France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Merci, madame la présidente, de me donner la parole en ce début de séance. Depuis quelques jours, de violents orages frappent le Béarn de façon répétée et de fortes inondations ont touché plusieurs villages : Oloron-Sainte-Marie, Agnos, Bidos ou Eysus. Hier, un torrent de boue a déferlé sur celui de Lourdios-Ichère, bien connu en vallée d'Aspe, dévastant l'école et la mairie.
Je tiens à rendre solennellement hommage à M. Millerou, l'instituteur de la commune : grâce à son sang-froid et sa réactivité, il a permis d'éviter un drame. À l'arrivée du torrent de boue, haut de 1,5 mètre, il était en classe avec ses élèves, qu'il a réussi à évacuer in extremis. Au nom de la représentation nationale, je voudrais lui dire toute notre reconnaissance.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Je veux aussi adresser mes vœux de prompt rétablissement à Marthe Clot, maire de Lourdios-Ichère, blessée par l'effondrement des cloisons de la mairie. Elle a été prise en charge par les secours, mais ses nouvelles sont rassurantes ; elle espère être de retour dans le village aussi vite que possible.
Je remercie l'ensemble des agents communaux, intercommunaux et départementaux, mais aussi les services de secours, les pompiers et les élus locaux, mobilisés sans relâche depuis plusieurs jours dans les différentes communes, notamment à Lourdios-Ichère. Enfin, j'apporte mon soutien à l'ensemble des sinistrés de ma circonscription.
Un élan de solidarité s'est manifesté pour que chacun puisse reprendre une vie normale aussi rapidement que possible. Je me rendrai demain matin sur place, avec les services de la préfecture.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
Je ne doute pas, monsieur le ministre délégué chargé des transports, que les services des ministères concernés accompagneront les élus du territoire afin qu'y soit reconnu l'état de catastrophe naturelle, qu'un soutien psychologique soit proposé aux enfants et que soient menés les travaux d'envergure nécessaires à la rénovation des routes et à la réparation des nombreux dégâts recensés dans différentes communes.
Les députés des groupes SOC et LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
Puisque nous allons parler d'un sujet qui concerne la Haute-Savoie, permettez-moi d'avoir à nouveau, au nom du Gouvernement, un mot pour les victimes de l'attaque d'Annecy et pour les forces de l'ordre et de sécurité, les soignants et les agents des services publics ,
Applaudissements sur tous les bancs
les héros ordinaires qui se sont mobilisés pour, face à ce drame, montrer le meilleur visage de notre pays et de ses valeurs.
Le texte qui nous rassemble vise à lever un obstacle administratif à la réalisation d'une liaison routière entre les communes de Machilly et de Thonon-les-Bains. Pour en avoir longuement parlé avec de nombreux élus du territoire, qui m'avaient saisi de ce sujet, au premier rang desquels Mme la rapporteure Anne-Cécile Violland et son collègue sénateur Cyril Pellevat, je sais que cette liaison est attendue de longue date – plusieurs décennies – par les habitants du Bas-Chablais et de la Haute-Savoie. Vous avez été étroitement associée, madame la rapporteure, à cette initiative parlementaire venue du Sénat.
Bien que cette liaison ait été reconnue d'utilité publique en 2019, le calendrier de sa réalisation est compromis car les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) de la communauté de communes du Bas-Chablais, adoptées en février 2020, sont incompatibles avec le projet. Cette incompatibilité ne semble pas résulter d'une décision délibérée des collectivités, mais plutôt d'une erreur de traduction, dans le document d'urbanisme, d'un projet pourtant anticipé, attendu et relayé par la plupart des élus du territoire – pour ne pas dire la totalité.
Du point de vue technique, il serait possible de faire évoluer le PLUI du Bas-Chablais par les procédures traditionnelles, voire d'attendre l'élaboration d'un nouveau PLUI par la collectivité. Toutefois, cela impliquerait, en raison des différentes étapes à franchir, des délais très longs, qui ne permettraient pas à la procédure d'attribution du contrat de concession de se poursuivre dans les conditions envisagées. Dès lors, les rapports des commissions des affaires économiques des deux assemblées ont explicitement montré qu'il n'existait pas d'autre option, satisfaisante techniquement, que le recours, extraordinaire – au sens propre du terme –, à la loi. Ce choix relevant d'une décision parlementaire, démocratique par essence, j'en laisse juge l'Assemblée nationale comme j'en ai laissé juge le Sénat.
Les situations telles que celle du Bas-Chablais sont heureusement rares. Il me semble néanmoins salutaire que le Parlement, au nom de l'intérêt général, dans le respect de la Constitution et des procédures, et si ses membres le souhaitent, puisse corriger ces situations problématiques, non anticipées par les textes de loi actuellement en vigueur. La proposition de loi qui vous est soumise est parfaitement compatible avec la Constitution. Je tiens à préciser, car ce fut un sujet de discussion au Sénat, qu'elle ne relève pas de la catégorie juridique spécifique des lois de validation. Le texte n'a pas pour objet de réviser le plan local d'urbanisme, mais de corriger une situation particulière, le fait que ce plan ait omis de prendre en considération un projet déclaré d'utilité publique quelques mois avant sa dernière révision.
Sur le fond, le projet de liaison routière a l'obligation d'être exemplaire sur le plan environnemental. Les sujets relatifs à l'environnement devront être traités de manière irréprochable par le maître d'ouvrage, ce qui lui permettra d'obtenir l'autorisation indispensable au démarrage des travaux ; je sais à quel point les élus, comme le Gouvernement, y tiennent. Cette préoccupation environnementale sera traduite grâce aux procédures prévues à cet effet. Le Conseil d'État, saisi à plusieurs reprises, a d'ailleurs écarté, par sa décision du 30 décembre dernier, tous les contentieux restants relatifs à la déclaration d'utilité publique (DUP).
Je partage votre volonté de réduire, chaque fois que cela est possible, l'impact environnemental de nos mobilités et de nos infrastructures. C'est tout le sens de la démarche que j'ai engagée pour passer en revue les grands projets autoroutiers. C'est aussi le sens de la démarche globale engagée par le Gouvernement, sous l'autorité de la Première ministre, à la suite du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), auquel ont participé plusieurs parlementaires, issus de divers groupes politiques de l'Assemblée comme du Sénat. Cette démarche vise à investir davantage dans les mobilités décarbonées. Hier, en répondant à plusieurs questions dans cet hémicycle, j'ai eu l'occasion de montrer que le plan d'investissement pour l'avenir des transports commençait à se déployer concrètement, notamment avec l'engagement de négociations pour les contrats de plan État-région (CPER). Je sais que vous souscrivez à la nécessité de cet investissement décarboné, à la nécessité de ce réinvestissement, notamment de l'État, dans les mobilités propres, et à la nécessité d'avoir, pour les infrastructures, en particulier routières, de plus grandes exigences sur le plan environnemental.
Nous ne devons pas pour autant oublier que les territoires ont besoin de mobilités, y compris routières : 87 % des mobilités quotidiennes, tous territoires confondus, se font en voiture. La décarbonation globale passe aussi par la décarbonation de la route elle-même ; cela ne signifie pas zéro routes, mais plus d'exigence et de sélectivité. C'est pourquoi nous assumons d'avoir diminué l'enveloppe consacrée aux routes dans les CPER. Toutefois, réduire à néant l'ensemble des projets serait une erreur. Nous devons également assumer que les projets routiers eux-mêmes doivent être soumis à des exigences environnementales de plus en plus strictes, pour encourager le déploiement progressif des véhicules électriques partout en France.
Nous étudierons chaque projet, notamment les grandes infrastructures routières – beaucoup sont déjà engagées –, en fonction de plusieurs critères environnementaux dont la limitation de l'artificialisation et la réduction de l'empreinte carbone, tout en tenant compte de la nécessité de désenclaver certains territoires. Cela relève du pragmatisme et il y va de la cohérence et de l'efficacité de la transition écologique. Dans cet esprit, nous passerons en revue les projets autoroutiers dans les toutes prochaines semaines, sous l'autorité de la Première ministre. La liaison Machilly – Thonon-les-Bains sera pleinement intégrée dans cet examen. Il est essentiel que les procédures ne soient pas un obstacle à la réalisation de cette liaison, attendue de longue date. Même si cela a vocation à rester exceptionnel, il faut donc que le législateur puisse se prononcer pour corriger une erreur procédurale rare.
Le Gouvernement donne un avis de sagesse sur cette proposition de loi, comme il l'a fait au Sénat, qui l'a adoptée. Je le répète, le projet d'infrastructure satisfait nos exigences environnementales. Quant à la démarche législative qui vous est proposée, elle est exceptionnelle et doit le rester. Son résultat est aujourd'hui entre les mains de votre assemblée, comme il était entre celles du Sénat il y a quelques semaines. C'est ce qui en garantit, par essence, le caractère démocratique.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Nous discutons d'une proposition de loi transmise par le Sénat. Je voudrais donc commencer par remercier Mme Martine Berthet, rapporteure de ce texte au Sénat ,…
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR, RE et Dem – Mme Émilie Bonnivard applaudit également
…les sénateurs de Haute-Savoie, Mme Sylviane Noël et M. Cyril Pellevat, auteurs de la proposition, et M. Loïc Hervé, qui l'a soutenue. L'engagement transpartisan des parlementaires pour l'avenir du Chablais a permis l'adoption de ce texte par 234 voix contre 12.
De même, je remercie très sincèrement les différents groupes qui ont accepté son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale cette semaine. Je remercie vivement M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques, M. Daniel Montin, administrateur de la commission, ainsi que mes collaboratrices ; tous ont œuvré de concert en faveur de cette proposition de loi. Enfin, je remercie toutes les personnes qui ont accepté d'être auditionnées et de nous donner ainsi une connaissance plus fine de la situation.
Ce texte est inhabituel, je le concède, mais il ne crée pas de précédent. Il revêt une importance primordiale pour la Haute-Savoie et tout particulièrement pour le Chablais. Son adoption permettrait en effet la réalisation d'une infrastructure indispensable et urgente : la liaison autoroutière de 16,5 kilomètres entre Machilly et Thonon-les-Bains, longtemps attendue par les habitants du territoire, et qui constitue le dernier chaînon manquant d'une stratégie de mobilité multimodale.
D'une manière générale – et nous pouvons en être fiers –, le département de la Haute-Savoie bénéficie d'une attractivité certaine : sa population augmente de plus de 12 000 habitants par an. Mais les problèmes de mobilité constituent un frein à son développement économique.
Pour ceux qui sont venus dans le Chablais, l'avis est unanime : c'est beau, mais c'est loin. Il faut au minimum une heure et demie pour accéder à l'autoroute, pourtant située à quelques kilomètres.
Vous le savez, le territoire du Chablais souffre depuis longtemps d'un enclavement géographique, puisqu'il est cerné, au nord et à l'ouest, par le lac Léman et, au sud, par les montagnes. Les seuls moyens d'y accéder depuis la France sont deux routes départementales partant d'Anemasse, lesquelles n'ont connu aucun changement depuis plus d'un demi-siècle. Or, durant cette période, la population locale a plus que doublé et l'économie a suivi la même trajectoire.
Dès lors, il est inévitable que les infrastructures soient saturées – une situation qui dessert tout le monde. Les problèmes de mobilité sont unanimement partagés, les habitants mettant de plus en plus de temps à rejoindre les centres urbains.
L'accès aux services de soins est de plus en plus difficile, ce qui pose un vrai problème de santé publique. Il faut parfois plus d'une heure et demie pour rejoindre les urgences ! Le sous-équipement structurel du Chablais conduit à engorger les villes traversées par les deux axes existants : Bons-en-Chablais, Brenthonne, Lully, Perrignier ou encore Sciez et Douvaine connaissent des embouteillages du matin jusqu'au soir. Ces bouchons dégradent fortement la qualité de l'air, ce qui nuit à la santé des Chablaisiens. Les cours d'école sont situées à proximité des routes, exposant les enfants à ces dangers.
S'y ajoutent de véritables problèmes de santé environnementale liés aux émissions de gaz à effet de serre, infiniment plus importantes lorsque les véhicules sont immobilisés dans un bouchon qu'en cas de circulation fluide. La consommation d'essence double également. Autre dommage collatéral, pour échapper à ces bouchons, les automobilistes à la recherche d'une solution alternative s'engagent sur de petites routes parallèles, ce qui engorge des accès critiques.
En outre, l'inadaptation des voies, très étroites, sur lesquelles circulent jusqu'à 20 000 véhicules par jour, cause un nombre croissant d'accidents graves. En traversant les villages, il arrive que les poids lourds ferment en passant les volets de certaines maisons ! Les collectivités ont dû multiplier les aménagements pour garantir la sécurité des routiers comme celle des usagers. Les élus locaux ont fourni un travail remarquable, mais ils sont désormais confrontés à un vrai casse-tête et n'ont plus les moyens d'y faire face.
Pour répondre à cette situation critique, le territoire a appliqué une politique volontariste de développement multimodal, ce dont témoigne le schéma de cohérence territoriale – Scot – qui prévoit la réalisation de l'autoroute dont il est question aujourd'hui. Ainsi, l'ouverture du RER Léman Express en 2019 a permis d'améliorer la desserte des voyageurs entre Annemasse et Thonon. La ligne est toutefois déjà saturée – 70 000 personnes l'empruntent au lieu des 40 000 estimés – et sa création n'a résolu en rien le problème du fret, puisque les camions transportant quotidiennement 6 millions de bouteilles d'eau d'Évian doivent emprunter les routes départementales. Par ailleurs, les élus et les habitants travaillent de concert à réhabiliter le RER Sud Léman, dit le Tonquin, qui prolongera le Léman Express. Sur ce sujet, vous savez, monsieur le ministre délégué, combien notre territoire compte sur votre soutien et l'engagement de l'État. Le transport lacustre a également fait l'objet d'investissements pour améliorer le trafic transfrontalier. Enfin les collectivités investissent dans l'aménagement de pistes cyclables, notamment la ViaRhôna.
Mais ce projet multimodal est resté au milieu du gué. En effet, il manque un réseau de bus à haut niveau de service (BHNS) qui ne pourra être déployé avant la réalisation de l'axe autoroutier, à moins de voir les bus immobilisés dans les bouchons qui engorgent les routes existantes. Le report modal qui résultera de la réalisation de cette infrastructure est donc essentiel à la fois pour la santé des habitants, pour leur sécurité ainsi que pour l'économie du territoire.
Pourquoi ce projet si attendu et si bénéfique, qui contribuera à parachever la stratégie de mobilité durable, est-il actuellement à l'arrêt ?
C'est un exemple classique d'une situation juridique complexe résultant de l'enchevêtrement inextricable des normes applicables en matière d'urbanisme. La présente proposition de loi vise à y remédier.
À la suite d'une concertation publique, menée en 2016 sous l'égide de la CNDP – Commission nationale du débat public –, et d'une évaluation environnementale exhaustive, comprenant une enquête publique et l'avis des collectivités territoriales concernées, le projet de réalisation d'une liaison à deux fois deux voies a été déclaré d'utilité publique par décret en Conseil d'État le 24 décembre 2019. Cette déclaration d'utilité publique permet à la fois d'engager la procédure d'expropriation et de désigner le concessionnaire. L'article 6 du décret prévoit la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme (PLU) des dix communes situées sur le trajet du projet de liaison.
Toutefois, quelques mois plus tard, à la fin du mois de février 2020, juste avant les élections municipales et la crise sanitaire, le plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Bas-Chablais est adopté en urgence par Thonon Agglomération, la communauté d'agglomération née d'une fusion de plusieurs intercommunalités intervenue deux ans après le début de l'élaboration du plan. En devenant exécutoire, le nouveau PLUI remplace les plans locaux d'urbanisme respectifs des dix communes.
Le nouveau document, tout comme le nouveau Scot approuvé en 2009, évoque largement le projet autoroutier, puisque celui-ci est mentionné à de nombreuses reprises dans le rapport de présentation et dans le Padd, le projet d'aménagement et de développement durables. En revanche, le tracé du projet ne figure pas dans son règlement graphique, ni, d'ailleurs, dans la déclaration d'utilité publique qui lui est antérieure. On ne peut donc pas considérer qu'il y a mise en compatibilité du PLUI. Ainsi, bien qu'il ait été déclaré d'utilité publique, le projet ne peut avancer.
Je vous l'accorde, le recours au levier législatif n'est pas anodin en de telles circonstances. Comme l'ont soulevé les membres de la commission des affaires économiques, le législateur ne peut être mis en situation de devoir systématiquement valider des actes réglementaires des collectivités. Mais trois raisons doivent vous inciter à voter ce texte : l'infrastructure est essentielle ; parmi les solutions envisagées, c'est la seule qui soit viable ; il s'agit d'un acte législatif qui ne remet nullement en cause les procédures de participation du public et de protection de l'environnement – contrairement à ce que disent certains.
Certains voudraient refuser d'aider les élus locaux concernés et les obliger à attendre de nouveau quatre ans pour faire avancer un projet qui fait pourtant l'objet d'un large soutien. Ces élus sont présents dans les tribunes, ce dont je les remercie.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.
J'ai reçu de Mme Cyrielle Chatelain et des membres du groupe Écologiste – NUPES une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
Nous sommes saisis d'une proposition de loi qui n'a pas à être débattue ici.
Nous sommes, me semble-t-il, à l'Assemblée nationale. Que vient faire dans notre ordre du jour une proposition de loi visant à modifier un PLUI ? Notre rôle, mes chers collègues, est bien de légiférer et de débattre des orientations nationales,…
…et non de se substituer aux élus locaux pour en accomplir les droits et les devoirs, ni de contourner par le haut les procédures d'urbanisme ordinaires – j'insiste sur ce mot. Car oui, pour élaborer un plan local d'urbanisme intercommunal, il faut franchir certaines étapes, consistant à vérifier le bien-fondé du projet et à en évaluer ses effets.
L'objet de cette régularisation contrevient à tous les objectifs que l'État s'est fixés : zéro artificialisation nette (ZAN), priorité donnée au rail plutôt qu'à la route, préservation de la biodiversité ou encore moyens engagés pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. J'y reviendrai.
Dites que vous ne voulez pas d'autoroute, ça ira plus vite ! Si l'on plantait des arbres, vous seriez d'accord !
Absolument rien ne va dans la proposition de loi visant à régulariser le PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais. D'abord, sur la forme, le titre est mensonger. Vous ne régularisez rien, vous contournez plutôt les procédures, qui ne sont pas aussi complexes que vous le prétendez. Il aurait suffi que le PLUI, en cours de révision, prévoie le projet autoroutier, à condition que les collectivités territoriales le soutiennent autant que vous le prétendez, ce dont je doute.
Il est vrai qu'il est plus facile, lorsqu'on rencontre une quelconque opposition à un projet autoroutier, de passer en force par une loi d'exception pour faire taire les opposants. L'A31 bis de Thionville, l'A154 de Saint-Rémy-sur-Avre, le projet de contournement du Havre : tant de projets autoroutiers à laquelle la France est accro, mais contre lesquels, partout, les oppositions grondent.
Comptez-vous présenter une proposition ou un projet de loi pour chacun de ces projets ?
Dans le Bas-Chablais, si le projet d'autoroute reste en germe depuis tant d'années, vous devez vous douter que c'est parce qu'il n'a aucun sens et qu'il ne résout aucun problème. En outre, les cafouillages ne cessent de s'enchaîner. Ainsi, on découvre que Thonon Agglomération a malencontreusement « oublié » d'inclure la réalisation de cette autoroute tant voulue lors de l'élaboration du PLUI du Bas-Chablais.
Dès 2019, la mission régionale d'autorité environnementale a donné l'alerte : la consommation d'espace ne serait absolument pas la même si cette autoroute était incluse dans le paysage. Mais Thonon Agglomération a fait la sourde oreille, voulant croire qu'il lui serait possible d'ignorer les avis de la MRAE. Des études environnementales complémentaires ont bien été demandées, mais, comme d'habitude, les considérations environnementales sont passées au second plan.
Parce que le choix a été fait de simplement ignorer la nécessité de mettre en comptabilité le PLUI, nous en sommes aujourd'hui réduits à débattre de ces sujets locaux dans notre hémicycle. C'est, tout simplement, n'importe quoi.
C'est pourquoi le groupe Écologiste vous propose de rejeter résolument cette proposition de loi.
Pis encore, madame la rapporteure, vous êtes en train de créer un précédent très dangereux – nos collègues ont soulevé ce point en commission.
Vous ouvrez la voie à toutes les collectivités locales désireuses de construire un nouvel échangeur routier, une extension d'aéroport ou un nouveau centre commercial en zone protégée.
…a déposé cette semaine une proposition de résolution pour réaliser la déviation de la nationale 7.
Vous ouvrez donc la voie à un interventionnisme systématique de l'État : ce dernier pourra se substituer aux collectivités locales à chaque fois que l'on souhaitera éviter d'écouter les gens – habitants, agriculteurs, associations de protection de l'environnement –, ou, tout simplement, lorsque le maire de la commune voisine ne sera pas d'accord avec vous. Le rôle du Parlement n'est pas de piétiner les compétences des collectivités ni de résoudre à la hâte des problèmes de mise en compatibilité de documents.
Voilà pourquoi, sur la forme, nous rejetons ce texte en bloc, et nous vous demandons d'en faire de même.
Sur le fond du projet, à l'heure où la loi de programmation sur l'énergie et le climat est en cours d'élaboration, toute personne ici présente, sérieusement engagée pour le climat et pour l'environnement, ne peut en conscience voter la présente proposition de loi.
Arrêtez de dire n'importe quoi, vous êtes contre le Lyon-Turin ! Êtes-vous pour que les camions traversent les villages ?
Nous sommes le 14 juin 2023, il fait 29 degrés à Paris. Nous avons déjà subi plusieurs canicules l'été dernier. Le dérèglement climatique nous touche de plein fouet. Des arrêtés sécheresse sont pris partout en France. Notre collègue Inaki Echaniz vient d'évoquer les inondations provoquées par de violents orages dans les Pyrénées-Atlantiques.
Dès lors, est-il raisonnable de proposer de passer en force pour construire une autoroute inutile et nocive ? Il ne s'agit pas de dire, la main sur le cœur, que nous devons nous adapter au climat et tout faire pour réduire les effets de nos actions sur les ressources ; il s'agit de passer des paroles aux actes.
Avec ce texte honteux, comme à travers tous vos textes présentés depuis le début de la législature, vous continuez à faire de l'environnement et de la biodiversité des simples variables d'ajustement. Vous soutenez en conscience un projet d'autoroute qui détruira irrémédiablement des écosystèmes participant de manière indispensable à la qualité de l'air et au stockage de l'eau, sans lesquels la santé humaine risque d'être sérieusement mise en danger.
Oui, l'artificialisation des sols affecte réellement notre santé. Vous le savez, mais vous choisissez de l'ignorer. Vous choisissez de bétonner toujours plus, ce qui n'est pas cohérent avec les objectifs de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs zéro artificialisation nette au cœur des territoires, dont nous débattions pourtant en commission ce matin. Dois-je vous rappeler que couler toujours plus de bitume empêche les sols de stocker du carbone, renforce les risques d'inondations, menace nos terres agricoles et met en danger notre capacité à nous nourrir ?
Dois-je vous rappeler que les projets routiers sont le deuxième facteur d'artificialisation des sols et qu'ils ont un impact colossal, en entraînant la destruction de terres agricoles, de zones humides et de forêts qui régulent le climat ?
Le Bas-Chablais n'est pas, comme vous le prétendez, une zone enclavée qui doit se développer. C'est, à la périphérie de Genève, un territoire dont l'artificialisation a progressé de 2,85 % en cinq ans, soit à un rythme dix fois plus élevé que le rythme national moyen.
Ne nous faites donc pas croire qu'il doit être davantage encore artificialisé. Il a un besoin vital de conserver ses puits de carbone et sa biodiversité plutôt que d'accueillir une autoroute qui va ravager des espaces protégés, dévaster des zones humides et menacer des espèces protégées, comme le sonneur à ventre jaune – protégé au niveau français et européen !
Nous nous désolons par ailleurs de votre désintérêt pour le maintien des professions agricoles. Près de 10 % des exploitations du Bas-Chablais seront directement affectées par la construction de cette autoroute. En défendant ce projet, vous mettez à mal une agriculture de qualité, extensive, qui rémunère mieux qu'ailleurs et maintient notre bocage, une agriculture qui permet à des élevages bovins en pâture de produire des fromages sous signe de qualité qui, comme le Reblochon, font la fierté des terroirs français. Le monde agricole souffre, les paysans quittent les champs.
Ce projet est donc en contradiction majeure avec notre politique agricole et avec la nécessité de préserver notre foncier. Et tout cela pour quoi ? Pour une autoroute inutile, puisque des solutions ferrées existent déjà !
Mme Émilie Bonnivard s'exclame vivement.
Monsieur le ministre délégué, vous avez défini vos priorités en matière de transport, et nous les saluons. Oui, les transports sont responsables d'un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre, dont plus de la moitié sont imputables au transport routier. Aussi faut-il, vous l'avez dit, passer de la route au rail et développer les lignes ferroviaires régionales existantes pour offrir une alternative décarbonée à la mobilité du quotidien.
C'est le sens de la proposition de loi dont nous débattrons vendredi dans cet hémicycle. Elle vise en effet à renforcer les services express régionaux métropolitains et les transports du quotidien. Dès lors, comment, aujourd'hui, mercredi, pourrions-nous voter une loi dont l'objet est de permettre la construction d'une autoroute qui sera en concurrence directe avec le ferroviaire ?
Le Léman Express est le parfait exemple d'un service de train qui fonctionne ; il transporte plus de 58 000 passagers par jour. Il me semble, monsieur le ministre, que, si vous voulez être en cohérence avec vos orientations politiques, les 200 millions d'euros nécessaires à la construction de la nouvelle autoroute doivent être réorientés vers les aménagements nécessaires pour rabattre les usagers vers le train. Car cela manque, du côté français. Des études sont par ailleurs déjà engagées pour augmenter le nombre de passagers par wagon.
Comment pouvez-vous soutenir une proposition en totale contradiction avec la politique que vous menez ?
Surtout, vous le savez, ce n'est pas en construisant une autoroute privée, payante, que nous favoriserons l'accès à la mobilité. Il faudra débourser au bas mot 6 euros pour faire 17 kilomètres aller-retour, soit bien plus que pour faire le même trajet en train, si l'on compte le carburant et le prix du stationnement à Genève.
Comment, du reste, prétendre favoriser la mobilité pour toutes et tous par la route ? Ignorez-vous qu'en milieu rural, 20 % des femmes n'ont pas le permis ? Et lorsque le prix du carburant atteint 2 euros le litre, peut-on réellement continuer à affirmer qu'une autoroute payante favorisera la mobilité ?
Enfin, ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, monsieur le ministre délégué : ce n'est pas en construisant une autoroute qu'on résout le problème des embouteillages, au contraire. Les études de l'Agence de la transition écologique (Ademe) le démontrent : plus on crée de routes, plus il y a de trafic !
Mme Émilie Bonnivard s'exclame.
Même vous, madame la rapporteure, l'avez admis : vous ne soutiendriez pas les projets autoroutiers actuels. Votre collègue M. Lamirault a également convenu que les projets de ce type étaient d'un autre temps.
Celui-ci, vu son âge, l'est assurément. L'ancienneté d'un projet ne témoigne pas de sa nécessité, seulement de son ancienneté. Celui-ci a été imaginé à une époque, les années 1980, où les impératifs écologiques n'étaient pas aussi connus qu'aujourd'hui. Nous sommes en 2023 : il est temps de changer de braquet. Il y a urgence !
Du reste, nous ne devrions pas être en train d'examiner cette proposition de loi, car elle est inconstitutionnelle. Pour qu'elle ne le soit pas, il faudrait pouvoir justifier que le projet d'autoroute est d'intérêt général ; or il contrevient clairement à tous nos impératifs climatiques et sociaux. À l'heure des sécheresses, de la hausse des températures, nous devons agir résolument. Au lieu de s'amuser à afficher des orientations et à prononcer de belles phrases, il faut œuvrer concrètement. C'est d'action que nous avons besoin !
Je vous enjoins donc de ne pas contourner les droits et les devoirs des élus locaux, d'écouter la société civile mobilisée : une pétition a recueilli 12 000 signataires dans le territoire du Bas-Chablais…
Vous pouvez la retrouver, madame la rapporteure. L'ignorer témoigne de votre manque d'écoute de la population ; vous en faites une nouvelle fois la preuve.
Écoutez la société civile mobilisée, disais-je, et les organisations environnementales, France nature environnement (FNE) ou la Confédération paysanne.
Répondez favorablement aux recommandations de l'autorité environnementale compétente et faites en sorte que le débat ait lieu de manière éclairée là où il doit être mené, c'est-à-dire – j'en conviens – dans l'enceinte du conseil intercommunal du Bas-Chablais.
Chers collègues, si vous dites agir résolument en faveur du climat et de la réduction de notre empreinte écologique, je vous invite à voter fermement notre motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre délégué.
Madame la députée, le Gouvernement n'est pas favorable à la motion de rejet préalable que vous avez défendue. Au reste, je vois une contradiction entre l'éloge de la démocratie que vous avez fait au début de votre intervention et votre volonté d'empêcher que la proposition de loi fasse l'objet d'un débat dans l'enceinte de l'Assemblée.
Que les orateurs inscrits dans la discussion générale puissent s'exprimer pour ou contre le texte : c'est cela, le débat démocratique. Même si, chacun le reconnaît, la procédure retenue doit rester extraordinaire et exceptionnelle, je ne vois pas grand-chose de plus démocratique que le fait de laisser s'exprimer les députés au sein de l'Assemblée. Il est tout de même paradoxal de vouloir couper court au débat au nom de la démocratie et du respect des compétences des collectivités locales.
Par ailleurs, je relève – mais la rapporteure pourra le dire plus précisément que moi – que l'immense majorité, pour ne pas dire la quasi-totalité, des élus réclame la régularisation qui fait l'objet du texte.
Le Parlement se prononcera donc. Quant au Gouvernement, il a d'ores et déjà émis un avis de sagesse sur le fond. Je partage, même si je ne les formulerais pas tout à fait de la même façon, certaines des idées que vous avez défendues, notamment celle de réduire l'impact du trafic routier et de donner la priorité au ferroviaire. Nous en débattrons lors de l'examen, vendredi, de la proposition de loi de Jean-Marc Zulesi.
Encore une fois, oui, la procédure est extraordinaire, exceptionnelle, mais elle est examinée par l'Assemblée nationale comme elle l'a été il y a quelques semaines par le Sénat, pour des raisons qui ont été précisément exposées, à ciel ouvert, devant nos concitoyens. Je ne connais pas de procédé plus démocratique que celui qui consiste à soumettre une initiative parlementaire à un débat réunissant l'ensemble des sensibilités politiques. Débattons !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Ce n'est pas parce que l'on a des idéaux que l'on peut être de mauvaise foi. Une pétition a recueilli 11 000 signatures, avez-vous dit, madame Laernoes. Il s'agit en fait d'un mail envoyé par vos amis, les lobbyistes écologistes ,
Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES
…pour les enjoindre de ne pas voter la proposition de loi, mail qui a ensuite été relayé par 11 000 militants écologistes.
La dernière pétition organisée pour protester contre le projet d'autoroute a recueilli 600 signatures sur 140 000 habitants. Voilà la réalité !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, LR et HOR.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à Mme Julie Laernoes.
Il est important que la motion de rejet préalable soit adoptée car, je l'ai expliqué, d'autres députés travaillent déjà à la préparation de propositions de loi relatives à des projets autoroutiers.
Par cohérence avec la politique que vous menez, monsieur le ministre délégué, il importe de se prononcer clairement sur ce projet concret. Construire une autoroute alors qu'il est possible de faire le même trajet en train, ce n'est pas faciliter l'accès à la mobilité et c'est nocif pour l'environnement.
Madame la rapporteure, la manifestation organisée il y a une semaine pour soutenir votre proposition de loi n'a réuni qu'une centaine de personnes ; elle a eu si peu de succès que vous avez refusé de vous exprimer dans les médias régionaux. En revanche, la pétition opposée au projet a bien été signée par 12 000 personnes, ne vous en déplaise.
C'est un fait : elle est consultable en ligne. Vous ne pouvez pas mentir et minimiser l'opposition à ce projet qui est d'un autre temps. On a le droit de se tromper. Aujourd'hui, il est criminel de construire une autoroute, de favoriser l'émission de gaz à effet de serre et de faire disparaître des zones humides dont le rôle est vital et essentiel.
De quoi les habitants du Bas-Chablais auront-ils besoin, demain ? De respirer et de profiter de points de rafraîchissement ou d'un bitume inutilisé – car cette autoroute trop chère ne sera pas empruntée par la population locale ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Il est vrai que la procédure suscite des interrogations. On a dit que cette proposition de loi ne créerait pas un précédent. J'y serai très attentif, car le groupe GDR est très respectueux de la démocratie locale. Nous estimons que ce n'est pas à nous, députés, de juger, de Paris, de ce type de projet. J'ai moi-même été concerné, dans mon département, par la construction d'une autoroute, l'A79 : vue de Paris, elle pouvait apparaître comme une infrastructure de plus, mais, au niveau local, elle sauve des vies et améliore considérablement la vie des gens.
C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur le vote de la motion de rejet préalable. J'aurai l'occasion d'y revenir dans la discussion générale, mais j'espère vraiment que cette procédure ne créera pas un précédent, car on peut légitimement s'interroger sur le fait que l'Assemblée nationale soit amenée à jouer un rôle décisif dans des projets structurants au niveau local.
Je souhaite saluer la constance du groupe Écologiste – NUPES, qui a déposé la motion de rejet préalable, constance qui se manifeste de deux manières.
Tout d'abord, par son attachement à mépriser les travaux de nos collègues sénateurs – lesquels ont pris le temps, en commission puis en séance publique, d'examiner ce texte et de l'adopter – et ceux que nous avons nous-mêmes menés en commission des affaires économiques, qui ont abouti à l'adoption à la quasi-unanimité de la proposition de loi.
Vous vous y connaissez, en mépris ! Mépris du parlementarisme, en particulier !
Ensuite, par son mépris absolument incroyable pour les habitants du Bas-Chablais.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Ceux des élus concernés qui suivent nos travaux doivent halluciner en entendant ce que vous racontez du territoire où ils vivent.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Figurez-vous qu'il y a, nos collègues savoyards et haut-savoyards le savent, un schéma de mobilité et que celui-ci prévoit le développement des transports en commun, qui se poursuivra grâce à l'action du Gouvernement, ainsi que la création de pistes cyclables – car nous ne vous avons pas attendus pour en construire, chers collègues Écologistes !
Enfin, j'ajouterai, en tant que coprésident du groupe d'études sur le pastoralisme, qu'en Haute-Savoie, ma chère collègue, les bovins ne pâturent pas dans un bocage.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mme la rapporteure et Mme Émilie Bonnivard applaudissent également.
On mesure là la profondeur de la connaissance que vous avez de notre territoire et de l'hommage que vous rendez à ses habitants, qui rencontrent quotidiennement des problèmes d'embouteillage, de sécurité routière et d'environnement…
Pour votre constance et le respect permanent que vous témoignez à nos concitoyens, je vous salue. Bien entendu, le groupe Renaissance repoussera, avec vigueur et succès, cette motion de rejet préalable !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.
S'il n'est pas le premier du genre, ce texte est particulier. Il nous conduit à nous interroger sur la protection des compétences des collectivités contre une éventuelle prise de contrôle du Parlement sur l'ensemble du processus de création de la norme dans notre pays. Mais cette proposition de loi a vocation à demeurer une exception, due à des circonstances locales uniques. A priori, le procédé qui va permettre au Parlement de réaffirmer la prévalence de la déclaration d'utilité publique, en écrasant en quelque sorte le PLUI, ne se généralisera pas.
C'est donc contre le fond du projet que porte la motion de rejet préalable déposée par la NUPES. Ainsi, une nouvelle fois, la gauche, qui se réclame du progrès, s'oppose par principe à un projet de développement essentiel pour tout un territoire et ses habitants. Car, parlons simplement, elle veut priver à tout prix les habitants de voiture !
Alors, oui, les projets de mobilité alternative sont importants pour diversifier l'offre de transport ; oui, la protection de l'environnement doit être l'une des conditions de réalisation de ce projet…
…– mais les préoccupations environnementales ont déjà été prises en compte ici. Et ce que les députés de la gauche ne veulent tout simplement pas, comme à chaque fois, c'est qu'une infrastructure nouvelle puisse apporter un gain de mobilité et des retombées économiques positives pour les Français.
Nous croyons pour notre part que le désenclavement des territoires et l'irrigation des campagnes par des infrastructures routières performantes sont un dû pour les populations, et c'est pourquoi les députés du groupe Rassemblement national voteront contre la motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
C'est avec stupéfaction que nous avons vu arriver cette proposition de loi en commission. Les 577 députés de cette assemblée reçoivent-ils une indemnité pour faire de l'urbanisme local ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ce gouvernement, qui obéit au doigt et à l'œil au Président de la République, et sa majorité relative nous empêchent de voter l'abrogation de la réforme des retraites
Mêmes mouvements
mais nous font perdre notre temps avec, par exemple, la discussion d'un texte visant à rendre obligatoire le pavoisement du drapeau européen sur le fronton des mairies. Nous faire travailler sur ce type de proposition de loi tout en nous privant de vote sur des textes importants est une marque supplémentaire de mépris envers les élus nationaux.
Mêmes mouvements.
Et en lisant l'introduction du rapport, les bras m'en sont tombés : les élus auraient omis d'intégrer au PLUI le projet en question – qui est dans les cartons depuis trente ans ! Qui peut le croire ? Personne. Plus personne ne vous croit.
Dorénavant, pourquoi ne pas voter dans l'hémicycle pour autoriser la construction d'échangeurs autoroutiers, de logements collectifs oubliés par les collectivités territoriales,…
…ou pour délivrer un permis de construire une maison individuelle à des amis ou des membres de sa famille ? C'est absurde.
Quid des conséquences sur l'objectif ZAN dans ces territoires ? Les élus auraient omis d'intégrer le projet au PLUI, disais-je : soit ils souffrent de troubles de la mémoire, ce que je ne pense pas, soit ils veulent se passer d'une étude d'impact environnementale, ce qui serait très grave.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ou bien il est question de clientélisme, ce qui n'est pas mieux. Y aurait-il bientôt des élections sénatoriales ? Allez savoir !
Mêmes mouvements.
Le fonctionnement de l'Assemblée, que vous faites marcher sur la tête, attise la colère d'un peuple tout entier. Améliorer immédiatement le quotidien de millions de gens devrait être notre premier devoir – assumons-le ! Cessez d'utiliser le Parlement pour contourner la loi à des fins privées…
…et mettez-vous au service de l'intégralité de la population française. Vous l'aurez compris, le groupe LFI – NUPES…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est épuisé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur de nombreux bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je reprendrai le terme employé par M. Pilato pour dire ma stupéfaction devant cette motion de rejet préalable qui dénote, au fond, une vision assez dogmatique de la route et, surtout, une vision hors-sol, les propos tenus montrant une profonde méconnaissance du projet.
M. Jean-François Coulomme et Mme Danièle Obono s'exclament.
Monsieur Coulomme, taisez-vous donc ! Occupez-vous de votre circonscription !
Il s'agit d'un projet d'intérêt général attendu depuis plus de quarante ans…
…et qui a le soutien de la population locale. Vous n'avez évidemment pas à remettre en cause l'ordre du jour fixé par l'Assemblée elle-même.
Ce projet est attendu notamment pour des raisons de sécurité. Nous n'avons du reste pas de leçons à recevoir des écolos.
Je rappelle qu'ils ont voté à Lyon une subvention pour une association « écolo-sexuelle » qui a proposé une « performance » avec des artistes nus devant des enfants.
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LR, RN, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous avez aussi voté la subvention !
Alors, de grâce, ne venez pas vous occuper du Haut-Chablais et du Bas-Chablais.
Par ailleurs, je tiens aussi à exprimer ma surprise de voir M. Coulomme déposer un amendement de suppression de l'article unique : ce dernier est en effet opposé au projet de liaison entre Lyon et Turin, une infrastructure ferroviaire ! Il sera d'ailleurs présent lors de la manifestation en Haute-Maurienne aux côtés des mouvements Extension rébellion et Les soulèvements de la terre, les mêmes qui ont saccagé les expérimentations de maraîchers nantais dans votre département, madame Laernoes.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LR, RE, Dem et HOR.
Comment pouvez-vous cautionner de telles méthodes ?
Nous aurons l'occasion de revenir sur le bien-fondé de ce texte. J'aurai l'occasion d'exposer les motifs pour lesquels les députés du groupe LR le voteront. En attendant, bien sûr, ils voteront contre une motion de rejet préalable décidément incongrue.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
À travers cette motion de rejet préalable, on nous propose de repousser sans examen, sans débat, le fruit d'un travail sérieux réalisé par nos collègues sénateurs.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Sur le fond, je dénonce la caricaturale opposition qui est faite entre les utilisateurs de voitures et les usagers des transports en commun.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Expliquez-moi comment emprunter ces derniers pour gagner Machilly depuis le hameau de Sciez ! Il y en a assez de ces leçons de morale que des élus de grandes métropoles – lesquelles sont pourvues, elles, de transports en commun, comme Nantes qui dispose de trois lignes de tramway, des deux lignes du Busway et de quarante-neuf lignes de bus – assènent à des gens qui n'ont, pour se déplacer, que leur voiture. Arrêtez de caricaturer cette France rurale et cette France péri-urbaine.
Mme Danièle Obono s'exclame vivement.
Expliquez-moi également pourquoi quarante minutes d'embouteillage seraient plus vertueuses que le fait de doubler le trajet. Je refuse d'avoir un territoire à deux vitesses…
…avec des zones dynamiques d'un côté et des zones enclavées de l'autre. Il s'agit aujourd'hui de désenclaver le Bas-Chablais.
À ceux qui s'étonnent qu'une telle proposition de loi ait été mise à l'ordre du jour, je rappellerai que nous avons examiné des textes bien spécifiques comme ceux relatifs à la Clairette de Die, à la réalisation d'une voie rapide entre Balbigny et La-Tour-De-Salvagny, au littoral, aux Jeux olympiques ou au Grand Paris. Or le présent texte n'en relève pas moins de l'intérêt général, il ne fait pas obstacle à des démarches administratives et il n'existe pas d'option alternative fiable à ce qu'il propose.
Aussi les députés du groupe MODEM, souhaitant le succès de la proposition de loi, voteront-ils contre la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe LR. – Mme la rapporteure applaudit également.
J'annonce d'emblée que les députés du groupe Horizons et apparentés voteront la régularisation du PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais et qu'ils repousseront donc la motion de rejet préalable.
Il faut que certains élus de l'Assemblée nationale comprennent que ce texte nous vient du Sénat, lequel représente les collectivités territoriales.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR et RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Je précise également, après Anne-Cécile Violland à l'instant, qu'au Sénat, la présente proposition de loi a fait la quasi-unanimité.
Il faut dissoudre l'Assemblée nationale !
Ensuite, soyons conscients que tous les territoires n'ont pas remédié à leur désenclavement. Lorsqu'on est élu d'une métropole…
…et qu'on bénéficie de toutes les infrastructures routières, ferroviaires, aéroportuaires, sanitaires, de tous les services publics et de la 5G, il est facile d'abandonner d'autres parties du territoire.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, LR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.
Or, souvent, ces territoires ont attendu leur tour. Le Gouvernement est à la veille d'une négociation de contrat de plan État-région et il donne la priorité au transport ferroviaire et aux mobilités de notre temps. Cependant, reconnaissons que l'État doit, aux côtés des élus territoriaux, achever le développement de certains territoires.
Il est d'ailleurs assez symptomatique que la députée qui a défendu la motion de rejet préalable soit l'élue d'une métropole.
« Eh oui ! » sur de nombreux bancs HOR et RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Julie Laernoes proteste.
Le pays de Thonon-les-Bains souffre toujours d'enclavement. Il ne faut pas opposer, d'une part, les territoires métropolitains et, de l'autre, les territoires ruraux et les villes moyennes. C'est pourquoi nous devons soutenir la régularisation du PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, LR et Dem et sur plusieurs bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 181
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue 90
Pour l'adoption 52
Contre 126
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem, HOR et RN. – Brouhaha.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq.
Rappels au règlement
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3, madame la présidente.
À plusieurs reprises, j'ai fait l'objet d'une mise en cause personnelle liée à ma circonscription d'élection. Or qui connaît Pont-Saint-Martin, Bouaye ou Brains sait que je ne viens pas, contrairement à ce qui a été affirmé, d'une circonscription urbaine. Nous discutons d'ailleurs avec M. le ministre délégué du lancement d'un nouveau train express du quotidien, train que nous attendons avec impatience et qui résoudrait nos problèmes de mobilité autrement que par la route.
Je tiens également à rappeler à mes chers collègues que nous sommes des élus nationaux et que nous devons défendre l'intérêt général.
Oui, mais nous sommes aussi élus d'une circonscription ! Le scrutin n'est pas proportionnel !
En l'occurrence, j'ai l'impression que vous êtes davantage mus par la défense d'intérêts clientélistes et que vous manquez donc à votre devoir, pour lequel vous avez été élus.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Dès lors qu'une proposition de loi est discutée par l'Assemblée nationale, elle concerne l'ensemble des députés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Karim Ben Cheikh applaudit également.
Il se fonde à la fois sur l'article 62, qui dispose que le vote est personnel, et sur l'article 80-1.
Je tiens en effet à dire que j'ai été choqué par les propos de l'orateur qui a défendu la motion de rejet préalable,…
…cette personne nous ayant enjoints de ne pas voter ce texte. Je rappelle que le verbe enjoindre signifie ordonner expressément quelque chose à quelqu'un. Nous sommes libres, aussi n'avez-vous pas à nous enjoindre de quoi que ce soit.
J'insiste, si vous pouvez nous conjurer, vous ne pouvez pas nous enjoindre, car ce serait contraire aux règles de notre Parlement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RE, Dem et HOR.
Tordre le cou à la ruralité ne justifie pas de tordre le cou à la grammaire !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et des commissions, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Dans le calme, nous en venons à la discussion générale et allons écouter la première oratrice, Mme Cyrielle Chatelain.
Cette proposition de loi est, semble-t-il, une exception ; une exception probablement due à des copinages, ou aux élections sénatoriales approchantes. Franchement, nous méritons mieux que cela !
Exclamations sur quelques bancs des groupes RE, RN, LR, Dem et HOR.
Cette proposition de loi contourne en effet les procédures législatives relatives aux règlements d'urbanisme votés par cette même assemblée, et s'immisce directement dans les choix des collectivités locales.
Je le constate, vous n'avez, en fin de compte, que très peu d'arguments. Car quand on en vient à invoquer la circonscription d'élection de ma collègue Julie Laernoes pour dénigrer son raisonnement, c'est qu'on n'a rien à dire pour défendre le texte, et vous le savez.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
La vérité est que cette proposition de loi n'aurait jamais dû atterrir sur le bureau de l'Assemblée nationale, ni être discutée dans cet hémicycle !
Exclamations sur quelques bancs des groupes LR et Dem.
Il revient aux collectivités, et plus précisément aux communes, de faire leur choix, tout en respectant la loi – loi que nous votons ici même dans cet hémicycle et qui prévoit des règlements d'urbanisme ainsi que des enquêtes environnementales afin de protéger notre planète.
Vous amenez néanmoins ce débat à l'Assemblée nationale, et il est vrai que les habitants du Bas-Chablais nous regardent. Parmi eux, il y a les fermiers des dix-sept exploitations qui ne pourront continuer leur activité à cause de cette autoroute. Oui, ils nous regardent et espèrent que l'Assemblée jouera son rôle en repoussant cette proposition de loi.
Surtout, dans la mesure où vous avez décidé de saisir l'Assemblée de ce texte, ce sont les Françaises et les Français dans leur ensemble qui nous regardent. Or ils savent que nous n'avons que jusqu'en 2030 pour réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre et qu'il faut arrêter avec les exceptions qui les accroissent, car nous allons dans le mur ! Quand allez-vous le comprendre ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Nous ne pouvons affirmer d'un côté que, bien sûr, nous planifions, et de l'autre indiquer qu'il ne faut pas s'inquiéter, car il y aura des exceptions. Voilà la réalité !
La seule préoccupation que vous devriez avoir est de savoir si nous pourrons continuer de vivre correctement en France. Avec des projets climaticides comme celui du Bas-Chablais, la réponse est que nous ne le pourrons pas. Pour vous, il faut aller toujours plus vite, artificialiser toujours davantage, construire toujours plus de nouvelles installations et d'autoroutes, afin de continuer à alimenter un système dont nous savons qu'il met en péril la santé des personnes, le climat et la biodiversité.
Exclamations sur quelques bancs des groupes LR et Dem.
Vous ne prenez jamais une seconde pour remettre en question la capacité de nos écosystèmes à absorber l'activité humaine, ni pour prendre conscience des limites planétaires. Alors que le dérèglement climatique s'emballe, que les épisodes de sécheresse se multiplient, que les sols ne cessent d'être artificialisés, que la biodiversité disparaît, que direz-vous aux éleveurs et aux habitants quand nous manquerons d'eau cet été ?
Que vous continuez de soutenir des projets autoroutiers ? Que vous êtes incapables de penser la mobilité de demain ? Est-ce cela que vous direz aux habitants de vos circonscriptions ?
Que répondrez-vous aux nouvelles générations, à vos enfants, à mes enfants, quand, demain, ils se demanderont comment ils pourront vivre ? Vous leur répondrez de ne pas s'inquiéter, car vous avez voté en faveur d'une autoroute ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je me prends pour une représentante de la nation et j'affirme que ce texte n'a pas sa place à l'Assemblée nationale. Laissons les collectivités décider ! Mais puisque vous amenez ce débat, regardez la réalité en face. Le projet autoroutier dont il est question appartient au passé ; il n'a plus lieu d'être. Vous dites qu'il se trouve dans les cartons depuis quarante ans, mais qu'il y reste ! Il existe des solutions, comme le Léman Express. Ayez donc le courage d'investir dans le ferroviaire. Cette ligne fonctionne : vous pourriez soutenir des mobilités qui ne mettent pas en péril…
Bien sûr ! Il existe déjà des voies ferrées pour faire le Lyon-Turin, tout comme il existe le Léman Express pour se rendre à Genève.
On mettra l'équivalent de 3 millions de camions sur la ligne historique ? N'importe quoi !
Qui, aujourd'hui, croit encore que la voiture est synonyme de liberté absolue ? Avez-vous vu le prix de l'essence ? Savez-vous que l'aller-retour sur l'autoroute que vous voulez construire coûtera 6 euros ? Qui pourra payer cette somme tous les jours pour aller travailler ? Les plus riches ! Voilà la réalité.
Que dites-vous aux gens qui ne font que des demi-pleins parce qu'ils ne peuvent pas dépenser plus ? Que vous ne développez pas les solutions alternatives, mais qu'il ne faut pas s'inquiéter pour autant ? Pour notre part, nous leur répondons que nous veillons sur eux, que nous voulons développer le train, et en l'occurrence le train accessible. Nous voulons que nos concitoyens puissent se déplacer collectivement, notamment en train, et que le coût de cette mobilité entraîne une diminution du montant global des dépenses contraintes.
Il faut changer de modèle. Or non seulement vous faites un pied de nez institutionnel mais, plus grave, vous refusez d'entendre la nécessité de repenser les mobilités. Je vous le dis : continuer à autoriser la construction de projets autoroutiers nous emprisonne dans une trajectoire dont il devient de plus en plus difficile de dévier.
Les projets d'autoroutes et d'échangeurs et même les autoroutes existantes seront obsolètes dans quelques années. Dès lors, pourquoi s'entêter dans la construction d'infrastructures qui détruisent le vivant,…
…qui vont à rebours de ce qu'il faut faire pour le climat et qui nous empêchent d'avancer dans l'élaboration d'un nouveau modèle désirable ?
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Le temps qui vous est imparti est écoulé, madame la présidente Chatelain.
Ce sont bien des élus de métropoles, mais aussi de Dordogne ou de la Drôme qui vous le disent, tout comme l'ensemble des Français : il faut renoncer à ce projet !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Le texte que nous examinons vise à régulariser le plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Bas-Chablais en Haute-Savoie. Plus exactement, il nous est proposé de faire prévaloir une déclaration d'utilité publique datant de 2019 sur le PLUI de 2020 du Bas-Chablais, afin de garantir la création d'une autoroute de deux fois deux voies et longue de 16 kilomètres entre Machilly et Thonon-les-Bains.
Recourir à la voie législative pour régler une situation strictement locale, en passant outre les prérogatives des collectivités quant à leurs documents d'urbanisme peut paraître surprenant.
Pour justifier cette démarche qui fait fi des prérogatives des collectivités et du respect des procédures de modification des documents d'urbanisme, les promoteurs de cette proposition de loi font valoir que l'incompatibilité du PLUI avec le projet autoroutier ne résulte pas d'une décision délibérée des collectivités, mais d'une « erreur matérielle » de procédure. En effet, lors de la transformation des PLU en PLUI, une carte comprenant l'emplacement réservé du projet d'autoroute n'a pas été transmise.
Les partisans du texte soulignent également que la mesure proposée ne vise pas à faire obstacle à l'exercice du droit de recours à l'encontre du projet, étant donné que la DUP prise en 2019 est justement purgée de tout recours.
Ils insistent enfin sur le fait qu'il n'existe pas de solution alternative satisfaisante et que faire évoluer le PLUI par les procédures ordinaires, ou attendre l'adoption du futur plan prendrait trop de temps.
Nous pourrions objecter que contourner les procédures au seul motif d'accélérer la réalisation d'un projet est pour le moins contestable, le Conseil constitutionnel considérant d'ailleurs que le retard pris dans la conduite d'un projet ne constitue pas un motif pour se réclamer de l'intérêt général. À cet égard, il y aurait lieu de s'interroger sur la constitutionnalité de la procédure dérogatoire que ce texte tend à faire prévaloir.
En tant que législateurs, les élus du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES se refusent à se prononcer au fond sur l'opportunité de ce projet autoroutier, tout comme ils se refusent à prendre toute position dogmatique sur la question des infrastructures. De la même manière, nous refusons aussi bien la méthode retenue consistant à demander à la loi de régulariser une situation strictement locale, que de contrarier l'attente des habitants des dix communes concernées et le choix démocratique fait par leurs élus locaux. C'est pourquoi notre groupe s'abstiendra.
Rarement un texte aussi modeste aura suscité autant d'éclats de voix dans l'hémicycle : sa discussion est l'occasion de voir des positions apparemment inconciliables s'exprimer sur le développement des territoires. Toutefois, n'oublions que nous devons changer de modèle alors que nous peinons à imaginer à quoi ressemblera l'avenir.
J'ai découvert cette proposition de loi avec un certain étonnement. Nous sommes tous attentifs à la défense des prérogatives de notre institution – et donc au respect de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire – tout en étant très attachés au principe de la libre administration des collectivités territoriales consacré par l'article 72 de la Constitution.
Je suis donc un peu surpris et – pour dire la vérité – gêné par cette immixtion du législateur dans le pouvoir réglementaire des élus locaux, car elle contrarie ma vision de l'exercice de ce pouvoir. Je considère qu'il ne nous appartient pas de porter un regard sur un projet local et je trouverais curieux que le Parlement vienne donner son avis sur un projet des élus locaux de ma circonscription respectant les lois en vigueur.
Par ailleurs, les administrations remplissent d'habitude leurs missions en temps et en heure, mais cela n'a pas été le cas ici. S'agissait-il d'éviter une enquête environnementale ou d'autres procédures imposées par la loi ? On peut se poser la question. Quelle qu'en soit la raison, le résultat est que la loi a, d'une certaine manière, été contournée et que le Parlement doit aujourd'hui donner un blanc-seing qui permet d'éviter les recours devant le juge et de se retrouver ainsi blanc comme neige. C'est embêtant et nous sommes gênés par ce procédé.
Notre groupe, après s'être réuni, a laissé à chacun de ses membres la liberté de son vote. Je note que le projet fait l'objet d'un consensus chez les élus locaux – même s'il n'y a pas d'unanimité, car le maire de la commune de Bons-en-Chablais s'y oppose. C'est important, car j'estime que nous devons faire la loi à partir des demandes du terrain, donc dans une logique plus ascendante – donc décentralisatrice, voire d'autonomie locale ou fédérale – que descendante.
La question du désenclavement du Bas-Chablais par la réalisation d'une liaison routière adéquate, que nous évoquons à travers l'examen de cette proposition de loi, est une question essentielle pour le territoire haut-savoyard. Elle l'est également, de manière symbolique, pour les autres territoires enclavés.
Permettez-moi d'abord de saluer le travail de notre rapporteure qui s'inscrit à la fois dans une logique de coconstruction avec nos collègues du Sénat et dans une logique de cohésion territoriale, dont nous parlons souvent mais que nous respectons trop peu.
Ce projet de liaison routière bénéficie plus que d'un soutien quasi unanime sur le territoire haut-savoyard car il est le fruit de l'initiative des élus locaux eux-mêmes, qui l'attendent depuis des décennies.
Il tient compte d'enjeux de sécurité et de desserte pour les services de secours et pour l'ensemble des habitants du Bas-Chablais – actifs travaillant en France ou en Suisse, retraités, étudiants ou demandeurs d'emploi sur le marché du travail. Ces enjeux sont vitaux pour un territoire densément peuplé dont les services de mobilité se développent progressivement – sans doute trop tardivement – avec l'ensemble des élus locaux, du département comme de la région, et avec le soutien fort de l'État.
Un tel projet répond aux fortes attentes des Français vivant hors des métropoles dans des territoires qu'ils font vivre, qu'ils respectent, qu'ils aiment et sur lesquels ils sont installés depuis très longtemps. La question que nous devons nous poser aujourd'hui est la suivante : voulons-nous aider ces territoires à se développer dans le sens de la transition écologique et économique tout en maintenant leur identité propre ?
Voilà les raisons pour lesquelles nous devons contribuer à réaliser ce projet autoroutier, qui est attendu depuis des décennies par le Bas-Chablais et par toute la Haute-Savoie. Je rappelle qu'il a été reconnu d'utilité publique en 2019, mais que sa construction est actuellement suspendue en raison de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme intercommunal adopté en février 2020.
Chers collègues, je comprends les interrogations que ce texte peut susciter parmi nous en tant que parlementaires. Toutefois, Mme la rapporteure l'a souligné, ce texte est singulier et personne ici n'envisage d'en faire un précédent.
Les députés d'une partie de cet hémicycle ont coutume de nous faire des procès d'intention, mais ceux-ci n'ont aucune force face aux besoins des territoires.
Je comprends que certains aient ici du mal à accepter le fait que ce projet soit soutenu par la quasi-totalité des élus locaux, qui nous envoient depuis des années un signal clair pour qu'il se réalise le plus rapidement possible. Loin des caricatures, je voudrais par ailleurs rappeler – nous le répéterons autant de fois que nécessaire – qu'il s'inscrit dans un schéma de mobilité globale. L'avenir de la mobilité dans la région ne passe donc pas uniquement par des autoroutes, mais il est nécessaire d'améliorer les trajets qui passent aujourd'hui par des zones limitées à 30 kilomètres à l'heure équipées de ralentisseurs ou par le centre de petites villes – pardonnez-moi d'être aussi concret, mais je vous demande de visualiser des poids lourds y passant à une vitesse importante. Nous proposons que la liaison autoroutière vienne, non pas remplacer, mais compléter les infrastructures ferroviaires récemment mises en service ainsi que les voies cyclables qui seront accessibles dès l'année prochaine et qui se développeront au cours des prochaines années grâce au soutien de l'État et du Gouvernement.
Plutôt que d'opposer les modes de transport, faisons preuve de pragmatisme, en rappelant par exemple les résultats de l'enquête environnementale. Contrairement à ce que les auteurs des amendements visant à supprimer l'article unique de ce texte soutiennent, celui-ci s'inscrit bien dans une vision globale de la mobilité favorisant une transition écologique progressive et soutenue par les territoires. Que vouloir de plus ? Le groupe Renaissance votera donc en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme la rapporteure applaudit également.
Le dossier de l'autoroute entre Annemasse et Thonon est le serpent de mer de la vie politique locale depuis 40 ans. C'est un fait, le Chablais subi un enclavement important : il n'y existe aucun axe routier d'une taille adaptée au nombre d'habitants et au nombre de gens y circulant. La création de cette liaison autoroutière recèle donc un enjeu économique et de mobilité très fort.
Les automobilistes circulent sur les routes départementales engorgées, car la fluidité du trafic est très amoindrie par des limitations de vitesse parfois très basses, des feux ou des dos-d'âne. Le projet d'autoroute a pour objectif principal d'y reporter les déplacements des routes départementales adjacentes afin de centraliser la circulation sur un seul axe plutôt que d'accroître le volume de passage sur le territoire. Il prend également en compte les problématiques environnementales, puisqu'il a été conçu pour éviter les zones les plus fragiles et vise à limiter les incidences négatives sur le milieu naturel.
Par ailleurs, les projets alternatifs, comme celui du Léman Express, ne pourront absorber à eux seuls la densité du trafic.
Ce texte original a pour objectif de permettre au Parlement de remettre de l'ordre en rétablissant les effets de la déclaration d'utilité publique et mettre ainsi fin à une situation juridique inextricable, caractérisée par une difficulté procédurale et urbanistique peu commune. Ce genre d'initiatives doit cependant rester une exception, car elles portent atteinte à l'organisation territoriale et administrative de notre pays et ne respectent ni les principes ni l'esprit des normes qui la régissent. Le Parlement n'a pas vocation à s'ingérer dans les affaires des collectivités territoriales ni à passer outre leurs prérogatives et leurs compétences, ce qui serait une forme de recentralisation.
Comme toujours dans les dossiers relatifs au développement des territoires, une minorité d'agités et d'excités, souvent très à gauche, viennent bloquer les projets en exerçant des recours et en occupant le terrain.
Ils retardent le développement économique en s'opposant à tout, aux autoroutes, aux logements et même aux vaches. Dès qu'il s'agit de désenclaver des territoires, d'accroître la fluidité des déplacements, de créer de l'emploi et de nouvelles perspectives pour les populations,…
…la gauche sort du bois pour nous expliquer, avec ses grands principes, comment il faudrait gérer les territoires ruraux. On voit les fruits de cette gestion dans les villes qu'elle dirige. La gauche nous parle sans cesse de progrès, d'éthique et de développement durable, mais dans les endroits sur lesquels elle a la main, seuls l'insécurité et les impôts progressent de façon durable.
Ce dossier ne fait évidemment pas exception, malgré l'unanimité autour de la construction de cette portion d'autoroute, qui aurait dû être achevée depuis bien longtemps car elle bénéficiera surtout aux gens qui travaillent.
Nous vivons dans mon département de l'Isère une situation très similaire : une portion d'autoroute entre Grenoble et Sisteron, qui permettrait d'économiser des heures de trajet pour rejoindre le sud et de désengorger l'autoroute A7 reliant Lyon à Marseille, est bloquée depuis des années par la gauche.
Mme Marie-Noëlle Battistel s'exclame.
Notre groupe émet évidemment une réserve sur la forme de ce texte et sur son impact potentiel sur l'ordre administratif et territorial de notre pays. Il ne doit pas créer une espèce de jurisprudence qui autoriserait le Parlement à s'emparer de n'importe quel dossier géré par les collectivités. Le Parlement ne peut et ne doit pas contourner la Constitution, notamment son article 72 qui consacre les principes de libre administration et d'autonomie des collectivités.
Toutefois, ce texte très particulier répond aux nécessités et aux besoins de développement économique d'un territoire, notamment en fluidifiant le trafic. Nous le soutiendrons donc.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cette proposition de loi a pour intention de contourner le plan local d'urbanisme intercommunal existant de la communauté de communes du Bas-Chablais, territoire frontalier avec la Suisse. Les deux sénateurs de Haute-Savoie à l'origine de ce texte veulent faire prévaloir une déclaration d'utilité publique de 2019 sur le plan local d'urbanisme intercommunal de 2020, afin de permettre la création d'une autoroute deux fois deux voies payante reliant les 16 kilomètres séparant Machilly de Thonon-les-Bains.
Le Bas-Chablais constitue une région aux écosystèmes fragiles, qui borde la rive sud du lac Léman au niveau du massif préalpin et bénéficie depuis 2012 du label Géoparc de l'Unesco. De nombreux agriculteurs y vivent et travaillent, outre les producteurs de lait destiné à la production de reblochon et disposant d'une appellation d'origine protégée. La zone est également prisée des chasseurs pour sa richesse cynégétique irremplaçable.
Ce projet autoroutier privé entre Machilly et Thonon-les-Bains date d'un autre âge, les années 1980 ; on ignorait alors le réchauffement climatique. Il est temps de le réévaluer au vu des enjeux actuels de dérèglement climatique, de pollution de l'air et d'effondrement de la biodiversité, et du besoin de conserver les terres pour relocaliser la production d'une alimentation durable et de proximité. Depuis sa formulation, une ligne ferroviaire, le Léman express, a été créée et transporte à ce jour 70 000 passagers par an. Elle est en mesure d'en transporter bien plus, moyennant un investissement modeste.
Par ailleurs, que l'on soit pour ou contre ce projet, il importe de souligner que le but de cette proposition de loi est de permettre la construction d'une autoroute privée sans mener d'évaluation environnementale complémentaire avant la modification du PLUI, donc sans étudier l'impact qu'aura ce projet sur l'équilibre général de ce plan local ni permettre à nos concitoyens de s'exprimer à travers une enquête publique sur ce nouvel équilibre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourtant, un projet de cette ampleur affectera forcément l'ensemble de la circulation automobile et plus généralement la mobilité dans la région : la modification et l'allongement de certains trajets auront des effets sur la qualité de l'air, notamment. Nos concitoyens ont la légitimité pour s'exprimer sur ces conséquences globales. Il serait paradoxal que les élus de la nation les privent de la possibilité d'indiquer quel projet ils souhaitent pour leur territoire. Imposer ce projet avec une loi écraserait le processus démocratique local, mettant fin à la concertation, sans présentation de l'évaluation environnementale complémentaire demandée par la mission régionale d'autorité environnementale dans sa décision du 5 octobre 2021.
La DUP de 2019 aurait dû entraîner une mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des dix communes situées sur le tracé des 16 kilomètres de l'autoroute. Or le PLUI approuvé le 25 février 2020, donc postérieur à la DUP, omet le projet autoroutier et annule donc la mise en conformité des différents PLU.
Cette proposition de loi prévoit une disposition dérogatoire aux procédures régies par le code de l'urbanisme, à savoir une rectification d'un PLUI nominatif, alors même que celui-ci découle d'une compétence intercommunale. Cela met en péril le principe constitutionnel d'égalité devant la loi et la répartition des compétences, créant un précédent législatif douteux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors que le Conseil d'orientation des infrastructures a statué, en février dernier, sur l'impérieuse nécessité d'investir dans le ferroviaire existant et les transports collectifs plutôt que dans de nouvelles infrastructures routières, cette proposition de loi tente de faire passer en force des intérêts clientélistes,…
…contournant le droit environnemental et le processus démocratique local.
M. Paul Vannier applaudit.
Et votre circonscription de Chambéry, quand vous en soucierez-vous, monsieur Coulomme ?
Alors que l'Assemblée nationale voit sa capacité à légiférer et à défendre l'intérêt général pervertie par une neutralisation des parlementaires et du parlementarisme, alors que la puissance publique pâtit d'une mise en coupes réglées, l'adoption de ce texte créerait un précédent, en permettant l'interférence des députés dans l'application par les collectivités territoriales des règles d'urbanisme en vigueur. À l'heure où la privatisation des autoroutes apparaît aux automobilistes comme un scandale, un racket et une entrave au droit de circuler,…
…vous voulez engraisser encore davantage ceux qui spéculent sur le détournement de nos espaces naturels et l'artificialisation de nos territoires.
M. Paul Vannier applaudit.
À l'heure de la sixième extinction de masse des espèces vivantes, quelle fierté retireriez-vous à saccager un biotope irremplaçable dont nos enfants ont le droit d'hériter, quand vous en aurez profité sans le soin scrupuleux de le préserver au profit des générations futures ? À l'heure de l'urgence climatique absolue, de la lutte nécessaire contre l'artificialisation des terres, l'urgence écologique et sociale nous oblige à investir massivement dans le ferroviaire. L'autoroute du Chablais est de toute évidence le symbole de tout ce qu'il ne faut plus faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Nous examinons une proposition de loi visant à régulariser le plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Bas-Chablais. Il s'agit certes d'une procédure inhabituelle, qui s'apparente à une validation législative d'un acte réglementaire. Elle vient en effet remédier à une situation juridique complexe causée par une omission : le PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais ne prévoit pas dans son règlement graphique le projet de créer une liaison deux fois deux voies de 16,5 kilomètres reliant Machilly et Thonon-les-Bains, projet soutenu de longue date par la quasi-totalité des collectivités impliquées et déclaré d'utilité publique par décret en Conseil d'État du 24 décembre 2019. Ce texte vise donc à régulariser la situation et à corriger l'absence du tracé.
En ce qui concerne la méthode, je suis consciente que le fait de passer par une procédure législative pour un tel oubli puisse irriter certains. Soulignons néanmoins que cette procédure exceptionnelle vise à permettre une mise en compatibilité plus rapide du PLUI avec la DUP, afin d'éviter des délais disproportionnés dans le calendrier de réalisation de cette autoroute particulièrement attendue. La disposition dérogatoire contenue dans le présent texte est donc justifiée. Il faut désormais aller vite afin d'achever le désenclavement du Chablais car il s'agit d'un enjeu vital pour ce territoire. D'ailleurs, seules 10 % des participations à la concertation lancée par la Commission nationale du débat public témoignent d'une opposition au projet.
Le Chablais, au même titre que le reste du territoire haut-savoyard, connaît depuis plus de cinquante ans un dynamisme démographique et économique continu, or les connexions routières actuelles ne sont pas à la hauteur des enjeux touristiques, démographiques et transfrontaliers. Plus de 20 000 véhicules circulent en moyenne chaque jour sur la RD903, entre Bons-en-Chablais et Thonon-les-Bains, et sur la RD1005, entre Douvaine et Thonon-les-Bains. Les études du trafic montrent que plus d'un tiers des actifs du Chablais travaillent en Suisse et que plus de 50 % des flux sont dirigés vers l'agglomération annemassienne et, au-delà, le reste de la Haute-Savoie. Le réseau routier départemental atteint donc ses limites capacitaires, d'où les embouteillages.
Ces difficultés de circulation persistent et s'aggravent malgré les solutions multimodales développées sous l'impulsion des élus, telles que les bus, les pistes cyclables, les transports lacustres et le Léman express, RER transfrontalier que j'ai toujours soutenu, qui a été inauguré en 2019 et dont l'objectif de 50 000 usagers par jour a été largement dépassé, puisqu'il transporte désormais quotidiennement plus de 65 000 voyageurs grâce à des aménagements tels que les parkings relais que nous avons récemment inaugurés. Je pense également aux projets de BHNS, de RER Sud-Léman et de véloroute des Cinq-Lacs, en cours d'étude. J'espère d'ailleurs, monsieur le ministre délégué, que vous ne manquerez pas de soutenir la création du RER Sud-Léman dans le cadre de son inscription au contrat de plan interrégional État-région.
Le passage d'un nombre excessif de voitures et de poids lourds dans les centres-villes, bourgs et hameaux pose de nombreux problèmes de sécurité, outre que les passages et engorgements incessants nuisent à la tranquillité publique. Certaines communes du Chablais comptant de 4 000 à 5 000 habitants voient chaque jour passer jusqu'à 22 000 véhicules à proximité des écoles, des commerces et des habitations. Certains s'inquiètent également du risque d'accidents à l'endroit des passages à niveau.
Cet engorgement pose enfin des problèmes de pollution : aux heures de pointe, un trajet qui devrait durer quarante minutes en prend le double, soit près d'une heure et demie, et consomme bien plus de carburant que si la circulation était fluide, sans compter l'augmentation des émissions de gaz polluants causée par les embouteillages.
La solution passe donc par la construction d'une liaison entre Machilly et Thonon-les-Bains. Mais parce que l'écologie doit être au cœur du développement du territoire, ce maillon est aussi exemplaire d'un point de vue environnemental. D'ailleurs, son impact sur la consommation de terrains sera compensé et il est prévu d'intégrer des innovations permettant de réduire les émissions de CO
Je vous appelle donc à soutenir un projet qui recueille l'approbation de l'État et des habitants du territoire, notamment celle des Chablaisiens, qui soutiennent massivement ce projet d'autoroute depuis plus de quarante ans, afin de remédier à une situation difficilement tenable. Dès les années 1980, la création du tronçon autoroutier qui nous occupe était déjà étudiée. Le projet, perturbé à maintes reprises, n'a pu bénéficier qu'à partir de 2015 d'une avancée significative, avec sa publication. Il est désormais temps de l'achever et d'apporter au Chablais une solution pérenne. Les députés du groupe Les Républicains voteront donc en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes RE et HOR.
Il est neuf heures trente, un jour de semaine. Je suis arrêté sur la RD903 depuis vingt minutes et je m'interroge sur les causes de cet embouteillage. Il ne peut être lié à un accident, puisque je n'entends pas les sirènes des pompiers ; il n'est pas dû non plus à une manifestation,…
…ou à des travaux d'assainissement. Je suis en Auvergne-Rhône-Alpes, en Haute-Savoie, dans le Chablais, à Douvaine, un jour ordinaire pour cette commune de 6 000 habitants, qui subit le passage de 20 000 voitures par jour. Cela aurait pu être ailleurs, dans toutes ces communes rurales et périurbaines qui font la richesse et le dynamisme de la France.
Le désenclavement du Bas-Chablais répond à un motif d'intérêt général. Comme ailleurs, c'est une question de liberté d'aller et venir, et d'égalité entre les territoires. Vous l'aurez compris, nous nous interrogeons sur la manière de régulariser par la loi le plan local d'urbanisme intercommunal du Bas-Chablais.
La présente proposition, atypique, doit rester une exception. Nous secourons la communauté de communes, pour résoudre une difficulté procédurale qui résulte de la complexité administrative française – j'ai été maire, j'ai subi ces lourdeurs, comme d'autres élus, dans le Chablais et ailleurs. Ce n'est pas la première fois, contrairement à ce qu'affirment certains, que le législateur est contraint, pour secourir des instances locales, de voter des textes très spécifiques. Je pense à la loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016, consacrée aux stades de foot, à la loi relative à la réalisation de la section entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny de l'autoroute A89, aux lois dérogatoires liées au Grand Paris, à l'organisation des Jeux olympiques, ou aux dispositions de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables prévoyant des dérogations à la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi littoral.
Dans le détail, le présent texte concerne une liaison deux fois deux voies entre Annemasse et Thonon-les-Bains. Cette infrastructure routière désenclaverait ce territoire ; elle est justifiée par des motifs économiques, touristiques, de sécurité et d'accès aux soins.
Elle faciliterait, tout simplement, la vie quotidienne des habitants.
Ce projet d'infrastructure d'utilité publique est mis en péril par l'adoption d'un mauvais document administratif. En effet, si le projet a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique en 2019 permettant la mise en compatibilité des PLU, le PLUI adopté ensuite a annulé cet effet, par omission.
La présente proposition vise tout simplement, à travers son article unique, à appliquer la mise en compatibilité prévue dans la déclaration d'utilité publique antérieure. Nous ne corrigeons donc pas le PLUI ; nous le rendons possible. Nous respectons les élus locaux, contrairement à ce que certains affirment ici, tout comme le principe de libre administration des collectivités territoriales, inscrit aux articles 34 et 72 de la Constitution. Ce texte correspond à l'intérêt général et est parfaitement légal, puisqu'il ne contourne en rien une décision déjà prise. Au contraire, il permet la réalisation d'un projet, en l'absence de solution alternative pour régler rapidement le problème administratif.
Ce projet d'intérêt général est incontestablement nécessaire au désenclavement d'un territoire. Il est proportionné aux enjeux démographiques, économiques, touristiques, de sécurité et d'écologie.
Enfin, il est attendu par la population. Je vous invite à consulter les conclusions de la Commission nationale du débat public, source autrement plus fiable qu'une énième pétition en ligne d'opposants, qui fournit des adresses électroniques dont l'origine est invérifiable.
Celle que j'ai consultée ne regroupe d'ailleurs que 600 contributions pour 140 000 habitants, contributions essentiellement motivées par les intérêts privés, notamment l'impact de la liaison sur la valeur du foncier.
Il y a 12 000 signatures ! Je comprends que cela ne vous plaise pas : vous, vous ne pouvez vous targuer du soutien que d'une centaine de personnes !
En conclusion, le groupe Démocrate votera en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LR.
Tous les maires sont pour ! La gauche confond les manifs et les pétitions avec la démocratie !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La proposition de loi dont nous débattons se voulait technique, rapidement évacuée avec la procédure d'examen simplifiée. Il s'agissait avant tout d'une régularisation formelle et réglementaire, rendue nécessaire par la complexité et la superposition des procédures d'urbanisme, afin de faciliter la réalisation d'un projet routier de deux fois deux voies prévu par les élus.
Nous aurions des choses à dire sur le projet lui-même, en particulier sur son caractère concédé, un modèle dont tout démontre qu'il se fait systématiquement, et parfois dans des proportions indécentes, au détriment du contribuable.
Mais ce n'est pas le projet en lui-même qui nous heurte, et dont nous voulons parler. En effet, cette proposition de loi est bien plus qu'un texte technique. Elle constitue un précédent dangereux. Il est demandé au législateur de porter atteinte au principe à valeur constitutionnelle de libre administration des collectivités territoriales, sur une des compétences à laquelle elles sont le plus attachées – l'urbanisme.
La rapporteure nous a indiqué en commission que cette atteinte était non seulement consentie, mais réclamée par les élus locaux.
Soit, nous ne contestons pas qu'une majorité d'entre eux – dont certains issus de notre famille politique – soutient le texte, et le projet sous-jacent, et qu'il y a un véritable problème de mobilité dans le Chablais.
Cependant, par souci de responsabilité, nous ne pouvons ouvrir cette boîte de Pandore. Qu'adviendrait-il, demain, d'une proposition de loi qui imposerait une modification de documents d'urbanisme à laquelle une large majorité d'élus locaux et de citoyens serait opposée ? Nous avons tous de nombreux exemples où une proposition de loi aurait pu intervenir en lieu et place des élus locaux pour la réalisation de projets. C'est une pente dangereuse, sur laquelle le Parlement ne doit pas s'engager. Nous nous y refusons donc. Ainsi, les députés du groupe Socialistes et apparentés ne participeront ni au débat ni au vote sur cette proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Cette proposition de loi vise à régulariser le PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais afin de permettre la réalisation d'un projet d'intérêt général. Ce projet, déclaré d'utilité publique en décembre 2019 pour le lancement rapide de sa réalisation et de sa concession, n'a pas été pris en compte dans le PLUI adopté en février 2020, entraînant la non-conformité des documents d'urbanisme.
Or le désenclavement du Bas-Chablais est un projet de longue date, attendu par les habitants et élus locaux. Le rapport de Mme Isabelle Barthe, garante de la concertation publique sur ce projet de liaison autoroutière, fait état d'un rythme de croissance de la population deux fois supérieur à la moyenne régionale : on compte entre 10 000 et 12 000 habitants supplémentaires par an, ce qui aggrave le problème chaque année. La situation géographique particulière, entre lac et montagne, en fait un territoire principalement desservi par des routes départementales. Bien sûr, il est essentiel de favoriser le développement d'infrastructures multimodales. Le Léman express, inauguré en 2019, transporte plus de 65 000 passagers par jour, contre 50 000 attendus initialement. Des pistes cyclables sont également prévues, comme nous l'a indiqué Mme la rapporteure. D'autres projets de transports multimodaux sont à l'étude, mais la voiture restera un moyen de déplacement indispensable dans ce territoire rural.
Chaque jour, certains de nos concitoyens subissent des conditions de mobilité dangereuses et pénibles, sans parler des problèmes de santé publique du fait des nombreux embouteillages et des émissions de gaz à effet de serre. Chaque jour, alors qu'ils résident à seulement quelques kilomètres de nombreux services publics, ils ne peuvent s'y rendre qu'après de longues heures de voiture. La création d'une nouvelle liaison autoroutière permettra de désengorger les routes, de garantir une meilleure qualité de vie, de renforcer l'attractivité et le dynamisme du Chablais en complétant le développement des offres de transport. Pour l'ensemble de ces raisons, ce projet nécessite l'intervention exceptionnelle du législateur afin de réparer une erreur reconnue par tous, l'ensemble des autres documents d'urbanisme et de planification prenant déjà en compte le projet.
Le groupe Horizons et apparentés sera donc aux côtés des élus et des habitants du Bas-Chablais :…
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de loi.
Une oratrice est inscrite sur l'article unique.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard.
Je voudrais dire la solidarité des Savoyards à l'égard de ce projet qui concerne nos collègues haut-savoyards.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nos deux départements de montagne sont dans le même bateau. Nous savons ce qu'est l'enclavement des populations. Nous connaissons la difficulté de circuler dans nos vallées et les temps de transport, longs, avec des contraintes très fortes.
M. Jean-François Coulomme s'exclame.
Je suis élue de Maurienne. Vous affirmez que l'autoroute détruit. Mais, chez nous, en Maurienne – où les mêmes étaient déjà contre, à l'époque –, qu'a-t-elle permis ? Avant, nous circulions tous sur la route nationale ou sur la route départementale vers l'Italie, avec des dizaines de morts par an, pendant des années ! L'autoroute a sauvé des vies !
C'est aussi cela les projets autoroutiers : la sécurité des citoyens qui vivent sur nos territoires.
Elles sont hallucinantes ! Vous êtes contre l'autoroute et contre la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR
qui permettrait pourtant de transférer 3 millions de poids lourds sur des trains et de sauvegarder nos territoires alpins ainsi que la qualité de l'air.
Mme Marina Ferrari applaudit.
Occupez-vous de la voie rapide urbaine (VRU) de Chambéry, engorgée, et soutenez le transfert massif de la route vers le rail !
Monsieur le ministre délégué, je vous remercie pour les annonces en faveur du Lyon-Turin. Le ferroutage pour le fret, c'est six fois moins d'énergie pour transporter une tonne de marchandises, et quatorze fois moins de gaz à effet de serre.
Nous sommes pour cette autoroute, qui protège les populations et leur permet de vivre dans nos vallées alpines, dans nos montagnes. Et nous sommes pour le Lyon-Turin, afin de désengorger les vallées et de permettre à nos populations de respirer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le ministre délégué, ce projet va aboutir à une artificialisation des sols. Va-t-elle avoir des conséquences directes sur le PLUI, c'est-à-dire sur la possibilité, pour les collectivités, d'artificialiser d'autres terrains pour d'autres projets dans le Chablais ? Va-t-elle être décomptée au niveau national ?
Madame Bonnivard, ce ne sont pas 3 millions de camions par an qui sont prévus avec votre projet Lyon-Turin, mais seulement 1 million !
Sourires sur les bancs du groupe LR.
Aujourd'hui, lors d'une conférence de presse, nous avons défendu l'idée d'une commission d'enquête populaire et parlementaire pour démontrer tous les mensonges qui entourent ce projet Lyon-Turin à l'horizon 2050, alors que nous avons une solution immédiate.
En outre, nous interpellerons le Conseil constitutionnel sur votre proposition de loi, qui instrumentalise notre institution et les parlementaires pour faire prévaloir des intérêts clientélistes et écocidaires.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.
Un tel précédent doit être tranché par le Conseil constitutionnel.
Oui, je parle de clientélisme car il ne faut pas oublier la pression des industriels, comme les eaux d'Évian, qui transportent souvent leur production par voie ferroviaire et voudraient faire des économies en passant par la route.
Enfin, vous vous autoproclamez amis des agriculteurs mais, sur les dix-huit exploitations agricoles situées sur le tracé, dix-sept ont déposé un recours contre ce projet !
Mme Nathalie Oziol s'exclame.
L'adhésion n'est donc pas générale comme vous le prétendez, mais minoritaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je vous rappelle que, dans cet hémicycle, vous ne devez pas vous interpeller.
En toute logique, il vise à supprimer l'article unique de la proposition de loi, ce texte constituant une entorse dangereuse à la libre administration des collectivités territoriales.
S'agissant de cet aspect, nous avons eu l'occasion de développer nos arguments. Je reviendrai plutôt sur le fond car, dans cet hémicycle, nous avons entendu tout et n'importe quoi.
M. Raphaël Schellenberger s'exclame.
À court d'arguments, vous en venez à attaquer les personnes. Une nouvelle autoroute – c'est-à-dire plus de bitume et plus de voitures – serait écologique. Mes chers collègues, nous sommes déjà mal partis pour gagner la lutte contre le réchauffement climatique…
…mais, avec ce type de propos, nous perdons tout espoir d'avancer. Vous affirmez qu'une autoroute permettra de mieux respirer. Avez-vous oublié les émissions de polluants liées à la circulation automobile ?
Vous avancez un argument essentiel : l'attractivité du territoire et le développement économique. Mais, en 2023, un territoire est-il encore attractif sans ses vaches, ses zones humides et ses roselières ?
Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et LR.
Un territoire devient-il plus attractif quand il est traversé par une autoroute ? Mes chers collègues, il est temps de changer de logiciel : construire une autoroute est contraire à tous nos objectifs et à nos impératifs majeurs – protéger le vivant et la société.
En outre, cette proposition de loi est inconstitutionnelle. Non seulement elle préempte les droits des collectivités territoriales, mais le projet n'est pas d'intérêt général.
Si, en 2023, il est possible de qualifier une autoroute – plus de bitume et plus de voitures – de projet d'intérêt général, alors que des solutions alternatives existent, il va nous falloir modifier bien des choses à l'avenir.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Sur la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance, Horizons et apparentés et Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Évidemment, mon avis sera défavorable. Madame Laernoes, vous avez raison, nous avons entendu tout et n'importe quoi dans cet hémicycle. Savez-vous que répéter à l'envi des inepties n'en fait pas des vérités ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Vous avez accumulé les approximations et les mensonges. Vous êtes allée jusqu'à affirmer que cette route va jusqu'à Genève alors qu'elle relie Machilly à Thonon-les-Bains. Révisez votre géographie ! Manifestement, vous n'êtes jamais venue dans le Chablais. Je vous invite à le faire !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, RN, LR, Dem et HOR. – Mme Julie Laernoes s'exclame.
Absolument, vous êtes députés de la nation, et je ne me permettrais pas de juger de ce qui se passe dans votre circonscription.
D'autre part, vous évoquez le développement économique, mais je ne crois pas non plus que vous soyez présidente du Medef – que nous avons auditionné. Je le répète, les entreprises ne veulent plus venir s'installer chez nous car les délais de transport sont trop importants. Quant aux vaches, elles sont très bien chez nous, je vous remercie.
Applaudissements et sourires sur les bancs des groupes RE et HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et LR.
Vous parlez également d'une violation des droits des collectivités. Mais il s'agit d'un projet qui fait l'unanimité des habitants et des collectivités.
Non, 600 personnes sur 140 000 habitants ! Vos arguments sont donc nuls et non avenus. Je maintiens mon avis défavorable.
Avis défavorable. Dans quelques instants, l'article unique sera mis aux voix. Auparavant, je reviendrai sur certains éléments de fond.
À chaque fois que la NUPES entend le mot « infrastructures », elle sort son revolver – ces amendements de suppression en offrent une nouvelle illustration.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Elle a beaucoup de mal à admettre les réalités qui contraignent la mobilité de 80 % de nos compatriotes, en particulier dans les territoires montagnards.
Mme Laernoes prétend défendre les vaches : je serais ravi que les futures attaques et menaces proférées contre la filière bovine ne viennent pas de vos rangs !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre délégué, j'aurais voulu que vous répondiez à ma question concernant l'artificialisation nette qu'entraînera ce projet.
Soit elle viendra en déduction de la capacité d'artificialisation de la communauté de communes du Bas-Chablais, aux dépens d'autres projets, soit elle sera intégrée au Sraddet – schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. Dans ce dernier cas, toutes vos vociférations visant à nous dénier le droit de nous prononcer au niveau national sur l'opportunité du projet sont nulles et non avenues, puisque l'artificialisation sera prise en compte sur le plan national. Comment sera décompté l'espace consommé par ce projet bitumineux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Marina Ferrari s'exclame.
Depuis le début de la discussion, vous confondez délibérément les sujets. Ce texte vise à autoriser le projet. La réalisation de ce dernier demandera ensuite de franchir plusieurs étapes, opérationnelles notamment, comme le tracé définitif. Les règles de l'objectif ZAN s'appliqueront, comme pour tout projet d'infrastructure. Le débat au Parlement est engagé, avec M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur l'évolution desdites règles.
Le projet se verra appliquer les normes qui seront alors en vigueur. Aujourd'hui, il s'agit de créer les conditions de réalisation du projet, à la demande des élus.
L'article unique est adopté.
Vous parlez d'une procédure exceptionnelle. Le texte ne vise pas à régulariser le PLUI du Bas-Chablais, mais à contourner le droit de l'urbanisme pour le régulariser.
Lors de la présentation, monsieur le ministre délégué, vous avez annoncé que vous vous en remettriez à la sagesse de l'Assemblée. S'agissant des amendements de suppression, vous avez pourtant émis un avis défavorable, c'est-à-dire que vous vous êtes résolument prononcé en faveur de la modification du PLUI par le haut. Or cela contrevient très clairement à tous vos objectifs politiques revendiqués, et abîme donc votre crédit quant à la vraisemblance de vos affirmations, notamment relatives au volontarisme dont vous prétendez faire preuve pour donner au rail la priorité sur la route.
Exclamations sur les bancs des groupes RN, LR et HOR.
Vous allez voter la création d'une route, mes chers collègues. Qui sera fier d'assister à son inauguration, alors que ses enfants et petits-enfants étoufferont l'été ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Avis défavorable. Le dogmatisme et les postures caricaturales rendent aveugle et sourde, manifestement : nous avons expliqué à plusieurs reprises que les procédures avaient été scrupuleusement respectées, notamment s'agissant des concertations et des enquêtes environnementales, dont la dernière a eu lieu en 2019 en vue d'approuver la DUP.
Tout discours sur le contournement de la loi et les dérogations au code de l'urbanisme ne sont que mensonges.
Nous sommes là pour résoudre une erreur matérielle liée à un enchevêtrement inextricable de règlements ; c'est à cela que se borne notre rôle.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et RE.
Avis défavorable. Il est difficile d'accuser le législateur de contourner le droit, alors qu'il définit le droit, précisément. Le vote parlera.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Je suis évidemment défavorable au changement du titre. Nous n'avons nullement agi pour contourner le droit : nous sommes là pour accompagner les habitants d'un territoire et le désenclaver. S'agissant de la constitutionnalité du texte, il existe un précédent. En effet, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur un cas similaire, la loi n° 2006-241 relative à la réalisation de la section entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny de l'autoroute A89 : sa décision a été favorable.
Si votre projet était vraiment d'intérêt général, vous n'en auriez pas confié la réalisation à un prestataire privé. On va construire un bout d'autoroute de 16 kilomètres de long sur 300 mètres de large, et le confier à des intérêts privés. Je ne vois pas l'intérêt général : je vois un clientélisme privé, qui satisfait des intérêts privés !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe Dem.
Vous privatisez la nature. Dans une période où nous devrions tous avoir l'écologie à cœur, c'est honteux. Il faudrait joindre les actes à la parole, et vous faites tout le contraire. J'invite tous ceux qui nous regardent à venir les 17 et 18 juin en Maurienne, afin de soutenir les défenseurs du projet alternatif de report modal vers le train, immédiatement réalisable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Marina Ferrari proteste.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 206
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue 100
Pour l'adoption 149
Contre 50
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant aux amendements portant article additionnel après l'article 2.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 2. Les amendements n° 1 , 2 , 3 , 98 , 269 , 562 , 834 , 983 , 1083 , 167 , 75 , 968 et 967 peuvent être soumis à une discussion commune.
Parmi eux, les amendements n° 1 , 2 , 3 , 98 , 269 , 562 , 834 et 983 sont identiques et font l'objet d'un sous-amendement, n° 1178 .
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes RE, LR, Dem, HOR et LIOT.
Je défends cet amendement au nom du groupe de travail transpartisan de l'Assemblée nationale, que nous avons constitué voilà près d'un an.
Mêmes mouvements.
Nous proposons de réguler l'installation des médecins. Il ne s'agit pas de les affecter ici ou là, dans tel ou tel territoire – j'ai entendu à ce sujet des interventions fausses. En revanche, nous suggérons de demander aux médecins de ne pas s'installer dans les zones où les besoins sont déjà satisfaits ; ils pourront toutefois s'installer partout où les besoins ne sont pas pourvus, où les patients les attendent.
Nous devons organiser l'installation selon les besoins de santé des territoires. Pour y parvenir, nous proposons d'instaurer un régime d'autorisation relevant des agences régionales de santé (ARS).
Nous partons de la situation que vivent des millions de Français. Nous constatons tous que les politiques d'incitation menées depuis des dizaines d'années ont échoué à produire les résultats attendus.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe HOR.
L'Atlas de la démographie médicale 2023, qui présente la situation au 1er janvier,…
Sourires
mais votre temps de parole est de deux minutes. Veuillez conclure, je vous prie.
Vous avez raison. Je ne citerai qu'un chiffre, sauf à poursuivre mon propos ultérieurement.
Depuis 2010, c'est-à-dire depuis plus de dix ans, la densité de médecins par habitant a augmenté – je dis bien augmenté – de 27 % dans les Hautes-Alpes, tandis qu'elle a diminué de 15 %…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour prendre brillamment la suite de M. Garot et soutenir l'amendement n° 2 .
Depuis trente ans, on constate que l'accès aux soins se dégrade. Personne ici ne peut soutenir le contraire. Pourtant, des ministres, des rapporteurs et des parlementaires de tous les bancs, au Sénat comme à l'Assemblée, ont ouvert des pistes, mais elles se révèlent totalement insuffisantes : sept à huit années très difficiles s'annoncent encore. Nous avons ainsi créé la délégation de tâches et les infirmiers en pratique avancée (IPA). Or nous constatons que dans certaines zones, l'accès aux soins se raréfie encore, tandis que dans quelques poches, la densité demeure plus importante. Nous nous sommes livrés à une expérience, que je vous invite à renouveler en direct avec nous, monsieur le ministre : si vous cherchez un médecin généraliste à Nice, vous trouverez immédiatement quarante possibilités de rendez-vous ; il n'en va pas de même dans ma commune de Châteaudun en Eure-et-Loir, même si nous avons installé un centre de soins non programmés – qui constitue toutefois une réponse.
Il ne s'agit pas d'instaurer une régulation drastique ou d'exercer une coercition ; nous ne proposons pas d'envoyer les internes dans les territoires sous-dotés. Notre solution est tout autre. Là où la densité est suffisante, nous envisageons un équilibre, plaque à plaque : pour un départ de médecin à la retraite, une arrivée. On ne peut donc pas nous jouer la petite musique selon laquelle cela conduirait à une sous-densité puisque le nombre de médecins restera le même. Là, en revanche, où la densité est insuffisante, nous proposons d'orienter l'installation des médecins – cela concernera 300 à 400 praticiens. Sur 93 % du territoire français, la liberté d'installation sera totale. Par rapport à d'autres métiers réglementés comme les infirmiers, les kinésithérapeutes ou les pharmaciens, je ne pense pas que l'effort demandé soit considérable.
Si certains territoires attirent davantage les médecins,…
…c'est aussi – et je sais que vous partagez ma préoccupation, monsieur le ministre – parce que la convention à 26,50 euros n'est pas la meilleure réponse à leur apporter. Eux qui soignent les patients ont besoin d'une reconnaissance à la hauteur de leur formation.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Sur l'amendement n° 1 et identiques, je suis saisie par les groupes Renaissance, La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, Démocrate (MODEM et indépendants), Écologiste – NUPES et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Sur tous les autres amendements portant article additionnel après l'article 2, je suis également saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot, pour soutenir l'amendement n° 3 .
Je voudrais en premier lieu me réjouir de ce débat et féliciter le rapporteur pour la qualité de sa proposition de loi qui a le mérite d'aborder l'un des premiers sujets de préoccupation de nos concitoyens, je veux parler bien sûr des difficultés qu'ils éprouvent à accéder aux soins et des inégalités territoriales dans l'offre de soins. Ce texte est toutefois trop timide car il reste figé sur un ADN qui n'a pas suffisamment, et c'est un euphémisme, apporté la preuve de son efficacité sur le terrain. Les incitations, de quelque nature qu'elles soient, développées depuis plus de vingt ans sont marquées par une absence criante de résultats. Plus de 8 millions de nos compatriotes n'ont pas de médecin traitant.
C'est pourquoi je salue l'initiative de mon collègue et ami mayennais Guillaume Garot – à laquelle j'ai immédiatement souscrit – de rassembler les députés venus de différents horizons politiques autour d'une idée claire et de bon sens : la régulation de l'installation.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes HOR, LR et Écolo – NUPES.
Cette régulation n'a rien d'une punition. Cette solution, qui vient compléter les incitations, a fait ses preuves pour d'autres professions comme les infirmiers, les kinés et les pharmaciens, et dans d'autres pays comme la Belgique, le Danemark ou le Québec.
Il n'y a rien de scandaleux ou de honteux à orienter l'installation des médecins vers les zones où l'on a vraiment besoin d'eux. Alors, monsieur le ministre, pourquoi ne pas expérimenter la régulation afin que cesse cette inégalité insupportable dans notre République ? C'est l'objet de l'amendement transpartisan que nous vous proposons. C'est un complément indispensable aux politiques publiques déjà en place entre lesquelles il est nécessaire de trouver un équilibre.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Cet amendement, issu des travaux du groupe de travail transpartisan créé et piloté par notre collègue Guillaume Garot, vise tout simplement à réguler l'installation des médecins généralistes et spécialistes ainsi que des chirurgiens-dentistes pour les orienter vers les zones où l'offre de soins est insuffisante.
Pour ce faire, nous proposons de créer une autorisation d'installation que délivreraient les ARS aux médecins et chirurgiens-dentistes. Il ne s'agit donc pas de revenir sur la liberté d'installation mais bien de l'encadrer et d'inciter les médecins à s'installer dans les zones peu denses. La remise d'un rapport gouvernemental permettrait en outre de formuler des propositions destinées à cibler les aides à l'installation vers les zones où l'offre de soins est la plus dégradée.
Nous le savons, il n'y aura pas de nouveaux médecins avant sept ans et il nous faut trouver des solutions pour traverser cette période. Donnons-nous les moyens de soigner la population au plus près des besoins et redonnons au Parlement sa mission de légiférer, grâce à une majorité parlementaire construite autour de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Il est important de se mettre d'accord sur le diagnostic. Si le manque de médecins est avéré, c'est surtout leur répartition inégale à travers la France qui n'est plus tolérable. Il y a certes un problème de démographie médicale dans notre pays mais il ne se pose pas avec la même acuité dans tous les territoires. Vous le sauriez si vous habitiez en Ardèche méridionale ou dans la montagne ardéchoise, bassin de santé sous-dense comptant 100 000 habitants l'hiver et 300 000 l'été, dont le seul hôpital, celui d'Aubenas, est à deux heures du premier centre hospitalier universitaire – CHU.
Pour ce qui est des remèdes, disons-le, rien ne sert de mettre un sparadrap sur une jambe de bois. L'enjeu, c'est bien évidemment de former deux fois plus de médecins et de veiller à leur bonne répartition géographique. Prenons le nombre de médecins pour 100 000 habitants : pour les généralistes, l'écart suivant les départements va de un à trois ; pour les spécialistes, de un à six. L'Ardèche n'est pas la Gironde, la Creuse n'est pas les Alpes-Maritimes et les Vosges ne sont pas Paris intra-muros.
Voilà pourquoi nous proposons, le temps de former plus de médecins, de ne pas installer de nouveaux praticiens dans les zones les mieux dotées tant qu'il n'y a pas de départs à combler. Je crois que c'est une façon d'apporter un peu d'oxygène au système. L'entorse au principe de liberté d'installation ne nous paraît pas majeure. D'ailleurs, monsieur le ministre, cette régulation soft pourrait être au cœur des discussions avec les médecins, plus nombreux demain, mieux considérés grâce à la revalorisation de la consultation comme du statut d'interne, laquelle est aussi certainement au cœur du débat, et confrontés à moins de bureaucratie, comme tous les professionnels de santé nous le demandent.
M. Yannick Favennec-Bécot et M. Pierre Dharréville applaudissent.
Personnellement, je suis attaché à la médecine libérale et donc à la liberté d'installation et ce n'est pas de gaieté de cœur que je me suis rallié à cette proposition de régulation issue des travaux du groupe transpartisan. Simplement, elle est devenue un impératif. Elle répond au cri de détresse des élus et de tous ceux qui, dans nos territoires ruraux comme l'Orne, ne trouvent pas de médecin généraliste, mettent des mois avant d'obtenir un rendez-vous chez un spécialiste ou chez un dentiste et se désespèrent de voir leur médecin partir en retraite sans successeur.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté hier : je suis désolé de vous le dire mais je ne crois pas à vos solutions sentant la naphtaline, à cette antienne sans effet ressassée par tous vos prédécesseurs depuis des années. Dans l'Orne comme dans de nombreux territoires ruraux, nous avons essayé vos solutions réchauffées : primes à l'installation, exonération d'impôt, pôles de santé aux loyers très modérés, mesures en faveur des stagiaires.
Elles se sont toutes soldées par un échec : il ne nous reste que 150 généralistes pour 280 000 habitants. Il est urgent de réguler l'installation des médecins de manière qu'ils ne puissent plus s'installer dans les territoires surdotés et qu'ils soient encouragés à venir dans les zones déficitaires. C'est une nécessité !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe HOR. – M. Fabrice Brun applaudit également.
La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l'amendement n° 834 .
Je ne compte pas les concitoyens et concitoyennes de ma circonscription qui m'alertent sur leurs difficultés à trouver un médecin et je pense que nous sommes nombreux dans ce cas dans l'hémicycle. Voici le dernier message que j'ai reçu : « J'ai interpellé plusieurs fois l'ARS sur le manque de médecins, on m'a dit que je n'aurais jamais dû m'installer dans un désert médical. ». C'est donc pour apporter une réponse à nos concitoyens et concitoyennes que je me joins à mes collègues du groupe transpartisan pour défendre la régulation de l'installation des médecins en fonction des besoins de chaque territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Chez moi en Bretagne, la moitié des communes ne comptait aucun médecin généraliste en 2021. Dans ma circonscription, 56 communes sur 59 ont un accès inférieur à la moyenne aux médecins généralistes, quel que soit le tarif qu'ils pratiquent. L'accès aux soins n'est pas égal sur tout le territoire. Nous proposons d'orienter les médecins vers les zones manquant cruellement de professionnels de santé, ce qui n'est en rien une mesure coercitive.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Ce qui se passe dans notre hémicycle est extraordinaire : me voici en train de défendre un amendement identique à ceux soutenus avant moi par mes collègues Favennec-Bécot et Vigier. Alors que nous ne siégeons pas sur les mêmes bancs, nous nous retrouvons autour de cette mesure qui suscite un consensus transpartisan extrêmement large.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR.
Ce consensus prend sa source dans une réalité incontournable : 10 % des arrondissements du pays concentrent la moitié des ophtalmologistes et des dentistes. Face à ce constat, que faire ? Il existe trois options. La première, nous la connaissons : avoir plus de médecins. C'est ce que nous souhaitons mais cela implique d'attendre dix ans, délai insupportable. La deuxième consiste à multiplier les incitations mais nous savons que cela ne fonctionne pas : l'argent mis sur la table va croissant sans que les effets attendus se réalisent. Il reste une troisième option : la régulation, qui a recueilli un accord large parmi les députés de neuf groupes différents. En quoi consiste-t-elle ? Dans les zones surdotées, nous garantissons le maintien de l'offre de soins à un niveau égal par une politique de remplacement systématique des médecins partant à la retraite ; dans les zones sous-dotées, en revanche, les professionnels pourront s'installer.
Cette solution, qui ne fait que des gagnantes et des gagnants, a l'avantage de s'inscrire dans l'expérience longue de pays comme la Belgique ou l'Allemagne, où la couverture médicale est plus juste et plus égalitaire. Elle est également appliquée pour les pharmaciens. Mme la ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, Mme Firmin Le Bodo, elle-même pharmacienne, connaît bien ce dossier. Elle sait que la régulation pour les professions de santé fonctionne.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La proposition que nous faisons doit être comprise comme un compromis assez large résultant de mois et de mois de travail en commun, de réflexion commune et même de meetings partagés entre des députés que pourtant quasiment tout oppose. J'espère que vous serez sensibles à nos arguments et que la nation entière pourra avancer par notre voix.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à M. Christophe Marion, pour soutenir le sous-amendement n° 1178 .
Il vise à s'assurer que le rapport gouvernemental demandé par l'amendement de mon collègue Garot formule bien des propositions destinées à cibler toutes les aides à l'installation vers les zones où l'offre de soins est dégradée. Ces incitations viennent compléter utilement la régulation de l'installation.
Sur ces sujets, je suis heureux de constater qu'après deux jours de débat, nous avons considérablement progressé alors qu'on dit depuis des mois que la France n'est plus qu'un immense désert médical. M. le ministre vient d'annoncer que serait proposé un dispositif incitant les docteurs juniors en quatrième année d'internat à s'installer dans des zones sous-denses. N'est-ce pas reconnaître qu'il existe des zones qui ne sont pas en sous-densité ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Surtout, la régulation des installations a été reconnue comme étant une solution lors de nos débats. J'ai bien écouté M. le rapporteur : il s'est dit favorable à son application à condition qu'on ait davantage de médecins.
C'est un progrès notable alors même qu'avant cette prise de position, que je salue, on nous expliquait que la régulation ne fonctionnait nulle part, ce qui d'ailleurs est en contradiction avec les conclusions du rapport de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) selon lequel les exemples européens « vont plutôt, globalement, dans le sens d'un impact positif d'une politique de régulation des installations sur l'équité de la distribution géographique ».
Autrement dit, nous avons assisté à un déplacement du débat : du « pour ou contre la régulation ? », nous sommes passés à « quand la mettre en place – maintenant ou en 2030-2035 ? » De mon côté, je continue à penser que c'est en période de pénurie qu'il faut réguler : c'est maintenant que nous avons besoin de mesures fortes et urgentes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes LR, HOR et LIOT.
Je ne suis pas le seul à avoir cette position. Souvenons-nous du document de campagne du Président de la République en 2022, que j'ai distribué comme d'autres de mes collègues : « Lutter contre les déserts médicaux, avec des leviers à construire ensemble : […] régulation de l'installation », était-il écrit à la page 9.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC ainsi que sur quelques bancs des groupes LR, HOR et LIOT.
J'ai à cœur, chers collègues, de rester fidèle à l'engagement du militant et de l'élu local que j'étais hier.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus, pour soutenir l'amendement n° 1083 .
Je commencerai en saluant l'engagement du rapporteur qui a cherché tout au long de nos travaux à trouver des chemins de dialogue, des voies d'équilibre et de compromis,…
…ainsi que le ministre et son cabinet qui ont fait preuve d'une écoute attentive. Je veux dire aussi à Guillaume Garot et aux dizaines de députés membres du groupe transpartisan combien notre travail commun fait l'honneur de cette assemblée.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et SOC. – M. Philippe Vigier applaudit également.
Nous avons su dépasser nos étiquettes politiques, laisser de côté nos querelles partisanes, pour travailler ensemble sur un sujet majeur qui constitue la préoccupation première des Français, à savoir la lutte contre les déserts médicaux.
Brouhaha sur les bancs du groupe RN.
Personnellement, peu m'importe de savoir quel parti ou quel groupe politique en tirera les bénéfices, car il s'agit d'une faillite collective.
Les responsabilités sont partagées et nous devons y répondre collectivement, tous ensemble.
Nous verrons bien ce que vous voterez ; vous devrez expliquer à vos électeurs votre position politique !
Les masques finiront par tomber, chers collègues du Rassemblement national.
…que les difficultés d'accès aux soins s'accumulent dans les campagnes, que nos concitoyens, désespérés, franchissent les portes de nos permanences parlementaires en nous demandant de l'aide pour trouver un médecin.
Vous nous répondrez, monsieur le ministre, que la France entière est un désert médical. Permettez-moi néanmoins de citer quelques chiffres : il y a trois fois plus de médecins généralistes par habitant dans les Hautes-Alpes que dans l'Eure ; dix fois plus d'ophtalmologues par habitant à Paris que dans la Creuse ; trente-trois fois plus de pédiatres à Paris que dans l'Indre ; cinq départements n'ont aucun gynécologue libéral.
Ne caricaturez donc pas cet amendement : il n'a pas pour objet de punir les médecins ni de les obliger à s'installer dans des territoires où ils ne voudraient pas aller ; il vise simplement à les empêcher de s'installer dans un territoire dans lequel l'offre est déjà dense.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Dem, SOC et Écolo – NUPES.
Permettez-moi tout d'abord de saluer le travail et le sens de l'écoute du rapporteur
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe HOR
et de remercier le groupe Horizons, grâce à qui nous débattons enfin de la régulation. Ensuite, j'aimerais expliquer pourquoi je propose d'aller plus loin. Certains disent que, faute de médecins, il n'y a rien à répartir. Toutefois, la France forme des milliers de médecins chaque année. Ne pas les orienter vers ceux qui en ont le plus besoin porterait gravement atteinte à la promesse républicaine d'égalité entre les territoires et entre les citoyens.
Tous les déserts médicaux ne se valent pas. Dans ma circonscription, la difficulté n'est pas de trouver un médecin traitant mais bien d'avoir accès à un médecin, tout court. Chaque installation dans une zone surdense se traduit par le fait que, chez moi, des parents n'auront pas de solution pour faire soigner leurs enfants, des personnes âgées n'auront pas accès à un médecin et des patients ne pourront pas consulter, avec le risque qu'on leur découvre une grave pathologie trop tardivement.
Je suis donc fier de porter aujourd'hui la parole de millions de Français et de le faire avec des collègues de l'ensemble des groupes de notre assemblée.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, LFI – NUPES, Dem, SOC et Écolo – NUPES. – M. Stéphane Peu applaudit également.
Des mesures incitatives ont été engagées depuis de nombreuses années, mais elles restent insuffisantes. C'est pourquoi il paraît naturel de soumettre à autorisation l'installation des professionnels de santé, en particulier les médecins et les chirurgiens-dentistes. Cela devrait être le rôle des agences régionales de santé, dont les cartes et les zonages illustrent l'inégale répartition des médecins dans les territoires – certains sont sous-dotés, tandis que d'autres le sont un peu plus.
Nous proposons donc que, dans les territoires surdotés, l'installation ne soit possible que dans le cadre d'une transmission, à la suite de la cessation d'activité d'un praticien.
Il n'est pas question de dépouiller les territoires bien dotés, mais d'encourager les nouvelles installations dans ceux qui sont moins bien pourvus. Pourquoi ? Depuis quarante ans, de nombreuses mesures ont été tentées : la suppression du numerus clausus, les primes à l'installation, la défiscalisation en zone de revitalisation rurale (ZRR), les contrats locaux de santé, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les infirmières en pratique avancée, les maisons de santé, les groupements hospitaliers de territoire (GHT), les centres de santé, les médecins salariés. Toutefois, il est désormais indispensable de réguler l'installation des médecins et des chirurgiens-dentistes. Cela explique d'ailleurs le nombre de députés, représentant différentes circonscriptions, mobilisés sur cette question.
J'espère que le rapporteur fera preuve de compréhension, de mansuétude et surtout de sagesse.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, LFI – NUPES, Dem, SOC et Écolo – NUPES. – M. Fabrice Brun applaudit également.
Je remercie notre rapporteur, Frédéric Valletoux, de cette proposition de loi, soutenue par la majorité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.
C'est bien la présente majorité qui, depuis 2017, déploie des mesures concrètes afin d'augmenter l'accès aux soins des Français, de lutter contre les déserts médicaux et d'accroître le temps d'exercice médical :…
…suppression du numerus clausus, augmentation du nombre de places dans les écoles d'infirmiers et d'aides-soignants, Ségur de la santé bien sûr, aides à l'installation qui permettent de percevoir jusqu'à 50 000 euros, sans oublier l'exonération d'impôt sur le revenu pendant cinq ans pour une installation en ZRR, avec parfois quelques effets de bord. Ces mesures sont utiles et fonctionnent. Néanmoins, c'est vrai, aucun territoire ne peut se prévaloir d'être en situation de surdensité actuellement : la pénurie prévaut quasiment partout.
Cependant, chiffres de l'Insee à l'appui, les inégalités entre les territoires sont incontestables : s'agissant des médecins spécialistes en particulier, les écarts pour 100 000 habitants vont de 75 à 650 dans l'Hexagone. Ces inégalités territoriales amplifient les inégalités sociales et de santé.
Que faire ? Je le dis très humblement, je n'ai pas de certitudes sur le sujet – j'ai même changé d'avis après avoir interrogé des usagers et des professionnels de santé, après avoir lu des rapports et observé ce qui est pratiqué à l'étranger –, mais je pense que nous devrons, dans les années à venir si nous ne le faisons pas aujourd'hui, tendre vers davantage de régulation. Plusieurs solutions existent : ces amendements en discussion commune en proposent quelques-unes, d'autres seront évoquées ultérieurement, y compris l'introduction d'une clause du grand-père pour les jeunes professionnels, ou encore l'instauration d'un conventionnement sélectif.
Je n'ignore pas les réserves exprimées, y compris par le Gouvernement et la majorité, mais il est du rôle du législateur de débattre de ces enjeux ; c'est ce que nous faisons grâce à cette proposition de loi.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et HOR. – M. Benjamin Saint-Huile applaudit également.
La parole est à M. Frédéric Valletoux, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner son avis sur les amendements en discussion commune.
Pour commencer, permettez-moi de rassurer notre collègue Thierry Benoit : je parle toujours avec beaucoup de sagesse.
J'ai écouté l'ensemble de vos exposés et le constat est unanime : notre système a failli et est actuellement en crise – nous le savons. Il provoque des inégalités, alors même que l'égal accès aux soins est l'un des fondements de notre système de santé et l'une des valeurs auxquelles les Français sont attachés. C'est vrai, les chances ne sont pas les mêmes pour tous les Français, selon les territoires où ils vivent, face à l'accès aux soins, à certaines spécialités ou aux généralistes, et parfois même à l'accès à l'hôpital. Cela nous met profondément en colère.
Une fois ce constat dressé, nous devons collectivement, à l'occasion de ce débat, trouver des réponses pragmatiques, permettant d'améliorer concrètement l'accès aux soins des Français. Notre système de santé est profondément fragile et menacé par la pénurie de soignants. Là est bien l'enjeu. Certains parlent parfois de bureaucratie, de rigidité, de difficultés financières, de rationalité budgétaire mais, au fond, le vrai sujet est que nous manquons de soignants pour prendre en charge les Français.
Permettez-moi de citer quelques chiffres, qu'il est important d'avoir en tête au moment où nous débattons d'un sujet aussi majeur : les généralistes sont de moins en moins nombreux – comme les spécialistes, bien sûr. Or ce sont ceux qui exercent au plus près de nos concitoyens dans les territoires, ceux qui représentent la porte d'entrée dans le système de santé, qui accompagnent les Français dans toutes les étapes de leur vie. Souvent, le médecin de famille vous a connu jeune et vous accompagne pendant plusieurs années. Les généralistes, disais-je, sont de moins en moins nombreux : depuis les dix dernières années, ils sont déjà 10 000 de moins et la décrue se poursuivra malheureusement jusqu'en 2026, voire jusqu'en 2030, avec le risque d'une accélération. Plus de 25 % d'entre eux ont actuellement plus de 60 ans : cela signifie que, d'ici à 2030, ils seront nombreux à partir à la retraite, même si certains prolongeront leur activité – vous le savez, nombre d'entre eux consultent encore après 70 ans. Il faudra attendre 2030 pour retrouver les chiffres de 2006, lorsque les généralistes étaient encore au nombre de 105 000. Nous sommes, certes, au début d'un rebond, mais celui-ci sera très lent.
Il faudra sans doute, dans les années à venir, instituer un système permettant de ne pas reproduire les erreurs du passé. Quelles sont-elles ? Laisser l'offre médicale se concentrer dans quelques territoires, peu nombreux, parce que la main invisible du marché n'a pas bien joué son rôle et que les professionnels de santé se sont éparpillés aux quatre coins du territoire, en privilégiant les zones les plus attractives. Je ne suis pas contre le principe d'assurer une meilleure répartition des forces médicales dans le territoire, mais nous devons prendre le temps de le faire, avec les professionnels.
L'enjeu d'ici là, compte tenu des difficultés démographiques, c'est de conserver nos soignants – j'insiste sur ce point. Je l'ai expliqué, ils sont de moins en moins nombreux. Si nous perdons nos soignants, nous ne réussirons pas à améliorer l'accès aux soins des Français. Avec cette proposition de loi, nous envoyons donc aux soignants un message de confiance et de responsabilité.
Au-delà de l'ensemble des soignants, je pense avant tout aux jeunes, non seulement ceux qui poursuivent des études de médecine, et Dieu sait qu'elles sont longues, mais aussi ceux qui envisagent de s'engager dans ce cursus et qui seront directement concernés par le sujet de l'installation. Or l'attractivité de cette profession est sur le fil du rasoir. Permettez-moi, de nouveau, de citer quelques chiffres concernant les généralistes qui, je le répète, constituent un maillon majeur du système de santé. Le métier est de moins en moins attractif pour les jeunes : au cours des dix dernières années, six fois plus de spécialistes que de généralistes ont été formés ; pourtant, nous en avons besoin.
Savez-vous que 10 % des généralistes partent à l'étranger ?
Il y a dix ans, ce pourcentage n'était que de 2 %. En dix ans, on a détourné du métier de généraliste…
Permettez-moi d'aller au bout de mon raisonnement. En dix ans, on a poussé nos généralistes à quitter la France pour des raisons qui ne sont peut-être pas de bonnes raisons, mais les faits sont là. Par ailleurs, 20 % des jeunes généralistes préfèrent exercer leur métier en entreprise ou dans des institutions, au lieu de s'installer à l'hôpital ou en libéral ; ils travailleront dans des laboratoires ou ailleurs, mais ne croiseront aucun patient – pardonnez-moi de le dire ainsi, mais ils seront inutiles au soin et à la prise en charge des Français.
Grâce à ce débat, nous envoyons donc un signal à la jeunesse. Vous êtes tous attentifs sur ces bancs à adresser des signaux positifs aux jeunes, par rapport à leur métier, à l'engagement dans la société et à leurs conditions de vie, actuelles et futures. Notre discussion ne concerne pas les médecins qui, depuis trente ans, s'entassent dans certaines villes attractives, et qui, quoi qu'il arrive, y resteront pour y dérouler leur carrière comme bon leur semble. Nous ne parlons pas de ces médecins qui sont en situation de surpopulation dans quelques territoires et que nous ne dérangerons pas, mais bien des jeunes, de ceux qui, demain, seront l'avenir de la prise en charge des Français. Ne leur faisons pas porter le chapeau de ce que les générations précédentes n'ont pas fait, ne leur demandons pas d'être responsables de ce que les gouvernements passés n'ont pas osé faire et des dysfonctionnements que vous avez tous rappelés, à juste titre.
Voilà le message que je souhaitais transmettre. Bien sûr, je suis défavorable à ces amendements.
Je ne suis pas hostile à ce que nous réfléchissions, à l'avenir, avec les professionnels, à un système de santé garantissant une meilleure organisation de l'offre de soins dans le territoire. Néanmoins, tel qu'il est posé aujourd'hui, ce débat ne me semble pas suffisamment préparé…
…et parfaitement inconciliable avec le choc démographique que je viens d'exposer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention, pour donner l'avis du Gouvernement.
Merci d'avoir ouvert ce débat dans l'hémicycle.
M. Sylvain Maillard sourit.
En prenant nos fonctions, la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, et moi-même, nous sommes engagés à lutter contre toutes les inégalités d'accès à la santé. En la matière, les inégalités territoriales sont certainement les plus visibles, mais aussi les plus complexes à gérer, même si nous partageons tous le même diagnostic. Je respecte vos convictions et je vous remercie de les avoir défendues, mais je ne les partage pas.
Je ne suis donc pas favorable à vos amendements.
Je ne rouvrirai pas le débat sur les chiffres ni sur les exemples d'autres pays ou d'autres professions : vous savez pertinemment que les chiffres peuvent être interprétés de multiples façons, que les expériences étrangères ne sont pas transposables à notre situation – la Drees le reconnaît dans son rapport –, et que les comparaisons avec des professions qui ne sont pas en tension n'ont pas de sens.
Avec vos amendements, quel message adressez-vous aux Français et aux professionnels de santé ? Aux Français, vous dites que tout ce qui a été fait n'a servi à rien – ou si peu –, et que votre solution permettra d'améliorer la situation à tel point que demain, ils auront un médecin près de chez eux, y compris dans les territoires ruraux.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous stigmatisez par ailleurs les professionnels de santé : « Vous n'avez pas fait votre travail », leur dites-vous.
C'est vous qui n'avez pas fait votre travail !
Au cours de ma carrière, madame la députée, j'ai souvent employé la maxime suivante : « Quand on parle, on ne fait que répéter ce qu'on sait déjà, mais quand on écoute, on a une chance d'apprendre quelque chose. » Merci de me laisser exprimer mes arguments.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe LR.
Votre proposition n'est qu'un écran de fumée et un voile qui masquent l'ensemble des autres solutions qui fonctionnent – j'y reviendrai.
Nous devons la vérité à nos concitoyens sur les conséquences de vos amendements, s'ils étaient adoptés : loin d'améliorer la situation, ils dégraderaient fortement l'offre de soins, non pas demain ou après-demain, mais immédiatement.
Cette dégradation se traduira tout d'abord par des refus d'installation – il s'en produit déjà, mais, avec vos amendements, ils s'accentueront dès demain. Les départs à la retraite se multiplieront, alors que nous souhaitons garder les médecins plus longtemps en activité.
Les déconventionnements créeront une médecine à deux vitesses que personne ne souhaite. Le salariat se développera, et pas nécessairement dans les territoires.
Nous verrons progressivement disparaître la médecine libérale, qui est pourtant l'un des piliers de notre système de santé – je ne pense d'ailleurs pas que nous souhaitions suivre l'exemple du système de santé britannique, le NHS. Les médecins ne sont pas captifs, en particulier les généralistes : ils se dirigeront vers d'autres professions. Ils en ont la possibilité à l'issue de leur spécialisation en médecine générale, mais aussi avant, en vertu du droit au remords. Si vos amendements sont adoptés, les jeunes qui sont déjà inscrits en médecine générale se réorienteront dès demain vers une autre spécialité.
Je ne parle même pas des pays étrangers qui font les yeux doux à nos médecins, particulièrement bien formés.
Dire la vérité, c'est rappeler qu'un médecin de moins dans un centre-ville bien doté, cela ne signifie pas un médecin de plus dans une commune rurale de Mayenne ou d'Ardèche, mais probablement deux médecins de moins partout. Vous voulez m'expliquer ce qu'est la ruralité, monsieur Brun, mais sachez que j'ai exercé plus de vingt ans en Meuse : je sais donc de quoi je parle.
Après ce message aux Français, que dites-vous aux professionnels de santé : « Merci pour votre investissement quotidien dans un système de santé dégradé, dont vous n'êtes pas responsables » ? Ce n'est pas ce que j'ai entendu.
Leur dites-vous : « Merci pour votre gestion de la crise sanitaire ; nous vous avons fait confiance, vous avez réagi, vous avez vacciné et vous nous avez aidés à surmonter cette crise » ? Ce n'est pas ce que j'ai entendu, et c'est dommage.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et vous, qu'avez-vous fait pour les soignants pendant la crise du covid ? Vous êtes gonflé !
Ce que j'entends, c'est une stigmatisation des professionnels, que vous considérez comme immatures, irresponsables, voire comme des enfants gâtés à qui nous paierions des études sans qu'ils ne donnent rien en retour.
Mme Danièle Obono s'exclame.
La solution figure pourtant dans le texte qui a été défendu par M. le rapporteur : elle réside dans la confiance et dans la responsabilisation. La voie que vous proposez n'est pas anodine, ce n'est pas « un coup pour voir » : s'ils étaient votés, vos amendements induiraient une perte de confiance durable des professionnels de santé.
Les médecins sont déjà fâchés avec vous ! Ils ne vous font pas confiance !
Comment imaginez-vous engager une grande réforme du système de santé sans la confiance des professionnels ?
M. Favennec-Bécot a invoqué une expérimentation : je vous en conjure, n'expérimentons pas ! Ne jouons pas à pile ou face avec notre système de santé et avec la santé des Français !
Nous savons bien ce qui fonctionne, même si nous rencontrons des difficultés ; tout doit être fait pour y remédier. Certains ont évoqué des incitations. Nous devons en effet proposer des aides claires et ciblées :…
…c'est l'objectif du guichet unique. M. Garot a affirmé que les incitations ne fonctionnaient pas. S'est-il demandé pourquoi ? Si elles ne fonctionnent pas, c'est à cause du numerus clausus que vous avez défendu, et que notre majorité a supprimé.
Votre collègue Jérémie Patrier-Leitus a rappelé la promesse du Président de la République !
Il n'y a toujours pas de places ! Les jeunes qui veulent faire médecins sont recalés !
Nous devons également favoriser l'exercice pluriprofessionnel territorial, qui passe par des consultations avancées, des maisons de santé pluriprofessionnelles ou encore des équipes de soins. C'est ce que nous demandent les professionnels sur le terrain, et la proposition de loi y répond.
À cela doivent s'ajouter du gain de temps médical et soignant, et un partage des compétences : les assistants médicaux permettent ainsi de prendre en charge 10 % de patients supplémentaires, sans compter les IPA et les infirmières Asalée. Quant aux plateformes de rendez-vous, elles permettent de réduire de moitié les rendez-vous non honorés, et d'augmenter de 13 % le nombre de patients reçus par les médecins.
Ces systèmes ont été mis en œuvre à Craon, dans votre département, messieurs Garot et Favennec-Bécot, et ils fonctionnent très bien. Ils n'ont pas encore été déployés dans le reste du département, mais puisque nous en sommes à échanger des praticiens entre les territoires, êtes-vous prêts à ce que des médecins de Laval partent dans le nord du département ?
Une autre solution efficace réside dans l'élargissement des troupes : nous devons préserver le peu de troupes dont nous disposons, et tout faire pour les étoffer. Cela passe par le maintien de l'activité des médecins jeunes retraités – nous avons d'ailleurs pris la décision d'autoriser le cumul emploi-retraite. Nous avons besoin que les médecins restent en activité. Nous ne pouvons pas les laisser déposer leur plaque et prendre leur retraite en leur envoyant un message négatif, comme le font vos amendements. Citons aussi la quatrième année pour les étudiants en médecine générale : ces jeunes seront 3 600 à arriver dans les territoires en 2026. Je mentionnerai pour finir les stages précoces dans les zones concernées par les Cordées de la réussite.
Ce qui fonctionne, c'est de travailler avec les professionnels de santé pour améliorer le système, et non de travailler contre ces professionnels. L'ascension de la face nord que représente la refondation du système de santé ne se fera pas sans eux. Je sais que vous en êtes conscients, comme je sais que vous avez des doutes sur l'efficacité du dispositif que vous proposez.
Nous n'avons aucun doute sur le fait que ce que vous proposez ne marche pas !
Pour ma part, je n'ai aucun doute sur son effet négatif.
C'était une promesse du candidat Macron ! Vous avez menti aux Français !
Puisque vous vous réclamez – à juste titre – d'une démarche transpartisane, permettez-moi de préciser que l'opposition à vos amendements est également transpartisane. Mon avis est donc défavorable sur l'ensemble de ces amendements, qui auraient pour effet de détruire notre système de santé.
J'ai plusieurs demandes de prises de parole : j'en accorderai une par groupe.
Exclamations sur divers bancs.
Je suis opposée à ces amendements, et je partage les arguments développés par M. le rapporteur et M. le ministre. Si j'avais la plus infime conviction que les dispositifs que vous proposez puissent fonctionner, croyez bien que je serais la première à les voter.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je l'affirme d'autant plus aisément que je ne suis pas médecin – on ne me taxera donc pas de corporatisme –, et que je vis dans un désert médical, le Val-d'Oise, département de la banlieue parisienne qui souffre terriblement d'un manque de médecins.
Pour me forger une opinion, j'ai écouté les arguments des uns et des autres, j'ai confronté les points de vue, je me suis documentée et j'en ai déduit que la solution vous proposez n'est pas la bonne.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Est-il pertinent de faire peser le choix de mauvaises politiques publiques du passé sur les médecins ? Cela n'a rien d'évident.
Mêmes mouvements. – M. Yannick Neuder applaudit également.
Si nous devions le faire, nous devrions être certains que cela produira des résultats ; or ce n'est pas le cas. Un médecin de moins en centre-ville ou dans les zones surdotées – mot qui ne veut rien dire –, cela ne signifie pas qu'il y aura un médecin de plus à la campagne. En revanche, cela entraînera probablement un déconventionnement supplémentaire.
Vous prenez donc un risque énorme, chers collègues. Vous allez priver des millions de Français de soins remboursés, et vous allez aggraver une médecine à deux vitesses.
M. Vincent Thiébaut applaudit.
Parce que vous ne croyez pas que la médecine tourne déjà à deux vitesses ?
Vous allez affaiblir une profession dont nous avons le plus grand besoin. Attention à ces effets indésirables !
Convaincue que votre proposition n'est pas efficace, je préfère que nous travaillions à d'autres solutions. Nous avons voté des réformes, mais elles prennent du temps – nous n'y pouvons rien. Attachons-nous à dégager du temps médical pour les médecins, car le nombre de médecins n'est pas tout : il faut aussi élargir les créneaux durant lesquels ils reçoivent des patients. Travaillons avec les médecins pour trouver de nouvelles pistes ! Pour finir, je tiens à dire tout le respect que nous avons pour les médecins, dont nous connaissons les difficultés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires partagent un même constat : non seulement nous manquons de présence médicale, mais encore les professionnels de santé sont mal répartis sur le territoire. Une réponse a été apportée au premier de ces problèmes : nous sommes passés du numerus clausus au numerus apertus. En revanche, le choix d'installation des médecins reste exclusivement guidé par l'attractivité des territoires. Malgré tous les efforts d'accompagnement des collectivités, les inégalités territoriales se creusent. Les chiffres sont éloquents : entre 2010 et 2023, le nombre de médecins par habitant a augmenté de 27 % dans les Hautes-Alpes, tandis qu'il a chuté de 15,7 % dans la Creuse.
Il faut incontestablement des solutions nouvelles : c'est l'objet de ces amendements, qui visent à instaurer une régulation. Rassurons avant tout les soignants : il n'y a pas péril en la demeure ; nous leur demandons simplement d'arrêter de s'installer là où les médecins sont trop nombreux. Ce n'est en rien scandaleux, d'autant qu'ils seront accueillis à bras ouverts dans les 87 % restants du territoire. Ce n'est finalement qu'une question de bon sens et de solidarité territoriale. Loin de nous toute intention d'être coercitifs.
Vos arguments me laissent perplexe, monsieur le ministre. Vous estimez que les médecins seront prêts à tout pour échapper à cette régulation : ils seraient prêts à ne plus s'installer, à quitter leur profession et à abandonner 6 millions de Français en grande détresse – ce, malgré leur vocation, leurs études longues et leur allégeance au serment d'Hippocrate. Vous affirmez même qu'ils seraient prêts à quitter la France.
Pour ma part, je n'y crois pas. L'idée que vous vous faites de la profession est malsaine et regrettable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je vous invite à rester, comme moi, confiant dans l'avenir de la France. Soyez-en convaincu : il n'y aura pas de société apaisée, bienveillante et protectrice sans les vocations et les solidarités territoriales et humaines.
Les demandes de rappel au règlement ont fleuri quand j'ai annoncé que je limiterais les dons de parole à un avis pour et un avis contre : j'ai donc compris que nous n'irions pas plus vite, et j'ai décidé d'accorder une intervention à chaque groupe.
Par ailleurs, chers collègues, cette séance devait être présidée par Mme Moutchou, mais je l'ai remplacée pour la dépanner. Elle va donc prendre la suite. N'imaginez pas que je fuis face au combat !
Monsieur Houssin, vous avez la parole.
Je commencerai par une précision de forme : il n'y a pas de groupe transpartisan en ce qui concerne les déserts médicaux, puisque les quatre-vingt-huit députés du Rassemblement national ont leur position propre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Si nous comparions la carte des déserts médicaux avec celle des votes pour le Rassemblement national, nous constaterions que les députés de notre groupe ont souvent été choisis par les habitants des déserts médicaux pour les représenter.
Sur le fond, vos amendements opposent les groupes et les territoires, tout comme ils opposent les médecins et leurs patients. Vos motivations sont partisanes et électoralistes : vous voulez faire croire aux habitants des déserts médicaux que vous résoudrez leurs problèmes d'un coup de baguette magique. En réalité, il n'y a pas de zones surdotées à vider au profit de zones sous-dotées. Votre remède est pire que le mal – je le dis d'autant plus facilement que je suis élu d'un département qui est particulièrement touché par les déserts médicaux, l'Eure. J'ai d'ailleurs été partisan de votre solution de facilité, avant de la confronter à la réalité et de constater qu'elle aurait plus d'effets pervers que bénéfiques.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Vous allez détourner des jeunes médecins de la médecine de ville, alors que nous en avons fondamentalement besoin. Vous allez favoriser le déconventionnement et une médecine à deux vitesses au profit des plus riches.
Le problème est certes que nous manquons de médecins dans les déserts médicaux, mais surtout que nous manquons de médecins tout court, à cause de la politique que vous avez menée pendant des décennies.
Mêmes mouvements.
Il est urgent de moduler les tarifs de la consultation à la hausse dans les déserts médicaux, sans surcoût pour le patient, pour attirer des praticiens sans dégoûter les autres. Il est urgent de former davantage de médecins, car le numerus apertus reste largement insuffisant. Il est urgent d'orienter les jeunes originaires des déserts médicaux vers la médecine, pour qu'ils exercent dans ces territoires. Il est urgent de décharger les médecins de tâches et de certificats médicaux non prioritaires. En conclusion, on ne peut pas contraindre les médecins quand on n'a plus de médecins. Quand on n'a plus de médecins, on en forme, on en attire et on leur donne la priorité.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.
À dix-huit heures, Mme Naïma Moutchou remplace Mme Caroline Fiat au fauteuil de la présidence.
Pour le groupe Démocrate, deux orateurs souhaitent s'exprimer, M. Vigier et M. Isaac-Sibille. Qui a demandé la parole en premier ?
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je ne reviendrai pas sur la décision de Mme Fiat, qui a choisi de donner la parole à un orateur par groupe.
Mme la présidente vérifie dans quel ordre les députés se sont signalés.
Chacun l'a bien compris, nous nous apprêtons à prendre une décision particulièrement importante. Il n'y aura pas de gagnants ni de perdants. Faisons preuve d'humilité collective ! Depuis quarante ans, nous avons volé d'échec en échec.
M. Emeric Salmon et Mme Marine Hamelet applaudissent.
Un ancien président de la République s'exprimait en ces termes : « Contre le chômage, on a tout essayé. » Avons-nous tout essayé pour améliorer l'accès aux soins ? Non.
Monsieur, le ministre, vous savez bien que notre proposition est loin de constituer une révolution culturelle. Quant à M. le rapporteur, il sait bien lui-même que la question de la régulation se pose.
En effet, le texte initial qu'il avait déposé faisait référence à la régulation. Thomas Mesnier, qui ne siège plus parmi nous, ancien rapporteur général de la commission des affaires sociales et médecin urgentiste, avait également déposé un texte en ce sens, ayant compris qu'il faudrait tôt ou tard franchir le pas.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.
Le Président de la République lui-même a évoqué la piste de la régulation. Monsieur le ministre, nul ne peut nier qu'il est parfois nécessaire d'emprunter des voies inexplorées. Osons donc ensemble en faire l'essai !
M. Michel Lauzzana s'exclame.
Quant aux députés du groupe Rassemblement national, à qui je rappelle que le manque de médecins concerne l'ensemble des circonscriptions rurales, ils ont une nouvelle fois donné la preuve qu'ils choisissent systématiquement le renoncement national, jamais le courage !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Ils s'opposent à nos amendements, alors qu'ils n'ont eux-mêmes aucune proposition.
Quelle que soit son opinion – et je respecte les avis contraires au mien –, chacun doit peser sa décision. Sachez que j'ai déposé une proposition de loi visant à réguler l'installation des médecins à l'époque du président Sarkozy ; j'ai été battu. Je l'ai déposée de nouveau à l'époque du président Hollande, puis lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, et j'ai été battu par deux fois.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Jérémie Patrier-Leitus applaudit également.
Je développerai mon argumentaire en quatre points et sans aucun corporatisme – car je vous assure que je voterais cette mesure si je l'estimais bénéfique. Je pense que le remède est pire que le mal.
Premièrement, toutes les circonscriptions manquent de médecins, comme l'ont rappelé plusieurs orateurs. Nous ne saurions contraindre les médecins alors que leur nombre est réduit.
Deuxièmement, nous ne saurions les rendre responsables de trente ans d'errances en matière de politique sanitaire. Rendez-vous compte : on tient aujourd'hui responsables les médecins qu'on applaudissait hier, pendant la pandémie de covid-19.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Troisièmement, je ne suis pas d'accord avec Philippe Vigier, car j'estime qu'adopter cette mesure nous ferait courir un risque important. De nombreux médecins se déconventionneront, ce qui engendrera une médecine à deux vitesses : les praticiens s'installeront toujours où ils voudront, mais les patients ne seront plus remboursés.
Il n'y a aucune raison que cela se passe ainsi, puisque cette mesure ne changerait rien pour les médecins déjà installés !
Quel député assumera son vote lorsqu'il recevra dans sa permanence des patients qui ne peuvent plus se rendre chez le médecin car leurs frais médicaux ne sont plus pris en charge ?
Mme Marie-Christine Dalloz et M. Ian Boucard applaudissent.
Dernièrement, nous devons être force de proposition. C'est ce que fait le groupe Les Républicains, qui défend depuis un an la suppression du numerus apertus au profit d'un système qui adapterait le nombre de places ouvertes en formation aux besoins des territoires, avec la validation des élus locaux.
Il faut accroître le nombre de médecins de formation, et donc celui de places dans les universités. Il faut développer les stages en clinique et en cabinet. Nous pouvons instaurer ensemble ces mesures. Nous pouvons également ménager des passerelles pour les personnels paramédicaux : ayant déjà suivi cinq ou six ans d'études, ils pourraient ainsi, moyennant une formation accélérée de trois ans, accéder à la profession de médecin. Telles sont les mesures qui s'imposent !
Je regrette que Cyrille Isaac-Sibille n'ait pas pu s'exprimer. Il faisait remarquer très justement que 10 000 postes de médecin hospitalier sont à pourvoir.
À cela s'ajoute la fuite des médecins vers l'étranger et le changement de leur rapport au travail – je pense à la féminisation des professions et au rapport à la parentalité. Attention, chers collègues : ne tuons pas la médecine libérale !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe Dem.
Cela fait vingt ans qu'on entend certains arguments ; entre-temps, la situation sur le terrain s'est dégradée au point de constituer une urgence de santé publique. .
M. Gérard Leseul applaudit
Le témoignage qui suit met en relief une évolution notable : « Je suis en fin de carrière. J'accompagne actuellement un projet de maison de santé pluriprofessionnelle pour transmettre ma patientèle. Je suis maître de stage depuis plus de quinze ans. Quand je lis les propositions qui partent du principe que des incitations régleront le problème des déserts médicaux, je dis que c'est méconnaître complètement la situation. Ma proposition, c'est de réguler la démographie médicale. » Le changement notable que j'évoquais réside dans le fait qu'une partie du corps médical lui-même, exerçant sur le terrain dans divers territoires, est désormais demandeuse d'une régulation.
Dans le contexte politique actuel, il n'est pas anodin que des députés aussi différents que les collègues signataires de ces amendements travaillent ensemble depuis le mois de juillet 2022,…
…procédant chaque semaine à des auditions ou à des visites des divers déserts médicaux du pays. Cela s'explique par l'urgence du problème et par la demande pressante des citoyens.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
J'appelle chacun à voter de manière à dépasser tous les clivages et à démontrer que la politique peut servir à régler les problèmes des gens.
Mêmes mouvements. – MM. Erwan Balanant, Yannick Favennec-Bécot et Jérémie Patrier-Leitus applaudissent également.
Monsieur le rapporteur, vous nous expliquez que cela ne va pas, mais qu'il ne faut rien changer. Je vous en prie, ne dites pas cela, pas vous !
Il est indispensable de réformer le système : cela fait vingt ans que nous échouons à régler le problème.
Monsieur le ministre, vous nous accusez de stigmatiser les professionnels de santé. Dois-je vous rappeler que c'est vous qui êtes fâchés avec les médecins et reconnaissez si mal leur engagement que les six syndicats de médecins libéraux ont refusé de signer la convention médicale proposée par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) ? Cessez donc de nous promettre l'apocalypse. Soyons sérieux. Monsieur le ministre, la recherche d'une régulation légère fait consensus parmi nos concitoyens. Elle réunit même tout le peuple : il suffit de voir les centaines de personnes qui poussent la porte de nos permanences, angoissées par l'absence de médecin traitant ou l'impossibilité d'obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue ou chez un dentiste. Cette situation, qui concerne chacune de nos circonscriptions, est si intenable que l'opportunité d'organiser la présence médicale est désormais actée par la population. Elle pourrait bientôt l'être également par notre assemblée.
Nous nous apprêtons à prendre une décision déterminante. Bien des tentatives ont été engagées, notamment par les élus locaux, pour contrer l'ineptie du numerus clausus : création de maisons de santé pluriprofessionnelles, création de centres de santé, mesures incitatives, etc. Nous n'avons pas attendu l'instauration de réformes nationales pour agir : à Vierzon, dans ma circonscription, à Châteaudun, dans celle de M. Vigier, ou encore à Laval, dans celle de M. Garot, nous avons créé de telles structures pour tenter de juguler les difficultés liées à l'absence de médecins. Néanmoins, l'heure est venue d'envoyer un signe en adoptant cette mesure de régulation qui, associée à d'autres solutions comme la démocratisation des études médicales ou encore l'intégration des praticiens ayant obtenu leur diplôme hors de l'Union européenne, permettra enfin de redonner de l'espoir à nos concitoyens. Dans la droite ligne des travaux du groupe transpartisan, faisons ensemble œuvre utile !
Applaudissements sur les bancs de plusieurs groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Monsieur le ministre, votre discours catastrophiste ne convainc personne.
J'en donnerai plusieurs raisons simples.
Premièrement, la régulation a fait ses preuves à l'étranger.
Elle fonctionne à condition d'être combinée avec des mesures incitatives, d'ailleurs présentes dans le texte et que nous soutenons. Nous proposons d'allier régulation et incitation. Nos amendements auront pour effet de donner leur pleine efficacité aux politiques incitatives que vous proposez par ailleurs ; il est indispensable de garder cela à l'esprit.
Deuxièmement, la date à laquelle serait mise en œuvre la régulation fait débat. Comme vous le savez, les membres du groupe de travail transpartisan ont effectué pendant plusieurs mois un tour de France des déserts médicaux. Partout nous avons perçu la même attente, entendu le même cri de détresse : nos concitoyens nous supplient d'agir. C'est maintenant qu'il faut intervenir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
La mesure de régulation équilibrée et nuancée que nous proposons aura pour premier effet d'interrompre l'aggravation des inégalités, qui semble inexorable depuis une quinzaine d'années.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT.
Chers collègues, nous savons bien que cette mesure se heurte à des résistances, voire à des conservatismes. Néanmoins, nous devons écouter d'abord les Français, les patients sans médecin, ceux qui ont perdu espoir. Nous devons leur permettre de croire de nouveau à l'efficacité de l'action publique. C'est pourquoi je vous appelle à voter ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Fabrice Brun applaudit également.
Je m'adresse aux députés qui hésitent. Mesurez le caractère exceptionnel de ces amendements identiques signés par 90 % des groupes de l'Assemblée nationale. Les voter redonnerait ses lettres de noblesse à notre assemblée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En outre, ces amendements identiques ne sont pas dirigés contre les médecins, au contraire : ils visent à les remercier – il ne faut pas s'y tromper. Actuellement, des médecins qui exercent seuls dans les déserts médicaux se sentent isolés et auraient bien besoin de collègues. Ces amendements tendent à leur apporter des renforts.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Il faut dédramatiser : si la démarche est exceptionnelle, la mesure en elle-même l'est moins. Vous reconnaissez que 87 % de la France est un désert médical. Soit, nous permettons aux médecins de s'installer dans presque 90 % du pays, mais nous voulons empêcher que les inégalités s'aggravent en évitant qu'ils s'installent dans les 10 % restants. Voilà en quoi consiste cette mesure.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ensuite, comme l'a dit le député du groupe Renaissance Christophe Marion, la régulation était une promesse d'Emmanuel Macron lors de sa campagne en 2022.
« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
En 2021, une cinquantaine de députés de La République en marche signaient une lettre adressée au ministre de la santé d'alors, Olivier Véran, en lui écrivant : « [L]'urgence est de pouvoir soigner les habitants de nos territoires non pas demain mais dès aujourd'hui. » C'est pourquoi nous vous proposons d'accepter une relative contrainte dans l'installation des généralistes sur le territoire.
Ces amendements ne contiennent donc rien d'exceptionnel. Nous ne faisons que reprendre des mesures que certains d'entre vous ont défendues au sein de l'Assemblée.
Monsieur le ministre, vous avez cité la Drees, qui dépend de votre ministère, et qui aurait établi que les mesures de régulation ne fonctionnent pas. Je la citerai à mon tour : « Les exemples internationaux vont globalement dans le sens d'un impact positif d'une politique de régulation des installations sur l'équité de la distribution géographique. » Votre ministère soutient le contraire de ce que vous dites, monsieur le ministre. Je ne cherche pas par là à vous mettre en défaut, mais à convaincre les députés qui craignent que, si ces amendements étaient adoptés, ils aggraveraient la situation qui deviendrait catastrophique. Ce n'est pas vrai. Nous avons aujourd'hui une petite chance de ne pas renforcer les inégalités dans le pays.
Enfin, on peut s'étonner – mais peut-être n'est-ce pas si étonnant que cela – que le seul groupe qui veut voter contre ces amendements, contre les zones rurales, soit le Rassemblement national.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nous sommes tous parlementaires, élus de nos territoires, et convaincus que l'urgence, la priorité numéro un pour les Français, c'est la question de la santé. S'il y avait une formule magique, elle aurait été non seulement proposée mais déjà votée à l'unanimité dans cet hémicycle. La proposition qui nous est faite à travers ces amendements identiques n'est pas une proposition magique. Elle risque au contraire d'aggraver la situation ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE
pour une raison simple. En dix ans, sur 45 000 médecins diplômés, seuls 5 000 se sont installés en libéral. Si vous essayez de les contraindre davantage, ils s'installeront moins.
« Oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Ce sera l'effet immédiat de telles dispositions.
Ensuite, vous voulez dire à des personnes qui ont fait dix ans d'études et à leurs familles qu'elles n'ont plus la liberté de choisir le territoire où s'installer.
Exclamations vives et prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela enfreint des principes et des valeurs auxquels nous sommes attachés, à commencer évidemment par la liberté.
Enfin, mes chers collègues, pour défendre cet argument, vous avez été nombreux à parler de zones surdenses, surdotées.
Vous savez que la Seine-Saint-Denis est le département le plus carencé. Je vous poserai une seule question : y a-t-il ici un parlementaire qui peut lever la main et dire : « J'ai trop de médecins généralistes dans mon département, enlevez-moi des médecins » ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes RN, Dem et HOR.
À la fin, c'est ce qui se produira. C'est un jeu à somme nulle. On diplômera des médecins, puis on les retirera de certains territoires parce qu'on espère qu'ils s'installeront dans d'autres, mais ils ne le feront pas. Ceux qui voteront pour ces amendements identiques iront expliquer dans leurs territoires pourquoi il y a moins de médecins.
Mêmes mouvements.
Le sous-amendement n° 1178 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 304
Nombre de suffrages exprimés 295
Majorité absolue 148
Pour l'adoption 127
Contre 168
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Laurent Jacobelli applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 270
Nombre de suffrages exprimés 266
Majorité absolue 134
Pour l'adoption 103
Contre 163
L'amendement n° 1083 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 286
Nombre de suffrages exprimés 280
Majorité absolue 141
Pour l'adoption 53
Contre 227
L'amendement n° 167 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 267
Nombre de suffrages exprimés 259
Majorité absolue 130
Pour l'adoption 43
Contre 216
L'amendement n° 75 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 248
Majorité absolue 125
Pour l'adoption 35
Contre 213
L'amendement n° 968 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 239
Nombre de suffrages exprimés 232
Majorité absolue 117
Pour l'adoption 24
Contre 208
L'amendement n° 967 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 794 .
Il vise à encadrer la durée des remplacements afin d'encourager l'implantation des médecins dans nos territoires, même les plus reculés, en obligeant les médecins à s'installer dans les cinq ans après l'obtention de leur diplôme. En effet, de nombreux médecins généralistes installés, qui ont de grandes difficultés à trouver un successeur lorsqu'ils partent à la retraite, s'interrogent en constatant que de nombreux médecins privilégient l'exercice de leur métier en tant que remplaçant, parfois pendant plus de dix ans.
Qu'on ne se méprenne pas, je suis fondamentalement opposée à l'usage de la coercition pour l'installation des médecins car, pour moi, la liberté d'installation est fondamentale. Je suis aussi consciente des avantages que représentent les remplacements, notamment pour la formation des jeunes médecins. Mais je pense aussi que nous avons besoin de tous et que chacun doit jouer le jeu. Accorder cinq ans aux jeunes diplômés pour choisir le lieu où ils souhaitent s'implanter ne me semble ni trop peu ni pas assez. C'est une position assez équilibrée.
L'avis de la commission est défavorable car l'amendement procède de la même approche que les amendements précédents, dont nous avons longuement débattu.
M. Sansu m'a interpellé en prétendant que, lorsque j'ai plaidé pour qu'on écoute les jeunes, je n'avais fait que recommander de ne rien faire, alors que tout va mal. Ce n'est pas du tout le sens de la proposition de loi que je défends et dont nous débattons depuis trois jours, au contraire. Nous nous efforçons de garantir la permanence des soins, nous luttons contre l'intérim et pour le décloisonnement de notre système de santé. Nous essayons de faire bouger ces lignes, alors que c'est difficile. Nous ne préconisons pas le laisser-faire. C'est assez, sans aller jusqu'à la régulation de l'installation.
Je reviens brièvement sur ce qui vient de se passer. Le débat a eu lieu, il s'est tenu de façon sereine. Chacun a pu exprimer son point de vue et ses convictions. La démocratie parlementaire a gagné.
L'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 794 est défavorable, pour les mêmes raisons que celles qu'a évoquées le rapporteur.
Je m'inscris en faux par rapport à ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur : l'amendement n° 794 ne relève pas de la même philosophie que les amendements précédents. La preuve en est que j'ai voté contre ces derniers, car je suis favorable à la liberté d'installation et que je me refuse absolument à imposer aux médecins l'endroit où ils devront s'installer et exercer leur métier.
Simplement, je pense que vous serez d'accord avec moi pour reconnaître que les remplacements font l'objet d'abus. On connaît tous des médecins volants qui viennent remplacer d'autres médecins pendant leurs vacances, par exemple, et qui abusent quelque peu du système. Ça arrive. Le reconnaître ne revient pas à jeter l'opprobre sur l'intégralité de la profession. En général, les médecins remplaçants sont très bien payés. Instaurer une durée limite de cinq ans permettrait aux jeunes diplômés de choisir en toute connaissance de cause le lieu où ils ont envie d'exercer la médecine. Cela ne me semble pas relever de la coercition, ni d'une régulation extraordinaire. Il s'agit simplement de demander à tous de jouer le jeu, ce qui est bien différent.
Je prends la parole pour abonder dans le sens de Mme Ménard. Effectivement, certains médecins adoptent une technique particulière : être remplaçants à vie, si l'on peut dire. C'est pratique : on ne fait pas la paperasserie, mais seulement l'acte médical. Les honoraires fixés par les contrats de remplacement sont quelquefois exorbitants et le médecin qui se fait remplacer se trouve parfois en déficit. Sans leur jeter la pierre, je pense qu'il faut limiter cette pratique. La plupart des médecins que j'ai reçus en stage au cabinet médical envisageaient leur installation dans les trois ans ou trois ans et demi – quand toutefois ils voulaient s'installer.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 126
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 36
Contre 86
L'amendement n° 794 n'est pas adopté.
Sur le sous-amendement n° 1161 , je suis saisie par le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je vous rappelle que tous les amendements portant article additionnel après l'article 2 feront également l'objet de scrutins publics.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l'amendement n° 71 .
Pour vous être agréable, je défendrai également l'amendement n° 72 .
Le n° 71 vise à instaurer le conventionnement sélectif dont le ministre ne veut pas. L'amendement n° 72 tend à instaurer l'obligation pour les médecins, à l'issue de leur formation, de s'installer en zone sous-tendue pendant trois ans. Il s'agissait de compléter les amendements de régulation qui ont été rejetés.
Monsieur le ministre, je suis naturellement déçu que les amendements de régulation n'aient pas été adoptés. Il va falloir autre chose que cette proposition de loi pour permettre à tous les Français, sur l'ensemble du territoire, d'accéder aux soins dans les meilleurs délais.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Par souci de cohérence avec les positions que j'exprime depuis lundi, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 71 , comme je le ferai sur l'amendement n° 72 .
Le ministre a souligné que nous avons eu un débat serein et démocratique, dans lequel chacun a pu défendre ses amendements et s'exprimer à travers le vote. Il me semble qu'il y avait un consensus pour reconnaître l'injustice que constitue l'inégal accès aux soins sur le territoire, constaté par chacun de ceux qui ont pris la parole et illustré par de nombreux rapports au fil des années. Reste à savoir comment lutter contre ce phénomène. L'outil de la régulation coercitive, dirons-nous, n'a pas été validé. Il y a sans doute d'autres voies. Il faut peut-être attendre de la profession, à travers ses représentants syndicaux, qu'elle fasse preuve de maturité et nous présente des propositions pour sortir de cette difficulté.
Monsieur le rapporteur, vous n'avez pas répondu à ma question. Je sais qu'à vos yeux, la régulation n'est qu'un instrument parmi d'autres, et vous avez d'ailleurs finalement décidé de ne pas y faire référence dans votre texte – vous ne pouvez pas le nier. Sachant que nous avons déjà expérimenté sans succès bien des mesures incitatives – là encore, vous ne pouvez pas dire le contraire –, nous verrons bien ce qui ressortira de votre décision.
Comme je l'ai dit dans mon intervention précédente, il n'y a eu ni gagnant, ni perdant sur ce vote. Mais je voudrais que tous ceux qui ont voté contre l'amendement transpartisan me disent comment nous allons expliquer aux internes en médecine générale qu'à la différence des jeunes diplômés, ils seront, eux, contraints d'aller exercer dans les zones sous-dotées en quatrième année – fussent-ils payés plus cher pour cela.
« Eh oui ! » et sourires sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette mesure ne sera peut-être plus perçue de la même façon. Je soutiens donc les amendements de Thierry Benoit, qui n'enlèvent rien aux zones surdotées. Contrairement à ce que vous avez dit, madame Bergé, il en existe encore bel et bien – c'est, par exemple, le cas de Biarritz et Nice –, et je peux d'ailleurs vous en faire la démonstration, comme je l'ai fait lors de plusieurs réunions publiques sur l'accès aux soins auxquelles j'ai participé.
On entend souvent parler du surmenage des médecins, de leurs difficultés à répondre à la demande de soins. La loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé prévoyait un accès direct aux IPA, mais à la suite de son passage en commission mixte paritaire, l'expérimentation a été limitée à seulement six départements. Certes, la profession d'infirmier a pâti d'une crise de la vocation, mais si le nombre d'IPA est insuffisant, c'est également en raison de leur trop faible rémunération.
Nous avons mené un grand travail de construction avec le rapporteur mais, je le dis très calmement et très librement, nous avons, cet après-midi, manqué un rendez-vous. Les amendements transpartisans qui ont été rejetés n'étaient pas des amendements de coercition. Dois-je rappeler qu'à l'instar des élèves de Polytechnique ou de l'École nationale d'administration (ENA), les internes ne choisissent leur spécialité et lieu d'affectation qu'en fonction de leur classement au concours de l'internat ? Comme tout métier, celui de médecin n'est pas sans contrainte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Mon collègue Erwan Balanant n'est plus là, mais il aurait pu témoigner de la mobilité imposée aux agrégés en début de carrière. Les amendements n'imposaient une régulation qu'à la marge.
M. Sylvain Maillard s'exclame.
Dans la vie, monsieur Maillard, il faut parfois envoyer des signes : je ne vous en veux pas d'avoir refusé de le faire, mais permettez-moi tout de même de le souligner.
M. Stéphane Lenormand applaudit.
Comme Philippe Vigier, je soutiens les amendements de notre collègue Thierry Benoit, et je pense moi aussi que nous avons raté l'occasion d'envoyer un signal politique fort. Si je suis d'accord avec le rapporteur sur le fait que la régulation n'est pas la solution miracle qui résoudra tout, c'était une manière d'envoyer un signal politique aux 6 millions de Français qui vivent dans des déserts médicaux et n'ont pas de médecin traitant – c'est aussi cela, la politique.
M. Gérard Leseul applaudit.
Quant aux députés du Rassemblement national, qui se gargarisent d'être les députés du peuple, de la France rurale, de la France oubliée et déconsidérée, mais qui ont voté contre la régulation de l'installation des médecins ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe RN
je tiens à leur dire que c'est bien la preuve qu'ils ne sont pas députés du Rassemblement national, mais du Renoncement national.
Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.
Quand vous rentrerez dans vos circonscriptions, il vous faudra bien du courage, chers collègues, pour expliquer aux habitants de vos campagnes que vous avez préféré soutenir le statu quo et protéger les médecins au nom d'une stratégie électorale des plus cyniques.
Mêmes mouvements.
Je veux répondre d'un mot à Philippe Vigier, afin d'éviter qu'il me pose une troisième fois sa question. Comme je l'ai expliqué précédemment, je ne considère pas la régulation comme un gros mot, mais cet instrument n'est intéressant que dès lors qu'il y a des effectifs à réguler et que leur distribution permettrait de revivifier les territoires en matière médicale. Or nous manquons tellement de soignants actuellement – j'ai donné des chiffres tout à l'heure – que tout le territoire n'est plus qu'un grand désert médical.
M. Gérard Leseul s'exclame.
À compter de 2030, lorsque les effectifs de médecins généralistes et spécialistes seront plus nombreux, il sera pertinent de réguler l'installation des médecins – et j'y serai favorable – afin d'éviter les effets de concentration dans certaines parties du territoire que l'on a pu connaître par le passé.
Ma décision relève non pas du dogmatisme ou de principes, mais bien d'une recherche de l'efficacité. Peut-être aurait-il fallu réguler l'installation des médecins il y a dix ou quinze ans, quand d'autres étaient au pouvoir…
…et que les effectifs le permettaient : prendre une telle mesure aujourd'hui serait inefficace et n'aurait aucun intérêt. Répartir des effectifs dérisoires ne rendra aucun territoire riche en médecins.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR. – M. Gérard Leseul s'exclame.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 105
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 16
Contre 89
L'amendement n° 71 n'est pas adopté.
Je suis saisie de cinq amendements, n° 72 , 970 , 973 , 971 et 972 , pouvant être soumis à une discussion commune. L'amendement n° 973 fait l'objet d'un sous-amendement n° 1161 .
L'amendement n° 72 de M. Thierry Benoit a été défendu.
La parole est à M. Benoit Mournet, pour soutenir l'amendement n° 970 .
Je présenterai également les amendements n° 973 , 971 et 972 , madame la présidente.
Il était utile que nous puissions débattre de la régulation. L'Assemblée a préféré rejeter les amendements tendant à confier à l'ARS la régulation de l'installation des médecins, après avis du conseil de l'Ordre des médecins : dont acte.
Les amendements que je défends sont de repli. Alors que nous allons adopter une palette de mesures visant les jeunes diplômés, je tiens avant tout à avoir un mot pour les internes qui font tourner nos hôpitaux : nous leur devons beaucoup. Ils connaissent parfois des situations difficiles, car certains services ne disposent que de peu de médecins seniors pour les encadrer. La formation est donc un sujet important, et j'espère que, dans les mois et années à venir, les internes pourront davantage être formés dans les établissements privés et les cabinets en ville. Élargir les terrains de stage permettra en outre de former davantage de médecins et donc de concrétiser les promesses faites lors de la suppression du numerus clausus.
Les amendements n° 970 , 971 et 972 tendent à réguler l'installation des médecins spécialistes – hors spécialité de médecine générale –, dont la répartition dans le territoire connaît la plus forte disparité, en leur imposant respectivement de s'installer dans une zone sous-dotée pour une durée de trois ans, deux ans ou un an après l'obtention de leur diplôme. L'amendement n° 973 prévoit, pour sa part, une clause du grand-père, pour respecter le pacte social et moral entre les générations, en précisant que cette obligation ne s'appliquera qu'à compter du 1er janvier 2033.
Je voudrais apporter ma pierre au débat. Tout à l'heure, M. le ministre, pour lequel j'ai un profond respect, a dit que tout allait très bien à Craon. Or j'habite à 15 kilomètres de là et, toute députée que je suis, j'ai dû appeler dix généralistes avant d'obtenir enfin un rendez-vous – et encore, la dixième généraliste m'a bien précisé qu'elle me donnait un rendez-vous parce qu'elle y était obligée, vu que j'habitais à côté. Lorsqu'on habite à 15 kilomètres de Craon, il faut dix mois pour obtenir un rendez-vous chez un dentiste ou un ophtalmologiste – et je ne parle pas du suivi gynécologique en Mayenne : moi-même n'ai pu en bénéficier pendant des années.
Il faut trouver une solution pour mieux répartir les médecins : j'ai bien entendu vos arguments, monsieur le rapporteur, mais quand on manque de moyens, les répartir relève du bon sens. J'ai déposé une proposition de loi visant à garantir une offre de soins dans les zones sous-dotées en médecine générale et spécialisée, qui prévoyait d'instaurer une année obligatoire d'exercice en zone sous-dotée pour tous les nouveaux diplômés en médecine.
Monsieur le ministre, vous proposez de rallonger d'une année la durée des études des médecins généralistes, la portant à dix ans. Mais, en dixième année comme en quatrième, il faudra des maîtres de stages ! Les deux psychiatres que j'ai rencontrés à Château-Gontier-sur-Mayenne m'ont d'ailleurs demandé comment, à 67 et 71 ans, ils allaient pouvoir accueillir des stagiaires, d'autant qu'ils ne sont que deux praticiens. Cette mesure compliquera donc encore un peu plus la tâche dans les zones sous-denses, où il n'y a naturellement pas de maîtres de stages puisqu'il n'y a pas de médecins.
Alors qu'il y a en moyenne 338 médecins pour 100 000 habitants au niveau national, il n'y en a que 191 en Mayenne. La solution que je propose est également défendue par l'Académie de médecine, qui soutient un service médical citoyen. Obliger les médecins en début d'exercice à s'installer pour une année dans une zone sous-dense – les collectivités et l'État pourraient les accompagner dans cette démarche – ne nuit pas à leur statut libéral : à l'issue de cette année, ils feront ce qu'ils veulent. J'en appelle à l'engagement des médecins : allez d'abord vous installer là où on a vraiment besoin de vous.
Ce sujet dépasse les clivages politiques, et en tant que députée de la majorité, je tiens à le dire : la détresse de nos concitoyens est réelle, écoutez-la. Tous les jours, les Mayennais nous parlent de ce sujet. Et ce n'est pas un hasard si les trois députés de la Mayenne vous alertent aujourd'hui : ce département est la troisième zone sous-dense en France – je dis zone sous-dense car on n'aime pas parler de désert médical.
Nous sommes tous d'accord sur le fait que nos territoires manquent de médecins. Et le manque est tel que les mesures d'incitation sont évidemment inefficaces. Je voudrais néanmoins vous alerter sur les amendements qui viennent d'être présentés. Les techniques utilisées en médecine spécialisée ont beaucoup évolué et la plupart des spécialistes ont aujourd'hui besoin d'adosser leur activité à une clinique ou un hôpital, établissements installés dans les zones les plus denses. Certaines nouvelles techniques nécessitent l'intervention d'un anesthésiste, par exemple, ce qui limite les zones où les spécialistes peuvent s'installer : c'est un facteur qu'il faut prendre en considération lorsqu'on souhaite les obliger à s'installer dans les territoires sous-denses.
Par ailleurs, les généralistes sont la porte d'entrée dans le monde médical et, malheureusement, de plus en plus de jeunes médecins, qui avaient choisi d'étudier la médecine générale, utilisent leur droit au remords pour faire marche arrière. J'ai reçu de nombreux témoignages en ce sens. Ne faisons donc pas croire aux Français que nous avons une solution magique, alors que celle-ci ne fera qu'aggraver la situation à court et moyen terme.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pourriez-vous argumenter davantage vos avis ? Mon amendement, qui ne concerne que les spécialistes et ne s'appliquera qu'à compter de 2033, ne semble pas très exigeant, d'autant que je suis favorable au sous-amendement de notre collègue Géraldine Bannier, qui proposait de limiter à un an la durée du service obligatoire dans une zone sous-dense.
Par ailleurs, cette proposition est cohérente avec l'obligation pour les internes en médecine générale d'effectuer leur quatrième année en zone sous-dense que vous souhaitez instaurer. Ces amendements auront aussi des effets positifs sur nos hôpitaux : dans les Hautes-Pyrénées par exemple – même si ce n'est pas le seul département dans ce cas –, il n'y a plus de neurologue à l'hôpital : les victimes d'accident vasculaire cérébral (AVC) ne peuvent donc pas y être prises en charge. Il n'y a pas non plus de dermatologue, de pédopsychiatre, de gynécologue : telle est la réalité.
Mon amendement serait donc bénéfique à la fois pour l'offre médicale publique et l'offre libérale. Et je suis prêt à parier que les jeunes qui auront officié pendant un an ou deux dans un territoire sous-dense s'y seront attachés et choisiront d'y rester.
J'ai effectivement annoncé que les étudiants en quatrième année de médecine générale devraient prioritairement effectuer leur stage de professionnalisation en zone sous-dense. Les élèves en médecine spécialisée, eux, effectuent très majoritairement leurs stages en milieu hospitalier, et trop peu en libéral. J'ai donc réuni les doyens de facultés de médecine il y a quelques semaines pour leur demander un diagnostic de la situation, dans l'optique d'imposer aux spécialistes une obligation similaire à celle de leurs confrères de médecine générale.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 118
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 18
Contre 98
L'amendement n° 72 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 115
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 8
Contre 104
L'amendement n° 970 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 4
Contre 106
Le sous-amendement n° 1161 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 107
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 5
Contre 102
L'amendement n° 973 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 4
Contre 107
L'amendement n° 971 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l'adoption 5
Contre 104
L'amendement n° 972 n'est pas adopté.
Aujourd'hui comme hier soir, monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement : hélas, vous ne m'avez pas pleinement convaincu.
Pourtant, j'appartiens à la majorité ; je revendique notre action en faveur de l'accès aux soins,…
…notre décision, qu'aucun de nos prédécesseurs n'avait osé prendre, de supprimer le numerus clausus.
M. Yannick Neuder s'exclame.
La région Centre-Val de Loire se montre à cet égard exemplaire : grâce à la création à Orléans d'une deuxième faculté de médecine – elle-même due au travail mené avec mon excellente collègue Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales –, nous sommes en passe d'y doubler le nombre des médecins formés. Nous avons adopté, précisément, les lois dites Rist du 26 avril 2021 et du 19 mai 2023 ; nous travaillons désormais à accélérer la validation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). Toutes ces mesures, sans être suffisantes, sont nécessaires et efficaces :…
…si nous continuons d'aller dans le mur, c'est en raison des politiques menées par les majorités précédentes.
« Eh oui ! Il a raison ! » sur quelques bancs du groupe RE.
Quoi qu'il en soit, nous sommes confrontés à une situation d'urgence ! Vous évoquiez hier, monsieur le ministre, l'exemple de l'Allemagne, où l'on compte 1 600 patients par médecin : dans certaines parties de la France, la situation est bien pire. Au sein de mon territoire, les professionnels de santé s'organisent sous forme de maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), de CPTS, de maîtrise de stage ; les choses évoluent donc dans le bon sens, mais, encore une fois, cela ne suffit pas. À Vailly-sur-Sauldre, dans le Pays-Fort, le Dr Thierry Danancher est mort voici deux ans : le Dr Nicoleta Chiritescu-Crisan reste seule pour soigner 3 500 patients. À Léré, dans le Val de Loire, le Dr Jean-François Barault a pris sa retraite l'an passé : le Dr Richard Popotte a 5 000 patients à sa charge !
Je vous le dis comme je le pense : nous devons respecter les médecins, qui assurent dans la douleur le suivi de nos concitoyens. J'ai voté contre la régulation, qui constituerait une forme de coercition ; en revanche, je suis favorable à ce que nous continuions de former davantage de médecins et les incitions à s'établir là où ils seront le plus utiles. Le budget de l'assurance maladie, produit de nos cotisations, ne peut servir à financer aveuglément leur installation. Nous devons moduler le conventionnement, afin que ceux qui exercent dans des territoires à forte sous-densité bénéficient d'une majoration et d'un remboursement intégral de leurs actes : tel est l'objet de ces amendements.
Mme Marie Lebec et M. Thomas Rudigoz applaudissent.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en présentation groupée ?
Monsieur le député, je partage votre objectif : moduler notre réponse en fonction des besoins des territoires. Les partenaires conventionnels peuvent déjà, sur le fondement de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, appliquer aux médecins des mesures d'adaptation, y compris incitatives, selon le niveau de l'offre régionale de soins : c'est là l'une des bases des discussions avortées dans un premier temps, mais qui ont repris, en vue d'une nouvelle convention. L'adaptation à chaque région, c'est tout l'esprit de cette proposition de loi, qui vise à donner de la marge – assortie, par l'intermédiaire du fonds d'intervention régionale (FIR), d'importants moyens – au conseil territorial de santé (CTS) afin qu'il élabore des solutions, ce qui favorisera l'organisation à l'échelle locale. Tout cela étant dit, je vous demanderai de retirer vos amendements ;…
…à défaut, l'avis sera défavorable.
…je le regrette d'ailleurs pour mon collègue Pierre Cazeneuve, qui s'apprêtait à intervenir.
Sourires.
J'ai pris note de l'engagement de M. le ministre en faveur des territoires qui connaissent une sous-densité médicale,…
…et j'espère qu'il nous soutiendra afin que nous augmentions encore le nombre de médecins formés dans la région Centre-Val de Loire, c'est-à-dire dans les facultés de Tours et d'Orléans ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE
en créant à Bourges, pour la première année d'études, un éventail complet – parcours d'accès spécifique santé (Pass) et licence accès santé (LAS) –, ce à quoi je travaille avec lui.
Mêmes mouvements.
Il s'agit d'un amendement très simple, visant à rétablir, pour chaque spécialité médicale, un indicateur territorial de l'offre de soins, dont la densité serait pondérée par des paramètres démographiques, médicaux, économiques et sociaux. Cette connaissance précise de la réalité du terrain aiderait à lutter efficacement contre les déserts médicaux.
Il vise à utiliser le conventionnement en vue de réguler l'installation des médecins, comme cela se pratique déjà pour les pharmaciens et dans d'autres professions paramédicales. Les zones insuffisamment pourvues sont si nombreuses qu'ils n'auraient que l'embarras du choix pour s'y établir ! Il est apparu cet après-midi que l'Assemblée nationale ne souhaitait pas avancer dans cette voie : dont acte, mais je souhaiterais envoyer un signal à tous nos CTS, nos CPTS, qui œuvrent sur le terrain – je soutiens le texte de tout cœur, car il vise à les y encourager. À défaut de régulation, ils doivent pouvoir trouver des solutions au plus près : peut-être, par exemple, un médecin de Pau pourrait-il exercer deux jours par semaine à Tarbes. La profession médicale détient une grande responsabilité : c'est sur les épaules de ceux qui l'ont choisie, en particulier des spécialistes, que reposent l'équité et l'égalité en matière d'accès aux soins.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Pardonnez-moi, madame Ménard, mais votre amendement est quelque peu saugrenu : sa teneur ne correspond pas à la présentation que vous en avez faite, puisqu'il vise à introduire dans le code de la sécurité sociale une disposition relative au conventionnement. En outre, nous débattrons de cet indicateur un peu plus tard, ce qui vous permettra de vous exprimer de nouveau à ce sujet. Je vous propose donc de le retirer ; à défaut, avis défavorable.
Quant à M. Mournet, je le remercie de sa constance : il ne lâche rien de ses convictions ! Néanmoins, je lui demanderai également de retirer son amendement, à défaut de quoi l'avis de la commission sera défavorable. Comme l'a dit le ministre, les discussions reprennent au sujet de la future convention : nous pouvons toujours espérer qu'elles seront influencées par ce qui aura été dit dans cet hémicycle, la représentation nationale ayant formulé ce qu'elle attend des organisations professionnelles – mais aussi du système de santé concernant l'affirmation d'un certain nombre de politiques d'intérêt général.
L'amendement n° 969 est retiré.
Mon amendement, monsieur le rapporteur, contient certes une référence au conventionnement, mais son deuxième paragraphe renvoie bien à l'indicateur. Je ne le retire donc pas.
Je souhaiterais m'exprimer de manière apaisée : sans être un spécialiste en la matière, j'ai énormément apprécié l'heure et demie de débat qui vient de s'écouler. Très sincèrement, depuis un an que j'ai l'honneur de siéger parmi vous, c'est la discussion la plus intéressante et la plus agréable à laquelle j'aie assisté !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Cela dit, j'abonderai dans le sens de M. le rapporteur : il existe un problème de pénurie, de gestion du manque. Nous devons donc adopter une politique de l'offre, ce qui conduit à poser la question suivante : comment faire, soit pour qu'il y ait davantage de médecins, soit pour maximiser l'efficacité de ceux qui exercent déjà ? Je le dis d'autant plus librement que je m'adresse à des collègues de la majorité, pour qui j'ai beaucoup de respect :…
Vous n'en avez donc pas pour les autres ?
J'en ai pour tout le monde, cher monsieur, mais je ne parle que de ceux qui se sont exprimés.
Je ferai donc observer que les départements au sein desquels ces collègues ont été élus – les Hautes-Pyrénées pour M. Mournet, le Calvados pour M. Patrier-Leitus, l'Ille-et-Vilaine pour M. Benoit – comptent 1,5 fois plus de généralistes par habitant que les Hauts-de-Seine, où se situe ma propre circonscription. Iront-ils expliquer aux habitants de Lisieux ou de Bagnères-de-Bigorre par l'intermédiaire de leur presse quotidienne régionale qu'il convient de leur retirer des médecins afin de les envoyer à Rueil-Malmaison ? Je ne suis pas sûr qu'une telle annonce les rende très populaires, ni qu'elle corresponde à ce qu'ils souhaitent vraiment.
Non, ce n'est pas n'importe quoi, monsieur Vigier ! Nous nous livrons à un jeu à somme nulle : pour que la moitié des départements gagne des médecins, l'autre moitié en perdra.
Bien sûr ! J'ai compris qu'il ne s'agirait que de dix départements, mais le principe reste le même. C'est pourquoi je soutiens absolument la position du rapporteur, que je salue une nouvelle fois : plus de médecins, formés plus rapidement et plus disponibles pour soigner. Le reste importe moins, d'autant que je ne suis pas sûr qu'il constitue une bonne solution.
« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 3
Contre 74
L'amendement n° 797 n'est pas adopté.
Je voudrais éclaircir les choses, car certains de nos collègues n'ont manifestement pas compris la position du Rassemblement national en matière de déserts médicaux,…
…et revenir sur l'agression gratuite dont nous avons tout à l'heure fait l'objet de la part d'un membre du groupe Dem ou, peut-être, Horizons et apparentés. C'est en effet vous, cher collègue, qui n'avez pas tout à fait compris le problème de la désertification médicale ! J'ai du reste consacré à ce sujet un rapport que vous pourrez lire si vous le souhaitez. Nous nous sommes opposés, en effet, depuis le début du texte, à toute forme de coercition, parce qu'il s'agit là d'une fausse bonne idée : voulez-vous donc encore moins de médecins dans les zones rurales, où ne seront pas remplacés ceux qui prendront leur retraite ? C'est pourquoi nous soutenons l'option incitative. En revanche, monsieur le rapporteur, nous sommes favorables à l'article 2 bis, qui relève du bon sens, puisque, sans être coercitif, il vise un encadrement qui évitera les abus. Par respect tant pour le contribuable, qui finance les exonérations fiscales dont bénéficient les médecins, que pour les collectivités locales, qui donnent beaucoup d'elles-mêmes afin de les accueillir et de les accompagner, il importe d'empêcher une sorte de tourisme médical inversé – non plus celui des patients, mais celui des professionnels –, ou de « nomadisme fiscal », pour citer l'exposé sommaire de certains amendements rattachés à cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je ne comprends pas l'article 2 bis car, sous couvert d'éviter le nomadisme, il l'autorise en réalité tous les dix ans. Il offre en effet la possibilité aux médecins de changer de ZRR tous les dix ans et, à cette occasion, de bénéficier d'une exonération fiscale, ce que, je le répète, j'ai vraiment du mal à comprendre. Par ailleurs, il ne permet aux collectivités territoriales de verser des aides que tous les dix ans : un médecin ayant bénéficié d'une aide dans la collectivité qu'il quitte ne pourra pas en bénéficier dans celle où il arrive. Encore une fois, je ne comprends pas.
Je propose quant à moi un renforcement des contrôles relatifs à l'attribution de l'aide à l'installation par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), au niveau interdépartemental. Les médecins ne doivent percevoir qu'une seule fois dans leur vie une aide à l'installation ; quant aux départements, ils ne doivent pas favoriser le nomadisme médical en faisant appel à des médecins déjà installés ailleurs. Après cinq ans et cinq jours, le médecin installé dans ma commune est ainsi parti dans un département voisin, dans la même région, où il a touché une aide à l'installation de 50 000 euros. Mes deux amendements ont été rédigés différemment mais ils visent le même objectif. J'espère obtenir un avis favorable, afin que nous puissions lutter contre le nomadisme médical.
Je reconnais bien là la vigilance et la sagacité de mon collègue Luc Lamirault. Il pointe l'interprétation assez lâche du terme « installation » par certains médecins : multipliant les installations, ils perçoivent plusieurs fois les aides alors qu'ils sont en réalité déjà installés de longue date. La possibilité de percevoir plusieurs fois les aides provoque des réflexes de nomadisme médical : comme des chasseurs de primes, certains professionnels vont les chercher de territoire en territoire. Alors que les aides pouvaient jusqu'alors être perçues tous les cinq ans, que les dispositions manquaient de clarté, que certains en avaient une interprétation extensive et que le contrôle par l'État était sans doute émollient, nous aurons désormais un cadre clair, avec un délai porté à dix ans pour percevoir de nouvelles aides.
Il s'agit non pas de limiter les aides à l'installation à un seul versement au cours d'une carrière, mais de rendre ce versement possible tous les dix ans au mieux. Ce n'est pas forcément pour de mauvaises raisons et pour percevoir des aides qu'un médecin quitte un territoire pour un autre, ce peut être un projet de vie. Je vous demanderai donc, cher collègue, de retirer vos amendements au bénéfice du dispositif issu de nos travaux en commission. Je sais, pour en avoir discuté avec vous, qu'il ne vous satisfait pas, mais il présente l'avantage d'apporter la clarté qui faisait défaut. Sinon, avis défavorable. Nous avons en effet trouvé un consensus en commission, après une longue discussion, autour de l'amendement de Guillaume Garot et des amendements identiques.
Même avis que M. le rapporteur. Je propose le retrait de ces deux amendements, au profit de l'amendement n° 1017 . À défaut, avis défavorable.
Je n'ai pas du tout la même interprétation du texte que M. le rapporteur et M. le ministre. Il est clairement précisé, dans le document fourni par les CPAM, que l'aide à l'installation n'est valable qu'une seule fois et pour cinq ans ; il n'est pas indiqué qu'elle serait reconductible. Je propose, au travers de mes amendements, que les CPAM vérifient si un médecin sollicitant une aide l'a déjà perçue dans un autre département. Peu importe que le délai soit de cinq ou dix ans : ce qui compte c'est que l'aide ne soit versée à un médecin qu'une seule fois au cours de sa carrière. De ce fait, je ne retirerai sûrement pas mes amendements !
Je confirme les propos de Luc Lamirault : normalement, la convention avec les CPAM est claire. Mais c'est comme pour la convention relative à l'intérim médical. Stéphanie Rist s'est beaucoup battue pour que les dispositions que nous avons votées ici en 2016 soient respectées. Elles ne l'étaient pas en effet, et il a fallu légiférer de nouveau. Je peux citer l'exemple d'un médecin de mon département qui, après avoir bénéficié d'une exonération d'impôts, est parti s'installer à 50 kilomètres au nord puis dans un centre de santé. La région dans laquelle je vis s'est engagée à salarier 300 médecins : or treize des vingt-six premiers médecins recrutés viennent du libéral ! Cela démontre qu'une limite est nécessaire. Nous en parlions à l'instant avec notre collègue Pierre Cazeneuve : la Cour des comptes a été très sévère lorsqu'elle a pointé ces dérives. Il faut donc encadrer le dispositif. Je crois, monsieur le ministre, que vous pouvez tout à fait charger la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), en liaison avec les ARS, de regarder ce qu'il se passe. Vous le savez mieux que moi : les installations et modifications d'installations ne sont pas légion – 1 000 par an environ. Un outil informatique doit donc permettre d'y voir clair assez facilement.
Ce nomadisme médical ne peut pas perdurer. Il y a, dans mon département d'Eure-et-Loir, 70 médecins pour 100 000 habitants. Vous savez pourtant très bien, monsieur le ministre – car vous avez été à notre écoute – qu'une permanence de soins est organisée dans la moitié du département. Les médecins effecteurs qui l'assurent ont en moyenne 70 ans : ce soir, je pense à eux.
L'amendement n° 658 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus, pour soutenir l'amendement n° 1063 .
Il s'inscrit dans le prolongement des propos de mon collègue Lamirault. Les mesures incitatives de nature financière ne se sont pas révélées à même de remédier durablement à l'inégalité d'accès aux soins. Il a été convenu en commission que les médecins pourront bénéficier de ces aides une fois tous les dix ans. Compte tenu du nomadisme médical et des effets d'aubaine, je propose de porter cette fréquence à vingt ans. Cela permettrait aux médecins d'en bénéficier deux fois au cours de leur carrière, ce qui me semble déjà largement suffisant.
Pour les raisons déjà évoquées, un intervalle de dix ans entre deux versements me paraît raisonnable – d'autant plus qu'un amendement à venir, dont nous avons discuté en commission, prévoit d'intégrer les aides conventionnelles à l'encadrement prévu par le texte : celui-ci en sortira donc renforcé et, je le répète, le rythme de dix ans nous a semblé un point d'équilibre. À défaut du retrait de l'amendement, l'avis sera défavorable.
L'amendement n° 1063 est retiré.
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus, pour soutenir l'amendement n° 1061 .
J'espère en effet que nous pourrons adopter l'amendement n° 1061 , qui propose que les aides ne puissent être versées que tous les quinze ans. Il me semble que cela constituerait un signal important : les médecins peuvent se satisfaire d'un tel intervalle.
L'amendement n° 1061 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
On parle quand même d'exonérations d'impôts, alors que certains gagnent 15 000 euros par mois !
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus, pour soutenir l'amendement n° 1065 .
Il propose de supprimer l'alinéa 3. Comme l'a dit mon collègue Lamirault, un médecin ne peut, selon le droit actuel, bénéficier qu'une seule fois au cours de sa carrière des aides liées aux zones de revitalisation rurale – peut-être aurez-vous néanmoins une interprétation différente des textes, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. C'est en tout cas ce qui est prévu, même si la pratique est différente : aujourd'hui, un médecin peut aller de ZRR en ZRR en bénéficiant à chaque fois d'une exonération d'impôts. Votre proposition, monsieur le rapporteur, pourrait donc créer un effet d'aubaine, en contradiction avec le droit actuel : tous les dix ans, un médecin pourrait bénéficier de cinq ans d'exonération fiscale. Cela me semble totalement incompréhensible. Il faut supprimer la possibilité qu'ont nos médecins de bénéficier régulièrement d'exonérations d'impôt sur le revenu. Aucune autre profession ne peut en bénéficier de façon aussi importante ! Les médecins doivent, eux aussi, contribuer à la solidarité nationale.
Je n'ai pas une lecture aussi catégorique que la vôtre, cher collègue, du code général des impôts. Après échange avec le Gouvernement, je puis vous indiquer que toute nouvelle installation en ZRR est assimilée par les services fiscaux à une primo-installation, ce qui permet de bénéficier des exonérations fiscales. Une refonte des aides liées aux activités en ZRR étant en cours – je parle sous le contrôle de M. le ministre –, je vous propose de conserver l'équilibre trouvé en commission. Avis défavorable.
La suppression de l'alinéa 3 nous priverait d'un levier de contrôle particulièrement utile s'agissant du versement d'aides qui ont parfois été détournées. Par ailleurs, cette proposition de loi présente l'intérêt de replacer la capacité de décision à l'échelle du territoire et de conserver une marge de manœuvre en fonction de l'évolution de la qualification des zones rurales. Je crois donc nécessaire de conserver ce levier. Avis défavorable.
Au risque de me répéter, je suis profondément attaché à la solidarité nationale. J'aurais du mal à expliquer à des habitants de ma circonscription gagnant à peine le Smic que l'on permet très régulièrement aux médecins – qui font par ailleurs un travail remarquable, et pour lesquels j'ai un profond respect – de ne pas payer d'impôt sur le revenu. Nous pouvons collectivement trouver d'autres solutions, plutôt que d'exonérer régulièrement d'impôt des personnes qui ont des revenus importants – qu'elles n'ont certes pas volés. Je regrette que nous ne puissions pas adopter mon amendement, qui est soutenu par d'autres collègues.
Je comprends bien les arguments de notre collègue Patrier-Leitus, qui sont assez clairs, en revanche, je n'ai pas bien compris ceux du rapporteur et du Gouvernement en vue de maintenir la possibilité d'aides récurrentes. On comprend qu'elles soient versées une fois, mais pourquoi devraient-elles l'être plusieurs fois ? C'est incompréhensible. Peut-être ai-je mal compris, monsieur le rapporteur, mais je ne demande qu'à comprendre ! Je me permets également de poser une question : pourriez-vous nous renseigner, monsieur le ministre, sur l'utilisation qui est faite de ce dispositif ? Quel est le montant d'impôts ainsi non perçus ? Combien de personnes sont concernées, dans quels territoires ? Ces chiffres nous permettraient d'avoir une discussion étayée.
Ces aides ont un intérêt en ce qu'elles favorisent non seulement l'installation des médecins, mais aussi leur maintien dans les territoires. C'est un aspect auquel il faut aussi penser. Elles sont un outil à la main des acteurs locaux, qu'ils pourront utiliser ou non. Quant au montant global que représentent les exonérations d'impôts, je suis désolé de ne pas avoir le chiffre à disposition mais je vous communiquerai ces informations par écrit au plus vite.
Les médecins bénéficient des exonérations fiscales applicables aux acteurs économiques des ZRR. Faut-il leur réserver un sort particulier, pour des raisons que j'ignore ? Ce n'est pas à ce stade l'intention du législateur et, de surcroît, une telle mesure relèverait davantage d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale que d'une proposition de loi ordinaire comme celle dont nous débattons.
La question est simple. L'article vise à encadrer ce qui ne l'était pas – même s'il ne va pas assez loin au goût de certains. Jusqu'ici, le délai de cinq ans était toléré mais ne figurait pas dans la loi ; désormais, le délai passera à dix ans et sera mieux encadré. Dans quelques instants, nous proposerons un amendement visant à ajouter les aides conventionnelles dans le champ du dispositif. Autrement dit, le cadre d'accompagnement sera plus clair et plus stable. Quant aux exonérations fiscales, je le répète : les médecins bénéficient, comme tous les acteurs économiques concernés, des exonérations fiscales applicables dans les zones rurales en difficulté.
L'amendement n° 1065 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Bellamy, pour soutenir l'amendement n° 741 .
Cet amendement, qui complète l'article additionnel adopté par la commission, porte sur le nomadisme médical – que nous avons déjà largement abordé – et sur le cumul des exonérations fiscales et des aides à l'installation. Il vise à ajouter à la liste des aides dont les médecins ne pourront bénéficier de nouveau qu'à l'expiration du délai de dix ans les aides à l'installation de fonctionnaires territoriaux mis à disposition de maisons de santé et de cabinets libéraux en zones sous-denses.
Demande de retrait ou avis défavorable. Cet amendement risquerait de limiter la capacité des collectivités locales à accompagner un médecin ou une maison de santé. En commission, nous avons au contraire adopté un autre amendement – également à l'initiative de Paul Christophe – qui facilite, grâce aux aides des collectivités, la mise à disposition d'agents territoriaux dans les maisons médicales pour des praticiens libéraux. Ces deux amendements me semblent donc contradictoires : l'un, ayant reçu un avis favorable, a été adopté en commission et figure dans le texte, tandis que l'autre, que vous venez de défendre, irait dans le sens inverse.
L'amendement n° 741 est retiré.
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir l'amendement n° 1017 .
La commission a décidé d'encadrer dans le temps le cumul des aides à l'installation. Cependant, le dispositif qu'elle a adopté n'inclut que certaines aides, en l'occurrence les aides locales et celles de l'ARS, mais pas les aides conventionnelles. L'amendement vise à réparer cet oubli.
Je ne fais pas du tout la même lecture que vous de cet amendement. Les aides déjà visées par l'article ne sont pas celles de l'ARS mais celles des collectivités territoriales et celles qui sont octroyées dans les ZRR. Quelles sont celles que vous souhaitez ajouter ? Celles de la CPAM et de l'ARS ? Ce serait encore pire ! Dans la convention que la CPAM passe avec les médecins, ces aides ne peuvent être accordées qu'une seule fois. En les ajoutant à la liste des aides renouvelables après dix ans, vous favoriserez le nomadisme car c'est l'État lui-même, par l'intermédiaire de la CPAM, qui financera des déplacements de médecins !
Le rapporteur nous disait tout à l'heure que ces aides peuvent s'appliquer tous les cinq ans : non, c'est interdit. Elles ne peuvent être accordées qu'une seule fois, tous les textes le précisent. Vous pourrez vérifier dans les informations que la CPAM fournit au sujet des aides à l'installation : les médecins ne les perçoivent qu'une seule fois.
J'entends ces propos, mais c'est une multitude de petites solutions qui permettra de résoudre le problème des déserts médicaux. J'appelle votre attention sur un point : le médecin suit parfois un conjoint qui déménage au gré de ses mutations professionnelles. Le modèle traditionnel du médecin généraliste accompagné de son épouse dévouée qui accueille les patients en salle d'attente a beaucoup changé. Permettre à un médecin, homme ou femme, de suivre son conjoint à l'occasion d'une mutation et de bénéficier de nouveau d'une aide s'il s'installe dans une zone défavorisée ne me semble pas négatif. Peut-être pourrait-on préciser par sous-amendement les cas précis où cette mesure doit pouvoir s'appliquer mais, dans la situation où un médecin suit son conjoint, le droit à bénéficier de nouveau d'une aide me semble une amélioration souhaitable,…
…en phase avec l'évolution de la société, qu'il s'agisse de la mixité, du rapport à la parentalité ou encore du rapport au travail. Plutôt que d'ajouter des règles, mieux vaut accompagner les changements de vie. Les médecins ne restent plus forcément dix ans au même endroit. La vie a beaucoup évolué : les Français, rappelons-le, changent en moyenne de résidence principale tous les sept ans.
Pour lever toute ambiguïté, je précise, monsieur Lamirault, que l'amendement ne vise que les « aides financières à la primo-installation », et à la primo-installation seulement.
L'amendement n° 1017 est adopté.
L'amendement n° 657 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 2 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 298 , portant article additionnel après l'article 2 bis .
Cet amendement d'appel vise à créer une plateforme numérique nationale afin de centraliser et de recenser les différentes aides à l'installation que les collectivités octroient en zones sous-dotées. On le sait, les collectivités sont en concurrence pour attirer les médecins. Certaines initiatives se prennent à l'échelon régional, d'autres à l'échelon départemental ; s'y ajoutent les centaines de mesures prises par les communes et les intercommunalités. Or ces collectivités se livrent aussi, malheureusement, à une concurrence en matière de communication – avec l'argent public. De leur côté, les médecins doivent se renseigner auprès des différentes collectivités pour comparer les offres qui leur sont faites. Je sais que vous souhaitez centraliser l'information à l'échelon départemental, mais il restera tout de même une centaine de départements à consulter !
L'amendement vise à rendre tout cela plus lisible pour les praticiens et à faciliter la publicité des aides accordées par les collectivités – lesquelles, petites et dotées de ressources modestes, ont souvent recours à des sociétés de chasseurs de têtes, de sorte que trouver un praticien peut leur coûter plusieurs dizaines de milliers d'euros. Elles vont parfois jusqu'à se livrer à une surenchère, comme on le constate en ce moment. Par cet amendement d'appel, nous vous demandons aussi ce que vous comptez faire pour éviter ce phénomène.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Vous avez raison de vouloir encadrer les aides et de rappeler qu'elles forment un maquis dans lequel certains, au reste, s'en sortent très bien – ceux que nous avons appelés « chasseurs de primes » tout à l'heure – et en font un véritable business, même s'ils sont loin d'être la majorité.
Je partage donc votre souhait d'améliorer la lisibilité des aides, mais vous proposez pour ce faire de mettre sur pied une plateforme numérique. Or la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a créé un guichet unique dont nous avons complété les missions lors de l'examen du présent texte en commission – nous y reviendrons. C'est ce guichet unique qui doit permettre d'accompagner l'installation des professionnels et le déroulement de leur carrière, rendant du même coup plus lisibles les aides octroyées par les collectivités locales afin de casser le jeu du « toujours plus » auquel elles se livrent parfois. Votre amendement pose une question très juste mais me semble satisfait ; je vous propose donc de le retirer.
Je partage moi aussi votre souhait de rendre plus lisibles et simples les aides à l'installation des professionnels de santé. Le rapporteur l'a dit : c'est tout l'objet du guichet unique, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, qui permettra d'apporter une réponse de proximité plus adaptée à la réalité de chaque territoire. Je préfère laisser la main aux acteurs locaux, sachant de surcroît qu'il existe déjà un portail national regroupant l'ensemble des initiatives que les collectivités prennent en la matière – il s'agit du portail d'accompagnement des professionnels de santé. Demande de retrait ou avis défavorable.
Je le maintiens, car les professionnels de santé doivent tout de même effectuer de nombreuses recherches à l'échelon départemental.
L'amendement n° 298 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 793 .
Il vise à lutter efficacement contre les déserts médicaux, non par la coercition mais par l'incitation, en y encourageant la création de maisons de santé grâce à des exonérations fiscales dégressives. L'objectif est d'assurer un diagnostic et un suivi médical de qualité sans qu'il soit nécessaire de se cacher derrière la e-santé – bref, de garantir une offre médicale de qualité aux Français, où qu'ils habitent.
L'amendement est simple : les praticiens s'installant dans un désert médical bénéficieraient de trois années fiscales blanches, puis d'exonérations dégressives au fil des années suivantes. On incitera ainsi les médecins, jeunes et moins jeunes, à s'installer là où il nous en manque le plus.
L'accompagnement fiscal des médecins – nous venons d'avoir le débat – est déjà suffisant. Il vise notamment à favoriser l'exercice coordonné, par exemple dans les maisons de santé. Avis défavorable.
J'en profite pour revenir sur ma réaction d'incompréhension, tout à l'heure, à votre amendement n° 797 : la version distribuée par le service de la séance ne comportait qu'un seul paragraphe tandis que la version que vous en aviez en comportait deux, et c'est précisément sur le deuxième paragraphe, dont nous n'avions pas connaissance, que vous avez fondé votre argumentation.
Je soutiens l'amendement de Mme Ménard qui bénéficie d'une exception à l'article 40 – je m'en réjouis pour elle. Je me demande en effet comment il a pu parvenir jusqu'à l'hémicycle, mais c'est un autre débat.
Sourires.
Certaines situations de concurrence entre territoires sont en effet inacceptables. Dans ma circonscription du Calvados, la commune de Livarot, qui est un désert médical, ne se trouve pas dans une ZRR et ne bénéficie donc d'aucune aide ni exonération fiscale. À 5 kilomètres de là, Vimoutiers est en ZRR et bénéficie d'exonérations.
Les zonages ne correspondent plus à la réalité des déserts médicaux et des zones sous-dotées. Il faut les revoir d'urgence, de même que les ZRR, car on ne saurait accepter que certains médecins bénéficient d'exonérations fiscales alors que d'autres, qui exercent à 5 kilomètres, en sont privés. C'est urgent car il en résulte une concurrence détestable entre territoires.
Je soutiens moi aussi cet amendement. Il ne vous a pas échappé que, dans le texte transpartisan que nous défendons, nous proposons un index qui donnera une vision générale de la situation des territoires, mais sans décalage de quatre ans, car les chiffres sur lesquels nous travaillons actuellement sont ceux de la Drees qui nous parviennent avec quatre ans de retard ! Je connais un exemple meilleur encore que celui de Livarot : un boulevard de Châteaudun marque la limite d'une ZRR, si bien qu'un côté en dépend et l'autre non ! On s'étonne ensuite que les médecins changent de quartier, comme on l'a observé il y a quelques années. Imaginez qu'on change de trottoir pour les mêmes raisons à Paris !
M. Patrier-Leitus l'a dit : il faut revoir les cartes, établir l'index et le renouveler rapidement. Si nous attendons trop, les fossés continueront de se creuser.
Le problème des ZRR n'est pas uniquement médical : il est global. Je ferai part de cette réflexion à mon collègue Bruno Le Maire. Tout l'intérêt de découper les territoires de santé à une échelle très précise réside dans la possibilité de proposer des solutions différenciées.
L'amendement n° 793 n'est pas adopté.
Si vous me l'autorisez, madame la présidente, je défendrai ensemble les amendements n° 979 , 980 , 981 et 1091 . Nous ne réglerons pas le problème des déserts médicaux d'un coup de baguette magique. Monsieur le rapporteur, vous venez comme moi du beau département de Seine-et-Marne : nous savons à quel point les déserts médicaux constituent un problème complexe. Il n'y a pas une façon plus honorable qu'une autre d'exercer cette profession. Nous avons aussi besoin de médecins salariés en maison de santé, mais nous sommes tous ici attachés à la dimension libérale de la profession, qui permet au médecin d'être acteur de sa carrière professionnelle. Pour avoir des médecins libéraux dans les déserts médicaux, il y faut de l'attractivité.
Nous faisons face à une situation de pénurie. Comme l'a fort justement souligné notre collègue Pierre Cazeneuve tout à l'heure, nous avons besoin d'une économie de l'offre ; et comme l'a tout aussi justement dit le ministre, nous ne voulons pas en France d'un système à l'anglaise, identique au NHS. Nous devons conserver la dimension libérale de la profession de médecin. Dans les déserts médicaux, l'attractivité consisterait à ouvrir le secteur 2. Je rencontre de nombreux jeunes médecins libéraux, qui hésitent à s'installer : ils me disent qu'ils iraient à Mormant, à La Chapelle-Gauthier ou à Montereau-Fault-Yonne, s'ils avaient le droit de s'y installer en secteur 2.
Je suis bien conscient que ces amendements ne seront pas adoptés aujourd'hui : ce sont des amendements d'appel. Mais il faut nous saisir de cette question : plutôt que de verser des aides ou de prévoir des exonérations, ouvrir le secteur 2 dans les déserts médicaux pourrait être une garantie de l'engagement des médecins libéraux à y faire carrière, eux qui ne croulent pas sous la paperasserie et qui exercent librement leur métier.
La parole est à M. Yannick Neuder, pour soutenir l'amendement n° 1006 .
C'est un amendement d'appel visant à éviter de créer des complications. Dans certaines universités, un master 2 est obligatoire pour accéder à des postes d'assistants chefs de clinique. Nous devrions faire attention à ce qui est demandé aux étudiants : certains refusent de considérer ces postes à cause de cette obligation. Après quelques années, l'installation des médecins s'en ressent, en particulier celle des spécialistes en ville.
Je referme cette parenthèse et je reviens sur les indicateurs et les ZRR, bien que Philippe Vigier ne soit plus là. En commission, nous avons longuement discuté de l'intérêt de disposer d'un indicateur tenant compte de l'âge des médecins, pour les zonages des ARS. Sur une population donnée de médecins, au bout de quatre ans, le résultat n'est pas le même en fonction de leur âge : on peut passer d'une zone normalement dotée à une zone sous-dotée. J'en ai fait l'expérience dans mon territoire, où 50 % des médecins avaient plus de 60 ans : le nouveau zonage nous a fait passer d'une zone sans tension à une zone très tendue.
Nous pourrons en reparler ultérieurement, pendant l'examen du texte, mais il est essentiel de tenir compte de l'âge des médecins, selon une fréquence régulière – un an ou deux : je sais que vous n'êtes pas fermé à cet argument, monsieur le rapporteur. Sinon, au bout de quatre ans, les photographies sont complètement faussées.
Vous proposez que les médecins qui s'installent en zone sous-dense puissent pratiquer des dépassements d'honoraires. Je ne suis pas sûr que faire peser sur les populations le coût de ces installations soit l'outil le plus adapté, a fortiori dans votre circonscription, que vous avez prise en exemple. Je la connais bien, puisque nous sommes voisins et que nos deux circonscriptions partagent les mêmes caractéristiques.
Une telle mesure pénaliserait les populations des territoires ruraux. Or toutes les études montrent que, même si la France est un grand désert médical, l'accès aux soins est encore plus difficile dans les territoires ruraux : il y est six fois plus difficile d'obtenir un rendez-vous médical que dans un territoire urbain ; l'hôpital le plus proche y est plus éloigné qu'en milieu urbain. Plusieurs raisons plaident ainsi contre la double peine – pardonnez-moi l'expression – qui serait infligée aux patients. Ces derniers subiraient des dépassements d'honoraires, au prétexte que ce serait la manière d'attirer les médecins dans des zones sous-dotées, essentiellement rurales. Avis défavorable.
Défavorable également. Pénaliser les patients avec des honoraires différents n'est pas acceptable, puisque cela s'ajouterait à la difficulté de trouver un médecin dans les zones sous-denses. Quant à l'obligation d'avoir un master 2 pour occuper un poste d'assistant chef de clinique, elle relève d'un problème distinct, qu'il est difficile de traiter en l'état. S'agissant du zonage, nous aurons l'occasion d'en parler lors de l'examen de l'article 2 quinquies .
Je confirme les problèmes de zonage évoqués par nos collègues : ils se posent de façon générale, non seulement dans les ZRR, mais aussi dans les zones franches urbaines (ZFU). Dès qu'un zonage est instauré, dans l'éducation nationale comme dans d'autres secteurs, des effets de zone surviennent, créant des situations parfois très désagréables.
Ainsi, j'avais installé une maison de santé pluriprofessionnelle à proximité d'une ZFU : les médecins que je cherchais à attirer me répondaient qu'ils choisissaient de s'installer dans la ZFU en raison des avantages fiscaux, même si tout ne se résume pas à une question d'argent. Finalement, j'ai eu du mal à remplir ma MSP. Il faudrait sans doute imaginer un zonage en adéquation avec l'offre médicale, ainsi que des aides proportionnelles aux difficultés d'un territoire en matière d'offre.
Je ne crois pas qu'encourager au dépassement d'honoraires soit une solution au problème auquel nous sommes confrontés en matière d'accès aux soins. Je ne comprends même pas comment on peut imaginer les choses sous cet angle ! Les dépassements d'honoraires, dans certains endroits, sont en eux-mêmes un problème d'accès aux soins. Encore récemment, des habitants de ma circonscription en ont témoigné auprès de moi : ne parvenant pas à obtenir des rendez-vous là où il n'y avait pas de dépassements d'honoraires, ils ont été obligés d'en payer. Il leur était tout bonnement impossible de trouver des rendez-vous médicaux sans dépassements d'honoraires.
Les dépassements d'honoraires sont un problème en eux-mêmes, dont il faudrait peut-être se saisir. Tout en disant cela, je maintiens que cela n'éteint pas la question du montant du remboursement du travail des médecins par la sécurité sociale : je tiens à distinguer les deux sujets. Les dépassements d'honoraires incitent à pratiquer une médecine à deux vitesses et accroissent les inégalités de santé. Ils ne sont pas du tout la solution au problème de l'accès aux soins.
L'amendement n° 617 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 2 ter, amendé, est adopté.
Face à la désertification médicale, vous posez pansement sur pansement, sans jamais examiner le problème structurel de l'accès aux soins. Les formations d'aides-soignants et d'infirmiers sont en perte de vitesse. Les actifs actuels connaissent un vieillissement similaire à celui de la population et la moitié d'entre eux sont en surmenage. La situation est identique pour les médecins, qu'ils soient généralistes ou spécialistes.
Chez moi, en Dordogne, il manque 194 praticiens. Dans le pays de La Force, on compte 1 médecin pour 1 925 patients, alors que la moyenne nationale est de 1 pour 1 000 : c'est sans compter quatre départs à la retraite à prévoir d'ici à deux ans, puis quatre autres d'ici à trois ans. Sans réforme de fond, on arrivera à 1 médecin pour 5 000 personnes d'ici à cinq ans.
À partir de ce constat, on s'interroge : est-ce que c'est pathologique, chez vous ? Pourquoi n'engagez-vous jamais de réformes structurelles ? Pour pallier cette vague de départs liée au vieillissement des professionnels de santé, il nous faut des mesures fortes, de long terme. Malheureusement, à aucun moment vous ne privilégiez la formation massive. Il est nécessaire de mettre totalement en place le numerus apertus, ce qui permettrait de répondre aux attentes des Français sur le long terme. Il s'est passé exactement la même chose au moment de la réforme des retraites : alors que le Rassemblement national évoquait une nécessaire politique de natalité, qui correspondait à une vision de long terme, personne ne nous a écoutés. Faites comme nous, voyez loin ! Mais pour regarder l'horizon, il faut d'abord sortir du brouillard.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
C'est un amendement d'appel, qui vise à ne pas empêcher les médecins retraités de travailler dans les centres de santé. J'ai moi-même fait appel à plusieurs retraités dans le centre de santé créé à Vierzon sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), cité dans le rapport de la Cour des comptes.
Dans l'article 2 quater, vous établissez une corrélation entre les médecins des centres de santé gérés par les collectivités territoriales, assimilés à des fonctionnaires, et les médecins bénéficiant du cumul emploi-retraite, expliquant que le report de l'âge limite d'exercice pour les médecins retraités peut s'appliquer aux médecins assimilés fonctionnaires.
Soit ils sont assimilés à des fonctionnaires et il faut réguler ces pratiques, soit ils ne le sont pas. Or je ne crois pas qu'il s'agisse de fonctionnaires ; pour ma part, je ne confonds jamais cotisations sociales et impôts. Parfois, vous devriez faire attention à ce que vous écrivez dans les articles d'un texte de loi.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 1077 .
Nous nous sommes battus contre le report de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Symboliquement, reporter à 72 ans l'âge limite auquel les médecins peuvent exercer, c'est beaucoup demander.
Défavorable. L'article 2 quater prévoit l'ouverture d'un droit et non une obligation. Il vise à élargir le bénéfice du dispositif de cumul emploi-retraite jusqu'à 72 ans pour les salariés des centres de santé gérés par les collectivités locales, à l'image de ce qui se pratique depuis quelques années dans les hôpitaux. On ouvre un droit : c'est positif, vous devriez y être favorables !
Pourquoi pas repousser encore plus tard ? Pourquoi pas jusqu'à 100 ans ? Soyez généreux !
Nous avons vraiment besoin de soignants sur le terrain. Certains d'entre eux demandent à continuer de travailler, notamment dans les centres de santé gérés par les collectivités locales. Ces derniers sont vertueux, madame la présidente de la commission des affaires sociales : nous avons mené des combats pour qu'ils le soient ! Cette mesure de l'article 2 quater me semble aller dans le bon sens. Des soignants sont empêchés de continuer d'exercer, alors qu'ils le voudraient. Si les conditions sont réunies, il me semble judicieux de le leur permettre.
D'ailleurs, pendant la crise du covid-19, nous étions très heureux de pouvoir compter sur eux – d'ailleurs sans compter, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Tant les médecins que les infirmières ont enchaîné les journées en première ligne pour nous aider. Nous avons besoin de ce dispositif, qui est attendu et va dans le bon sens. Alors que nous manquons de personnel, il faut permettre aux personnes qui le souhaitent et qui le peuvent d'aider sur le terrain.
J'espère que cet amendement, qui vise à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, sera voté à l'unanimité. À Lisieux, deux médecins de 72 ans ont été mis d'office à la retraite. En vertu du droit en vigueur, un médecin en situation de cumul emploi-retraite est mis d'office à la retraite à 72 ans, qui est la limite d'âge. À l'heure où les Français connaissent des difficultés d'accès aux soins et où les déserts médicaux se multiplient, nous ne pouvons leur expliquer que les médecins ayant envie de continuer à travailler sont mis à la retraite d'office. Le présent amendement vise à repousser de 72 à 75 ans l'âge limite de départ à la retraite des médecins salariés en situation de cumul emploi-retraite.
Le sous-amendement n° 1167 de M. le rapporteur est rédactionnel.
Quel est l'avis de la commission ?
Ce dispositif plaira à certains d'entre vous. On se rapproche de l'âge que vous visiez, puisque cet amendement tend à fixer la limite d'âge à 75 ans.
Sourires.
Dans beaucoup de territoires, des professionnels, encore en forme, veulent continuer de travailler, ce qui n'est évidemment pas une obligation. Il s'agit en outre d'une mesure d'harmonisation avec le dispositif s'appliquant déjà aux professionnels de santé salariés des hôpitaux. J'émets un avis favorable, sous réserve du vote du sous-amendement rédactionnel.
Avis favorable.
Je remercie le rapporteur et le ministre. Nous vous avons transmis certaines observations du terrain. Avec votre cabinet, monsieur le ministre, vous avez fait preuve de réactivité et avez été à l'écoute. Ce dispositif constitue une avancée et contribuera à améliorer la situation, notamment dans ma circonscription, à Lisieux, où un centre de santé, je le répète, a perdu deux médecins – c'est énorme. Bien entendu, ce n'est pas la panacée : nous sommes d'accord que la solution consiste à former plus de médecins.
Le sous-amendement n° 1167 est adopté.
L'amendement n° 1162 , sous-amendé, est adopté et l'article 2 quater est ainsi rédigé.
Je me réjouis qu'en commission, nous ayons réussi à convaincre une majorité de la nécessité de créer un outil de pilotage des politiques publiques, l'Itos – indicateur territorial de l'offre de soins. Il permet de mesurer, de la manière la plus objective possible, les besoins de santé et l'offre de soins, à l'échelle des territoires. Cet indicateur est pondéré par la situation démographique et sociale, et des informations relatives à la prévalence de certaines pathologies.
Par rapport au dispositif adopté en commission – mise à jour annuelle de l'indicateur –, le présent amendement vise à prévoir une actualisation bisannuelle. Le rapporteur avait demandé cette modification, pour donner du champ à l'administration, notamment aux agences régionales de santé, afin qu'elles puissent accomplir un travail de qualité. J'espère que cet amendement fera l'unanimité ou, à défaut, rassemblera une majorité.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement n° 991 .
Mon collègue Guillaume Garot a très bien expliqué le dispositif proposé. L'important, c'est de prendre la bonne photo, à savoir d'actualiser l'évaluation de la densité de l'offre de soins médicaux et paramédicaux. Vous avez souhaité que le dispositif cible certains professionnels, ce que je comprends tout à fait. Cet amendement permettra justement d'éviter que l'indicateur ne soit réduit à une image d'Épinal, car il ne rendrait pas compte de la réalité. Il est pertinent de l'instaurer, dans le cadre de l'élaboration et du suivi du projet territorial de santé, comme le souhaite le rapporteur, afin de connaître précisément la situation de chaque territoire, qui peut varier d'un point à un autre, séparé d'une distance de 30 ou de 50 kilomètres.
Ensuite, se pose la question de l'actualisation. Au départ, nous avions prévu une mise à jour annuelle. Dans un esprit de convergence, nous avons souhaité atterrir sur une actualisation bisannuelle, ce qui conjugue utilité et exigence. Dans ces conditions, voilà nos propositions, sur lesquelles nous serons très nombreux à nous retrouver. Elles ne sont pas uniquement transpartisanes puisque Frédéric Valletoux a déposé un amendement identique.
Cet amendement est une manière d'inviter le rapporteur à soutenir une proposition du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux. Depuis le début des débats, nous souffrons d'avoir, sur la situation de nos territoires, des divergences d'analyse ou de diagnostic, en matière notamment de définition du périmètre des territoires de santé et de modalités de calcul de l'offre de soins effective. Du reste, ce sujet était au cœur des débats que nous venons d'avoir sur la régulation de l'installation des professionnels de santé.
En commission, nous avons adopté le principe d'un indicateur, permettant, à la fois, de mettre en lumière les territoires soumis à la désertification médicale et ceux où l'offre est meilleure, et de les comparer les uns aux autres. Les membres du groupe de travail ont, toutefois, été sensibles aux difficultés soulevées par le rapporteur. Il a pointé que l'actualisation annuelle constituait une exigence trop élevée. Il s'agit donc de proposer une mise à jour bisannuelle de l'indicateur. Ce dispositif doit être cohérent avec celui proposé à l'article 2 septies, à savoir l'actualisation des zonages relatifs à l'offre de soins réalisés par les ARS, qui doit également être bisannuelle, afin que les données soient disponibles au même moment.
Nous avons l'espoir de pouvoir avancer tous ensemble, afin de disposer de diagnostics partagés, dans le cadre des prochains débats parlementaires sur le sujet.
Nous avançons, puisque nous partageons tous le même constat : il fallait un outil de pilotage territorialisé et nous l'avons trouvé. Nous nous sommes également accordés sur les données sur lesquelles reposerait l'indicateur territorial de l'offre de soins.
Il s'agit maintenant de disposer d'une actualisation parfaite, au plus près de la réalité. C'est la raison pour laquelle nous proposons que l'indicateur soit mis à jour tous les deux ans. Cela nous permettrait d'actualiser les objectifs prioritaires en matière d'accès aux soins. En effet, à défaut d'avoir des médecins, fixons des objectifs prioritaires. Selon un sondage, l'espérance de vie a évolué : 34 % des habitants de certains territoires mourront un peu plus tôt, car ils ne peuvent accéder aux soins facilement. Nous savons que sept à huit ans sont nécessaires pour former des médecins. Dès lors, en attendant, ces données doivent être actualisées, ce qui permettra de fixer des objectifs prioritaires en phase avec la situation des territoires.
Il est défendu puisqu'il est identique aux précédents. Je saisis cette occasion pour saluer le travail convergent accompli par le groupe de travail, autour de Guillaume Garot, qui s'est traduit par une proposition d'initiative transpartisane. Nous percevons comment s'emboîtera l'approche territorialisée des politiques de santé. L'article 1er de la présente proposition de loi est relatif aux délimitations des territoires de santé et à la composition du conseil territorial de santé, qui élabore le projet territorial de santé. Il témoigne de la volonté d'assurer une approche territorialisée cohérente.
Nous nous apprêtons à voter un outil qui permettra aux acteurs des territoires d'évaluer les effets des décisions qu'ils prendront et d'adapter les dispositifs, à partir d'une photographie reposant, la première année, sur des critères nationaux, mais dont l'agrégation permettra peut-être de disposer d'évaluations départementales et régionales. Il s'agit d'un article important. L'outil qu'il prévoit sera apprécié par toutes les parties prenantes – soignants, administrations, associations de patients –, qui participent aux conseils territoriaux de santé et qui, sur le terrain, concourent à la prise en charge des Français.
Je ne peux que me réjouir du travail de l'ensemble des groupes avec le rapporteur et le Gouvernement. Vous nous donnez un outil très utile, afin de suivre l'application de la politique de santé dans les territoires. J'émets un avis favorable sur ces amendements identiques et souhaite, comme M. Garot, qu'ils soient votés à l'unanimité.
Nous avons trouvé un consensus sur l'indicateur. Je ne sais pas si, pour autant, plus de médecins seront formés, mais cessons toute polémique.
Je souhaite revenir sur mes propos – je me suis peut-être mal exprimé. Je vous mets en garde : si l'on collecte des données sur le nombre de médecins généralistes, il est nécessaire de qualifier les pratiques. Les médecins qui reçoivent des patients en consultation sans rendez-vous ou qui travaillent chez SOS Médecins ne sont pas des médecins traitants, prenant en charge des patients atteints de maladies chroniques. Ils pourraient ainsi gonfler les chiffres.
M. Dharréville a dit, à juste titre, qu'on ne pouvait résoudre la question des déserts médicaux en encourageant l'installation de médecins du secteur 2, puisque le paiement d'honoraires libres pèserait sur le patient. Je le répète sans polémique, l'amendement n° 1006 , que j'ai présenté tout à l'heure, prévoyait de faire bénéficier les jeunes médecins d'un déconventionnement total. Je souhaitais boucler la boucle.
Bien entendu, je ne partage pas le diagnostic de mon collègue Yannick Neuder sur les monstrueuses dynamiques de déconventionnement. Cela étant dit, je me réjouis à mon tour de l'adoption de cet indicateur, qui est un bon outil. Il devra rapidement nous permettre de prendre des mesures de régulation, dont il serait le fondement.
MM. Nicolas Sansu, Jean-Louis Bricout et Guillaume Garot applaudissent.
Notre proposition de loi prévoyait à la fois cet indicateur et des mesures de régulation. Évidemment, le présent texte n'est à cet égard pas satisfaisant pour nous, mais cet outil sera utile.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra