France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (n° 1514 rectifié, 1674).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 276 à l'article 1er .
Sur les amendements n° 276 et 277 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir les amendements n° 276 et 277 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Ces deux amendements, ainsi que l'amendement n° 278 , ont pour but de préciser le référentiel de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qui détermine les caractéristiques techniques applicables aux systèmes de vérification de l'âge utilisés pour l'accès aux sites pornographiques. Monsieur le ministre délégué chargé du numérique, vous nous avez assuré hier que ce référentiel existait, mais vous ne pouvez pas nous le transmettre ; surtout, vous ne souhaitez pas l'encadrer. Tel est le sens de ces trois amendements du groupe Rassemblement national, qui respectent les principes définis par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) en matière de protection des données personnelles.
L'amendement n° 276 prévoit que le mode d'authentification n'implique pas de stockage de données à caractère personnel hormis l'âge de l'utilisateur. En effet, nous n'avons aucune précision concernant le sort des données recueillies. Or la priorité de notre groupe est la protection des libertés et le droit à la vie privée, conformément à l'article 9 du code civil – « Chacun a droit au respect de sa vie privée » – et à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme – « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
Par l'amendement n° 277 , nous souhaitons nous assurer que la personne éditant le service en ligne ne pourra pas procéder à une vérification de l'âge de l'utilisateur à partir de son historique de navigation. Dans son avis du 3 juin 2021, la Cnil a elle-même considéré ce dispositif excessivement intrusif au regard du simple objectif de contrôle de l'âge.
Quant à l'amendement n° 278 , il vise à exclure l'utilisation de tout procédé biométrique pour identifier l'utilisateur et vérifier son âge. Dans son avis précité, la Cnil a souligné qu'un tel procédé n'était pas souhaitable.
Avec ces trois amendements, nous proposons donc que le référentiel exclue le stockage des données à caractère personnel hormis l'âge, la vérification de l'âge à partir de l'historique de navigation et le recours à la biométrie.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cher collègue, en défendant l'amendement n° 278 , vous avez ouvert la discussion commune des amendements n° 278 , 373 , 381 et 375 , que nous allons donc poursuivre.
Sur l'amendement n° 278 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public. Sur les amendements n° 381 et 375 , je suis également saisie, cette fois par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 278 de M. Aurélien Lopez-Liguori a donc été défendu.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l'amendement n° 373 .
Cet amendement de repli du groupe La France insoumise vise à supprimer le troisième alinéa de l'article 1er , qui renforce les pouvoirs de l'Arcom. Notre objectif est inchangé : nous souhaitons que le pouvoir de sanction revienne au seul juge judiciaire, ce qui paraît cohérent avec le fonctionnement de notre système judiciaire.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 381 .
Il s'inscrit dans la continuité des précédents et vise à interdire dans le référentiel l'usage des technologies de reconnaissance biométrique pour identifier les internautes et évaluer leur âge. Nous le savons, ces technologies ne sont pas fiables – nous avons évoqué hier les limites de la vérification de l'âge par méthode d'analyse osseuse.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l'amendement n° 375 .
Dans le même esprit, il s'agit ici d'exclure des caractéristiques techniques déterminées par le référentiel le recueil en temps réel de l'image d'une personne à des fins d'exploitation biométrique.
Comme je l'ai expliqué pendant les travaux de la commission spéciale, les photos de nos proches que nous prenons avec notre téléphone sont taguées par l'appareil, qui reconnaît chaque personne quel que soit son âge, y compris les enfants au fil de leur croissance. Voilà concrètement ce dont il est question avec cet amendement. À partir d'une seule photo, un simple téléphone est capable de reconnaître un individu sur toutes les photos qu'il contient. Imaginez les effets qu'aurait sur internet l'usage de la reconnaissance faciale par traitement biométrique des données : elle permettrait de reconnaître un individu sur n'importe quelle photo disponible sur internet ou sur un réseau social !
La parole est à Mme Louise Morel, rapporteure de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique pour les titres Ier et II, pour donner l'avis de la commission sur tous ces amendements.
Vous dites être attaché à la protection des libertés, monsieur Lopez-Liguori, mais nous aussi ! Votre premier amendement, le n° 276, vise à ce que le mode d'authentification n'implique pas de stockage de données à caractère personnel hormis l'âge de l'utilisateur. Il est satisfait, puisque, comme je l'indiquais hier soir, le référentiel sera soumis au règlement général sur la protection des données (RGPD). Je vous invite donc à le retirer ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Vous demandez ensuite, dans l'amendement n° 277 , que le référentiel exclue la vérification de l'âge de l'utilisateur à partir de son historique de navigation. Le projet de loi précise que le référentiel doit veiller au « respect de la vie privée » des utilisateurs, soit une formulation plus large, qui satisfait votre demande. Nous l'avons dit hier, nous ne souhaitons pas que le texte entre dans un trop grand degré de précision. Je demande donc également le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.
Quant à votre amendement n° 278 , il vise à exclure l'utilisation de tout procédé biométrique pour identifier l'utilisateur et vérifier son âge. Vous êtes plusieurs à souhaiter cette précision, mais, je le répète, la rédaction actuelle du projet de loi répond déjà à vos inquiétudes.
Le projet de loi prévoit que l'Arcom établira le référentiel après avis de la Cnil. Les préoccupations exprimées par les auteurs des amendements seront donc naturellement prises en considération. Plutôt que de préciser le texte, il nous paraît préférable de laisser ces autorités administratives faire leur travail. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du numérique, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je partage la position de Mme la rapporteure. La Cnil est associée à la rédaction du référentiel et ses représentants ont d'ailleurs participé activement à l'audition organisée par la commission spéciale jeudi dernier.
S'agissant du traitement biométrique des données, il est évidemment exclu qu'il soit toléré par la Cnil, puisqu'elle l'écarte par principe – vous l'avez rappelé hier, monsieur Lopez-Liguori –, sauf pour des usages précis et restreints.
Quant aux autres inquiétudes soulevées par les amendements, je le répète, le référentiel définira les principes garantissant le respect de la vie privée et des données personnelles, à savoir le recours à un tiers indépendant, l'encadrement de la création des comptes des utilisateurs et la mise à disposition d'au moins une solution renforcée de préservation de la vie privée, dite de double anonymat – un tiers de confiance assurera l'étanchéité totale entre le fournisseur de preuve de majorité et le site internet réservé aux adultes.
Je souscris aux arguments développés par Mme la rapporteure et par M. le ministre délégué. Sur différents bancs, un grand nombre de nos collègues regrettent que la présentation du référentiel ne soit pas suffisamment précise. L'audition des représentants de l'Arcom et de la Cnil, organisée à la demande de Paul Midy, rapporteur général de la commission spéciale, que je remercie, a permis de documenter très largement le référentiel. Certes, l'article 1er n'entre pas dans le détail de ses spécificités techniques, mais c'est préférable, sous peine de fragiliser le projet de loi. Celui-ci fixe des lignes directrices claires au référentiel, sur la base de deux principes établis : la fiabilité du contrôle de l'âge et le respect de la vie privée.
Hier, plusieurs collègues ont déclaré que le respect de la vie privée était une notion floue et ont proposé de parler plutôt « d'anonymat en ligne ». En réalité, la notion de vie privée est extrêmement documentée sur le plan juridique et repose sur une jurisprudence solide – vous l'avez souligné, monsieur Lopez-Liguori.
Les explications de M. le ministre délégué sur le principe du double anonymat, visant à protéger les utilisateurs, sont très claires : d'une part, un tiers connaît votre identité et votre âge, mais ne sait pas quel site vous consultez ; d'autre part, le site en question ne connaît pas votre identité, mais est assuré que votre âge vous autorise à le consulter. Ce principe sera proposé à l'ensemble des utilisateurs, qui auront le choix, comme les plateformes, de solutions alternatives.
Vous considérez que le respect de la vie privée est une notion suffisamment renseignée dans la loi, mais, jusqu'à preuve du contraire, nous sommes les législateurs. Dans votre logique, c'est à nous d'avaliser – ou non ! – les recommandations de la Cnil sur le référentiel et les mesures de sécurisation des données privées.
Nous pensons, au contraire, qu'il nous revient de les définir. Quand, dans l'amendement n° 375 , nous demandons que le recueil en temps réel de l'image d'une personne à des fins d'exploitation biométrique ne soit pas autorisé, ce n'est pas une demande extraordinaire. Le rôle du législateur est de protéger les utilisateurs d'un dispositif extrêmement intrusif et dangereux, auquel les entreprises pourraient être tentées de recourir, et de prévoir dans le projet de loi une barrière de sécurité. Quant à la Cnil, son devoir est de formuler des recommandations et d'émettre des avis, pas de faire la loi.
Je partage la position de M. Coulomme. Il ne revient ni à une autorité administrative ni à la jurisprudence de fixer le référentiel. Vous estimez que l'article 1er est suffisamment précis parce qu'il mentionne le principe du respect de la vie privée, mais la définition juridique de ce principe pourrait évoluer au cours des prochaines années. Rappelons que la reconnaissance algorithmique était considérée comme intrusive il y a quelques mois, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Hier, plusieurs amendements proposaient d'étendre le référentiel aux messageries instantanées et aux réseaux sociaux – ils n'ont pas été défendus. Ils visaient eux aussi à mieux encadrer l'élaboration du référentiel pour éviter toute dérive, aujourd'hui et demain.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Pour conclure, nous maintenons nos amendements et nous soutiendrons ceux de nos collègues.
La parole est à M. Paul Midy, rapporteur général de la commission spéciale.
L'intention des auteurs de ces amendements est louable, mais tout est déjà écrit dans le RGPD, dont la Cnil doit s'assurer de la bonne application. Il n'y a pas de différence de fond entre nous, mais il nous paraît préférable de ne pas réécrire – et peut-être moins bien – les règles contenues dans le RGPD.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 49
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 14
Contre 34
L'amendement n° 276 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 49
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 15
Contre 34
L'amendement n° 277 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 49
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 14
Contre 34
L'amendement n° 278 n'est pas adopté.
L'amendement n° 373 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 22
Contre 34
L'amendement n° 381 n'est pas adopté.
Sourires.
Vous allez devoir me supporter jusqu'à minuit, et il n'est que neuf heures vingt.
Nouveaux sourires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 21
Contre 34
L'amendement n° 375 n'est pas adopté.
Ces deux amendements ont le même objectif. Par le premier, nous proposons que le référentiel soit géré par un tiers de confiance ; par le second, qu'il ne soit pas directement géré par les sites eux-mêmes. En effet, une telle pratique engendrerait des problèmes en matière de stockage et de gestion de données personnelles, mais aussi d'efficacité. Conformément à la position que nous défendons depuis hier soir, nous préférons donc la technique du tiers de confiance.
Dans votre premier amendement, vous proposez l'ajout d'un critère de contrôle par un tiers. Pour les raisons que nous avons déjà évoquées, nous préférons ne pas préciser le cadre de ce référentiel, mais laisser ce soin à l'Arcom et à la Cnil. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Par votre deuxième amendement, vous souhaitez interdire que le contrôle de l'âge soit opéré directement par les éditeurs. Néanmoins, la rédaction de votre amendement est ambiguë : il ne faudrait pas que les éditeurs puissent fuir leur responsabilité de vérification de l'âge des utilisateurs de leurs services. Sur le fond, nous souhaitons effectivement que le responsable de la technique de contrôle de l'âge soit distinct de l'éditeur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis que Mme la rapporteure. Il est plus clair de parler de tiers impliqué dans le contrôle d'âge que d'anonymat, même si ce dernier terme est sans doute plus parlant – nous en avons débattu hier soir.
Ce qui compte, c'est la mécanique : elle sera bien précisée par le référentiel, et reposera sur un tiers indépendant – l'Arcom et la Cnil ont été très claires sur ce point. Outre cette caractéristique qui s'appliquera en général aux options offertes, au moins une solution de double anonymat sera proposée. En pratique, ce double anonymat fonctionnera comme un double tiers, l'un produisant la preuve anonyme de majorité, le deuxième la réceptionnant et, le cas échéant, l'adressant au site réservé aux adultes pour y accéder. Demande de retrait, l'amendement étant satisfait par les déclarations devant la représentation nationale, jeudi dernier, de l'Arcom et de la Cnil, qui ont bien indiqué que la vérification d'âge s'appuierait sur un tiers indépendant.
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 342 .
Lors de l'examen du texte en commission, vous avez ajouté une phrase à l'alinéa 3 pour indiquer que le référentiel sera actualisé « en tant que de besoin ». Nous vous rejoignons dans l'idée que le référentiel devra être actualisé et que les nouvelles technologies ne cessent d'évoluer – comme les pratiques des utilisateurs. L'actualisation du référentiel permettra également, je l'espère, de remédier à d'éventuels problèmes constatés à la suite de sa mise en œuvre.
Cependant, la rédaction actuelle de l'alinéa ne nous satisfait pas, car elle ne prévoit aucune obligation formelle de réviser le référentiel. Nous proposons donc que ce référentiel soit actualisé « en tant que de besoin, et au moins tous les trois ans » afin de remédier à ce problème. Trois ans, cela suffit pour que de nouvelles plateformes aux pratiques différentes émergent, pour que les usages changent, ou pour que des problèmes liés au référentiel reviennent aux oreilles de l'Arcom. Acter cette révision du référentiel tous les trois ans nous permettrait également de nous assurer, en tant que législateurs, que la révision du référentiel ne sera pas conditionnée à la volonté ou aux moyens de l'Arcom.
Nous partageons l'ambition d'actualiser le référentiel de manière régulière. Vous proposez une révision tous les trois ans,…
…mais avec la rédaction actuelle, cette actualisation peut avoir lieu tous les ans ou tous les dix-huit mois. Nous considérons que cette rédaction est suffisante, d'autant plus que la commission spéciale a aussi adopté un amendement prévoyant que l'Arcom transmet au Parlement un rapport annuel dans lequel sont présentées les évolutions du référentiel. Nous sommes donc suffisamment informés – et en tant que parlementaires, nous pouvons aussi interroger l'Arcom sur ce référentiel. L'inscription dans la loi de la précision « au moins tous les trois ans » pourrait avoir un effet contraire à votre ambition, en incitant l'Arcom à n'actualiser le référentiel que tous les trois ans,…
…alors que l'évolution des technologies risque d'imposer la nécessité de révisions plus fréquentes encore. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 342 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Vous prévoyez d'utiliser un logiciel pour contrôler les cartes d'identité des Français ; la moindre des choses, c'est que l'on puisse accéder au mécanisme et au fonctionnement de ce logiciel. Si vous souhaitez poursuivre dans cette logique, vous devez au moins vous conformer à un minimum d'exigences : nous devons savoir comment est construit ce logiciel, comment les données sont stockées, par qui il est réalisé et quels sont chacun de ses mécanismes. Vous ne pouvez pas créer un mécanisme de contrôle d'identité – une police numérique, finalement – sans nous en expliquer le fonctionnement.
Par ailleurs, un logiciel au format ouvert ne présenterait aucun risque d'espionnage stratégique de données sensibles ou de propriété intellectuelle, au vu de la banalité du processus technique. Il n'y a donc aucune raison valable de cacher le procédé utilisé qui, je le rappelle, va contrôler les pièces d'identité des citoyens, ce qui est quand même très rare sur internet. Ce procédé inédit doit être accessible à tout moment et à tous les citoyens. Dans le numérique comme dans le réel, nous avons des obligations quand nous imposons des limitations aux libertés : nous ne pouvons nous soustraire à la justification. Le meilleur moyen pour éviter les abus et les mécanismes oppressifs, c'est la transparence.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 379 .
Outre les arguments de ma collègue, plusieurs raisons nous incitent à défendre un système ouvert, réutilisable, dont on puisse connaître le code. D'abord, cela permet de s'assurer de la confiance du public dans le système qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'y a pas d'enjeu stratégique, de secret des affaires – celui que vous défendez si chèrement habituellement. En revanche, l'enjeu stratégique commercial est bien là, puisque cet amendement suggère la cession de sites ou de marques, avec l'ensemble des dispositifs de contrôle de l'âge qui les accompagnent. Il s'agit ainsi d'éviter que de grandes entreprises du net puissent se doter de systèmes qui leur appartiennent. Nous laisserions de cette manière ouverte la porte pour les jeunes pousses que vous voulez défendre, afin qu'elles puissent pénétrer ces marchés sans subir la contrainte de se conformer à des standards trop sophistiqués ou fermés.
Ce que vous proposez est possible et souhaitable, mais nous préférons ne pas instaurer d'obligations. Le référentiel sera public et ouvert : nous serons tenus informés de ces évolutions chaque année par l'Arcom. Cependant, vous nous demandez d'aller plus loin : cela reviendrait finalement à obliger les entreprises privées qui créent ces logiciels à les laisser ouverts à tous.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
puisque c'est là un produit qu'ils commercialisent. Pour autant, si ces logiciels sont choisis par les éditeurs de sites pornographiques, c'est qu'ils sont conformes au référentiel défini par l'Arcom, autorité administrative indépendante. Avis défavorable.
Si le logiciel n'est pas disponible en open source, il sera impossible à nos concitoyens de s'assurer de l'absence de certaines dérives involontaires, bien attestées dans ce domaine.
Par exemple, aux États-Unis, un logiciel de traitement des données s'est révélé raciste. Il ciblait majoritairement les personnes de couleur, à cause du contexte dans lequel l'intelligence artificielle avait été entraînée – la discrimination n'était pas due aux programmeurs eux-mêmes, qui n'avaient pas prévu cet effet.
Si nous ouvrons l'accès au code source du logiciel, nos concitoyens pourront s'assurer de l'absence d'une telle dérive, ou, si elle est attestée, la rectifier, émettre une alerte.
En outre, nous ne savons pas quelles seront les exigences de la Cnil et de l'Arcom vis-à-vis des entreprises sollicitées – devront-elles fournir leurs données, pour que l'Arcom vérifie que les solutions logicielles sont irréprochables ?
Nos concitoyens devraient pouvoir s'assurer d'eux-mêmes que ces logiciels sont parfaitement respectueux de nos droits et de nos lois. C'est primordial, d'autant que nous savons désormais que certaines dérives liées à l'entraînement des logiciels ne se révèlent qu'avec le temps.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est vrai, l'ouverture du code source est une bonne pratique. Nous espérons que dans la panoplie de solutions informatiques qui seront développées pour vérifier l'âge, certaines seront en open source.
Toutefois, comme l'a indiqué Mme la rapporteure, nous ne souhaitons pas imposer cette caractéristique, afin de ne pas limiter le nombre de solutions. Peut-être certains logiciels propriétaires, de meilleure qualité, auront-ils la préférence des utilisateurs ? Nous devons laisser à nos concitoyens la liberté de choisir. En outre, en favorisant la compétition, nous nous assurons que les solutions proposées seront meilleures. Cela n'enlève rien à notre souhait que l'accès à certains codes source soit ouvert, car c'est souvent une bonne pratique.
Par ailleurs – je ne sais plus si nous avons déjà adopté la mesure ou si elle figure dans un amendement à venir –, nous donnerons à l'Arcom, pour répondre à une demande formulée par ses représentants lors de l'audition, les capacités d'audit technique des solutions informatiques visées. Elle pourra ainsi s'assurer, conformément à la loi, de leur fiabilité, tant en ce qui concerne le contrôle de l'âge qu'en ce qui concerne la protection de la vie privée.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 12
Contre 25
On se doutait bien que les amendements seraient rejetés ! Pourquoi un scrutin public ?
C'est que certains d'entre vous appuient plus volontiers sur le bouton des boîtiers électroniques qu'ils ne lèvent la main !
Sur l'amendement n° 374 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 341 et 993 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 341 .
Le titre Ier du présent texte s'intitule de manière prometteuse « Protection des mineurs en ligne ». Pourtant, le dispositif proposé apparaît très perfectible. Dans sa version actuelle, le texte ne contient quasiment aucune mesure garantissant la protection des enfants.
En outre, quasiment aucun élément ne permet au Parlement d'y voir plus clair sur le contenu du fameux référentiel. Il est de notre responsabilité, en tant que législateurs, de ne pas donner un blanc-seing à l'Arcom en la matière sans nous être assurés du respect de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Nous proposons donc d'inscrire noir sur blanc dans la loi que les arbitrages qui auront lieu lors de la création du référentiel devront se conformer aux engagements pris par la France lors de la ratification de la Convention relative aux droits des enfants.
Dans la continuité de certains amendements que j'ai déjà défendus, nous proposons également de préciser que les plateformes devront se conformer à la loi sans attendre la publication du référentiel.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 993 .
Il vise à préciser la rédaction de l'article 1er . Nous avions eu l'occasion de l'indiquer en commission, il nous semblait que l'importance accordée par le texte à l'obligation de moyens – notamment le respect du référentiel – conduisait pour ainsi dire à « écraser » l'obligation de résultat, ce qui était dommageable.
Toutefois, le texte a été modifié hier comme nous l'attendions, et vous vous êtes engagés à distinguer clairement l'obligation de moyens, inscrite à l'article 1er , et l'obligation de résultat, inscrite à l'article 2. Nous retirons donc notre amendement, puisqu'il est satisfait.
L'amendement n° 993 est retiré.
Vous avez enfin compris ! Hier, j'ai bien vu que vous faisiez semblant de ne pas comprendre !
Je vous remercie d'avoir retiré votre amendement, monsieur Saulignac. Effectivement, nous l'avons confirmé hier, différents amendements permettront d'assurer le double respect des obligations de moyens et de résultat.
Madame Pasquini, en demandant d'inscrire ici le primat de l'intérêt supérieur de l'enfant, vous interrogez l'objet même du titre Ier du projet de loi.
Or le référentiel vise précisément à protéger les enfants. Le législateur n'a cessé, ces dernières décennies, de chercher des parades à la fréquentation de sites pour adultes par les mineurs – en vain jusqu'à présent.
Je vous le rappelle, l'Arcom, que ce projet de loi place à l'avant-garde, a publié en mai un bilan alarmant en la matière. Cette autorité assure déjà une mission de prévention, notamment dans le cadre du protocole d'engagements pour la prévention de l'exposition des mineurs aux contenus pornographiques en ligne.
Votre amendement me semble satisfait : vous proposez d'inscrire dans l'article l'objet même du projet de loi, car nous partageons la même ambition. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je saisis cette occasion pour saluer l'engagement des équipes de l'Arcom chargées de la protection des mineurs en ligne, en particulier de Mme Laurence Pécaut-Rivolier.
Même avis. Vous voyez bien, madame Pasquini, que les rapporteurs et moi-même essayons de faire la part des choses : il s'agit que les solutions de vérification d'âge se diffusent le plus rapidement possible, tout en garantissant leur fiabilité et le respect de la vie privée – nous souhaitons en effet apaiser les inquiétudes de nos concitoyens dans ce domaine, relayées depuis hier soir sur certains bancs de cet hémicycle.
Il me semble que nous avons trouvé le bon équilibre. Nous vous demandons donc de retirer votre amendement. À défaut, nous appellerons à le rejeter, comme nous rejetons les propositions qui visent, en sens inverse, à cadenasser le référentiel – en effet, elles risqueraient de limiter les options de vérification d'âge, portant ainsi atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Les députés du groupe Rassemblement national voteront contre cet amendement. Si nous partageons bien sûr l'objectif de protection de l'enfance, nous nous inquiétons de sa rédaction – l'amendement vise à « donne[r] le primat à l'intérêt supérieur de l'enfant devant le respect de la vie privée des utilisateurs ». Cela revient à menacer, sans autre débat, la vie privée des utilisateurs, alors que c'est une liberté fondamentale.
Il est impossible de maîtriser les implications d'une formulation aussi large. Celle-ci crée un risque disproportionné ; elle est difficilement défendable sur le plan juridique.
L'amendement n° 341 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l'amendement n° 374 .
Nous proposons de nouveau d'encadrer strictement l'utilisation des données biométriques, notamment de la reconnaissance faciale. Les passeports biométriques en usage impliquent de scanner, d'analyser et d'enregistrer des milliers de points sur le visage. Celui-ci est ainsi devenu une carte d'identité – au point que dans certains aéroports, le contrôle d'identité n'est plus assuré par un douanier, mais par une machine.
Le présent amendement vise à interdire de telles technologies, qu'il est bien trop facile de détourner de leur fonction initiale.
Nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises. Nous ne souhaitons pas préciser les caractéristiques techniques du référentiel. Avis défavorable.
Nous souhaitons exclure dans la loi la possibilité de recourir à la technologie biométrique. On le sait, celle-ci est très avancée, très précise – comme notre collègue vient de l'indiquer, elle fait du visage une carte d'identité. Elle interdit ainsi l'anonymat, notamment parce que des croisements de données facilitent l'identification des individus.
Nous avons déjà permis la reconnaissance faciale sur les téléphones. C'était une erreur, car nous laissons ainsi nos concitoyens, dans une espèce de soumission volontaire, fournir des informations personnelles très précises à des entreprises étrangères – Apple ou Huawei, qu'importe.
Tout cela est dangereux ; ne permettons pas d'aller plus loin, alors que le contexte – notamment géopolitique – est incertain.
Pour notre part, nous réclamons de préciser le contenu du référentiel, car les choses doivent être définies par le législateur plutôt que par des administrateurs. Vous le refusez. Acceptez du moins de préciser que la reconnaissance faciale, dangereuse pour nos concitoyens, sera interdite.
Je m'exprime en faveur non pas de la biométrie ou de la reconnaissance faciale, mais du libre choix des utilisateurs.
J'entends certains, à la gauche de l'hémicycle, déclarer qu'il revient au législateur de décider quelles technologies seront autorisées ou interdites dans cinq ou dix ans. Non ! Nous ne pouvons pas en décider aujourd'hui.
Il importe que le référentiel ouvre différentes options technologiques, au sein desquelles l'utilisateur pourra choisir librement celle qu'il estime la plus protectrice de ses libertés individuelles et de ses données personnelles.
La biométrie peut être un instrument satisfaisant, quand elle est optionnelle – j'en donnerai deux exemples très simples.
Nous en reparlerons, mais j'ai testé cet été l'achat de contenus sur le site OnlyFans, qui implique de s'identifier. Je n'y suis pas parvenu avec le paramétrage par défaut du site ; j'ai donc décidé, en adulte consentant, d'utiliser la reconnaissance faciale, confiant dans le respect du RGPD par le site.
Autre exemple, celui des retraités français résidant à l'étranger, qui, chaque année, doivent apporter une preuve de leur existence – en se rendant au consulat français ou à la mairie de leur lieu de résidence pour remplir un formulaire signé par l'autorité locale – pour continuer à percevoir leur retraite. Je comprends qu'à partir de 2024, ils auront également la possibilité d'apporter la preuve de leur existence par reconnaissance faciale. Ils seront ravis de ne plus être obligés de parcourir – pour certains – des centaines de kilomètres !
Laissons donc le choix aux Français. Il ne faut pas toujours tout écrire dans la loi, d'autant que la rédaction de l'article en discussion me paraît équilibrée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 25
Contre 36
L'amendement n° 374 n'est pas adopté.
J'ai parlé hier des difficultés que pouvait poser un droit trop précis. Prévoir « l'affichage d'un écran noir » est ainsi trop restrictif, puisque celui-ci empêche la saisie de texte ou le pointage sur certaines zones. Nous proposons donc de supprimer la mention de « l'affichage d'un écran noir ».
J'en profite pour évoquer un sujet déjà abordé lors des travaux de la commission spéciale. J'avais demandé à M. le rapporteur général si les dispositions prévues par l'article 1er s'appliquaient à d'autres plateformes que celles des pure players de la pornographie – par exemple à Twitter, ancien nom de X, où l'on trouve également du contenu pornographique. Il m'avait répondu par l'affirmative. Je crains donc que par extension, elles s'appliquent aussi à la Fnac Darty, au Bon Coin et même à certaines maisons d'édition pluridisciplinaires éditant par exemple des ouvrages de design, mais aussi d'érotisme et de pornographie.
Je veux donc m'assurer du champ d'application du dispositif que nous sommes en train d'ébaucher. Parce que nous ne savons pas définir un contenu pornographique ni cibler explicitement les plateformes 100 % pornographiques, l'écran noir s'affichera-t-il sur le site de la Fnac Darty, obligeant l'internaute à faire la preuve de sa majorité à chaque chargement d'une page ? Monsieur le rapporteur général, la réponse que vous m'avez apportée en commission spéciale pour Twitter vaut-elle pour la Fnac Darty, le Bon Coin et d'autres sites ?
Je vais donner l'avis de la commission sur votre amendement, et laisserai M. le rapporteur général répondre sur le champ d'application.
Nous avions adopté en commission un amendement prévoyant l'affichage d'un écran noir dans l'attente de la vérification de l'âge de l'utilisateur. Je vous remercie pour votre vigilance : en effet, la mention de « l'affichage d'un écran noir » n'est pas nécessairement utile ; l'important est qu'aucun contenu pornographique ne soit visible avant cette vérification de l'âge. Néanmoins, je vous propose de retirer votre amendement au profit de l'amendement n° 554 , qui est plus précis ; à défaut, avis défavorable.
La clarification apportée par l'amendement me semble utile. Je laisserai bien entendu M. le rapporteur général répondre sur l'extension du dispositif aux places de marché, mais l'adoption de l'amendement permettrait de résoudre le problème.
L'amendement prévoyant l'affichage de l'écran noir a été introduit par la commission spéciale pour préciser le référentiel. Il faut toutefois veiller à ne pas aller trop loin pour trouver le bon équilibre entre le choix laissé aux utilisateurs – M. Stéphane Vojetta en a parlé – et les garanties qui leur sont offertes. L'obligation de l'affichage d'un écran noir peut en effet poser problème dans le cas des places de marché, qui n'affichent jamais de pornographie sur leur page d'accueil. La disposition les obligerait donc à superposer un écran noir à leur page d'accueil, alors que celle-ci ne pose aucun problème au regard de la sécurisation de l'espace numérique.
L'amendement proposé écarte cette difficulté, puisqu'il ne prévoit que l'obligation de ne pas afficher de contenu pornographique sur la page d'accueil. Il n'impose donc aucune contrainte supplémentaire excessive à des sites comme eBay, sur la page d'accueil desquels n'apparaît pas de contenu pornographique.
Avis favorable.
Monsieur Bothorel, vous mettez le doigt sur un sujet très important que nous n'avons pas encore abordé en séance publique, même si nous l'avons déjà fait en commission ainsi qu'à d'autres occasions. Nous avons beaucoup parlé des plateformes qui diffusent de la pornographie, en différenciant celles qui sont payantes de celles qui sont gratuites. Les secondes sont celles auxquelles l'accès est le plus facile et qui en diffusent le plus, comme Pornhub ou YouPorn. Mais vous l'avez rappelé, il existe d'autres types de plateformes.
OnlyFans, que M. Stéphane Vojetta a mentionné à plusieurs reprises, et les plateformes équivalentes ne diffusent pas exclusivement des contenus pornographiques, même si elles en diffusent beaucoup, puisqu'elles sont également utilisées par des influenceurs pour partager d'autres types de contenus.
Les réseaux sociaux, comme Twitter, désormais connu sous le nom de X, constituent un autre type de plateformes. On y trouve énormément de contenus pornographiques. Beaucoup de nos concitoyens utilisent ainsi Twitter pour accéder à ces contenus – plutôt qu'aux tweets que nous pouvons provoquer de temps en temps.
Le dernier type de plateformes que vous avez mentionné est celui des sites de commerce à distance, comme Darty ou eBay, qui vendent des cassettes VHS – ce support est encore utilisé – ou des DVD de films pornographiques et qui affichent la jaquette donnant une idée du contenu de ces films sur leur site – vous avez pu le vérifier.
Il est utile de classifier ces différents types de plateformes. Le principe est de laisser l'Arcom faire des choix de façon proportionnelle, en application des dispositions du code pénal et de la loi du 30 juillet 2020, afin d'empêcher l'exposition des mineurs à la pornographie.
L'intention de la commission, et celle du législateur – que nous préciserons ensemble par nos débats –, est de faire des grandes plateformes gratuites de pornographie, dont nous avons déjà parlé avec nos collègues siégeant à la gauche de l'hémicycle, la cible numéro un. Elles doivent être le premier point d'attention de l'Arcom, puisque c'est par elles que transite la grande majorité du volume de contenus pornographiques. Le deuxième point d'attention, ce sont les plateformes du type OnlyFans, car elles diffusent massivement des contenus pornographiques. La plateforme X, utilisée de façon très importante par nos concitoyens pour accéder à ces contenus, doit également faire partie des priorités de l'Arcom.
Je fais toutefois une différence entre ces plateformes et celles du type Darty ou eBay qui affichent des jaquettes de films pornographiques. Je ne suis pas sûr que ces contenus tombent sous le coup des dispositions du code pénal réprimant l'exposition des mineurs à la pornographie. Si tel était le cas, il faudrait s'en inquiéter, mais ces plateformes représentent proportionnellement un danger bien moindre que Pornhub, par exemple, qui diffuse massivement un contenu très bien référencé sur les grands moteurs de recherche internationaux.
Je vous remercie, cher collègue, car votre intervention nous permet d'affiner la classification des plateformes et de préciser notre intention en rappelant que l'Arcom devra respecter un critère de proportionnalité dans ses décisions.
En réponse à l'avis de Mme la rapporteure, j'annonce le retrait de mon amendement au profit de l'amendement n° 554 , qui semble mieux rédigé.
Je remercie M. le rapporteur général pour ses précisions. Le droit actuel présente un risque pour les entreprises. Certaines associations défendent en effet une morale éloignée du point d'équilibre que nous pouvons partager dans cet hémicycle et font valoir que des sites comme la Fnac Darty, le Bon Coin ou Cdiscount doivent respecter les dispositions pénales sur l'exposition des mineurs à la pornographie en raison des jaquettes de cassettes ou de DVD de films pornographiques publiées sur leur site. Nos propos qui viennent préciser l'intention du législateur seront à même d'éclairer le juge, mais pour prévenir tout risque, il nous reviendra d'apporter des précisions avant la tenue d'une éventuelle commission mixte paritaire (CMP). Je participerai volontiers à cette démarche.
L'amendement n° 787 est retiré.
La parole est à M. Laurent Esquenet-Goxes, pour soutenir l'amendement n° 554 .
Il est très proche de l'amendement de mon excellent collègue Éric Bothorel, puisqu'il vise également à supprimer la mention de l'affichage d'un écran « noir », que celle de l'absence de contenus à caractère pornographique rend inutile.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur cet amendement. Avis favorable, car il permet de préciser le texte.
L'obligation d'afficher un écran noir avant la vérification de l'âge a été adoptée en commission. J'avais d'ailleurs moi-même présenté un amendement en ce sens, afin de garantir qu'il n'existe aucune forme de publicité – pour des sextoys ou des sites de rencontres par exemple – dont les images, sans être explicitement pornographiques, restent aguicheuses. Il est impératif que la page d'accueil ne soit pas une vitrine qui donne envie, sans quoi la réaction immédiate de l'utilisateur mineur sera de recourir à un réseau privé virtuel (VPN).
Madame Amiot, je vous remercie d'avoir précisé votre intention. La nôtre est de ne pas empêcher les plateformes d'afficher sur leur page d'accueil de la publicité pour des ustensiles de cuisine ou des vêtements, par exemple. Nous allons vérifier si le droit actuel les empêche d'exposer des mineurs à de la publicité pour des objets pornographiques, comme des sextoys. Si ce n'est pas le cas, nous trouverons une façon de le faire.
L'amendement n° 554 est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 217 .
Je suis sensible aux arguments développés par notre collègue sur la rupture d'égalité entre les sites – certains ne s'affichent pas comme sites pornographiques. En outre, pourquoi différencier pornographie et jeux en ligne ? Bien sûr, je ne les mets pas sur le même plan, mais je souhaiterais que les dispositions prévues à l'alinéa 4 et l'affichage de cet écran qui, s'il n'est plus noir, ne doit comporter aucun contenu à caractère pornographique tant que l'âge de l'utilisateur n'a pas été vérifié, soient aussi l'occasion de faire passer un message de sensibilisation.
Depuis hier, nous plaidons tous pour davantage de pédagogie à destination des mineurs. Pourquoi ne pas prévoir un message visant à avertir sur les effets négatifs de la consommation d'images pornographiques ?
Je ne reviendrai pas sur les conséquences de la consommation de pornographie par les mineurs – nous les avons évoquées lors de la discussion générale. Nous connaissons tous ces conséquences délétères sur les comportements et la vie sexuelle future des mineurs devenus adultes ; les en avertir à cette occasion serait bienvenu.
Nous partageons votre objectif, mais il me semble que votre proposition ne s'insère pas au bon endroit dans le dispositif. En effet, nous avons adopté un amendement qui prévoit que la page de connexion à un site pornographique ne comporte aucune image à contenu pornographique. Elle sert uniquement à vérifier l'âge de l'utilisateur : s'il est majeur, il pourra accéder aux contenus ; dans le cas contraire, il sera bloqué et redirigé vers une page contenant un message d'avertissement. Votre demande me semble donc satisfaite.
Avec votre amendement, le message d'avertissement serait délivré dès le départ, aux majeurs comme aux mineurs. Or nous ne souhaitons pas le rendre obligatoire à ce stade, mais seulement une fois qu'il est avéré qu'il s'agit d'un mineur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Il serait préférable d'insérer le message en amont, afin que les adultes, comme les mineurs, puissent le lire et soient sensibilisés, notamment à l'éventuelle consommation de leurs propres enfants. Ma proposition permet de toucher un double public : les adultes consommant de la pornographie qui ont des enfants seraient ainsi sensibilisés à ses conséquences désastreuses sur leurs enfants, ce qui pourrait être vertueux.
Souhaite t-on réguler la pornographie à l'occasion de l'examen de ce projet de loi ? Non. Vous partez du postulat qu'on pourrait aussi éduquer les majeurs aux effets néfastes de la pornographie. Nous ne voulons pas ouvrir ce débat. Notre ambition, c'est de protéger les mineurs et d'interdire l'accès à la pornographie en ligne, comme c'est déjà le cas hors ligne.
L'adoption de votre amendement ouvrirait toute une série d'autres débats : tous les contenus doivent-ils être accessibles ? Doit-on davantage réguler la pornographie ? Pourquoi pas, ne préemptons pas une telle discussion, mais cela devra faire l'objet d'autres textes. À ce stade, la commission spéciale ne souhaite pas ouvrir le débat, mais simplement se focaliser sur l'interdiction d'accès à la pornographie pour les mineurs. Mon avis demeure donc défavorable.
Madame Ménard, vous ne pouvez rebondir sur la réponse de la rapporteure.
L'amendement n° 217 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Louise Morel, rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 884 rectifié .
J'ai eu l'occasion hier soir d'exposer longuement mes différents amendements aux articles 1er et 2. Il s'agit ici de procéder à une coordination juridique, afin de réintégrer à l'article 1
Avis très favorable. Cet amendement réintègre au sein de l'article 1er la sanction administrative pour non-respect du référentiel publié par l'Arcom. L'article 2, quant à lui, détaille la mesure de police administrative en cas de violation du code pénal.
L'amendement n° 884 rectifié est adopté.
Sur les amendements identiques n° 838 , 882 et 919 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 2 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 384 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement n° 444 .
L'article 1er vise à renforcer les pouvoirs de l'Arcom pour protéger les mineurs en ligne. L'article 15 vise, quant à lui, à encadrer une nouvelle catégorie de jeux, les jeux à objets numériques monétisables (Jonum), qui intègrent des échanges monétaires.
Dans la vie réelle, un enfant n'a pas accès aux jeux d'argent avant sa majorité. Il est donc nécessaire d'étendre ce principe sur internet. Une des missions de l'Arcom consistant à mieux protéger le jeune public dans l'univers numérique, l'amendement prévoit que l'Arcom, en lien avec l'Autorité nationale des jeux (ANJ) et après avis de la Cnil, crée un référentiel afin que les services de communication au public en ligne qui mettent à disposition ces nouveaux Jonum procèdent à une vérification de l'âge des joueurs.
Pour ne pas retarder l'entrée en application du référentiel applicable aux contenus pornographiques, ces dispositions font l'objet d'un paragraphe séparé, le calendrier n'étant pas le même.
En 2020, nous avions adopté pour la pornographie des dispositions similaires à celles que nous prévoyons à l'article 15 pour les Jonum, visant déjà à empêcher les mineurs d'accéder à ces contenus. Trois ans plus tard, nous constatons qu'il faut y revenir en établissant un référentiel – d'où ma proposition de fixer, d'emblée, un référentiel pour les Jonum. Les règles qui s'appliquent dans la vraie vie doivent aussi s'appliquer sur internet, notamment lorsqu'il est question de la protection de l'enfance.
Sur le fond, votre intention est bonne, évidemment. La régulation des Jonum, nous y reviendrons à l'article 15, a fait l'objet de longues discussions en commission, mais aussi entre les réunions de la commission et la séance publique, beaucoup plaidant pour un renforcement de la protection des mineurs, et donc un contrôle de l'âge. Il faut saluer l'important travail réalisé par l'excellent rapporteur thématique, M. Denis Masséglia.
Je le laisserai présenter ses propositions en détail, puisque nous allons avancer sur le sujet. Fallait-il utiliser le même référentiel pour faire d'une pierre deux coups – si vous me permettez l'expression ? Nous en avons discuté avec l'Arcom, qui nous a alertés car il s'agit de deux référentiels techniques très différents, répondant à des enjeux eux aussi différents.
Le référentiel applicable aux contenus pornographiques doit prévoir des solutions de double anonymat pour protéger la vie privée. S'agissant des Jonum, la connaissance d'éléments de l'identité permettrait de développer des solutions visant à contrôler l'usage des personnes ayant une addiction ou qui veulent s'empêcher d'avoir accès à ce type de jeux. Les deux référentiels visent donc des objectifs différents.
En outre, le développement simultané d'un tel métaréférentiel engendrerait un retard de six à douze mois pour l'Arcom, ce qui serait dommageable s'agissant des contenus pornographiques.
Enfin, les acteurs sont différents. Les grandes plateformes pornographiques, domiciliées à l'étranger, resquillent depuis des années pour ne pas mettre en place ce contrôle de l'âge des usagers de leurs sites. Il faut donc un arsenal très puissant pour les contraindre à appliquer la loi – c'est l'objet du projet de loi.
Les acteurs des Jonum, français, font quant à eux preuve de davantage de bonne volonté. Ils développent déjà en partie des solutions. Il faut donc prévoir des modalités d'application de la loi différentes, et spécifiques à ces acteurs. Nous comprenons votre intention, mais votre amendement sera satisfait par ceux que nous allons adopter, je l'espère, à l'article 15. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
C'est sans doute l'Autorité nationale des jeux qui sera amenée le moment venu, si besoin, à établir ce deuxième référentiel. Elle n'a pas eu besoin de le faire pour les jeux d'argent et de hasard, car comme l'a souligné le rapporteur général, nous sommes face à des acteurs raisonnables, et non face à des voyous comme les propriétaires des sites pornographiques gratuits.
Contrairement à l'Arcom, l'ANJ n'a pas eu besoin d'aller devant les tribunaux, la vérification de l'âge et de l'identité des joueurs étant faite – et bien faite – par les sites.
En outre, s'agissant des Jonum, les conditions de vérification de l'âge ne seront probablement pas aussi strictes que celles prévues par le référentiel pour les sites pornographiques. En effet, l'article 15 prévoit des obligations déclaratives au moment de la prise de gains, notamment une vérification d'identité et de majorité, qui les rend inutiles à l'entrée dans le jeu. Bref, s'il était nécessaire d'établir un référentiel, nous ne serions sans doute pas prêts à accepter une rédaction telle que celle que vous proposez. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Je vous remercie pour vos réponses. Si je tiens néanmoins à insérer ces éléments à l'article 1er et non à l'article 15, c'est parce que la protection des mineurs en ligne fait partie des missions de l'Arcom. Selon moi, cet amendement a donc toute sa place à cet endroit du texte.
Par ailleurs, je remercie Denis Masséglia, rapporteur pour les titres IV et VII du projet de loi, de nous avoir permis d'avancer sur cette question – car la protection des mineurs prévue aux articles 15 et 15 bis n'était initialement pas aussi ambitieuse. Cependant, pour avoir bien étudié ce qui est désormais proposé, j'estime que le dispositif demeure insuffisant. Certes, un amendement visera à s'assurer du respect du RGPD, ce qui est une bonne chose ; mais je souhaite aller plus loin, car je suis convaincue qu'il est nécessaire d'établir une protection des mineurs dès leur entrée sur les sites de jeux faisant l'objet d'échanges monétaires.
À cet égard, j'ai entendu ce que vous avez dit, monsieur le ministre délégué, au sujet des gains, dont l'accès sera conditionné à des vérifications. C'est également une bonne chose, mais sans contrôle préalable de l'âge, des enfants pourront néanmoins accuser des pertes.
Voilà pourquoi j'insiste en faveur de la création de deux référentiels. Je réponds d'ailleurs à la demande de l'Arcom en n'incluant pas les Jonum dans le champ d'application du référentiel relatif aux sites pornographiques, afin de ne pas ralentir son élaboration. Ce que je propose est bien l'établissement d'un second référentiel distinct.
Enfin, vous m'avez opposé qu'il ne revient pas à l'Arcom de créer cet autre référentiel : j'en tiens également compte, puisque mon amendement vise à ce qu'il soit élaboré en lien avec l'ANJ et après avis de la Cnil. Il me semble donc avoir répondu à toutes les demandes de l'Arcom.
En 2020 – j'y reviens –, nous avions pensé que les acteurs du secteur de la pornographie se montreraient raisonnables, respecteraient la loi et protégeraient les mineurs. Force est de constater qu'il n'en a rien été et que nous sommes contraints, trois ans plus tard, de revenir sur les mesures que nous avions votées en prévoyant un référentiel. Par cet amendement, je vous invite à ne pas perdre trois nouvelles années, cette fois-ci s'agissant des Jonum. Si les acteurs de ce secteur sont effectivement raisonnables, cela ne les dérangera pas de respecter un modeste référentiel visant à vérifier l'identité de leurs utilisateurs – sachant que, compte tenu des amendements qui ont été votés en commission spéciale, ne seraient concernés que les jeux dont les objets numériques peuvent être cédés ou échangés à titre onéreux. Mon amendement ne s'appliquerait pas aux Jonum dans lesquels seuls des jetons non fongibles sont utilisés.
Je ne retirerai donc pas mon amendement, car j'estime vraiment que nous devons autant protéger nos enfants dans le monde virtuel que dans la vie réelle.
Nous sommes ravis que vous souhaitiez aller en ce sens, car nous sommes tout à fait en ligne avec vous sur cette question. La pertinence de votre amendement démontre d'ailleurs que ce projet de loi a été mal construit, étant entendu que ses articles de base auraient dû, dès le départ, protéger nos enfants contre toutes les activités délétères et addictives en ligne, qu'il s'agisse du jeu, de l'achat d'alcool ou encore, bien sûr, de la pornographie.
Nous soutiendrons donc cet amendement, car dans la vraie vie analogique, il suffit de prouver sa majorité pour accéder aux commerces et activités que je viens d'énumérer. Contrairement à ce qu'a dit M. le ministre délégué, il n'y a aucune raison d'établir des référentiels différents alors qu'il convient simplement de s'assurer que les internautes souhaitant accéder à ce type de sites dangereux sont majeurs.
Je ne comprends pas que ce texte traite de ces questions par petits bouts, de manière éparse, en distinguant les jeux numériques de la pornographie. Encore une fois, il était tout simplement possible de prévoir que tous les sites réservés aux personnes majeures doivent faire l'objet d'un référentiel : de cette manière, vous auriez été cohérents avec vous-mêmes.
À l'inverse, nous avons l'impression, pardonnez-nous de le dire, que votre texte a été construit en fonction des lobbys. Si certains ont approuvé votre proposition de référentiel, d'autres, comme ceux des jeux d'argent, ont argué qu'assurer l'anonymat des utilisateurs n'était pas nécessaire. Non ! Si les effets de ces sites sur nos enfants ne sont pas de même nature, ils sont tout autant délétères : l'addiction aux jeux d'argent peut faire exploser des familles, la pornographie peut dégrader le rapport des enfants à la sexualité dans le futur.
Quitte à ce qu'un référentiel soit établi, nous sommes donc favorables à ce qu'il s'applique obligatoirement à tous les sites réservés aux mineurs.
Je tiens sincèrement à vous remercier, madame la présidente de la délégation aux droits des enfants, pour l'ensemble des travaux que vous menez au sujet des Jonum – qui font l'objet des articles 15 et 15 bis . Vous avez émis de très nombreuses propositions, qui nous ont conduits à rechercher les meilleures réponses possibles.
À cet égard, si nous avons un temps estimé que la présente proposition était la bonne, après réflexion, nous sommes arrivés à la conclusion qu'elle présentait quelques fragilités. En résumé, si nous adoptons cet amendement n° 444 , une personne dont la minorité serait avérée ne pourrait tout simplement pas se connecter à un Jonum. Or nous pensons que la solution doit être différente.
En commission spéciale, nous avons approuvé un contrôle de la majorité de l'utilisateur à sa sortie du site. Si dans quelques jours, certains amendements sur l'article 15 sont adoptés, ce contrôle n'aura plus lieu à la sortie, mais à l'entrée du joueur sur le site en question. Cela étant, notre objectif ne sera pas tant de savoir s'il a 18 ans, mais de savoir qui il est, en laissant aux Jonum la possibilité de définir leurs propres stratégies pour ce faire. En effet, nous ne souhaitons pas seulement vérifier la majorité des utilisateurs, mais connaître leur âge exact et disposer de données afin d'évaluer les phénomènes d'addiction et d'élaborer des plans d'action. Il faut que nous allions bien au-delà de la seule vérification de l'âge.
Ainsi, nous proposerons qu'il revienne aux Jonum de vérifier la majorité des utilisateurs et de recueillir toutes les informations nécessaires. En cas d'insuffisance, l'ANJ le spécifiera aux sites concernés, avant d'éventuellement demander leur fermeture en France s'ils ne se mettent pas à niveau. En effet, si demain un référentiel relatif aux Jonum doit être créé, celui-ci ne relèvera pas de la compétence de l'Arcom, mais de celle de l'ANJ, car c'est à cette dernière de déterminer ce qui peut être mis en vente ou proposé aux joueurs.
D'abord, monsieur Coulomme, sachez que nous ne considérons pas les Jonum comme un sujet moins important que la pornographie s'agissant de la protection des mineurs. Ces questions ont néanmoins des caractéristiques différentes, appelant des réponses elles aussi différentes, et nous cherchons les moyens les plus efficaces de protéger les mineurs aussi bien vis-à-vis de l'exposition à la pornographie que de l'utilisation des futurs Jonum. Je tenais à préciser notre intention.
Ensuite, je vous remercie, madame la présidente Goulet, pour les clarifications que vous avez apportées à la suite de mon avis sur le présent amendement. J'ajouterai deux éléments.
Premièrement, les acteurs impliqués dans les Jonum seront différents de ceux du secteur de la pornographie. M. le rapporteur Masséglia l'a dit : à l'issue de l'examen du texte en séance publique, l'expérimentation des Jonum sera assortie de tant de garde-fous, de si nombreuses épées de Damoclès, que le moindre écart serait fatal à ces acteurs français régulés par la loi française, avec la potentielle interdiction de leur activité. J'insiste : le niveau de contrainte que nous appliquerons à ces acteurs sera beaucoup plus élevé que celui que nous avons, par exemple, sur un groupe comme MindGeek, qui possède les plateformes Pornhub ou YouPorn, et qui est domicilié à l'étranger.
Par ailleurs, et c'est surtout ce second élément qui nous conduit à demander le retrait de cet amendement, c'est bien à l'ANJ qu'il reviendra de réguler les Jonum, non à l'Arcom. En effet, si la protection des mineurs figure parmi ses missions, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est en charge de ce secteur, tandis que l'ANJ a pour rôle la régulation du secteur des jeux, auquel appartiennent les Jonum. Chaque autorité doit avoir son périmètre d'action, et c'est ce point qui emporte notre demande de retrait en dépit du grand intérêt que présente cet amendement.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 37
Contre 30
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Je demande une suspension de séance, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures quarante.
Je tiens à rassurer les collègues du Rassemblement national qui ont tenu des propos désobligeants selon lesquels la suspension de séance aurait été demandée pour permettre à certains de revenir du petit-déjeuner. En réalité, elle a été demandée parce que l'adoption de l'amendement n° 444 fout un peu le bordel – si vous me permettez l'expression – et crée des incertitudes pour le dispositif dont nous nous apprêtons à débattre.
Depuis le début de l'examen du texte en commission, avec le ministre délégué, les rapporteurs et les services concernés, nous œuvrons à accélérer l'instauration du référentiel relatif aux contenus pornographiques. Le délai initialement prévu était de six mois après la promulgation de la loi ; le présent amendement vise à le réduire à un mois.
La parole est à M. Laurent Esquenet-Goxes, pour soutenir l'amendement n° 838 .
Commun à l'ensemble de la majorité, cet amendement a pour objet d'accélérer encore la création d'un véritable outil de filtrage des mineurs à l'entrée des sites pornographiques. Alors que le Sénat avait tenu à préciser que l'Arcom devait publier le référentiel nécessaire à cette création dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le présent amendement vise à réduire ce délai à deux mois, compte tenu de l'avancement des travaux de l'Autorité et du délai de promulgation.
Je tiens à vous féliciter, mesdames et messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre délégué, pour la qualité du travail que nous avons mené ensemble. J'en suis convaincu : la France sera le premier pays au monde à permettre un blocage effectif de l'accès aux sites pornographiques pour les mineurs. Grâce au travail de la majorité, la règle que nous tentons depuis seize ans d'appliquer aux plateformes pourra enfin être effective. Depuis seize ans, ni les recours ni les pressions n'ont pu contraindre les plateformes à respecter la loi. Grâce aux dispositifs prévus dans les premiers articles de ce texte, concrets et pragmatiques, nous y parviendrons ; l'adoption de cet amendement nous le permettra encore plus rapidement.
La parole est à Mme Marie Guévenoux, pour soutenir l'amendement identique n° 882 .
Comme l'a très bien expliqué Guillaume Gouffier Valente, cet amendement vise à raccourcir le délai de création du référentiel. Il est urgent que celui-ci soit publié et appliqué pour mettre fin à l'exposition massive de nos mineurs à des contenus pornographiques.
Pour être tout à fait honnête, la défense de cet amendement m'embarrasse un peu, puisque l'amendement n° 444 , visant à créer sur la même base un référentiel pour les Jonum, vient d'être adopté – j'y étais opposée. En effet, un tel référentiel n'a jamais été évoqué avec l'Arcom et sa création risque de retarder celle du référentiel relatif aux contenus pornographiques.
Je suis donc réservée quant à la pertinence du présent amendement. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous garantir que l'adoption de l'amendement n° 444 n'allongera pas le délai de conception par l'Arcom du référentiel relatif aux contenus pornographiques ? Si tel était le cas, ce serait non seulement dommageable, mais aussi contraire aux intentions de Perrine Goulet. Compte tenu du risque de perte de temps dans la création du référentiel relatif aux contenus pornographiques, je m'interroge sur l'intérêt de maintenir le présent amendement. Il faudrait, au minimum, faire en sorte que le présent amendement ne concerne pas le référentiel relatif aux Jonum.
Sans répéter les arguments développés par nos collègues, nous soutenons le raccourcissement du délai de publication du référentiel. L'Arcom nous a indiqué que l'avancée des travaux devrait permettre de réduire celui-ci à deux mois à compter de la promulgation de la loi. C'est la raison pour laquelle cela nous semblait faisable, mais l'adoption de l'amendement n° 444 remet probablement cet horizon en question. En conclusion, publions vite ce référentiel – si tant est que nous soyons encore en mesure de le faire.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l'amendement n° 2 .
Il s'agit d'un amendement d'appel. L'amendement n° 37 de Mme Laurence Rossignol, adopté en commission spéciale au Sénat, a permis de fixer un délai de six mois pour établir et publier le référentiel relatif aux systèmes de vérification de l'âge mis en place pour l'accès aux services de communication au public en ligne de contenus pornographiques. Cet accès étant actuellement très facile pour la jeunesse, il serait préférable de réduire le délai à trois mois. Les travaux engagés depuis plusieurs années montrent que ce problème persiste. La situation appelle une réaction la plus rapide possible de la puissance publique par le truchement de l'Arcom.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Depuis l'examen du texte en commission spéciale jusqu'à sa discussion en séance, nous avons beaucoup débattu de la possibilité d'une amélioration du délai de publication de ce référentiel. Nous avons auditionné l'Arcom et la Cnil, qui nous ont affirmé que la publication dans un délai de deux mois était possible ; j'émets donc un avis favorable sur les amendements identiques n° 838 , 882 et 919 . En revanche, le délai d'un mois est un peu court ; je suis donc défavorable à l'amendement n° 521 . Je suis également défavorable à l'amendement n° 2 .
Néanmoins, l'amendement que nous venons de voter nous met en difficulté et me conduit à m'interroger. Le référentiel prévu dans le projet de loi est relatif aux systèmes de vérification de l'âge mis en place pour l'accès à des sites pornographiques. Cet amendement crée un autre référentiel, qui s'applique aux jeux à objets numériques monétisables. Même si c'est très difficile, nous souhaitons fixer un délai de deux mois, car l'Arcom et la Cnil, avec lesquelles nous nous sommes mis d'accord, ont indiqué pouvoir le tenir. Nous poursuivrons la réflexion. Raccourcissons le délai de publication, cela permettra de protéger nos enfants le plus rapidement possible. Je me demande cependant si l'amendement que nous venons d'adopter ne fragilise pas le texte. Malgré cela, je suis favorable au délai de deux mois.
Je me réjouissais du débat sur cette série d'amendements, qui est le résultat d'un excellent travail parlementaire, engagé par Mme Rossignol au Sénat. Son amendement a permis de fixer un délai de six mois à l'autorité administrative indépendante compétente pour élaborer le référentiel. Ce délai a soulevé des interrogations lors de nos débats en commission spéciale, si bien que les rapporteurs et le rapporteur général ont auditionné l'autorité administrative pour qu'elle présente le référentiel. À cette occasion, ils lui ont demandé sous quel délai elle serait en mesure de le publier. Sous la saine pression de la représentation nationale, l'Arcom a fini par concéder qu'un délai de deux mois était réaliste, et Parlement, Gouvernement et Arcom sont parvenus à s'accorder sur le fait que le référentiel serait établi en deux mois seulement.
Or, comme Mme Guévenoux et Mme la rapporteure, j'ai désormais des doutes. Si vous adoptez les amendements de la discussion commune auxquels la rapporteure a donné un avis favorable, nous donnerons deux mois à l'Arcom pour établir le référentiel relatif à la pornographie, auquel elle réfléchit depuis très longtemps avec la Cnil. Mais l'amendement n° 444 de Mme Goulet, qui a été adopté avant la suspension de séance, l'oblige également à publier – sous deux mois – un référentiel relatif aux jeux à objets numériques monétisables.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne sais pas s'il est raisonnable de demander à cette autorité, qui n'est pas chargée de contrôler une nouvelle activité comme les Jonum, de publier un référentiel dans un délai si court. Faut-il adopter ce dispositif ? J'hésite.
Quel est l'objectif des articles 1er et 2 ? Il s'agit de poursuivre le travail engagé depuis trois ans afin de mettre fin à ce scandale absolu qu'est l'exposition massive de nos enfants à la pornographie.
Non, à la pornographie !
Non ! Les jeux d'argent et de hasard sont déjà largement régulés ! Ils ne sont aujourd'hui accessibles qu'à la condition de présenter une pièce d'identité !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les articles 1er et 2 sont relatifs à la pornographie ! Sans anticiper sur les débats sur la protection des mineurs que nous aurons lors de l'examen de l'article 15, je demande donc solennellement à celles et ceux qui représenteront l'Assemblée nationale en commission mixte paritaire, comme à celles et ceux qui représenteront le Sénat, de supprimer la référence à tout autre sujet que celui de la pornographie dans les articles 1er et 2 !
En effet, le combat continuera et nos ennemis ne nous feront pas de cadeaux ! Si ces deux articles ne sont pas irréprochables, ils seront inlassablement combattus devant toutes les juridictions par les sites pornographiques.
Je le redis, je souhaite vivement que lors de la commission mixte paritaire, les représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat veillent à ce que rien dans les articles 1er et 2 ne vienne parasiter le travail que nous menons depuis trois ans afin de mettre fin à l'exposition massive des mineurs au porno.
Lors de l'examen de l'article 15, le rapporteur et le rapporteur général auront l'occasion de vous présenter toutes les évolutions qu'ils ont identifiées avec vous et qu'ils proposent afin de protéger les enfants de l'exposition aux Jonum – l'objet de cet article est différent. J'émets un avis favorable sur les amendements identiques n° 838 , 882 et 919 , car je souhaite que l'Arcom publie le référentiel relatif à la pornographie dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi. Néanmoins, je ne souhaite pas lui confier la mission d'établir un référentiel relatif aux jeux à objets numériques monétisables alors qu'elle n'est pas compétente sur ces questions – surtout en deux mois. La clarté doit être faite dans la suite de l'examen du texte, en particulier en commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.
Il est très gênant pour nous d'assister à vos divisions. D'ailleurs, vous avez constaté le silence que nous avons observé.
Sourires. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE et RN.
Vous pouvez demander une nouvelle suspension de séance si vous le souhaitez. Vous vous prenez les pieds dans le tapis que vous avez vous-mêmes tissé.
…et fait donc l'objet de nombreux amendements. Celui de notre collègue Perrine Goulet tire profit de la faiblesse de votre texte, notamment sur ce référentiel qui n'est qu'un principe sans contenu opérationnel. Nous pourrions adopter le même amendement, avec une rédaction rigoureusement identique, s'agissant de la vente d'alcool en ligne.
Dès lors que vous prétendez proposer une démarche efficace pour empêcher l'accès des mineurs au porno, il est tout à fait normal que le législateur souhaite étendre aux Jonum, aux jeux d'argent et à la vente d'alcool en ligne ce dispositif prétendument efficace.
Toutefois, vous savez très bien que nous doutons tous de cette efficacité, y compris l'Arcom. Lors de sa dernière audition, madame la rapporteure, vous avez fait votre travail de rapporteure en l'interrogeant précisément sur la pertinence d'étendre le référentiel à des sites de vente d'alcool et de jeux en ligne. L'Arcom a répondu qu'elle allait déjà faire le test et qu'il fallait attendre de voir. Cette réponse, hélas guère engageante, continuera à alimenter nos doutes sur le référentiel tout au long de nos débats.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Je suis désolée que cet amendement ait suscité autant d'émoi. Ce n'était pas le but recherché, puisqu'il s'agit avant tout de protéger les enfants. Le texte prévoit que l'Arcom publiera le référentiel relatif à la pornographie dans un délai de six mois, ce qui signifie qu'elle peut tout aussi bien le publier dans un délai d'un mois et demi ou deux mois, puis établir le second.
On me dit que l'article 1er est relatif au porno. Je suis désolée, mais le titre Ier s'intitule « Protection des mineurs en ligne »
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et la section 1 « Renforcement des pouvoirs de l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en matière de protection en ligne des mineurs ». Le mot pornographie n'apparaît pas. Peut-être mon amendement est-il mal rédigé, peut-être aurait-il fallu y travailler davantage ?
Quoi qu'il en soit, la protection des mineurs est un vrai sujet. Ce n'est pas parce que ces entreprises sont françaises qu'elles ne doivent pas se conformer aux règles en vigueur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je suis désolée que nous en arrivions là, ce n'était pas le but, mais nous devons renforcer la protection des mineurs. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, se borner à imposer le respect du RGPD ne me convient pas. J'ai alerté sur cette question il y a plusieurs jours. Je suis désolée que cela vous mette dans cette situation, mais nous devons avant tout protéger les enfants.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Je vais essayer d'être un peu plus calme que M. le ministre délégué, ce qui ne devrait pas être trop difficile.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre, vous n'êtes pas satisfait du vote de l'amendement précédent. Je suis désolé, mais cela s'appelle la démocratie…
… et c'est au nom de la démocratie que nous sommes ici et que nous votons. Le référentiel dont vous nous parlez relève de la fantasmagorie. À ce jour, nous ne disposons d'aucun référentiel. Vous avez dit qu'il pourrait être publié dans un délai de deux mois. Si tel est le cas, pourquoi ne l'a-t-il pas été il y a deux mois ? Cela nous aurait permis de travailler à partir d'éléments concrets plutôt que de rester dans le flou. Il y a là de la précipitation, ou à tout le moins de l'incompétence.
Vous choisirez le terme que vous préférez. Nous demandons des expérimentations, des tests ou un référentiel, car pour voter, nous avons besoin de ces éléments. Si vous ne nous les donnez pas, ne vous étonnez pas ensuite que nos votes ne vous conviennent pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je serai brève : à vouloir tout faire, on ne fait rien. C'est ce qui se passe, et les grands perdants sont nos jeunes. Nous n'avons pas perdu un pari, comme je l'ai entendu. C'est ridicule ! Nous ne sommes pas là pour parier, mais pour travailler pour nos jeunes.
Nous manquons de pragmatisme. Nos jeunes valent mieux que les dissensions que nous affichons. L'Arcom pouvait et peut produire le référentiel sur la pornographie dans un délai de deux mois.
Je soutiens pleinement la position de M. le ministre : allons-y !
Quant aux Jonum, nous en rediscuterons le moment venu : chaque chose en son temps. En tout cas, j'observe que les grands perdants sont nos jeunes.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE.
Lors de la discussion de la motion de rejet préalable, je vous ai très clairement indiqué que le texte recelait des incohérences et comportait des mesures inefficaces que l'on ne sera pas capable d'appliquer et qui ne produiront pas de résultats. Nous y sommes, monsieur le ministre ! L'adoption de cet amendement est un premier accroc dans le parcours de votre texte mais ce n'est pas le dernier, car des incohérences, il y en a plein.
Vous ne pouvez pas débarquer en affirmant que vous allez protéger les jeunes et restreindre cette protection au porno. Ainsi, l'alcool, la drogue, les jeux, qui nuisent à la jeunesse et font du tort à des familles entières, en ruinant certaines, ne seraient pas un problème. Il ne serait pas nécessaire d'en protéger les jeunes,…
…cela pourrait attendre. L'important, c'est le business des Jonum et des grandes plateformes, qui veulent engranger de l'argent sur le dos des jeunes.
Soyez cohérent de bout en bout, et acceptez l'amendement que l'Assemblée a adopté. C'est cela, la démocratie, monsieur le ministre : il faut accepter que votre projet de loi ne sorte pas d'ici tel que vous l'avez présenté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Du reste, vous le verrez, l'article 15, que nous examinerons la semaine prochaine, ne passera pas crème. Il ne passera pas facilement, car il recèle tous les problèmes que nous soulevons depuis le début de la discussion ; il traduit votre hypocrisie concernant ce projet de loi. Si vous voulez vraiment protéger les jeunes de notre pays contre toutes les dérives que nous observons, c'est aux producteurs du vice qu'il faut vous attaquer – les plateformes du X, celles des jeux d'argent et de hasard –, et non aux jeunes, qui ne sont pas responsables de ces pratiques.
On ne s'attaque pas aux jeunes : on les protège. C'est du gloubi-boulga intellectuel !
Acceptez la situation, monsieur le ministre. Il est inutile de vous mettre en colère. Nous, nous avons l'habitude de ce type de situations.
Laissez-nous donc faire également la loi, puisque c'est ce que nous sommes censés faire en tant que députés. Acceptez que nous ne soyons pas tous d'accord avec vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai beaucoup de regrets car, lorsque j'écoute Perrine Goulet, j'ai le sentiment que nous ne nous sommes pas compris, qu'il s'agit d'un malentendu.
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je le dis très sincèrement. Je le regrette d'autant plus que non seulement mon groupe fait partie de ceux qui, en commission, ont d'emblée souligné combien il est important de protéger les mineurs de l'accès aux Jonum, mais que nous avons également déposé, en séance, un amendement à cette fin.
Par ailleurs, nous sommes à l'origine d'un rapport qui a pour objet d'identifier les autres types de sites qui pourraient éventuellement faire l'objet d'une vérification d'âge afin de protéger les mineurs. Sur le fond, nous sommes donc parfaitement d'accord avec vous, madame Goulet.
Mais vous savez mieux que quiconque à quel point nous sommes démunis dans le contentieux judiciaire qui nous oppose à l'industrie du porno. Il est donc urgent, et je sais que vous le savez, de traiter le problème. Or, en faisant adopter l'amendement n° 444 , vous nous faites prendre du retard, vous nous exposez à un risque.
Si, madame Goulet. Je sais que ce n'est pas ce que vous voulez, mais c'est le cas.
Nous allons maintenir notre amendement, pour faire pression sur les sites pornographiques et faire en sorte que nos enfants soient exposés moins longtemps. Mais je relaie l'appel du ministre délégué à apporter les corrections nécessaires pour que la question du référentiel Jonum ne nous fasse pas perdre de temps. J'aimerais, madame Goulet, vous entendre dire la même chose.
M. Jean Terlier applaudit.
Il s'agit d'un point crucial de nos débats – qui se prolongeront encore de nombreuses heures, jusqu'à la semaine prochaine. Nous sommes tous, je crois, sur la même longueur d'onde : il est nécessaire de protéger les mineurs. Mais il me semble que nos débats ont tendance à déraper. De fait, nous n'avons pas de référentiel très précis ; nous en sommes aux supputations. Nous nous sentons un peu écartés – je souhaitais quant à moi, je l'ai dit hier, que la Cnil soit davantage impliquée dans le dispositif.
Tout cela donne un peu l'impression, en définitive – bien que ce ne soit pas, bien entendu, la volonté du Gouvernement – que nous créons des digues de sable, des tigres de papier. De sorte que la situation sera peut-être pire qu'auparavant, dans la mesure nous allons donner le sentiment aux parents que tout est réglé et que tout va bien alors que ce ne sera qu'une illusion puisque le dispositif que nous tentons d'adopter risque d'être largement contourné.
Nous devons, au-delà de nos divergences sur tel ou tel amendement, corser les choses, adopter une attitude claire et nette qui se traduise dans le texte. Or, nous avons le sentiment, à mesure que se déroulent les débats, que cela zigzague un peu. Reprenons-nous, pour aboutir à un dispositif sérieux, qui soit une protection, non pas illusoire, mais réelle. Nous en avons vraiment besoin !
Sauf erreur de ma part, tous les groupes qui le souhaitaient ont pu s'exprimer.
La parole est à M. Denis Masséglia.
Que retiendra-t-on de ces trente dernières minutes ? Que notre objectif de protéger les mineurs est abîmé par les postures d'une opposition qui se saisit de tous les moyens possibles pour fragiliser le texte au lieu de concourir à cet objectif.
L'Arcom et l'ANJ sont respectivement chargées, comme leurs noms l'indiquent, de la régulation de la communication et des jeux. Or, les Jonum sont des jeux. Je ne comprends donc pas la posture adoptée par quelques-uns, qui consiste à priver l'ANJ de sa compétence en matière de Jonum pour la transférer à l'Arcom, ce qui fragiliserait non seulement le texte – et je soutiens la position de M. le ministre délégué sur ce point –…
…mais aussi notre objectif.
J'appelle donc chacune et chacun d'entre nous à abandonner les postures, pour avancer sur un texte qui a véritablement une vocation de protection dans l'espace numérique.
Mme Anne Le Hénanff applaudit.
Je souhaite régir au long débat que nous venons d'avoir, tous les groupes s'étant exprimés. Les esprits doivent s'apaiser : nous souhaitons tous protéger les mineurs
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES
et empêcher leur accès à la pornographie.
S'agissant du contenu du texte, j'estime – et je l'assume, en tant que rapporteure – qu'il faut savoir, dans la loi et dans notre pays, avancer étape par étape.
Les articles 1er et 2 ont trait à la lutte contre l'accès des mineurs à la pornographie…
…et pas à tout le reste. Cela ne nous empêche pas d'adopter des amendements, tels que l'un de ceux que j'ai défendus hier, qui précise que le référentiel applicable à la pornographie pourra parfaitement en inspirer d'autres par la suite. Mais il ne faut pas tout mélanger.
Nous avons là un dispositif robuste, auquel les autorités administratives indépendantes que sont l'Arcom et la Cnil travaillent depuis plusieurs années. Il va fonctionner ; nous pouvons parfaitement ramener son délai de publication à deux mois. Ainsi, d'ici à plusieurs semaines, un utilisateur ne pourra plus accéder à des contenus pornographiques sans que son âge ait été préalablement vérifié.
Pour ce qui est du reste, pourquoi pas ? Travaillons-y en prenant le temps, car il serait regrettable de se précipiter. En tout état de cause, soyons fiers du texte que nous examinons : il aura de véritables effets sur la protection des mineurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés : nous voulons tous protéger les mineurs contre la pornographie, l'alcool, la drogue et les jeux, qui peuvent provoquer des formes d'addiction.
Mais nous devons traiter ces questions l'une après l'autre. Nous aborderons ainsi, à l'article 15, celle des Jonum. Nous avons eu, à ce sujet, de longs débats en commission. Le texte du Sénat ne fixait aucun cadre de régulation en la matière ; nous en avons ajouté un en commission – qu'à la demande générale, nous allons renforcer considérablement. Nous pourrons alors discuter du point de savoir s'il est nécessaire de prévoir un référentiel et un contrôle de la majorité légale pour l'accès aux Jonum.
Mais, il faut être très clair sur ce point, chaque autorité administrative régule un secteur particulier ; le périmètre de leur mission est défini dans la loi. Ainsi l'Arcom est-elle chargée de la régulation des médias, l'Autorité des marchés financiers (AMF) de celle des marchés financiers, l'ANJ de celle des jeux, etc. Il n'est donc pas possible, en droit, de confier à l'Arcom la régulation des Jonum.
Nous serons donc de toute façon obligés, comme l'a indiqué le ministre délégué, de remettre le texte d'équerre et de rétablir, notamment en CMP, sa cohérence avec le droit et la Constitution, en supprimant la disposition qui vient d'être adoptée. Il faut être très clair sur ce point. L'intention est bonne, nous y souscrivons – nous en discuterons longuement à l'article 15 –, mais techniquement, la disposition adoptée ne tient pas.
La rapporteure Morel et moi sommes évidemment favorables aux amendements n° 838 et identiques, qui visent à ramener à deux mois le délai de publication du référentiel porno, afin d'accélérer la protection de nos mineurs contre la pornographie. Nous vous demandons donc de les adopter, sachant que nous devrons par ailleurs régler, en CMP, le problème technique d'écriture que j'ai évoqué.
Chers collègues, j'appelle votre attention sur le fait que le public présent dans les tribunes comprend parfois, comme c'est le cas actuellement, de jeunes personnes, que nous devons protéger non seulement sur internet, mais aussi dans cet hémicycle en étant attentifs à nos comportements.
Applaudissements.
L'amendement n° 521 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 91
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 88
Contre 3
Sur le vote de l'amendement n° 387 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Sur le vote de l'article 1er , je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 384 .
Cet amendement très simple devrait tous nous rassembler puisqu'il s'agit de conforter le pouvoir du Parlement en prévoyant que celui-ci valide le référentiel. Sans une telle validation, ce référentiel pourrait en effet s'apparenter à une boîte noire dont la conception serait complètement étrangère à l'esprit dans lequel nous légiférons. Cela suppose donc que nous ayons accès à son algorithme et à sa logique : le référentiel doit être ouvert – c'est une question que nous avons évoquée un peu plus tôt.
Pour nous assurer du respect de l'esprit de la loi, dont l'objectif, partagé par tous, est de préserver les mineurs, nous souhaitons que le Parlement se prononce, et qu'il ait le dernier mot, sur la pertinence du référentiel.
Votre amendement pose quelques difficultés : la loi ne peut pas disposer qu'on inscrit un débat à l'ordre du jour de l'Assemblée. Je partage en revanche votre souci que les parlementaires soient informés sur le référentiel et d'ailleurs l'amendement que je m'apprête à défendre précise bien que l'Arcom rendra compte au Parlement de l'application des articles 1er et 2. Je vous demande par conséquent de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Nous maintenons l'amendement. L'idée est simple : vous nous demandez de voter un texte dans lequel il y a un grand vide et donc d'émettre un chèque en blanc. Ce chèque, nous voulons qu'il soit rempli et signé par la représentation nationale avant l'application du texte. Je suis tout à fait d'accord avec la proposition de Mme la rapporteure sur le fait que l'Arcom doit rendre des comptes au Parlement mais, dans un premier temps, avant son lancement, le référentiel doit nous être officiellement présenté.
J'irai dans le sens de notre collègue Amiot. Son amendement implique qu'avant la publication du référentiel, le Parlement puisse se prononcer sur sa cohérence avec la loi. Or votre amendement, madame la rapporteure, précise lui que le rapport d'activité du référentiel est présenté a posteriori. Certes l'amendement de Mme Amiot est peut-être mal rédigé, si l'on suit vos arguments, mais vous pouvez très bien le sous-amender afin que le Gouvernement inscrive la validation du référentiel à l'ordre du jour de l'Assemblée. Il revient en effet au Parlement de contrôler en amont ce qui sera demandé à l'administration.
Le Parlement est parfaitement informé de ce que fait l'Arcom. Pour ce qui est de la mise en place du référentiel, une consultation publique sera organisée, ainsi que nous l'a confirmé le président de l'Arcom lors de son audition la semaine dernière. Tous les députés et tous les citoyens qui le souhaitent sont par conséquent invités à y prendre part.
Pour en revenir à l'amendement, je le répète, on ne peut pas demander à inscrire l'adoption du référentiel à l'ordre du jour des assemblées. Je tiens néanmoins à vous rassurer sur le fait que nous sommes bien informés et que nous le serons plus encore par la consultation publique que je viens d'évoquer, par la possibilité de contrôler l'effectivité de la loi dans les six mois suivant sa promulgation, par le fait enfin que nous pourrons convoquer les représentants de l'Arcom et de la Cnil.
Il faut en outre être de bonne foi : il y a peut-être des problèmes d'agenda mais cinq semaines sont prévues pour l'examen du texte et nous avons reçu à deux reprises les représentants de l'Arcom et de la Cnil, pendant plus d'une heure – or de nombreux députés n'étaient pas présents alors que ces réunions leur étaient ouvertes ainsi qu'à leurs collaborateurs. J'y insiste donc : nous sommes largement informés.
M. Lionel Royer-Perreault applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 48
Contre 49
L'amendement n° 384 n'est pas adopté.
L'amendement n° 863 de Mme la rapporteure est un amendement de coordination.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Madame la rapporteure, avec toute l'estime que j'ai pour vous, au reproche qu'on nous fait depuis hier soir, selon lequel il fallait être présent en commission, à telle audition, je répondrai que nous avons la possibilité de consulter les comptes rendus des débats. Aussi, considérer que nous ne connaissons pas la teneur des débats pour n'avoir pas été présent à telle réunion, c'est un argument un peu court.
Je vous invite donc à un peu plus de respect pour vos collègues qui, au même moment, devaient honorer d'autres rendez-vous mais qui, ensuite, ont pu prendre connaissance des discussions.
Le respect des uns pour les autres est indispensable à la sérénité des débats, pour éviter que le ton ne monte d'un cran.
Je vais prendre un peu de recul par rapport aux débats que nous menons depuis hier soir. Quand nous nous sommes posé la question – et le Gouvernement nous a précédés – de savoir comment parvenir à imposer effectivement aux grandes plateformes pornographiques internationales des mesures de contrôle de l'âge des utilisateurs, nous pouvions choisir entre plusieurs solutions. Nous nous sommes ainsi demandé si nous devions définir dans la loi une solution technique détaillée, ou bien si nous devions renvoyer à un référentiel que préciserait une autorité administrative, en lui donnant le pouvoir de le définir.
Soyons clairs : il n'y a pas de mauvais choix mais celui que nous vous soumettons et dans l'efficacité duquel nous avons une immense confiance, c'est le choix du référentiel défini par l'Arcom. Cette solution nous paraît bien plus efficace que celle consistant à détailler nous-mêmes tous ses aspects techniques, présents et envisageables, sur lesquels notre excellent collègue Bothorel nous a fait un point hier soir.
J'ai à cœur que nos débats restent sereins – et ils sont intéressants depuis le début –, aussi je répète qu'aucune des deux possibilités qui s'offraient à nous n'était mauvaise. Reste que nous sommes convaincus que passer par un référentiel et donner des pouvoirs clairs à l'Arcom sera le plus efficace pour protéger des millions de mineurs, le plus rapidement possible, de l'exposition à la pornographie.
Exceptionnellement, je donnerai la parole après vous, monsieur le rapporteur général, à M. Hervé Saulignac qui l'avait demandée à plusieurs reprises.
Je n'en demandais pas tant, madame la présidente, aussi serai-je bref. Nos débats reflètent assez bien ce qu'est en train de devenir le fonctionnement du Parlement : on délègue à des autorités indépendantes le soin d'écrire une bonne partie de la loi et, ici, on leur confie ce qui paraît être le cœur du réacteur, si je puis dire. Le législateur a beau tenter de faire valoir qu'il serait souhaitable, comme l'a proposé notre collègue Amiot tout à l'heure, que le Parlement se prononce sur le contenu du référentiel, on lui répond de ne pas s'inquiéter : l'autorité de régulation présentera son rapport d'activité chaque année.
Or ce n'est pas ce que nous demandons. Nous ne pouvons devenir une assemblée qui, tout au long de l'année, se contentera d'entendre les autorités administratives indépendantes présenter leur rapport d'activité. Nous souhaitons pouvoir décider en amont. Seulement, j'observe que vous fermez la porte alors que la présentation d'un rapport annuel d'activité n'est pas du tout, je le répète, ce que nous attendons. Nous aurions aimé que le législateur soit un peu plus entendu et respecté dans cette démarche. Force est malheureusement de constater que ce n'est pas le cas.
Il ne s'agira pas seulement pour l'Arcom de venir présenter un rapport d'activité. Les sénateurs ont décidé que l'Arcom « [rende] compte chaque année au Parlement des actualisations du référentiel et des audits des systèmes de vérification de l'âge mis en œuvre par les services de communication au public en ligne ». C'est par conséquent, j'y insiste, un peu plus qu'un vague rapport annuel d'activité.
J'ajouterai une touche à l'argument imparable du rapporteur. Il a expliqué pourquoi nous avons choisi la voie du référentiel. Est-ce parce que le Gouvernement, dans sa tour d'ivoire, dans ses bureaux, considère que le Parlement ne serait pas capable de rédiger un tel référentiel ? Non. Nous avons fait ce choix après avoir lu attentivement le rapport sénatorial de la délégation aux droits des femmes, rédigé par Annick Billon, sénatrice centriste, Alexandra Borchio Fontimp, sénatrice Les Républicains, Laurence Cohen, sénatrice communiste et Laurence Rossignol, sénatrice socialiste,…
…lesquelles estiment, c'est leur quatorzième recommandation, qu'il convient que l'Arcom définisse les lignes directrices des solutions techniques de vérification de l'âge. Voilà d'où vient cette mesure. Par ailleurs, madame la rapporteure l'a rappelé, le Parlement conserve un droit de regard sur le référentiel.
L'amendement n° 863 est adopté.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir l'amendement n° 306 .
Vous confiez l'élaboration du référentiel à une autorité administrative. Vous avez refusé de le cadrer, vous avez refusé que la Cnil donne un avis conforme, vous avez refusé qu'un débat soit mis à l'ordre du jour des assemblées. Nous souhaitons que, dans le rapport d'évaluation sur la mise en œuvre du référentiel, l'Arcom fasse, après consultation de la Cnil, des recommandations sur le respect des libertés individuelles.
Il s'agissait d'un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 285 , semble-t-il déclaré irrecevable – j'ignore pourquoi puisque nous l'avions examiné en commission –, qui visait à prévoir un débat parlementaire lorsque l'Arcom rendrait compte de l'application du référentiel. Vous nous avez ôté tout pouvoir de décision sur ce référentiel ; alors au moins prévoyons qu'il fasse l'objet d'un débat, du moins le jour où il sera appliqué – ce qui n'est pas près d'arriver.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Vous proposez, par votre amendement de repli, que l'Arcom fasse des recommandations pour améliorer le référentiel. En fait, la commission a voté le fait que l'Arcom pourra actualiser le référentiel elle-même. Nous lui avons donné le pouvoir d'agir directement – nous allons donc au-delà de simples recommandations. Si l'Arcom estime que des améliorations restent à apporter, elle les apportera. Je demande donc le retrait de votre amendement, sinon je donnerai un avis défavorable.
J'entends bien la réponse de Mme la rapporteure, mais nous avons la possibilité de conclure le débat commencé hier soir sur la place de la Cnil. Je faisais partie de ceux qui défendaient avec force et conviction une forme, sinon de tutelle, du moins de primauté de la Cnil, compte tenu de l'ancienneté de son mode de fonctionnement et de ses compétences. Il s'agirait ici de réintroduire la Cnil un peu plus en amont sans qu'il soit toutefois question qu'elle donne un avis conforme et donc sans qu'il y ait tutelle d'une autorité administrative indépendante sur une autre.
Il est en effet bon d'obliger ces autorités administratives à travailler ensemble afin d'éviter de créer un écosystème travaillant en silos. L'ANJ, l'Arcom et la Cnil doivent coordonner leurs travaux. Or je ne suis pas sûr qu'une telle coordination naisse simplement d'une audition d'un rapport en fin d'année, quand bien même il serait amélioré. Il faut organiser une telle coopération entre les autorités administratives au préalable et non à l'heure des constats sur ce qui s'est passé : ce sera alors trop tard.
Je rejoins les propos de M. Gosselin. Surtout, à notre proposition, hier, d'exiger l'avis conforme de la Cnil, vous avez répondu avoir constaté, lors de leur audition, la très bonne entente régnant entre la Cnil et l'Arcom, qui lèverait toute difficulté. Allons-nous donc fonder notre réflexion et nos décisions sur cette appréciation, faite à la faveur d'une seule audition ? Non, nous vous demandons que le principe d'un travail commun entre ces deux instances figure dans la loi et, en l'espèce, que les recommandations publiées par l'Arcom s'appuient sur la consultation préalable de la Cnil.
Je comprends mal les débats que nous avons depuis hier sur ce référentiel, comme s'il s'agissait d'une nouveauté absolue. J'ai tapé « référentiel » dans un moteur de recherche et j'ai immédiatement accédé, sans écran noir ni vérification d'âge, au référentiel et guide du label « Qualité des formations au sein des écoles de conduite ». Les critères de sécurité régissant les activités des écoles de conduite ne sont-ils pas aussi importants ?
Nous sommes environnés, dans tous les domaines, de référentiels dont le législateur n'a heureusement pas eu à définir le contenu jusqu'au moindre détail.
Les propositions qui nous sont faites me semblent relever du domaine réglementaire – et nous serions les premiers à le dire. Je comprends donc mal le point de vue selon lequel le référentiel doit être alimenté par les travaux du législateur : nous en aurons pour huit mois de travail, à l'issue desquels il faudra s'y remettre sur-le-champ car les innovations technologiques auront rendu nos dispositions obsolètes ! Cela n'a aucun sens.
Mme Anne Le Hénanff applaudit.
L'amendement n° 306 n'est pas adopté.
Par cet amendement et ses deux sous-amendements – le premier étant le meilleur, le second un repli –, nous vous proposons de faire en sorte que les plateformes de diffusion de contenus pornographiques ne détiennent ni de près ni de loin les entreprises chargées de vérifier l'âge des utilisateurs, notamment grâce à des solutions dites de double aveugle ou double anonymat. Dès lors qu'on informe les utilisateurs qu'ils resteront anonymes, l'idée est tout simplement que l'entreprise qui donne le jeton n'est pas la même que celle qui le reprend, afin d'éviter tout risque de récupération des données qui reviendrait à lever l'anonymat.
Pour bien aborder la démarche du double anonymat, il me paraît judicieux de garantir à chacun que l'entreprise qui héberge les sites pornographiques et qui, grâce aux cookies qu'elle dépose gentiment dans les ordinateurs et téléphones de ses utilisateurs, peut détecter leurs préférences – porno gay ou bondage, domination et sadomasochisme (BDSM), par exemple – n'est pas la même que celle qui autorise l'accès aux sites en question, afin d'éviter que tout lien puisse être fait entre l'identité des utilisateurs et leurs itinéraires de navigation.
Lors de son audition, l'Arcom nous a rassurés sur ce point : son président nous a garanti « l'indépendance du prestataire de génération de la preuve d'âge par rapport à l'éditeur ».
Décidément, il s'en est dit, des choses, dans cette fameuse audition ! On peut la voir en replay ?
Il n'est pas opportun d'entrer dans le détail de la détention capitalistique des acteurs concernés, comme vous le proposez, d'autant plus qu'en droit des sociétés, c'est la notion de contrôle effectif qui prime. Avis défavorable à l'amendement et aux sous-amendements.
Même avis. Avant d'ajouter quelques arguments à ceux de la rapporteure, je salue la qualité de cet amendement qui, comme tout à l'heure celui de Mme K/Bidi, abordent concrètement la mécanique du dispositif, contrairement aux amendements examinés hier qui, avec l'expression « anonymat en ligne », ne donnaient pas de l'objectif recherché une définition très claire.
En revanche, l'amendement, même sous-amendé pour se cantonner au double anonymat, me gêne sur un point, sur lequel l'Arcom a été très claire lorsqu'elle vous a présenté les caractéristiques du référentiel. Imaginons qu'une société hébergeant des contenus pornographiques détienne parallèlement une société de vérification d'âge : elle ne pourra certes pas, pour vérifier l'âge de ses utilisateurs, exploiter elle-même la solution mise au point au sein de son propre groupe, mais elle ne pourra pas non plus la commercialiser auprès d'autres éditeurs de sites pornographiques dont elle est indépendante.
Je demande donc le retrait de l'amendement, même s'il me donne l'occasion de rappeler ce que l'Arcom et la Cnil ont indiqué à la représentation nationale : les outils de vérification d'âge seront exploités par des tiers indépendants.
En effet, l'amendement part sans doute d'une intention louable mais dans la pratique, la notion de détention directe ou indirecte d'une fraction du capital n'est pas opérante. Les sociétés, qu'elles soient ou non cotées en Bourse, ont parfois des actionnaires qui ne détiennent qu'un pouillème de leur capital – des particuliers ne détenant qu'une action, par exemple – et qui n'ont aucun pouvoir de contrôle sur l'utilisation pouvant être faite des données et des technologies que possèdent les sociétés en question. Au moins faudrait-il donc préciser que les acteurs exposés au risque de conflit d'intérêts sont ceux qui détiennent le contrôle des sociétés concernées. L'amendement en l'état en est très loin.
Puisque l'examen de l'article 1er s'achève, permettez-moi de revenir sur le fond du problème, dont nous n'aurons plus l'occasion de parler. Je choquerai peut-être cette auguste assemblée en disant – personne n'en a encore parlé – que cet article poursuit une chimère. Il y a toujours eu des mineurs cherchant à accéder à la pornographie – c'est l'âge de l'éveil de la sexualité. Il me semble donc impossible de vouloir interdire absolument l'accès des mineurs aux contenus pornographiques. Tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant – au reste, ils sont bien identifiés dans le projet de loi et dans le rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes – le HCEFH. J'en vois deux.
Le premier tient à la multiplication des supports ouvrant désormais l'accès à la pornographie dès le plus jeune âge. Nous n'en avons pas assez débattu : vous évoquez les « mineurs » et les « enfants » sans vous pencher sur les différences d'âge. Accéder à des contenus problématiques à 8 ans ou à 17 ans, ce n'est pas la même chose !
Deuxième problème : on a désormais accès à des contenus relevant de la pornocriminalité, selon le terme utilisé par le HCEFH. Or ils façonnent un imaginaire raciste, sexiste et violent. Voilà le problème !
Face à cela, vous optez pour la fuite en avant technique. Pour nous, ce n'est pas la solution principale. Il faut des moyens humains afin d'informer les parents, d'éduquer les enfants et de sanctionner les criminels – c'est ce dont nous aurions souhaité débattre en examinant l'article 1er mais nous y reviendrons dans l'examen des articles ultérieurs. Au contraire, en vous concentrant sur cette seule fuite en avant, vous choisissez une solution qui nous prive de certaines libertés. C'est parce que nous craignons les dérives liberticides que cet amendement de bon sens est important : il vise à empêcher toute fuite de données entre un site pornographique et un tiers de confiance. J'ai entendu vos réponses mais elles ne me convainquent pas. Si vous êtes d'accord sur le principe, sous-amendez l'amendement et nous l'adopterons tous ensemble. Ainsi serons-nous assurés que les tiers de confiance ne seront pas des entreprises qui collectent nos données personnelles, car ce serait très grave.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 44
Contre 60
Le sous-amendement n° 1099 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 1100 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 103
Nombre de suffrages exprimés 103
Majorité absolue 52
Pour l'adoption 44
Contre 59
L'amendement n° 387 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement n° 445 .
L'article 1er donne à l'Arcom un délai – c'est très important – pour achever ses travaux sur le référentiel mais n'établit aucun délai pour l'application par les plateformes dudit référentiel une fois publié. L'amendement fixe ce délai à trois mois.
Vous l'aurez remarqué depuis le début de l'examen de l'article 1er , je ne suis pas favorable aux lois trop bavardes.
M. Jean-François Coulomme s'esclaffe.
Sans doute vaudrait-il mieux que l'Arcom décide elle-même d'un délai raisonnable. J'entends néanmoins votre proposition ; avis de sagesse.
Les députés du groupe Rassemblement national voteront pour cet amendement, car il nous semble équilibré d'imposer un délai de trois mois aux plateformes proposant des contenus pornographiques afin qu'elles se mettent en conformité avec le référentiel de vérification de l'âge que publiera l'Arcom. En effet, la mise en conformité implique des compétences techniques et les plateformes ont besoin d'un délai raisonnable pour s'adapter au référentiel.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Pour que l'Arcom ne décide pas tout, les députés socialistes voteront eux aussi cet amendement. On pourra toujours dire que l'examen du texte nous a au moins permis de fixer un délai, aussi modeste soit-il – à condition qu'il soit adopté !
Je soutiens moi aussi l'amendement de Mme Goulet qui vise le même objectif que nous, à savoir l'application la plus rapide possible du référentiel.
L'amendement n° 445 est adopté.
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je mets aux voix l'article 1er .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 66
Contre 18
L'article 1er , amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante.
Alors que nous entamons l'examen de l'article 2, je voudrais saluer le travail mené par la rapporteure Louise Morel en lien avec le ministre délégué et ses équipes. Il n'est pas facile en effet de construire cette fusée à deux étages – pour reprendre les mots de notre rapporteur général – constituée de l'obligation de moyens à l'article 1er et de l'obligation de résultat à l'article 2. Au travers de ces deux articles – qui sont indissociables, comme vous le dites vous-même, madame la rapporteure – nous renforçons nos outils de lutte contre les sites pornographiques qui ne respectent pas les obligations de contrôle de l'âge des internautes, et protégeons ainsi les plus jeunes. Je salue donc les travaux que nous avons menés de l'examen du texte en commission jusqu'à la discussion en séance.
Je tiens également à saluer les débats que nous avons eus. En 2020, lorsque nous travaillions avec Bérangère Couillard et des collègues du groupe La République en marche sur la loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, nous avions introduit un article similaire, relatif à l'encadrement de l'accès à la pornographie. On nous avait alors rétorqué qu'il était tiré par les cheveux, et les commentaires s'apparentaient à des moqueries. Je me réjouis donc d'observer que sur tous les bancs, le constat est aujourd'hui partagé : la consommation de pornographie à un très jeune âge a des conséquences particulièrement néfastes. Selon un sondage publié par le journal Le Parisien avant-hier, 58 % des hommes ayant été exposés à la pornographie avant l'âge de 11 ans estiment que, dans le feu de l'action, il n'est pas nécessaire de demander le consentement de son ou de sa partenaire, ou d'avoir son accord. Ce chiffre évocateur révèle la finalité de notre combat. Aussi est-il important, après avoir adopté l'article 1er , d'adopter également l'article 2.
M. Erwan Balanant applaudit.
Je crois que, quels que soient notre couleur politique ou le parti auquel nous nous rattachons, nous estimons tous dans cet hémicycle devoir réprimer fermement les cyniques et les criminels qui font de l'argent en mettant en péril l'intégrité et le bien de nos enfants. Les contenus pornographiques auxquels ils les laissent accéder à un âge où ils se construisent ont en effet les conséquences désastreuses que nous connaissons, sur les enfants d'aujourd'hui comme sur les adultes qu'ils deviendront. De nombreuses études en témoignent. Le référentiel dont nous venons de débattre constituera, c'est ma conviction, un outil concret pour protéger notre jeunesse.
Mais ce référentiel seul est insuffisant. Nous devons adopter des mesures permettant de réprimer fermement ceux qui viendraient à ne pas le respecter. C'est ce que proposent les députés du Rassemblement national au travers des amendements qu'ils défendront. Nous espérons que la majorité sera à l'écoute de nos propositions. L'article 2 que nous nous apprêtons à discuter peut et doit être enrichi pour notre jeunesse, pour nos enfants, pour tous les mineurs exposés à la pornographie, qui doivent être protégés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
De quoi est-il question à l'article 2 ? Nous sommes tous d'accord, c'est vrai, sur la nécessité absolue de protéger nos mineurs d'une exposition précoce à la pornographie. Il n'y a pas de débat sur ce point. C'est la raison pour laquelle la loi de 2020 a été votée, et c'est aussi pour cette raison que pouvoir a été donné à l'Arcom de saisir l'autorité judiciaire. Or ces mesures n'ont pas été efficaces, pour des raisons déjà exposées : les principaux diffuseurs de contenus pornographiques ne souhaitent pas se conformer à la loi et ont mobilisé tous les moyens dont ils disposaient pour contester en justice les sanctions qui leur étaient infligées. Aujourd'hui, nous attendons encore la fin des procès en cours.
Le problème, c'est que l'article 2 transfère le pouvoir judiciaire à un pouvoir administratif : l'Arcom, en charge de l'élaboration du référentiel, va ainsi édicter les règles et les faire appliquer ! Ce principe est tout à fait contraire à celui qui régit notre société : ce ne sont pas les mêmes pouvoirs – législatif, exécutif et judiciaire – qui décident des règles, qui les font appliquer et qui infligent ensuite la sanction. L'article 2 crée une exception, une sorte de bulle dans laquelle un seul et même pouvoir pourra édicter la règle, la modifier – vous avez dit vous-même, madame la rapporteure, qu'on lui avait donné carte blanche à ce sujet –, mais aussi l'appliquer et infliger la sanction. C'est un pouvoir considérable qui est ainsi remis entre les mains de l'Arcom ; je suis pourtant certaine que nous ne souhaitons pas le lui confier en totalité. Il faut absolument séparer l'exécutif du judiciaire.
M. Andy Kerbrat applaudit.
Le Gouvernement a souhaité substituer à la procédure judiciaire une procédure administrative qui serait menée de bout en bout par l'Arcom, sous le contrôle a posteriori du juge administratif. Je souhaite saluer les évolutions intervenues en commission : l'adoption de certains des amendements du groupe Socialistes et apparentés a permis que soit retenu le montant de sanction le plus élevé en cas de récidive. Les amendements que nous défendrons au cours de la discussion en séance visent à renforcer encore l'obligation de résultat et de respect du code pénal, indépendamment de la mise en œuvre du référentiel. Ils proposent également de rendre automatiques les sanctions financières ou le blocage des sites : en l'état actuel, le texte ne fait que les rendre possibles. Nous estimons que, dès lors que les plateformes ne respectent pas une mise en demeure, elles doivent être sanctionnées et bloquées.
Notre groupe regrette enfin que le dispositif de sanctions ne soit basé que sur le référentiel. Il nous semble nécessaire de maintenir un mécanisme de sanctions indépendant de celui-ci. Dès lors qu'une plateforme expose des mineurs à des contenus pornographiques, il est normal qu'elle soit sanctionnée. C'est le bon sens qui doit l'emporter dans nos débats sur l'article 2.
La parole est à M. Andy Kerbrat pour soutenir l'amendement n° 401 , qui tend à supprimer l'article.
Vous allez certainement nous dire : « Encore un amendement de suppression ! »
Sans doute direz-vous aussi que les Insoumis ne veulent pas protéger les enfants, qu'ils refusent tout, ou que sais-je encore.
Il y a tout de même lieu de s'interroger sur le transfert de compétences démocratiques que vous souhaitez opérer depuis l'instance judiciaire vers l'Arcom – Mme Amiot vient de vous en alerter. Ce transfert vers le pouvoir administratif, qui est un pouvoir discrétionnaire par nature, ne va-t-il pas à l'encontre de l'État de droit ?
Après l'article 1er qui introduit l'identité numérique, l'article 2 porte un dernier coup de rabot et ouvre la voie à des usages arbitraires, dans d'autres temps et dans d'autres mains. Les exemples étrangers ont abondamment été cités, en particulier par M. le ministre délégué ; pour sa part, M. le rapporteur général a estimé – avec raison – qu'il était préférable de ne pas se comparer aux autres. En l'espèce, pourtant, vous reproduisez fidèlement la loi que vient d'adopter la Grande-Bretagne, qui prévoit un transfert de compétences du judiciaire vers l'administratif. Toutes les associations britanniques de défense des libertés s'insurgent contre ce dispositif. Vous-mêmes êtes interpellés par les acteurs concernés, comme vous l'avez été au sujet de l'article 1er . Vous ne les avez pas écoutés et avez essayé de les rassurer lors du débat ; quant à moi, je suis loin d'être rassuré.
S'agissant de ce nouvel article, nous avons été saisis par La Quadrature du net, le Syndicat du travail sexuel (Strass) ou encore Act Up-Paris, qui travaillent avec le monde pornographique : votre méthode risque d'entraîner un affaiblissement général des moyens de prévention, que les algorithmes des plateformes rendent déjà presque inexistants. La situation risque d'empirer. Nous voulons tous lutter contre l'accès des enfants à la pornographie, mais il faut aussi penser à la santé sexuelle. À l'heure où les infections sexuellement transmissibles (IST) sont en recrudescence, où les féminicides se multiplient et où sévit une violence systémique, il faut employer les bons outils – la censure n'en fait pas partie.
Prenons l'exemple du chemsex, la prise de drogue lors de rapports sexuels, véritable fléau dans la communauté LGBT. Plusieurs documentaires de sensibilisation diffusés sur des plateformes et des « tubes » à l'intention des personnes homosexuelles, premières victimes du chemsex, ont été censurés par les algorithmes. Votre projet de loi n'offre aucune sécurité de ce point de vue, et manque sa cible. Nous n'avons d'autre choix que de nous y opposer. Si l'article 2 est maintenu, nous proposerons des amendements de repli pour limiter la casse et éviter le transfert de compétences que vous préconisez.
Votre raisonnement m'échappe, monsieur le député. En commission spéciale et depuis hier en séance, nous avons affirmé qu'il était nécessaire de préciser l'obligation de résultat liée à l'article 227-24 du code pénal. Vous nous l'avez demandé, nous nous sommes emparés du sujet et nous l'avons inscrit dans le projet de loi, en renforçant sa force juridique – ce sera l'objet de l'amendement suivant. L'article 1er impose une obligation de moyens, tandis que l'article 2 impose une obligation de résultat.
Alors que vous clamez depuis des semaines votre attachement à l'obligation de résultat, vous déposez un amendement de suppression qui l'annule de facto. Je ne comprends pas.
L'ambition qui sous-tend les deux premiers articles est de protéger les mineurs contre la pornographie. Je le répète : si nous sommes réunis ici, c'est parce que la loi en vigueur ne fonctionne pas. Aucune sanction n'a été prononcée à l'encontre des éditeurs de sites pornographiques depuis la loi de 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Par ce projet de loi, nous cherchons à élaborer des solutions concrètes pour empêcher les mineurs d'accéder à la pornographie. Vous affirmez depuis hier que les moyens de prévention sont inefficaces, et que seule l'éducation permet de résoudre le problème. L'éducation constitue certes un moyen, mais elle n'est pas la solution unique pour protéger la santé des mineurs. Pour toutes ces raisons, et pour tant d'autres que je pourrais développer, mon avis est défavorable.
Je suis troublé, monsieur le député : les arguments que vous venez d'exposer, qui sont parfaitement légitimes, sont rigoureusement contradictoires avec ceux que vous avez exprimés pour rejeter l'article 1er .
Hier, vous vous êtes fait le porte-parole des associations qui condamnent farouchement le référentiel : il faut vérifier l'âge des internautes, disiez-vous, quoi qu'il en coûte pour la vie privée – les conditions du respect de cette dernière, vous vous en fichiez. C'est l'un des premiers arguments que vous avez avancés pour vous opposer à l'article 1er . Aujourd'hui, pour rejeter l'article 2, vous relayez un argument totalement contraire, celui de La Quadrature du net, qui s'oppose à ce que l'Arcom soit investie du pouvoir de blocage – quoi qu'il en coûte pour les enfants. J'ai du mal à vous suivre. Soit vous êtes attaché au respect de la vie privée, auquel cas vous devriez accueillir favorablement l'article 1er et le référentiel qui encadre les décisions de l'Arcom pour protéger l'intimité et les données personnelles ; soit vous êtes attaché à la santé des enfants, quelles qu'en soient les conséquences pour les données personnelles, auquel cas vous devriez applaudir des deux mains l'article 2 qui confie à l'Arcom des pouvoirs de police et de blocage à l'encontre des sites qui violent le code pénal – quelles que soient les méthodes utilisées pour vérifier l'âge des internautes.
Je reconnais qu'il faut être vigilant lorsqu'on transfère des compétences du juge vers une autorité administrative : toutes les garanties et tous les moyens de recours sont-ils réunis ? C'est le cas du présent projet de loi. Quand un transfert est décidé, il doit évidemment se limiter aux domaines dans lesquels l'autorité administrative est compétente. Aucun des aspects qui requièrent l'indépendance du juge, son impartialité, sa capacité de jugement et sa connaissance de la jurisprudence ne doit tomber dans l'escarcelle de l'autorité administrative. En l'occurrence, il n'est pas question de demander à cette dernière de déterminer, à la place du juge, si une pratique peut être considérée comme illégale à la lumière de la jurisprudence. Il est uniquement demandé à l'autorité administrative de vérifier si, oui ou non, un site internet contrôle l'âge de ses utilisateurs. Il serait indigne d'alourdir la charge des magistrats avec cette question parfaitement binaire – d'autant que le référentiel élaboré par l'Arcom en précisera les contours. Aussi est-il légitime de confier cette faculté à l'autorité administrative.
Comme mes collègues du Rassemblement national, je ne comprends pas les motifs de cet amendement de suppression de l'article 2. Lorsque nous avons débattu de l'article 1er , nous nous sommes accordés pour considérer qu'il fallait vérifier l'âge des internautes, et qu'un référentiel était nécessaire – le problème étant de savoir comment le cadrer. Malheureusement, le Gouvernement n'a pas répondu à nos interrogations en la matière.
Nous partageons votre inquiétude quant au transfert de compétences du juge vers une autorité administrative. Toutefois, la suppression de l'article 2 ferait disparaître le référentiel et les dispositions pénales visant les sites qui ne vérifient pas l'âge de leurs utilisateurs. Autant dire que nous ferions tomber l'intégralité du dispositif, ce que nous ne souhaitons pas.
Le référentiel devait être cadré – il ne l'a malheureusement pas été. Maintenant qu'il existe, il faut pouvoir l'utiliser et condamner les sites qui ne le respectent pas.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Les systèmes actuels sont inefficaces – cela a été dit –, et il faut absolument réprimer les diffuseurs qui ne jouent pas le jeu : j'en suis convaincue. Les carences actuelles s'expliquent par une raison simple : la justice manque de moyens humains et financiers. Pour éviter de donner à la justice les moyens qui lui permettraient d'appliquer véritablement la loi, vous mettez les pouvoirs entre les mains d'une autorité administrative.
Est-ce parce que vous n'avez pas le courage d'investir dans la justice ?
Est-ce pour trouver absolument une solution à moindres frais – ce qui serait inquiétant ?
À l'approche de l'examen du projet de loi de finances (PLF), nous devons dédier les moyens nécessaires à la justice pour qu'elle puisse appliquer la loi. Puisque la loi existe déjà, appliquons-la.
Cela n'a rien à voir avec un quelconque manque de moyens de la justice, madame Amiot : les autorités administratives que sont l'Arcom et la Cnil coûtent elles aussi de l'argent. Ce n'est pas une question de moyens, mais d'efficacité.
Oui, monsieur Kerbrat, il faut être efficace dans la protection des enfants contre la pornographie. Je me prends à douter de votre volonté d'atteindre cet objectif.
L'article 2 répond aux préoccupations que nous avons exprimées en commission spéciale. Plusieurs d'entre nous ont craint que des pouvoirs excessifs soient confiés à l'Arcom, et que le référentiel ne soit pas suffisamment contraignant au regard de la loi et de l'article 227-24 du code pénal. Le dispositif auquel nous avons abouti me semble efficace. Il permettra, d'une part, de prononcer des sanctions administratives et financières, et d'autre part, d'appliquer les sanctions prévues par le code pénal. Que pourrions-nous faire de mieux ? Le dispositif sera-t-il suffisamment efficace et opérant ? L'expérience le montrera.
Depuis le début de nos débats, je suis assez étonné par votre manque de volonté – je vous l'ai dit, monsieur Kerbrat, ainsi qu'à vous, chers collègues de la NUPES –, voire par votre vision très libérale du sujet. C'est surprenant.
Il faut absolument maintenir l'article 2, car il contient la mesure la plus importante : la capacité donnée à l'Arcom de déréférencer et de bloquer les sites fautifs. Cette mesure doit être crédible et dissuasive pour les grandes plateformes internationales gratuites.
Mme Ségolène Amiot s'exclame.
L'objectif n'est pas de déréférencer et de bloquer, mais de brandir une menace suffisamment crédible pour que les sites appliquent enfin la loi, trois ans après que le Parlement l'a votée. Voilà pourquoi cet article doit être préservé à tout prix.
Il nous paraît efficace de demander à l'Arcom, plutôt qu'à des magistrats, de vérifier si les sites appliquent le référentiel et les modalités de vérification de l'âge, et s'ils remplissent leur obligation de résultat – à savoir, ne pas exposer les mineurs à la pornographie. Cela ne signifie pas pour autant que le juge est mis de côté. Si l'Arcom ne fait pas bien son travail, la justice sera saisie ; et s'il apparaît une ambiguïté quelconque, le juge tranchera in fine.
En résumé, le système que nous proposons sera efficace, car simple à mettre en place, et crédible, car dissuasif. Il ne faut donc surtout pas voter l'amendement de suppression de l'article 2.
L'amendement n° 401 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 886 .
Il fait suite à la discussion que nous menons depuis hier pour renforcer l'obligation de résultat. L'article 2 prévoit de compléter le dispositif de l'article 227-24 du code pénal afin de prévoir un nouveau mécanisme de sanction administrative, et non plus judiciaire, de blocage et de déréférencement des sites ainsi qu'une sanction pécuniaire des services de communication au public en ligne, des fournisseurs d'accès à internet, des fournisseurs de systèmes de résolution de noms de domaine, des moteurs de recherche et des annuaires.
En cohérence avec les mesures adoptées hier, l'amendement tend à supprimer la mention du référentiel et à ajouter celle de la violation de l'article 227-24 du code pénal.
Sur le vote de l'amendement n° 107 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Sur le vote de l'amendement n° 51 ainsi que sur celui des amendements identiques n° 3 , 52 et 228 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Favorable. L'amendement est très important pour ceux qui tenaient à ce qu'apparaisse clairement l'obligation de résultat, c'est-à-dire la conformité à l'article 227-24 du code pénal. Son adoption permettra ainsi de rattacher le pouvoir de police administrative confié à l'Arcom à la violation de cet article.
Cet article est étrange en ce qu'il comporte deux dispositions qui, sans être exclusives l'une de l'autre, emportent des conséquences distinctes. Tout d'abord, vous voulez substituer à l'article 10 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique l'article 227-24 du code pénal, que vous érigez en norme primordiale. Ensuite, vous prévoyez de viser, non plus les sites qui mettent à la disposition du public des contenus pornographiques, mais ceux qui permettent à des mineurs d'avoir accès à un contenu pornographique. Cette modification nous préoccupe en ce qu'elle amènera à placer des hébergeurs comme OVH sous le coup d'une sanction pénale et non plus seulement d'une décision administrative, parce qu'ils permettent d'accéder à des sites pornographiques. Ce sera la double peine pour l'hébergeur ! Nous ne voterons pas l'amendement.
Il faut engager l'Arcom dans la lutte contre les hébergeurs qui ne respectent pas leur obligation de vérifier l'âge des personnes désireuses d'accéder à des contenus pornographiques. Le dispositif me satisfait d'autant plus qu'il répond à l'une des recommandations du rapport d'information que j'ai rédigé au nom de la délégation aux droits des enfants, en mars dernier.
L'amendement tend à parfaire l'information de l'éditeur d'un site qui ne se conformerait pas à la loi, en précisant que l'Arcom lui fait part, en plus de ses observations et avant la mise en demeure, de la nature des sanctions encourues, afin de le dissuader de poursuivre dans cette voie et de l'inciter à prendre les mesures nécessaires pour vérifier l'âge des utilisateurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
En proposant cet amendement, vous vous mettez du côté des éditeurs de sites pornographiques dont vous tenez à assurer « l'information complète ». Je ne tiens pas particulièrement à faire de la pédagogie avec les éditeurs de sites pornographiques. Cela fait plusieurs années qu'ils sont censés prendre les mesures adaptées pour se conformer à une loi qu'ils connaissent parfaitement et qu'ils savent fort bien contourner ! Je n'ai aucun doute qu'ils témoignent d'un grand intérêt pour les dispositions que nous votons. Nul n'est censé ignorer la loi. Avis défavorable.
Un scrutin public avait été demandé sur le vote de mon amendement n° 107 que l'adoption de l'amendement de la rapporteure a fait tomber. J'appelle votre attention sur le risque d'inconstitutionnalité pour rupture d'égalité d'une disposition de vérification de l'âge qui ne viserait que les sites pornographiques. Nous devrons trouver une solution. C'est ce à quoi je m'étais employé en déposant cet amendement de cohérence avec celui déposé à l'article 1er , mais nous ne pourrons malheureusement pas en discuter.
Par ailleurs, la technique du double anonymat perd de son sens si on la limite aux sites pornographiques : le tiers de confiance saura forcément pourquoi l'utilisateur souhaite justifier sa majorité. Nous devrons y réfléchir mais je ne veux pas anticiper le débat que nous aurons à l'article 15 pour s'assurer de l'âge de ceux qui souhaitent accéder aux Jonum, autrement qu'en cochant une simple case.
Petit clin d'œil à certains de nos collègues qui viennent sans doute de comprendre l'intérêt de pouvoir prendre la parole même si l'on n'a rien à dire sur l'amendement en cours de discussion.
Sourires.
Si votre amendement n'était pas tombé, monsieur le député, j'aurais émis un avis extrêmement défavorable car il aurait fragilisé l'article 2 alors que nous ne pouvons pas prendre le moindre risque d'inconstitutionnalité. Sa rédaction, qui fait référence à l'article 227-24 du code pénal, a obtenu l'agrément du Conseil d'État grâce aux nombreuses garanties qui l'entourent.
En revanche, si vous aviez élargi le champ d'application de l'article aux contenus interdits aux mineurs, vous auriez créé une obligation nouvelle et élargi excessivement le pouvoir de police de l'Arcom alors qu'il n'existe dans notre droit qu'un seul cas dans lequel il faut vérifier la majorité des utilisateurs : l'accès aux sites pornographiques. C'est pour cette raison que le Conseil d'État a rendu un avis favorable à l'article 2. Évitons de détricoter en séance ce qui a été patiemment tissé en commission pour protéger les mineurs !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 20
Contre 48
L'amendement n° 51 n'est pas adopté.
L'amendement tend à réduire de quinze à sept jours le délai de réponse de l'éditeur d'un service de communication au public en ligne permettant d'accéder à des contenus pornographiques, qui a reçu un courrier de l'Arcom pour ne pas avoir respecté les caractéristiques techniques du référentiel mentionné à l'article 1er . Ce délai nous semble plus adapté dans la mesure où l'enjeu en cause, la protection de l'enfance, est suffisamment grave pour appeler une réponse rapide et efficace. Il laisse de surcroît un délai suffisant à l'éditeur concerné pour adresser ses observations à l'Arcom.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous souhaitons raccourcir au maximum les délais, actuellement trop importants, entre les différentes étapes de la procédure pour accélérer celle-ci et mieux protéger nos enfants. Nous proposons donc de réduire de quinze à sept jours le délai de réponse de l'éditeur d'un service de communication en ligne à l'Arcom.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous en avons discuté en commission. Je ne suis pas favorable à votre proposition car nous devons respecter le principe du contradictoire.
Permettez-moi de vous rappeler le déroulement de la procédure qui devrait durer une trentaine de jours avant que ne soit prise une mesure de sanction. Dans un premier temps, l'Arcom adresse un courrier à l'éditeur s'il manque à ses obligations. Celui-ci dispose d'un délai de quinze jours pour répondre. Vous souhaitez le réduire à sept jours alors que c'est l'ensemble du service qui est exposé à des sanctions. À l'issue de ces quinze jours, l'éditeur peut être mis en demeure de se conformer à la loi sous quinze jours. Au terme de ce délai, trois sanctions peuvent être prises. Elles peuvent être pécuniaires, pour un montant qui varie selon que l'éditeur n'aura rien fait ou aura tenté d'installer un système. Les fournisseurs d'accès à internet reçoivent en parallèle la notification de bloquer le site dans les quarante-huit heures tandis que les moteurs de recherche ont deux jours pour déréférencer.
La procédure me paraît équilibrée. Je comprends votre volonté d'aller encore plus vite mais prenons garde à ne pas bafouer le principe du contradictoire. Avis défavorable.
Même avis. Nous voudrions tous aller plus vite mais nous ne pouvons prendre le risque de violer le principe constitutionnel du contradictoire, d'autant plus que nous nous apprêtons à transférer un pouvoir de police de l'autorité judiciaire à l'autorité administrative. Le Gouvernement sera donc défavorable à tous les amendements qui tendraient à accélérer la procédure ou à la rendre automatique.
Ne cédons pas à la tentation de bâtir un dispositif qui donnerait simplement l'illusion de l'efficacité et de la sévérité. Bien sûr, nous voudrions tous réduire les délais mais, même si nous défendons la cause des enfants, nous devons respecter les principes fondamentaux d'un État de droit, qu'il s'agisse des droits de la défense ou du droit à un procès équitable. Nous ne voterons pas l'amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 17
Contre 60
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 343 .
La loi de 2020 sur les violences conjugales, qui impose aux sites pornographiques de vérifier l'âge de leurs utilisateurs, n'est pas respectée, comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises dans nos débats. D'après l'étude d'impact du projet de loi, le titre Ier a pour objectif de « lutter contre l'exposition concrète des mineurs » à la pornographie. Or, au-delà des doutes que nous avons sur le principe même du référentiel proposé, nous pensons que la rédaction actuelle de l'article 2 n'est pas optimale pour lutter contre l'accès des mineurs aux sites pornographiques.
Les sanctions prononcées à l'encontre des sites n'ayant pas mis en place un système de vérification de l'âge sont pour l'instant facultatives. C'est le verbe « pouvoir » qui est employé dans l'article 2 : l'Arcom pourrait ainsi mettre en demeure les éditeurs de sites, elle pourrait assortir cette mise en demeure d'une injonction de prendre toute mesure visant à empêcher les mineurs d'accéder aux contenus pornographiques, elle pourrait demander le déréférencement de ces sites, et ainsi de suite.
Pour que les sanctions décidées par l'Arcom soient appliquées et donc dissuasives, elles doivent être automatiques. C'est ce que nous proposons dans cet amendement.
Si nous avons choisi « peut » et non « doit », c'est pour des raisons juridiques. Avec l'automaticité que vous proposez, l'Arcom appliquerait une sanction à l'éditeur de sites pornographiques ne s'étant pas conformé à ses obligations dès l'expiration du délai de quinze jours dont il dispose pour répondre à la première lettre. Autrement dit, elle ne tiendrait même pas compte de ses observations, ce qui reviendrait à le sanctionner directement sans attendre sa réplique. Il importe de respecter le principe du contradictoire. Avis défavorable.
L'amendement n° 343 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Si nous votons en faveur de la mise en place de la vérification d'âge pour l'accès à des contenus pornographiques, nous devons être en mesure de sanctionner le non-respect des obligations, source de danger pour nos enfants. Laisser à l'Arcom la possibilité de mettre l'éditeur en demeure, après avis du président de la Cnil, n'a pas de sens. La formulation actuelle est trop floue. Il nous faut être intransigeants.
Cet amendement aurait sans doute pu être mis en discussion commune avec le précédent, qui repose sur le même argumentaire. Pendant l'examen de l'article 1er , vous avez passé votre temps à nous reprocher d'accorder trop de pouvoirs à l'autorité administrative ; à l'article 2, alors même que nous encadrons ses interventions, vous voulez sauter les étapes en ne respectant pas la procédure contradictoire. Je ne comprends pas votre raisonnement. Avis défavorable.
L'amendement n° 53 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Francesca Pasquini, pour soutenir l'amendement n° 75 .
Une nouvelle fois, vous voulez imposer les abus du monde réel au digital. Après les arrestations arbitraires lors des révoltes et des manifestations contre la réforme des retraites, vous continuez à bafouer la liberté au détriment de la justice et au profit du tout-exécutif. Bloquer l'accès à des sites web, quelle que soit leur nature, relève et doit continuer à relever d'une décision de justice. Confier ce pouvoir à l'Arcom, c'est ouvrir un champ des possibles d'une ampleur inimaginable. Il s'agira de sanctionner sans procédures, sans prouver, sans rendre des comptes. Je me demande sincèrement si vous comprenez qu'internet est un espace où l'on doit respecter les mêmes devoirs et les mêmes normes juridiques que dans la réalité.
Ce projet de loi ne doit pas servir de nouveau terrain à vos tentations liberticides après la rue et l'espace public. Nous ne pouvons créer une justice parallèle sous prétexte qu'il s'agit de numérique. Les sites web, en tant qu'entreprises, en tant que services, relèvent de l'économie. Les fermer sans passer par la justice ne vous serait jamais venu à l'esprit s'il s'agissait d'entreprises physiques. Comme dans de nombreux articles de ce projet de loi, vos intentions sont louables mais les moyens auxquels vous recourez sont dangereux. Personne n'est assez dupe pour croire que vous réserverez ces procédures aux sites pornographiques.
Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises. Vous nous reprochez de sanctionner sans suivre de procédures et sans rendre de comptes mais je crois que nous n'avons pas le même texte sous les yeux. Nous voulons faire en sorte que les sanctions prévues par la loi soient efficaces. Pour atteindre cet objectif, nous assumons de passer par un juge administratif devant lequel des recours pourront être déposés s'agissant des sanctions prononcées comme c'est le cas pour toute décision administrative.
Nous pourrons toujours donner tous les moyens à la justice, la question est de savoir comment agir rapidement et efficacement pour protéger les mineurs en ligne. N'oublions pas que le fait que certains propos ou images soient diffusés sur un support numérique, visible par des millions de personnes, constitue une circonstance aggravante.
Votre amendement propose de revenir au système actuel qui, nous le savons, ne fonctionne pas depuis 2020. Nous nous opposons au rétablissement du rôle du juge judiciaire, qui rallongera les procédures. Avis défavorable.
Je soutiendrai l'amendement de notre collègue Taché. Depuis le début de nos discussions, nous refusons catégoriquement que l'on transfère des pouvoirs judiciaires à l'autorité administrative. Ce qui est en jeu ici, ce n'est pas la régulation, ce sont les droits fondamentaux parmi lesquels figurent le droit d'accès à internet et le droit d'expression dans l'espace numérique. Nous considérons qu'il appartient au juge de se prononcer sur les atteintes à la loi.
Vous nous dites que les procédures de la justice classique prennent trop de temps. Eh bien, accordez-lui les moyens nécessaires pour aller plus vite au lieu de la déposséder de ce primat !
Si cet amendement est adopté, l'Arcom pourrait saisir le juge en référé pour faire fermer un site ne se conformant pas au référentiel et obtenir une décision en vingt-quatre ou quarante-huit heures.
Je ne comprends pas pourquoi vous dites « non », monsieur le ministre délégué. J'aimerais que vous vous expliquiez.
J'ai l'impression que certains oublient que le dispositif qui figure dans le projet de loi existe déjà dans d'autres domaines et qu'il n'est contesté par personne. En cas de péril imminent, Pharos, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements, peut demander le retrait d'un contenu ou la suspension de comptes, procédures pour lesquelles il ne semble pas nécessaire de recourir au juge. Nous avons eu le cas récent de snuff movies : si leurs auteurs ont été arrêtés rapidement, c'est bien parce que la plateforme a pu agir sans délai.
Il m'arrive parfois d'émettre des réserves au sujet de textes issus de la majorité à laquelle j'appartiens lorsqu'ils comportent des glissements vers la police administrative au détriment du judiciaire. En l'occurrence, nous pouvons être convaincus par l'explication donnée par le ministre sur le rôle de l'Arcom. Elle n'aura pas à apprécier des éléments de contexte – pornographie ou érotisme, présence ou non d'animaux – mais seulement à se prononcer sur la conformité aux obligations liées à la vérification de l'âge. Ce serait faire preuve de mépris à l'égard des juges que de leur demander d'exercer ce type de contrôle alors qu'une autorité administrative, dont c'est la mission, pourra parfaitement s'en occuper, qui plus est en toute efficacité puisqu'elle sera la seule à le faire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 75 n'est pas adopté.
Mes chers collègues, je vous informe que nous avons examiné quarante-huit amendements en trois heures trente, soit treize par heure. Si nous conservons ce rythme, il nous faudra soixante-trois heures pour achever la discussion du texte.
L'amendement n° 895 de Mme la rapporteure est un amendement de coordination.
Vous avez vu, chers collègues, tous ces amendements qui tombent : un véritable placage en pleine Coupe du monde de rugby.
Sourires.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l'amendement n° 624 .
Nous souhaitons alerter l'assemblée sur la mise à l'écart du juge judiciaire au profit de l'administration pour ce qui est du pouvoir de sanction et de blocage. Si le groupe GDR partage l'impératif mis en avant par le projet de loi d'empêcher l'accès des mineurs à la pornographie, il s'interroge sur le contournement du juge, sous prétexte qu'il faut agir en urgence. Notre position à ce sujet est constante. Nous avons adopté un point de vue identique en matière de blocage des contenus terroristes, pédopornographiques et de tous les contenus dangereux pour l'État de droit. Nous sommes conscients de la longueur des procédures judiciaires, de la pénurie de juges et du manque cruel de moyens dévolus à la justice mais si nous voulons qu'elle fonctionne mieux et que les délais soient raccourcis, mieux vaut abonder son budget que contourner le juge.
Notre collègue a déjà tout dit. Notre opposition n'est pas de principe. Pour nous, il n'y a ni incohérence ni contradiction : il s'agit de défendre les individus en garantissant leur anonymat face aux plateformes et leur capacité à s'entraider, en se protégeant les uns les autres grâce à l'information pour échapper à la censure préventive. Comme l'a dit notre collègue Chikirou, nous sommes favorables à ce que l'Arcom puisse saisir la justice et obtenir dans un délai de quarante-huit heures la fermeture d'un site.
L'amendement n° 624 n'est pas adopté.
Il vise à garantir que les plateformes pornographiques ne s'étant pas conformées aux mises en demeure de l'Arcom se voient appliquer une sanction financière. Dans la rédaction actuelle, en effet, l'Arcom « peut [la] prononcer » ; il conviendrait qu'elle la « prononce » effectivement. N'oublions pas que les plateformes ont quinze jours pour formuler leurs observations une fois reçue la lettre de l'Arcom et qu'elles disposent d'un autre délai de quinze jours pour se mettre en conformité avec le référentiel après la mise en demeure. C'est à l'expiration de ce deuxième délai qu'interviendrait la sanction, et pour que le droit soit dissuasif, elle doit être effective.
Permettez-moi de revenir sur le sondage de l'Ifop paru cette semaine, que mon collègue Gouffier Valente a cité tout à l'heure : il démontre que les comportements évoluent avec l'âge. Ainsi, lorsqu'on a été exposé à des sites pornographiques pour la première fois avant 15 ans, on a deux à trois fois plus tendance à ne pas vérifier le consentement de la partenaire. Or, rappelons que 70 % des garçons de moins de 15 ans sont exposés à ces sites. C'est pourquoi il importe que l'interdiction d'accès pour les mineurs soit effective. Le droit doit être suffisamment dissuasif et doit s'appliquer, avec des sanctions à la clé.
Il est tout à votre honneur de vouloir que les sanctions soient prononcées. Toutefois, votre amendement les rend automatiques. Le blocage d'un site contrevenant représente une sanction lourde, puisqu'il le fait complètement disparaître d'internet. Laissons le soin à l'Arcom de déterminer la sanction administrative la plus appropriée : elle pourrait très bien prononcer, dans un premier temps, une sanction financière avant de demander le blocage ou le déréférencement du site. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
Vous évoquez le blocage mais l'alinéa 4 fait également référence à des sanctions pécuniaires. Je ne suis donc pas sûr que votre réponse soit adéquate, puisque nous pourrions décider que la sanction soit, à la base, financière.
Je vous invite plutôt à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 889 de Mme la rapporteure est un amendement de coordination.
L'amendement n° 892 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je présenterai également l'amendement n° 54 .
Ces amendements proposent d'aggraver les sanctions pécuniaires prévues à l'article 2. En l'état, elles ne semblent pas toujours suffisantes compte tenu de la gravité des faits en cause. Rappelons qu'il s'agit par exemple de la défaillance d'une personne qui édite un service de communication au public en ligne permettant d'avoir accès à des contenus pornographiques, et qui s'est abstenue d'instaurer un système de vérification de l'âge.
Ces comportements doivent être sanctionnés avec sévérité et fermeté : la protection de notre jeunesse est en jeu et nous connaissons tous les répercussions que cela peut avoir sur cette dernière. C'est pourquoi, si des aggravations ont été retenues en commission spéciale, il convient de les compléter en doublant les montants maximaux mentionnés – de 75 000, 150 000, 250 000 ou encore 500 000 euros –, qui demeurent insuffisants. Les bénéfices économiques que ces sites en retirent ne sauraient être mis à mal par des sommes si faibles ; les sanctions n'auraient donc pas un réel effet dissuasif.
De même, il convient d'augmenter la sanction calculée sur le pourcentage du chiffre d'affaires annuel, en prévoyant un taux maximal plus important fixé à 2 %, 4 %, 8 % voire 12 % selon la situation, en fonction de la gravité du manquement ou de son caractère répétitif par exemple.
Seule une politique de fermeté et de dissuasion protégera notre jeunesse : l'urgence et le sérieux de la situation l'exigent.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 54 de Mme Christine Loir vient d'être défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Permettez-moi de vous rappeler ce qui a été fait, avec votre soutien d'ailleurs, par la commission spéciale : nous avons déjà augmenté le délai de réitération du manquement et prévu que le plus élevé des deux montants soit retenu dans ce cas ; nous avons également renforcé les plafonds de sanctions des sites dont le dispositif de contrôle ne serait pas conforme au référentiel. Les sanctions désormais encourues me semblent donc raisonnables.
Enfin, il faut prendre garde à ne pas dépasser les seuils prévus dans le Digital Services Act (DSA). Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable.
Par rapport à ce que gagnent ces sites, c'est dérisoire ! Ça va bien les faire rigoler !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 63
Nombre de suffrages exprimés 63
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 17
Contre 46
L'amendement n° 421 n'est pas adopté.
L'amendement n° 54 n'est pas adopté.
Jusqu'où pouvons-nous aller dans les prérogatives confiées à l'autorité administrative, sachant que la suspension précédera tout recours possible ? Nous voulons pour notre part, nous l'avons assez répété, que l'autorité judiciaire soit saisie et puisse décider. En effet, nous ne savons pas comment les mentalités évolueront dans le temps et nous pourrions imaginer qu'un raidissement de la morale dans notre pays conduise une administration zélée à déclarer des sites consacrés à l'éducation sexuelle, par exemple, comme étant une promotion de la pornographie. Nous ne savons pas quelle sera la limite. Si l'autorité judiciaire n'est pas saisie pour statuer sur la base du droit, l'autorité administrative dispose d'une latitude qui s'apparente davantage à de l'arbitraire et qui peut menacer les libertés individuelles et la liberté d'expression.
Avis défavorable sur les deux amendements. Vous supprimez la sanction de déréférencement ou de blocage, qui peut venir s'ajouter aux sanctions financières. Je ne comprends pas pourquoi vous supprimez une des armes à notre disposition pour lutter contre les éditeurs de sites pornographiques.
Pourquoi voulons-nous supprimer cette disposition ? Tout simplement parce qu'elle n'est pas confiée à un juge mais à l'Arcom. L'idée n'est pas de retirer un outil, mais de ne pas concentrer tous les pouvoirs entre les mains d'une seule administration qui sera chargée de fixer la règle, de rechercher les contrevenants et de les punir.
L'amendement n° 893 de Mme la rapporteure est un amendement de coordination.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l'amendement n° 407 .
Il s'agit d'un amendement de repli du repli, l'idée étant de laisser aux mains de l'Arcom la sanction pécuniaire, mais de confier la sanction de censure au juge judiciaire, afin que celle-ci soit évaluée de manière proportionnée, grâce à l'œil avisé et sage du juge. Il nous semble vraiment important, s'agissant de censure, d'éviter toute dérive possible. Certes, il est essentiel d'intervenir rapidement face aux contenus pornographiques ou pédocriminels ; cependant, il est primordial de laisser le pouvoir de censure entre les mains du juge.
Défavorable. Vous voulez laisser aux mains du juge le déréférencement et le blocage. Cela signifie qu'en attendant sa décision, les images pornographiques, pédocriminelles et pédopornographiques continueront d'être accessibles aux mineurs ; cela revient à les laisser en libre accès.
Mme Ségolène Amiot s'exclame.
L'amendement n° 407 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra