Intervention de Clément Beaune

Séance en hémicycle du mercredi 14 juin 2023 à 15h00
Régularisation du plui de la communauté de communes du bas-chablais — Présentation

Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports :

les héros ordinaires qui se sont mobilisés pour, face à ce drame, montrer le meilleur visage de notre pays et de ses valeurs.

Le texte qui nous rassemble vise à lever un obstacle administratif à la réalisation d'une liaison routière entre les communes de Machilly et de Thonon-les-Bains. Pour en avoir longuement parlé avec de nombreux élus du territoire, qui m'avaient saisi de ce sujet, au premier rang desquels Mme la rapporteure Anne-Cécile Violland et son collègue sénateur Cyril Pellevat, je sais que cette liaison est attendue de longue date – plusieurs décennies – par les habitants du Bas-Chablais et de la Haute-Savoie. Vous avez été étroitement associée, madame la rapporteure, à cette initiative parlementaire venue du Sénat.

Bien que cette liaison ait été reconnue d'utilité publique en 2019, le calendrier de sa réalisation est compromis car les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) de la communauté de communes du Bas-Chablais, adoptées en février 2020, sont incompatibles avec le projet. Cette incompatibilité ne semble pas résulter d'une décision délibérée des collectivités, mais plutôt d'une erreur de traduction, dans le document d'urbanisme, d'un projet pourtant anticipé, attendu et relayé par la plupart des élus du territoire – pour ne pas dire la totalité.

Du point de vue technique, il serait possible de faire évoluer le PLUI du Bas-Chablais par les procédures traditionnelles, voire d'attendre l'élaboration d'un nouveau PLUI par la collectivité. Toutefois, cela impliquerait, en raison des différentes étapes à franchir, des délais très longs, qui ne permettraient pas à la procédure d'attribution du contrat de concession de se poursuivre dans les conditions envisagées. Dès lors, les rapports des commissions des affaires économiques des deux assemblées ont explicitement montré qu'il n'existait pas d'autre option, satisfaisante techniquement, que le recours, extraordinaire – au sens propre du terme –, à la loi. Ce choix relevant d'une décision parlementaire, démocratique par essence, j'en laisse juge l'Assemblée nationale comme j'en ai laissé juge le Sénat.

Les situations telles que celle du Bas-Chablais sont heureusement rares. Il me semble néanmoins salutaire que le Parlement, au nom de l'intérêt général, dans le respect de la Constitution et des procédures, et si ses membres le souhaitent, puisse corriger ces situations problématiques, non anticipées par les textes de loi actuellement en vigueur. La proposition de loi qui vous est soumise est parfaitement compatible avec la Constitution. Je tiens à préciser, car ce fut un sujet de discussion au Sénat, qu'elle ne relève pas de la catégorie juridique spécifique des lois de validation. Le texte n'a pas pour objet de réviser le plan local d'urbanisme, mais de corriger une situation particulière, le fait que ce plan ait omis de prendre en considération un projet déclaré d'utilité publique quelques mois avant sa dernière révision.

Sur le fond, le projet de liaison routière a l'obligation d'être exemplaire sur le plan environnemental. Les sujets relatifs à l'environnement devront être traités de manière irréprochable par le maître d'ouvrage, ce qui lui permettra d'obtenir l'autorisation indispensable au démarrage des travaux ; je sais à quel point les élus, comme le Gouvernement, y tiennent. Cette préoccupation environnementale sera traduite grâce aux procédures prévues à cet effet. Le Conseil d'État, saisi à plusieurs reprises, a d'ailleurs écarté, par sa décision du 30 décembre dernier, tous les contentieux restants relatifs à la déclaration d'utilité publique (DUP).

Je partage votre volonté de réduire, chaque fois que cela est possible, l'impact environnemental de nos mobilités et de nos infrastructures. C'est tout le sens de la démarche que j'ai engagée pour passer en revue les grands projets autoroutiers. C'est aussi le sens de la démarche globale engagée par le Gouvernement, sous l'autorité de la Première ministre, à la suite du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), auquel ont participé plusieurs parlementaires, issus de divers groupes politiques de l'Assemblée comme du Sénat. Cette démarche vise à investir davantage dans les mobilités décarbonées. Hier, en répondant à plusieurs questions dans cet hémicycle, j'ai eu l'occasion de montrer que le plan d'investissement pour l'avenir des transports commençait à se déployer concrètement, notamment avec l'engagement de négociations pour les contrats de plan État-région (CPER). Je sais que vous souscrivez à la nécessité de cet investissement décarboné, à la nécessité de ce réinvestissement, notamment de l'État, dans les mobilités propres, et à la nécessité d'avoir, pour les infrastructures, en particulier routières, de plus grandes exigences sur le plan environnemental.

Nous ne devons pas pour autant oublier que les territoires ont besoin de mobilités, y compris routières : 87 % des mobilités quotidiennes, tous territoires confondus, se font en voiture. La décarbonation globale passe aussi par la décarbonation de la route elle-même ; cela ne signifie pas zéro routes, mais plus d'exigence et de sélectivité. C'est pourquoi nous assumons d'avoir diminué l'enveloppe consacrée aux routes dans les CPER. Toutefois, réduire à néant l'ensemble des projets serait une erreur. Nous devons également assumer que les projets routiers eux-mêmes doivent être soumis à des exigences environnementales de plus en plus strictes, pour encourager le déploiement progressif des véhicules électriques partout en France.

Nous étudierons chaque projet, notamment les grandes infrastructures routières – beaucoup sont déjà engagées –, en fonction de plusieurs critères environnementaux dont la limitation de l'artificialisation et la réduction de l'empreinte carbone, tout en tenant compte de la nécessité de désenclaver certains territoires. Cela relève du pragmatisme et il y va de la cohérence et de l'efficacité de la transition écologique. Dans cet esprit, nous passerons en revue les projets autoroutiers dans les toutes prochaines semaines, sous l'autorité de la Première ministre. La liaison Machilly – Thonon-les-Bains sera pleinement intégrée dans cet examen. Il est essentiel que les procédures ne soient pas un obstacle à la réalisation de cette liaison, attendue de longue date. Même si cela a vocation à rester exceptionnel, il faut donc que le législateur puisse se prononcer pour corriger une erreur procédurale rare.

Le Gouvernement donne un avis de sagesse sur cette proposition de loi, comme il l'a fait au Sénat, qui l'a adoptée. Je le répète, le projet d'infrastructure satisfait nos exigences environnementales. Quant à la démarche législative qui vous est proposée, elle est exceptionnelle et doit le rester. Son résultat est aujourd'hui entre les mains de votre assemblée, comme il était entre celles du Sénat il y a quelques semaines. C'est ce qui en garantit, par essence, le caractère démocratique.

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