligatoires de compétences, ce dispositif offre, pour une fois, un exemple de ce qu'une intercommunalité peut apporter à ses membres – de quoi, là encore, inspirer d'autres débats que nous ne manquerons pas d'avoir un jour prochain.

Une fois encore, dans ce domaine comme de manière plus générale, nous regrettons que le code de la commande publique ne permette pas de favoriser réellement les entreprises locales. Il conviendrait au minimum de pouvoir intégrer correctement et pleinement nos PME au dispositif. Il n'en demeure pas moins que, dans le cadre juridique existant, ce texte est le bienvenu pour les acteurs publics comme pour les entreprises : il concourt à faciliter et à accélérer les actions de rénovation énergétique. C'est la raison pour laquelle le groupe Rassemblement national votera en sa faveur.

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