France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mme la présidente de l'Assemblée nationale a reçu de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant que la suite de la discussion du projet de loi pour le plein emploi est retirée de l'ordre du jour du lundi 2 octobre après-midi.
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement, de deux projets de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux (n° 166, 1506 ; 167, 1224).
Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je vais mettre aux voix leurs articles uniques, en application de l'article 106 du règlement.
Le projet de loi est adopté.
Le projet de loi est adopté.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 472 à l'article 1er .
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
L'amendement n° 356 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 1345 .
Il s'agit d'un amendement de bon sens, comme les précédents. Depuis le printemps dernier, le Gouvernement a engagé, dans dix-huit départements, des expérimentations relatives à la préfiguration du réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi et aux modalités d'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Ces expérimentations viennent à peine de commencer, mais vous nous soumettez déjà un projet de loi. Cette méthode est pour le moins problématique !
En inscrivant tous les demandeurs d'emploi à Pôle emploi et en leur imposant quinze à vingt heures d'activités hebdomadaires consacrées à leur parcours professionnel – nous ne connaissons toujours pas le nombre exact d'heures, mais M. le ministre nous a dit qu'il n'y aurait ni plancher ni plafond… –, vous vous inspirez en réalité de l'expérimentation du contrat d'engagement jeune (CEJ), pour laquelle nous aurions également apprécié une véritable évaluation.
Quand on expérimente des mesures, il est logique de les évaluer avant de les inscrire dans une loi. Sur la question du plein emploi, une expérimentation a démontré son intérêt depuis 2017 : celle déployée dans le cadre du dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée. Elle prouve qu'il est possible de réinsérer les chômeurs de longue durée et de leur offrir des emplois en CDI répondant à de vrais besoins. Hélas, vous n'avez pas tiré les conséquences de cette expérience dans le projet de loi. Vous avez même décidé cet été de réduire les moyens attribués au dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée, aujourd'hui menacé.
Chers collègues, votez l'amendement n° 1345 , qui demande tout simplement au Gouvernement d'attendre la fin des expérimentations en cours et leur évaluation avant d'engager une nouvelle réforme.
Même avis.
Vous avez certes présenté vos arguments hier, monsieur le rapporteur, mais ils ne nous ont pas convaincus. Les expérimentations en cours dans les départements sont inabouties, ce qui nous conduit, je le répète, à légiférer à l'aveugle. Nous ne disposons d'aucune donnée sur leur déroulement, la trajectoire budgétaire ou les perspectives de recrutement. C'est le flou absolu ! La mise sous contrôle des allocataires sera quant à elle bien réelle, ce que vous ne pouvez nier. Le groupe Socialistes et apparentés est défavorable à l'entrée en vigueur immédiate du dispositif, dont nous souhaitons que l'application soit différée. L'amendement de M. Tavel, défendu par Mme Simonnet, a le mérite de rappeler le Gouvernement à sa propre vacuité.
Les mots ont un sens, chers collègues du groupe La France insoumise : il y a une différence entre une expérience et une expérimentation ; or vous avez tendance à assimiler les deux. Une expérience vise à vérifier une hypothèse scientifique avant d'appliquer ses résultats. Une expérimentation est un chemin que l'on emprunte dans le cadre d'un processus visant à atteindre un objectif. Il ne s'agit donc pas de valider l'opportunité d'une mesure – en l'occurrence, accompagner les publics à la recherche d'un emploi grâce à une démarche d'intégration –, mais de corriger la méthode et les erreurs au fur et à mesure que l'on avance.
Dans une expérimentation, on ne cherche pas à valider une hypothèse. Celle qui sous-tend le projet de loi est jugée bonne par notre majorité et correspond à une démarche de progrès. Nous l'avons dit hier, les départements expérimentateurs doivent être considérés comme des précurseurs dans l'application d'un dispositif issu d'un arbitrage politique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 1345 n'est pas adopté.
Sur l'article 1er , je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 328 .
Je n'ai pas eu le temps de sortir le Littré, mais voilà la définition du mot « expérimentation » donnée par le Larousse : « Méthode scientifique reposant sur l'expérience et l'observation contrôlée pour vérifier des hypothèses. » Une expérimentation n'est pas une trajectoire modifiée progressivement, mais bien un projet défini par des variables, des hypothèses et des questionnements. Or, dans le cas présent, l'expérimentation n'a rien de scientifique. Elle est même à l'opposé de la méthode revendiquée par le Président de la République en 2017, quand il appelait à la révolution et à de nouvelles méthodes d'action publique basées sur les faits et l'expérience – rappelez-vous ! Le Gouvernement fait l'inverse aujourd'hui avec ce projet de loi idéologique, guidé par une idée tout droit sortie du café du commerce : « Les allocataires du RSA sont des profiteurs, il faut les remettre au travail. »
Vous prétextez une expérimentation pour justifier votre théorie et vous appliquez cette théorie au réel avant même d'avoir vérifié que les moyens consacrés à la réinsertion produisent des effets – vous auriez pu vous en soucier avant de modifier le régime des sanctions ! Voilà pourquoi la philosophie de ce texte pose problème et pourquoi nous voterons contre l'article 1er .
L'amendement n° 328 vise à supprimer l'inscription automatique sur la liste des demandeurs d'emploi des jeunes en parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea) et en CEJ à la date d'entrée en vigueur de l'article 1er . Nous avons souligné les limites de ces dispositifs en nous référant notamment au rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le CEJ, lequel souligne les difficultés liées à son évaluation. Selon le rapport, il est trop tôt pour affirmer que l'évaluation du CEJ est positive. La mise en activité soulève par ailleurs des questions, le CEJ étant borné dans le temps. Or il est déjà difficile de faire travailler les gens quinze heures par semaine. Malgré l'expérimentation dont il fait l'objet, même le CEJ reste donc un dispositif totalement inabouti et mériterait un travail complémentaire avant d'être généralisé.
Je rappelle que l'article 2 fusionne le CEJ et le contrat d'engagement réciproque (CER). Il est donc légitime que les dispositions prévues à l'article 1er s'appliquent. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Ce texte soulève des problèmes importants, qui vont bien au-delà des questions de sémantique. Vous supprimez la qualité de demandeur d'emploi en regroupant dans une même liste des personnes aux situations très différentes. Vous faites la confusion entre le système de solidarité et le système assurantiel et, disons-le, vous faites de l'accompagnement à l'emploi un grand marché lucratif. Vous refusez d'accorder des moyens suffisants aux services publics et vous ouvrez le marché de l'accompagnement de l'emploi aux structures à but lucratif. Vous ne cessez de répéter qu'il faut améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi, mais nous n'avons aucune visibilité en matière de moyens. Vous affirmez que le dispositif fonctionne, mais vous n'apportez aucune information sur les résultats des expérimentations. La seule réponse concrète qui nous a été apportée hier concernait le bilan de certains territoires. Pour une telle réforme, ce n'est vraiment pas sérieux !
Il est cohérent que les jeunes concernés par un CEJ bénéficient du nouveau contrat d'engagement. C'est la raison pour laquelle je suis opposé à cet amendement. La question principale doit être de savoir s'il faut demander des contreparties et fixer des obligations. Pour des raisons politiques, certains s'y refusent absolument : ils parlent de « marchandisation de l'accompagnement », ce qui paraît pour le moins excessif. Faut-il rappeler que certains organismes privés proposent un accompagnement de très grande qualité dans les territoires ?
Il y a des organismes privés à but lucratif tout à fait compétents dans ce domaine,…
…notamment lorsqu'il faut lever certains freins à l'emploi très spécifiques. L'essentiel est d'accompagner au mieux les demandeurs d'emploi, que les acteurs soient publics, privés à but non lucratif ou privés à but lucratif. Les jeunes doivent être inclus dans le dispositif d'accompagnement, qui concerne chacun dès le plus jeune âge. Cessons de cloisonner ! Ce serait une grave erreur, selon moi, de traiter les jeunes à part. Nous avons évoqué hier la nécessité de proposer un accompagnement à 360 degrés. Il est urgent de mieux valoriser le travail. Il y va de la dignité des personnes et de leur capacité à s'insérer et à faire valoir leurs droits, grâce au travail. Avec ce nouveau dispositif, elles pourront accéder à la propriété et fonder une famille dans un environnement épanouissant pour chacun.
L'amendement n° 328 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement n° 1303 .
Il vise à s'assurer que les demandeurs d'emploi engagés dans un parcours professionnel auprès de Pôle emploi, d'une mission locale ou de tout autre organisme conventionné pourront aller au bout de leur accompagnement.
Les actuels demandeurs d'emploi et bénéficiaires du RSA ont vocation à s'inscrire dans le cadre du nouveau contrat d'engagement, mais la bascule se fera progressivement. Votre demande est satisfaite. Je formule toutefois un avis de sagesse.
Avis de sagesse.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit il y a quelques instants que l'article 2 fusionnait le CEJ et le CER. Le confirmez-vous ?
Si tel était le cas, les jeunes en CEJ basculeraient dans le CER sans pouvoir prétendre au RSA. Il y aurait là une incohérence grave ! La précision est importante, d'autant que je ne suis sans doute pas le seul à avoir mal compris.
Par ailleurs, puisqu'il s'agit de ma dernière intervention avant le vote de l'article 1er , je veux redire qu'on attend beaucoup plus d'un gouvernement qui présente un projet de loi au Parlement : au-delà de réponses à nos questions, nous aurions voulu être éclairés ; or nous avançons droit dans le mur, les yeux bandés.
L'intervention de mon collègue n'avait rien à voir avec mon amendement : je me permets donc d'insister. Vous savez combien il est important que les demandeurs d'emploi bénéficient d'un accompagnement humain, éclairé et bienveillant : c'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement, que, j'espère, vous soutiendrez.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT. – M. Ian Boucard applaudit également.
Sur l'amendement n° 1164 , je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre.
Comme le disait M. le rapporteur, la personne engagée dans un parcours vers l'emploi et accompagnée par le service public de l'emploi, quel qu'en soit l'opérateur, est liée par un contrat d'engagement réciproque. C'est aujourd'hui le cas des signataires d'un contrat d'engagement jeune, qui prévoit une participation à quinze à vingt heures d'activités. Demain, outre ces jeunes, les demandeurs d'emploi et les bénéficiaires du RSA signeront des contrats d'engagement réciproque : mais à chaque public correspondront des attentes particulières, ainsi qu'une modalité d'indemnisation spécifique – dans le cadre du CEJ, elle s'élève à 520 euros.
L'amendement n° 1303 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 83
Contre 44
L'article 1er , amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 1er .
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 1164 .
Nous proposons d'ajouter après l'article L. 5411-1-2 du code du travail un article L. 5411-1-3 ainsi rédigé : « Les personnes en recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel ont un droit opposable à l'accueil, à l'information, à l'orientation et à l'accompagnement par le service public de l'emploi. »
Cette logique de droit opposable est importante. Vous parlez de réciprocité : j'ai eu beau chercher article après article, je ne l'ai pas trouvée dans votre texte !
Selon vous, si des femmes et des hommes sont au chômage ou allocataires du RSA, c'est de leur faute : ils ne rechercheraient pas suffisamment activement un emploi. C'est la pédagogie de la faim, en vertu de laquelle il suffira de la pression du contrat d'engagement, des quinze heures – ou plus – d'activités et de la menace de supprimer leur allocation pour qu'ils s'en sortent tout à coup !
Au contraire, nous considérons que la responsabilité relève du Gouvernement, tant dans son incapacité à empêcher les suppressions d'emploi que dans son refus d'engager la bifurcation écologique pour créer des emplois utiles socialement et tenant compte des enjeux environnementaux.
La collectivité a donc le devoir de garantir au moins ce droit opposable à l'information, à l'orientation et à l'accompagnement. Le service public de l'emploi honorerait enfin ses engagements : c'est le sens de l'article que nous proposons.
Aussi, je vous invite, chers collègues, à voter cet amendement pour un droit opposable…
L'article 1er prévoit, par l'intermédiaire d'une liste unique de demandeurs d'emploi, que chacun puisse bénéficier des services généraux de France Travail et de l'accompagnement plus spécifique des missions locales ou de Cap emploi en fonction de sa situation. Votre amendement est satisfait : avis défavorable.
Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 22
Contre 93
L'amendement n° 1164 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement n° 656 .
Le code du travail définit l'offre raisonnable d'emploi (ORE) comme une offre émanant de Pôle emploi dont « la nature et les caractéristiques de l'emploi recherché, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu » ont été déterminés dans le cadre du projet personnalisé d'accès à l'emploi élaboré au moment de l'inscription d'un chômeur auprès du service public de l'emploi.
Mais le code ne prévoit aucune sanction en cas de refus d'une offre raisonnable d'emploi sans aucun motif légitime – j'insiste sur ce point –, alors même qu'une telle offre est compatible avec sa formation, ses qualifications et ses aspirations professionnelles.
Aussi, cet amendement prévoit une suppression partielle de l'allocation d'aide au retour à l'emploi en cas de refus injustifié d'une offre raisonnable d'emploi étudiée par le demandeur et Pôle emploi.
Nous reviendrons longuement sur les offres raisonnables d'emploi lors de l'examen de l'article 2. D'abord, nous légiférons à droit constant sur ce sujet. Ensuite, la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a déjà modifié le droit en vigueur : ainsi, la suppression des allocations – sanction plus immédiate que la radiation – est possible après deux refus. Le décret d'application de cette mesure n'ayant pas encore été publié, nous ne disposons pas du recul nécessaire pour faire évoluer de nouveau la loi sur ce sujet. Pour ces raisons, avis défavorable.
Nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen de la loi votée en décembre 2022. Le décret qu'évoque M. le rapporteur sera publié avant la fin de l'année et entrera en vigueur début 2024.
Lors des débats, j'avais indiqué que si la publication d'un décret visant à assimiler l'abandon de poste à une présomption de démission ne posait pas de difficultés techniques, il était en revanche plus compliqué de résoudre de cette manière le problème des ORE et des refus qu'elles suscitent. En effet, cela implique de travailler sur la modification de la déclaration sociale nominative (DSN) dans les entreprises.
À l'époque, j'avais souligné combien le concept d'offre raisonnable d'emploi était source de difficultés. Aujourd'hui, deux refus d'une ORE peuvent entraîner une radiation. Dans les faits, 200 à 250 radiations par an sont prononcées sur ce fondement, parce qu'il est difficile d'apprécier le caractère véritablement adéquat de l'emploi proposé compte tenu de la définition d'une ORE.
Ce texte permettra cependant d'améliorer la doctrine pour les bénéficiaires du RSA, puisque le refus d'une offre correspondant à la définition prévue dans le contrat d'engagement pourra valoir suspension.
Demande de retrait, ou avis défavorable.
J'entends votre réponse ; mais lors de la législature 2007-2012, j'étais moi-même rapporteure de ce qui est devenu la loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi, dont l'examen avait soulevé beaucoup de difficultés. Trois critères caractérisant l'offre raisonnable d'emploi avaient alors été définis. Vous dites qu'il est complexe d'apprécier le caractère adéquat de l'emploi proposé : je ne partage pas cette vision. Il suffit que l'un des trois critères ne soit pas satisfait pour que le demandeur puisse refuser l'offre.
Un décret n'est pas une solution satisfaisante à long terme. On sait bien que quand la loi de 2008 a été votée, les agents du service public de l'emploi ne l'appliquaient pas.
Nous gagnerions donc tous à inscrire dans la loi que des sanctions sont prévues en cas de deuxième refus d'une offre raisonnable d'emploi.
Je soutiens pleinement l'amendement de mon collègue Jean-Pierre Vigier.
Monsieur le ministre, votre réponse est éclairante autant qu'inquiétante. On voit bien toute la philosophie de ce texte : comment menacer le demandeur d'emploi…
Protestations sur les bancs du groupe LR
…tend à aggraver le système de sanctions : à cela, M. le ministre répond – peut-être par honnêteté – que c'est ce que le Gouvernement cherche à faire à travers le contrat d'engagement réciproque pour les bénéficiaires du RSA. On le verra plus loin dans le texte : dans la logique de l'offre raisonnable d'emploi, la suspension-remobilisation est prévue pour supprimer partiellement ou totalement l'allocation du bénéficiaire du RSA s'il ne réalise pas ses quinze heures ou plus d'activités – comme si, par magie, cela pouvait le conduire à accepter cette formidable offre raisonnable d'emploi. Encore une fois, c'est la pédagogie de la faim ! Votre logique est d'une violence sociale absolue !
D'autant que vous êtes poussés par votre droite à durcir plus encore cette démarche. J'espère que cet amendement sera retoqué ; les textes actuels qui imposent une sanction après deux refus d'une offre raisonnable d'emploi sont déjà d'une violence inacceptable.
Mme Mathilde Panot et M. Benjamin Lucas applaudissent.
L'amendement n° 656 n'est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour soutenir l'amendement n° 1187 .
L'explication vient parfois de la répétition, aussi je le redis : votre loi va changer la vie de milliers de personnes en outre-mer ; et pourtant, on légifère encore par ordonnances.
Faites-vous des lois pour nous ou contre nous ? La réponse nous paraît claire. Les calculs ne sont bons ni pour les 40 % des Réunionnais qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ni pour les 18 % qui sont au chômage.
En avril dernier, Emeline K/Bidi l'a rappelé hier, vous avez lancé une expérimentation pour savoir si des conclusions devaient être tirées de la réforme France Travail. Et pourtant, vous allez faire appliquer une loi sans même savoir si elle est adaptée à nos spécificités et à nos besoins !
Les chiffres ne sont ni de droite, ni de gauche, mais ils disent toujours la vérité : 18 % de chômeurs à La Réunion, contre 7 % dans l'Hexagone, et un taux d'emploi à 49 %, contre 67 % en France hexagonale. Pour atteindre un prétendu plein emploi, votre formule, une nouvelle fois, consiste à élaborer une loi sans nous. Nous avons pourtant mené pendant six mois une commission d'enquête parlementaire sur la vie chère en outre-mer. Et votre ancien collègue, Jean-François Carenco, avait lui-même indiqué qu'aucune condition n'était remplie pour que ce projet de loi puisse s'appliquer aux territoires ultramarins.
Par cet amendement, je vous demande d'exclure La Réunion du champ du réseau France Travail, car rien, absolument rien, n'est pensé pour nous dans ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
C'est un avis défavorable aussi. Puisque l'on doit se répéter, je vous rappelle bien volontiers que nous avons prévu des ordonnances, non par plaisir de dessaisir qui que ce soit du débat, mais pour tenir compte des spécificités de chaque territoire d'outre-mer, dont les situations diffèrent les unes des autres. Je me suis déjà engagé à préparer ces ordonnances avec les parlementaires et les exécutifs locaux ultramarins.
Nous soutenons cet amendement. Nous l'avons déjà dit : nous ne voulons pas de l'ordonnance. Mon collègue a mis en avant plusieurs arguments, comme la situation sociale dans les outre-mer, en particulier à La Réunion. Comment allez-vous atteindre le plein emploi, quand 60 % de nos jeunes sont au chômage, qu'un quart de la population vit du RSA, que le taux de chômage global atteint 18 % et que nos entreprises sont en difficulté ? Cela n'est pas possible.
Dès lors, quel est votre véritable objectif, sachant que l'inscription automatique sur la liste des demandeurs d'emploi engorgera encore davantage les services publics de l'emploi ? Ce n'est pas d'atteindre le plein emploi dans les territoires d'outre-mer, mais de sanctionner les bénéficiaires du RSA et les demandeurs d'emploi.
En 1960, l'ordonnance Debré a autorisé l'exil forcé des fonctionnaires de l'outre-mer, dont ceux de La Réunion, afin de briser la résistance et l'insoumission de ces territoires.
M. Frédéric Maillot applaudit.
Applaudissement sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Frédéric Maillot applaudit également.
L'amendement n° 1187 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l'amendement n° 1646 .
Cet amendement dont le premier signataire est M. François, vise à instaurer la priorité nationale, c'est-à-dire à donner la priorité à nos concitoyens lors du recrutement, en veillant à ce que les emplois leur soient d'abord proposés, avant d'être ouverts aux travailleurs étrangers.
La priorité nationale permettrait de renforcer le sentiment d'appartenance à la nation, en montrant que les autorités prennent en considération les intérêts des citoyens dans le domaine de l'emploi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je ne sais pas si vous vous rendez compte : votre proposition conduirait notamment à rompre le principe d'égalité de traitement entre les demandeurs d'emploi ; à ce titre, elle serait évidemment censurée par le Conseil constitutionnel.
Je ne peux que demander le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Même avis.
Les députés du Rassemblement national n'aiment décidément pas la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Non, vous n'aimez pas la République, sa devise – Liberté, Égalité, Fraternité –, sa promesse d'émancipation, qui fait coïncider attachement à la nation et à la patrie républicaine, dans l'appartenance à une communauté de destin où le peuple est souverain.
MM. Benjamin Lucas et Charles Sitzenstuhl applaudissent.
Non, vous n'aimez pas la République. Votre proposition d'imposer la préférence nationale dans le recrutement montre quelle rance xénophobie dicte vos amendements.
Cet amendement est anticonstitutionnel ; il créerait une discrimination inacceptable.
J'espère qu'il obtiendra le minimum de voix et que jamais la préférence nationale ne sera imposée à nos concitoyens et concitoyennes dans notre république – celle-ci cesserait sinon d'être elle-même et de correspondre à l'idéal de république sociale.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Mme Simonnet nous fait son théâtre, comme si la priorité nationale était extraordinairement horrible,…
Oui, alors que cette préférence est appliquée partout dans le monde, pourquoi ne pas l'appliquer ici ?
Vous nous accusez d'être antirépublicains, mais vous vomissez sur la police nationale à longueur de temps. Les premiers gardiens de la République sont les policiers.
Qui garde les enfants ? Qui fait le ménage ? Qui travaille dans les restaurants ? Qui construit les bâtiments, en France aujourd'hui ?
Chers collègues, s'il vous plaît. Laissez l'orateur s'exprimer, comme les autres députés vous ont laissé le faire. Terminez, monsieur Dessigny !
Mme Fanta Berete s'exclame vivement.
Vous rejetez l'instauration de la priorité nationale. Pourtant, quand on est familier des questions d'emploi, on sait que la préférence locale fonctionne à l'échelle d'un territoire.
Mme Michèle Peyron proteste.
Même vos amis de la CGT la réclament. Soyez donc cohérents et votez pour cet amendement !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'amendement n° 1646 n'est pas adopté.
Chers collègues, je vous invite à vous écouter mutuellement, dans le silence ; ce sera plus facile.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi.
Le présent article instaure un dispositif intitulé « contrat d'engagement réciproque », mais qui n'a en réalité rien d'un contrat, car il exclut la liberté contractuelle et le consentement – je ne vous ferai pas un cours sur cette dernière notion, dont l'actualité nous a donné suffisamment d'occasions de parler.
Sans consentement, pas de contrat ; dès lors, soit vous employez les bons mots – « engagement », voire « obligation » –, soit vous corrigez le dispositif lui-même, en recherchant l'adhésion des demandeurs d'emploi.
Vous évoquez une durée minimale d'activité de quinze heures, mais elle ne peut pas être instituée sans consentement. Vous ne pouvez pas obliger les plus faibles, les plus démunis d'entre nous à travailler. Il appartient au Gouvernement de susciter l'adhésion des demandeurs d'emploi au dispositif. Si vous choisissez la contrainte, c'est que vous y avez échoué.
En outre, pourquoi fixer à quinze heures la durée minimale d'activité ? Si l'un de nos concitoyens ne peut travailler que cinq ou six heures, sera-t-il exclu ?
Votre dispositif n'est absolument pas cohérent. Vous promettez d'adapter ce contrat aux situations locales du marché du travail. Mais encore une fois, comme M. Maillot vient de l'indiquer, vous n'avez rien prévu pour les outre-mer – le marché du travail y est dans un tel état que votre projet de loi pour le plein emploi, qui porte mal son nom, y sera inapplicable.
Vous évoquez des sanctions. Pensez-vous que les demandeurs d'emploi adhéreront de plein gré à un contrat qui en comporte ?
Vous portez une atteinte grave au code du travail, à la liberté des travailleurs, au consentement, à tous les aspects du contrat de travail.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous arrivons à l'article 2 et nous attendons la révélation : verrons-nous une fumée blanche ? La majorité relative a-t-elle réussi à convaincre le groupe Les Républicains de voter ce texte ?
En effet, c'est cet article qui prévoit de soumettre le versement du RSA à certaines conditions ; depuis l'examen du texte au Sénat, nos collègues Les Républicains font pression pour les déterminer. La durée de l'activité hebdomadaire devra-t-elle obligatoirement atteindre un certain seuil, quinze ou vingt heures, ou une autre formulation sera-t-elle ménagée pour qu'il suffise de tendre vers cette durée ?
Pour notre part, nous sommes opposés à cet article, parce qu'il prévoit un contrat unique, alors que, comme Mme K/Bidi, nous pensons qu'il faudrait prendre en compte la diversité des profils et des publics accompagnés.
En outre, alors que le travail doit être valorisé pour que le dispositif soit opérationnel, vous prévoyez simplement d'accroître les obligations auxquels sont soumis les allocataires du RSA et, à l'article 3, de développer le régime de sanctions qui leur est applicable. Autant dire que c'est un tour de vis !
Nous aurions souhaité, parce que nous croyons à un contrat d'engagement réciproque choisi, que les allocataires du RSA qui s'engagent librement à fournir des heures de travail bénéficient d'une bonification – mais les règles auxquelles notre assemblée est soumise nous empêchent de déposer un amendement en ce sens. Nous reviendrons en tout cas sur la question tout au long de l'examen de cet article, car elle est centrale.
Pour l'heure, nous sommes pris par le suspense : comment les chronométreurs du groupe LR évalueront-ils le slalom géant de M. le rapporteur et M. le ministre ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT.
L'article 2 de ce projet de loi vise à expliciter les droits et les devoirs des demandeurs d'emploi, notamment à travers un contrat d'engagement aux contours assez flous.
Sans surprise, même si nous sommes satisfaits de voir prise en compte la situation parfois compliquée des proches aidants, des travailleurs en situation de handicap ou encore des parents isolés, par exemple, nous ne pouvons accepter cet article dans son état actuel. Nous ne pouvons accepter qu'un contrat prévoyant des sanctions soit ainsi imposé aux demandeurs d'emploi.
De même, l'obligation de fournir quinze heures d'activité hebdomadaires n'est ni souhaitable, ni réalisable. Elle risque d'accroître la précarité de bon nombre de bénéficiaires du RSA et de les priver de leurs droits alors que certains, parmi eux, ont déjà travaillé et cotisé à l'assurance chômage.
En outre, comment croire que, demain, les conseillers Pôle emploi pourront accompagner de manière intensive les demandeurs d'emploi ? Comment pourraient-ils faire mieux, alors que le portefeuille de demandeurs d'emploi dévolu à chacun d'entre eux explosera ? En somme, vous proposez une fois de plus une mesure hors sol, irréalisable, qui risque de réduire la qualité de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, de priver ces derniers de leurs droits et d'accroître leur précarité, alors qu'ils vivent déjà dans des conditions très difficiles. En l'état, nous nous opposerons à cet article.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Le Président de la République a annoncé, à grand renfort de communication, que les allocataires du RSA devraient fournir quinze à vingt heures d'activité hebdomadaire. Mais cette promesse du Président n'était pas reprise dans la première version du présent texte. Heureusement, la droite sénatoriale a essayé d'y insérer cette idée, afin que la majorité puisse respecter cet engagement.
Ensuite, en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, cette même majorité a essayé, par un subtil jeu de bonneteau, de duper ses nouveaux alliés, ses meilleurs alliés, les députés du groupe LR, en leur faisant croire qu'il était possible d'instaurer une telle obligation. Ainsi, vous satisfaites vos alliés de circonstance tout en rendant gloire au Président de la République.
Néanmoins, vous le savez très bien, il est impossible d'obliger les allocataires du RSA à effectuer ces heures. Vous n'en avez pas les moyens financiers : la mesure coûterait au minimum entre 6 et 10 milliards d'euros, selon l'estimation produite à la fondation Jean-Jaurès et je n'ai connaissance d'aucune estimation concurrente.
Vous ne disposez pas non plus des moyens humains, vous manquez des conseillers nécessaires. Ceux qui suivent les allocataires dans le cadre du contrat d'engagement jeune, par exemple, y consacrent déjà un tiers de leurs temps de travail. Le contrôle permanent de l'activité est une gageure impossible à soutenir, à moins d'accroître les moyens humains.
En outre, les dispositifs en vigueur dans ce domaine ne sont déjà pas respectés. Le rapport de l'Igas sur le contrat d'engagement jeune montre que 20 % des bénéficiaires de ces contrats fournissent moins de cinq heures d'activité accompagnée hebdomadaires ; un tiers ne satisfont pas leurs obligations d'activité.
Toutes ces promesses sont impossibles à tenir ; elles ne sont que de la poudre aux yeux. Précisons enfin qu'alors que les différents orateurs évoquent souvent « quinze à vingt heures » d'activité, l'article 2 ne fixe pas de plafond, et prévoit « au moins quinze heures ». Bienvenue dans le monde du travail obligatoire !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Rappelons d'abord que l'objectif de notre groupe parlementaire est que chacun, dans notre pays, ait un travail ; que notre ambition plus générale est le redressement du pays.
Nous sommes tous liés par la Constitution. Le cinquième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, intégré au bloc de constitutionnalité, dispose que « chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Des politiques publiques ont été définies pour rendre ce droit effectif, notamment l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée.
Il est possible de trouver une trajectoire permettant à chacun de travailler, en respectant un parallélisme des droits et des devoirs, comme le permettra probablement le contrat d'engagement réciproque. À partir du diagnostic sur la situation d'un homme ou d'une femme, de son orientation, il faut établir un cahier des charges, dessiner un parcours lui permettant de retrouver sa place dans la société.
Soit l'on admet que certains soient laissés pour compte, isolés, l'on s'en contente, en renonçant à la République ; soit l'on considère qu'il faut coûte que coûte établir des protocoles d'insertion, dessiner des parcours, lesquels prévoient nécessairement des contreparties.
Dans l'intérêt des personnes, nous sommes favorables à l'instauration d'une logique de droits et de devoirs. Nos amendements sur cet article visent à offrir une réponse humaine, adaptée, dépourvue de dogmatisme.
Nous refusons que l'obligation de quinze heures d'activité que vous appelez de vos vœux soit appliquée mécaniquement. Oui, il faut tenir compte de la situation familiale des personnes, des handicaps et des problèmes de santé qui affectent certains, comme y invite l'un de nos amendements. C'est sur cette base que nous définirons notre position sur la suite de ce texte.
De grâce, allons de l'avant pour refondre le RSA. C'était une promesse du président Macron et la droite y tient.
Monsieur le ministre, nous y voilà. Après six ans de macronisme, vous allez enfin réaliser le rêve de tout capitaliste : le travail gratuit, ou presque – 7 euros de l'heure, au moins quinze à vingt heures d'activité obligatoire – car il n'est prévu ni plancher ni plafond. Mais où est votre maison ?
Sachant que le SMIC brut horaire est à 11,52 euros, il faudra donc travailler à 7 euros de l'heure pour bénéficier du RSA. Le contrat d'engagement réciproque est votre acte de guerre le plus abouti contre les demandeurs d'emploi, les allocataires du RSA, les personnes en situation de handicap, ainsi que leur famille – surtout leurs enfants, sur lesquels nous vous avons alerté à de nombreuses reprises.
Décidément la Macronie n'aime pas les plus pauvres.
Après ceux qui ne sont rien, voilà ceux qui n'ont plus rien parce que vous êtes incapables de lutter efficacement contre le chômage.
Comme d'habitude, vous préférez vous attaquer aux chômeurs car vous n'avez aucune considération pour la dignité. Vous ne cherchez qu'à créer une main-d'œuvre toujours plus docile. Vous voulez forcer les gens à accepter n'importe quel emploi sous-payé et pénible, qui détruit les corps, plutôt que d'exiger des employeurs de meilleures conditions de travail. Mais, à la fin, ce sont les opérateurs privés de placement qui vont se gaver !
Votre mesure n'a qu'un seul objectif : radier et stigmatiser des milliers de personnes, tout en augmentant les non-recours.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Cachez ces pauvres que nous ne saurions voir ! Voilà comment, selon vous, arriver au plein emploi.
Nous le savons : cette réforme fait suite à celle des retraites. Après avoir volé deux ans de vie aux Français, vous comptez maintenant leur voler ce qui leur reste de dignité !
Monsieur le ministre, votre gouvernement n'est qu'une machine à fabriquer des sans-droits corvéables à merci. Hier les sans-fac, les sans-abri, les sans-logement, les sans-emploi. Aujourd'hui, les sans-ressources. Il faut impérativement rejeter ce texte, honte de notre république sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont certains députés se lèvent. – Mme Sandra Regol applaudit également.
Le contrat d'engagement nous replace au cœur d'un débat vieux de deux siècles. Quelle est la définition de l'engagement ? C'est l'action de se lier par une promesse. Au sein de la République, une promesse dépasse toutes les autres, celle de notre devise, Liberté, Égalité, Fraternité. Et c'est votre tâche, monsieur le ministre, et celle du Gouvernement, de la tenir et non de la trahir.
Qu'en est-il de la promesse républicaine à l'égard des plus précaires ? Est-on libres et égaux quand on survit avec quelques dizaines d'euros par mois et qu'on a faim ? Est-on libres et égaux quand on vit sous la pression permanente d'intrusions dans sa vie privée et d'humiliants contrôles ? Où seront la liberté et l'égalité avec ces heures de travail forcé dans des conditions indécentes pour obtenir le minimum que la société doit à chaque individu et lui garantir un semblant de dignité ?
Je conclurai en citant un philosophe qui a les faveurs du Président de la République – peut-être cela vous inspirera-t-il une certaine sagesse. Paul Ricœur estimait que quelque chose est dû à l'être humain du seul fait qu'il est humain. Renoncez à ce contrat d'engagement !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Madame Panot, la honte de la République sociale, c'est le chômage de masse et les trappes à précarité. Certains constats devraient d'ailleurs vous alarmer : comment expliquer, et accepter, que sept ans après une première inscription au RSA, 42 % des bénéficiaires y sont toujours inscrits ? C'est le signe d'un échec collectif, auquel nous devons réagir.
Vous vous émouvez de la création d'un contrat d'engagement réciproque. Mais, lors de la création du revenu minimum d'insertion (RMI) en 1988, il existait déjà et, lorsqu'on est demandeur d'emploi, le projet personnalisé d'accès à l'emploi se traduit aussi par un contrat d'engagement réciproque, et la nécessité de produire des actes positifs pour justifier un tel accompagnement !
Derrière vos exclamations et ces fausses déclarations, c'est un autre débat qui se dessine : vous contestez la nature de l'allocation de retour à l'emploi, et celle du RSA. Il s'agit pourtant de dispositifs visant à accompagner ce retour et l'insertion par l'emploi.
En réalité, votre philosophie, c'est celle du revenu universel, celle d'un revenu sans conditions et sans contreparties.
Ce n'est pas la nôtre, les contreparties sont consubstantielles aux allocations dans notre pays : une allocation de retour à l'emploi signifie bien qu'il doit y avoir retour à l'emploi et, quand on parle de solidarité active, on sous-entend activité. Avec ce projet de loi, nous investissons en faveur de l'accompagnement et de l'insertion.
Quand le RMI a été créé en 1988, la loi disposait que 20 % des crédits affectés au RMI devaient être consacrés à l'insertion. En 1999, la proportion a été ramenée à près de 16 %, avant de disparaître en 2004. Résultat, seuls 8,5 % des crédits sont désormais consacrés à l'insertion. C'est ce qui explique la nécessité de réinvestir comme nous le faisons !
Je ne me résous pas – et je ne me résoudrai jamais – à ce que des hommes et des femmes soient condamnés au RSA pendant des années, voire des dizaines d'années. C'est pourquoi, comme M. Viry, nous plaidons pour des activités d'insertion, et une forme de contrepartie, mais aussi pour des adaptations tenant compte des difficultés de chacun – en matière de mobilité, de garde d'enfants, de handicap ou pour les aidants. Nous travaillons en ce sens. Nous acceptons également une forme de progressivité et je ne doute pas que l'examen des amendements nous permettra de converger vers un consensus, afin que notre politique d'insertion tienne enfin la promesse de 1988, que beaucoup ont oubliée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je suis saisi de huit amendements de suppression n° 8, 44, 128, 371, 490, 902, 1095 et 1350.
Sur ces amendements, je suis saisi par les groupes Rassemblement national, La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) et Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement n° 8 .
Contrairement aux dispositions prévues par le projet de loi, et notamment par son article 2 – dont nous demandons la suppression –, nous proposons de consacrer un droit opposable à l'accompagnement du bénéficiaire couplé à un minimum social inconditionnel, revalorisé, et ouvert aux jeunes actifs.
Alors que l'allocataire vit une situation sociale et professionnelle difficile qui le conduit à demander le RSA, un tel droit opposable inverserait la charge de la responsabilité. Il reviendrait dès lors à la collectivité, par le biais des politiques publiques, de garantir à l'allocataire un accompagnement adapté et d'organiser des services publics pour faciliter sa réinsertion sociale et professionnelle.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 44 .
Pourquoi considérons-nous que les quinze heures d'activité ne correspondent pas à la réalité ? Il ne s'agit pas de dogmatisme – il doit y avoir une forme d'engagement réciproque, même si nous aurions préféré qu'il soit libre et consenti, et non automatique. Vous faites le choix inverse. Dont acte.
Mais ces dispositions ne sont techniquement pas applicables. Pourquoi ? Par comparaison, le contrat d'engagement jeune concerne 330 000 jeunes, dont 40 % n'atteignent pas les quinze heures d'activité, 20 % se situant même autour de cinq heures. Comment, dans une logique de massification, proposer objectivement, effectivement, sincèrement quinze heures d'activité aux 2 millions d'allocataires du RSA ? Cela coûtera très cher et je ne suis pas certain que les crédits annoncés par le ministre au début de la discussion en commission suffisent…
Nous pouvons entendre la logique de contrepartie, mais contestons vigoureusement l'obligation mécanique. Vous cherchez à atterrir avec nos collègues LR en élaborant avec eux le texte de l'article – c'est le jeu – mais, je le répète, cela ne fonctionnera pas, sauf à consacrer à l'accompagnement des moyens sans commune mesure avec ce que vous avez jusqu'à présent annoncé.
C'est pourquoi nous vous proposons la suppression de l'article, afin de réfléchir ensemble à une rédaction plus pragmatique et opérationnelle.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 128 .
Si le RSA s'est inscrit dans une logique de droits et de devoirs, l'article 2 vient rompre cet équilibre. Les modalités de ce contrat d'engagement transforment un droit au travail en un devoir de travailler.
Le projet France Travail est aux antipodes d'une société écologiste : face à la plus grande crise à laquelle se trouve confrontée l'humanité, nous devons intégralement repenser notre rapport au temps – au temps de travail mais aussi au temps libre et libéré – et notre modèle de société, société dont la production, la consommation et le travail ne peuvent s'inscrire que dans le respect des limites planétaires.
Oui, monsieur le ministre, nous défendons un revenu universel d'existence sans conditions, garantie d'une vie digne. C'est pourquoi nous plaidons pour la suppression de cet article.
L'article 2 est le cœur du dispositif de cette loi, inversant la charge de la preuve et dénaturant la philosophie originelle du dispositif, contrairement à ce que vous affirmez en souhaitant inscrire votre action dans la lignée des initiateurs du RMI. Je me tiens justement à côté du siège sur lequel, il y a quelques semaines, a été apposée une plaque en hommage à Michel Rocard. Je ne veux pas parler en son nom,…
…mais ses héritiers vous le rappelleraient – il suffit d'ailleurs de relire les débats de l'époque : s'il est incontestable que la logique du RMI est contractuelle, puisqu'il prévoit des engagements pris la collectivité, et donc par l'ensemble de la société, mais aussi de la part du bénéficiaire, vous transformez le dispositif en imposant et, donc, en stigmatisant, en obligeant à exercer une activité sans offrir une rémunération à la hauteur.
Au cours de votre intervention, monsieur le ministre, vous m'avez semblé presque regretter la disparition des crédits d'insertion, autrefois mis à la charge des départements, à hauteur de 20 % puis 17 %. Chiche ! Rétablissez-les afin de rendre plus crédible la logique d'insertion et d'activité ! Accessoirement, rappelez-nous les obligations qui incombent à l'État en matière d'accompagnement de ces bénéficiaires.
Comme pour beaucoup des dispositions de votre texte, nous n'avons aucun chiffrage des moyens que va nécessiter l'accompagnement de ces bénéficiaires. Nous ne savons toujours pas quel budget vous comptez lui consacrer. Or le taux d'accompagnement de notre service public de l'emploi et de l'insertion est déjà deux fois inférieur à celui de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 490 .
Monsieur le ministre, vous voulez donner le sentiment que votre texte ne change rien à la philosophie de l'existant, ni ne va à l'encontre des décisions initiales, désormais lointaines.
Pourtant, on est en train de passer d'un droit à l'accompagnement à une obligation d'activité – on force les gens à accepter des emplois, y compris s'ils ne conviennent pas, dans des conditions parfois dégradées et en appliquant un nouveau régime de sanctions. Deuxième changement : on considère que la personne privée d'emploi est coupable de sa situation.
Or tout cela conduit à prendre des mesures qui ne conviennent pas. Vous prévoyez un contrat unique alors que les situations sont très diverses. Vous dressez la liste de tous les prétendus demandeurs d'emploi, en y incluant ceux qui ne le sont pas forcément. Vous imposez à tous le même régime d'obligations ou de sanctions, dénaturant ainsi les deux régimes, celui de l'assurance chômage et celui du RSA. Enfin, vous protocolisez l'accompagnement au maximum – en tout domaine, le protocole est votre passion. En résumé, il s'agira d'un contrat déséquilibré, obligatoire, piloté par les résultats. Cela renforcera les postures des uns et des autres, alors même qu'on ne sait rien de l'obligation d'activité, pas même quel volume horaire sera retenu puisque les précisions prévues dans le projet de loi sont absconses.
Cela ne fonctionnera pas, tous les acteurs et les actrices du secteur le disent et s'inquiètent de l'évolution de notre système d'« accompagnement ». Vous n'avez que ce mot à la bouche, mais c'est un système de punitions que vous instituez !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 902 .
L'article 2 reflète le fond de ce projet de loi : vous voulez supprimer le RSA, non seulement pour les bénéficiaires dont vous considérez qu'ils pourraient travailler, mais même pour les autres. Votre objectif ultime consiste à retirer l'allocation aux personnes qui ne se conformeraient pas à certaines exigences ; afin de faciliter cette suppression, vous instaurez ces exigences en vous assurant qu'elles ne pourront s'y conformer.
Comme je l'ai dit précédemment, ce texte ne prend pas en considération les problèmes de mobilité : comment feront les personnes qui ne peuvent se déplacer jusqu'à Pôle emploi pour se conformer à vos exigences ? Vous ne prévoyez pas la création d'antennes de proximité rurales – comme je l'ai suggéré –, qui auraient permis d'accéder directement à un conseiller de Pôle emploi. Le cœur du problème, c'est que vous instaurez les différents procédés qui vous permettront de bloquer les gens, afin qu'ils ne puissent répondre aux attentes ; vous pourrez ainsi leur supprimer le RSA.
Un autre aspect n'est pas pris en considération dans le texte : vers qui ces personnes privées de RSA se retourneront-elles, avec une détresse palpable puisqu'ils seront incapables de payer leurs factures et n'auront plus les moyens de se nourrir ? Vers les agents de la caisse d'allocations familiales (CAF) et de Pôle emploi. Or ces derniers sont déjà régulièrement menacés et mis en danger. Comment allez-vous tenir compte de cet enjeu de sécurité ?
La parole est à M. Benjamin Lucas, pour soutenir l'amendement n° 1095 .
L'article 2, que cet amendement vise à supprimer, illustre toute la brutalité sociale de votre politique. Après les déclarations d'autres membres du Gouvernement ces derniers jours, on pourrait résumer ainsi la politique gouvernementale : « Aux riches, Bruno demande ; des pauvres, Olivier exige. »
Vous voulez imposer un contrat sans consentement – ce n'est donc pas véritablement un contrat d'engagement. Suivant un échange de bons procédés, vous le proposez avec une droite sarkozyste que vous combattiez jadis, depuis les bancs que nous occupons aujourd'hui, lorsqu'elle faisait la chasse aux plus pauvres et aux plus précaires. Dans certains départements dirigés par la droite, elle expérimentait alors la politique que vous souhaitez désormais appliquer.
Monsieur le ministre, je vous invite à donner un avis favorable à ces amendements de suppression et à revenir à la raison, à votre engagement premier pour la dignité des plus précaires et à ce qui fonde notre république sociale : l'égale dignité des êtres, le respect dû à tous les individus, notamment aux allocataires du RSA. Avec ce contrat d'engagement, une fois de plus, vous stigmatisez ces derniers, vous les injuriez et vous les brutalisez. Ce n'est pas à la hauteur de ce que devrait être une politique dans la république sociale que nous chérissons – je l'espère – sur ces bancs.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 1350 .
L'article 2 transforme le projet personnel d'accès à l'emploi (PPAE) en un contrat d'engagement, quels que soient les orientations ou les besoins réels des personnes concernées, qu'elles soient privées d'emploi, indemnisées ou non. Parmi les obligations du contrat d'engagement figure l'accomplissement, par les bénéficiaires du RSA, de quinze à vingt heures d'activités non définies, au minimum.
Alors que le report de l'âge légal de départ à la retraite va produire 100 000 bénéficiaires du RSA supplémentaires et provoquer plusieurs dizaines de milliers de situations d'invalidité ou de handicap, le Gouvernement souhaite à tout prix éviter des dépenses supplémentaires. Pour ce faire, il prévoit des sanctions et des radiations, et décide de mettre au travail de force ou de suspendre les allocations.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous agitez l'éternel chiffon rouge des emplois vacants et des difficultés de recrutement. Cela a pourtant été dit à plusieurs reprises : pour 355 000 emplois vacants, la France compte 5 millions de personnes ayant besoin d'un emploi, soit un emploi vacant pour quatorze personnes. Le compte n'y est pas et le plein emploi est bien un mythe, un leurre.
L'article 2 a pour objectif de forcer les personnes privées d'emploi à accepter n'importe quel emploi, qu'il soit mal payé, précaire ou pénible. Il constitue une attaque sans précédent contre des personnes en situation de grande pauvreté. C'est pourquoi nous souhaitons sa suppression.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Avis défavorable, sans surprise. Je profite de l'occasion pour vous apporter quelques éléments de réponse, puisque nous n'avons manifestement pas la même lecture de ce texte, malgré les échanges nourris en commission. Le projet de loi introduit un nouveau contrat d'engagement, plus clair et plus lisible, que nous avons décidé de nommer, dans le cadre de nos travaux en commission, « contrat d'engagement réciproque ». Celui-ci implique une discussion et un dialogue préalable à son élaboration, et n'est donc pas imposé. Son contenu oblige aussi l'organisme référent : ce n'est pas neutre.
L'article 2 précise également la notion d'activité, que vous feignez de confondre avec le travail. La sémantique est importante : si nous avions voulu parler de quinze heures de travail, nous l'aurions inscrit ainsi dans le texte. Nous parlons bien d'heures d'activité, qui tiendront compte de la situation particulière de l'intéressé eu égard à tous les éléments inscrits dans le texte, en rapport notamment avec les freins périphériques : la mobilité, la garde d'enfant, la situation de proche aidant, etc.
Depuis hier vous nous accusez d'encourager la radiation : c'est tout à fait le contraire de ce que nous proposons. Les mécanismes sociaux – la sécurité sociale, les caisses de retraite – sont assis sur les cotisations salariales. Or l'évolution démographique nous est défavorable ; nous avons besoin de nous assurer que le plus grand nombre puisse nourrir ces services indispensables à notre quotidien, grâce aux cotisations.
Enfin, vous nous faites un mauvais procès d'intention en nous accusant de nous attaquer aux plus fragiles, alors que nous voulons leur permettre de s'émanciper et de sortir de la grande précarité. À n'en pas douter, ces quelques éléments nourriront les débats sur les nombreux amendements déposés sur l'article 2.
Monsieur le rapporteur a tout dit. Avis défavorable sur ces amendements qui tendent à supprimer un dispositif essentiel au projet de loi.
Comme moi, plusieurs collègues ont rappelé que l'absence de consentement lors de la conclusion du contrat d'engagement posait un problème. Dans l'article 2 figure la notion d'offre raisonnable d'emploi, pour laquelle le consentement fait également défaut : une sanction est prévue en cas de refus d'une ORE.
Il s'agit donc d'un contrat de travail conclu sous la contrainte par le demandeur d'emploi. Le code du travail précise pourtant que le contrat de travail est soumis aux mêmes obligations que les autres contrats, notamment l'exigence d'un consentement.
En matière de droit du travail, nous sommes encore plus inquiets par le fait que cette ORE est déterminée selon une zone géographique et un niveau de salaire. Or dans n'importe quel contrat de travail, le salaire et le lieu d'exercice de l'emploi sont considérés comme des éléments essentiels, que l'employeur ne peut modifier sans l'accord du salarié. Avec cet article, vous dites à tous les salariés que désormais, le lieu de travail et le salaire peuvent être modifiés par leur employeur comme bon lui semble et qu'ils seront obligés d'accepter ces modifications. C'est une dérive réelle du droit du travail.
Dire aux personnes les plus pauvres, démunies et très éloignées de l'emploi, que leur consentement n'a pas d'importance et qu'on peut leur imposer ce que l'on souhaite, est une dérive très concrète du droit du travail qui devrait nous inquiéter.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Les collègues de mon groupe Les Républicains, en particulier Philippe Juvin, Thibault Bazin et Stéphane Viry, le diront à nouveau : il n'y a pas de suspense quant à notre position puisque nous sommes le parti du travail.
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes également le parti du mérite. Il s'agit de ne pas tout mélanger : le texte vise à instaurer des mesures de réciprocité. Certains donnent l'impression de découvrir l'eau chaude, mais de telles mesures existent dans plusieurs départements depuis 2016 : quinze à vingt heures d'insertion, de formation ou de coaching personnel.
Mme Ségolène Amiot s'exclame.
Les retours à l'emploi sont bien plus nombreux.
On peut aussi envisager le travail comme une liberté sociale. Je suis très choqué d'entendre le Rassemblement national annoncer qu'il votera, comme La France insoumise, à l'encontre de la notion de travail. En tant que parti du travail, nous aurons l'occasion, par différents amendements, d'apporter des corrections et des ajustements concernant les personnes handicapées et les aidants familiaux, qui ne peuvent travailler.
Le travail est parfois une liberté ; dans certains pays, on se bat pour travailler, car c'est la première des libertés sociales. Les Français souhaitent vivre du revenu de leur travail et non d'allocations et de l'assistanat.
Mme Émilie Bonnivard et M. Thibault Bazin applaudissent vivement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 134
Majorité absolue 68
Pour l'adoption 45
Contre 89
Il vise à faire de l'article 2 le contraire de ce que vous souhaitez. En nous fixant pour objectif la reconnaissance d'un droit opposable à l'accompagnement pour tout allocataire du RSA, nous voulons en effet inverser le dispositif que vous prévoyez d'instaurer.
Tout à l'heure, j'ai parlé de la création du RMI durant le second septennat de François Mitterrand.
Permettez-moi de revenir à sa Lettre à tous les Français, adressée au moment de la création du RMI : « l'important est qu'un moyen de vivre ou plutôt de survivre soit garanti à ceux qui n'ont rien ». Voilà la porte d'entrée : la garantie de la survie. L'accompagnement de la société permet l'insertion, qui peut être sociale ou professionnelle.
Par la reconnaissance à un droit opposable pour tous les allocataires du RSA, notre objectif est précisément de sortir de la logique de stigmatisation inhérente à vos quinze à vingt heures d'activité – peut-être même plus, puisque vous avez dit, monsieur le ministre, que le nombre d'heures n'était pas plafonné. Il s'agit d'activités obligatoires, qui doivent être effectuées dans des conditions inconnues, sous peine de sanctions.
C'est le contraire de l'insertion, le risque de plonger dans la précarité ceux qui ne pourront les effectuer et qui verront leur allocation suspendue. Nous savons désormais que les conditions de suspension n'ont pas d'effet positif sur l'insertion des bénéficiaires – nous en reparlerons. Bref, revenons à la lettre et à l'esprit qui étaient à la source de la création du RMI et du RSA.
Monsieur le ministre, vous l'avez dit tout à l'heure et je vous en remercie : avec mes collègues du groupe Écologiste – NUPES, nous défendons la belle et grande idée du revenu universel et inconditionnel d'existence. La base de la pédagogie étant la répétition, comme vous le savez depuis la réforme des retraites – avec un grand succès vous concernant –, je ne résiste pas à la tentation de vous répéter les mots de Paul Ricœur selon lesquels l'exigence que « quelque chose est dû à l'être humain du seul fait qu'il est humain » a toujours été reconnue.
Nous avons avec vous une divergence idéologique en matière de cadre conceptuel : vous croyez à la société productiviste, où l'individu n'existe que par sa fonction économique ; nous croyons à autre chose. Vous estimez qu'à des droits doivent correspondre des devoirs ; nous considérons que le droit à la dignité et à la survie doit être inconditionnel, garanti et préservé par la puissance publique. C'est le sens de la devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité et de deux siècles de république et de progrès sociaux, malgré les coups que vous leur portez régulièrement. Pendant que vous faites la chasse aux pauvres ,
Murmures sur les bancs du groupe RE
Tel est l'objectif de l'amendement n° 870 portant sur le revenu universel d'existence. Il n'est cependant pas surprenant, eu égard à vos errements idéologiques depuis quelques années, que vous ne puissiez pas comprendre cette réflexion.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES – Mme Ersilia Soudais applaudit également.
D'abord, monsieur le ministre, je souhaite vous adresser un avertissement de nature méthodologique. Je vais contredire votre propos, je ne vais pas vous insulter. Donc, s'il vous plaît, restez cool !
M. Benjamin Lucas applaudit.
Cet amendement prévoit la remise, chaque année, d'un rapport sur l'application des sanctions prises à l'encontre des allocataires du RSA, ce qui permettrait le suivi de la disposition que vous souhaitez mettre en œuvre mais dont nous espérons qu'elle ne sera pas, au bout du compte, votée. Il vise surtout à pointer une situation aberrante. Nous devons légiférer sans connaître les conséquences concrètes pour les allocataires du RSA des sanctions prises à leur égard, lesquelles existent depuis toujours. Semaine après semaine, mois après mois, vous avez été incapables de nous donner des chiffres et pis, de les demander à votre administration.
J'ai été abasourdi à la lecture de la note qui m'a été transmise lundi soir par le directeur général de la Cnaf – Caisse nationale des allocations familiales –, à la suite de ma demande vendredi dernier. En effet, en commission des affaires sociales, plusieurs parlementaires vous ont demandé ces chiffres et vous avez répondu que vous ne les aviez pas. Par ailleurs, le directeur général de la Cnaf nous a dit que personne ne lui avait jamais demandé de produire des études de cette nature. Je veux le remercier et le féliciter car la Cnaf m'a fait l'honneur de répondre à la demande que j'ai formulée en ma qualité de coprésident de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.
Alors que nous légiférons sur un dispositif aussi essentiel, je suis abasourdi que vous n'ayez pas eu la curiosité de demander ces chiffres. Néanmoins, je comprends car les premiers chiffres dont nous disposons n'attestent pas de la véracité de votre postulat selon lequel la sanction favoriserait mécaniquement l'insertion professionnelle ; bien au contraire. J'ai l'honnêteté de vous le dire, la Cnaf a indiqué ne disposer que de données parcellaires, mais celles-ci permettent déjà de réaliser des analyses. Elle conclut sa note en précisant qu'à partir de 2024, elle disposera de données départementales.
Je suis sûr que vous donnerez un avis de sagesse sur cette demande de rapport parce qu'elle doit permettre d'évaluer…
Le président coupe le micro de l'orateur.
Nous avons déjà débattu de cette question hier soir, mon avis n'a pas changé : il reste défavorable.
Exclamations sur les bancs des groupes, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Monsieur Guedj, je note un progrès méthodologique dans votre intervention car vous avez reconnu que les données étaient parcellaires. Vous auriez pu être complet, dans la mesure où…
Je vous ai écouté, laissez-moi finir ma phrase.
Vous faites une mauvaise interprétation du début de la note qui vous a été remise. Le 21 septembre, vous avez demandé des éléments. La Cnaf vous a précisé qu'aucune méthodologie n'avait été définie et qu'il n'existait pas d'études. Le 25 septembre, les services de la Cnaf vous ont adressé un document, en appelant votre attention sur d'importantes précautions méthodologiques et pas uniquement sur le caractère parcellaire du document. Dès lors, ne tirez pas de conclusions d'un document qui n'en appelle pas.
C'est comme l'expérimentation, il ne faut pas tirer de leçons trop vite !
Pour revenir aux amendements n° 373 et 870 , la majorité s'est toujours opposée à la création d'un revenu universel qui serait totalement opposable, sans condition ; c'est une trappe à précarité. Nous sommes dans une logique de droits s'accompagnant de devoirs et de contreparties. Le revenu universel est une aberration – pardon de le dire ainsi –, une trappe à pauvreté…
…et relève d'une forme d'hypocrisie selon laquelle, parce qu'on a donné quelques centaines d'euros, on a mené une politique sociale. Cela s'appelle de la charité ou de la bonne conscience.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Je reviens sur les propos de notre collègue relatifs à la question du travail et de l'émancipation, dont nous avons déjà débattu lors de la réforme des retraites. Il est indécent, de la part de personnes refusant catégoriquement de toucher aux poches des actionnaires pour financer la formation, l'innovation ou l'augmentation des salaires, de parler ainsi d'émancipation par le travail. C'est d'autant plus indécent lorsque ces mêmes personnes refusent que les salariés prennent part à la décision relative au partage de la valeur.
M. Benjamin Lucas applaudit.
À un moment où de nombreux salariés considèrent qu'il faut réinterroger le sens du travail, vous refusez les nécessaires évolutions relatives à la réduction du temps de travail et aux conditions de travail. L'émancipation par le travail nous intéresse pourtant ; c'est justement le sens des solutions et des propositions que nous formulons dans ce texte.
Deuxièmement, je souhaite poser une question à M. le ministre. Mes collègues ont brillamment défendu les amendements relatifs au contrat d'engagement réciproque, qui soulève des questions en matière d'heures d'activité, de travail gratuit et de contrat de travail. Lorsque vous aurez suspendu le RSA, qui est le minimum vital bénéficiant à des personnes déjà en grande précarité, que se passera-t-il ? Où iront ces gens ?
Iront-ils gonfler les rangs des banques alimentaires ? Se rendront-ils dans leur CCAS – centre communal d'action sociale ? Demanderont-ils de l'aide à leur collectivité, dont les finances sont déjà exsangues ? L'État sera de nouveau absent. Je veux simplement savoir : que se passera-t-il pour ces personnes ? Lorsqu'elles seront expulsées de leur logement, devront-elles solliciter le FSL – fonds de solidarité pour le logement – ou pointer au 115 ? Que feront les services de l'État lorsque ces personnes se verront nier tous leurs droits : après le droit au travail, le droit au logement, le droit à se nourrir, le droit à se vêtir ? Que deviendront-ils ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Nous nous opposerons à ces amendements de la NUPES. Je comprends l'intention : affirmer que les dispositions proposées sont de nature à bafouer notre système de protection sociale. Je ne le crois pas. En effet, aujourd'hui, on perçoit des allocations pour compenser les risques liés à la vie, telle la perte d'un emploi ; celles-ci ne sont pas remises en question.
En revanche, il faut entendre le sentiment d'injustice sociale qui monte. D'un côté, des personnes ont l'impression de trimer sans obtenir aucun soutien,…
…de l'autre, des personnes sont aidées alors même qu'elles pourraient prendre un emploi. Pas toutes, il est vrai : il ne faut pas généraliser, certaines personnes rencontreront des difficultés pour obtenir un emploi, il faut en tenir compte.
La valeur travail pose problème, c'est une réalité, un véritable sujet de préoccupation. Certains font croire qu'on pourrait bénéficier de revenus inconditionnels – voire font l'éloge de la paresse –, que chacun pourrait faire le choix de ne pas travailler même lorsqu'il n'existe aucune raison objective le justifiant. Notre contrat social se fonde pourtant sur des droits et des devoirs, il risque d'être rompu si cet équilibre n'est pas maintenu. La confiance dans notre système de protection sociale, le consentement à l'impôt, qui finance les services publics, et aux cotisations, qui financent les assurances sociales, pourraient être ébranlés.
Attention, un système dépourvu de toute réciprocité – tel que l'octroi de revenus inconditionnels – menacerait dangereusement les liens qui nous lient. Nous avons le droit d'être accompagnés mais nous avons aussi le devoir, lorsque nous le pouvons, d'apporter notre pierre à la société, de créer de la valeur. Il faudra, bien entendu, aider à s'en sortir ceux qui en ont besoin, qui sont victimes d'accidents de la vie. Toutefois, tout l'édifice risque de s'effondrer si l'on ne réhabilite pas la valeur travail et le sens de nos engagements.
Je le répète, je suis défavorable à la demande de rapport comme aux amendements visant à transformer le RSA en revenu garanti. Mais je souhaite répondre à l'interpellation de Mme Faucillon.
La seule sanction prévue par le droit en vigueur est la radiation. Quelle que soit leur couleur politique, tous les départements de France y procèdent. Cela peut entraîner des difficultés et donner lieu à des prises en charge. Parfois, les dossiers sont réexaminés. Nous proposons de créer un nouveau type de sanction, à caractère temporaire, la suspension-remobilisation.
S'il respecte de nouveau les engagements contractuels qu'il a pris, l'allocataire concerné se verra réattribuer ses droits. Nous débattrons tout à l'heure du caractère rétroactif de ce versement si une échéance d'allocation a sauté – pardonnez-moi l'expression.
Ainsi, nous créons un niveau de sanction plus rapide à mettre en œuvre, plus effectif mais moins sévère que celles en vigueur.
L'amendement n° 373 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 23
Contre 74
L'amendement n° 870 n'est pas adopté.
L'amendement n° 374 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 549 .
L'amendement n° 549 est retiré.
Il tend à supprimer l'alinéa 5.
Monsieur le ministre, vous affirmez que le RSA, c'est la charité. Mais pour faire sortir les gens d'un tel dispositif, il n'y a que deux solutions : créer des emplois ou faire disparaître les bénéficiaires.
Exclamations sur les bancs du groupe HOR.
Par votre texte, vous cherchez justement à les faire disparaître.
Par ailleurs, je rappelle à M. Bazin qu'il y a huit fois plus de demandeurs d'emploi que d'emplois disponibles. Voilà bien une « raison objective » conduisant à ne pas travailler !
Deux questions reviennent depuis le début de l'examen du texte, celle des heures d'activité et celle du contrat. Je ne suis pas opposé à la notion d'activité, d'ailleurs déjà mise en pratique. Mais est-elle au service de l'insertion professionnelle ou est-elle envisagée comme une contrepartie à la solidarité ? Dans ce dernier cas, elle devient un outil d'exclusion, et c'est justement la conséquence de votre choix d'en faire un exercice contraignant. Au contraire, lorsqu'elle est un outil d'accompagnement, le dispositif fonctionne très bien. On ne peut forcer quelqu'un à exercer une activité.
Il en est de même du contrat passé avec les demandeurs d'emploi, qui a toujours existé : il peut être un outil d'accompagnement, mais votre façon de l'aborder en fait plutôt un outil d'exclusion, notamment parce que vous l'avez uniformisé. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'amendement vise à supprimer l'alinéa 5, relatif au diagnostic global. Le contenu de ce dernier est prédéfini, puisqu'il sera rédigé sur le fondement du référentiel élaboré par le comité national France Travail. La singularité des parcours des demandeurs d'emploi sera dès lors très peu prise en considération, alors même que France Travail sera confrontée à des personnes aux profils très hétérogènes. Je vous rappelle que, selon le collectif Alerte, 32 % des contrats d'engagement réciproque prévoient des actions qui visent l'accès aux soins, 21 % des actions relatives à la famille et à la parentalité et 13 % des actions favorisant l'accès au droit.
C'est dire à quel point les besoins varient et ne sont pas tous directement liés à l'emploi.
L'autre raison pour laquelle ce contrat nous semble devenir un outil d'exclusion…
M. le président coupe le micro de l'orateur.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 641 .
Devons-nous accompagner les demandeurs d'emploi vers l'insertion ? Nous sommes tous d'accord sur ce point. Faut-il prévoir une démarche particulière pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, afin qu'elles retrouvent le chemin vers l'emploi ? Là encore, nous sommes tous d'accord. Mais pourquoi obliger les demandeurs d'emploi à signer un contrat ?
Il reviendra à Pôle emploi de faire signer le contrat d'engagement réciproque par les bénéficiaires du RSA, dans le cadre d'une démarche de retour à l'emploi. Mais tous les bénéficiaires du RSA ne sont pas en situation d'employabilité. Ils sont même généralement très éloignés de l'emploi. Or vous partez du principe que le contrat doit prévoir quinze heures d'activité. Comment avez-vous déterminé ce chiffre ? À quoi correspond-il ? Dans le cas des personnes les plus éloignées de l'emploi, dans un premier temps, un tel quota est trop important. À l'inverse, à partir du moment où elles auront entamé une démarche de retour à l'emploi, leur besoin d'accompagnement pourrait dépasser ce seuil.
Je parle d'« accompagnement » plutôt que d'« activité » puisque ce dernier terme n'est pas défini. Nous ne savons toujours pas ce qu'est une activité. Le fait d'aller chez le coiffeur ou à la salle de sport sera-t-il considéré comme une activité ? Chaque dossier doit être examiné au cas par cas. Fixer un nombre d'heures au hasard n'a aucun sens.
Il faut donc prévoir un dispositif flexible et déterminer au cas par cas le nombre d'heures nécessaire.
Chers collègues, je vais recentrer la discussion sur vos amendements. Ceux-ci visent à supprimer l'alinéa 5 de l'article 2. Or cet alinéa a trait à l'élaboration du contrat d'engagement réciproque, notamment à l'étape du diagnostic préalable, dont il serait dommage de se priver. Avis défavorable.
Même avis que le rapporteur.
Monsieur le ministre, puisque vous avez évoqué le pacte républicain, je souhaiterais vous rappeler l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « [La nation] garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
Alors que le nombre des chômeurs est huit fois plus élevé que celui des emplois disponibles, le pacte républicain exige que l'on permette aux 2 millions d'allocataires du RSA de vivre convenablement. Or, avec 600 euros par mois, on ne vit pas : on survit ! En outre, votre projet de réforme prévoit que le versement de cette allocation puisse être suspendu. Ainsi, lorsque cette réforme s'appliquera concrètement, des personnes, des familles, se retrouveront à la rue. En adoptant ce projet de loi, vous allez créer du « sans-abrisme ».
Vous nous parlez d'émancipation par le travail, mais faut-il vous rappeler la situation dans laquelle se trouve le pays ? À cause de l'inflation, 45 % des Français ont des difficultés à se payer des médicaments,…
« Chacun a le devoir de travailler » : c'est également dans le préambule !
…34 % d'entre eux ont du mal à payer leur loyer et leurs charges, 45 % peinent à acquitter leurs factures d'énergie et 43 % à s'acheter des produits frais et des légumes. Parmi eux se trouvent des travailleurs ! Ainsi, vous demandez à des personnes d'occuper des emplois qui ne leur permettront pas de vivre convenablement dans un contexte de pénurie d'emplois.
Puisque vous évoquez le pacte républicain, j'aimerais vous rappeler que vous êtes ministre du travail et que votre fonction vous oblige…
La vôtre aussi !
…à aider une personne rémunérée au Smic à payer son loyer et les médicaments dont elle a besoin plutôt qu'à priver de toit des centaines de milliers de familles auxquelles vous allez retirer une allocation qui leur permet, non pas de vivre, mais de survivre !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Monsieur Boyard, vous avez raison de vous référer au préambule de la Constitution de 1946. En effet, le peuple français y « proclame, […] comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après : […] Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. » Et – je le rappelle cette fois à l'intention de l'extrême droite et du Front national – « nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. » Voilà qui répond aux extrêmes qui siègent de part et d'autre de cet hémicycle.
Le contrat d'accompagnement dont nous débattons consiste à aider chacun de ceux qui sont en situation de travailler à accomplir son devoir et à satisfaire son droit à l'emploi. Nous y sommes !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 107
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 30
Contre 77
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante.
La séance est reprise.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement n° 376 .
Nous proposons, par cet amendement d'appel, de supprimer toute référence au diagnostic initial dans le contrat d'engagement. Nous estimons en effet qu'à l'instar des pratiques des missions locales, le diagnostic doit être remis en cause très régulièrement et ne doit pas servir de base de référence inamovible, au risque d'assigner le demandeur d'emploi à la situation qui était la sienne quand il s'est inscrit.
Nous croyons, plus largement, que l'accompagnement par la collectivité doit conduire la personne accompagnée à penser elle-même l'évolution et la transformation de son diagnostic, donc de ses projets professionnels et privés.
Avis défavorable. Il est prévu, en particulier à l'alinéa 5, que le diagnostic puisse être révisé dès lors que la situation de l'intéressé est évidemment susceptible d'évoluer. En tout état de cause, il serait dommage de se priver du diagnostic préalable à la signature du contrat d'engagement, qui permet de s'assurer que seront prises en compte toutes les problématiques liées à l'environnement de l'intéressé.
L'amendement n° 376 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement n° 649 .
Il s'agit d'un amendement de repli, qui vise à exclure les personnes ayant demandé le RSA du périmètre des personnes soumises à l'obligation de signer un contrat d'engagement réciproque et ainsi à les exempter des quinze heures d'activité hebdomadaires. Si cet amendement était adopté, n'auraient donc à signer un tel contrat que les personnes en recherche d'emploi, les jeunes en Pacea ou en CEJ et les personnes en situation de handicap accompagnées par Cap emploi.
Avis défavorable. Je rappelle que, depuis l'instauration du revenu minimum d'insertion (RMI), les bénéficiaires sont soumis à un certain nombre de devoirs identifiés par une contractualisation.
L'amendement n° 649 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit de consacrer le consentement de la personne lors de la conclusion de son contrat d'engagement, comme c'est le cas dans le droit en vigueur. Les termes « librement débattu » sont en effet mentionnés, en l'état du droit, à propos du projet personnalisé de l'allocataire du RSA.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 1143 .
Le présent amendement vise à réintroduire dans le texte la notion essentielle de contrat d'engagement « librement débattu », à savoir fondé sur le consentement du demandeur d'emploi. On ne peut en effet s'engager dans une démarche d'insertion, de recherche d'emploi sans qu'elle soit librement débattue, librement consentie.
Si, monsieur le ministre, nos amendements ne vous convainquent pas, nous espérons qu'au moins vous entendrez l'avis de la Défenseure des droits : « […] l'efficacité des mesures fixées dans le contrat d'engagement implique qu'elles aient été conjointement définies par l'usager et son référent. Sur ce point, le projet de loi semble marquer un pas en arrière dans la mesure où sont supprimées les mentions d'un contrat "conjointement élaboré" ou "librement débattu" par l'usager et son référent. Le législateur doit maintenir ces notions dans la loi, afin de conserver le principe d'un projet de réinsertion dans l'élaboration duquel le bénéficiaire du RSA doit avoir toute sa place. »
Écoutez en outre les professionnels de l'accompagnement de l'insertion et les professionnels de l'accompagnement dans l'emploi. Je suis moi-même conseillère d'orientation psychologue : nous n'accompagnons pas des jeunes, dans leur orientation scolaire et professionnelle, indépendamment de l'exercice de cette liberté, exercice grâce auquel on se mobilise, on se projette. Entendez-nous, j'y insiste, et respectez ce principe essentiel.
Mme Ersilia Soudais applaudit.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 494 .
Je souhaite à nouveau vous convaincre, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, de la nécessité de réintroduire la notion de contrat « librement débattu », afin que le contrat d'engagement repose moins, comme ici, sur une asymétrie de fait entre les deux parties contractantes, que sur un minimum de réciprocité. Le fait que ce contrat puisse être librement débattu est une des conditions de la réussite de la disposition. Au reste, tout accompagnement ne peut pas résider dans l'existence d'un seul contrat : la présence humaine, l'écoute, la prise en compte de chaque situation sont en effet nécessaires.
Or le risque est que des protocoles soient mis en place qui permettraient d'échapper à cette condition nécessaire d'un contrat librement débattu et librement consenti. Pour assurer ce moment d'échange d'idées, il faut du temps, un nombre suffisant de référents – ce qui nous ramène à notre désaccord.
La réintroduction de cette notion nous paraît décisive pour empêcher que le contrat d'engagement ne soit imposé et pour faire en sorte que la personne contractante y soit pleinement partie prenante. C'est d'autant plus important que ce contrat déterminera la suite : la vie de l'intéressé pendant la période concernée, mais aussi son éventuel retour à l'emploi puisque l'offre raisonnable d'emploi va également dépendre des stipulations du contrat. Il est donc essentiel que la personne participe à l'élaboration du contrat et qu'elle ne le subisse pas. Le texte doit être, de ce point de vue, beaucoup plus explicite.
Je rappelle qu'il s'agit d'un contrat d'engagement « réciproque », qui prévoit donc bien les engagements des deux parties, à la fois le référent de l'organisme concerné et l'intéressé. Je préciserai tout de même, puisque c'est apparemment nécessaire, que l'article 2 dispose bien que l'intéressé « élabore » avec l'organisme référent, le contrat d'engagement réciproque. Nous avons d'ailleurs insisté, hier, sur le fait qu'on peut être accompagné de la personne de son choix. Si ce que je dis ne vous satisfait pas, je ne sais pas trop qu'ajouter. J'émets donc un avis défavorable, à moins que vous ne retiriez vos amendements.
Il ne suffit pas de le dire, il faut l'inscrire dans le projet de loi !
Même avis pour les mêmes raisons.
Les bénéficiaires des minima sociaux, contraints d'accepter des emplois à la petite semaine, se retrouveront soumis à un contrat de travail, donc dans une situation de subordination par rapport à un employeur. Qui plus est, dans le cas où le contrat d'engagement sera négocié avec un organisme privé, vous imaginez bien que ce dernier en imposera les stipulations. Ces opérateurs privés seront donc dotés d'une force de coercition, de chantage vis-à-vis de leurs interlocuteurs puisque ces derniers seront soumis, j'y insiste, à un contrat de travail signé dans une relation de subordination. Ou alors ils se retrouveront dans une situation de faiblesse puisqu'ils pourront être exclus du bénéfice d'un minimum social – c'est la sanction que vous prévoyez pour les demandeurs d'emploi qui repousseraient une offre censée ne pas être refusée.
Au passage, ceux que vous appelez des demandeurs d'emploi ne le sont pas pour une très grande majorité. Pour eux, devoir accepter un travail payé en dessous du Smic représentera un coût qu'ils ne pourront supporter : une femme seule devra faire garder ses enfants ; il faudra se déplacer parfois dans un endroit lointain, non desservi par les services publics de transports.
Pour toutes ces raisons, les bénéficiaires de minima sociaux ne peuvent pas être contraints de s'adresser à des organismes privés qui, de plus, devront rémunérer des actionnaires. Or le profit qu'ils réaliseront à cette fin sera le fruit d'un prélèvement sur la rémunération des personnes concernées dans l'hypothèse où elles gagneraient dignement leur vie.
Vous allez envoyer de force sur le marché du travail une masse de personnes qui entreront en concurrence avec celles qui perçoivent déjà un minimum social tel que le Smic.
Depuis le début de l'examen du texte, vous nous faites un procès d'intention.
Il faut vraiment arrêter de voir le pire dans chaque alinéa de chaque article.
Pour en revenir au contrat d'engagement réciproque, à vous entendre, le conseiller d'insertion pourrait y faire figurer ce qu'il souhaite. C'est très mal connaître le métier d'accompagnement des conseillers d'insertion et des travailleurs sociaux.
Vous ne faites confiance ni à leurs compétences, ni à leur travail d'accompagnement, ni à leurs évaluations, à leurs diagnostics, vous n'avez pas du tout confiance non plus en leur capacité à construire avec les demandeurs d'emploi et les bénéficiaires du RSA un contrat d'engagement réciproque.
Moi aussi j'ai travaillé dans le social et je puis vous assurer que j'ai rencontré plus d'une fois des bénéficiaires du RSA sans aucun suivi depuis plus d'un an – aussi leur sentiment est-il celui d'être abandonnés. Je ne m'y résous pas.
L'amendement n° 494 n'est pas adopté.
Je fonde mon intervention sur l'article 56 du règlement. Le ministre déclarait tout à l'heure qu'il n'avait jamais cru au revenu universel d'existence ; or il a soutenu publiquement un candidat à la présidentielle qui en avait fait le cœur de son projet. Je souhaite donc savoir si on peut vérifier l'identité…
Votre intervention n'a rien à voir avec l'article 56 du règlement ; je vous remercie.
M. le président coupe le micro de M. Benjamin Lucas. – M. Paul Vannier applaudit l'orateur.
Vous avez bien fait de poser cette question, monsieur le député Lucas. Je suis l'un des deux députés du groupe socialiste de la législature de 2012-2017 à ne pas avoir signé le parrainage de Benoît Hamon pour l'élection présidentielle, précisément à cause de sa proposition d'instaurer un revenu universel.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans la continuité des précédents, le présent amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à garantir que le consentement de l'allocataire du RSA, au moment de la signature de son contrat d'engagement, sera libre, éclairé et exprès, et que les actions contenues dans ce même contrat seront adaptées et pertinentes. En effet, en l'état du projet de loi tel qu'adopté par le Sénat, le consentement du bénéficiaire du RSA n'est pas recherché. En outre, les actions qui seront inscrites dans le contrat d'engagement ne doivent satisfaire à aucune qualité : elles pourront donc être en total décalage avec la vie et les projets de l'allocataire.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 289 .
Il s'agit, à l'alinéa 5, après le mot : « réciproque », d'ajouter les mots : « librement débattu ». Nous en avons déjà longuement discuté, mais j'insisterai sur le fait qu'il n'est pas question à nos yeux de laisser penser que les professionnels imposeraient, parce qu'ils le voudraient, un parcours que l'allocataire ne souhaiterait pas. Il doit en effet y avoir une discussion d'égal à égal entre un allocataire qui veut retrouver un emploi par le biais d'un engagement, et un professionnel de l'insertion qui crée les conditions d'un parcours qui ne doit pas être uniformisé.
L'une des craintes que provoque ce texte est le nombre vertigineux d'allocataires susceptibles de devoir signer un contrat d'engagement réciproque. Aussi, pour que la mesure envisagée soit appliquée selon un calendrier raisonnable et pour que les professionnels ne soient pas amenés à uniformiser le cadre de leur accompagnement, nous souhaitons qu'apparaissent, j'y insiste, les termes « librement débattu » afin de garantir la tenue d'un débat entre l'allocataire et le référent.
Mes arguments étant les mêmes que pour les amendements précédents, mon avis reste défavorable.
Même avis.
D'abord, la réciprocité suppose des relations d'égal à égal. Ensuite, il ne s'agit en rien de remettre en cause la confiance en qui que ce soit. D'ailleurs, un tel champ lexical et un tel mode de raisonnement n'ont pas lieu d'être ici – ce n'est pas le sujet. En effet, nous légiférons et ce qui n'est pas dans la loi n'y est pas, quelle que soit, en l'occurrence, la volonté, bonne ou non, de tel ou tel professionnel. Quand la loi n'est pas précise, quand elle ne dit pas que le consentement éclairé de l'intéressé est requis, le consentement éclairé de l'intéressé n'est pas requis.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous souhaitons, au minimum, que l'élaboration du contrat d'engagement se fasse dans le respect des projets, des besoins et des souhaits de l'allocataire du RSA. Il s'agit ici d'introduire un garde-fou tant il est vrai qu'en l'état actuel du texte, il est possible de passer outre la volonté de l'allocataire, de ne pas tenir compte de ses projets, pour lui faire signer à tout prix son contrat.
Je rappelle que l'alinéa 10 dispose que le contrat signé par le demandeur d'emploi « tient compte notamment de sa formation, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles et extraprofessionnelles, » – nous avons évoqué hier le monde associatif – « de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation locale du marché du travail ». Je demande le retrait de vos amendements ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
J'appuie l'intervention de notre collègue Bergantz. En effet, toute cette série d'amendements marque une terrible défiance vis-à-vis des conseillers d'orientation.
M. David Valence applaudit.
Mme Simonnet nous disait tout à l'heure qu'elle était psychologue. Avez-vous une idée de ce qu'est un conseiller d'orientation à Pôle emploi, dans une association intermédiaire, dans un plan local pour l'insertion et l'emploi (PLIE), au sein de la mission locale ? Pensez-vous vraiment que le conseiller va aller à l'encontre des souhaits du demandeur d'emploi ? Pensez-vous qu'il va lui proposer un emploi à 60 kilomètres de chez lui s'il n'a pas de véhicule ?
Mme Danielle Simonnet s'exclame vivement.
Pensez-vous qu'il va lui proposer un travail commençant à six heures du matin s'il doit garder ses enfants ? Les conseillers d'orientation sont formés, qualifiés pour discuter avec le demandeur. Vraiment, vous qui prétendez à longueur de temps défendre les agents de Pôle emploi, vous montrez, à travers vos amendements, la défiance qu'ils vous inspirent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe RN, ainsi que sur les bancs des commissions.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour un rappel au règlement. Sur quel article se fonde-t-il, chère collègue ?
Cela ne vous arrive jamais ?
Veuillez indiquer sur quel article de notre règlement vous vous fondez, madame Simonnet.
Sur l'article 70, alinéa 3, monsieur le président.
Je viens d'être attaquée et nommément citée. Laissez-moi vous dire que les professionnels ont conscience de leur métier.
Il n'est pas possible de répondre sur le fond dans le cadre d'un rappel au règlement, madame Simonnet.
Certains collègues se livrent à des manipulations un peu grossières sous-entendant que nous serions des adversaires des agents de Pôle emploi. Quand on se souvient de l'audition des représentants des organisations syndicales, qui ont unanimement critiqué votre projet de loi et dit tout le mal qu'elles en pensent, cela fait presque sourire, pour ne pas dire doucement rigoler.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Pourquoi cherchons-nous à préciser le cadre ? Parce que vous allez enfermer les personnels de Pôle emploi dans des contraintes. À cet égard, notre collègue Dalloz rappelait tout à l'heure la résistance de nombre d'entre eux lors de la redéfinition des offres raisonnables d'emploi. Pareille résistance se produira à nouveau avec ce texte, car les agents ont envie de faire leur travail, notre volonté étant de garantir qu'ils pourront le faire librement.
J'y insiste, vous cherchez à contraindre, à cadrer les choses au maximum, afin que l'institution impose un protocole. Nous essayons de protéger les agents vis-à-vis de cette trajectoire et de faire en sorte que les allocataires soient effectivement accompagnés par une personne humaine qui prendra en compte leur situation.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.
L'amendement n° 397 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l'amendement n° 1823 .
Ce qui nous semble important dans la notion d'accompagnement, à laquelle le groupe Démocrate tient beaucoup, ce n'est pas tant le nombre d'heures d'activité accomplies que leur fréquence. En effet, certains allocataires n'ont pas été accompagnés pendant de nombreuses années et l'enjeu, pour les travailleurs sociaux, est d'abord de les revoir régulièrement. Qui en a fait l'expérience, en tant que responsable d'une association agissant dans le domaine de l'emploi ou encore en tant qu'élu local, sait bien que certaines personnes sont très éloignées de l'emploi. Ce qui compte est donc de créer du lien de manière régulière.
De plus, outre la fréquence, la montée en charge de l'activité des demandeurs d'emploi est également importante, car s'il faut parfois commencer doucement pour se rapprocher de l'emploi, il convient ensuite d'accroître l'effort et l'accompagnement.
Cher collègue, je partage votre volonté d'adapter le dispositif qui est ici proposé, afin de nous placer au plus près de l'individu. Nous pouvons aborder la question de la fréquence ou encore de la progressivité des heures d'activité, mais je vous donne plutôt rendez-vous lors de l'examen de l'alinéa 9 de cet article 2. Dans cette attente, je demande le retrait de l'amendement, à défaut de quoi l'avis sera défavorable.
C'est en effet à l'alinéa 9 qu'il nous paraît le plus pertinent de revoir certaines dispositions, notamment afin de mieux cibler et de mieux accompagner des publics spécifiques comme les personnes élevant seules leurs enfants ou les personnes en situation de handicap. En effet, si j'adhère au sens de cet amendement, celui-ci n'apporte pas de précisions concernant ces publics spécifiques. Je demande donc également son retrait.
…mais je tiens vraiment à ce que la philosophie générale du texte comprenne les notions de fréquence et de montée en charge de l'activité des demandeurs d'emploi.
L'amendement n° 1823 est retiré.
La parole est à M. Dominique Da Silva, pour soutenir l'amendement n° 1291 .
Il vise à rappeler qu'un contrat d'engagement valide doit être respecté aussi bien par l'organisme référent que par le demandeur d'emploi, au nom de la logique des droits et devoirs. Je rappelle à cet égard qu'un rapport thématique de la Cour des comptes de 2022 avait mis en évidence que seuls 20 % des allocataires disposent d'un contrat en cours de validité. Peut-être ce point peut-il être réglé par la voie réglementaire : quoi qu'il en soit, je l'aborde par cet amendement.
Nous avons déjà eu cette discussion. L'alinéa que vous proposez d'ajouter par cet amendement figure d'ores et déjà dans le nouveau contrat d'engagement qui devra être signé par les deux parties dans un délai défini par décret. En tout état de cause, une convention juridique conclue dans les formes prévues par la loi oblige automatiquement ses signataires sans qu'il soit nécessaire de le préciser dans le texte. Je demande donc le retrait de l'amendement, à défaut de quoi l'avis sera défavorable.
Je demande également le retrait de l'amendement, celui-ci étant effectivement satisfait par la rédaction du nouveau contrat d'engagement.
L'amendement n° 1291 est retiré.
En introduction, permettez-moi de rappeler les raisons de notre opposition catégorique au contrat d'engagement. En premier lieu, nous contestons le mensonge du Gouvernement consistant à faire passer les chômeurs pour les responsables du chômage alors que, je le répète, il existe plus de 5 millions de chômeurs pour à peine 360 000 emplois présentés comme vacants. Ensuite, nous contestons résolument la violence qui accompagne le contrat d'engagement, lequel oblige les allocataires au travail gratuit et à accepter n'importe quel emploi dans la mesure où il les place sous la menace d'une radiation et, partant, d'une perte de leurs droits. Enfin, nous contestons absolument la logique de ce contrat, qui repose au fond sur une vision profondément méprisante des allocataires, systématiquement perçus comme des assistés qu'il faudrait surveiller, obliger et diriger.
Je tiens à rappeler que s'inscrire à Pôle emploi est un acte volontaire et que, dans leur écrasante majorité – en la circonstance, les exceptions confirment la règle –, les personnes au chômage, qui sont privées d'emploi, veulent retrouver du travail. Oui, les allocataires veulent sortir de la pauvreté, sortir de la précarité, retrouver un travail et une vie sociale. Mais votre contrat d'engagement indique au contraire que vous considérez systématiquement ces personnes comme des fraudeurs en puissance.
Pour notre part, nous voulons à l'inverse reconnaître l'élan, le caractère positif des personnes privées d'emploi, qui cherchent un travail. Voilà pourquoi le présent amendement vise à ce que le contrat d'engagement ne puisse être modifié qu'à la demande de l'allocataire concerné, afin de ne pas ajouter de la précarité et ne pas bouleverser davantage des situations déjà si difficiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Un amendement identique à celui-ci a été examiné en commission et a recueilli un avis défavorable.
Défavorable.
Ce qui finit par me préoccuper, c'est l'insistance majeure avec laquelle vous repoussez l'ensemble des amendements visant à faire de la personne concernée, alors qu'il s'agit tout de même du minimum syndical, un acteur de sa propre formation, de son retour à l'emploi et du règlement de freins périphériques, comme disent les technocrates, qui l'empêchent…
On m'interpelle sur le terme « réciproque », mais c'est justement ce que je disais précédemment. L'intérêt du travail parlementaire, voyez-vous, est d'essayer de faire progresser des arguments. En l'espèce, j'en emploie un autre et insiste sur le fait qu'on note une insistance majeure de votre part à repousser tout ce qui permettrait au demandeur d'emploi de participer activement – ce devrait être son droit – aux décisions qui vont effectivement le concerner et qui ne sont pas de petites décisions dans la mesure où elles ont trait au travail.
L'amendement n° 1358 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l'amendement n° 638 .
Dans la perspective d'atteindre le plein emploi, l'objectif principal du contrat d'engagement doit être l'insertion professionnelle du demandeur d'emploi, mais faute d'être suffisamment précise, la rédaction de l'alinéa 7 de l'article 2 – l'ensemble du texte souffre souvent d'une grande confusion – ne rend pas compte de cet objectif. En tant que force d'opposition, mais aussi de construction, nous proposons chaque fois que cela est possible d'apporter au projet de loi la précision qui lui manque. En l'occurrence, le contrat d'engagement n'existe et ne peut définir des engagements réciproques qu'en vue de la réalisation de l'objectif poursuivi : l'insertion professionnelle du demandeur d'emploi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
L'amendement est satisfait, chère collègue : l'alinéa 9 de l'article 2 mentionne bien les « objectifs d'insertion sociale ou professionnelle ». Je vous demande donc de bien vouloir retirer l'amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
L'amendement n° 638 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 496 .
Monsieur le ministre, nous pensons que vous avez omis des mots à l'alinéa 7 de l'article 2, c'est pourquoi nous proposons ici de préciser que les actions entreprises pour accompagner un demandeur d'emploi sont bien effectuées dans le cadre du service public de l'emploi. Cette précision nous semble de la plus haute importance, d'autant plus qu'elle mettrait en cohérence vos intentions déclarées avec les actes prévus par la loi.
Dans l'étude d'impact attachée au projet de loi, afin d'asseoir votre réforme, vous avez fait référence à diverses conventions et notamment la convention n° 88 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Cette dernière engage à « entretenir […] un service public et gratuit de l'emploi », et à veiller à la qualité des emplois proposés, à la liberté de choix du demandeur d'emploi, ainsi qu'à l'acquisition des qualifications nécessaires pour occuper un emploi. Ce sont des choses auxquelles nous sommes particulièrement attachés et nous estimons que pour les garantir, comme le dit l'OIT, il faut un service public de l'emploi.
Il n'est selon nous pas superfétatoire de le spécifier dans le texte et en ne le faisant pas, il nous semble que vous vous éloignez grandement de l'existence d'un véritable service public de l'emploi, ou du moins d'un accompagnement des demandeurs d'emploi assuré par un tel service public.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Il est défavorable. Nous n'avons en effet pas la même lecture des choses. La précision que vous demandez me semble inutile pour les demandeurs d'emploi qui seront de fait suivis par le service public de l'emploi et peu pertinente pour ceux qui seront orientés vers les organismes d'insertion sociale.
Même avis défavorable. Nous avons déjà eu ce débat hier soir avec certains de vos collègues, madame Faucillon. Pour rappel, s'il est vrai que certains acteurs pouvant être mobilisés sont des personnes privées, à l'instar des associations ou des entreprises solidaires d'utilité sociale, votre amendement n'en demeure pas moins satisfait. Par cet amendement, vous souhaitez restreindre l'accompagnement des demandeurs d'emploi aux personnes publiques, mais cette question a été tranchée hier.
L'amendement n° 496 n'est pas adopté.
Combien d'amendements ont été adoptés en dehors de ceux de M. le rapporteur ?
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 537 .
Le rapporteur a fait adopter en commission un amendement qualifié par lui de rédactionnel et que nous proposons de supprimer pour revenir à la version initiale du texte, ce qui devrait emporter votre accord, chers collègues. En effet, les mots « du demandeur d'emploi » figuraient dans la première version de l'alinéa 7, ce qui avait le mérite de mettre en adéquation ce que nous demandions et ceux à qui nous le demandions. Or si le projet de loi est adopté en l'état, ce ne sont plus les seuls demandeurs d'emploi qui seront concernés par le contrat d'engagement, mais l'ensemble des inscrits, y compris ceux qui ne l'auront pas souhaité : les inscrits de force à France Travail. Voilà ce que la présente version du texte prévoit et c'est pourquoi nous voulons vous aider à rétablir le projet de loi dans sa rédaction initiale, qui était davantage en accord avec les objectifs poursuivis.
La présente version de l'alinéa 7 tient compte des modifications que nous avons apportées à l'article 1er . Par souci de cohérence, je suis donc défavorable à votre proposition.
L'amendement n° 537 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ma collègue Elsa Faucillon l'a dit, le projet de loi souffre de nombreux oublis – je suis désolé de vous le dire –, mais il comporte également beaucoup d'ajouts inutiles.
Le présent amendement vise ainsi à élaguer quelque peu le texte en supprimant les mots « et, le cas échéant » à l'alinéa 7, afin que les actions de formation et la levée des freins périphériques à l'emploi fassent systématiquement partie des engagements pris par les organismes référents.
Nous avons également eu ce débat hier soir. À cet égard, je rappelle que tous les bénéficiaires n'ont pas nécessairement des freins périphériques à lever en matière d'emploi – il convient de le préciser. Les mots « et, le cas échéant » permettent d'envisager toutes les solutions, c'est pourquoi mon avis sur cette proposition demeure défavorable.
Même avis.
Je me permets de faire remarquer aux membres de la majorité relative qu'une des forces de la langue française est sa précision.
Nous sommes en faveur du maintien de l'expression « le cas échéant », car le texte ainsi rédigé contraindrait les organismes chargés de l'accompagnement – tâche qu'ils réaliseront, nous l'espérons, de la meilleure façon possible, même si cela semble mal parti – à faire un travail qui n'exclue personne et qui prenne en compte toutes les situations.
L'amendement n° 497 n'est pas adopté.
Il vise à conforter une avancée majeure réalisée grâce à l'adoption d'un amendement du groupe Socialistes et apparentés en précisant que les aides à la mobilité figurent parmi les engagements pris par l'organisme en charge de l'accompagnement du demandeur d'emploi. La question de la mobilité est prise en compte par le texte, mais il ne mentionne pas les aides à la mobilité, c'est-à-dire l'engagement concret de la puissance publique pour accompagner l'allocataire du RSA et le demandeur d'emploi.
Il vise à prendre en compte, ici encore de façon précise, ce qui peut éloigner une personne de l'emploi, outre le déficit de compétences, de diplômes ou d'acquis professionnels. Parmi ces facteurs, celui de la mobilité est important, vu le manque de résultats des politiques d'aménagement du territoire et du transport, se traduisant notamment par l'absence de gratuité des transports en commun, alors que vous auriez pu mobiliser les moyens pour la financer.
J'ajoute que l'objectif du plein emploi demande une réflexion sur la mise en œuvre d'une politique de planification écologique – et notamment sur les moyens alloués à l'action sociale entendue au sens large – pour sortir de la crise écologique. Du travail, il y en a ! Le plein emploi ne sera pas atteint par les mesures autoritaires d'accompagnement que vous avez imaginées. Il le sera grâce à une réflexion sur l'organisation globale de la société.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Mes camarades ont excellemment exposé les raisons pour lesquelles nous appelons à voter ces trois amendements.
Monsieur le président, j'ai déjà demandé qu'il soit vérifié que c'est le même Olivier Dussopt que celui ayant pris d'autres positions dans le passé qui est présent au banc des ministres.
Monsieur le ministre, nous avions tous deux signé en 2008 un texte appelé Un monde d'avance – aujourd'hui, ce serait plutôt « une trahison de retard »…
Dans ce texte, nous dénoncions tous les deux la vision de Nicolas Sarkozy de la précarité, qui le conduisait à accuser « implicitement les chômeurs d'être responsables de leur situation ». Avec l'article 2 de votre projet de loi, vous faites exactement ce que vous dénonciez alors avec force et, il faut bien le reconnaître, avec un certain talent, y compris sur les bancs de cet hémicycle.
Je renouvelle donc ma demande pour que l'on vérifie que c'est le même Olivier Dussopt que celui qui avait écrit ce texte en 2008 qui est présent aujourd'hui au banc des ministres, afin de garantir qu'il n'y a pas d'usurpation d'identité ou qu'il ne s'agit pas d'un sosie ou d'une intelligence artificielle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Un monde d'avance ? Nous avons vu comment vous avez fait avancer le monde lorsque vous étiez au pouvoir !
Je suis d'accord sur le fond de ces amendements, mais sur la forme, la rédaction adoptée par le Sénat doit être maintenue, car l'expression « freins périphériques » est plus englobante. Avis défavorable.
Même avis.
Je suis satisfait, car les débats avancent : après les amendements de suppression de l'article 2 déposés par les groupes de la NUPES manifestant leur opposition au contrat d'engagement réciproque, nous discutons maintenant d'amendements déposés par ces mêmes groupes visant à améliorer le contenu du contrat, notamment sur la question de la mobilité ,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
qui est prise en compte pour établir le diagnostic, base du contrat d'engagement, lors du premier entretien entre le conseiller et le demandeur d'emploi.
M. Arthur Delaporte a demandé la parole avant M. Catherine Couturier, mais je vois qu'il la lui cède élégamment.
La parole est donc à Mme Catherine Couturier.
Monsieur le rapporteur, nous sortons d'une réunion de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation au cours de laquelle, lorsque nous avons discuté des articles 4 et 10 de ce projet de loi, vous avez mentionné les freins à l'emploi que constituent la mobilité, la petite enfance…
Votre discours dans l'hémicycle est donc en pleine contradiction avec les propos que vous avez tenus lors de cette réunion !
Exclamations sur les bancs du groupe Renaissance.
Ces amendements visent à prendre en compte les problèmes de la mobilité, qui sont un frein au retour à l'emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 203 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 166 .
Il vise à apporter des garanties quant aux obligations de l'organisme référent vis-à-vis du demandeur d'emploi dans le cadre du contrat d'engagement réciproque.
Cette réciprocité est déséquilibrée, car les devoirs pèsent principalement sur le demandeur d'emploi.
Parmi les freins périphériques à l'accès au travail, la mobilité est un enjeu essentiel, principalement pour les habitants des territoires ruraux – et j'en prends toute la mesure, puisque je viens d'un département rural. Je ne vais pas tous les énumérer, mais le logement, qui traverse actuellement une crise, est également un frein important, tout comme la santé, notamment les difficultés psychologiques.
L'organisme référent doit présenter des garanties précises que ses actions répondent à ces enjeux afin de permettre un retour durable à l'emploi. Nous ne pouvons nous contenter d'éléments flous ou optionnels.
Nous sommes d'accord, mais le danger d'énumérer tous les freins à l'emploi est d'en oublier un. L'expression générique de « freins périphériques » permet d'englober tous les problèmes que vous avez évoqués, et je rappelle que l'article 10, que défendra le moment venu la corapporteure Christine Le Nabour, a précisément vocation à répondre à celui que représente l'accueil du jeune enfant.
Avis défavorable.
L'alinéa 10 de l'article 2 mentionne la « situation personnelle » et les « besoins » du demandeur d'emploi, ce qui permet de prendre en compte tous les freins que vous avez listés, monsieur Peytavie, sans pour autant figer dans le texte de loi des critères dont on ne pourrait pas sortir. Le risque d'une législation a contrario serait d'enfermer les travailleurs sociaux dans une liste de critères empêchant de tenir compte de besoins plus spécifiques.
Je comprends votre volonté de ne pas circonscrire afin d'éviter d'exclure certaines situations. Toutefois, les organismes référents peuvent être publics ou associatifs, ce qui nous rassure, mais ils peuvent être également privés, à but lucratif. Dans ce dernier cas, la logique de rentabilité risque de nuire à la qualité de l'accompagnement. Pour prévenir ce risque, nous proposons de borner précisément les obligations de ces organismes.
L'amendement n° 166 n'est pas adopté.
Oui, dans un esprit constructif, qui est d'ailleurs celui de ces amendements. Nous acceptons en effet d'entrer dans une logique – celle de correspondance de droits à des devoirs – que nous contestons pourtant. Je remarque d'ailleurs que vous ne l'appliquez qu'aux plus précaires : notre collègue Arthur Delaporte l'a très bien démontré lors de la discussion générale en prenant l'exemple du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Vous êtes beaucoup plus exigeants pour lier des devoirs à des droits avec les plus pauvres qu'avec les plus riches, comme en témoignent les cadeaux fiscaux que vous leur offrez.
Mais imaginons que nous adoptions cette logique absurde et inepte et que vous débitez comme une évidence alors qu'elle n'est justifiée par aucun principe républicain qui pourrait nous fédérer. Nous visons alors à assurer par ces amendements que la puissance publique remplisse ces devoirs en matière de garde d'enfant, de logement et d'accès aux soins. De cette manière, aux devoirs que vous imposez aux plus précaires correspondront des droits bien réels. Vous devrez donc bien reconnaître que nous sommes très constructifs et nous attendons que vous soyez également en donnant un avis favorable à ces amendements.
Nul besoin d'un avis favorable, puisque vos amendements sont satisfaits par la mention des « freins périphériques ». Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis.
Chat échaudé craint l'eau froide… Or nous avons été échaudés par l'expérience de la garantie jeunes : je rappelle que ce dispositif d'accompagnement des jeunes gens vers la formation ou l'emploi a finalement davantage bénéficié à ceux pour lesquels il était plus facile d'accéder à la formation et à l'emploi, tant en raison du sous-financement des missions locales qu'en raison du manque de clarté de leurs obligations vis-à-vis des jeunes.
Écrire noir sur blanc les obligations des organismes référents permettrait de garantir qu'ils aient la capacité, notamment financière, de les remplir. Après l'expérience du serrage de kiki des missions locales chargées du dispositif de la garantie jeunes, cela nous semble indispensable. Notre belle langue nous permet d'énumérer les principaux freins – la garde d'enfant, le transport, le logement – et d'ajouter à cette énumération une expression telle qu'« ainsi que d'autres freins périphériques ». Pourquoi refusez-vous de mentionner spécifiquement certains freins ? Il y a forcément une raison !
Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et LR.
Je vous ai écoutée sans vous interrompre.
Depuis 2017, le budget des missions locales a augmenté de 52 %. C'est un chiffre de l'Union nationale des missions locales (UNML).
Leur budget n'avait jamais autant augmenté afin de leur permettre de mieux fonctionner.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je vais donner la parole à deux orateurs, MM. Arthur Delaporte et Nicolas Turquois, avant le vote des amendements.
La parole est à M. Arthur Delaporte.
Vos avis défavorables à ces amendements, sous prétexte qu'ils seraient satisfaits, sonnent comme une reconnaissance de la non-effectivité des droits qu'ils mentionnent. Comment en effet appliquer ces droits aux situations individuelles si les moyens ne suivent pas ?
Parmi les questions que nous vous posons depuis quelques jours figurent les motifs des sanctions, mais aussi les trajectoires à prévoir en matière de ressources humaines : combien d'agents recruter pour combler le déficit d'accompagnement que nous dénonçons ? Comment assurer une prise en charge individualisée s'il n'y a qu'un conseiller pour 300, 400 ou 700 personnes ?
Si vous refusez d'inscrire ces droits dans le texte, c'est que vous craignez qu'ils deviennent opposables. Vous préférez rester dans le flou en affirmant que nos amendements sont satisfaits. Le problème, c'est que ceux qui trinqueront, ce sont les allocataires souffrant d'un manque d'accompagnement. On leur reprochera de n'avoir pas tenu leurs engagements sans se demander s'ils avaient vraiment les moyens de le faire.
De nombreux témoignages montrent que les personnes confrontées à des problèmes de garde d'enfants ou de mobilité sont sanctionnées et perdent le bénéfice du RSA. C'est cette logique que vous renforcerez en rendant automatique leur inscription sur les listes de demandeurs d'emploi et en ajoutant de nouveaux engagements.
Didier Le Gac a prétendu que nous étions contre le contrat d'engagement réciproque. C'est faux, puisque ce sont précisément les députés du groupe Socialistes qui ont introduit, par amendement en commission, la notion de réciprocité dans le texte initial. C'est parce que, pour nous, il y a aussi des devoirs qui incombent à l'accompagnant, c'est-à-dire à l'État. En l'occurrence, vous refusez qu'il les remplisse.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Aucune des trois missions locales de mon département ne m'a dit craindre pour ses capacités à prendre en charge les jeunes. Ce qu'elles redoutent, c'est que le texte ne tienne pas suffisamment compte du caractère global de l'accompagnement.
Il faut aussi bien voir qu'un travail doit être fait auprès des entreprises accueillant des personnes éloignées de l'emploi afin qu'elles leur appliquent une approche différente favorisant confiance, solidarité et efficacité. Je pense ici à un établissement et service d'aide par le travail (Esat) de ma circonscription dont les travailleurs accomplissent leurs activités dans des entreprises hors les murs. C'est une démarche tous azimuts qu'il faut privilégier. Procéder en dressant des listes ne convient pas car suivant les personnes, les critères ne seront pas les mêmes et tous ne pourront pas figurer dans le texte.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 1730 .
L'examen en commission nous le confirme, nous ne disposons actuellement d'aucune garantie financière, humaine ou technique de nature à nous assurer que les personnes handicapées inscrites automatiquement sur les listes de France Travail bénéficieront d'un accompagnement adapté. La nature du contrat d'engagement ne fait qu'accroître nos doutes, car il s'applique uniformément à toutes et à tous, comme si tout le monde avait les mêmes possibilités d'accès à l'emploi. Non, nous n'avons pas les mêmes facilités suivant que l'on est une mère célibataire, que l'on est âgé de 62 ans et sans emploi, que l'on est en situation de handicap. Ce contrat d'engagement est marqué par une indifférence aux questions de précarité, dans la logique de la réponse que Mme la Première ministre a faite à une femme handicapée ne touchant pas l'allocation aux adultes handicapés (AAH), en lui suggérant de « peut-être reprendre une activité professionnelle », comme si tout n'était qu'une question de volonté, comme si le handicap n'était pas la première cause de discrimination en France.
Rappelons que près de 10 % des demandeurs d'emploi et 21 % des bénéficiaires du RSA sont en situation de handicap. Les personnes handicapées peuvent avoir des besoins particuliers qui, s'ils ne sont pas pris en compte par les conseillers du service public de l'emploi, risquent d'être totalement invisibilisés, ce qui les exposerait à des sanctions.
Dans ce contexte, le groupe Écologiste appelle à préciser quels sont les freins périphériques auxquels peuvent être confrontés les demandeurs d'emploi en situation de handicap.
Je reste convaincu que la notion de « freins périphériques » est englobante. Nous nous retrouverons quand nous aborderons les questions de formation des accompagnants et des personnes appelées à apprécier la nature de ces freins.
Avis défavorable.
L'amendement n° 1730 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 375 .
Cet amendement prévoit la désignation d'un référent unique au sein de l'organisme et la fixation d'une durée hebdomadaire pendant laquelle il se rendra disponible pour se consacrer à l'accompagnement personnalisé du demandeur d'emploi tout au long du contrat. Nous ne pouvons que souscrire à l'objectif du Gouvernement de garantir un accompagnement personnalisé, nous l'avons dit, mais pour cela, il faut des professionnels dédiés, or nous attendons toujours les annonces en ce domaine.
Prenons le cas de l'expérimentation, dont M. le rapporteur se félicite régulièrement. Les recrutements qui ont été faits pour une période de neuf mois ont coûté près de 600 euros par allocataire, soit 1 000 euros à l'échelle d'une année. Pour les 2 millions de personnes supplémentaires, il faudrait donc dégager 2 milliards d'euros. Or ces milliards sont absents. Plutôt que d'inscrire dans le texte un accompagnement générique sans effectivité, nous vous demandons de garantir que chaque allocataire pourra être aidé par un référent qui lui soit dédié.
Défavorable également.
L'amendement n° 375 n'est pas adopté.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 48 .
La proposition que nous formulons dans cet amendement pourra apparaître d'ordre sémantique, mais elle nous semble intéressante à défendre d'un point de vue pragmatique. Tout le monde cherche à assurer aux allocataires un accompagnement dans la durée. Au lieu du « référent unique » du texte actuel, il nous paraît plus conforme à la réalité du terrain de mentionner un « référent principal », compte tenu de la durée des parcours et de la pluralité des acteurs à mobiliser. Cet interlocuteur assurerait le suivi des étapes vers le retour à l'emploi, qui est l'objectif que nous poursuivons toutes et tous ici, tout en faisant appel à d'autres acteurs qui contribuent aussi à la réussite de ce parcours.
Cette modification pourrait être dangereuse. Hier, vous insistiez sur la nécessité de protéger les données personnelles des allocataires ; or, en faisant intervenir une multitude de référents, vous ne feriez qu'augmenter le nombre des personnes qui y ont accès. Par ailleurs, il s'agit d'un contrat d'engagement réciproque qui engage les deux signataires. Je préfère que nous nous en tenions au référent unique. Avis défavorable.
Même avis.
Le problème, monsieur le rapporteur, c'est que cela n'est pas adapté à la situation actuelle. Un demandeur d'emploi inscrit à Cap emploi et suivi par Pôle emploi peut avoir un référent dans chacun des deux organismes. Et au sein même de Pôle emploi, il arrive qu'une personne ait un référent principal pour l'accompagnement et un autre référent pour le calcul de l'indemnisation. Un référent unique ferait perdre à l'accompagnement sa dimension collégiale.
Affirmer que cela représente un danger, cher Paul Christophe, n'est pas sérieux. Cela ne correspond en rien à ce que j'ai dit. Nous en discutions avec plusieurs de mes collègues, je crois au rôle que peut jouer le référent principal en tant qu'interlocuteur pivot entre la personne accompagnée et une multiplicité d'acteurs.
Plus grave, vous avez dit que le contrat engageait les deux signataires. Or l'allocataire du RSA ne signe pas avec Jean-Claude ou Stéphane de France Travail, mais avec l'institution en tant que telle !
Sinon, il n'y aurait plus de référent si l'accompagnant était en arrêt maladie.
Il me semble donc plus juste de parler de référent principal plutôt que de référent unique. Je suis en désaccord profond avec votre argumentation, qui est en décalage avec la réalité.
L'amendement n° 48 n'est pas adopté.
Sur les amendements n° 538 et identiques, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de plusieurs amendements, n° 1732 , 538 , 1146 et 1731 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 538 , 1146 et 1731 sont identiques.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 1732 .
Cet amendement part d'une inquiétude profonde quant à la capacité des équipes du service public de l'emploi à accompagner décemment et dignement les personnes en situation de handicap qui vont rejoindre, par vagues entières, les listes de demandeurs d'emploi. Il est de la responsabilité de l'État de garantir à toute personne, valide ou pas, un accompagnement de qualité dans sa recherche d'emploi. Cet amendement vise à s'assurer que chaque agent soit formé aux enjeux liés au handicap.
M. le rapporteur a lui-même reconnu en commission que la formation de l'intégralité des agents de France Travail était un objectif vers lequel nous devions tendre. Il nous a invités à déposer un amendement en ce sens, ce que nous faisons aujourd'hui. Cependant, contrairement à ce qu'il suggère, nous considérons que les référents uniques ne doivent pas se contenter de disposer d'une connaissance des enjeux liés au handicap, mais recevoir une formation réelle, dispensée par un organisme agréé. En outre, ce ne sont pas seulement les agents accompagnant des personnes en situation de handicap qui doivent être ainsi formés, mais l'intégralité des agents. En effet, il faut souvent attendre des années avant qu'un handicap fasse l'objet d'un diagnostic puis d'une reconnaissance de la part de l'administration. Nous ne pouvons prendre le risque que des personnes dont le handicap n'a pas encore été reconnu soient injustement sanctionnées par des agents non formés.
Nous proposons donc dans cet amendement ambitieux qu'une formation au handicap soit dispensée à tous les agents de France Travail tous les trois ans. J'aimerais, chers collègues, vous rendre attentifs au retard enregistré en matière de formation au handicap dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation ou du travail.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 538 .
Nous nous sommes inspirés de l'important amendement que nos collègues du groupe Écologiste ont déposé en commission. Comme l'a souligné Sébastien Peytavie, de trop nombreux agents de la fonction publique ne sont pas formés à l'accompagnement des personnes en situation de handicap. Notre amendement apporte seulement une précision, en faisant mention du handicap psychique. Nous savons que beaucoup de personnes souffrent de troubles psychiques et la formation aiderait les agents à mieux les identifier.
Inscrire dans la loi cette obligation de formation, c'est faire en sorte que le Gouvernement prenne le nécessaire engagement d'offrir un meilleur accompagnement aux demandeurs d'emploi.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 1146 .
J'ajouterai à ce qui vient d'être dit que nous sommes toutes et tous attachés à l'accessibilité universelle et que nous devrions avoir conscience du fait que les personnes en situation de handicap sont dépendantes de l'incapacité ou de l'absence de volonté de la puissance publique de réduire ces situations de handicap. La collectivité est donc responsable.
S'agissant du retard pris, à tous les niveaux, en matière d'accessibilité universelle à l'emploi, si nous désapprouvons l'inscription automatique des personnes en situation de handicap à Pôle emploi, nous considérons qu'il est essentiel, si celle-ci est effective, que tous les agents de cet opérateur bénéficient d'une formation sur les questions de handicap. Et quand bien même cette inscription ne serait pas automatique, une telle formation serait souhaitable, y compris d'ailleurs sur les situations de handicap psychique, qui sont souvent occultées.
Or votre projet de loi n'accorde aucune garantie de moyens supplémentaires pour les équipes chargées de travailler sur ces sujets ni aucun engagement en matière de formation, en vue d'une montée en compétences dans la prise en compte du handicap.
Permettez-moi de vous rappeler les conclusions d'un rapport de l'Igas, publié en octobre 2019, qui écrivait au sujet des Esat : « le service public de l'emploi n'est pas spécialisé dans la prise en charge des travailleurs du milieu protégé ». Il voulait ainsi souligner que le service public de l'emploi ne bénéficie pas de formation sur les questions du handicap. Si nous voulons atteindre l'égalité républicaine par l'accessibilité universelle, il est utile de former tous les agents, non seulement pour les personnes en situation de handicap, mais aussi pour toutes et tous.
Je rappelle que tout citoyen peut, à un moment ou à un autre, devenir une personne en situation de handicap.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 1731 .
Il poursuit l'objectif du précédent amendement, à savoir s'assurer que les agents du service public de l'emploi bénéficieront d'une réelle formation à l'accompagnement des personnes en situation de handicap. Car, en l'absence de formation adaptée des équipes de France Travail, les personnes en situation de handicap risquent de faire l'objet de préjugés supplémentaires quant à leurs besoins et à leurs capacités. Ce n'est d'ailleurs pas nous qui dressons ce constat mais bien l'Igas qui reconnaît, dans son rapport de 2019, que « le service public de l'emploi n'est pas spécialisé dans la prise en charge des travailleurs du milieu protégé ».
Si le projet de loi envisage de fusionner Cap emploi et Pôle emploi, le nombre d'agents formés issus de Cap emploi sera totalement insuffisant pour faire face à l'arrivée massive des nouvelles personnes en situation de handicap qui devront être prises en charge par France Travail. Avec un tel dispositif, paternalisant et stigmatisant pour les plus précaires, les risques que les personnes handicapées soient injustement sanctionnées, par exemple par manque d'accessibilité des transports, sont réels.
Il est certes nécessaire de mettre fin à l'exclusion discriminante des personnes en situation de handicap du marché du travail et d'aller vers le droit commun. Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment d'un accompagnement adapté des demandeurs d'emploi en situation de handicap, au risque, sinon, de tomber dans l'arbitraire et la sanction systématique.
Le groupe Écologiste réitère donc son appel à intégrer dans le projet de loi la formation des agents du service public de l'emploi aux enjeux liés au handicap. C'est non seulement une question d'égalité dans l'accès aux droits, mais aussi le devoir de l'État d'offrir à toutes et à tous, quel que soit le degré de validité, un accompagnement adapté pour trouver un emploi.
Nous nous rejoignons sur cette discussion que nous avons déjà eue en commission et que nous avons d'ailleurs poursuivie en aparté à plusieurs reprises. Nous voulons même aller encore plus loin : plutôt que de se limiter au référent unique, nous souhaitons renforcer l'obligation de formation en l'inscrivant à l'article 5, afin de l'étendre à tous les opérateurs dans leur globalité et d'obtenir une meilleure efficacité. Je vous donne donc rendez-vous à l'article 5, mais je suis défavorable à une inscription à cet endroit du texte.
Le Gouvernement donnera un avis favorable à l'amendement n° 1755 de M. Peytavie, qui sera examiné à l'article 5. Je demanderai le retrait des amendements qui viennent d'être présentés ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable, pour deux raisons. Premièrement, vous avez rappelé à juste titre, monsieur Peytavie, qu'il était nécessaire d'aller au-delà de la sensibilisation. En réalité, dans le fonctionnement actuel, le référent handicap n'a pas toujours bénéficié d'une formation – même si c'est souvent le cas. Toutefois, le rapprochement des équipes de Cap emploi et de Pôle emploi a conduit les professionnels des deux structures à monter en compétences : Cap emploi sur les questions d'insertion par l'emploi et Pôle emploi sur les questions d'accueil de personnes en situation de handicap – comme l'ont démontré plusieurs études, c'est le cas d'environ 85 % d'entre eux.
Deuxièmement, vous avez parlé d'une possible fusion de Cap emploi et de Pôle emploi : ce n'est pas le cas ! Bien au contraire, Cap emploi doit rester l'un des organismes de référence, au même titre que les missions locales pour les publics jeunes. Par contre, le projet de loi prévoit un rapprochement de Cap emploi et de Pôle emploi, inspiré du rapport de l'Igas de 2019 que vous avez cité. Ce rapprochement, qui permet de regrouper les équipes dans un même lieu, en l'occurrence les agences de Pôle emploi, est celui qui, à l'heure actuelle, donne le plus de résultats.
Vous proposez à l'article 5 un amendement plus large, moins contraignant dans ses modalités de mise en œuvre que l'amendement n° 1732 et les amendements identiques suivants. C'est pourquoi il nous paraît plus opportun. En conséquence, je vous suggère de retirer ces amendements et vous donne rendez-vous, comme M. le rapporteur, à l'article 5.
C'est effectivement un sujet très important, auquel le groupe Démocrate est attaché. Nous accusons un retard considérable, vous l'avez souligné monsieur Peytavie, dans la prise en charge des personnes souffrant de handicap. Sans employer de grands mots ni chercher à opposer de grandes théories, nous devons, par simple humanisme, avancer très fortement sur ce sujet.
N'ayant pas le texte sous les yeux, je ne connais pas la portée de l'amendement que vous avez déposé à l'article 5. Je voudrais m'assurer que nous y retrouverons bien l'esprit de votre amendement n° 1732 . Il est en effet indispensable de mettre le paquet sur la formation des agents de France Travail ; c'est la moindre des choses que nous devons aux personnes handicapées.
L'amendement n° 1732 posait précisément la question de l'ambition. La rédaction retenue dans le texte prévoit que tous les agents disposent d'une connaissance des enjeux liés au handicap ; toutefois, je considère que cette notion de connaissance n'est pas suffisante et qu'une formation sur tous les handicaps et les différents enjeux est essentielle. C'est pourquoi j'appelle votre attention sur cette question. L'objectif est certes ambitieux. L'idée est d'aboutir à une formation régulière, car il faut évoluer sur certains points : par exemple les handicaps invisibles ou encore les handicaps psychiques. Nous accusons un tel retard actuellement qu'il nous faut être courageux et prendre cette décision.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'amendement n° 1732 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 95
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 37
Contre 55
Le contrat d'engagement tel qu'il est défini à l'article 2 du présent projet de loi comporte de nombreuses obligations pour les personnes suivies par France Travail. Si l'État entend contraindre les bénéficiaires du RSA et les chômeurs à accepter un emploi, où sont les engagements de l'État à résoudre les difficultés sociales de ces personnes, qui sont autant de freins à l'accès à l'emploi ?
Les personnes sans emploi renoncent souvent à se faire soigner pour des raisons financières, principalement du fait de l'absence de couverture complémentaire : 30 % des personnes au chômage déclarent avoir déjà renoncé à des soins de santé. Cette situation a des conséquences dramatiques en matière de santé publique, à la fois de dégradation de la santé de la population et de surcoût pour les finances publiques lorsque les personnes sont prises en charge tardivement.
Le présent amendement vise donc à renforcer les obligations de France travail pour l'accès aux soins des demandeurs d'emploi.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 539 .
Si je peux me permettre de compléter cette brillante intervention du collègue Lucas,…
…ces amendements identiques visent à compléter l'alinéa 7 par les phrases suivantes : « Ces engagements intègrent également l'obligation pour l'organisme référent de garantir le droit à la formation du demandeur d'emploi. » En conséquence, « aucune sanction ne peut être prononcée à l'encontre du demandeur d'emploi si les obligations de l'organisme référent en matière de droit à la formation ne sont pas tenues. »
Il s'agit d'amendements de qualité. Premièrement, nous garantissons qu'une formation sera proposée – nous voulons tous favoriser l'insertion ou la réinsertion et faire en sorte que les demandeurs d'emploi soient formés. Deuxièmement, même si M. le rapporteur évoque souvent la possibilité, reconnue par la jurisprudence du Conseil d'État, d'être indemnisé d'un préjudice subi, nous prévoyons d'inscrire dans le texte qu'aucune sanction ne s'appliquera si l'État n'a pas été en mesure de respecter ses obligations. Nous le faisons non seulement parce que nous nous opposons à la logique de la sanction, dont vous n'avez pu démontrer le caractère opérant, mais également parce que, en l'occurrence, il y aurait faillite de l'État.
J'en profite pour poser une question que je n'ai pas encore eu l'occasion d'aborder depuis le début de nos débats, mais qui nous a beaucoup occupés en commission : actuellement, lorsqu'un demandeur d'emploi suit une formation, il perçoit la rémunération des formations de Pôle emploi. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si l'engagement dans un parcours de formation, dans le cadre des quinze à vingt heures d'activité, est compatible avec cette rémunération et quelle en sera l'incidence sur le versement du RSA : y aura-t-il cumul ou substitution ? Il s'agit d'un sujet important puisque la rémunération des formations de Pôle emploi peut s'élever, à l'heure actuelle, à 700 euros, soit 100 euros de plus que le RSA – ce qui est logique, puisque lorsqu'on accepte de suivre une formation, on est rémunéré. Nous n'avons pas obtenu de réponse en commission et j'aurais aimé vous entendre, monsieur le ministre, sur ce sujet.
L'alinéa 7 prévoit déjà explicitement les engagements de l'organisme référent, notamment les actions mises en œuvre en matière d'accompagnement personnalisé du demandeur d'emploi et, le cas échéant, de formation et de levée des freins périphériques à l'emploi. D'autre part, le cadre du contrat d'engagement signé par les deux parties délimite précisément les obligations de l'un et de l'autre. Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Avis défavorable pour les mêmes raisons. Pour ce qui est de la question de l'entrée en formation, à l'heure actuelle, un demandeur d'emploi ou un allocataire du RSA qui suit une formation qualifiante financée soit par la région, soit par Pôle emploi, perçoit la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, la RSFP. Celle-ci est cumulable avec le RSA comme avec l'allocation chômage d'aide au retour à l'emploi (ARE), dans des conditions de plafonnement et de dégressivité que je n'ai pas en tête mais que nous pourrons préciser.
Par ailleurs, les formations indemnisées au titre de la RSFP comprennent systématiquement, ou à de très rares exceptions près, un tel volume horaire que la question des quinze à vingt heures d'activité ne se pose pas ; elle se pose d'autant moins que suivre une telle formation est considéré comme une solution structurante.
Pour compléter la question de notre collègue Arthur Delaporte, j'aimerais savoir s'il y a déjà, dans les cartons du ministère ou de la présidence de la République, des projets de fusion du RSA et de l'allocation chômage. Comme nous traitons de manière indifférenciée les allocataires du RSA et les ayants droit de l'assurance chômage,…
…nous nous demandons quelle sera l'étape suivante. Je ne sais pas où en sont vos réflexions à ce sujet, mais il serait utile que vous nous éclairiez, d'autant que des discussions sont en cours avec l'Unedic – les partenaires sociaux seraient aussi preneurs de réponses sur ce point.
La réponse est simple : un tel projet n'existe pas. Le RSA est un minimum social, tandis que l'ARE est une allocation contributive ou assurantielle. Il n'est nullement prévu de les assimiler.
Il vise à s'assurer de l'adhésion active de la personne concernée. Il s'agit non seulement d'une question de respect, mais aussi de se départir de l'idée, sous-jacente dans l'ensemble du texte, selon laquelle les bénéficiaires du RSA en difficulté financière sont responsables de leur situation. Enfin, il nous semble que les contrats d'engagement seront appliqués plus efficacement s'ils sont élaborés lors d'un échange permettant la mobilisation, l'adhésion et le consentement éclairé du bénéficiaire.
L'amendement est satisfait par la notion d'engagement réciproque introduite par les députés du groupe Socialistes par voie d'amendement et à laquelle la commission a souscrit à l'unanimité. Avis défavorable.
L'amendement n° 1362 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze.
La séance est reprise.
Sur les amendements identiques n° 541 et 1361 , je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 541 .
Il vise à instaurer un droit opposable à l'accompagnement pour les demandeurs d'emploi. D'une part, nous tenons à réaffirmer que la formation et l'accompagnement sont des droits et non des devoirs. D'autre part, nous connaissons la logique qui se dissimule derrière ce projet de loi : dès lors qu'il ne prévoit pas de moyens pour l'accompagnement, il privera certaines personnes de la possibilité de bénéficier du RSA. Nous vous avons demandé de prouver le contraire, mais les premiers chiffres que nous avons obtenus confirment que l'absence d'accompagnement, et une politique qui se traduit uniquement par des sanctions, conduiront des personnes à une sortie sèche des droits au RSA. À l'inverse, nous vous proposons de reconnaître un droit à l'accompagnement opposable : l'État devra prouver qu'il a correctement accompagné l'allocataire avant de le sanctionner.
Monsieur le ministre, Benjamin Lucas a cité un discours en 2008 dans lequel vous exposiez votre position, pour le moins intéressante. Je compléterai la citation : « Les politiques dites d'incitation au retour à l'emploi partent du principe que les chômeurs sont, pour partie au moins, responsables de leur situation, en profitant d'un système d'indemnisation ou d'assistance généreux, et doivent donc être incités ou contraints à retrouver un emploi. »
Nous vous avons demandé de prouver le contraire, mais les premiers chiffres que nous avons obtenus confirment que l'absence d'accompagnement ainsi qu'une politique se traduisant uniquement par des sanctions conduiront des personnes à une sortie sèche des droits au RSA. À l'inverse, nous vous proposons de reconnaître un droit à l'accompagnement opposable : l'État devra prouver qu'il a correctement accompagné l'allocataire avant de le sanctionner.
Je me tiens à côté de la place qu'occupait Michel Rocard dans cet hémicycle. Sa vision, que vous défendiez vous-même en 2008, repose sur l'accompagnement et l'insertion, que nous vous demandons de reconnaître à travers cet amendement.
La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l'amendement n° 1361 .
Je tiens d'abord à rappeler que la formation est un droit et non une condition pour bénéficier d'un minimum social. L'accompagnement et la formation sont des droits et non des devoirs. Par tous les moyens, le Gouvernement tente de contraindre les privés d'emploi sous prétexte de mieux les accompagner, sans assurer pour autant de financement et sans garantir que des moyens humains suffisants seront mis à disposition.
La formation et le droit à un revenu minimal sont des droits constitutionnels inscrits dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Or la formation fait partie des angles morts de ce projet de loi régressif. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons instaurer un droit opposable à l'accompagnement pour les demandeurs d'emploi.
À l'inverse de la logique délétère de contrôle et de sanction, il nous importe de garantir l'efficacité des politiques publiques d'insertion et de les faire reposer sur les besoins réels des demandeurs d'emploi. Nous souhaitons donc permettre aux privés d'emploi d'engager la responsabilité du service public de l'emploi lorsque ce dernier n'a pas été en mesure de proposer un accompagnement adapté aux besoins du demandeur.
Les exemples abondent. Dans ma circonscription, une allocataire du RSA s'est rendue à une formation organisée par Pôle emploi, malgré toutes les difficultés pour faire garder son enfant, mais a trouvé porte close – aucune excuse ne lui a été présentée. Dans une situation pareille, où est l'engagement de l'État ? Nous voulons faire valoir un droit opposable et souhaitons que les circonstances qui constituent la vie des allocataires soient prises en considération quand on exige d'eux qu'ils fassent quinze heures, ou plus.
L'objet de l'article 2 est justement de définir les engagements des uns et des autres dans le parcours d'accompagnement. Je rappelle que les carences de France Travail dans l'exercice de ses missions d'accompagnement personnalisé seront « susceptibles de constituer des fautes de nature à engager sa responsabilité » – je reprends les termes de l'avis du Conseil d'État. L'avis est donc défavorable.
Même avis.
L'idée que vous avancez est assez étrange. Vous le savez, notre système social repose sur un équilibre de droits et de devoirs. Or je constate qu'il y a actuellement un déséquilibre en faveur des droits, lequel remet en cause la pérennité du système – il ne faut pas l'oublier.
À ceux que vous appelez les « privés d'emploi » – l'expression est intéressante –, vous ne reconnaissez que des droits. S'ils ne reçoivent pas de formation ou qu'ils rencontrent des difficultés de mobilité, cela relève, comme tout le reste, de la responsabilité de la puissance publique. Vous prônez le degré zéro de la responsabilité individuelle ; c'est peut-être là ce qui menace le plus le contrat social à venir.
Vous aimez les exemples anecdotiques. Vous avez mentionné la situation malheureuse d'une femme qui se rendait en formation et qui n'y a trouvé personne. Il est certain qu'un tel manquement est inacceptable.
La semaine dernière, j'ai reçu dans ma permanence un couple qui vit des minima sociaux. Ces personnes me demandaient de les aider à trouver un emploi de manière très urgente. Au cours de la discussion, en creusant la question, je leur ai demandé : « Cela fait une dizaine d'années que vous vivez des minima sociaux, pourquoi avez-vous maintenant besoin de trouver rapidement un travail ? ».
Ils m'ont répondu qu'ils n'y arrivaient plus, en raison de l'inflation, et qu'ils avaient besoin de travailler quelques heures en plus.
Je peux moi aussi donner des exemples anecdotiques, dont je suis sûr qu'ils vous plairont, et qui illustrent une situation réelle dans ma circonscription. Gardez à l'esprit que dans notre pays où 400 000 emplois sont vacants, il y a des opportunités à saisir et que ceux qui veulent suivre des formations sont accompagnés. Tout ne se fait pas d'un claquement de doigts mais, dans la vie, on n'a rien sans travail.
À force de déresponsabiliser les gens, vous ne ferez que pousser notre pays encore davantage sur la pente de la paupérisation.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écologiste – NUPES
Au contraire, monsieur Di Filippo, nous responsabilisons les gens, car nous voulons leur permettre d'accéder à leurs droits. Voilà pourquoi nous voulons instaurer un droit opposable.
Vous dites qu'on n'a rien sans travail. N'oubliez jamais que, s'il y a 400 000 emplois disponibles, il y a 3 millions de chômeurs.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Les demandeurs d'emploi sont donc sept fois plus nombreux que les emplois disponibles.
Vous nous proposez un contrat. Je vous l'ai dit, je ne suis pas défavorable à la notion de contrat mais, pour qu'il soit juste, il doit être équilibré. Le projet de loi que vous défendez accroît les devoirs sans renforcer les droits, ce qui entraîne un déséquilibre. Une personne qui ne remplit pas ses obligations se voit supprimer le RSA. En revanche, que peut faire un individu face à des organismes de placement qui ne respectent pas leurs engagements ?
« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Actuellement, il ne peut rien faire, et ce sera pire face à des organismes à but lucratif, dont nous connaissons toutes les dérives.
Nous voulons donc qu'il y ait un équilibre entre les droits et les devoirs. Cela vous déplaît peut-être, mais il s'agit d'un principe d'égalité et de justice.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 21
Contre 57
Il vise à supprimer l'alinéa 8 de l'article 2, car il introduit une disposition parfaitement arbitraire. En effet, il inscrit dans la loi la notion extrêmement floue de « participation active ». En commission des affaires sociales, j'avais demandé à M. le ministre et à M. le rapporteur ce qu'elle signifiait. Considérera-t-on qu'une personne qui effectue une formation mais qui ne lève pas la main ou ne parle pas s'en tient à la « participation inactive » ? L'alinéa 8 introduit l'arbitraire : il permet de supprimer le RSA à des personnes, qui ne percevront plus rien, sur la base d'une appréciation floue de leur attitude.
Vous ne semblez pas vous rendre compte qu'il s'agit d'une dérive vers l'autoritarisme.
« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous rappelez que, selon le Conseil d'État, il sera possible de se retourner contre France Travail en cas de radiation abusive. Très bien, mais qui, au RSA ou avec 0 euro, peut se retourner contre l'État ou contre France Travail ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Une telle situation n'existe pas dans la réalité. En fait, cet alinéa introduit une manière simple de radier à tout va des personnes sur la base d'une simple appréciation.
Je rappelle que lorsque le RMI, ancêtre du RSA, a été voté dans cet hémicycle en 1988, l'objectif était de faire en sorte que nul ne puisse se retrouver sans ressource en France. Ce projet de loi est un retour en arrière ; s'il est adopté, de nombreuses personnes se retrouveront sans aucune ressource dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Il vise à supprimer l'obligation d'assiduité et de participation active aux actions prévues par le contrat d'engagement. C'est toute la logique qui ne va pas. Il est question de « contrat », mais de quoi parle-t-on ? Dans notre pays, il y a 11 millions de travailleurs pauvres, tandis que les cinq plus grosses fortunes possèdent autant que les 40 % les plus pauvres. Ces deux chiffres résument le bilan de votre politique.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Pour être tout à fait honnête, vos prédécesseurs avaient déjà largement œuvré en ce sens ; mais comme vous êtes au pouvoir depuis six ans, une part des responsabilités vous revient !
En réalité, l'assistance sociale et l'assurance chômage ne sauraient être contractualisées. L'accès au RSA est garanti par la loi. Les allocations chômage proviennent des cotisations du travail. Ce sont donc les travailleurs qui contribuent et disposent du droit à indemnisation quand le risque se concrétise. En réalité, vous inversez les principes :…
…vous faites peser sur les allocataires une suspicion de mauvaise volonté et de culpabilité.
En outre, les bénéficiaires du RSA font déjà l'objet d'un contrôle quasi-permanent. La moindre entrée d'argent du conjoint ou d'un enfant doit être déclarée. Une majorité des bénéficiaires du RSA relève déjà du régime des droits et devoirs sur lesquels de nombreux députés glosent et philosophent à l'envi. Pourtant, moins de la moitié se voient réellement proposer un accompagnement, car les personnels sont insuffisants et le manque de moyens criant.
Vous devriez écouter la Défenseure des droits, qui, dans son avis sur ce projet de loi, soutient que « Ces précisions ne doivent pas modifier l'objet même du RSA dont l'accès ne peut être conditionné par un préalable. »
Chers collègues, c'est vous qui êtes dans la suspicion permanente ! Vous nous soupçonnez de vouloir radier des allocataires du RSA, alors que, depuis que nous examinons ce projet de loi, nous expliquons que nous voulons permettre à chacun d'accéder à un emploi, de s'émanciper et d'améliorer sa qualité de vie.
Tel est bien notre objectif, pour plusieurs raisons. C'est d'abord l'intérêt de la personne elle-même. Personne ne pourra nous reprocher de vouloir sortir les gens de la pauvreté. Ensuite, c'est bon pour la nation : si ces personnes accèdent à un travail intéressant pour elles,…
…elles cotiseront, nourrissant ainsi les caisses de sécurité sociale qui nous sont chères, cher Pierre Dharréville, ainsi que les caisses de retraite qui nous sont chères à tous, et même l'Unedic.
Notre lecture n'est donc pas du tout la même que la vôtre.
C'est bien malheureux. Nous voulons favoriser l'émancipation et l'amélioration de la qualité de vie, et non augmenter le nombre de radiations. Votre suspicion est donc mal placée. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Depuis le début de l'examen de ce texte, les termes du débat sont les mêmes : vous pensez que le RSA doit être inconditionnel tandis que nous pensons qu'il doit être conditionné.
Je vous rappelle que, quand Emmaüs a été créé, l'aide que l'association apportait était toujours la contrepartie d'un travail, dont l'importance pouvait varier. Cela ne choquait personne.
L'exposé sommaire de l'amendement n° 168 est assez révélateur de la contradiction de votre position : « Par cet amendement, les députés Écologistes souhaitent supprimer l'inscription des engagements du demandeur d'emploi dans le contrat d'engagement. » En fait, vous voulez un contrat d'engagement sans engagements.
Mme Marie-Christine Dalloz applaudit.
Ce n'est pas possible car, par définition, un contrat d'engagement comporte des engagements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je répondrai à M. Juvin. Le texte de l'amendement lui-même consiste simplement dans la suppression de l'alinéa 8, qui vise à prendre en considération l'« assiduité » et la « participation active » du demandeur d'emploi, or ces termes ne veulent rien dire. Nous y reviendrons et j'espère, chers collègues, que vous nous aiderez à faire que ce projet de loi ait un sens.
Mais le problème est plus large : il touche à la philosophie de la sanction, et c'est bien ce qui nous oppose à M. Juvin et d'autres collègues – certains tenant parfois des propos un peu plus outranciers.
Je vais vous lire un texte que je trouve beau, un engagement pris par notre assemblée : « Considérant que la crise sanitaire du covid-19 a vu l'émergence du besoin de mettre en place un filet de sécurité inconditionnel et universel pour tous ; considérant que l'avenir économique et social de notre pays inquiète au point qu'un risque d'appauvrissement général sans précédent ait lieu en France ; considérant que notre modèle de répartition de la richesse avait atteint ses limites avant la crise sanitaire du covid-19 mais que celle-ci les a accentuées ; considérant qu'un consensus politique émerge en France, sur la mise en place d'un mécanisme de revenu universel […] ». Ce texte, dont nous avons eu l'occasion de débattre, c'est l'article unique de la proposition de résolution relative au lancement d'un débat public sur la création d'un mécanisme de revenu universel appelé socle citoyen, qui était défendue notamment par Paul Christophe, et que notre assemblée a adoptée à une large majorité.
Au-delà de la taquinerie, monsieur le rapporteur, ce sont des phrases fortes qui affirment qu'un revenu universel, un socle de base pour lutter contre la grande pauvreté, doit être inconditionnel. Tel était l'engagement de notre assemblée. C'était le combat de Benoît Hamon ; c'est, surtout, un combat de société.
Vous faites vous aussi du slalom, monsieur Delaporte, puisque de l'alinéa 8, vous arrivez finalement au revenu universel d'activité (RUA). Comme je vous l'ai déjà expliqué en commission, si j'étais à l'époque signataire de cette proposition de résolution défendue par notre collègue Valérie Petit – rendons-lui hommage –, ce n'était pas par adhésion à sa proposition,…
Sourires.
…d'ailleurs largement inspirée de M. Koenig il me semble, mais pour ouvrir le débat.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 172 .
Il vise à renforcer les obligations de l'État en prévoyant des recours et des sanctions en cas de manquement. Notre pays compte aujourd'hui 9,2 millions de pauvres : on ne peut nier que l'État est responsable de cette situation. Si certains sont contraints de vivre très longtemps des minima sociaux, c'est bien parce qu'en tant que société, nous avons failli à concrétiser une certaine idée du progrès social. L'amendement tend donc à assurer davantage d'équilibre et de réciprocité dans les engagements.
L'État n'en étant pas signataire, à la différence de ses opérateurs, le contrat d'engagement ne peut pas impliquer sa responsabilité. En outre, le contrat d'engagement réciproque prévoit déjà des voies de recours. Je ne peux donc qu'être défavorable à cet amendement.
Même avis.
L'État n'est certes pas signataire du contrat, mais il est en partie responsable de l'insuffisance des moyens alloués à ses opérateurs. Pointer la responsabilité de l'État, c'est donc remonter à la source du problème.
L'amendement n° 172 n'est pas adopté.
Pour les raisons que nous avons déjà abordées, il tend à supprimer la fin de l'alinéa 8, qui prévoit que les allocataires peuvent, entre autres, être sanctionnés pour manque d'assiduité ou de participation active aux actions prévues par le plan.
Vous savez comme moi que lorsqu'on légifère, on doit essayer de produire un texte clair. Or je mets au défi quiconque ici de définir l'assiduité et la participation active. L'assiduité, c'est être très présent, mais la participation active ? Ici, c'est lorsqu'on parle beaucoup. Votre texte sous-entend qu'un allocataire jugé trop peu coopérant à sa formation sera réputé avoir manqué à son contrat d'engagement : c'est très problématique.
Notre proposition vise à écrire un texte clair et rigoureux. Ces détails abscons risquent d'entraîner une confusion juridique et de précariser davantage encore les personnes.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 500 .
Aujourd'hui, aux termes du code du travail, le demandeur d'emploi est tenu d'accomplir « des actes positifs et répétés de recherche d'emploi ». Qu'est-ce qu'un acte positif de recherche d'emploi ? La répétition est-elle nécessairement gage d'une recherche sensée et efficace ? Cette disposition, quoique fort discutable, nous semble suffisante. Inutile d'en rajouter.
C'est pourtant la philosophie de votre texte : vous ajoutez des dispositions très infantilisantes et, comme vient de l'expliquer Arthur Delaporte, très floues. Vous entendez évaluer l'engagement des personnes à l'aune de deux notions qui renforcent la suspicion à l'égard des demandeurs d'emploi, l'assiduité et la participation active – alors qu'on peut légitimement imaginer qu'elles ne seront pas toujours passionnées par les activités qui leur seront proposées.
La mention de l'assiduité et de la participation active permettra, en réalité, d'accroître le nombre de sanctions – c'est bien l'état d'esprit de votre texte.
Ce n'est pas mon état d'esprit. Cher collègue Delaporte, je ne vais pas vous apprendre à vous, qui êtes enseignant, ce que sont l'assiduité et la participation active – deux notions qui, j'en suis sûr, vous sont chères.
Si c'est ainsi que vous traitez vos élèves, c'est inquiétant ! Avis défavorable.
Même avis.
Vous ne vous défendez pas beaucoup, monsieur le rapporteur. Si j'aime débattre avec M. Di Filippo, et avec la droite en général, c'est parce que même si nous ne sommes pas d'accord, leur position est claire ; avec vous, rien n'est clair, et il est toujours très compliqué de débattre.
Depuis le début, vous faites semblant – et c'est bien là le problème. Pourtant, à lire votre texte, on voit bien que vous avez choisi votre camp. Vous dites vouloir aider les gens à sortir du RSA, mais en réalité, vous voulez surtout les exclure puisque vous ne prévoyez pas de moyens supplémentaires pour les accompagner correctement. Vous voulez que les gens aient un emploi, mais sans parler de création d'emplois : c'est absurde. Vous parlez du travail sans questionner la qualité des emplois proposés, qui est pourtant l'un des facteurs pour favoriser le retour au travail.
Vous récidivez avec ces notions d'assiduité et de participation active. Très concrètement, comment les définissez-vous dans le cadre de l'accompagnement ? Être assidu nécessite-t-il d'aller voir son conseiller chaque trimestre, trois fois par mois ou tous les jours ? Comment évaluer la participation active à une chose qui n'existe pas, puisqu'il faut prendre en considération les offres disponibles ? Tout cela manque absolument de clarté. Acceptez ces amendements, monsieur le rapporteur, cela vous enlèvera une épine du pied !
Je rappelle que la suspension du RSA existe déjà : l'objectif de ce projet de loi est justement d'atténuer la radicalité du dispositif actuel, en lui substituant la suspension-remobilisation. Ce serait une véritable avancée.
Sur le fond, la suspension en cas de manquements répétés sans motif valable – pourquoi pas un manque d'assiduité – ne me choque pas. Une telle règle participe à la responsabilisation des demandeurs d'emploi et des bénéficiaires du RSA.
Vous nous accusez de les infantiliser, je vous réponds qu'en les reconnaissant comme des personnes autonomes, responsables, actrices de leur projet et capables – si vous me permettez de faire référence à Paul Ricœur –, on les responsabilise.
S'il faut les responsabiliser, c'est donc qu'ils ne sont pas responsables aujourd'hui ?
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 398 .
Monsieur le rapporteur, cet amendement de Karine Lebon, qui va dans le même sens que les précédents, vous offre une nouvelle chance de défendre, avec plus de vigueur peut-être, votre position. Qu'apporteront de plus ces « précisions », comme vous dites – en réalité des imprécisions – à la disposition existante ? En pratique, l'évaluation de ces deux critères sera difficile, donc très aléatoire.
L'amendement n° 398 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 554 .
Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec la gauche et l'extrême gauche de l'hémicycle.
Sourires.
Mais vous allez vite comprendre pourquoi. Je suis relativement d'accord avec la première partie du constat : la notion de participation active est subjective, très floue et peu contraignante. L'alinéa 8 visant à s'assurer que le demandeur d'emploi respectera ses engagements, je propose de remplacer le terme « active » par le terme « obligatoire », ce qui sera plus clair
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai bien précisé que je n'étais d'accord qu'avec la première partie du constat…
Même avis.
Je ne reviens pas sur cet amendement qui radicalise la radicalité.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit qu'en tant qu'enseignant, je devrais savoir ce que sont l'assiduité et la participation active. Je sais très bien ce qu'est l'assiduité : c'est être présent dans la classe. En revanche – ceux ici qui ont été enseignants le savent –, on est toujours démuni pour caractériser la participation active. .
« Oh ! » sur quelques bancs des groupes RE et Dem
C'est ce que j'appelle une « note de gueule ». Quand, en fin de semestre, on me demandait de mettre une note de participation, je me demandais si je me souvenais de la tête de l'étudiant : si je m'en souvenais, c'est qu'il avait parlé – bien ou mal, peu importe. Mais en réalité, lorsque vous avez 200 étudiants, vous ne vous souvenez pas forcément de la tête de ceux dont la participation était dans la moyenne ; vous finissez par vous dire qu'ils n'ont pas beaucoup participé, et vous leur mettez une note moyenne.
C'est la réalité lorsqu'on doit noter 200 personnes, il faut le reconnaître !
Or les conseillers de Pôle emploi devront évaluer le degré de participation de 200, 300 ou 400 personnes. Seront-ils capables de se souvenir de la tête de chacun d'entre eux et donc d'évaluer leur participation ? Je peux déjà vous dire que non. En tant qu'enseignant, évaluer des critères non-objectifs m'a toujours posé un vrai problème éthique. On ne peut pas inscrire dans la loi un critère comme la participation active, qui n'a aucune réalité tangible.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'amendement n° 554 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 1364 .
Par cet amendement, nous souhaitons dispenser les parents de familles monoparentales de l'obligation d'assiduité – et de participation dite active, pour prolonger le débat précédent –figurant dans le contrat d'engagement. Une famille sur quatre est monoparentale, selon l'Insee. Au reste, par « famille monoparentale », on entend le plus souvent « mère isolée » : les femmes constituent 96 % des bénéficiaires du RSA majoré et 54 % de l'ensemble des bénéficiaires, et 48,7 % des bénéficiaires sont des femmes vivant seules avec un ou plusieurs enfants à charge. Alors stop : pas de pression, pas de menace de sanction ! Vous savez toutes et tous à quel point il est difficile de concilier vie professionnelle et vie familiale quand on élève seule des enfants. Vous savez que Les Restos du Cœur et les banques alimentaires nous alertent sur le nombre très élevé de femmes ayant des enfants à charge qui ne s'en sortent plus.
Allons-nous donc leur imposer quinze heures d'activités ? De quelle nature ? On n'en sait rien. L'État sera-t-il en mesure de leur accorder quinze heures de formation pertinente leur permettant, par exemple, une bifurcation professionnelle ? Vous savez bien que non. Que ferez-vous donc ? De fait, vous aggraverez les sanctions et, par conséquent, le taux de non-recours. À l'arrivée, le nombre de femmes seules avec des enfants mais sans RSA augmentera. Au fond, la sortie du RSA que vous leur proposez ne débouchera pas sur un emploi durable et stable leur permettant de se construire autrement, de manière autonome ; au contraire, elles tomberont dans la misère de la misère et en fin de compte, ce sont les enfants qui trinqueront. Nous y insistons : en menaçant de retirer le RSA aux mères isolées, ce sont les enfants que vous allez affamer !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous avez raison, et c'est pourquoi l'alinéa 10, que nous examinerons juste après celui-ci, dispose qu'il est tout à fait possible d'adapter les engagements des demandeurs d'emploi, y compris l'assiduité, en fonction de leur situation particulière, familiale ou personnelle. Votre point de vue est justifié mais votre amendement étant satisfait, j'en propose le retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis.
Il ne s'agit pas ici de situations particulières à envisager au cas par cas, mais d'une situation personnelle dans laquelle il peut être difficile de se rendre à une formation qui s'achève à 17 heures 30 alors que l'école, elle, se termine bien plus tôt.
Au fond, rien dans votre projet de loi ne permet de partir de la situation des personnes afin de les faire avancer. Non, c'est un projet de loi descendant qui ne tient pas compte de la capacité à payer les transports et à participer à des formations, ni de la situation personnelle, notamment familiale, et des contraintes horaires. C'est en cela qu'il est violent : la violence sociale, ici, consiste à opposer des règlements à des gens qui sont dans la misère, en situation de survie. C'est exactement ce que Ken Loach dénonce dans son film Moi, Daniel Blake. Face à des situations humaines, il n'y aura plus que des règlements, dans un seul but : limiter les droits et l'argent – le peu d'argent – dont disposent ces personnes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je suis très surpris par les propos de Mme Rousseau, qui plaide souvent la cause féministe – mais est-ce ici en théorie ou en pratique ? La réalité, c'est que les femmes isolées avec des enfants sont souvent prisonnières de cette situation, assignées à domicile et privées de travail parce qu'elles sont contraintes de s'occuper des enfants. Or ce sont elles qui figurent parmi les premières bénéficiaires du RSA. L'objectif de ce texte est précisément de prévoir avec elles des solutions de garde d'enfants – c'est l'article 10 – financièrement abordables afin qu'elles puissent travailler…
Tel est l'objectif du texte : tenir compte de tous les freins que subissent ces femmes afin de ne plus les cantonner à leur fonction de mère au foyer. Encore une fois, je suis donc très surpris de l'intervention précédente !
L'amendement n° 1364 n'est pas adopté.
Nous vous l'avons répété : non seulement l'assiduité et la participation active sont deux notions très infantilisantes, mais elles laissent une trop grande marge d'interprétation, qui pourrait être particulièrement dommageable pour les personnes en situation de handicap. Sébastien Peytavie a déjà défendu plusieurs amendements pour y remédier, et j'y reviens à mon tour, car il s'agit là de l'un des nombreux angles morts de cette partie du texte.
Il arrive que les demandeurs d'emploi handicapés aient des besoins particuliers, notamment lorsqu'ils se rendent à des entretiens professionnels ou effectuent certaines démarches, sachant que sur le marché du travail, la première discrimination est précisément la non-prise en compte du handicap. Nous sommes d'autant plus inquiets qu'en l'état, nos amendements sur le sujet ayant été rejetés, le projet de loi n'accorde aux équipes de France Travail aucun moyen financier, technique ou humain leur permettant de fournir un accompagnement de qualité qui soit adapté aux besoins des personnes handicapées. Nous ne pouvons prendre le risque de l'arbitraire, d'une sanction bête et méchante qui exclurait de facto un grand nombre de demandeurs d'emploi, en particulier parmi les personnes en situation de handicap.
Nos visions s'opposent ; ainsi va le débat démocratique, et c'est sain. Sur ce point, cependant, nous pourrions peut-être trouver un terrain d'entente. Encore une fois, ces obligations seront néfastes pour une partie de la population et, surtout, elles ajouteront une discrimination supplémentaire à celles que subit déjà l'une des catégories de population les plus discriminées de France.
Cet avis défavorable vaudra aussi pour les amendements suivants. L'alinéa 10 est ainsi rédigé : « Le contrat d'engagement réciproque, élaboré en fonction des besoins du demandeur d'emploi, » – j'y insiste : en fonction des besoins du demandeur d'emploi – « tient compte notamment de sa formation, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles et extraprofessionnelles, de sa situation personnelle » – y compris les cas évoqués par Mme Regol – « et familiale » – y compris ceux évoqués par Mme Rousseau – « ainsi que de la situation locale du marché du travail ». J'ajoute qu'en réponse aux amendements de M. Peytavie, nous proposerons de sous-amender son amendement n° 1755 à l'article 5, afin d'inclure la question de la formation, comme il le demande.
Même avis. M. le rapporteur a rappelé avec raison les dispositions de l'alinéa 10 et le sous-amendement que nous présenterons à l'amendement de M. Peytavie à l'article 5 afin que le champ des formations et des connaissances soit explicitement étendu à la formation professionnelle.
Je prends acte de la main tendue et de la proposition qui sera faite pour assurer un minimum de formation, mais qu'en est-il des moyens mobilisés pour y parvenir ? Nous dénonçons le flou de certaines notions qui manquent d'une définition claire. L'argument consistant à nous opposer que la mention des « besoins » et de la « situation personnelle » suffira à prémunir les personnes handicapées contre les discriminations est poussif. Il ne faudrait pas, permettez-moi l'expression, pousser mémé dans les orties : la notion de « besoins » peut être définie de mille façons. Si le législateur ne fixe pas le cadre à respecter, s'il ne trace pas les lignes rouges à ne pas franchir, alors ce que nous écrivons ne prémunira personne. C'est pourtant bien cela que vous faites, quoique vous ne vouliez pas l'entendre.
L'amendement n° 1734 n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques n
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 1735 .
Cet amendement de repli vise à tenir compte de l'état de santé et du niveau de validité des demandeurs d'emploi, notamment lorsqu'ils sont en situation de handicap. J'entends l'argument selon lequel cela va de soi, puisque le texte prévoit d'ores et déjà de tenir compte de leur situation personnelle. Néanmoins, on occulte parfois dans le débat le fait qu'en 2022, 37 % des demandeurs d'emploi handicapés déclaraient avoir subi au moins une discrimination lors de leur recherche d'emploi, contre 16 % de l'ensemble des demandeurs d'emploi. On ne saurait renforcer le droit commun en faveur des personnes handicapées au prix d'un renforcement des sanctions et autres obligations qui leur compliquerait la vie, alors qu'elle est déjà assez difficile.
Nous nous réjouissons que les débats en commission aient permis d'avancer afin que la formation soit évoquée à l'article 5, car la formation de tous les agents des services publics – celui de l'emploi et tous les autres – à l'accueil et à la prise en charge des personnes en situation de handicap est fondamentale et pourrait constituer un objectif que nous nous efforcerions collectivement d'atteindre dans tous nos débats à venir.
Si nous demandons ici que soient citées des situations plus particulières – personnes en situation de handicap, mères isolées –, c'est aussi parce que nous voulons qu'elles soient reconnues. Certes, en vertu du principe d'universalisme, la loi s'applique à toutes et à tous, mais certaines situations difficiles méritent qu'on les reconnaisse et qu'on leur accorde des moyens appropriés.
Nous venons de prendre l'engagement fort d'élargir, à l'article 5, le champ de l'obligation de reconnaissance et de formation – non seulement dans le service public mais pour tous les opérateurs. J'ajoute – autre illustration de notre engagement – que le rapprochement entre Cap emploi et Pôle emploi porte ses fruits, comme le démontre l'évaluation que Stéphane Viry en a fait pour la commission des affaires sociales. Le libellé actuel du texte englobe tous les cas que vous évoquez. Il ne me paraît pas nécessaire d'y apporter des précisions qui, au reste, risqueraient de perturber la lecture globale de l'alinéa 10. Avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
Je peine à comprendre pourquoi vous vous obstinez à refuser cet amendement. Vous prétendez qu'il est globalement satisfait et, surtout, que les agents seront formés : c'est la preuve qu'il faut des formations. Soit, mais la formation ne permet pas nécessairement de reconnaître la situation des personnes et de les exempter de certaines obligations du fait de leur statut. La proposition qui vous est faite est donc différente et, parce qu'elle repose sur cette philosophie, mérite d'être adoptée.
L'amendement n° 1735 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l'amendement n° 1156 .
Il vise à exempter de l'obligation d'assiduité les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles qui n'ont pas été reclassées – autrement dit, celles qui ont eu un accident dans leur précédente entreprise et à qui il n'a pas été possible de retrouver un travail. Ces salariés subissent en effet une triple peine. D'abord, ils sont victimes d'un grave accident du travail et ne peuvent plus exercer leur emploi. Puis, leur employeur ne pouvant pas leur proposer un autre emploi dans son entreprise, ils se retrouvent au chômage, privés d'emploi. Enfin, aux dommages physiques et moraux qu'ils ont subis, vous voulez les astreindre à respecter les obligations établies dans un contrat injuste, au risque d'aggraver leur état de santé.
Nous proposons donc de mettre fin à cette injustice et d'éviter de précariser davantage les victimes d'accidents du travail. Celles qui ne sont pas reclassées doivent déjà vivre avec leurs blessures physiques et psychiques, et parfois perdre des compétences durement acquises. Imaginez un maçon qui a perdu une main : il lui faudra tout apprendre de nouveau. Il est injuste d'imposer à ces personnes quinze heures d'activités hebdomadaires en menaçant de supprimer leur allocation ; on nuit ainsi à leur reconstruction, physique comme morale. Soumettre les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles à l'obligation d'assiduité ne fait qu'ajouter à la violence qu'elles subissent, alors qu'elles ont déjà payé de leur santé les errements de leur employeur.
J'ajoute que notre amendement visant à reconnaître comme accident du travail les accidents pouvant survenir pendant les quinze heures d'activités hebdomadaires obligatoires a été déclaré irrecevable pour aggravation de la charge publique. Autrement dit, si un allocataire du RSA se blesse pendant ces quinze heures, il ne bénéficiera pas des droits et allocations dus aux victimes d'accidents du travail. C'est dangereux, injuste et inexplicable !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Amendement satisfait par l'alinéa 10. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement n° 1156 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La guerre, c'est la paix. La liberté, c'est l'esclavage. L'ignorance, c'est la force. Les sanctions, c'est l'émancipation. Les quinze heures de travail forcé, c'est un engagement.
Avec vous, Orwell aurait sans doute trouvé de magnifiques et inépuisables sources d'inspiration. Préférant rester dans le monde réel, nous proposons quant à nous la suppression de l'obligation de travail forcé.
M. Arthur Delaporte applaudit.
Parce que dans le monde réel, aujourd'hui, le problème n'est pas l'abus de droits ; ce n'est pas non plus un prétendu assistanat, ni un besoin de punitions et de contraintes. Le problème, c'est le non-recours qui plonge des milliers de familles dans la plus grande des précarités. .
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC
Le problème, ce sont les contrôles humiliants et les intrusions dans la vie privée des plus précaires. Le problème, c'est l'indignité avec laquelle vous parlez durant ces débats, dans cet hémicycle, des plus pauvres de notre société. Vous vivez décidément dans un monde n'existant que dans les cabinets de conseil, qui vous dictent vos éléments de langage, ou dans vos obsessions pauvrophobes.
Mêmes mouvements.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 400 .
La phrase que vous avez intégrée à l'alinéa 9, en commission, pose un problème d'intelligibilité de la loi ; alors que, de mémoire, le texte issu du Sénat prévoyait que les quinze heures d'activité seraient obligatoires, vous avez ajouté « si cela s'avère nécessaire », ou quelque chose d'approchant.
En fin de compte, ces heures sont obligatoires sans l'être. Vous essayez ainsi de tricher et d'amadouer nos collègues du groupe Les Républicains, qui ont visiblement fait de ce sujet un marqueur déterminant pour leur vote. Finalement, on ne sait pas si ces quinze heures d'activité sont obligatoires ou non et s'il s'agit bien de quinze heures – pas plus qu'on ne sait ce que recouvre le terme « activité ».
C'est en quelque sorte une double peine : à des personnes privées d'emploi, on va imposer des activités au travers d'un contrat d'engagement qui ne sera pas toujours totalement consenti. Ce faisant, on risque aussi d'entrer dans une logique occupationnelle, que l'on observe déjà dans la politique de remplissage imposée à certains agents du service public de l'emploi : on les incite à proposer des formations, même quand elles ne correspondent pas au profil du demandeur. Or le fait d'imposer des activités inadaptées et parfois insensées au sens propre du terme – qui n'ont pas de sens – peut constituer une maltraitance.
Nous pensons, au groupe GDR, qu'il existe un droit à la formation. Alors que beaucoup de femmes et d'hommes en situation difficile se tournent vers le service public de l'emploi pour être accompagnés et bénéficier d'une formation, leurs demandes peinent aujourd'hui à être satisfaites, faute de moyens.
Il faut donc augmenter les capacités de formation. Or ce n'est pas ce que vous faites. Je termine d'une phrase, monsieur le président…
Je comprends que vous essayez de vous mettre d'accord avec la droite, puisque c'est un projet de loi de droite…
Je le répète : notre groupe n'est pas opposé à l'activité en elle-même, si elle est au service de l'insertion professionnelle.
Mais dans votre texte, elle n'est pas au service de l'insertion professionnelle ! D'abord parce que les quinze heures d'activité sont une condition et une contrepartie à l'octroi du RSA : vous en tirez des motifs de sanction, et vous transformez le RSA, qui est une allocation de subsistance, en une allocation de retour à l'emploi.
Ensuite, nous ne savons pas ce que recouvre le terme « activité ». S'agira-t-il d'heures de formation, de stages, d'activités assimilables à un emploi salarié ? Ce ne sont pas les dix-huit expérimentations lancées en décembre dernier qui peuvent nous éclairer à ce sujet. Pour justifier les heures d'activité, vous évoquez le CEJ. Pourtant, les premiers bilans de ce dispositif sont mitigés.
Selon l'Igas, 40 % des bénéficiaires n'atteignent pas le seuil de quinze heures hebdomadaires d'accompagnement et 20 % d'entre eux font moins de cinq heures. Où sont les moyens humains et financiers ? Selon le calcul de la mission de préfiguration, le fait de soumettre l'ensemble des 3 millions de bénéficiaires du RSA à l'obligation de réaliser quinze à vingt heures d'activité nécessiterait 10 à 20 milliards d'euros. Où sont-ils ? Ce que nous contestons dans ce projet de loi, c'est que vous fassiez de ces heures d'activité un objet de sanction.
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l'amendement n° 803 .
La notion d'activité n'étant pas définie, l'obligation corrélée est dépourvue de base légale et ne peut donc pas être examinée. Par voie de conséquence, les dispositions qui la prévoient doivent être supprimées. Il est toujours ennuyeux de prétendre légiférer sur une notion qui n'est définie nulle part dans le texte. C'est dans un souci de qualité du travail parlementaire que nous proposons de supprimer l'alinéa 9.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 1365 .
Le groupe LFI – NUPES propose également de supprimer l'alinéa 9, relatif à l'obligation de suivre quinze à vingt heures hebdomadaires d'activité, au minimum. Le Gouvernement entend fournir des activités à l'ensemble des demandeurs d'emploi ; près de 9 millions de personnes seront ainsi soumises à cette obligation, sans que ces activités ne soient définies ni financées. Incroyable, monsieur le ministre ! Le Zorro de l'emploi est parmi nous…
Il est mentionné que ces quinze heures comportent des actions de formation : faut-il rappeler que la formation professionnelle est un droit garanti par le préambule de la Constitution et non une condition pour bénéficier d'un minimum social ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'en viens à la rémunération. Un bénéficiaire du RSA touchant 607 euros par mois serait rémunéré 10,10 euros de l'heure, alors que le Smic brut s'élève à 11,52 euros. Où est la logique, monsieur le ministre ? Vous voulez évidemment permettre le recours à une main-d'œuvre bon marché, rémunérée en deçà du minimum légal…
…et particulièrement précaire – en somme, de la main-d'œuvre gratuite et contrainte.
Monsieur le ministre, le travail forcé est défini comme tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque, pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de son plein gré. Y avez-vous pensé ? Je le crois, mais l'humain n'est pas votre pain quotidien.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Après que les rapporteurs et le ministre se seront exprimés, je donnerai la parole à un orateur par groupe.
Quel est l'avis de la commission ?
Cette discussion, qui a animé nos débats en commission, mérite sans doute quelques précisions. D'abord, le contrat d'engagement réciproque a toute son utilité : c'est à partir du diagnostic posé qu'il s'élabore et que la durée d'activité hebdomadaire nécessaire est déterminée. La correction que nous avons apportée en commission introduit une nuance, précisant que celle-ci ne s'élève pas systématiquement à quinze heures mais qu'elle dépend des éléments énumérés à l'alinéa 10, dont je vous ai donné lecture. Il est tenu compte de la personne, de sa santé et de ses éventuelles difficultés, en termes de mobilité par exemple.
Il en va de même s'agissant de la nature des activités. D'abord, si nous avions souhaité que ce soit du travail, nous aurions indiqué « travail » ! Deuxièmement, c'est bien à partir du diagnostic posé que sera déterminée – conjointement puisqu'il s'agit, je vous le rappelle, d'un contrat d'engagement réciproque – la nature des activités nécessaires à l'insertion professionnelle. Le but est le bien le retour à l'emploi, nous avons toujours été d'accord et alignés sur ce point. Ces activités peuvent consister en des simulations d'entretien, des ateliers sur le budget, la santé…
…l'alimentation, le bien-être ou la mobilité, entre autres. Il peut s'agir par exemple d'un accompagnement vers le permis ou de sessions consacrées à l'image de soi. C'est à partir du diagnostic établi sur les capacités et les aspirations de la personne – ce terme figure dans le texte – que seront déterminées la durée hebdomadaire et la nature des formations en elles-mêmes.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Brouhaha sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chacun pourra s'exprimer, chers collègues. Laissez le rapporteur terminer son propos.
Nous avons revu en commission l'obligation de quinze heures d'activité hebdomadaires – j'avais alors parlé de slalom, si j'ai bonne mémoire – pour la rendre plus compatible avec la situation des demandeurs d'emploi. Nous sommes néanmoins conscients du fait que les ajustements introduits ne sont pas totalement satisfaisants. Je serai donc personnellement favorable à la réécriture telle que proposée par l'amendement n° 183 – sous réserve de l'adoption des deux sous-amendements du Gouvernement, qui apportent des précisions utiles.
Pour ces raisons, je suis défavorable aux amendements de suppression de l'alinéa 9.
Je voudrais faire un rappel historique. En 2013, face à la situation des jeunes Européens face à l'emploi, le Conseil de l'Union européenne a demandé à chaque État membre d'établir un plan d'action en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes. La France a répondu avec la garantie jeunes, un dispositif satisfaisant mais qui présentait un défaut : les jeunes étaient mobilisés pendant quatre à six semaines, puis étaient souvent perdus de vue. Le contrat d'engagement jeune a été instauré pour éviter cela ; il consiste à mobiliser les jeunes pendant toute la durée du parcours.
Vous évoquez souvent, chers collègues, le rapport de l'Igas. Il souligne que le CEJ, un an après sa création, est encourageant, même s'il n'est pas parfait.
Je le répète : 89 % des bénéficiaires plébiscitent la mobilisation durant quinze à vingt heures, beaucoup plus intense que celle qui était prévue dans le cadre de la garantie jeunes. Les conseillers en insertion eux-mêmes sont très satisfaits car ils ne perdent plus les jeunes en route. Il faut donc cesser de dire n'importe quoi ! Le bilan après un an étant encourageant, il faut continuer de suivre ce qui se passe avec le CEJ et dans le cadre des expérimentations qui ont été lancées.
Applaudissements sur le banc des commissions.
Je suis un peu désemparé car Mme la rapporteure et M. le rapporteur ont déjà tout dit ! J'ajouterai simplement deux choses. Je voudrais d'abord souligner, monsieur Monnet, que parmi les différentes évaluations du CEJ que nous avons menées, vous avez surtout cité les premières. Vous avez notamment évoqué celle qui a été menée en septembre 2022, quelques mois après l'entrée en vigueur du dispositif le 1er mars, et alors qu'une partie des jeunes avait signé entre le 15 et le 30 juillet. Or on peut comprendre que durant les premières semaines du contrat, au mois d'août, le niveau d'accompagnement ait été moins intense que par la suite. Toutes les évaluations que nous avons menées montrent que les jeunes bénéficient en moyenne de dix-sept heures d'activités d'insertion, de formation et d'accompagnement. Mme la rapporteure a par ailleurs souligné le bon niveau des taux de satisfaction et d'insertion, notamment de sortie en emploi.
M. le rapporteur a quant à lui indiqué que si nous avions voulu prévoir des heures de travail, nous l'aurions écrit ainsi. Non seulement il ne s'agit pas de travail, mais il est également faux de dire que le bénéficiaire du RSA percevrait ainsi une rémunération inférieure au Smic. S'il y a travail, il y a contrat de travail. Il se trouve que la loi prévoit la possibilité de cumuler une partie du RSA avec un revenu d'activité. On pourrait donc tout à fait envisager, dans le cadre d'une démarche d'insertion, un contrat de travail rémunéré au moins au Smic et cumulable dans une certaine mesure – en raison des règles de dégressivité et de plafonnement – avec le RSA. Cela permettrait d'accompagner le bénéficiaire vers l'emploi. Il n'y a donc pas de travail gratuit, pas de bénévolat obligatoire, mais de la formation et de l'insertion.
J'ajoute enfin, pour faire écho à M. le rapporteur, que l'amendement adopté en commission, ainsi que le texte qui vous est soumis, prévoient d'adapter l'intensité des parcours à la situation des personnes. Je souscris aux propos de M. le rapporteur : l'amendement n° 183 de M. Juvin confirme le caractère adapté et progressif du dispositif, sans que le niveau d'accompagnement soit nul, ce qui est important pour garantir la prise en considération et le suivi de chaque allocataire. J'ai déposé deux sous-amendements de précision rédactionnelle, afin que cet amendement puisse être soutenu par le Gouvernement. Il permettra de rappeler notre objectif : offrir l'accompagnement le plus soutenu possible à un maximum d'allocataires, tout en tenant compte des difficultés particulières que rencontrent certains.
Je souhaite revenir sur certains propos surprenants qui viennent d'être tenus. Notre collègue Jérôme Guedj nous a invités à revenir à la source, citant une remarque du président Mitterrand au sujet du RMI. Revenons donc à la source : il me semblait qu'à l'origine, les gens de gauche prônaient l'émancipation et une société de l'égalité où le travail et les cotisations des uns permettaient de financer les difficultés des autres.
Aujourd'hui, vous défendez l'assignation à une allocation qui permet juste de survivre à son domicile. Voilà ce que vous défendez depuis des heures !
Quel est notre constat ? Certaines personnes sont éloignées de l'emploi pour deux raisons : d'une part, la complexité d'un système organisé en silos, d'autre part, la multiplication des freins qui entravent le retour à l'emploi. Avec toute la modestie qui s'impose – car nous ne remettrons pas subitement des gens dans l'emploi –, nous œuvrons à rapprocher et à coordonner les différents acteurs de l'emploi – Pôle emploi, Cap emploi, missions locales –, tout en intégrant l'ensemble des éléments qui constituent la vie des personnes : problèmes de logement, de compétences ou encore de garde d'enfants. Telle est notre approche ; elle se doit d'être modeste, dès lors qu'elle concerne des personnes très éloignées de l'emploi. Votre attitude de défiance, qui a pour effet de maintenir les gens dans leur situation, est absolument insupportable.
On y arrive : le moment est venu de choisir, chers collègues – je ne parle pas à la droite, qui a déjà fait son choix à travers l'amendement n° 183 .
Acceptez-vous de pactiser avec des gens dont le seul but est de stigmatiser les allocataires ? Nous avons bien entendu M. Di Filippo sur ce sujet.
En votant ces amendements vous pourrez faire sauter l'amendement n° 183 et éviter un compromis qui révélera une seule chose : votre duplicité.
Vous avez un seul et unique référentiel, madame la rapporteure : le contrat d'engagement jeune, avec ses fameuses quinze à vingt heures d'activité qui ont été plus ou moins – plutôt moins que plus – imposées à des jeunes. M. le ministre se gargarise des résultats positifs de ce contrat. Or que révèle le rapport de l'Igas, dont vous avez noté que j'aimais le citer ? En cumul, 43 % des signataires du CEJ étaient sortis du dispositif au 13 novembre. Parmi ceux qui étaient suivis par Pôle emploi, 60 % ont mis fin à leur contrat avant l'échéance, pour des motifs « autres ».
C'est très bien !
Nous ne savons pas ce qu'ils sont devenus : ils sont partis et ont disparu, pour des motifs « autres ».
Le rapport de l'Igas précise d'ailleurs : « Il est quasiment impossible de tirer des conclusions robustes d'un tableau dont 50 % des effectifs sont dans la catégorie "autres" ». Votre dispositif souffre de problèmes d'évaluation. Arrêtez d'affirmer que les quinze à vingt heures d'activité sont efficaces : vous n'en savez rien. Il y a des résultats positifs, qui sont à saluer, mais il y a aussi des résultats inévaluables.
Le CEJ est assorti de quinze à vingt heures d'activité pendant six mois – soit. Mais avec le RSA, combien de temps faudra-t-il effectuer quinze à vingt heures hebdomadaires : un an, deux ans, cinq ans, dix ans ? Le savez-vous même ? Quand une personne aura suivi 250 fois l'atelier CV, qu'elle aura passé 358 fois son permis et qu'elle aura fait 22 fois l'atelier de remobilisation professionnelle, que mettrez-vous dans les quinze à vingt heures d'activité ?
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Visiblement, des connexions se sont établies depuis la commission : pour obtenir une majorité, vous vous êtes mis d'accord sur la rédaction d'un amendement avec nos collègues du groupe Les Républicains qui, si je comprends bien – je le dis, moi aussi, avec humilité et modestie – cherchent depuis le début à vous aider à assumer votre texte. C'est manifestement l'objectif que visent leurs propositions. Avec leur aide, vous allez graver dans le texte les quinze heures d'activité, qui dénotent des intentions dont vous dites qu'elles n'en sont pas.
M. le ministre parle désormais de quinze à vingt heures : en réalité, vous voulez imposer plus que quinze heures d'activité. Il s'agit de tirer le dispositif vers une occupation maximale des bénéficiaires, en contrepartie de l'assurance chômage et du RSA. Telle est la logique de votre texte. Nous avons exprimé nos désaccords vis-à-vis de cette démarche.
Un flou demeure – mais peut-être l'amendement n° 183 , que nous étudierons de près, nous éclairera-t-il. M. le rapporteur a dressé une liste assez succincte des activités que les bénéficiaires pourraient effectuer – principalement des ateliers, si j'ai bien compris. De mon point de vue, il faudrait plutôt renforcer la formation des demandeurs d'emploi ; c'est d'ailleurs ce qu'ils attendent. Sans doute ont-ils aussi besoin d'ateliers dans des domaines très particuliers.
Je rejoins la question que vient de poser Arthur Delaporte : et après ? Vous adoptez une position à très courte vue. Compte tenu du nombre d'offres d'emploi disponibles et du nombre de demandeurs, rien ne garantit que les personnes trouveront systématiquement un travail à l'issue du contrat. C'est ce que vous nous vendez, mais la réalité risque d'être bien plus compliquée.
J'aimerais poser une question à nos éminents collègues qui siègent aux deux extrêmes de l'hémicycle – puisque nous voyons s'opérer des rapprochements entre eux.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Voici donc ma question : votre démesure et vos excès ne sont-ils pas des insultes adressées aux personnes éloignées de l'emploi ? Je suis profondément choquée d'entendre parler de travail obligatoire et de travail forcé, qui nous renvoient aux heures sombres de l'histoire.
Je suis choquée qu'on puisse parler de cette façon des personnes qui sont éloignées de l'emploi.
Si le travail n'est pas forcé, il est volontaire ! Et si le travail est volontaire, il n'est pas forcé !
Les personnes éloignées de l'emploi n'ont qu'une envie : revenir à l'emploi – mais cela vous pose problème. La facilité serait de les laisser dans leur situation.
Quelle issue leur offrez-vous ?
Vous vous interrogez sur la durée du dispositif et sur son issue, mais quelle issue proposez-vous à ceux qui sont au RSA ? Vous les y laissez pendant des années !
Voilà votre paix sociale – ce n'est pas notre choix. Nous choisissons de sortir ces personnes de la précarité et de les accompagner, afin de lever les freins à l'emploi pour celles qui en sont le plus éloignées. Pour avoir présidé pendant cinq ans une maison de l'emploi dans le Haut-Jura, j'ai rencontré beaucoup de cas ; si le dispositif que nous prônons avait alors existé, nous aurions pu accompagner beaucoup plus de personnes et les sortir plus tôt de leur difficile parcours de précarité. Efforcez-vous de regarder la réalité en face, chers collègues ; ensemble, levons les freins à l'emploi et accompagnons les personnes qui en sont très éloignées !
La communication que vous avez faite en amont du texte m'a quelque peu mise en colère. Avec vos quinze à vingt heures d'activité, vous avez asséné l'idée qu'on remettrait tout le monde au travail et qu'on donnerait des coups de pied au derrière des fainéants. Vous n'avez pas l'air d'accord, monsieur le ministre, mais pour l'opinion publique, c'est ce qui est ressorti des débats quand vous avez commencé à communiquer sur le texte. C'est assez irresponsable, car cela renforce la stigmatisation des bénéficiaires du RSA et l'image de fainéants dans leur canapé : c'est inacceptable. Nous avons évoqué suffisamment de situations personnelles lors de nos débats pour savoir qu'on ne vit pas avec le RSA : on survit.
Vous avez surfé sur cette vague dans votre communication. C'est irresponsable, pour trois raisons. Premièrement, nous découvrons au fil des débats qu'au lieu des quinze à vingt heures, qui devaient être obligatoires, les personnes bénéficieront dans la grande majorité des cas – selon moi, mais nous attendons encore les chiffrages – d'un accompagnement social. Ce n'est pas ce que vous avez affirmé dans votre communication. Deuxièmement, nous n'avons pas la capacité de dispenser cet accompagnement ; nous n'avons pas les moyens de proposer les formations ciblées et l'accompagnement bienveillant que nous appelons tous de nos vœux. Troisièmement, les travailleurs sociaux sont dans la peine, et jamais le Gouvernement n'a osé entreprendre une revalorisation de la filière. Jamais vous n'avez cherché à revaloriser ces métiers, à leur donner davantage de moyens, à en faire la publicité auprès des jeunes pour les attirer vers cette activité qui a du sens, ni à augmenter les salaires. En définitive, nous nous retrouvons avec une alliance entre les droites…
…et avec un dispositif qui n'est pas à la hauteur des bénéficiaires du RSA, qui survivent avec 600 euros par mois.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame et monsieur les rapporteurs, j'aimerais vous poser une question – je l'adresse aussi aux Républicains – : avec l'obligation d'activité, quel signal envoyez-vous aux Français quant à la valeur travail ? Votre dispositif créera une forme d'injustice. En voici la preuve par les chiffres : un travailleur au Smic, qui effectue trente-cinq heures par semaine et qui gagne 1 383 euros net mensuels, est payé 9,12 euros net de l'heure ; tandis qu'un demandeur d'emploi soumis à l'obligation d'activité, à qui l'on demandera de faire du bénévolat quinze heures par semaine, sera payé, au prorata, 9,35 euros de l'heure. Quel message enverra-t-on sur la valeur travail, quand des personnes qui touchent le Smic seront moins payées à l'heure, au prorata, que celles qui devront exercer une activité bénévole ?
L'obligation d'activité risque d'ouvrir la boîte de Pandore. Prenons le cas d'une association d'aide à domicile. Quel intérêt aurait-elle à recruter un salarié, alors qu'elle pourrait faire appel à un bénévole qui sera rémunéré par l'État au travers du RSA ? Le texte ne répond pas aux vraies questions. Aussi sommes-nous opposés à l'obligation d'activité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'entends nos collègues du groupe Les Républicains affirmer que le RSA n'est pas toujours subi, mais parfois choisi. Pour vous, le vrai sujet réside donc dans le mérite, dans le travail et dans les fruits que l'on tire de son travail. Il faudrait donc poser la question des salaires, plutôt que celle du RSA.
Par ailleurs, les propos de M. Turquois dénotent un quiproquo, une confusion…
On parle sans cesse des devoirs, mais l'accompagnement des allocataires du RSA est un droit.
M. Arthur Delaporte et Mme Marie-Charlotte Garin applaudissent.
Or quinze heures d'activité, ce n'est pas quinze heures d'accompagnement. L'activité n'est pas de l'accompagnement ! Vous voulez imposer une conditionnalité – c'est votre liberté –, mais nous vous répondons : cela ne marchera pas.
Mme Ségolène Amiot applaudit.
Certains députés sont philosophiquement opposés à votre démarche, mais au-delà de la philosophie, nous affirmons que cela ne marchera pas. Vous prenez l'exemple du CEJ, mais près de la moitié des 330 000 jeunes signataires n'ont pas atteint les quinze heures hebdomadaires !
Je le répète : les quinze heures ne fonctionneront pas. Vous n'êtes pas capables de dire combien d'allocataires du RSA devront automatiquement signer un contrat d'engagement réciproque ; vous n'êtes pas capables d'évaluer le volume global d'activité que cela représentera, et vous n'êtes pas capables de proposer les activités dont vous promettez qu'elles assureront le retour à l'emploi. Soyons pragmatiques, et discutons avec les professionnels de l'insertion – pour votre part, vous nagez en plein délire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, SOC et Écolo – NUPES.
Nous avons un objectif et je m'étonne que nous ne le partagions pas : sortir les personnes de la misère et changer leur vie, pour que chacun et chacune trouve sa place dans la société et y joue un rôle. Pour l'atteindre, nous réalisons un diagnostic avec les personnes engagées dans cette mission.
Ce diagnostic social nous permettra de définir les mesures à prendre pour accompagner ces personnes et les aider à obtenir un logement, à se déplacer, à faire garder leurs enfants. Nous ferons en sorte de lever tous les freins à l'insertion professionnelle. C'est un diagnostic partagé puisque nous l'établissons avec le bénéficiaire du RSA. La formation fait partie de l'accompagnement et l'activité est essentielle pour remobiliser les allocataires du RSA.
Lorsque je présidais le conseil départemental du Haut-Rhin, j'ai décidé de demander aux allocataires du RSA qui le souhaitaient de faire du bénévolat.
J'ai aussi décidé que ceux qui accepteraient un emploi de vendangeur continueraient de percevoir le RSA à taux plein. Les résultats sont là : ces personnes ont retrouvé confiance et estime de soi. Mieux : grâce au lien social qu'elles ont pu nouer à cette occasion, certaines d'entre elles ont retrouvé un emploi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Rappelons le contexte : 300 000 emplois non pourvus pour 16,5 millions de personnes privées d'emploi. Arrêtez votre délire adéquationniste ! Croyez-vous vraiment qu'il suffira de faire pression sur les bénéficiaires du RSA et de les menacer de leur supprimer les allocations pour qu'enfin, à coups de quinze heures d'activité, ils aillent travailler ?
Il y a des entreprises qui cherchent à embaucher et ne trouvent personne ! Allez donc un peu sur le terrain !
Si encore vous entendiez par ces quinze heures un temps de formation proposé par la collectivité, nous respecterions votre choix. Mais il ne s'agit pas du tout de cela. Vous êtes incapables d'empêcher les suppressions de postes, vous échouez à créer des emplois, et vous en faites porter la responsabilité à ceux qui sont privés de travail, en exigeant d'eux qu'ils accomplissent leurs quinze heures ! Et encore, quinze heures au minimum ! Qui dit qu'ils ne seront pas obligés de travailler trente-neuf heures ? Surtout, vous ne dites rien de ces quinze heures. Il a fallu que l'on insiste en commission des affaires sociales pour apprendre qu'il s'agirait de formation, d'insertion sociale mais aussi de bénévolat – vous venez d'inventer le bénévolat obligatoire –, de stages en immersion professionnelle. Ces quinze heures seront en réalité du travail gratuit !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les expérimentations n'ont pas réussi à prouver que les collectivités pouvaient assumer ces quinze heures. Dans la Creuse, sur les quelque quatre-vingts bénéficiaires du RSA, un seul a réussi à accomplir ses quinze heures, dans une banque alimentaire. À La Réunion, des bénéficiaires du RSA se sont retrouvés à faire de la mise en rayon dans les magasins, juste avant les soldes, en décembre !
Il est inacceptable de contraindre les gens à travailler gratuitement ! Le seul contrat d'engagement est le CDI !
Exclamations sur les bancs du groupe RE – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il y a beaucoup plus que 350 000 emplois non pourvus ! Divisez ce nombre par la moitié des communes de France, soit 17 000 : cela donnerait seulement une vingtaine d'emplois non pourvus par commune ! La réalité est tout autre et votre chiffre de 350 000 emplois non pourvus ne tient pas la route.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 147
Nombre de suffrages exprimés 147
Majorité absolue 74
Pour l'adoption 71
Contre 76
Notre système social devrait avoir pour vocation d'aider les gens à retrouver un travail.
Nous vous proposons de revoir notre façon d'accompagner les personnes. Nous ne savons pas faire. Le RMI contient le terme d'insertion et le RSA, celui d'activité. Pourtant nous n'avons cessé d'ouvrir, au fil des ans, des trappes à inactivité et à pauvreté.
L'accompagnement doit être social et professionnel. Il ne peut pas être l'un ou l'autre sinon il ne mène pas les gens à l'emploi ou manque des cibles.
Il est vain de vouloir dissocier l'accompagnement social de l'accompagnement professionnel. Ceux qui sont très éloignés de l'emploi ont besoin des deux.
Par cet amendement, nous voulons signifier aux allocataires du RSA qu'ils ont le devoir de faire un effort d'insertion. Je vais aggraver mon cas : la société a le droit d'évaluer ce qu'ils font pour s'insérer.
Alors que vous considérez que le versement du RSA ne doit donner lieu à aucune contrepartie, nous pensons au contraire qu'il est légitime de demander en échange quinze heures d'activité par semaine, sous la forme d'une formation ou d'un stage, par exemple. C'est un accompagnement social et professionnel.
Cela étant, nous sommes lucides et nous savons très bien que certains de nos compatriotes ne pourront accomplir ces quinze heures. C'est pourquoi nous proposons que cette mesure puisse être adaptée à la situation de chacun. .
Mme Émilie Bonnivard applaudit
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir le sous-amendement n° 1851 .
Nous avons choisi de sous-amender un amendement que nous n'approuvons pas afin de nous inviter à la noce entre la majorité et le groupe Les Républicains. Je me permettrai cependant de signaler à nos collègues de la majorité qu'ils se retrouvent dans un mariage forcé.
Ce texte, fruit d'âpres négociations en coulisses, est plus dur que celui que vous avez voté en commission.
Certains ont défendu la progressivité du texte. Je ne vois rien qui s'en approche de près ou de loin dans l'amendement coécrit qui nous est soumis ! Et vous allez déployer des efforts considérables pour essayer de nous prouver le contraire !
Nous tenterons donc, au travers de nos sous-amendements, d'apporter les garanties les plus élémentaires à un dispositif qui ne nous convient pas. Le premier tend ainsi à supprimer le caractère systématique de la durée requise d'activité pour bénéficier du RSA. Reconnaissons au groupe Les Républicains d'être très malin puisque c'est à M. Juvin, le plus modéré d'entre eux, qu'il confie le soin de présenter l'amendement.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir le sous-amendement n° 1842 .
L'heure est grave : nos collègues s'apprêtent à voter un amendement qui vise à rendre obligatoire l'accomplissement de ces heures d'activité, contrairement à ce qui a été évoqué en commission ou aux propos tenus par le ministre au Sénat.
Nous vous proposons, pour atténuer un tant soit peu l'erreur que vous êtes en train de commettre, de préciser que l'obligation de quinze heures d'activité par semaine est une cible, ce qui autorisera l'allocataire à en faire moins. Adopter ce sous-amendement vous permettrait de relever un peu la tête.
Nous partageons avec M. Saint-Huile une opposition farouche à ces quinze ou vingt heures d'activité et une même détermination à protéger ceux que vous allez précariser.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir le sous-amendement n° 1849 .
Depuis le début de l'examen, on voltige, parlant tantôt de quinze heures, tantôt de vingt heures. Nous proposons enfin de clarifier, en précisant que la durée d'activité requise pour bénéficier du RSA ne peut dépasser les quinze heures. Nous ne sommes pas favorables au principe de l'activité mais il faut bien encadrer cette disposition et fixer un plafond !
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir le sous-amendement n° 1841 .
Je serai presque plus conciliant que M. Saint-Huile ! Nous proposons de nous en tenir à votre discours et de plafonner le dispositif à vingt heures – ce qui sera toujours trop. C'est le cœur lourd que nous voterons ce sous-amendement ; de votre côté, vous respecterez la parole présidentielle.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir le sous-amendement n° 1850 .
Vous choisissez de conditionner le versement du RSA à l'accomplissement d'heures d'activité pour, soi-disant, favoriser le retour à l'emploi de l'allocataire. Admettons que vous soyez de bonne foi.
L'objet de notre sous-amendement est simple : si au bout d'une durée d'un an, renouvelable une fois, l'allocataire n'a pas trouvé d'emploi, la durée de son obligation hebdomadaire d'activité – de quinze heures, par exemple – devra être revue avec son référent.
Si après s'être soumis pleinement pendant deux ans aux obligations d'activité prévues dans le contrat d'engagement réciproque, un allocataire du RSA ne trouve pas de travail, il faut prendre acte qu'un problème plus large l'empêche de retrouver un emploi, cesser de « faire pression » sur lui pour qu'il effectue ses heures d'activité et revenir à un suivi global – j'utilise l'expression « faire pression » entre guillemets, car je ne souhaite pas vous provoquer. Passée une durée maximum d'un an renouvelable, un traitement différencié serait justifié.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n° 1854 .
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, ce sous-amendement ainsi que le n° 1853 visent à améliorer la rédaction et à la simplifier.
J'ai presque envie de présenter les sous-amendements du Gouvernement à la place du ministre, car ils ne sont pas du tout rédactionnels !
Quant au présent sous-amendement, il vise à rétablir de la collégialité – un de nos amendements suivants, plus explicite, partage le même objet. L'équipe pluridisciplinaire, qui accompagne actuellement les allocataires du RSA pour s'assurer que leur suivi est concerté et qui comprend des élus, conserverait ainsi sa place dans le nouveau dispositif, car elle fonctionne bien.
Je souscris totalement aux propos de M. Saint-Huile. Vous ne nous avez toujours pas répondu, monsieur le ministre : pendant combien de temps les allocataires seront-ils contraints d'effectuer des heures d'activité ? Toute leur vie ? Je vous rappelle que certains touchent le RSA pendant deux, trois, quatre, cinq, ou dix ans.
C'est tout le problème !
Devront-ils fournir quinze à vingt heures d'activité pendant toute cette période ? Les bénéficiaires du contrat d'engagement jeune, eux, ne sont soumis à une telle obligation que pendant six mois au maximum, renouvelables une fois – ils ne le sont jamais pendant plus d'un an,…
…ou très rarement. Madame la rapporteure, l'obligation dure six mois pour 96 % des CEJ. Des dérogations sont possibles…
…mais la norme est de six mois. Pourquoi ne pas prévoir une norme similaire pour le présent dispositif ? Vous pourriez disposer que l'obligation d'effectuer des heures d'activité vaut pendant un an, renouvelable sur dérogation. En l'absence d'une telle précision, certains devront fournir quinze à vingt heures pendant toute leur vie. C'est terrible !
Comme je l'indiquais, certains fourniront potentiellement 250 fois le nombre d'heures prévu par Pôle emploi pour préparer les jeunes qui s'engagent dans le CEJ au permis automobile, 358 fois celui prévu par cet organisme pour le coaching personnel ou l'apprentissage de la création d'entreprises à ces jeunes. Ces formations de Pôle emploi ne vont pas plus loin ; leur nombre est loin d'être illimité, surtout dans les territoires isolés. Je vous demande donc d'instaurer une durée maximale d'obligation d'activité en adoptant le sous-amendement défendu à l'instant par M. Saint-Huile.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir le sous-amendement n° 1852 .
Nous ne voterons pas le sous-amendement n° 1854 du Gouvernement, qui vise à « assurer la collégialité de la décision ». Nous proposons, pour notre part, de préciser que la collégialité sera permise par des équipes pluridisciplinaires départementales, afin d'y voir clair.
Puisque l'adoption probable de l'amendement de M. Juvin fera tomber certains de ceux du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, j'en profite pour évoquer ces derniers.
En signe de bonne foi, nous proposions que les allocataires du RSA qui remplissent les obligations du contrat d'engagement réciproque et fournissent les heures d'activité fixées contractuellement bénéficient d'une bonification du RSA, justifiée par leur mérite et leur mobilisation. Nous n'aurons vraisemblablement pas l'occasion d'y revenir ce soir.
L'alinéa 3 de l'amendement dispose que la durée d'activité hebdomadaire pourra être réduite « à une durée inférieure » à quinze heures. La durée de quinze heures constituera donc seulement un objectif ; c'est important.
Il faut toutefois prêter attention aux détails, comme pour les contrats : l'alinéa précise également que la durée d'activité ne pourra « toutefois être nulle ». Vous devez être conscients de ce que vous votez : alors que depuis le début de l'examen du texte, le Gouvernement annonce que certains pourront être exemptés d'heures d'activité au vu de leur situation personnelle, ce sera en réalité impossible. Il leur faudra au moins faire une heure. Nous proposons de supprimer cette disposition, afin qu'une exemption totale soit possible.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir le sous-amendement n° 1848 .
Si, comme l'annoncent notamment le rapporteur et le Gouvernement, le référent disposera d'une liberté d'appréciation et établira le dialogue nécessaire avec l'allocataire, il faut lui permettre d'exempter celui-ci d'heures d'activité, pour prendre en compte sa situation personnelle.
Avec cet amendement de noces, ne faites pas des heures d'activité un totem, une obligation morale, alors que d'autres contreparties devraient être prévues pour les allocataires dans les contrats d'engagement réciproque.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir le sous-amendement n° 1843 .
Chers collègues, je continue de vous alerter sur l'amendement que vous allez voter. Son alinéa 4 dispose qu'« à leur demande, les personnes rencontrant des difficultés particulières et avérées, en raison de leur état de santé, de leur handicap ou de leur invalidité, ou de leur situation de parent isolé sans solution de garde pour un enfant de moins de 12 ans, peuvent être exclues totalement [des obligations d'activité hebdomadaire]. »
En commission, nous avions évoqué les proches aidants ; ils passent ici à la trappe. Nous avions évoqué les personnes rencontrant des difficultés de mobilité : elles aussi passent à la trappe. Il nous a été répété – en particulier par M. le rapporteur, dont nous pouvons produire les déclarations – que la liste des difficultés donnant droit à une exemption devait être précédée de l'adverbe « notamment », afin de n'être pas limitative. La présente liste, au contraire, l'est : ceux qui ne satisferont pas les critères énumérés seront astreints aux quinze à vingt heures d'activité. Voulez-vous voter une telle mesure, alors que votre gouvernement l'a fait supprimer au Sénat ?
Relisez attentivement l'alinéa 4 ; pensez à celles et ceux qui n'entreront pas dans ces cases !
Je défendrai le sous-amendement n° 1853 à la place du Gouvernement. Il vise à supprimer l'alinéa 5 de l'amendement n° 183 , qui dispose que « la liste des activités éligibles à la durée d'activité hebdomadaire est fixée par décret. » Le Gouvernement préfère la voie de l'arrêté, pour faire passer le problème à la trappe, et décider comme il veut des activités. Le ministre ne le précise pas, mais il faut le faire pour le compte rendu de la séance.
Quant à l'amendement n° 1053 , il vise à reprendre la rédaction de l'alinéa 9 de l'article 2. Il risque donc de tomber si l'amendement n° 183 de M. Juvin est adopté. C'est dommage, parce que sa rédaction est meilleure. La voici : « Un plan d'actions communes et réciproques entre le demandeur d'emploi et le référent unique de l'organisme référent, précisant la démarche d'insertion sociale ou professionnelle, le calendrier associé et, si cela s'avère adapté à la situation particulière du demandeur d'emploi et aux difficultés notamment sociales, familiales, professionnelles qu'il rencontre, et si l'organisme référent peut garantir leur réalisation, une durée hebdomadaire d'activité du demandeur d'emploi atteignant une cible de quinze heures et d'au maximum vingt heures ».
Même si nous ne partageons pas votre philosophie, cette rédaction reprend globalement votre projet. Malheureusement, vous vous apprêtez à voter l'inverse, en jetant encore une fois des personnes à la rue.
Je suis saisi de cinq demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 183 , par les groupes Les Républicains et Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) ; sur l'amendement n° 1053 , par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) ; sur le sous-amendement n° 1845 et identique, sur le sous-amendement n° 1843 et sur le sous-amendement n° 1853 par le groupe Renaissance.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Chers collègues, la discussion sur ces amendements et sous-amendements s'annonce longue et devra se poursuivre demain. Soit MM. le rapporteur et le ministre formulent leur avis brièvement dès ce soir et je lève la séance ensuite ; soit je la lève tout de suite, pour que leur avis ouvre le débat de demain.
Assentiment.
La suite de la discussion est donc renvoyée à demain matin, à neuf heures.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Nouvelle lecture du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra